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Full text of "Des arts graphiques destinés a multiplier par l'impression; considérés sous le double point de vue historique et pratique"

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THE LIBRARY 

OF 

THE UNIVERSITY 

OF CALIFORNIA 



PRESENTEDBY 

PROF. CHARLES A. KOFOID AND 

MRS. PRUDENCE W. KOFOID 




^^t^-^C^ 



DES 



ARTS GRAPHIQUES 



i 



( 



GEIfÉVE. — IMPRIMERIE RAMBOZ ET SCHUCHARDT 



{^DES ) 



iRTS GRAPHIQUES 

UlilSTINés 

A MULTIPLIER PAR L'IMPRESSION 



CONSIDÉRÉS SOUS LE DOUBLE POINT DE VUE 



HISTORIQUE ET PRATIQUE 



\ 



PAU 



J.-M.-HermaQ/HAMMANN ) 

Membre de la Classe des Beaux-Arts et de la Classe d'Industrie et de Commerce 

de la Société des Arts. 



Comnteut l'homme a-l-il fait pour fixer 
sa pensée? Quels moyens a-t-il employés 
ftour multiplier cette pensée une fois fixée 
et la propager? 



ta première de ces questions n'étant pas 
du ressort de l'auteur, il n'a fait que l'in- 
diquer; mais il a cherché à résoudre la 
seconde. 



GENÈVE 

JOËL CHERBULIEZ, LIBRAIRE-ÉDITEUR 

PAMS 

MÊME MAISON, RUE DE LA MONNAIE, 10 



1857 

L'auteur se réserve Id droit de traduction. 



DÉDIÉ //3 



AUX ARTISTES ET INDUSTRIELS 

DE GENÈVE 



Messieurs et chers collègues, 

h^^ arts graphiques, par leur nature particulière, qui 
ies rend propres à la décoration et à la multiplication, 
sont en rapport direct ou indirect avec toutes les in- 
dustries et tous les arts. Aussi Genève les a-t-elle vus de 
tout temps fleurir dans ses murs. 

Très-anciennement nous y voyons établies des fabri- 
ques d'armes ornées de gravures. Plus tard, aux dix- 
huitième siècle , la fabrication des montres occupe un 
grand nombre de graveurs décorateurs, et, comme cha- 
cun le sait, Rousseau fut graveur ayant d'être philosophe. 

La plupart de nos artistes distingués exercèrent cet 
art au début de leur carrière, et il nous suffira de citer 
Tôpffer père, Pradier, Chaponnière, MM. Hornung, Dor- 
cière, Deville, etc. 

La gravure des médailles faisant partie des arts plas- 
iiçaes ne nous occupera pas, non plus que les médail- 
leurs célèbres, tels que les Thiébaut, les Dassier et les 
Bovy; mais nous parlerons particulièrement de la gra- 
vure considérée comme moyen démultiplication. 

Dans la première époque de la typographie genevoise 
il y avait des graveurs sur bois : c'était ordinairement 
les imprimeurs eux-mêmes qui embellissaient leurs livres 
d'initiales, de vignettes et de sujets. Bernard Salomon, 
entre autres, qui vivait vers \ 550, tantôt à Genève, tantôt 



ivi351019 



VI 

à Lyon, futTun des plus habiles. On le nonunait le petit 
Bernard, à caase du petit format de ses planches. 

Le dix-septième et le dix-huitième siècle ont été ri- 
ches en graveurs genevois. Les portefeuilles des ama- 
teurs renferment un grand nombre de leurs estampes. 
On y remarque les gravures en taille-douce de Jean Si- 
monin (1633)(*) ; les vues de Chouet (1656), de Daudet 
(1669), de Jean Lacroix, de François Perrière; les vues 
et les portraits de François Diodati (né en 1647), de Ro- 
bert Gardelle (né en 1682) ; les ornements de Jean-Louis 
Durand (1673), et du serrurier Pierre Gignoux (né en 
1678); les cartes géographiques et les vignettes sur bois 
d'Antoine Chopy (1750); les eaux-fortes de G. Steiner 
(1775); les reproductions des grands maîtres, par Mi- 
chel Liotard (né en 1702, mort en 1796), frère du célè- 
bre peintre au pastel; les estampes de Pierre Soubeyran 
(né en 1 709) et de l'architecte Bovey ; les gravures d'a- 
près Wilter de Thomas Seguin ; le livre intitulé : Fay^li- 
cation dès médailles, par Jean Dassier (né en 1676^ mûct 
en 1763) et par son fils Jacob-Antoine (né en 1715, mort 
en 1759) représentant une suite de sujets tirés de l'his- 
toire romaine, gravés par eux-mêmes et imprimés à Pa- 
ris; les Plaisirs anglais, par T.-C. Portier (1787); et les 
vues de Genève, par C.-G. Geissler (1777). 

Beaucoup de peintres genevois de cette époque ma- 
nièrent, à côté du pinceau, la pointe et le burin. Les 
eaux-fortes de Jean Huber (né en 1721), honune d'esprit 
autant que peintre ingénieux , et celles du paysagiste 
distingué , Pierre-Louis de la Rive (né en 1 753) , jouis- 
sent d'une réputation méritée. 

Saint-Ours, le peintre d'histoire ; Adam Tôpffer, dont 

- (<) Voyez sar ces artistes l'excellent ouvrage de M. J.-J. Rîgaud, 
»ocieti syndic; tfW Mçuf-Arts â G«ï|ève, 1849, 



VII 

le pinceau est Pinterprète spirituel et original des scè- 
nes et des sites champêtres ; Jacques Agasse, qui peint 
si bien les animaux ; Ami Arlaud, célèbre par ses gra- 
cieux portraits du beau sexe de Londres; Louis Bouvier, 
auteur d'un traité de peinture et du portrait de M"** de 
Staël, qu'il peignit et grava lui-même; Henri TEvêque, 
peintre sur émail ; Antoine Linck, célèbre peintre à la 
gouache, se sont tous également essayés à la gravure. 

De nos jours, l'on préfère à la gravure sur cuivre la li- 
thographie, cet autre art graphique qui offre tant de 
facilités et de ressources , et chacun connaît ces auto- 
graphies spirituelles et pleines d'humour de Rodolphe 
Tôpffer qui jouissent d'une réputation européenne, et 
que l'on a souvent essayé d'imiter sans jamais atteindre 
à l'originalité et à la fraîcheur de l'auteur original. 

L'Album de la Suisse romane , les Esquisses d'ate- 
lier, publiées par une réunion d'artistes, et un grand 
nonibre d'autres publications, soit en feuilles, soit en 
recueils, contiennent de nombreuses planches dessinées 
sur pierre dans des manières et des genres différents, par 
presque tous les peintres genevois : MM. J. Coindet, Ai- 
meras, Guigon, Muntzberger, M'"^ Goy, H. Mottu, Char- 
les DuBois, H.-P. George, G. Castan, Fontanesie, S. De- 
lapeine, L. Mennet, Humbert, Lugardon fils, traitent 
le paysage et les animaux; MM. Hornung, d'Albert-Du- 
rade, Deville, E. Frégevise, Grosclaude, Langlois, Hé- 
bert , Elie Bovet , Abraham Bouvier , Gandon , font la 
figure; et MM. Dériaz, Aymonier , Blavignac traitent 
l'architecture et l'ornement. 

M. Hornung a remarquablement imité en lithographie 
^a vigueur des eaux-fortes ; MM. Diday, Calame et Guigon 
ont les premiers produit des dessins de paysage au lavis 
^tbographique ; M. Burdallet a excellé dans le dessin à 
la plume sur pierre, et M. Calame, sans se tenir aux gen- 



vm 

res ordinaires de la lithographie , les a heureusement 
mélangés pour en obtenir des effets nouveaux et plus 
beaux. C'est ainsi qu'il a traité avec succès le genre du 
lavis, la lithographie au pinceau et la manière noire au 
grattoir, et que ses eaux-fortes sur cuivre sont ce qu'il 
y a déplus remarquable en fait de gravure de paysages. M. 
Diday a également exécuté de belles eaux-fortes. Il vient 
de faire paraître deux magnifiques feuilles : l'Aar à la 
Handeck et le Temps orageux, autographiées dans le 
genre des eaux-fortes, habilement transportées sur pierre 
lithographique et imprimées avec une teinte par MM. 
Pilet et Cougnard, lithographes de notre ville. 

Les chalcographes de profession n'ont pas manqué à 
Genève, et il y en a eu de fort distingués. Remarquons 
entre autres Jacob Wielandy (dans la première moitié du 
dix-huitième siècle) ; Alexandre Chaponnier (né en 1 753); 
F.-D. Soiron ; Grand, peintre hollandais établi à Genève; 
Joseph Collart (né en 1754, mort en 1830); Charles-Si- 
mon Pradier (né en 1782, mort en 1847), frère du célè- 
bre sculpteur ; mais surtout Nicolas Schenker, élève du 
graveur parisien Macret. Schenker (né en 1760, mort en 
1848), habile à la taille et au pointillé, fut nommé direc- 
teur d'une école de gravure en taille-douce projetée en 
1790 et fondée en 1817 par la Société des Arts de Ge- 
nève, et qui a formé plusieurs bons élèves, tels que MM. 
Anspach, Deville, Verre, Millenet, ElieBovet, Bouvier. M. 
Abraham Bouvier, le seul qui ait continué la gravure sur 
cuivre et sur acier, a produit des planches remarquables 
dans divers genres de gravure, surtout dans la gravure au 
burin et dans la manière noire. Dans la première exposi- 
tion des produits de l'industrie genevoise, ouverte par la 
Classe d'industrie de la Société des arts en 1828(*) onre- 

[^) La première expositon publique de peinture eut lieu en 1789; 
mais jusqu'en 1828 on n'y Yoit point figurer de gravures. 



IX 



imcpi2Ai entre plusieurs produits des arts graphiques : 
Je portrait de Michel Cervantes, gravé par Bouvier; un 
portrait par Elie Bovet ; des planches de poissons, par 
Escuyer , et de plantes par Anspach, Millenet, Heyland 
et Bouvier. La Société des Amis des Arts , instituée en 
1822, a puissamment contribué à Tavancement delà 
gravure en taille-douce, en faisant graver de temps en 
temps, pour son compte, des portraits et des sujets. N'ou- 
hlions pas enfin les cartes géographiques de l'Atlas de 
la Suisse, exécutées sous la direction du général Dufour, 
dans le bureau topographique établi à Genève. Ces car- 
tes, autant par la précision et la beauté du dessin , que 
par Texcellence de la gravure , peuvent être regardées 
conune un des chefs-d'œuvre dans ce genre. 

Le nombre des graveurs qui s'occupent aujourd'hui 
principalement de la gravure des objets de luxe et de 
fantaisie relatifs aux fabriques d'horlogerie, de bijoute- 
rie et d'orfèvrerie est si grand, que nous ne croyons pas 
exagérer en les estimant à plus de trois cents, parmi les- 
quels il y a de véritables artistes (en 1788, il y avait à 
Genève 204 graveurs). Ne pouvant les nommer tous, nous 
rappellerons seulement les noms de ceux qui ne sont plus 
et qui jouissaient d'une certaine réputation : Jean-Nico- 
las Châlon (né en 1742, mort en 1812), Joseph Collart 
(né en 1754, mort en 1830), D. Detella (né en 1762, mort 
en 1836), Rambaud, Pierre Gervais, Riesling, Tournier, 
Lamy, Romilly père, Frédéric Bury (mort à Hanau), 
Bachten, etc., et parmi les vivants nous ne citerons 
que ceux qui pratiquent un genre particulier, tels 
que MM. Subit et Pelaz, qui depuis 1830 ont exécuté 
des gravures niellées au moyen d'un vernis-émail de 
leur invention ; M. Maeule, émailleur, qui a fait de véri- 
tables nielles dans toute leur perfection ; MM. Reymond 
et Martin et M. Mestral, guillocheurs, qui emploient avec 



habileté le procédé Collas, à la décoration des montres. 

Pour exciter à la recherche du nouveau et du mieux, 
et pour contribuer au perfectionnement de la gravure, 
la Classe des Beaux-Arts de la Société des Arts, sur la 
proposition de M. Dorcière , avait en 1845 essayé d'in- 
stituer un concours de gravure et de ciselure, et destmé 
la somme de 300 francs à des prix. Ce concours n'a eu 
lieu qu'une fois , vu le petit nombre de graveurs qui y 
ont pris part. M. Benott-Muzy obtint le prix de gravure, 
et M. Gœllner celui de la ciselure. 

Quant aux imprimeurs de Genève en typographie, en 
lithographie et en taille-douce , ils ont aussi contribué 
pour leur part aux progrès des arts graphiques. 

La typographie genevoise du XV* siècle, ainsi que celle 
du XVI* siècle , a produit de nombreuses et belles édi- 
tions. Elle a langui pendant le XVII« et le XVIII* siècle, et 
nous pouvons dire qu'elle ne s'est relevée que vers 1830 
environ , par les efforts de M. Pelletier. Dès lors MM. 
Fick père et fils, Ramboz et Schuchardt, et Gruaz ont 
persévéré dans cette marche de progrès. Ils ont tout ré- 
cemment introduit les premières machines à imprimer. 

M. Fick a introduit, en 1840, la typographie poly- 
chrome et l'impression à la congrève et à embossage. 
Ses éditions imprimées dans le goût du XVI* siècle pour 
M. Gustave Revilliod, avec des vignettes et des initiales 
ornées, en partie tirées sur d'anciens types, et en par- 
tie dues au burin de M. Durillon , sont très-estimées. 
M. Ramboz est le premier à Genève qui a imprimé en 
or, et MM. Ramboz et Schuchardt ont exécuté avec dis- 
tinction les Etudes critiqties sur le Traité du sublime par 
M. Louis Vaucher , les Mélanges d'histoire littéraire par 
G. Favre, etc. 

MM. Suardet et Tattegrain , imprimeurs en taille- 
douce, ont produit en 1828 des gravures représentant 



XI 



des plantes , et imprimées en couleur , d'après lé pro- 
cédé du célèbre peintre Redouté. 

C'est vers l'année 1820 que la lithographie a été in- 
troduite à Genève par M. l'ancien Syndic Necker. Les 
premiers établissements lithographiques furent ceux de 
M. Gallot et de M. Charton. M»« Munier-Romilly, et MM. 
Deville et Auguste Bovet ont été les premiers artistes 
qui aient produit des dessins sur pierre. M. Gruaz, im- 
primeur, lithographe et éditeur, secondé par MM. Ca- 
lame et Diday, et par M. Ledoux, lithographe, a introduit 
en 1841 divers genres lithographiques, et en dernier 
lieu la chromolithographie jointe à la xylographie. Les 
planches de ce genre qui ornent « la Suisse historique 
et pittoresque de MM. Gaullieur et Schaub, » sont d'une 
bonne réussite. M. Ledoux, lithographe, a exécuté pour 
les Mémoires de l'Institut Genevois des planches très-re- 
marquables en chromolithographie. Dans le grand éta- 
blissement graphique de M. Schmid, actuellement Pilet 
et Cougnard, outre les genres de gravure et de litho- 
graphie déjà nommés^ on a introduit encore le procédé 
Collas sur métaux et sur pierre, exécuté avec une machine 
construite par M. Sechehaye, mécanicien de notre ville. 

La daguerréotypie, la photographie et la galvanoplas- 
tie sont pratiquées avec succès, mais on ne s'en sert que 
I fort peu pour reproduire des planches propres à être im- 
primées. M. Bonijol a profité des procédés électrotypiques 
pour reproduire des plaques daguerriennes, et M. Goll, 
du bureau topographique, a fait plusieurs essais fort bien 
réussis de reproduction électrotypique de planches gra- 
vées en taille-douce. Et puisque nous parlons de procé- 
dés chimiques, mentionnons encore, qu'en 1835 environ, 
un nommé Meyer fit, à Genève, pendant quelques temps 
des contrefaçons de grands journaux français, au moyen 

d'une impression anastatique, ou d'un report chimique 



i 



XII 

sur pierre, procédé qui lui permettait d'obtenir des re- 
productions identiques. N'oublions pas non plus de re- 
marquer le procédé ingénieux et utile qu'emploie H. 
Dietz, pour blanchir ou pour détacher des estampes et 
des imprimés typographiques vieux ou salis par le temps, 
ou tachés de graisse et d'encre. Cette méthode, par la- 
quelle M. Dietz rend au papier sa netteté primitive, a 
cela de particulier et d'avantageux , qu'elle ne nuit en 
aucune manière ni à sa force, ni à sa souplesse, malgré 
les opérations successives qu'il doit subir pour redevenir 
blanc. M. Dietz peut également lui donner toutes les 
teintes désirables sans compromettre l'impression, chose 
précieuse pour les imprimeurs, qui sont parfois obligés 
de se servir de papier de différentes nuances pour la 
même édition, lorsqu'ils ne se sont pas munis à temps 
de la quantité nécessaire. 

Il existait autrefois , à Genève , de grandes fabriques 
d'indiennes dirigées par MM. Fazy, Petit, Labarthe, etc., 
qui occupaient beaucoup de graveurs et de dessinateurs. 
Aujourd'hui celles de papier gaufré de MM. Mey- 
lan , de faïence de M. Beylon , de papier-tenture de M. 
P. Arnaud (*), et de cartes à jouer de M. Gassmann, se 
servent toutes de planches gravées en creux et de gra- 
vures sur bois pour leurs transports, pour le gaufrage et 
pour l'impression en couleur. 

Nous clorons ici nos investigations domestiques , et 
nous croyons que cette revue sommaire , tout impar- 
faite qu'elle est sans doute , montre cependant combien 
il y a eu , et combien il y a encore d'activité dans les 
arts graphiques à Genève ; et justifie la dédicace de no- 
tre livre. H. Hammann. 

(*) M. P. Arnaud a lu l'hiver dernier, à l'Institat genevois, un 
mémoire fort intéressant sur la fabrication du papier-tentore. 



INTRODUCTION 



S'il est intéressant et utile de suivre le développement de la 
civilisation de l'homme dans ses différentes phases, de sonder 
le secret des rouages sans nombre de la politique, des actions 
(le la vie civile ou des événements qui se succèdent rapidement 
dans la société humaine de tous les temps ; il ne parait pas moins 
attrayant ni moins instructif et profitable de pénétrer dans le cabi- 
net du savant, dans l'atelier de l'artiste, dans le laboratoire de 
J'industriel , pour y surprendre leurs travaux, pour y consta- 
ter les progrès qu'ont faits de nos jours les arts et les métiers, 
secondés par cette triple alliance de la science , des arts et de l'in- 
dustrie, pour comparer enfin les progrès, en les confrontant 
avec les essais primitifs, les premiers tâtonnements, et de pour- 
suivre ainsi la marche successive et ascendante des diverses 
inventions et des perfectionnements qu'elles ont subis. 

Un tel travail est au-dessus des forces d'un seul homme; il 
convient donc de le diviser. Pour notre compte nous nous som- 






2 

mes limité à un seul art parmi un si grand nombre , et nous 
avons choisi VArt graphique, art dans lequel la science , l'art pro- 
prement dit et l'industrie ont également leur part; art qui, autant 
par l'antiquité de son origine que par la perfection remarqua- 
ble qu'il a atteinte ; autant par l'influence qu'il a exercée sur 
le goût et la civilisation, que par la grande variété de pro- 
cédés et de genres concourant tous au même but; et par d'au- 
tres qualités encore, présente une image des plus vives et des 
plus attrayantes de l'activité et de l'esprit inventif des hommes. 

Sous le nom d'arts graphiques on comprend une série d'arts 
qui ont pour but la reproduction soit par l'écriture, soit par le 
dessin, soit par la gravure. C'est de quelques-uns de ces arts 
seulement que nous nous proposons de faire un court exposé his- 
torique et pratique. Nous choisirons principalement ceux qui 
ont rendu le plus de service à l'homme , en lui procurant les 
moyens non-seulement de reproduire et de fixer ses pensées, 
mais aussi de les propager par l'impression. 

Ici il y a encore des distinctions à faire; d'abord, les arts 
de reproduction sont nombreux et présentent en général deux 
grandes catégories très-distinctes : ceux qui reproduisent en re- 
lief, tels sont les arts plastiques, la sculpture sur pierre et sur 
bois, la gravure de médailles, la fonte, le moulage et la frappe; 
et ceux qui reproduisent sur une surface plane, comme le des- 
sin, la gravure proprement dite, la lithographie et d'autres. 

Nous ne nous occuperons que de cette dernière catégorie, 
c'est-à-dire des arts qui ont pour but la reproductim d^tm obéet 
quelconque sur une surface plane, nHmporte de quelle matière 
elle soit, en métal ou en pierre, en hois ou en verre, mais qui est 
destinée à multiplier Voriginal au moyen de Vimpression en cour 
leiJffr (*). 

(1) L'impression en couleur est une impression au moyen de n'importe quelle cou- 



3 

Quelques-uns de ces arts procèdent tout à fait mécanique- 
ment par le travail des mains ; ce sont les plus anciens. Tels 
sont par exemple la gravure sur bois, la gravure * au burin sur 
cuivre et sur acier. — D'autres ont recours à des instruments 
plus ou moins compliqués, comme dans leguillocbé, la mezzo- 
tinte, l'impression à la congrève. — La chimie a été d'un puissant 
secours pour beaucoup d'entre eux; surtout pour la gravure à 
l'eau-forte, au lavis, pour la gravure sur verre et pour la li- 
thographie. — Par l'électricité on a produit des choses remar- 
quables en galvanographie , en électrotypie et en autographie 
galvanoplastique. — Enfin, de la lumière même on a fait un 
pinceau , et alors furent créées les merveilles de l'héliographie, 
traduites ensuite en lithophotographie et en gravure héliogra- 
phique. 

Tel est le champ vaste, immense que nous avons à parcou- 
rir; champ varié d'objets, briUant de résultats, plein d'instruc- 
tion et d'attraits. Pour suivre avec précision et avec ime cer- 
taine sûreté le développement successif et graduel de ces arts, 
nous procéderons chronologiquement. Cette tâche, nous ne 
l'entreprenons qu'avec timidité, mais sincèrement et en nous 
appuyant sur les meilleures autorités. 

t Divers fragments de ce Mémoire ont été lus le 17 et le 24 

I mars 1848, à la Société genevoise des Amis de l'instruction; 

le 2 janvier 1855 , à la Société familière ; le 12 janvier 1855 et le 

7 mars 1856, à la Classe des Beaux- Arts; le 23 janvier, le 11 

mars et le 2 avril 1855, et le 13 février 1856, à la Classe 



leur, noire, brune, rouge, en opposition à une impression à sec. Ainsi l'empreinte 
bissée par le cachet sur le papier, ou sur le pain à cacheter d'une lettre est une im- 
IvessiOQ à sec, tandis que le timbre apposé au moyen d'une encre ou couleur d'im- 
primeur, c'est ce que j'appelle une impression en couleur. 

H. H. 



4 

d'Indastrie et de Commerce de la Société des Arts de Genève; 
enfin, dans sept séances publiques pendant les mois de janvier et 
de février 1849, et dans huit séances aux mois de novembre et 
décembre 1855 , faisant partie des cours spéciaux que la Classe 
dlndustrie fait donner annuellement depuis 1843. 



DES 



ARTS GRAPHIQUES 



DKSTLNIiS 



A iMIJLTlPLlKK PAR L'IMPRESSION 



CUNalU^RliS SOLS LU UOliULt l'OINT UK VL'K 



HISTORIQUi: ET PRATIQUE 



— > > * » <-*<-^ 



ÉTAT DK CES ARTS 

CHEZ L'HOMME PRIMITD^ 

L'histoire nous appreud que Finstinct de l'imitation est inné 
dans l'homme. C'est à cet instinct, d'abord servile, devenu libre 
ensuite, que les arts doivent leur origine. 

L'homme primitif imitait les animaux dans la construction de 
leurs demeures ; de là est née l'architecture ; il imitait les sons, 
(le là le langage et la musique ; il copiait les objets de la nature, de 
là les arts du dessin et l'écriture qui, primitivement, était figu- 
rative. 



Lorsqu'à sut fixer sa pensée, ses impressions, le sonvenir de 
ses exploits, au moyen de quelques signes figuratife, l'homme dé- 
sira les conserver, les communiquer à d'autres hommes et aux 
générations futures. 

A cet effet, il les traçait sur les rochers, il les creusait sur des 
planches d'airain, afin que la postérité pût les lire, et admirer ces 
annales particuhères de son histoire. 

On voit que l'art de la gravure (* ) a été connu et pratiqué dans 
les temps les plus reculés. Pour connaître l'inventeur de cet art, 
il faut remonter à l'homme primitif creusant sur le rocher ou sur 
des lames de métal, traçant sur des tahlettes de bois ou de cire 
des figiu*es grossières ou des signes de formes singulières. 

Telles sont les représentations informes qu'on a découvertes 
sur les parois des cavernes de l'Australie (*), faites par le peuple le 
plus inculte du genre humain; les figures moins mal faites des ro- 
chers de l'Afrique australe, tracées par les Boschjesmans (^), qui 
vivent encore dans les huttes de branches d'arbres ; cette immense 
quantité de rochers sculptés qui s'étendent sur quelques milliers 
de lieues dans ces pays, peuplés autrefois, déserts aujourd'hui, de 
l'Amérique méridionale (*), entre les rivières de l'Essequibo et de 
l'Orénoque ; ces rochers couverts de figures sculptées près du lac 
Erie (*), dans les vallées du Mississipi et de l'Ohio, de l'Amérique 
du Nord. 

C'est là, dans ces signes primitifs, qu'il faut chercher la double 
invention de l'écriture ou du dessin, et de la gravure. 

Le sauvage de la nouvelle Galle ne se figurait certainement pas 
quel rôle jouerait, à quelle perfection arriverait un jour cet art, 
qu'il exerçait sans s'en rendre compte. 

Les femmes des îles Taïti ou de la Société, de la mer du Sud, pra- 



(1) Le mot graver vient du grec grapJuin, écrire, dessiner, comme faisaient les 
anciens, en gravant les figures avec un poinçon sur des tablettes de cire. Du temps 
(l'Homère le mol graphos signifiait creuser, sillonner, ritzen; l'écriture n'étant pas 
encore connue. 

(2) Voyage de Péron en Australie en IPOI. 

(3) Barrow travels, 1707 et 1798. — Walchenaer, Coliecl. des voyages en Afrique. 

(4) Flumboldt, Tableaux de la nature. - Spix et Martius, Voyage au Brésil. 

(5) Information respecting the hist. etc. of the Indians tribes of the United States, 
bey H. R. Schoolcrafl; Philadelphia, 4M8o2. 



tiquent, selon Cook, un genre d'impression très-ingénieux et très- 
simple, dans lequel la gravure ne joue aucun rôle. Outre les figures 
variées qu'elles dessinent délicatement, à l'aide d'un petit roseau 
fendu, sur les étoffes d'écorces d'arbres fabriquées par elles- 
mêmes, les T^tiennes ornent les angles de leurs grandes pièces 
de vêtements de dessins représentant un feuillage très-découpé et 
très-élégant, qu'elles impriment par le moyen des feuilles d'une 
jolie fougère de montagne. Elles trempent cette fougère dans une 
couleur colorante toujours obtenue à froid, et elles lui font ainsi 
remplir l'office de planche propre à transmettre ses découpures et 
ses formes. 

Des empreintes obtenues par un procédé analogue ont été re- 
marquées par M. John Stephens, dans une de ces constructions 
si remarquables, découvertes par lui dans le Yucatan. Ces em- 
preintes représentaient des mains rouges^ faites à l'aide de la 
main même d'un homme; la main, enduite préalablement d'ocre 
rouge, faisait l'office d'une planche d'impression qui, apphquée 
sur le mur, s'y marquait avec tous ces détails. 

Cet usage ne se borne pas à cette contrée seule, mais se ren- 
contre, suivant M. Schoolcraft, dans presque toute l'Amérique du 
Nord, d'où il tire son origine. 

Une main ainsi représentée pai*aît avoir une signification sym- 
bolique; dans le système d'écriture hiéroglyphique de ce pays, elle 
est le symbole de la puissance et de la force. Une main ouverte, 
imprimé^ de cette façon, ou simplement peinte ou dessinée, sert 
aux Indiens du Nord comme l'expression de leur prière adressée 
au Grand-Esprit; et imprimée sur la poitrine ou sur l'épaule ils 
lui attribuent une certaine puissance magique. 



II 



ANTIQUITÉ 

Les peuples plus civilisés de la haute antiquité n'agissaient 
point différemment pour perpétuer la mémoire des événements 



t 



y 



remai'quables de leur histoire, mais leurs procédés et leurs outils 
étaient déjà plus perfectionnés et plus variés. 

INSCnUPTIONSa Lisez les saintes Ecritures, et vous trou- 
verez qu'il y est souvent question de lames de plomb, de planches 
d'airain et de tablettes de pierre, sur lesquelles on traçait des 
inscriptions (M. 

Regardez les ruines encore debout de Persépoiis, les restes à 
peine mis à jour de la grande Ninive (*), dont presque toutes les 
pierres sont couvertes d'innombrables inscriptions en caractères 
cunéiformes, écriture particulière aux anciens Perses, aux Assy- 
riens et aux Babyloniens. 

Examinez les monuments si grandioses de l'Egypte et de la 
Nubie, remarquablement conservés pendant plus de trente siècles, 
et vous serez frappés du grand nombre de figures tracées sur les 
murs, de la quantité extraordinaire d'inscriptions en écriture hié- 
roglyphique et démotique. Les rochers sculptés par les anciens 
Egyptiens s'étendent même au delà de la chaîne libyque, jusqu'à 
Ghat, au milieu de l'Afrique centrale, suivant le rapport des der- 
niers voyageurs, Richardson, Barth, Oberweg et Vogel, en 1854- 

Vous ne trouverez pas moins de ces inscriptions sur les monu- 
ments de l'Asie Mineure et de l'ancienne Grèce, en caractères ly- 
ciens, boustrophédons (*) et grecs. 

Ajoutons les inscriptions et les figures gravées sur les miroirs 
métalliques, sur les vases en terre, sur les parois des tombeaux 
étrusques (*), et les caractères runiques creusés sur des pierres 
isolées de la Scandinavie C^). 

Toutes ces gravures en creux, tous ces tracés de figures et de 
lettres, opérés les uns à l'aide d'outils imparfaits en pierre, les 



(1) Exode, XXXIV, i. et XXVIII, 9- 41 et 36. — Deuléroii. XXVII, 8. — 1 Macc. 
8, 22. — Job. 19-34, etc. 

(2) A. H. Layard. Niniveh, 1848. — W. S. W. Vaux, Ninivehand Persepolis, 1850. 

(3) Charles Fellows, ein Ausflug nach Kleinasien und Entdeckuugen in Lycien;éd. 
allemande. Leipz. 1853. 

(4) George Dennis, die Stadte und Begràbnissplâtzc Elruriens, éd. allcinande. 
Leipz. 1852, et d'autres. 

(.j) Dr. Gust. Thormod Legis, Fundgruben des alleu Nordcns ; Leipz. 1829. — Ver- 
zeichii. dci* Kuneusteine, etc. von R. Nyerup; Kupenhagen, 1824. 





autres avec des instruments de métal, ceux-ci à traits creusés eu 
biseau, quelquefois très-profondément, ceux-là simplement pi- 
qués, jai&ais ou rarement en relief, sont autant de preuves de 
l'antiquité de la gravure ; mais, si bien faites qu'elles ftissent, ces 
gravures ne servaient point encore à multiplier l'objet qu'elles re- 
présentaient. 

MARQUES mPRIMpBES EN CBEUX ET EN RE« 
IiIEFa Cependant il y a d'autres objets qui, par leur nature et par 
la manière dont ils sont confectionnés, attestent que les anciens 
n'ignoraient pas entièrement l'emploi de moyens accélérateurs et 
servant à multiplier ; néanmoins, ils ne s'en servaient que rarement 

Ces objets sont de différents genres. En première ligne nous 
mettrons les briques de terre, séchées au soleil ou cuites au four, 
qu'on a trouvées en grand nombre, soit dans les ruines de Baby- 
lone et de Ninive, soit en Egypte (*), et sur lesquelles on voit des 
inscriptions en caractères cunéiformes ou d'autres signes, impri- 
més au moyen de formes en bois ou en métal gravées en relief. 

Ces empreintes sont formées quelquefois par le moyen de lettres 
mobiles, c'est-à-dire qu'elles ont été composées lettre par lettre. 
D'autres fois, l'inscription a été gravée en entier sur l'estampille 
ou le cachet en relief, et reproduite en creux sur la brique encore 
molle. D'autres fois encore, l'inscription se détache en relief sur 
l'objet (*) et alors on y rencontre aussi, outre les lettres, des figures 
et des ornements. Ce dernier genre a été surtout en usage chez les 
Romains, et fiit appliqué aux briques, aux tuiles et aux vases de 
terre rouge. L'on opérait de deux manières différentes : tantôt les 
marques ou estampilles étaient imprimées dans les moules qui 
servaient à façonner la poterie et les briques, lesquelles, au sortir 
du moule, portaient l'empreinte en relief; tantôt on produisait ces 
reliefe pai* le moyen de cachets en bois ou en métal gravés en 
creux, et qui, imprimés sur l'objet, laissaient une empreinte en 
relief. 

L'usage des cachets est très-ancien ('). Les Babyloniens déjà 

H) Layard, Niniveb. - KiiTaut, Voy. en Egypte. 

(2) Alex. Brong^niarl, Traité des Arts céramiques, 2* édit. 1854. vol. I, 424 et suiv. 

(3) Exode XXVIIl, H et suiv.-Aggée, II, 24.-Ep. aux Rom. IV, ii. —1 Ép. aux 



10 

portaient des bagues incrustées de pierres fines gravées en creux, 
et qui leur servaient pour sceller les missives, les portes des mai- 
sons et les trésors. Les pierres gravées égyptiennes, conâues sous 
le nom de scarabées, avaient probablement le même emploi. 

Nous ne parlerons point des médailles et des monnaies que l'on 
gravait, frappait et montait très-bien dans l'antiquité (*);elles^font 
pcortie des arts plastiques. Mais nous remarquerons que les an- 
ciens Grecs se servaient à la fois de poinçons gravés en creux et 
d'autres en relief, pour la frappe de leurs monnaies. Les plus an- 
ciennes, celles d'Ëgine, qui datent du huitième siècle avant Jésus- 
Christ, portent d'un côté l'empreinte en relief d'une tortue, et au 
revers une figure en creux de forme carrée, divisée en quatre 
champs (quadratum incusum) ; les monnaies de Métaponte ont à 
la face un épi en relief, et au revers une tête de taureau en creux; 
celles de Crotone un trépied en relief d'un côté, et de l'autre un 
aigle en creux. 

La figure en relief se trouvait généralement taillée sur l'en- 
clume, tandis que l'image en creux était gravée sur le marteau qui 
servait à frapper la monnisde. Le procédé de marquer l'empreinte 
sur les monnaies à l'aide du marteau et de l'enclume est resté en 
usage jusqu'au dix-septième siècle. Ce n'est qu'en 1617 que Briot 
inventa la presse mécanique pour battre monnaie. 

. Pour faciliter la frappe des grandes pièces, les anciens înou- 
laient préalablement les flancs dans une forme de terre ; les ma- 
trices et les coins étaient alors souvent en airain durci. — Les 
principales pièces ou instruments qui servaient dans l'antiquité à 
la frappe des monnaies, se voient sur im dessin de Carisius (l'étau, 
le marteau et la pince). 

Les monnaies antiques portent souvent aussi des contre-mar- 
ques (*) ; la forme des poinçons à contre-marques était ou ronde 
ou ovale, ou carrée, de trois et de quatre lignes de diamètre. Ces 
poinçons étaient gravés en creux et à rebours, afin que leur im- 



Coriiith. IX, 2; id. 2 Ep. III, 2, 3.-2 Ep. à Timoth. II. 19.— Ezéch. IX, 2.— L'Apoca- 
lypse. VII, 2. — Hérodot, Hist. VII. 69. 

(i) K. 0. MuUer, Handbuch der Archéologie ; Bresl. 1830, p. 72 et 387. — Fal- 
kensteiii, 112; voyez plus bas. 

(S) Mém. de l'Acad. des Inscriptions, t. XIV, p. 132. 



11 

pression rendit en reJief et dans le sens naturel les figures et les 
lettres dont ils étaient chsirgés. 

Nous ne devons pas oublier de faire mention des tesserœ sigm- 
toriœ, ou estampilles, reliefs en métal avec lesquels les Romains 
marquaient les esclaves, le bétail et le pain; ainsi, on a trouvé dans 
les ruines de Pompéi, dans la boutique d^m boulanger, un pain 
dont la forme était encore intacte, et qui était marqué du nom du 
boulanger. Les pharmaciens marquaient également de cette façon 
leurs médicaments. 

Nous laisserons de côté ce que nous disent Cicéron, Quintilieu 
et saint Jérôme sur les lettres mobiles, ainsi que le procédé de 
Varron, comme étant trop vagues. 



COULEUR. La plupart des em- 
preintes que nous avons mentionnées jusqu'à présent se faisaient à 
sec, sans couleur, jamais, comme nous le pratiquons dans la typogra- 
phie, en couvrant d'encre la surface des caractères pour les im- 
primer en couleur sur le papier. Les anciens employaient pour- 
tant aussi quelquefois la couleur pour marquer, mais différemment 
que nous. A cet effet, ils se servaient de lames de métal minces, 
dans lesquelles ils perçaient à jour des noms ou des signatures ; 
puis, après les avoirappliquées sur l'objet qu'ils voulaient marquer, 
ils passaient par-dessus un pinceau ou un tampon imprégné de cou- 
leur, de manière que ceUe-ci ne marquait qu'aux places où la pla- 
quette de métal était percée. Ces patrons (') étaient appelés chez 
les Grecs hypogrammes; chez les Romains lamirueinterrastles, et 
ils servaient à remplacer les signatures dans les actes et édits 
écrits à la main ; telles sont les signatures de l'empereur Justi- 
uien, celles de Théodoric, celles de Constantius du quatrième 
siècle, et d'autres venues jusqu'à nous. 

N'oublions pas non plus l'histoire de ce roi de Sparte, citée par 
Platarque (*), fait qui à lui seul aurait pu conduire dans l'antiquité 
déjà à l'invention de l'imprimerie, surtout lorsqu'on prend en con- 
sidération l'état de la gravure, alors passablement avancé. « Agé- 



<i)Procope, cap. V. — Tristan, Gomment, hiàt. t. III, p. 681. — Quintilien, liisl, 
oral. 1, 2. 
(2) Plntarque Apophth. Lacon. Agésilas, 77. 



14 

tout en Angleterre, Tempreinte de la sainte croix, marquée à sec 
au moyen d'une bague à cacheter. 
Cette espèce de signature fut ensuite dorée. 

MONOGRABUHESb Les monogrammes iiirent une autre 
réminiscence (*). Ce sont des espèces de chifOres qui contiennent 
les lettres du nom de quelqu'un, entrelacées en un seul caractère. 

Ces monogrammes, en usage pendant tout le moyen âge, em- 
ployés sur les monnaies, sur les drapeaux , sur les murs et les ta- 
pisseries, mais principalement dans les diplômes et édits, étaient 
dans ce dernier cas appliquées de trois manières différentes. La 
plus ordinaire était de les écrire avec le calamus ou la plume. On 
les marquait aussi avec de la couleur à travers une feuille de métal 
ou d'ivoire dans laquelle le chiffre était percé à jour; c'étaient les 
hypogrammes des Grecs. 

L'emploi des hypogrammes au moyen âge ne se bornait pas 
seulement aux tracés des monogrammes (*) ; on s'en servait aussi 
pour peindre des initiales, et on fabriquait même des livres entiers 
de cette manière. Un recueil de vêpres et de vigiles reliées avec le 
célèbre psautier de 1457, conservé dans le couvent de Roth près 
Memmingue, en est une preuve. Ce procédé était encore en usage 
dans le siècle passé ; Breitkopf a découvert , dans le chœur de 
l'église des chartreux d'Erfurt, trois ouvrages grand in-folio, 
peints au moyen d'hypogrammes. L'un de ces hvres est un Pro- 
pnwn sanct secundum ritum s. ord. cartasiensis , de l'année 1757 ; 
les deux autres sont des Oficii Temporis^ a Domiima Fctës. tisque 
ad Âdventum œmcripta, avec des notes de musique, de 1758. 
Dans le couvent des chartreux de Mayence, on a conservé jusqu'à 
soixante alphabets découpés en patrons. Le meilleur fabricant de 
ce genre de lettres, à Paris, dans les dernières années du dix- 
huitième siècle , fut un nommé Malo, père et fils , qui s'appelaient 
faiseurs de caractères, Malo possédait un grand nombre d'alpha- 
bets en lettres capitales et en courantes, depuis la grandeur d'un 



(1) J.-G. Gatterer, Diploiuatik, 1798. 

(2) Fr. Tuustain et Tassin, bénédictins, Nouveau traité de diplomatique; Paris, 
1750—65, 6 vol. in-4". — J. G. J. Breitkopf, Ueber dçn Ursprung der Spielkarten, 
etc., etc. Leipz. 1784—4801. 2 vol. in-4'. 



15 

pouce et quart jusqu'au petit cicéro, ainsi qu'un assortiment 
d'ornements et de vignettes très-variées. 

Aujourd'hui encore on se sert de ces lames de métal percées à 
jour pour paginer les livres, pour numéroter les étiquettes et pour 
tracer les écriteaux. 

Le dernier genre pour tracer les monogrammes (*) , au moyen 
âge, consistait à les imprimer en couleur, au moyen d'une estam- 
pille, sur laquelle était représenté le monogramme en relief. 

Les Arabes en Espagne , si savants, si habiles dans les arts, chez 
lesquels presque toute la science du moyen âge était concentré, 
ne ûirent pas beaucoup plus avancés que d'autres peuples dans 
les procédés d'impression et de multiplication, à en juger d'après 
une remarque du célèbre orientaliste, M. Hanuner Purgstall (*), 
ainsi conçue: « Vers la lin du premier volume de l'Ihathet,J'ai 
'i trouvé dans la biographie du savant Aboubekr-el-Vellosi, un pas- 
^ sage fort curieux sur l'art d'imprimer chez les Arabes en Es- 
■< pagne. Voici le passage traduit par M. Pascual de Gayangos. TL 

< composa le livre de la PerU cachée, sur les beautés A^Esthébu- 

< neh (Estepone), et il composa aussi un excellent traité sur la 
"■ marche du soleil et l'équilibre de la mer, et la connaissance des 
' heures dans leur marche. Il écrivait en vers un Ardjouzeh, com- 
• mentant les Mélaheu d'Ibn-Doreïd, et un autre Arc^ouzeh, ser- 

< vaut de commentaire au livre Fassih; il dédia au vizir Aïhaquim 
im livre sur les propriétés et la fabrication de l'encre et les ins- 

V truments de l'imprimerie , et c'est im livre singulier par son 
■< contenu. » 

M. Gayangos, en envoyant cette traduction à M. Hammer, y 
avait joint « l'empreinte d'une estampille arabe, un sceau en bois 
qui avait été trouvé, il y a quelque temps ( 1851 ), à Almeric, et 
qui, selon l'inscription , servait à la Ca/yesene de cette ville, pour 
marquer les colis ou toiles qui étaient en vente, et qui sans doute 
payaient im droit d'entrée. Cette estampille laisse peu de doute 
qu'il ne s'agisse dans ce passage, non pas de l'art dHmprimer des 
Uvres, mais bien de celui de marquer des étoffes ou d'autres ob- 
jets, n serait cependant possible que dès lors l'art d'imprimer 

fi) Muratorius in Anliquit. t. III, diss. 35, p. 417—118, in-8, avec figures. 
(2) Journal anatiqtie, Paris, 1858; IV série, t. XX, p. 252. 



10 

d'uue manière stéréotype des caractères d'écriture eût été aussi 
appliqué à Timpressiou de quittances d'imposition, de passeports 
ou d'autres papiers oiUciels. 

« Il paraît même, d'après un passage de l'ouvrage d'Ibu-al>Attar, 
publié par M. Dozy ( extrait de l'ouvrage intitulé Al-HoUat-Assi- 
yara, par Ibn-al-Attar, page 137), que l'impression, soit sur 
étoffe, soit sui' papier, était une charge, puisqu'il en est question 
dans les différentes charges dont Bedr, l'esclave de l'émir Ab- 
dallah, était revêtu. 

« Il écrivit les protocoles (ou bien les documents officiels) dans 
« sa maison ; puis il les envoya à V impression; ils furent imprimés 
« et renvoyés à lui , qui les adressa aux receveurs; ils (les papiers] 
« reçurent leur validité de sa main, * 

Il paraît que la gravure en bois et son emploi pour l'impression 
des étoffes n'étaient point ignorés dans le quatorzième siècle. 

Nous devons à M. Blavignac , archéologue et architecte de Ge- 
nève, les détails fort intéressants qu'il a bien voulu nous communi- 
quer sui' ce sujet. Faisant des recherches archéologiques dans le 
Valais (Suisse), il trouva dans une maison de Sion un fragment de 
toile de chauvi'e fort ancienne , qui porte des marques indubitables 
d'une impression au moyen de planches de bois. 

Cette toile , un peu jaunie par le temps, est ornée de dessins, 
divisés en compartiments carrés-longs de diverses grandeurs , par 
une bordure en rouge. Une partie de ces compartiments contient 
l'histoire d'CEdipe , accompagnée d'inscriptions latines en capi- 
tales gothiques des premiers temps. D'autres compartiments, qui 
se répètent, représentent des cavahers combattants, et la plus 
grande division contient une danse d'hommes et de femmes. 

Le dessin de toutes ces figures humaines, des chevaux et des 
chiens qui y sont représentés est bon , et offre même une certaine 
grâce. Les vêtements blasomiés , les manches fendues, et le gem'e 
des ornements qui se trouvent enti'e les figures , indiquent, selon 
M. Blavignac, le commencement du quatorzième siècle. 

Chaque compartiment, portant un numéro d'ordre, forme une 
planche de bois séparée , sur laquelle les figures et les inscriptions 
ont été creusées en plein, excepté les détails de l'intérieur des 
figures qui ont été réseiTés de manière qu'après l'impression , les 



17 

• 

figures sont en silhouettes blanches, formées par Pétoffe même, 
tandis que les détails, Tindication du visage, les plis des vête- 
ments et les fonds sont imprimés en noir. 

Les divisions qui séparent les compartiments entre eux , sont 
composées de deux petites bordures , entremêlées de médaillons 
coatoomés , contenant diverses figures fantastiques ou des bustes ; 
elles sont imprimées en blanc sur un fond rouge vermillon. Ces 
bordures sont composées par des planches séparées qui se répè- 
tent alternativement , et dont il y en a une qui a été imprimée , par 
inattention , en sens inverse. Voilà bien la preuve d'une impres- 
sion ; il y en a d'autres encore , c'est qu'en plusieurs endroits , et 
surtout à une des planches de compartiment mal ajustées , le fond 
noir couvre une partie de la bordure rouge. 

Ainsi, en l'estimant du commencement du quatorzième siècle, 
cette toile imprimée serait un objet d'un haut intérêt historique, et 
elle présentera le premier exemple de gravure sur bois destinée à la 
multiplication, et le plus ancien exemple d'impression sur étoffe, 
si nous étions assuré de la date de sa confection. 

Voilà en quoi consistaient au moyen âge les moyens qu'on avait 
pour reproduire et pour imprimer. Nous ne pouvons donc pas 
constater un progrès dans cette période de mille ans. 

Le moment ne paraissait point encore venu de ces inventions si 
belles, si nombreuses et si fertiles pour l'échange réciproque de 
la pensée et de l'imagination. 

Le caractère des religions de l'antiquité et les formes de gouver- 
nement, l'usage de vivre hors de chez soi, de traiter les affaires 
politiques et commerciales sur les places ou dans les édifices pu- 
blics, de pratiquer même les sciences et les arts en commun, si 
particulier aux nations de l'antiquité , sont les causes principales 
pour lesquelles ces peuples pouvaient se passer de moyens de 
communication plus complets, lesquels sont devenus tout à fait 
indispensables aux nations modernes. 

Les querelles sanglantes du moyen âge , qui ébranlèrent la so- 
ciété jusqu'à ses bases, en menaçant continuellement la vie et la 
propriété des individus, les débats religieux interminables et hai- 
neux, la vie oisive dans les monastères qui possédaient exclusi- 
vement le monopole de la culture des sciences et des arts, enfin les 



18 

» 

ténèbres profondes qui couvraient, comme un voile, la vie intel- 
lectuelle , tout cela était peu propice à l'échange mutuel et libre 
des idées , échange si nécessaire pour faire éclore de nouvelles 
inventions , et pour encourager les progrès et les perfectionne- 
ments. 



IV 



TEÛIPS MODERNES 



Lorsque, à la suite de l'envahissement de l'empire grec et 
de la conquête de Constantinople par les Turcs , les hommes de 
science et d'art, ftiyant devant ces hordes barbares et fanatiques, 
transplantèrent leurs demeures et leur savoir de l'Orient en Occi- 
dent, ils y trouvèrent quantité de gens avides de profiter de leurs 
lumières. 

Dès lors le goût des études, surtout celui de la littérature 
et des langues anciennes se répandit rapidement, de nouvel- 
les idées se firent jour; un besoin inquiet, ardent de s'instruire, 
s^introduisit partout dans la société, la civilisation commença 
à rensdtre. 

Toutefois le progrès était lent; l'effet à peine sensible. On 
était arrêté partout , on heurtait maintes difficultés , on rencon- 
trait des obstacles à chaque pas qu'on désirait faire en avant; la 
pénurie des moyens de propagation des connaissances humai- 
nes ressortait en toutes choses davantage; on sentait enfin le 
pressant besoin de quelque mode de communication de la pen- 
sée qui pût marcher avec elle une fois devenue plus laborieuse ; 
qui vînt en aide au développement rapide de l'intelligence ; qui 
fût capable de reproduire, de multiplier et de répandre plus 
activement les idées au moyen de l'écriture et du dessin. 

Le temps de cette découverte était donc venu ; la gravure sur 
bois et sur métal fut d'abord inventée, l'imprimerie vint ensuite. 

L'invention de ces arts, surtout celle de l'imprimerie, fut, 



19 

après le christianisme et l'écriture , le plus grand bienfait pour 

Hiumanité. 

Ce que Pimprimerie était pour les sciences , la gravure Pé- 
tait pour les arts ; toutes les deux exercèrent une influence 
immense et salutaire sur la civilisation des peuples. 

Les ténèbres du moyen âge diminuèrent sensiblement, en rai> 
son de la plus grande rapidité avec laquelle se répandaient les 
lumières de la religion et de la science. Les mœurs s'adouci- 
rent; des écoles publiques, des universités, des bibliothèques 
se fondèrent partout; l'enseignement et l'étude des sciences, de 
la littérature, des arts, devinrent plus universels, grâce à ces 
institutions , aux ouvrages imprimés et aux œuvres d'art repro- 
duites par la gravure. 

n ne fallait plus des années d'attente pour la copie d'un manu- 
scrit. A peine conçue et écrite, la pensée tombait dans le domaine 
(lu graveur. Celui-ci , en transformant cette écriture en caractè- 
res d'impression , l'ornait d'initiales enjolivées , de sujets artis- 
tiques qui mettaient en lumière le sens du texte; et, en le ren- 
dant plus clair, le rendait aussi plus populaire; en sorte qu'en 
quelques mois, en peu de semaines même, l'imprimeur avait 
multiplié par des milliers d'exemplaires cette reproduction de la 
pensée écrite. 

On conçoit quelle panique devaient éprouver les obscurants; 
quelle joie au contraire pénétrait ceux qui cherchaient à ré- 
pandre le flambeau de la vraie religion et des sciences. La lutte 
entre eux fut violente , longue ; elle dure encore* 

Néanmoins , l'imprimerie et la gravure nous sont acquises et 
ne périront point. 

PRÉLIMINAmES DE LA GRAVURE ET DE 

L'IMPRIMERIE 

Cependant aucun de ces arts ne fut découvert tout d'un coup ; 
^ ue sortirent point d'un seul jet de Pimagination. 

Les préliminaires en furent nombreux, et les signes précur- 
seurs de nature très-diverses. Il convient de les connaître. Exami- 



20 

U0U8 avant tout les matériaux qui servaient alors pour écrire et 
pour dessiner, et les changements qu'ils ont subis dans la suite : 

BIATÉRIAUX POUR ECRIRE ET POUR DES- 



D'abord, avons-nous dit précédemment, on eut pour 
écrire, et dès la plus haute antiquité, outre les tablettes de cire, 
le papyrus (*) , espèce de papier fait de l'écorce et des peUicules 
adhérentes d*un roseau qui croît sur les bords du Nil 

Dès le huitième et le neuvième siècle, le parchemin, connu 
déjà très-anciennement , lui fit concurrence (*). 



Presque en même temps le papier de coton vint 
augmenter cette concurrence , et l'on fixe au onzième siècle l'é- 
poque où le papyrus fut remplacé tout à fait par ces deux nou- 
velles productions. Toutes les trois étaient d'invention orientale. 

Les procédés employés pour la fabrication du papier de coton 
conduisirent bientôt à la découverte du papier de chiffon de lin 
ou de chanvre, ces deux plantes étant cultivées généralement 
dans l'Occident, comme le coton l'est dans le Levant. 

On fait remonter au douzième siècle le premier usage du papier 
de chiffon; mais le plus ancien exemple de ce papier ('), portant 
la marque de la fabrique , ne date que de 1320. C'est un compte 
conservé dans les archives de la ville d'Augsbourg (Bavière). 

Dès cette époque le papier de chiffon, d'invention tout occi- 
dentale, fut préféré à toutes les autres matières, excepté au 
parchemin , qui servait toujoiurs pour les actes publics et les ou- 
vrages importants. 

Après qu'on eut établi des fabriques de papier de chiffon, dès 
le treizième siècle , ce papier devint accessible à un plus grand 
nombre de personnes, et facilita déjà la multiplication des ouvra- . 
ges favoris ou recherchés. 

Le papier de chiffon était toujours très-bien collé, et on l'em- 
ploya dans cet état encore assez tard dans l'imprimerie. Ce ne ftit 



(i) Gabriel Peiguot, Essai sur l'hisl. du parcheiiiiii, etc. Paris, 18il2, iii-8*. 

(2) Pergameiius , raembrana (Pergamena), inventé par Eumenes de Pergauie. — 
Plin. 13, li, 21. Isidore, VI, 12.-Pline, Hist. nat. XIII, H , 21 .—Isidore orig. VI. 12. 

(3) Théod. Herberger. Augsburg's frulie Industrie, 185à, p. 17. 



21 

qu'au seizième siècle qu'on commença à imprimer sur du papier 
non collé (*). 

L'invention du papier vélin est attribuée au père de Montgol- 
fier, inventeur du ballon. 

Le papier mécanique ftit inventé en 1798 par un ouvrier d'Es- 
sonne, nommé Robert, mais cette fabrication ne fut pratiquée en 
grand que vers 1815. 

On doit à un des fils de Pierre-François Didot l'exécution de la 
machine à papier sans fin, dont l'idée première appartient à Ro- 
bert; mais qui ne put être exécutée qu'en Angleterre , par la per- 
sévérance de Didot et les énormes dépenses que MM. Foudriner 
y consacrèrent pendant dix années d'essais infructueux. 

L'usage d'employer le vieux papier ou les rognures pour en 
fabriquer de nouveau est très-ancien; il était pratiqué à Sais, en 
Egypte , et n'était probablement point un secret pour les fabri- 
ques postérieures de l'Afrique et de l'Europe. On faisait à Tré- 
^ise, en 1366, du nouveau papier avec des rognures. 

Mais du papier sur lequel on avait écrit ou imprimé, on ne sa- 
vait faire en Europe que du carton. Plus tard on a cherché aussi 
à utiliser le papier perdu par l'imprimerie, en lavant ou efiiaçant 
ce qui était imprimé (*). 

Le professeur Elaproth, àGottingue, avait fait, en 1774, une 
invention de ce genre. L'an 2, on publia à Paris ( Journal des Arts 
etManufactures, n"*?) une instruction pour la refonte du papier 
imprimé et manuscrit, mais les procédés n'ont pas été essayés. 
Depuis 1800 il existe à Bermondsey, en Angleterre , une" fabrique 
où la refonte est traitée en grand et avec beaucoup de succès; 
la consommation annuelle est de 700 tonnes ( 1 million 400,000 li- 
vres) de vieux papier. 

En 1854 , M. C. Acher ('), en Angleterre , a découvert une mé- 
thode par laquelle il peut traiter tous les papiers salis par quelque 
genre d'impression que ce soit, et leur rendre leur netteté pre- 
mière. 



iV) Fréd. Metz. Gescb.des Bucbhandels, etc. Darinst. 484, p. iSR. — Tiraboschl, 
• cp. 78. — Murr, Litteratur und Knnst, journal, 2" Theil, S. 96. 
lîiiournal œcoii. 1785, 3a3. 
'3) Cosmos, journal; Pans 1854. 



22 

Cependant, la rareté toigours croissante des matières propres 
à la fabrication du papier, rendait nécessaire la découverte de 
nouvelles substances propres à cet usage , surtout en considérant 
que la consommation qui se fait depuis quelque temps est im- 
mense , et qu'elle tend encore à augmenter. 

On avait employé d'abord le coton , mais on ne se le procure 
qu'avec peine ; la paille est aussi une des premières substances 
que l'on a essayé de substituer aux chiffons. M. Schinz est par- 
venu à faire, avec de la paille de blé, de très-beau papier blanc. 
Le journal Wcekly-Times , en Angleterre , était imprimé autrefois 
siu* papier de paille. 

L'Allemand Schœffer épuisa presque toutes les matières qui se 
trouvaient à sa portée; il publia, en 1772, un résumé de ses tra- 
vaux , où l'on ne trouve pas moins de soixante échantillons de pa- 
pier fabriqué avec différentes substances. U fit du papier avec 
l'écorce du saule , du hêtre , du tremble , de l'aubépine , du til- 
leul, du mûrier; avec le duvet des asclépiades, les chatons du 
peuplier franc , les vrilles de la vigne ; avec les tiges de l'ortie , de 
l'armoise commune , du genêt des teinturiers , du chardon , de la 
bardane, de la bryone, de la clématite, de l'osier fleuri, du lys ; 
avec des tiges de chou, des pelures de pomme de terre, de la 
mousse , des copeaux de menuisier , de la sciure de bois. Il a fabri- 
qué un papier d'emballage très-fort d'une substance cotonneuse 
de la pomme de pin; et avec la pomme de terre elle-même un 
excellent papier à dessin, lisse et doux au toucher. 

On a essayé ces derniers temp^ plusieurs autres substances; 
telles par exemple que la paille de froment et de riz , l'écorce de 
plusieurs autres plantes filamenteuses. Les essais ont été infruc- 
tueux. M. Henri Bouchet (») en faisait en 1839 avec des feuilles 
de maïs. M. V. Desgrand fut patenté en 1838, à Londres , pour la 
fabrication du papier de bois et de roseau. MM. Laroche , Jou- 
bert et Domergue (■), en 1845, ont fait des recherches surtout sur 
des plantes qui croissent dans les marais, dont la culture n'exige 
pas de frais, et qui sont produites par des terrains à peu près 
stériles ; tels sont les joncs et les roseaux. Les inventeurs, en se 

(1) L'écho da monde savant; Paris, janvier 1839. 

(2) Idem NM5, mars 1845. 



23 

servant de ces plantes , ont obtenu un papier plus nerveux , quoi- 
qu'il n'y entre qu'une très-petite partie de chiffon. 

Entre beaucoup d'autres découvertes de ce genre (*), nous men- 
tionnerons encore celle de M. Andrews , de Montréal , aux Etats- 
Unis, qui emploie l'immortelle à la fabrication du papier. Tout 
récemment on a pu examiner en Angleterre des spécimens d'un 
nouveau papier fabriqué avec des fibres du bananier des Indes 
occidentales , le musa paradidaca. Les qualités en ont été re- 
connues supérieures, et il peut être livré à meilleur marché que 
le papier de chiffon. 

On a trouvé en Algérie (*) deux substances susceptibles de four- 
nir un bon papier : l'une est la feuille du palmier nain, l'autre est 
l'alpha ou la sparthe , sorte d'herbe dont on se sert comme d'un 
fourrage. 

Dans ces derniers temps on a fondé à New- York une manufac- 
ture poiu* fabriquer du papier avec de la sciure de bois et des 
copeaux. Les expériences ont donné de très-beaux résultats; on 
estime qu'en évaluant la sciure à environ 5 dollars la tonne de 2000 
livres, le prix du papier pourra subir une diminution de 20 pour 
cent Les bois employés sont le cèdre blanc ( cupressus thyoïdes), 
le cotton-wood (populus), le cypriset le tamarc (parix ameri- 
cana, mélèze d'Amérique). Il y a trois qualités plus ou moins 
bonnes de papier Basswood ( TiUa Americana ). 

On se propose de pubHer un journal d'Albany sur du papier 
de cette fabrication. MM. Piette et Planche fabriquent du papier 
de paille pure, qui est excellent et presque blanc. Ils ont fait 
imprimer sur ce papier le Journal du fabricant de papier pour 
l'exposition universelle de 1855. 

APorto-San-Stefano, en Toscane , une société franco-italienne, 
après avoff retiré l'alcool de l'asphodèle , fabrique du papier et du 
carton des déchets de cette plante. M. d'Oliveira Pimontel, pro- 
fesseur à l'école polytechnique de Lisbonne , a essayé de fabri- 
(luer du papier d'agave ou de pitte (improprement appelé aloës) 
à la mécanique. M. Vœlter fils, à Heidesheim, dans le Wiutem- 

(<) U LuDiière, journ. héliograph. Paris, n» 44, 4854. 

® Voyez La Science, journal quotidien publié sous la direction de M. Auguste 
WniD, et dont le premier numéro a paru le 14 mars 1855. 



24 

berg , livre du papier composé de 70 pour cent de paille , de 20 
de chiffon et de 10 de kaolin ; d'autres de 35 pour cent de sapin, 
de 15 de coton de couleur et de 50 de coutil (lin). Son papier à 
lettres, très-convenable, se compose de 20 pour cent de bois de 
tremble, de 20 de coton blanc et de 60 de chiffons grossiers. 
M. Frontin aîné, de Majoulany (Lot-et-Garonne), a produit un 
papier nouveau qu'il appelle pen^iju/ifie, parce qu'il entre dans la 
fabrication de la pâte cinq plantes différentes , dont l'une est le 
topinambour. Enfin MM. Louvié et Yelii convertissent en papier 
d'abord le lin , ensuite le phormium tenax, le sparthe d'Afrique, 
le pin , le bananier, le jonc de France, le tilleul, l'agave et le pa- 
pyrus de Syrie. M. Jobard a fait des essais pour faire du papier 
de crottin de cheval. 

Il paraît cependant qu'on n'est point encore parvenu à un résul- 
tat assez satisfaisant; puisque les propriétaires du journal le Times, 
de Londres, M. Jobard, au nom du Musée d'Industrie de Bruxel- 
les, et la Société Industrielle de Mulhouse, ont offert, les uns 
25,000 francs , l'autre 50,000 francs , et la dernière une médaille 
d'or et une somme de 4,000 francs pour la découverte d'un pa- 
pier fabriqué avec des substances peu coûteuses et pour une en- 
cre indélébile. 

Néanmoins, on fabrique maintenant une quautité énorme de pa- 
pier, et nous sommes loin de cette pauvreté dont le quinzième siè- 
cle avait à souffrir; quelques rapprochements le prouveront. 

Les plus anciennes fabriques de papier (') établies en Europe da- 
tent du onzième siècle; ce furent celles de Xativa, de Valence et 
de Tolède en Espagne; celles de la Sicile, mais limitées à une ou 
deux tout au plus; lesimes et les autres furent établies dans le 
commencement du douzième siècle par les Arabes. Les moulins à 
papier de Fabriano^ du marquisat d'Ancône , qui existent depuis 
1340 emiron , furent les premiers moulins à pilons hydrauliques : 
auparavant ou se servait de moulins à bras. On y fabriquait plu- 
sieurs sortes de papier de coton et de chiffon, dont chacune avait 
sa marque particulière. Les autres papeteries de l'Italie, celles de 

(i) Voyez sur tout ce qui suit: J. G. E. Breitkopf, Ueber den Ursprung der Spiel- 
karten, etc. Leipz. 2 vol. 1784 et iSOi.— Fr. Metz, GescJiichte des Buchbandeis, 
harmst. 1834. — Mnrr, Merkwurdijçkeitpn der Stadt Nurenberg, 1778, p. 678. 



25 

Trévise, de Padoue et de Foligni, ne fleurirent qu'au seizième 
aècle. Troyes et Essone sont les villes de France qui eiu'ent les 
premières manufactures de papier, vers 1340; en Allemagne ce 
fat à Nuremberg que le sénateur Ulmann-Stromer établit en 
13901e premier moulin à papier, à dix-huit pilons , pour la fabri- 
cation du papier de chiffon. 

Maintenant il n*y a plus de fabriques en Sicile , ime seulement 
dans les Etats-Romains, une dans la Toscane, et 17 marchent en 
Espagne (*); mais l'Allemagne , y compris l'Autriche et le Hano- 
vre, compte plus de 1400 fabriques de papier, dont 320 machi- 
nes, et 1600 cuves. Ces fabriques produisent un million 60 mille 
quintaux de papier et de carton, dont les trois cinquièmes sont 
faits par des machines ; la Bavière seule possède 180 fabriques 
de papier avec 15 machines et 250 cuves; en Prusse, il y a 20 
machines qui ne sont destinées qu'à la production du papier 
de paille. La Russie possède 177 moulins à papier d'un revenu de 
3 millions 928,976 roubles, et qui occupent 14,942 ouvriers. 

Suivant un mémoire de M. Firmin Didot , la febrication du pa- 
pier en France, dans l'année 1852, s'élevait à 45 millions de kilo- 
grammes, dont 30 de papier blanc, et 15 de papier-tenture, 
de carton et autres. Aujourd'hui elle s'élève à 52 millions de kilo- 
grammes environ, dont Paris seul absorbe 5 milhons et demi de 
kilogranunes de papier à écrire ; 2 et demi pour les journaux : 
2 et demi pour l'administration publique ; 4 et un tiers pour la li- 
brairie; 3 millions pour carton, etc.; ce qui fait un total de 25 
millions. Il y"a 210 machines et 250 cuves. 

En 1843, on comptait à Paris 75 manufactures de papier, qui 
occupaient des milliers d'ouvriers. En 1839, on évaluait les pro- 
duits de la fabrication des papiers-tentures à 14 millions de 
francs. Le papier peint se vendait en rouleaux de 9 mètres de 
longueur sur 50 centimètres de largeur. Depuis l'introduction du 
papier mécanique , la largeur varie de 50, 100 à 150 centimètres. 
En 1851, M. Joynson, le célèbre fabricant de papier à écrire, de 
Saint-Mary, MM. Cray et Spicer exposèrent un rouleau de pa- 
pier de 2,500 yards de longueur, sur 1"*,16 de largeur; ils dé- 

l^J AHgsburger AbendzeitUDg, octobre 1854, sur l'exposilion de Munich. 



i 



26 

montraient ainsi la perfection du mécanisme an moyen duquel la 
bouillie aqueuse , coulant sans interruption , se trouve convertie 
à l'extrémité de la machine en feuille continue de large papier 
écolier , sec et prêt à être employé. 

La quantité de papier fabriqué dans la Grande-Bretagne , avec 
322 machines et 266 cuves, dans les cinq années 1830 — 1884, 
inclusivement, a été en moyenne de 70,988,181 livres par an. 
Dans les cinq années 1849— 1853 elle s'est élevée à 151,284,170 
livres par an. La production de l'année 1853 a été de 177,683,000 
livres. Dans la seule papeterie de M. Crompton , la fabrication 
annuelle dépasse 1,400,000 kilogrammes. 

Cela ne par£dtra plus étonnant si l'on considère le nombre 
immense de pubUcations et d'imprimés , sans parler du papier à 
écrire, et en particulier que le journal VlUustraâed London 
News s'imprime à 130,000 exemplaires par semaine; que le Fa- 
w%-IZeraW, journal à 10 centimes, se vend jusqu'à 240,000 
exemplaires par semaine , et le LondtmrJowrncd à 510,000 exem- 
plaires , soit 26,000,520 feuUles par an pour ce seul journal. 

Le Times tire chaque jour 50,000 exemplaires, et, dans les 
occasions extraordinaires , ce chiffire s'élève à 70,000. Le papier 
fourni par les trois établissements qui alimentent cette énorme 
consommation, pèse 82 livres la rame. Or, 60,000 exemplaires 
font 240. rames, pesant 19,680 Uvres. En supposant les feuilles 
déployées et empilées les unes sur les autres, on aurait une co- 
lonne de papier de 50 pieds de hauteur, et l'approvisionnement 
de 8 jours s'élèverait au niveau du dôme t!e Saint-Paul (Qt«a<er2jy 
Eemew). 

En Australie, un seul journal de Victoria tire 12,000 exem- 
plaires par jour. 

Mais mille part on n'emploie autant de papier qu'aux Etats-Unis. 
La France, avec 35 millions d'habitants, ne produit annuellement 
que 70,000 tonnes de papier, ce qui ne donne que quatre livres 
par tête ; l'Angleterre, avec ses 28 milhons, produit 66,000 tonnes, 
soit quatre livres et demie par tête ; la production américaine peut 
être évaluée à peu près au chiffre des productions réunies de la 
France et de l'Angleterre, sans qu'il en soit rien exporté, ce qui 
représente, pour 20 millions d'Américains libres, une consomma- 



27 

lion aonnelle de près de treize livres et demie par tête. Cette diffé* 
reDce ne peut s'expliquer que par ses institutions libérales, par la 
circulation des journaux, et le ^and usage de livres dans les 
écoles ordinaires (*). 

L'industrie du papier est une de celles que les Chinois pra- 
tiquent depuis très-longtemps, et qu'ils ont le plus perfectionnée. 
Ds fabriquent des papiers de bambou, du mûrier, de coton et de 
moelle d'arbre ; M. Stanislas Jub'en a publié la traduction des pro- 
cédés chinois. L'exportation de papier de Chine de toute espèce, 
a été, en 1845 à Canton, de 150,822 kilogr. et de 199,661 francs. 
Depuis 1839 on fabrique aussi en France du papier de Chine à 
l'usage des imprimeurs (• ). 

PLUMES A ECRnUSa Pour écrire sur le parchemin on em- 
ploya, an moyen âge comme dans l'antiquité (^), le pinceau ou la plu- 
me, connue sous le nom de ccdame (kalamos, chaume). Les calâmes 
dltalie étaient noueux et spongieux. Les meilleurs venaient de 
Gnide ou des environs du lac Anaïtique en Asie, ou de l'Egypte ; 
ils étaient forts comme les grosses plumes de l'aile d'une oie, 
bruns, fermes et luisants quand ils étaient secs. L'espace entre 
deux nœuds avait à peu près 35 centimètres de long, et le haut 
en était fendu et taillé comme nos plumes {*). 

Les plumes d'oie ne remplacèrent le calame que vers le hui- 
tième siècle, quoique Isidore {% évêque d'Espagne, mort en 636, 
en fasse déjà mention. Ajoutons par anticipation, comme nous l'a- 
îons j^t pour le papier, que les plumes métalliques furent propo- 
sées en 1750 par le mécanicien français Amoux; mais l'usage ne 
s'en est propagé que de nos jours. C'est au conunencement de 
notre siècle, en 1801, que M. Berthelot présenta ^ l'exposition 
des plumes composées d'un alliage d'argent. Depuis cette époque, 
on a employé des matières très-diverses pour la fabrication: l'or, 
l'argent, le cuivre, différents alliages, l'acier et le fer galvanisés. 



't) Tribune de New-York, 13 oct. 4853. 

lî) Voyage en Chine, etc. par M. A. Hausmann, Paris, 1848. 

f3)Pline, XVI. 36, 

(4) i. Winckelmann, M. der Herkulanisch. Rndeckungen» S. 46. 

«Silsidor Origen. 1. VT, c 13, p. 132. 



28 

On a même fait des plames en corne, en écaille, en caoutchouc 
durci et en gutta-percha. Ces derniers temps, on parlait de l'in- 
▼ention faite en Autriche (*) d'une plume mécanique, avec laquelle 
on pourrait tracer dix mille si|;nes d'écriture, sans la tremper de 
nouveau dans l'encre. 



L'encre employée pour écrire, au moyen âge et plus 
tard, était de compositions et de couleurs variées. H y avait l'encre 
rouge, qui figurait généralement aux titres des livres et chapitres: 
de là le nom de rubriques (rubrica, de ruber, rouge ). H existait à 
Orléans une charte de PhiUppe I*' de 1090, écrite en encre verte. 

Les empereurs signaient avec de la pourpre tirée du murex. 
L'encre d'or et d'argent ne fut guère employée que pour écrire 
sur du parchemin coloré, du vélin pourpre, et l'ou ne rencontre 
que rarement des manuscrits écrits tout à tait en or ou en argent- 

Nous citerons le fameux manuscrit connu sous le nom de Codex 
argentem (le manuscrit d'argent ('), soigneusement conservé dans 
une boite fermée à clef à la bibliothèque d'Upsal. Il contient la 
traduction en langue gothique d'une portion de la Bible ; traduc- 
tion faite au quatrième siècle par un évêque arien, le Goth Ulphilas- 
Ce manuscrit est écrit en lettres gothiques ( dites d'ITlphilas), or- 
dinairement argentées, sur parchemin violet. Les initiales et 
quelques passages sont en or. 

Ceux qui écrivaient en lettres d'or, au moyen âge, ûirent dési- 
gnés par le nom de Chrysographes ( du grec chrysos, or ). Leur 
secret s'est perdu. Un ancien calljgraphe d'Upres en France^ 
annonçait en 1844 avoir retrouvé l'art de la chrysographie en 
reUef ; il parait que son procédé, qui n'est pas connu, consiste à 
tracer le dessin d'abord à l'aide d'une pâte fluide, qui garde son 
relief en séchant, puis, à dorer en feuille cesreliefe, et à les brunir. 

Mais l'encre noire était d'un usage universel pour les manu- 
scrits et les chartes. Déjà les anciens, suivant Pline ('), se servaient 
de l'encre à écrire (atramentum librarium), faite de noir de 
fumée, tirée de la suie que donne la poix-résine, et mêlé avec de 

li) Gazette de Trieste; Journal de Francrorl. if^. 

(2) J. J. Ampère. Esquisses du Nord ; Paris. 4K.S8. 

(3) Pline XIII, 21-27; ibid. XXVII, 28. 



29 

la gomme; on y ajoutait quelquefois du suc d'absinthe ponthique 
pour éloigner les souris des livres écrits. 

Le moine Théophile (* ) au douzième ou treizième siècle, nous 
domie la recette pour la fabrication de l'encre noire employée 
alors. C'est une décoction de l'écorce du bois d'épine coupé avant 
la floraison, à laquelle on ajoute un tiers de vin au moment où 
elle commence à s'épaissir. Ensuite on la laisse sécher au soleil après 
l'avoir purifiée de la lie rouge. Lorsqu'on veut s'en servir, on la 
iiût détremper dans du vin sur le charbon allumé , en ajoutant un 
peu de noir (carbones). 

L'encre des anciens et celle en usage au moyen âge n'étaient 
pas aussi liquides que la nôtre; et appliquée sui;^le papyrus, le 
parchemin ou le papier, alors très-collé , elle formait souvent un 
certain relief, qui a donné lieu à la conjecture erronnée que ces 
écritures étaient dues à une sorte de procédé typographique (*). 

L'acide gallique, qui entre dans la composition de l'encre en 
usage aujourd'hui , n'a été découvert qu'en 1736 ('), par Scheele, 
et de cette époque date peut-être son emploi dans la fabrication 
de l'encre. 

CRAYOUSb Des lignes tirées avec des pointes de plomb se 
rencontrent dans des manuscrits qui remontent au onzième siècle ; 
auparavant, on les traçait avec un style en fer (*). 

Mais il n'est fait mention du véritable crayon, composé d'une 
baguette de graphite enchâssée dans du bois, qu'en 1565. C'est 
dans l'ouvrage sur la minéralogie de Conrad Gessner (*), de Zu- 
nch, que se trouve la première description et un dessin du 
crayon. 



lilTheophili presbyterï et iiiuiiachi Lib. 111 seu Uiversum urliuui schedula; Irad. 
•"n français par le comte Gh. de l'Ëscalopier, chapitre XLV; Paris, iii-4*. 

'2) Voyez par exemple, dans les esquisses do Nord de M. J. J. Ampère, sm* le co- 
<^ argeoteus. 

<3) Traité de chimie élémentaire par le baron L.-J. Theuard.T"* édition. Bruxelles, 
-Chimie appliquée aux arts par Ghaptal, t. IV, p. fl'S. 

'4) De Jorio, offlc. de papyr. pag. 38.— Le nouveau traité de diplomatique des bé- 



I^IGonradi Gesneri de rerum fossilium lapidum et gemmarnm, etc. Turici, 1565. 

"»-folio,pag.i04. 



30 

Le minéralogiste Csesalpinus , à Rome (1596), en fait également 
mention. Ferrand Imperata, à Naples (1599), nomme ce minéral 
grafio pwmbifio , et dit qu'on s'en servait pour en fedre des crayons 
et des creusets. 

Cependant, au dix-septième siècle . le crayon était encore très- 
peu connu. L'Anglais Merret(*), en 1667, nommait cette substance 
nigrica fdbrilis^ parce qu'elle n'avait point encore de nom latin, 
et qu'elle était une nouvelle découverte; et J.. Pettus, en 1683, 
nous apprend que les crayons faits de cette substance étaient en- 
châssés dans du bois de sapin ou de cèdre. 

Plus tard, les Anglais appelaient cette manière Bîcuik lead. 
Kellow ou Killow, et Wadon Wadt, noms qui désignent sa cou- 
leur noire. La qualité inférieiure est nommée PotJoot (dont les 
Français ont faitPotélot) , mine de plomb, le molybdène sulfuré des 
chimistes modernes. 

Dans le Dictionnaire de l'industrie, Paris, 1795, il est dit que 
les crayons d'Angleterre se fabriquaient avec du molybdène réduit 
en poudre et reformé en pâte avec de la colle légère de poisson. 

Le molybdène a été longtemps regardé comme une mine de 
plomb , et souvent confondu avec le graphite , qui lui ressemble 
par les caractères extérieurs. Le graphite est nommé par les mi- 
néralogistes /ercar&Mré, carbone oxidtdé ferrugineux , percarbure 
de fer, etc., etc., et improprement dans le commerce plombagine 
ou mifie de plomb. 

Les crayons se fabriquent avec du graphite scié en longs paral- 
lélipipèdes à bases rectangulaires , que l'on enchâsse dans des cy- 
lindres de bois de cèdre , de cypf-ès ou de genévrier. 

Les débris , réduits en pâte, et mélangés de sulfure d'antimoine, 
sont coulés dans de petits cj^lindres de bois, et servent de crayons 
de qualité inférieure ou de crayons de menuisiers. 

Eemarquons ici un fait curieux, c'est que, lorsque nous écri- 
vons avec un crayon, nous avons entre les mains les parties carbo- 
nisées des algues et des fucus primitifs, les premières plantes qui 
couvraient les profondeurs de la mer il y a quelques milliers d'an- 



(i) Merret, Piiiux reruin iiaturalium ; Loudun, 1667, in-8".— J. Pettus, Flete miuor, 
1683.— Joli. Beckmaim, Beitrâgc zur Gosch. der Eriindung. Leipz. in-8*. 1790, III 
vol.— Diclion. de la conversation; Paris, 1836, tom. 30, etc. 



81 

nées. Les fragments des algues, arrachés du fond des océans, 
accumulés en masses énormes par les vagues de la mer, furent 
plus tard carbonisés par les révolutions volcaniques , et forment 
maintenant des gisements d'anthracite et de graphite (*). 

Le graphite est, en conséquence, surtout abondant dans les 
formations primitives , ainsi que dans les terrains houillers , prin- 
cipalement dans le Cumberland , où gît cette belle couche de gra- 
phite qui fournit les crayons anglais les plus parfaits (mines de 
Boroughdale, qu'on dit épuisées maintenant). 

La fabrication des crayons fut longtemps le monopole exclusif 
de l'Angleterre. En 1809, elle rapportait encore à ce pays plus de 
90,000 livres sterling. Mais , par suite de la concurrence que lui 
font les £eibriques de France , de la Bavière et de l'Autriche , la 
febrication anglaise a beaucoup diminué. En 1847 on annonçait la 
découverte d'un énorme rocher de graphite de la meilleure qua- 
lité, faite par M. Albert, Finlandais, dans la chaîne des monts 
Sajan en Russie , près de la frontière de la Chine. 

C'est en 1795 que le Français Conté , pour rivahser avec l'An- 
gleterre, inventa le crayon artificiel, noir mat, composé d'un 
mélange de graphite'réduite en poudre fine et d'argile. Ce crayon, 
comiu sous le nom de crayons Conté, a principalement ser^i pour 
W dessin, mais il est presque abandonné aujourd'hui, et remplacé 
par une autre espèce de crayon appelé pierre d^ Italie ou (VEs- 
pagne. C'est un schiste argileux très-doux, très-fin , imprégné na- 
torellement de graphite (*). On imite cette composition naturelle 
par un mélange de graphite et d'alumiue. Il y a quelque temps, on 
se servait de crayons composés de graphite et de matière grasse , 
et qui étaient connus sous le nom de palette de BtibenSj probable- 
ment parce que les ombres produites par ces crayons sont très- 
vigoureuses, semblables en quelque sorte au coloris de ce maître: 
peut-être aussi parce que le fabricant (à Paris) , a pour enseigne : 
à la "palette de Bubens. 

On craignait toujours que les crayons naturels allaient peu à 
peu dispai'aitre , à cause de l'épuisement des mines , mais gi'âce à 

H) PlV. Dr. Kleiike, die NalunvissenschalU'u dor ielztcn 50 Jahre. uiid ihr Eiiitlu!>s 
aof das MciiscUenlebeii ; Leipz. 1854, iii-8». 
12} Communiqué par M. Pyrame Moriu, de Gunèvc 



32 

l'iugéuieuse iuventiou de rAugiais Brokedone , par laquelle il re- 
coustitue en comprimant dans le vide la poussière de graphite 
assez fortement pour en créer de véritables pierres, et grâce à la 
découverte importante de M. Brodies, qui consiste à épurer les 
mines les plus grossières, l'existence des crayons naturels parmt 
assurée pour longtemps encore. 

Les premiers crayons paraissent être venus dltalie. Les peintres 
italiens se servaient au commencement, pour leurs dessins, du 
fusain ; ensuite, d'un mélange de plomb et d'étain qu'ils appelaient 
sUle; puis ils employèrent de la craie rouge ou rubrique , matita' 
rossa, et la craie noire, inatitanera, et finalement le véritaJ[)le 
crayon, qu'ils nommaient depuis le dix-septième siècle Lapio 
pùyihbino, ou simplement matita. (Le mot crayon vient de craie, 
tiré du latin Creta, qui est aussi le nom de l'île de Crête, aijgour- 
dliui Candie , où cette pierre se trouve en abondance.) 

Les anciens maîtres en peinture, outre \estî/le depUmh ou d'ar- 
gent, employaient beaucoup pour le dessin la plume et le pinceau, 
avec lesquels ils exécutaient des dessins sur papier tinté, nommés 
dessins en camaven, genre qui facilitait incontestablement la trans- 
formation en gravure sur bois et sur cuivre, fl y a quelques années 
qu'on a remis en vogue les dessins au fusain et au pastel. On se 
sert aussi du crayon lithographique pour faire des dessins sur 
papier. 

Les dessins au pastel ou au fusain s'altérant facilement, on a 
cherché à les fixer sans leur faire perdre leur fraîcheur. M. le 
marquis de Yarenne a trouvé un moyen aussi simple qu'ingénieux 
en vernissant ces dessins à l'envers , c'est-à-dire en étendant sur 
là face postérieure-du papier une dissolution alcoohque de gomme- 
laque blanche. Cette dissolution pénètre le papier et s'introduit 
par la capillarité jusque dans les molécules du dessin, placé de 
l'autre côté; l'alcool s'évapore rapidement, de telle sorte qu'en un 
instant toute cette poussière si légère de pastel ou de ftisain est si 
bien attachée, si adhérente au papier, que le dessin peut être 
roulé et frotté sans s'eflfacer. Voici les proportions de la dissolu- 
tion: on fait dissoudre dix grammes de gomme-laque ordinaire 
dans cent grammes d'alcool; on décolore ensuite la hqueur au 
moyen du charbon animal ; on peut même employer la teinture 



33 

toute Êûte de laque blanche au sixième, en y ajoutant deux par- 
ties d'esprit-de-vin rectifié. Après avoir filtré, il suflSt d'étendre 
ane couche de Tune ou de l'autre de ces dissolutions avec un pin- 
ceau derrière le dessin , pour lui donner toute la solidité désirable. 

C'est aussi de cette dissolution que se servait Pabbé Soula- 
croûc (1839), pour fixer des dessins exécutés à lafwmèe Wwtie hou- 
.^i€, sor lesquels il faisait quelques touches de sépia, en enlevant 
^blancs avec un tortillon de papier, pour leur donner tout le 
piqoâQt du dessin au lavis. Le véritable inventeur des dessins- 
fumées nous parsdt être Mandé Daguerre; ces dessins se ven- 
daient à Paris , en 1827, chez Alphonse Giroux. 

Pour conserver les dessins très-déHcats , M. Sylvestre a con- 
seillé, depuis 1837, l'usage de la dextrine, dans des proportions 
de deux parties de dextrine, six d'eau et une d'alcool. 

On peut encore se servir avantageusement du produit remar- 
quable que le professeur Fuchs, de Munich, a inventé il y a plus 
de vingt ans, et qu'il appelle Wcbsserglas. C'est la potasse siUcatée, 
ou un verre qui se dissout dans l'eau. Ce verre se compose ordi- 
nairement, suivant M. Liebig, de quinze parties de quartz, dix 
dépotasse (ou neuf de soude), et une de charbon; unie par la 
fusion, cette composition, à l'état sec, est claire comme l'eau, 
dure et difficile à fondre ; pulvérisée , elle se dissout dans l'eau 
bouUlante, et lorsqu'on a soin d'entretenir l'eau en ébuUition con- 
tinuelle, on obtient, avec cinq ou six parties d'eau, un liquide de 
Inconsistance d'un sirop qui, étendu sur du bois ou du papier, y 
forme un vernis imperméable. 

Enfin, pour fixer les dessins au crayon, un artiste de Berlin 
recommande le coUodion dissous dans quatre parties d'éther 
suliimque , et étendu sur le dessin au moyen d'un pinceau large 
et doux. 

Pour compléter cette esquisse sur les matériaux qui servaient 
et qui servent encore à l'écriture et au dessin, nous mentionne- 
rons sonunairementles méthodes (*), les machines et instruments 
employés de tout temps , soit pour abréger la reproduction de 



(f) Extrait d'aue notice chronologique sur les diverses méthodes abrégées de repru- 
<lnire oo de niultipUer les dessins, par M. Rouget de Liste ; dans le Bulletin de la 
Société d'encouragement pour l'indiislriç n^Uouale, H** îinnéç. i844, p. 420. 



34 

récriture et surtout du dessin, soit poiu* les réduire ou les am- 
plifier ou pour les mettre en perspective. Déjà les anciens 
Egyptiens employaient les carreaux linéaires pour faciliter la 
copie des dessins. Il paraît que Bramante et plusieurs peintres 
du seizième siècle ont fait usage d'une vitre ou de la gaze tendue 
sur un châssis pour dessiner la perspective. Albert Durer a 
donné, en 1535, la gravure sur bois de deux machines inven- 
tées par lui pour dessiner les objets en perspective; c'est aussi 
lui qui a imaginé le point fioce servant de point de me , objet im- 
portant pour dessiner exactement les objets en perspective. Le 
peintre florentin Cigoli inventa en 1600 un appareil appelé 
éqtierre de OigoU par les Italiens. C'est à la même époque que le 
rév. Père Scheiner , géomètre et astronome allemand , inventa 
le parallélogramme linéaire , appelé depuis pantographe , pour 
réduire et amplifier les dessins tracés sur le papier. 

Thompson et Wren en 1664, Haies en 1710 en Angleterre, 
et Langlois en 1743 en France , ont perfectionné le pantogra- 
phe, ainsi que Bion en 1752, Sickes en 1778. Le mige du géo- 
mètre Buchotte ( 1754) çst un instrument semblable. Nous remar- 
querons encore le scénographe de Eckapt ( 1779) ; — le mégasœpe 
du physicien Charles (1786); — la machine dite polychreste et 
certkale^ inventée en 1787; — Y autographe de Brunnel, en 1800 ; 

— lebeveau mmersél d^Allard, en 1805; — le mécanographe^^ 
Donnant, en 1805; — le papier à calquer, fait de paille, par Rous- 
seau , en 1805; — le proportiomwmètre de Schmalcalder, en 1806 : 

— la machine à profiler de Le Moyne , en 1807 ; — la poudre ré- 
sineuse de MM. Revolet et Rigoudet, en 1807, propre à poncer 
les dessins sur les étoiFes et fixée ensuite à l'aide de la chaleur 
d'un fer à repasser, fort employée par les dessinateurs en brode- 
rie ; — la règle centrale de Nicholson , en 1814; — le quarréogra- 
phe de M. Aueracher, en 1820; — Vapographe de îï. Smith, en 
1821 ; — Vhyalographe de Clinchamp , en 1822 ; — le métroscope 
de M. Brunnelle de Varenne ; — le perspectog-raphe de M. Alas- 
son, en 1825 ; — le panoragraphe de M. Puissant; — le stéréogra- 
phe de M. Fevra^ de Saint-Mesmin, en 1829; — le diugraphe de 
M. Gavard; — Va^athographe de M. Symian; — le inéga^graphe 
de Mjf, Lefèvre et Percheron, en 1836;— -le visocalque de M. 



Viennot; — l'instrument de M. Laffore, dit cmnpas ïaffiorien, en 
1839; — Yhomographe de M. Brunier, en 1841 ; — le diasquiugror- 
pke de M. Rougier , en 1843 ; — le cymagraphe de M. Willis , en 
1843; — et enfin le ch/roinographe et le chalcograph^ , ainsi que 
plusieurs autres instruments et le papier-canevas (1843) inven- 
tés par M. Rouget de Lisle , de qui nous avons emprunté ces dé- 
tails sur les diverses machines à dessiner. N'oublions pas que 
M. CoUard a pris en 1850 un brevet pour une machine propre à 
graver des lettres et des ornements en creux et en reHef sur toute 
sorte de matières. 

Par ce qui précède , et en déduisant ce qui regarde les temps 
les plus proches de nous , Ton peut se représenter en quoi con- 
sistaient, au commencement des temps modernes , les matériaux 
pour écrire et les moyens dont on disposait pour reproduire et 
multiplier les manuscrits et les œuvres d'art. 

ERDPIiOI DE IiA GRAVURE AU COMMENCE- 
MENT DES TEMPS MODERBiES. Cependant k gra- 
vure était généralement pratiquée et d'une manière asseiz variée. 
On gravait des coins de médailles que l'on firappait ensuite au 
marteau ; on fabriquait même des bractéates ou médailles faites 
de lames de métal minces et estampées en creux comme les pa- 
tères de rideaux. La gravure des sceaux et des cachets était éga- 
lement très-répandue. 

On gravait en creux et en relief de très-beaux camées sur pier- 
res fines; mais c'est surtout aux ouvrages nombreux de l'orfèvre- 
rie que la gravure fut employée pour orner les croix , les ciboires, 
les calices , les châsses , les candélabres , les vases sacrés , les mis- 
sels et une multitude d'autres objets appartenant au culte ou au 
service domestique. 

Le prêtre et moine Théophile (*) , dans son Essai sur divers arts 
(lu douzième ou treizième siècle , nous a parfaitement instruits sur 
les genres de gravure alors en usage. 

Ce furent d'abord des ouvrages en or et en argent repoussés au 
moyen du marteau et des ciselés recourbés; des bordures en or, 



il) Théophile, presbyler, déjà cité, cap. 70, 71, 72, 73 et 74. 



36 

en acgeut, en cuivre doré, destinées à être appliquées autour des 
tables d'autel, des pupitres, des châsses et des livres. Ce genre 
d'ornements était fait à l'aide d'empreintes en fer gravées eu 
creux, semblables aux sceaux et estampes sur des lames de mé- 
tal minces appliquées sur du plomb épais. 

Le genre qu'il appelle opttë interrasile consiste à découper dans 
des plaques de métal des ornements et des figures diverses sur 
une enclume , à l'aide du ciseau et du marteau. 

< De cette manière se font les tables, les lames d'argent sur les 
«livres avec des images, des fleurs, des animaux; une partie en 
« est dorée, savoir les couronnes des images, les cheveux et les 
«r vêtements par places ; une partie reste d'argent; on fait aussi 
« des lames en cuivre ; on les creuse, on les met ensuite dans un 
« vase contenant de l'étain fondu pour qu'elles deviennent blan- 
« ches comme si elles étaient argentées. Elles servent à consolider 
« les sièges peints, les chaises, les Uts , et à orner encore les livres 
« des pauvres. » 

Uopus puftctile, ou travail de points ou pointillé, que Théo- 
phile décrit, est le plus remarquable. Voici en quoi il consiste: 
Sur une lame de cuivre on dessine des figures, des animaux ou 
des fieiu's, on champlève autour, « alors, battant doucement sur 
« un perloir avec un petit marteau, on remplit tous les champs 
« de très-petits cercles , * de manière que les figures plus en re- 
lief que les champs se détachent sur un fond mat, auquel on don- 
nait une teinte jaune en plaçant la lame de cuivre sur des char- 
bons ai'dents. Ces champs, lorsqu*ils n'étaient point frisés ou 
pointillés, étaient souvent couverts d'un vernis d'huile de lin, en- 
fumé sur des charbons ; ensuite, avec un racloir bien affilé, on ra- 
clait les ornements ou les figures rehefs, de façon que les champs 
restaient noirs. 

Ces deux derniers genres de gravure dont Théophile parle, 
c'est-à-dire l'opus interrasile et l'opus punctile, dont le premier 
rappelle le travail de nos reperceuses, et le second celui des gra- 
veurs en taille d'épargne pour les formes d'imprimerie , étaient 
tous les deux connus déjà des anciens. Pline en fait mention dans 
ses écrits. 

Aux gravures tj'orfévrerie nous pouvons joindre encore les 



87 

plaques métalliques gravées qu'on déposait sur les tombeaux , 
et les inscriptioiis ou ornements des cloches. 

PLAQUES METjiliUQUES GRAVEES. Il parait 
que les plaques tumulaires métalliques (*) gravées en creux au 
simple trait, sont les plus anciennes. 

C'est au commencement du quatorzième siècle que l'on rap- 
porte l'introduction de la gravure en relief sur les plaques. Sou- 
vent les planches de métal effilent les deux manières réunies; de 
sorte que les figures qui occupent la place du milieu sont exécu- 
tées en gravure au trait en creux, tandis que les inscriptions qui 
les encadrent le sont en relief. Le fond creusé autour des lettres 
était fréquenunent rempli d'une espèce de ciment rougeâtre ou 
noir. 

On trouve un assez grand nombre de ces plaques métalliques 
gravées, principalement dans l'Allemagne du Nord, en Finlande, 
en Suède et en Danemark. 

Les pierres tiunulaires qui étaient décorées de figures et d'or- 
nements, tels que des haumes, des écus et des bandes d'inscrip- 
tions en métal découpé ou revidé et incrusté dans la pierre même, 
pandssent de la même époque que les précédentes et ne sont pas 
rares, principalement en Angleterre. 

La description de deux monuments du treizième siècle , très- 
remarquable par le genre de travail et assez bien conservés, peut 
trouver sa place ici. Ce sont les tombes de Jean et de Blanche de 
France, enfants de saint Louis, dans la chapelle de ce roi à Saint- 
Denis (*). « Ils sont en cuivre jaune avec figures repoussées et 
< fonds en émail Le champ de la tombe de Jean se compose de 
* six plaques de métal, couvertes, dans toutes leurs parties appa- 



(1) Dr. Liesch . in Deulsches Kunslblalt ; Berlin, in-4», vol. II, iH51, p. 'ii ; vol. III, 
iB5î, p. 366; et vol. IV, 4853, p. 43. N" 29 et 35. —Dr. Kugler, Handbach der Kunsl- 
;;esch. Stuttg. 1842, in-8», p. 592, 2- éd. 1848, p. 022. — Ibid. Kleine Schriftcu, 
185i, vol. II, 601-031.— C. L. Milde, Denkm. bild. Kunst in Lubeck ; Lub. 1843, i" 
liv -The monumentas brasses of England, bey Rev. Cb. Boulell; London, by 
l lling. 1849, in-4».— Deutsches Kunstblatt; Berlin, vol. IV, 1853, W. Lubke, n* 35, 
etMandelgren eu Danemark, n" 29. 

(% Monographie de l'église royale de Saint-Denis par le baron de Guilliermy; Paris, 
i^, p. 105.— Montraucon, t. II. 100. — Millin, Anliquitis nationales, t. II, n* 11. 



38 

« rentes, d'émaux coulés entre des filets de cuhre jaune qui de- 
« viennent des enroulements d'un très*bon style. Les rinceaux, 
« courant sur un fond bleu , se terminent par des fleurs nuancées 
« de vert, de blanc, de rouge et d'azur. La figure du jeune prince, 
« en fort relief, est au milieu de la tombe... Le visage est pourvu 
« de toute beauté ; les yeux sont incrustés d'émail blanc avec la 
« prunelle en noir. Un petit cercle semé de points bleus comme 

« des turquoises, sert de couronne Autour du champ sur 

« lequel repose l'effigie , de petites bandes de cuivre disposées 
« en carrés portaient l'épitaphe dont les lettres se dessinaient 

« incrustées d'émail rouge sur le fond de cuivre Des mor- 

« ceaux de cuivre jaune très-mince , qui ont fait partie de la bor- 
« dure, portent, gravés à la pointe du ciseau, des fleurons, des 
« fleurs de lis à deux étamines et des châteaux; les fonds sont 

« guillochés La tombe de Blanche est en très-mauvais état, 

« mais du reste assez semblable à la première. » 

Remarquons dans le travail très-curieux de ces tombes en mé- 
tal , en vue surtout de l'époque dans laquelle elles furent exécu- 
tées, le treizième siècle, remarquons, dis- je, dans les champs 
gravés, les filets épargnés, restés reliefs pour retenir l'émail; 
les fonds de la bordure guillochés, probablement une espèce 
d'opus punctile dont parle Théophile; et les légendes gravées en 
creux et incrustées d'émail. 

INBRIPTI01Î8 SUR US8 CIiOCHES. Suivant M. 
Otte (') , les cloches avec inscriptions marquant le millésime ne 
se rencontrent que depuis le miUeu du treizième siècle dans le 
nord de l'Allemagne; mais dans le sud, et surtout en Itahe, on 
en trouve de plus anciennes, celle, entre autres, qui sert pom* 
la messe à la cathédrale de Sienne, portant la date de 1159 ('). 
Dans l'église de Buchardi, à Wurtzbourg (Bavière), il y en a 
une avec la date de 1240; et la cathédrale de Fribourg enBris- 
gau en possède deux, dont l'une du millésime de 1258, et l'autre 
de 1281. 



ii) Heiiirich Otle. Kimslai'cheologic lies Miltclallers, Lcipx. 1^4, )>, ^43. — Deiil- 
sches Kunstblalt. Berlin, vol. III, 4852, p. 409. 
{i) Suivaul Raïuboux, Armales archéol. de Didron. 5, 181, 



89 

On remarque généralement quatre procédés différents dans la 
fflanière de mettre les inscriptions sur les cloches. 

D'abord il y a des cloches d'un temps reculé, sur lesquelles les 
inscriptions sont gravées simplement en creux et au trait; celle de 
DiesbOTg, près de Magdebourg, est de ce genre. 

Il y en a d'autres dont les inscriptions et les représentations en 
figures au trait sont en relief très-bas. Les lignes reliefs qui for- 
ment les dessins sont tranchants à leur sommet, ce qui provient 
probablement de ce qu'on les a creusés dans le moule de la cloche 
avec nn instrument tranchant à joues ou à biseaux. 

Cette gravure devait se faire en sens contraire , si, après avoir 
fondu la cloche , on voulait l'obtenir droite. Cependant on rencon- 
tre souvent des cloches qui ont les figures ou les inscriptions en 
sens contraire , ces dernières toujours alors en majuscules. 

Les figures portent dans ce cas l'écu au bras droit; l'épée est 
suspendue au côté droit, et les prêtres donnent la bénédiction 
avec la main gauche. 

La cloche de l'église de Saint-Blasieus, à Muhlhausen , dans la 
Thuringe , de l'an 1345 , en est un exemple. 

Le troisième procédé , en usage dès le quatorzième siècle , pa- 
raît consister à imprimer dans le moule , au moyen de formes re- 
liefs en bois, les mots ou les caractères les uns après les autres. 

Les lettres , qui sont de belles majuscules , ont peu de relief; 
elles sont à surface plate, richement décorées d'ornements, le 
corps de la lettre étant souvent damasquiné. On remarque par- 
fois le bord de la forme qui a servi à imprimer les lettres dans le 
moule. 

Les figures qu'on voit sur ces cloches sont encore gravées en 
creux dans le moule , comme cela se pratiquait dans le procédé 
précédent Cependant on rencontre déjà des exemples d'applica- 
tion de cachets en cire sur la forme de la cloche , cachets qui s'im- 
primaient llans le moule , et qui, lorsqu'on séchait le moule, se 
tondaient en y laissant une empreinte en creux. La cloche , après 
le moulage , portait le reUef du cachet. 

Enfin la quatrième manière de procéder, pratiquée dès le quin- 
àème siècle, encore en usage aujourd'hui, consiste à for- 
mer les lettres isolées ou mobiles, en faisant passer de la cire à 



40 

travers une planche, dans laquelle sont percées à jonr les lettres 
de l'alphabet. Les lettres ainsi obtenues se collent ensuite sur la 
forme en composant l'inscription; elles s'impriment dans le moule 
en creux, et se reproduisent en relief sur la cloche. 

De tout ce que nous venons de dire sur l'état de la gravure et 
sur les matériaux qui servaient à écrire et à dessiner au commen- 
cement des temps modernes , il ressort suffisamment que les prin- 
cipaux procédés de l'art de la gravure étaient connus , les genres 
variés et tous les matériaux assez perfectiomiés pour qu'un esprit 
inventif pût les appliquer à l'impression en couleur sur papier. 

En remplissant les inscriptions gravées en creux d'une couleiu* 
noire au lieu d'émail ou de ciment , et en frottant fortement sur un 
morceau de papier appliqué sur cette gravure encrée , on aurait 
obtenu une épreuve pareille aux estampes des graveurs sur cuivre. 

Eu posant, au contraire, de la couleur au moyen du doigt 
ou d'un tampon sur les inscriptions gravées en relief, et en pres- 
sant un papier dessus, on aurait obtenu une épreuve semblable 
à celles des imprimeurs; et on se serait d'abord aperçu qu'il 
fallait graver les lettres en sens contraire, si on voulait qu'elles 
ûissent droites après l'impression. 

n est hors de doute qu'on avait fait des applications de ces 
différents genres d'impression longtemps avant l'époque à la- 
quelle on suppose appartenir les épreuves qui sont venues jus- 
qu'à nous , et qu'on prend généralement pour les pre^iiers es- 
sais. 

La conservation de ces premières épreuves de la gravure et de 
l'impression est due à l'usage des reheurs d'alors qui collaient des 
images de saints ou des cartes à jouer tant recherchées à cette 
époque dans l'intérieur de la couverture des manuscrits, usage 
maintenu jusqu'aujourd'hui encore dans certaines parties de l'Al- 
lemagne, et ce furent probablement aussi les premiers objets 
auxquels on apphquait les nouveaux procédés de gravure et d'im- 
pression dans l'intention de les multipher. 

C'est principalement chez les peintres de lettres qu'il faut 
chercher les premières traces de l'imprimerie. 

Outre les manuscrits précieux et soignés, il y en avait encore 
d'autres plus communs, faits par des écrivains inférieurs, et 



41 

qui, vendus à plus bas prix , servaient à l'usage de la maison et de 
l'école. Ces ouvrages, composés souvent d'une simple feuille, 
étaient écrits sur du papier ordinaire , ornés de dessins grossiers à 
la plume, et coloriés (*). Le mot de brève, appliqué à ce genre d'é- 
crits dérivant de la basse latinité , est synonyme de scriptum, 
écrit ou lettre , et désigne généralement les écrits en feuilles vo- 
lantes, ou tout écrit court; en un mot, c'est le contraire d'un 
livre volumineux. De ce mot brève vient le nom allemand bnef, 
qni avait alors la même signification, et on appfelait peintres de 
lettres ceux qui s'occupaient de les écrire. 

Ces peintres de lettres, qui étaient en même temps écrivains et 
coloristes, fabriquaient, dessinaient et coloriaient souvent aussj 
des cartes à jouer. 

D se comprend que le besoin de moyens plus expéditifs et de 
procédés plus faciles pour pouvoir livrer plus vite et à meilleur 
marché ces ouvrages de moyenne étendue , dut se feire sentir de 
bonne heure chez les peintres de lettres. 

Quant à l'antériorité d'usage , il est probable que les images, ac- 
compagnées de plus ou de moins de texte , sont postérieures aux 
cartes à jouer , mais que la nécessité de procédés accélérateurs de 
multiplication se faisait sentir également pour les unes et pour 
les autres. 

CARTES A iIOUERb 11 paraît certain que les cartes à 
jouer (*) sont d'origine cliinoise, et qu'elles étaient dès 1120 en 
usage chez les Arabes comme dans tout l'Orient. 

Ce liit sans doute à la suite des croisades que le jeu des car- 
tes ftit introduit de l'Asie en Europe; mais il s'y répandit peu 
d'abord. 

L'Italie et l'Espagne sont les premiers pays de l'Europe où les 
cartes fussent connues sous le nom de naipes; c'était vers la fin du 
quatorzième siècle ou au commencement du quinzième. 

Dès cette époque , elles se répandirent en France et en AUe- 



li) Voyez Sotziiiaim, déjà cilé, p. 47^. 

rf)J.-G.-4. Breitkopf déjà cité. — P. L. Jacob (Paul Lacroix) bibliophile, ori$^iii^ 
'•««cartesk jouer, dans le Dictionnaire de la conversation, Paris, 4835. 



42 

magne, mais en subissant des modiâcations et des changements 
notables. 

Les plus anciens types connus, les types fondamentaux sont le 
bâton, le denier, la coupe et l'épée. En Italie et en France , c'était 
des carreaux, des trèfles, des cœurs et des piques. En Allemagne, 
dans les Pays-Bas et en Angleterre, on avait les grelots, les glands 
et les feuilles qui étaient vertes, et les cœurs qui étaient rouges. 
Souvent aussi on employait des iigm'es emblématiques. De ce 
genre sont le Chartiludium logicum, de 1507; le Chartiludium 
institutionemjurisde 1518, tous les deux de Thomas Mumerde 
Strasbourg, ainsi que le Giuoco de Mantégna, et la Charta lusoria 
de Jobst Amman de Nui-emberg , de 1588. 

Dans les commencements, les cartes à jouer furent peintes, et 
on le faisait avec un grand luxe. Les plus anciennes qu'on possède 
sont les cartes de Charles FJ(*); elles sont peintes avec délica- 
tesse, comme les miniatures des manuscrits, sur un fond doré 
rempli de points qui forment des ornements en creux ; elles sont 
entourées d'une bordure argentée , dans laquelle un pointillage 
semblable figure un ruban roulé en spirale. C'est probablement ce 
pointillage qu'on appelle ixirée ou tarotée , espèce de gaufrure 
composée de petits creux piqués et arrangés en compartiments, à 
laquelle les tarots doivent leur nom, et dont les cartes ont jusqu'à 
nos jours gardé le vestige , quand elles sont couvertes par der- 
rière d'ornements et de dessins imprimés en noii- ou en couleur. 

Ces cartes, au nombre de dix-sept, sont peintes à la détrempe 
et sur un carton épais d'un millimètre. 

Les cartes à jouer de 1412, attribuées à Marziano de Tor- 
tone (*) et conservées à Milan, celles que possède la bibhothèque 
royale de Turin, et celles de la galerie de Durazzo à Gênes (*), 
sont du même genre, peintes en miniatiu^e sur du papier de 
coton, et collées sur du carton; mais on n'y remai'que aucune 
trace d'impression, pas même l'emploi de patrons (al traforo). 

Les cartes peintes étaient très-coûteuses. Celles que Marziano, 
secrétaire du duc Ph. Marie Visconti, avait peintes pour ce 



(i) Paul Laciuix, déjà cilé. 

(â) Decembris, Vila Ph. M. Vice-couiilis. Milan 1030. cap. LXI. 

(3) Gicognora memoric spelUnti alla storia délia Ghalcogra)}hia. Prat^, 18^)1. 



43 

prince, coûtaient 1500 écus d'or, environ 16,000 francs. Les 
trois jeux de cartes peints par Jacquemin Gringonner (*) pour 
le roi Charles VI en 1392, lui furent payés 56 sols parisis, en- 
viron 170 francs.. 

Ces prix diminuèrent sensiblement dans la suite, de manière 
qu'en 1454 un jeu de cartes destiné au dauphin de France, ne 
coûtait plus que 5 sous tournois, 14 à 15 francs environ de notre 
monnaie. 

Dans les comptes de Fargentier de la reine Marie d'Anjou, on 
voit qu'il a été payé à Guyon, mercier, demeurant à Saint-Ai- 
gnan, pour trois paires de cartes à jouer 5 sous tournois, et pour 
deux jeux de cartes et un nûllier d'épingles , livrées à Madame 
Magdelaine de France, 10 sous tournois. 

On avait donc trouvé dans l'intervalle de 1392 à 1454 des 
moyens de fabriquer des cartes à bon marché , et d'en faire une 
marchandise. Ces moyens furent probablement d'abord l'emploi 
de patrons, puis celui de l'impression par la gravure sur bois ou 
sur cuivre. 

Plusieurs débris de jeux de cartes, que l'on suppose exécutés 
avant le milieu du quinzième siècle , nous ont été conservés dans 
des rehures de manuscrits. 

Ce sont deux planches (*) de cartes, l'une de 18 cartes et 
l'autre de 10, portant tous les caractères du règne de Charles VU. 
Elles sont gravées en bois et coloriées au patron , chaque partie 
sur une seule planche. H n'y a qu'une seule planche qui porte 
le nom du cartier, F. Clerc, mais sans date. 

En général on a très-peu conservé de cartes à jouer, surtout 
de cartes ordinaires gravées sur bois. 

TAIUiBURS DE MOULES OU GRAVEURS SUR 

BOISb Les peintres de cartes se transformèrent donc bientôt 
ea tailleurs de moules (Formschneider), ou leur cédèrent la 
place. Les tailleurs de moides sont des graveurs sur bois, qui 
gravaient ces cartes soit sur des blocs ou planches de bois, soit 



(1) âaint-Foix, Essai sur Paris, 1. 1, p. 280, et Breitkopf, vol. 1, p. 28 — Ménestrier 
Bibl. curieuse, t. II, 174. 

(2) La 1'* est de la collectiou de M. d'Heuoeviile, l'aulre de laBibl. imp. de Paris. 



i 



44 

SOT des planches de métal, pour les multiplier au moyen de Vim- 
pression en couleur. 

Dans les registres municipaux et dans ceux des corporations, 
on peut constater où et à quelle époque existaient les premiers 
cartiers et graveurs de cartes. Dans ceux de Nuremberg, il est 
&it mention de tailleurs de moules en 1449, et de cartiers depuis 
1433. Dès 1473, on nomme des peintres de lettres, des caUi- 
graphes, des coloristes, dont dépendaient les tailleurs de moules 
et les imprimeurs. On rencontre des noms de cartiers et de 
peintres de cartes à Augsbourg, en 1418; à Ulm, en 1402; mais 
des tailleurs de moules seulement en 1441. A Francfort-sur-le- 
Mein, on cite Henné Kruse, de Menze (Mayence), comme im- 
primeur en 1440/ 

Dans les Pays-Bas, les imprimeurs de lettres se montrent à la 
même époque. La confrérie de Saint-Luc à Anvers se composait 
en 1442 de peintres, de sculpteurs sur bois, de verriers, de co- 
loristes (verlichter), et d'imprimeurs (printers). Dans la confré- 
rie de Saint- Jean l'évangéliste de Bruges se trouvaient, en 1454, 
des écrivains , des maîtres d'école , des libraires , des imprimeurs 
sur bois (printers, holzdrucker), des relieurs et des faiseurs d'i- 
mages (beelden mackers); plus tard, les Néerlandais appelaient 
les tailleurs de moules et les imprimeurs de cartes des Plcuxt ou 
Mgiterssnyders (ta lleurs de planches ou de figures), des H&iUgen 
ou Beeldehen printers (imprimeurs d'images de saints). 

Sur les anciennes cartes à jouer, conservées au cabinet des 
estampes de Paris, figurent les noms de diflFérents cartiers d'é- 
poques diverses. Le plus ancien paraît être Jehan ValayouVolay, 
qui fabriquait des cartes sous Charles Vin ou Louis Xn, de 
1483 à 1498. 

Mais on ne fait mention en France de tailleurs et imprimeurs 
d'histoire et de figures que dans le seizième siècle. On les trouve 
joints à Paris aux dominotierSy qui fabriquaient du papier bigarré 
et marbré , genre de travail qui a beaucoup de rapport avec celui 
qu'exécutaient auparavant les cartiers lorsqu'ils tarotaient le re- 
vers des cartes. 

En Italie , il n'est pas question de ces professions avant l'in- 
troduction de la typographie dans ce pays , qui eut lieu en 1468 
par Jean de Spire, imprimeur allemand. 



45 

Nous pouvons donc établir avec certitude, que les tailleurs de 
moules ou graveurs sur bois, ainsi que les imprimeurs de 
cartes et de lettres (briefe), étaient déjà assez répandus vers 
1440, mais qu'ils ne remontent pas au delà de beaucoup plus 
d'une vingtaine d'années. 

IMPRESSIONS EN PLANCHES FIXES 

Les genres d'ouvrages produits par les peintres et les impri- 
meurs de lettres se continuèrent jusque dans le seizième siècle , 
et consistaient, après les cartes à jouer, principalement eto effi- 
gies de saints. 

Le culte d'hyperdulie et de dulie , ou de la Vierge et des saints, 
pratiqué dans cette époque avec exaltation, et l'usage de faire 
dans l'église la prière devant des images, introduit aussi dans le 
culte de la maison, furent les principales causes de la fabrication 
d'images à bon marché, d'images faites sur papier et d'une exé- 
cution grossière en dessin et en couleur, destinées aux per- 
sonnes trop pauvres pour sp procurer des peintures ou des sculp- 
tures. 

Ces peintures 'grossières étaient l'ouvi'age des imagiers, des 
peintres de lettres, et représentaient ordinairement la vierge avec 
l'enfant Jésus , l'annonciation , le Christ sur la croix ou le Christ 
souffrant, accompagné des instruments du martyre, ou bien des 
saints et des saintes, patrons des pays ou des villes. Souvent on 
ajoutait sous l'image des légendes, des prières, des annonces 
d'indulgences ou de miracles pour les pèlerins. 

La vénération des images allant toujours en augmentant, on 
imagina de graver les peintures sur du bois, de les imprimer sur 
du papier, et de les colorier à la détrempe ou à la gouache, pour 
les vendre encore à meilleur marché , et de les répandre en plus 
grand nombre. 

Les tailleurs de moules ou graveurs sur bois transformèrent 
bientôt ces images aune seule figure en images représentant des 
poupes entiers, figurant des sujets de l'histoire sainte, ou des 
épisodes de la vie des samts personnages. On les réunissait quel- 
quefois en formant des volumes, des livres d'images, auxquels^ 



M6 

dans la suite, on ajouta un texte séparé, que l'on grayaitsur 
une planche de bois à part. et. que Pon imprimait sur une feuille 
placée en regard de l'image. 

IMPRB8SIOBI8 XYIiOGRAPHIQITBB. On appelle ce 
genre d'impression â?j/Zo^rajp^ii6 (du grec .ri/Zos, bois), on tabel- 
laire, parce que l'image, avec quelques lignes de texte sont im- 
primées sur des planches entières de bois gravées, ou des planches 
de bois en caractères fixes; c'est le contraire de l'impression avec 
des lettres mobiles, et peut être considéré comme la première 
époque de l'imprimerie. 

Les imprimés xylographiques ou tabellaires primitifs, qu'ils 
consistent en livres avec texte et images, ou en hvres d'images 
sans texte, qui se sont conservés jusqu'à nous, ne dépassent 
guère le nombre de trente ouvrages différents. 

La plupart ont le format d'un petit in-folio, et ne se composent 
généralement que de cinquante pages, qui sont imprimées d'un 
seul côté du papier {anopistho-graphique, le contraire dJopis^u)' 
graphique y ou impression sur le côté recto ^t\e verso de la feuille). 

L'impression de ces premières épreuves de l'imprimerie ne 
s'opérait point par la presse typographique , alors inconnue , mais 
à la manière des cartiers, qui était la suivante: Sur la planche 
de bois gravée en relief et préalablement noircie avec une cou- 
leur à la détrempe, on plaçait une feuille de papier, que l'on 
frottait fortement au moyen du frottmi enduit d'un corps gras> 
huile, savon ou autre, qui lui permit de glisser sur la feuille de 
papier sans la déranger, de manière que le papier touchât par- 
tout la gravure relief, et celle-ci s'y imprimait parfaitement Comme 
cette manière d'imprimer au frotton empêchait l'impression des 
deux côtés de la feuille, le frottement nécessaire pour opérer 
l'impression sur le côté opposé de la feuille de papier aurait ef- 
facé l'empreinte existante sur le recto, on était alors forcé de 
coller des feuilles dos à dos par le côté resté en blanc, pour n'en 
former qu'une seule. . 

Examinons succinctement maintenant les produits de cette 
première époque de l'imprimerie et de la xylographie. D'abord les 
images isolées , ensuite les livres composés de texte seulement, et 
enfin les livres d'images. 



47 

La gravure xylographique, que Ton suppose le plus ancien 
monument de l'art d'imprimer, connue jusqu'à présent, repré- 
sente un saint Christophe portant l'enfant Jésus à travers la 
mer; à sa partie inférieure est une inscription latine en lettres 
gothiques, avec le millésime de 1423, et dont voici la traduction* 

Se jour où tit ttsax^itta» U tact tt Cbmtopbe, ce jouv-U, 
tu ne mourrad pa» Vnnt mauDatAe mort. 

S'jtn mil quatre cent titn^t-trots . 

Cette gravure a été trouvée par M. de Heinecken au milieu 
du siècle passé ; elle était collée dans l'intérieiu' de la couverture 
d'un manuscrit de l'année 1417. 

Quoique généralement regardée comme authentique , l'âge en 
a été cependant contesté, et surtout d'ime manière convaincante 
par M. Sotzmann (^); voici ses preuves: Le millésime de 142B 
n'a pas rapport à l'époque dans laquelle fut exécutée la gravure, 
mais plutôt à un événement extraordinaire arrivé dans le cou- 
rant de cette année ; aussi l'inscription ne désigne-t-elle pas les 
qualités attribuées ordinairement à ce saint, elle fait au contraire 
allusion à l'événement. En effet, les dates qui se trouvent sur les 
anciennes gravures xylographiques de cette époque ont ordinai- 
rement une autre signification que de marquer la date de la fa- 
brication; quelquefois elles ont rapport à la personne même 
que la graviu-e représente; comme c'est le cas sur la gravure 
d'un saint Nicolas de Tolentino avec le millésime de 1466, qui 
est l'année de sa canonisation; d'autres fois, elles désignent l'é- 
poque d'une fête, d'un miracle , ou l'année dans laquelle fut faite 
Fimage originale dont la date passait dans la copie gravée. 

Enfin , ce qui prouve encore davantage conti'e l'antiquité sup- 
posée de cette graviu-e du saint Christophe, c'est qu'elle n'est 
pas imprimée à la manière des temps primitifs de l'imprimerie^ 
c'est-à-dire avec le frotton et en couleur pâle, mais qu'elle est 
imprimée avec la presse typographique et à l'encre noire. 



(1) Sotzmann. p. 505-507. -J. D. Passavant, Kiinstblatt. Berlin, 4R.50, p. m. 
'^•C. Palkenstein, Gesch. der Buchdnickerkunst. Leipz. 1840, in-4«. 



48 

Un second exemplaire xylographique du même saint Christophe, 
portant également la date de 1428, existe au cabinet des es- 
tampes de Paris. H est parÊùtement semblable à l'autre (*), et 
c'est un fait remarquable qu'il existe deux exemplaires de cette 
gravure, supposée la plus ancienne, tandis que toutes les autres 
connues jusqu'à présent sont des exemplaires uniques. 

On place encore, dans cette première époque de la xylogra- 
phie , im grand nombre d'autres graviu*es portant également des 
dates dont la pluralité cependant paraissent douteuses. Une des 
plus remarquables est un saint Bernardin avec le millésime de 
1454, du cabinet des estampes de Paris^, dont le travail est une 
imitation d'une gravure sur métal, taillée au moyen du ciseau, 
genre de gravure qui nous occupera plus tard. Cette gravure 
. nous transporte déjà par sa date et son caractère aux premières 
années de la typographie. 

La plupart de ces gravures xylographiques mcunables se ren- 
contrent dans la Franconie , les contrées rhénanes et la Sonabe. 
En Flandre et dans le Brabant, ces images grossières ne pa- 
raissent pas très-répandues, parce que le goût était déjà plus 
épuré par la peinture des miniatures qui y florissait. Pour la 
France , ce serait principalement en Bourgogne qu'on pourrait 
trouver des produits de ce genre. L'Italie n'en oifre aucune trace. 

Les livres xylographiques ou tabellaires (Block-books) forment 
la transition entre les images xylographiques imprimées et la ty- 
pographie. Ds constituent luie division particulière dans la litté- 
rature et les arts du moyen âge, et oflfrent un grand mtérêtpour 
l'histoire et le développement de l'art de l'imprimerie et de la 
gravure sur bois. 

On les divise ordinairement en deux classes: les livres conte- 
nant du texte seul , et ceux qui sont composés d'images et de 
texte. Les premiers sont des abécédaires , des ouvrages élémen- 
taires à l'usage des écoles, et surtout des Donats ou extraits de 
la grammaire d'Aelius Donatus, maître de saint Jérôme, qui vi- 
vait au miUeu du quatrième siècle. 

H) Ce (|ui a été prouvé par Crapelet et Waagen contre Dibdin. qui prétiîndait Taire 
un exemplaire unique, do la gravure conservée dans la collection de lord Si)encer. 



49 

C'est à rimpressîon de ce livre, généralement estimé et exclu- 
sivement en usage pendant des siècles , que l'imprimerie nais- 
sante exerçait son art, essayait ses forces juvéniles et ses pro- 
cédés encore imparfaits, et cela presque dans tous les pays en 
même temps. 

Les plus anciennes éditions cependant ont été faites en Hol- 
lande (*), probablement à Harlem, avant 1440, et de là se sont 
répandues dans les autres pays. 

On ne possède que deux éditions complètes de ces Donata; le 
reste consiste en iragments disséminés dans les bibliothèques de 
Paris, de Londres, de Vienne, de Munich, du Haag, de Harlem, 
de Leyde, de Trêves, de Mayence et de Halle. Us sont imprimés 
sur du parchemin ou sur du papier, mais, comme ils portent tous 
les signes de l'emploi d'une presse, ils ne peuvent être reculés 
que jusqu'à 1440. 

Lés premières éditions étaient imprimées au frotton, d'un côté 
du papier seulement, et en grandes lettres gothiques. Cependant, 
la manière d'imprimer avec des planches de bois sur lesquelles 
le texte entier était gravé , ne peut pas toiyours être regardée 
comme une particularité caractéristique des premières impres- 
sions, et désignant exclusivement les préliminaires de la typogra- 
phie, puisqu'on a pubhé des éditions xylographiques encore après 
l'introduction de la typographie. On connaît un Donat xylogra- 
phique en lettres allemandes , pubUé en 1480 par Conrad Dink- 
muth, relieur et imprimeur de lettres (briefe), et de livres à Ulm; 
et une bulle d'indulgences, publiée à Munich en 1482. 

M. Aug. Bernard atteste que les Donats en vélin sont impri- 
més à la presse et non au frotton , vu la difficulté que présentait 
cet instrument pour l'impression sur vélin ; et que les donats xy- 
lographiques sont postérieurs aux donats typographiques, ou en 
caractères mobiles, «parce qu'on ne connaît pas un seul fragment 
de Donat imprimé à la détrempe, et par conséquent au frotton, 
quoiqu'on en possède beaucoup exécutés avec des planches de 
bois; tous les Donats xylographiques qu'on a sont imprimés des 
àeax côtés en belle encre noire, et portent des signaivres.'Enûn, 

(1) Sotanaïui, tbid. p. 5S4 et saWantes. 






50 

pour des livres peu considérables et souvent réimprimés , il était 
plus économique, une fois Fimprimerie organisée, de les faire 
graver, afin de les conserver en magasin, et de pouvoir réimpri- 
mer à volonté , que de les composer chaque fois en caractères 
mobiles. Dans ce cas , les planches de bois faisaient l'office de 
nos clichés ou stéréotypes d'aujourd'hui » 

« Il existe encore un grand nombre de planches de bois prove- 
nant de Donats xylographiques. La Bibliothèque impériale de Pa- 
ris en possède deux qui viennent primitivement de l'Allemagne (*). » 

On peut donc fixer la durée de la période des livres xylogra- 
phiques (*) à plus d'un demi-siècle, environ entre 1440 et 1490. 

La seconde classe des livres xylographiques ou tabellaires, 
avec images et texte, embrasse une série d'environ vingt ouvrages, 
tant religieux que profanes. Ce sont tous des imitations directes 
de manuscrits ornés de miniatures, estimés et connus depuis 
longtemps , et dont la plupart existent encore. Quelques-uns re- 
montent même jusqu'au treizième siècle, comme la Bible des 
pauvres et le Miroir du salut. 

La Bible des pauvres (*), Biblia pauperum, ne paraît pas avoir 
reçu ce nom parce que ce livre était destiné spécialement aux per- 
sonnes pauvres, mais parce qu'il devait servir de guide dans la 
prédication aux ecclésiastiques inférieurs et peu instruits. 

Ce mot pauperes désignait au moyen âge aussi bien les pauvres 
laïques que les ecclésiastiques inférieurs des couvents et des 
ordres. Les chartreux et les bénédictins, qui s'en servaient le 
plus , s'appelaient eux-mêmes pauperes ChrisU. 

La Bible des pauvres, ainsi que le Miroir du salut ^ ouvrages 
qui ont plus d'un rapport', se composaient d'une suite de repré- 
sentations prises du Nouveau Testament, expliquées par des 
versets tirés des prophètes, et par des sujets empruntés à 
l'Ancien Testament. 

Le Miroir du salut, qui est le développement de la Biblia 



(1) De l'origine et des débals de l'impriinerie en Europe, par M. Auguste Bernard; 
Paris, 1853, tome I. p. 103. 

(2) Pour plus de détails voy. Wetler. Ottley, Sotzmann, etc. 

(3) Falkeuslein, Sotzmann, etc. 



61 

paapemin, est pourvu d'un texte plus étendu, et contient de 
plus une histoire de la rédemption du genre humain. 

On connaît jusqu'à présent six éditions de la Bible des pau- 
vres, dont une, qui est considérée comme la plus ancienne, est 
composée de cinquante tables ou feuilles. Le seul exemplaire qui 
en existât encore a été soustrait à la bibliothèque de Wolfen- 
bûttel, et placé dans celle de Paris. M. de Huebsch, à Cologne, 
a trouvé une des planches de bois gravées qui avaient servi à 
l'impression de cette édition, que l'on suppose par conséquent 
originaire de Cologne ou de son voisinage. 

Les cinq autres éditions ne se composent chacune que de 
quarante feuilles. L'une de ces éditions, considérée comme la 
plus ancienne , paraît aussi avoir servi de type aux autres , et 
est jugée d'origine néerlandaise. 

Les planches de bois de toutes les éditions de la Bible des 
paufores, ainsi que de presque tous les livres xylographiques, sont 
imprimées au moyen du frotton et avec de l'encre à la détrempe 
pâle , et seulement d'un côté du papier. 

Chaque feuille est marquée d'une lettre majuscule , placée au 
milieu des sujets de la partie supérieure. La première feuille 
porte la première lettre de l'alphabet, et fcnsi de suite jusqu'à 
la vingtième, qui est signée du Y. Les vingt feuilles suivantes 
sont signées de même , mais avec cette différence que chaque 
lettre est placée entre deux points. C'est là le premier emploi 
des signatures de feuilles , qui maintenant sont d'un usage gé- 
néral. 

Dans le mois de mai 1823, M. Jacques Eoning, à Harlem, dé- 
couvrit les planches gravées en bois qui avaient servi à l'impres- 
sion de la Btblia pauperum , et à un autre incunable xylogra- 
phique , VArt de mourir (Ars moriendi), planches que plusieurs 
imprimeurs hollandais du quinzième siècle ont employées dans 
dhrerses éditions postérieures. 

Koning attribue ces planches à Coster. 

Le Miroir du salut, jetpeculum bumanie sabattoiit» , qui sous 
plusieurs rapports est semblable à la Bible des pauvres, est sur- 
tout remarquable parce qu'il est en partie xylographique et en 
partie typographique. 



Ce livre incanable forme ainsi le passage de la première épo- 
que de rimprimerie, l'époque xylographique ou tabellaire, à la 
seconde époque, la typographie, ou impression en caract^es 
mobiles. 

On a consenré quatre éditions du Jlfiro»r du sàkU, dont deux en 
latin, et deux en hollandais. Elles sont toutes in-folio, avec des 
caractères gothiques (de la forme des caractères de l'écriture en 
usage dans la Hollande au quinzième siècle; Otdey, 219) de la 
force du sam^ugtutin (14 points typographiques) mais avec 
l'œil très-compacte , équivalant à. celui du gros-romoÀn gras 
(Bernard I, 13). Les sujets de ces quatre éditions sont impri- 
més sur les mêmes planches, avec le frotton et de l'encre pale. 

Cependant le texte de l'une des éditions latines, qui se trouve 
dans les si\jets figuratif, est pour vingt de ses feuilles gravées 
sur les planches de bois mêmes, tandis qu'il est imprimé sur les 
autres feuilles avec des lettres mobiles et de l'encre à l'huile. 

La ressemblance du style et de la gravure des sigets, ainsi 
que des lettres, que l'on remarque* entre la Bible des pauvres et 
le Miroir du salut, fait supposer que l'époque de leur publica- 
tion est à peu près la même; elle peut être placée vers l'an 
1450 , alors que la typographie commençait à naître à Mayence. 
M. Bernard, s'appuyant sur l'assertion d'Hadrien Junius et sur 
d'autres preuves incontestables, attribue l'impression des Spé- 
culum anonymes à Laurent Coster, de Haarlem ('). 

Les planches de bois qui avaient servi aux éditions originales 
de la Bible des pauvres , forent plus tard employées dans des 
livres publiés par Peter van Os, à Zwoll (Ober-Yssel), en 1486 
et 1491. L'imprimeur Veldener, de Culembourg, s'est servi des 
planches originales du Miroir du salut pour une nouvelle édi- 
tion du même livre en 1483; il a scié les planches et les a mêlées 
avec de nouvelles, pour en former une édition in-4^. D existe 
même encore deux éditions de la Bible des pauvres entièrement 
xylographiques , mais dont plusieurs exemplaires sont imprimés 



(4) Voyez en outre sur ce svijet Wetter, Falkenstein, Ottley. Sotzinann et surtout 
EL Harzen, ftber Alter und Ursprung der friihesten Ausg. des Heilspi^peis, im Ar> 
chW f. zeichn. Kttnste. Leipz. I*' Jahrg. 1855. p. 3 ff. — Il" Jahrg. 4856, p. 1 AT. — Sui- 
te Spéculum salv. hum. par Gh. Rueleus. Brux. 1855, etc. 



des deux côtés dn papier et par la presse typographique. Le 
texte est en allemand, et les gravures plus grossières qu'aux édi- 
tions antérieures. L'une de ces deux éditions porte le millésime 
de 1470, et a pour éditeurs Frédéric Walther et Hans Huming, 
à l^ôrdlingen; l'autre est marquée de la date 1475 , et du mono- 
gramme de Hans Sporer. 

On voit donc que les impressions xylographiques ou tabellai- 
res existèrent encore longtemps à côté des éditions typographi- 
ques, comme cela était le cas avec les Donats. 

Les autres livres xylographiques avec texte et images qui nous 
ont été conservés , ont plus ou moins de rapport quant aux pro- 
cédés d'exécution avec les deux livres que nous venons d'exami- 
ner; mais ils diffèrent entre eux par les sujets et le texte, le 
format, le volume et la date. La plupart des dessins des images 
de ces livres ont été coloriées par des enlumineurs avec des cou- 
leurs à la détrempe. 

Certaines particularités qui paraissaient propres aux livres 
xylographiques, et qui ont été présentées comme des preuves 
de leur antiquité, ont été écartées plus tard comme incertaines 
on douteuses, comme fausses même. Telles sont principalement 
les signatures marquant la suite des feuillets, qui se rencontrent 
déjà sur les éditions les plus anciennes de la Bible des pauvres, 
et qui cependant ne furent mises en usage qu'en 1472 par l'im- 
primeur Kœlhof , à Cologne ; telles sont encore les marques de 
la fabrique ou du fabricant dans le papier qui a servi à l'impres- 
sion de ces livres, et sur lesquelles Koning surtout appuyait ses 
arguments , ces marques , quoique existant déjà dans des livres 
xylographiques néerlandais de la première moitié du quinzième 
siècle, se rencontrent également encore dans les imprimés alle- 
mands et hollandais du seizième siècle. L'usage d'intercaler dans 
les livres tabellaites imprimés en latin des feuilles blanches sur 
lesquelles on écrivait à la main la traduction allemande , usage 
que les imprimeurs de lettres paraissent avoir introduit pour s'é- 
pargner le travail pénible de la gravure sur bois, n'est pas re- 
gardé comme une preuve infaillible de leur antiquité , pas plus 
que les marques du fabricant de papier et les signatures des 
feuilles pour le relieur. 



54 

n suit de là que les livres xylographiques embrassent une pé- 
riode plus courte que les Donats, de 25 ans environ, commen- 
çant à peu près vers 1460; et que, par conséquent, ils ne sont 
pas les plus anciens produits de la gravure sur bois , mais qu'ils 
peuvent être considérés comme contemporains des incunables 
de la typographie. 

n parait qu'en général l'impression avec des planches de bois 
gravées a commencé à être pratiquée par les cartiers et par les 
peintres de lettres dans les trente premières années du quin- 
zième siècle, et cela principalement en Hollande; mais que cet 
art ne se répandit et ne s'établit positivement que vers 1440, 
époque des cartes à jouer et des images de saints gravées sur 
bois et sur métal, et imprimées sur papier. 

A l'approche du milieu du quinzième siècle , l'impression xylo- 
graphique ou tabellaire produisit principalement des livres com- 
posés simplement de texte, et ce fut premièrement en Hollande. 

C'était l'époque des Donats et des livres d'école. 

Depuis 1460 jusqu'en 1480 environ, lorsque la typographie, 
c'est-à-dire l'impression avec des lettres mobiles, avait déjà été 
inventée et même perfectionnée à Mayence , on publiait encore 
en Hollande , et plus tard aussi en Allemagne , des livres d'ima- 
ges xylographiques. 

C'était à la fois l'époque des livres xylographiques à images et 
de l'invention et de l'extension de la typographie. 

Enfin, dès les dix dernières années du quinzième siècle, la 
gravure sur bois, employée jusque-là par les imprimeurs de let- 
tres pour les livres de texte et d'images , ne servait plus qu'à la 
reproduction des dessins et des peintures , tandis que la typo- 
graphie était exclusivement adoptée pour les livres à texte. 

Ainsi ces deux arts, qui avaient marché ensemble pendant 
quelque temps, s'étaient séparés pour prendre chacun une route 
indépendante en se développant et se perfectionnant dans tous 
les sens. 

Un troisième art , la gravure sur métal , dont nous nous som- 
mes peu occupés jusqu'à présent, entra également en lice , et en 
même temps que les deux précédents. 

Ces trois arts donc avaient été inventés dans le commence- 



55 

ment du quinzième siècle. La gravure sur bois et la gravure sur 
métal , tous les deux destinés à la reproduction et à la multipli- 
cation au moyen de l'impression, auront leur place plus loin; la 
typographie nous occupera d'abord. 

IMPRESSIONS EN LETTRES MOBILES 



Sa Nous ne reproduirons pas la longue et 
interminable discussion sur la priorité de l'invention de la typo- 
graphie ('), réclamée surtout d'un côté par Harlem, et de l'autre 
par Mayence. Nous adopterons pleinement l'opinion et la con- 
clusion de M. Sotzmann, qui, appuyé sur des arguments irré- 
cusables, a pénétré ce sujet d'une critique éclairée, saine et tout 
à fyât impartiale. 

Nous regardons comme probable que la typographie a été dé- 
couverte également et presque en même temps à Harlem et à 
Mayence. 

Nous avons remarqué que l'Allemagne peut revendiquer l'hon- 
neur d'avoir fourni les premiers tailleurs de moules ( graveurs 
sur bois) et les imprimeurs de lettres, tandis que la première 
application de l'imprimerie xylographique ou tabellaire, faite aux 
Donats et aux livres d'images , appartient à la HoUande , d'où 
elle fut importée et répandue en Allemagne. 

Tout était donc prêt , gravure et impression ; il ne fallait plu« 
qu'un pas, un esprit inventeur capable de perfectionner et de 
compléter les moyens, pour passer de l'impression xylographi- 
que à l'impression typographique- Le besoin de faire ce pas se 



(4) Il y a plus de 20 villes, et encore un plus grand nombre de personnes à qui 
rufl attribue cet honneur. Sotzmann, 53'i — Nous ne parlerons pas des Chinois, 
desquels oo dérive quelquefois l'invenlion de l'imprimerie. 11 est hors de doute 
qu'ils aient pratiqué dans des temps reculés l'impression xylograpbiquc auopislbo- 
graphique, et qu'ils l'emploient encore sans avoir fait d'autres progrès ; mais la con- 
naissance de ces faits ne s'est répandue que fort tard en Europe, et lorsque la typo- 
graphie y était déjà connue depuis longtemps. Nous renvoyons [tour de plus amples 
détails aux nombreux auteurs qui en ont parlé, et surtout à l'ouvrage de M. Sta- 
oislas Julien, intitulé: Documents sur l'art d'imprimer à l'aide de planches en bois, 
de planches en pierre, de types mobiles, inventé en Chine bien longtemps avant que 
fEvrope en fit usage. 



M. Auguste Bernard, dans son excellent ouvrage sur Torigine 
et les débats de l'imprimerie en Europe (*), démontre avec beau- 
coup de sagacité, et en s'appuyant sur de nombreux témoignages, 
que la typographie avait été réalisée imparfaitement avant 1440, 
par Laurent Coster à Harlem. Coster, après avoir pratiqué la 
profession d'imprimeur en xylographie, eut l'idée d'abord de rem- 
placer ses planches fixes par des lettres mobiles en bois, et ensuite 
par des caractères en métal moulés dans le sable. De plus , il ima- 
gina de substituer au frotton la presse, déjà en usage dans plu- 
sieurs autres professions , et fabriqua une encre oléagineuse qui 
était mieux appropriée à son nouveau procédé d'impression. 

C'est ainsi que Coster aurait imprimé le Spéculum (Miroir du 
salut, voyez p. 52) d'abord à l'aide de planches xylographiques, et 
puis en caractères mobiles, et d'autres petits ouvrages, tels que des 
Donats. 

La première édition du Spéculum remonte, selon M. Bernard, 
à 1430. 

Le plus ancien témoignage cité par M. Aug. Bernard, et qui est 
en même temps le plus ancien récit que nous ayons sur l'histoire 
de l'imprimerie, est celui qui est consigné dans une chronique alle- 
mande, dite de Cologne, parce qu'elle a été imprimée dans cette 
ville, en 1499. Voici, dit M. Bernard, ce que porte cette chronique : 
« L'art admirable (de l'imprimerie) a été inventé d'abord en Alle- 
magne, à Mayence sur le Rhin, et c'est un grand honneur pour la 
nation allemande qu'on y trouve des hommes aussi ingénieux. Cela 
arriva environ l'an 1440, et depuis ce temps jusqu'à l'an 1450 l'art 
et tout ce qui s'y rapportait fiit perfectionné. Enfin l'an 1450, qui 
était l'année du jubilé, on commença à imprimer, et le premier li- 
vre qui ait été imprimé fut la Bible en latin, exécutée avec de gros 
caractères comme ceux qui servent aujourd'hui à imprimer Jes 
missels. Quoique l'art, tel qu'on le pratique actueUement, ait été 
trouvé à Mayence, comme nous l'avons dit, cependant la première 
idée vint de la Hollande et des Donats qu'on imprimait dans ce 
pays auparavant Ces livres ont donc été l'origine de l'art; mais 
l'invention postérieure fut beaucoup plus subtile et plus pîvrfaite 

il) Paris, 18^, f, 56 et s. et 139. 



59 

que la première, et se perfectionna de plus en plus. Un certaîa 
aoteur, appelé Onmibonus, a écrit dans la préface de Quintiîien 
(publié par Jenson, à Venise, en 1471) et dans d'autres livres, que 
c'était on Français, nommé Nicolas Jenson, qui le premier avait 
trouvé cet art Cela est faux; il reste encore beaucoup de person- 
nes qui peuvent attester qu'on avait imprimé des livres à Venise 
avant que Nicolas Jenson y vînt et eût commencé à y graver ses 
caractères. Le premier inventeur de la typographie fut un bour- 
geois de Mayence, né à Strasbourg, nommé Jean Gudenburch 
(Gutenberg), chevalier. L'art fut ensuite porté de Mayence à Co- 
logne, puis à Strasbourg et enfin à Venise. Je tiens ces détails 
sur l'origine et les progrès de l'imprimerie d'honorable (personne) 
Ulric Zell, de Hanau, qui importa cet art à Cologne, et qui y 
exerce encore la profession d'imprimeur en cette année 1499. » 

Les contradictions et les confusions que renferme ce passage 
seront faciles à rectifier d'après le récit de l'invention de l'impri- 
merie que nous avons fait plus haut. 

Suivant Junius, Laurent Coster, né vers 1370, d'une famille 
bourgeoise de Harlem, mourut vers 1439. « Un de ses ouvriers 
profita, dit-on, du désordre inséparable d'un pareil événement 
pour voler ses maîtres, et aller s'établh* ailleurs. » Outre l'impres- 
sion de plusieurs livres xylographiques, on nomme encore 14 à 
15 ouvrages assez remarquables cpmme ayant été imprimés par 
Coster ou ses successeurs, avec des lettres mobiles, et qui furent 
probablement publiés entre 1430 et 1460. On a constaté qu'il 
n'avait point existé d'imprimerie en Hollande de 1460 à 1473, 
mais qu'en cette dernière année on vit venir dans ce pays les 
premiers imprimeurs de Mayence. 

On nomme encore l'imprimerie du tailleur de moules, Albert 
Poster, de Bamberg, qui donna une magnifique édition de la Bi- 
ble, connue sous le nom de la Bible de 36 lignes , pareille à celle 
de Gutenberg ; elle parut presque en même temps : selon M Ber- 
nard, en 1460. Les types que Pfister employait dans ses publi- 
cations paraissent être imités d s, grands caractères gothiques 
(grosse missaltype) de Gutenberg; ce qui a fait supposer qu'il 
avait été apprenti typographe à Mayence, et, après avoir acheté 
les matrices et les moules des caractères de Gutenberg, il avait 



60 

quitté cette ville plutôt que les autres, pour transplaiiter cet 
art à Bamberg, sa viUe natale. 

Plusieurs auteurs, et notamment M. Bernard, citent un passage 
fort curieux sur l'existence de l'imprimerie de Poster à Bambeiig, 
tiré d'une encyclopédie des sciences et des arts écrite en latin, 
vers l'année 1463, par un docteur en médecine et en philosophie 
appelé Paul de Prague. Voici le passage : • 

< Le Ompagtis est un artisan qui taille ingénieusement dans 
des lames de cuivre, de fer, de bois dur, ou d'antre matière, des 
images, de l'écriture, de toutes sortes de choses, pour imprimer en- 
suite avec facilité sur papier, sur mur ou sur planche unie, tout 
ce qu'il lui plaît: on donne aussi ce nom à l'ouvrier qui exécute 
ces choses avec des patrons (tout £edts). Pendant que j'étais à 
Bamberg, un homme a gravé une Bible tout entière sur lames, 
et a fixé l'écriture de toute cette Bible sur vélin en quatre se- 
maines. » 

L'auteur ne connaissant pas encore les procédés du nouvel art, 
la typographie j les bonfond avec la peinture au patron, beaucoup 
employée alors. (Voyez page 14.) 

Indépendamment de la Bible, déjà citée, on attribue à Pfister 
douze à treize autres ouvrages tous bien remarquables, et la plupart 
ornés de gravures sur bois. 

Après avoir parlé en peu de mots des personnes et des lieux 
qui peuvent prétendre à l'invention de la typographie, disons 
succinctement en quoi consistaient les travaux des premiers ty- 
pographes, et quels progrès cet art faisait dans la suite. 

L'idée de faire des caractères séparés pour en former des mots, 
par opposition aux planches entières à caractères fixes, gravés 
sur bois, cohstitué l'invention de la typographie, ou l'art d'impri- 
mer avec des lettres mobiles. 

Personne ne sait quand et par qui les premiers poinçons ou 
lettres reliefs pour iniprimer avec de l'encre furent inventés. M. 
Herberger (*) nous apprend qu'un habitant de la ville d'Augsbourg, 
maître Johamies, curé de Saint-Maurice à Augsbourg, est le pre- 
mier qui (1407) se soit servi d'un poinçon relief pour imprimer 
à l'encre. M. Herberger ajoute qu'il peut prouver son assertion 

(1) Herberger, d^à cité, p. 38, 



par ûfk documents, et que la Bibliothèque de Munich contient 
beaucoup de inanuscrits anciens dans lesquels on rencontre l'em- 
ploi d'un pareil poinçon. 

Maître Jean d'Augsbourg fit donc le premier pas. Cependant 
on attribue généralement à Gutenberg l'honneur de cette décou- 
verte et son premier développement; car le premier livre connu 
imprimé à Augsbourg avec des lettres mobiles n'est que de Fan 
1468, tandis que le Donat de Gutenberg est estimé de Tan 1450. 

Gutenberg, avant d'avoir réussi dans la fabrication des carac- 
tères d'impression moulés en métal, imprimait au moyen de plan- 
ches et lettres de bois. Les ouvrages supposés de cette époque 
sont des abécédaires, des livres d'heures et de prières, et des 
Donats. 

Gutenberg devait bientôt reconnaître {*) l'insuffisance qu'ofeiient 
pour l'impression les planches gravées; il les divisait donc, en les 
sciant lettre par lettre, en petits blocs carrés, et se procura ainsi 
des lettres mobUes en bois. £n les perçant à leur partie supé- 
rieure d'un petit trou et en les plaçant les unes à côté des autres 
pour en composer des lignes, il pouvait les maintenir et les fixer 
par une ficelle ou un fil de fer qui traversait tous ces trous. 

On conserve encore quelques-unes de ces premières lettres 
mobOes; elles furent découvertes, en 1840, chez un imprimeur 
de Mayence, et paraissent avoir appartenu à Fust, si quelques 
notes trouvées parmi ces caractères sont exactes. 

Cependant l'impression obtenue «a. moyen de ces lettres mo- 
biles en bois était loin d'être satisfaisante. Gutenberg poursuivit 
donc ses essais en taillant ses caractères dans des carrés de i^ômb, 
pour leur donner plus de précision et une plus grande pureté de 
forme. Ce travail, long et ennuyeux j où il fallait tailler chaque 
lettre un grand nombre de fois , si on voulait en avoir suffisam- 
ment i^our la composition même d'une seule page, ne remplit 
que médiocrement son attente. 

De nouvelles recherches, assidues, persévérantes et coûteuses, 
forent fûtes; elles conduisirent Gutenberg à un résultai plus par- 
tit et tant désiré, le moulage des lettres. En imprimant une de 

(1) Joan. Tritheim. Annales monast. Hirsaugiens. Typis monasterii S. Calli, 169(^, 
i vol. fol. p. 431 (écrit en 1M4}. 



6â 

ces lettres de bois ou de caivre, dans de Pétain fondu, il obtenait 
un moule ou une matrice en creux, dans laquelle il pouvait cou- 
ler du plomb, et fabriquer ainsi des caractères en relie£ 

Ces moules pouvaient servir à la fonte de plusieurs lettres, et 
à multiplier ainsi le même caractère sans trop de peine, en ré- 
pétant l'opération autant de fois que la solidité de la matrice le 
permettait Nous ne connaissons pas exactement le procédé que 
Gutenberg employait pour la fonte de ses caractères, ni l'époque 
de son invention ; il n'en est fait mention que dans un ouvrage 
dont l'impression est attribué à Gutenberg parlesuns,àBechter- 
muntze par d'autres, et dont nous parlerons bientôt. 

Tout ce qui vient d'être dit sur la febrication primitive des ca- 
ractères mobiles de Gutenberg est très- contesté par plusieurs 
auteurs ; mais cette marche nous parait cependant la' plus natu- 
relle. M. Auguste Bernard, juge très-compétent dans cette ques- 
tion, est d'avis que Gutenberg apporta avec lui à Mayence les 
ustensiles fabriqués à Strasbourg. Une fois à Mayence, il se mit 
en mesure de réaliser son plan. Mais ses instruments, encore im- 
parfaits; ses caractères en plomb, si faciles à détériorer; son 
manque d'argent, ne lui permirent pas d'exploiter de suite sa 
nouvelle industrie. Mais après avoir perfectionné sa presse, conçu 
l'idée pour frapper des matrices en cuivre, et avoir trouvé un 
alliage convenable pour donner plus de consistance à ces carac- 
tères fondus jusque-là en plomb, dans des matrices de même 
métal, et sûr dès lors du succès de son entreprise, il songe à im- 
primer un des ouvrages les plus considérables qu'on connût alors, 
la Bible 0). 

Ainsi, M. Bernard attribue à Gutenberg l'invention des outils 
nécessaires pour pouvoir fondre ensemble l'œil et le corps de la 
lettre, le perfectionnement du métal pour les caractères, et celui 
de l'encre et de la presse ; en effet, en examinant la beauté des 
impressions de Gutenberg, on se range volontiers à cette opinion. 

Cependant la composition du métal pour le moulage des let- 
très, employée alors, n'est point connue , et nous ignorons s'il y 
entrait de l'antimoine comme aujourd'hui. 

(4) A. Bernard, De l'origine, I, p. 157. 



63 

I/époque de la découverte de ce métal n'est pas bien déterminée ; 
tout ce qu'on sait à cet égard (*), c'est que Basile Valentin paraît 
être le premier qui ait décrit, dans un ouvrage publié à la fin du 
XV""* siècle, la manière d'obtenir de l'antimoine. 

Suivant le Strasbourgeois Specklin (* ) , les presses typogra- 
phiques, au milieu du XVI"* siècle, où il les vit, ressemblaient 
aux pressoirs pour exprimer le jus. Sébastien Munster, dans sa 
Cosmographie ('), a reproduit le dessin d'une presse à imprimer 
fort simple, mais plus compliquée cependant qu'un pressoir ; un 
ouvrier fait tourner d'une main et à l'aide d'une barre, la vis de 
pression qui aboutit à un plateau, tandis que de l'autre main, au 
moyen d'une manivelle, il met en mouvement la forme qui paraît 
couverte d'un tympan. Un autre ouvrier prépare les balles pour 
encrer. 

L'encre d'imprimerie subissait. aussi des modifications impor- 
tantes : l'encre en usage jusque-là n'était composée que de noir 
de fumée et de coUe, et n'avait par conséquent ni lustre, ni soli- 
dité ; elle s'écaillait ou se dissolvait à la moindre humidité ; on 
obviait à ces défauts en mêlant au noir de fumée de l'huile au lieu 
d'eau. 

On rapporte à l'époque de ces perfectionnements importants 
la publication de plusieurs ouvrages sortis de l'imprimerie de 
Gutenberg et Fust. 

De ce nombre est entre autres le Donat de 33 lignes , c'est-à- 
dire dont chaque page se compose de ce nombre de lignes d'im- 
pression. Ce Donat est de format petit in-folio, probablement im- 
primé en 1450, avec des types mobiles de la Bible de 42 lignes ; 
fl n'en existe plus que deux feuillets, qui sont conservés à la Bi- 
bliothèque impériale de Paris. 

Mais le produit le plus important est la Bible en langue latine, 
(lite à 42 lignes, qui contient, dans deux volumes grand in-folio, 



(1) Théiiard, Traité de Chimie, I, p. 345. —Basile Valentin, Gurros Iriomphalis 
autimonii, du XV"" siècle. 

(2) Léon de Laborde, Débuts de rimpriinerie à Strasbourg, i». o!?.— Aut. Berjfhell, 
dans son poème au vers LXVII. — Speclin in nol. ad Kœnigshoven, pag. 442. 

(3) Cosmographie de Sébastien Munster; édition allemande, Bâle, 1592, I. III. 
—Ce livre a été commencé en 1532; la première éd. allem. parut en 1544, et la 
pr. éd. latine en i550 ; toutes les deux imprimées à Bâle. 



64 • 

641 feuillets à deux colonnes (*). Elle n'a ni pagination, ni Intitalé 
de livres, ni signatures, ni initiales; elle n'est pas non plus signée 
du nom de l'imprimeur, ni marquée du lieu de la publication, et 
ne porte aucune date. 

On ne connaît jusqu'à présent que quinze exemplaires encore 
existants de ce monument précieux de l'art typographique; six 
sont impriméasur vélin, et neuf sur papier blanc et fort. Un de 
ces derniers, conservé à la Bibliothèque impériale de Paris, porte 
la souscription manuscrite indiquant que cette Bible a été enlu- 
minée et reliée l'an 1456 par Henri Albech, autrement dît Cre- 
mer, vicaire de l'église collégiale de Saint-Etienne de Mayence ; elle 
a donc été imprimée avant 1456, ou cette année même. 

Gutenberg publiait encore d'autres ouvrages pendant son as- 
sociation avec Fnst, et après sa séparation il continua à imprimer 
jusqu'à 1465 environ. C'est à cette époque qu'il reçut un diplôme 
de gentilhomme de la cour de l'électeur Adolphe de Nassau, 
archevêque de Mayence. Nous avons déjà dit que Gutenberg 
mourut en 1468, dans un âge fort avancé. 

Parmi les ouvrages imprimés pendant cette première époque 
de la typographie, il y en a plusieurs dont on ne connaît pas 
l'imprimeur, ni le lieU de l'impression, et sur lesquels on n'est 
pas d*accord, s'ils sont xylographiqùes ou typographiques. 

De ce nombre sont, par exemple, leDonat^ dit de 1451 ; V Ap- 
pel contre les Turcs, imprimé en 1455; les Lettres é^indidgences, 
dé 1454 et 1455; le Catkolicon, de 1460, etc. 



(1) Cette Bible se compose de 641 feuillets ou 1282 pages in-folio. Chaque page a 
deux colonnes de 42 lignes chacune; le caractère gothique, a environ 18 points ty- 
pographiques. On a réservé des espaces en blanc pour les rnbriquèl^, et pour les ini- 
tiales. L'ouvrage est généralement divisé en 66 cahiers de 5 fettHtes, l'enfermant 90 
pages. Chaque ligne contient environ 32 lettres : Ce nombre, multiplié par 42 lignes 
donne 1344 lettres par colonne et 2688 par page. 10,752 par feuillet, 53.7C0 par cahier, 
c'est-à-dire 60,000 lettres au moins, car il faut bien compter les lettres super- 
flues, et il y en avait alors plus qu'aujourd'hui, parce qu'il y avait beaucoup plus 
de types, à cause des abbréviations et des ligatures. Cela suppose une fonte de 120,000 
lettres au moins, attendu qu'il fallait avoir de quoi composer un second cahier pen- 
dant qu'on tirait le premier. Le nombre de poinçons devait être très-grand, à cause de 
la variété des types alors en usage. Chaque lettre en demandait au moins trois ou 
quatre différents, à cause de li jwtilication. On peut juger par là des frais immenses 
de cette première et colossale entreprise (Bernard I, p. 164 et 221), 



65 

Les deux premiers sont reconnus être imprimés en lettres 
mobiles, par Pfister de Bamberg, Les lettres d'indulgences, dont 
on connaît dix-huit exemplaires des 5 ou 6 éditions publiées, sont 
toutes imprimées en caractères mobiles sur vélin et d'un seul côté, 
ou en blanc, par deux pages à la fois, autrement dit par forme- 
Deux éditions sont attribuées à Gutenberg, les autres paraissent 
sorties de différentes imprimeries, dont une avait probablement 
existé à Mayence, à côté de celle de Gutenberg. 

Quelques auteurs attribuent à Gutenberg l'impression du Caiha- 
licon de Joannis Baïbis de Jarma, de 1460, mais M. Bernard prouve 
qu'elle est due à Bechtermuntze. En effet, il paraît certain qu'il 
existait à Mayence, vers 1460, trois imprimeries distinctes: ce 
furent ceDe de Fust et Schœffer, ^elle de Gutenberg et celle de 
Bechtermuntze. 

Selon M. Bernard (^), Henri Bechtermuntze était un des élèves 
de Gutenberg, qui s'établit de fort bonne heure à Mayence, d'où 
il transporta ensuite son imprimerie à Eltvil ^Altavilla) près de 
Mayence (1467). C'est en 1460 qu'il imprima le célèbre Cadio- 
Hcon. 

Cet ouvrage est une compilation lexico-grammaticale du moine 
dominicain Jean de Balbis de Gênes, livre très-répandu et estimé 
dans ce temps. Il est de format grand in-folio , composé de 370 
feuillets à deux colonnes, chacune de 66 Hgnes de 40 lettres en- 
viron, imprimé sur parchemin blanc, et avec des caractères semi- 
gothiques, les plus petits qu'on eût encore vus, n'ayant que six 
points et demi environ. Il est sans signatures ni pagination. Les 
initiales ont été peintes ensuite en or et en pourpre. 

Ce livre commence au recto du premier feuiDet par le som- 
maire suivant , qui est imprimé en rouge dans quelques exem- 
plaires et manuscrit dans d'autres : 

iiidptt tSumma t^ut tiocatttv Catboltcott, tWa a txattt âobanne 
be Sftitiia: oTbintiB ftattum prebicalotum. 

Le premier sonunaire, qui seul est imprimé en rouge, se relie 

(1) 1, 207, II, 4 et suîv. 



66 

à des ornements assez gracieux qui remplissent toute la marge 
gauche de la première page. 

Ce livre contient sur le recto de la dernière feuille une sous- 
cription imprimée, dont nous citerons le passage remarquable 
qui a trait à l'invention des lettres mobiles. Le voici : Cet excel- 
lent livre le Catholicon a été imprimé en Van 1460, dans la ville de 
Mayence, et n^apas été eocécuté au moyen du calame, du style ou 
de la plume, mmspar V ajustement merveilleux, la proportion et la 
symétrie efes patrons (poinçons reliefs) et des formes (matrices). 

Henri Bechtermuntze imprimait avec le même caractère un 
ouvrage connu sous le nom de Vocàbularium ex que (Eltvil, 
1467), mais que son frère Nicolas parait avoir achevé, comme le 
Mt voir l'apostille. 

Munis d'un attirail d'imprimerie, sinon parfait, du moins 
considérablement perfectionné, que Gutenberg avait été forcé 
d'abandonner, Fust et Schœffer purent entreprendre, déjà dix- 
huit mois après leur rupture avec Gutenberg , et mettre à exé- 
cution le célèbre Psautier de 1457. Le Psalterium est regardé 
comme le plus émineut produit de la typographie, comme un 
monument précieux de cet art nouveau, un chef-d'œuvre typo- 
graphique, n est remarquable par la beauté des caractères , dus 
à Gutenberg (O, la pureté et la précision de l'impression. On y 
remarque des rubriques imprimées en rouge, la première intro- 
duction d'initiales ornées et imprimées en couleur, la signature 
de l'imprimeur, le nom du heu et la date de sa pubUcation. H est 
imprimé sur parchemin blanc, quoique le papier de chiffon f(it déjà 
généralement répandu. On a probablement préféré cette substance 
plus solide à cause de l'usage journalier du Psautier dans l'office 
de l'éghse. 

L'encre est très-belle et préparée à l'huile. Les caractères, de 
deux grandeurs différentes (l'un de 30 points typographiques. 



(i) M. Bernard attribue à Gutenberg les beaux caractères du Psautier ; la raison 
est d'abord la ressemblance des nouveaux caractères avec ceux de la Bible de 42 
lignes, et ensuite la convictiun que Schœffer, à qui l'on en fait honneur, n'aurait pu 
les faire graver et fondre, et imprimer son livre dans les 18 mois qui s'écoulèrent 
entre la date du jugement qui dépouillait Gutenberg (tî nov. 1455) et celle de l'impres- 
sion du livre (14 août 1457). Le tirage surtout dut prendre un temps considérable à 
cause des différents tirages que demandait chaque feuille. 



67 

Paatre de 37), sont une imitation exacte' des lettres en usage alors 
dans les missels manuscrits. 

Ce liyre contient 306 grandes initiales, toutes gravées sur bois 
et imprimées en plusieurs couleurs. La lettre B , qui commence 
la première j^age du livre, a 6 pouces 5 lignes de France de haut, 
snr 4 ponces de large; c'est la plus grande. La couleur des or- 
nements varie avec celle de la lettre même : si celle-ci est rouge, 
l'ornement est bleu , ou le contraire ; de manière qu'il a fallu 
graver pour chaque initiale deux planches de bois, une pour cha- 
que couleur. C'est ici le premier usage de Vimpression en œuleur 
(Ut moyen de pltmews planches emboîtées les unes dans les autres. 

A la fin du Psautier se trouve une apostille , imprimée en plus 
petits caractères, en couleur rouge ; en voici la traduction : « Le 
présent Psautier, orné de belles initiales, suffisamment divisé 
par des rubriques, a été imprimé à l'aide de l'ingénieuse inven- 
tion de l'imprimerie et de l'art de former des caractères sans aucun 
secours de la plume ; il a été exécuté pour la gloire de Dieu, par 
Jean Fust, citoyen de Mayence, et Pierre Schœflferde Gemsheim, 
en l'an du Seigneur 1457, la veille de l'Assomption (14 août). » 

De cette première édition du Psautier il n'existe plus que six 
exemplaires, qui, à cause de leur rareré, sont d'un prix fort élevé. 
Paris en possède deux, dont celui de la Bibliothèque impériale 
M payé 12,000 francs, quoiqu'il y manque plusieurs feuillets. 

En 1459 il paraissait une seconde édition du Psalterium aussi 
belle que la première, et dont il existe encore douze exemplaires. 
Cette édition oifre cette^ particularité , qu'elle est signée Pierre 
Schoiffer, clerc, au lieu de Schœffer. Le même en publiait en 
W90une troisième édition; en 1502 une quatrième; et son fils 
Jean, une cinquième en 1516. 

Toutes ces éditions ont été imprimées avec les caractères de la 
première. 

Dans cette dernière édition la lettre B orné, est imprimée en 
one seule couleur. 

Le second ouvrage qui sortit des presses de Fust etSchœfier fiit 
le^ttiUelmi llPuiran^i rationale ^it^tnorum ofitciovutn, imprimé en 
1459, avec les mêmes caractères du Psalterium. Une partie des 
lïutiales sont imprimées en couleur, d'autres sont peintes en or 



M 

et en x>otirpre ^ dans le genre de celles des mannscritB. Il existe 
encore 50 exemplaires de ce livre. Les trois plus beaux se trou- 
vent dans les bibliothèques Sainte-Geneviève à Paris, du Vatican 
à Rome et impériale à Vienne. 

Le 14 août 1462, cinq ans après le Psalterium et phuienrs 
autres ouvrages, parut la première Bible portant une datç; elle 
est connue sous le nom de Bible de Mayence. 

C'est la KtblU jScera Utina ««Ij^ata etiittoneit, ex ti:«iislcttome et 
cum pv«(«ttone IS. fiietontmt, deux volumes grand in-folio, impri- 
més avec des caractères tout neufs, partie sur parchemin, partie sur 
papier, en 481 feuillets à deux colonnes et à 48 lignes. Comme les 
imprimés antérieurs, cette Bible est dépourvue de signatures de 
feuillets, de pagination et de réclames. Les initiales manquent, on 
sont peintes en bleu et rouge, ou en or et pourpre. L'apostille de 
la fin et les armoiries de Fust et de Schœfier sont imprimées en 
rouge. Les caractères qui ont servi à l'impression de cet ouvrage 
ont été gravés exprès, et sont estimés comme les plus beaux qu^ 
8ch(Bffer ait âdts. Il existe encore de cette Bible soixante exem- 
plaires, disséminés dans différentes bibliothèques. 

A peine ce bel ouvrage étajt-il terminé qu'eut lieu le sac de 
Mayence, le 27 et le 28 octobre 1462; l'établissement de Fust et 
Schœffer ne fut pas épargné. Nous avons déjà remarqué que cet 
événement fiit une des principales causes de la dispersion de la 
typographie. Les ouvriers employés dans cette imprimerie, ainsi 
que ceux de Gutenberg, avaient prêté serment de tenir secret cet 
art nouveau; mais forcés, en partie du moins, par la catastrophe de 
Mayence , de quitter cette ville , ils profitèrent de cette occasion 
pour se dégager de leur serment, et émigrèrent, en transportant 
l'art d'imprimer les livres dans d'autres villes de l'Allemagne, et 
dans les pays étrangers. D'ailleurs, l'attention du public lettré 
avait été vivement excitée déjà auparavant, et dirigée directement 
sur cet art nouveau, par la souscription très-significative que 
Schœffer avait mis à la fin du Psautier de 1457. 

On peut admettre deux périodes pour la propagation de la ty- 
pographie. La première eut lieu à l'occasion de la séparation de 
Gutenberg et Fust ; on ne connaît cependant authentiquement 
qu'Albert Pfister de Bamberg qui ait établi une imprimerie hors 
de Mayence à cette époque. La seconde période est celle de 1462. 



e9 



PROPAGATION DE IiA TYPOGBAPHIB DAMS 
XV* nsCSiEa En nous occupant de la propagation de 
l'imprimerie, nous ne prétendoijLS pas épuiser le Sïget, nous ne 
ferons que signaler les principaux typographes, en même temps 
que nous indiquerons les progrès qu'elle a faits et les innovations 
introduites peu à peu dans la pratique de cet art. 

Nous continuerons de nous occuper de Fust et de Schœffer 
qui, quoique interrompus dans leurs travaux par le désastre de 
Mayenee, les recommencèrent cependant bientôt après avec un 
nouveau zèle. 

Déjà en 1463 paraissaient de nouvelles publications, et en 
1465 ils imprimaient la première édition d'un auteur classique , 
Cicéron. 

Ce livre, encore dépourvu de signatures, de réclame et de 
pagination, contient cependant le point. On y remarque aussi les 
premiers caractères grecs imprimés. 

Après la mort de Fust, en 1466, Pierre Schœfifer continua à 
imprimer et se distingua connue graveur et fondeur de carac- 
tères autant que comme typographe. H peut être regardé comme 
le premier libraire, c'est-à-dire comme le premier qui ait fait 
commerce de ïïvres imprimés. H avait des dépôts à Paris, à 
Mayenee et à Francfort-sur-le-MeiQ. On lui attribue l'invention 
d'un genre de caractères connu sous le nom de Schwahacher; 
c'est un caractère allemand dont on se sert partiellement encore 
aujourd'hui. 

Les fils de Schœffer, Jean et Pierre, et son petit-fils, Ivo 
Schœffer, continuèrent successivement son imprimerie jusqu'en 
1552; époque où la famille Schœffer s'éteignit à Mayenee. 

Un de ces derniers livres est la preuve évidente que c'est à 
Gutenberg seul qu'est dû l'invention de la typographie, et non 
pas à Fust et à Schœffer. Le passage suivant se lit dans une dé- 
dicace en vers allemands d'un Tite-Live, imprimé, en 1505, par 
Jean Schœffer : 

* Que Votre Majesté (l'empereur Maximilien) daigne accepter 
«ce livre, imprimé à Mayenee, ville dans laquelle l'art admi* 
< rable de la typographie fiit inventé, l'an 1450, par l'ingénieux 



70 

« Gutenberg, et ensuite perfectionné aux frais et par le travail 
« de Jean Fust et de Pierre Schœffer. » 

Les inventeurs de Fimprimerie étaient encore en pleine acti- 
vité, que la typographie avait déjà pris racine hors de Mayence , 
et cela en plusieurs endroits à la fois. Elle se propageait avec 
une rapidité merveilleuse et de jour en jour davantage ; de sorte 
qu'au bout de quelques années, déjà vers la fin daXV siècle, 
dans toute l'Europe, chaque ville d'une certaine importance pos- 
sédait son imprimerie, et même plusieurs. Quelques-uns de ces 
établissements étaient très-considérables : l'imprimerie d'Antoine 
Koberger, à Nuremberg, en 1473, mettait joumeUement vingt- 
quatre presses en mouvement, et occupait plus de cent ouvriers. 
Le même Koberger faisait aussi le commerce de livres imprimés» 
et avait des succursales dans toutes les principales villes du con- 
tinent 

Beaucoup de typographes à cette époque étaient nomades, 
allant d'une ville à l'autre , transportant avec eux leurs outils et 
le secret de l'art nouveau. Cet art magique était reçu par les uns 
avec joie, et vu par les autres avec crainte. Cela n'empêchait 
cependant pas ces ouvriers nomades d'imprimer partout, et de 
contribuer ainsi considérablement à la propagation de cette belle 
invention. 

En s'éloignant de Mayence, la typographie se développait 
graduellement dans ses procédés : le goût devenait plus épuré, 
changeant suivant les exigences et les besoins de chaque pays, et 
variant en proportion de l'intelligence et de l'habileté de l'ou- 
vrier. Des perfectionnements sensibles s'introduisaient : on aban- 
donnait peu à peu les vieux types, qui étaient remplacés par des 
caractères nouveaux et plus beaux. On imitait les lettres de tou- 
tes les langues connues alors. On complétait la ponctuation, très- 
négligée ou tout à fait ignorée dans les imprimés primitifs; on 
corrigeait mieux les épreuves. L'encre et le papier subissaient 
des améliorations. Enfin, tout marchait au progrès, et chaque 
imprimeur regardait comme un devoir d'avancer son art. 

Ainsi Conrad Sweynheim et Arnold Pannartz, les premiers 
imprimeurs de toute l'Italie, introduisirent à Subiaco, en 1464, 
le caractère romain ( antiqua), en imitant les petites lettres lati- 



71 

nés employées dans les manuscrits du Vin* et du IX* siècle. Ce 
caractère, perfectionné depuis à Venise, en 1469, par le premier 
imprimeur de cette ville, Jean de Spire, et en 1470 par Nicolas 
Jenson de Tours, habile graveur de lettres, d'après les belles 
écritures florentines des manuscrits faits sous les Médicis , reçut 
une si belle forme de Jean de Cologne, aussi à Venise, en 1474, 
qu'on nomma ces types caractères Veneti, 

Ce même typographe diminua la grandeur. des initiales, qui 
prenaient une si grande place dans les livres imprimés antérieu- 
rement 

En 1472, Gunther Zainer, à Cologne, introduisit le caractère 
romain en Allemagne. 

Aldo Pio Manutio, dit Aldus (l'aîné), chef d'une célèbre fa- 
mille d'imprimeurs de Venise, bannit de l'imprimerie, vers 1494, 
le caractère gothique (Mœnchsschrift) , et inventa un nouveau 
type, le caractère italique, qui diffère du romain parce qu'il est 
un peu couché. Aldus possédait les différents caractères romains, 
et trois hébreux. 

Peter Schœffer avait déjà employé les lettres grecques dans 
son édition de Cicéron de 1465, mais elles étaient encore informes; 
Sweynheim, à Rome, les perfectionna, ainsi qu'Antonio Zaroto, 
àMilan, enl469. 

Cependant le premier livre entièrement imprimé avec des ca- 
ractères grecs, la grammaire de Constantin Lascaris, n'a été 
publié qu'en 1476, à Milan, par Dionysius Paravisinus. Bernar- 
<iinNerlius, à Florence, imprima en 1488 tout Homère en grec; 
et, vers la fin du siècle, Gilles Gourmond pubb'a, à Paris, Hé- 
siode, dans la même langue. Dierk Martens, à Aalst, le premier 
typographe nommé dans les Pays-Bas après Coster, employait 
déjà des caractères grecs en 1473. Martens se servait au com- 
mencement de caractères gothiques hollandais d'une forme par- 
ticulière: ils ont des pointes et des angles, et sont imités parfai- 
tement des lettres employées dans les manuscrits de son époque. 

Le premier essai avec des caractères héhrevtx, ftit fait à Esslin- 
gen en 1475, par Conrad Fyner, dans son Tractatus contra per- 
fides Judeos, du dominicain Pierre Schwartz; mais l'édition 
entière de cet ouvrage, imprimée avec des lettres hébraïques, 



1 



72 

parut à Maotoue par les soins d'Abraham Konath, en 1476. 
Rabbi Zorba et Baban Ëlizer imprimaient en 1489, à Lisbonne, 
le Commentaire du Pentateuque du rabbin Mosis Nachamanidis. 
A Constantinople, des Juifs imprimèrent secrètement, en 1490, 
l'histoire hébrs^que de Josephus Ben Gorion. L'imprimerie y 
était déjà connue avant 1483, mais le sultan Bajazet II l'avait 
défendue sous peine de mort, conune une magie noire. 

Des lettres gothiques d'une forme particulière régnèrent pen- 
dant ce siècle dans la plupart des impressions françaises. Dans 
Gyron le Courtois et dans les prophéties de Merlin, imprimés en 
1498 à Paris, par Antoine Yérard, on remarque surtout des ini- 
tiales grotesques, quelquefois d'une grande dimension, et qui 
sont composées de paraphés d'écrivain, d'enroulements, de rubans, 
de nœuds , tout cela entrelacé de figures feintastiques humaines 
et animales. Les lettres capitales de quelques imprimés de Jean 
deVingle, à Lyon, surtout celles des Quatre fils Aimon de 1498, 
sont dans le même genre. 

Le caractère gothique que William Gaston, le premier typo- 
graphe de l'Angleterre , depuis 1474, a employé dans ses publi- 
cations est également grotesque et surchargé d'enroulements. 

Le titre de l'Apocalypsis cum figuris, imprimé à Nuremberg 
vers 1498, ofire un autre genre de caractères : se sont de gran- 
des et belles lettres en gothique allemande, richement ornées 
de paraphes qu'on attribue à Albert Durer. Ces lettres, très- 
répandues en Allemagne, furent appelées FroK^rschrifly et ont 
probablement été nûses en vogue par les calligraphes ( en alle- 
mand, Modisten), surtout par Paul Fischer, à Nuremberg. Albert 
Durer avait donné les règles et indiqué les proportions qu'il 
fallait employer pour tracer ces lettres gothiques àUemandes, au 
moyen de l'équerre et du compas. 

Le premier imprimeur de Bruges, Collard Mansion, en 1476 
employait pour la plupart de ses impressions un caractère parti- 
culier, en usage alors dans les manuscrits français, et qu'on 
appelait écritures grosse'bâtarde. Voir surtout son édition des 
métamorphoses d'Ovide. 

Schœffer avait déjà transporté dans l'imprimerie le goût pour 
les initiales ornées des manuscrits. Citons encore Erard Batdolt| 



fi 



o 



à Venise , à qui les bibliographes Marchand et Maittaire attri- 
buent l'invention des initiales composées de fleurs et de festons, 
nommées Florente littera. Dans son Ars niemoraUva de Jac. 
Publicino, imprimé en 1485, Radolt a introduit des lettres capi- 
tales, composées de divers objets de la vie pratique, des emblè- 
mes de l'art mnémonique, ressortant en blanc sur un fond noir. 

Jean Zainer (Tzainer, Czeyner\ à Ulm, contribuait beaucoup, 
en 1473, au perfectionnement de la typographie ; il publiait le 
premier livre orné ou iïlmtré, iîomme on dit aujourd'hui. 

La première page de la traduction allemande de Boccace est 
décorée d'un entourage ou cadre orné, gravé sur bois, ainsi que 
les initiales. Le Fasdcuhtë Temporum, imprimé à Utrecht en 
1479 par Jean Yeldener , *est également embelli d'entourages et 
d'ornements. On a donné dans la suite en France à ce genre de 
décoration le nom de vignette , parce qu'il se composait primiti- 
vement de branches de vigne. En Allemagne, on nommait les 
graveurs sur bois qui exécutaient ce genre d'ornements, des gra- 
veurs de cadres (Rahmenschneider). 

Jean Froben, depuis 1491, le second typographe de Bâle, 
embellissait aussi les titres et le texte de ses livres avec des en- 
tourages des initiales ornées et des vignettes. Ces ornements 
avaient été gravés par les meilleurs artistes, surtout par Hans 
Holbein. 

n n'était pas rare non plus de voir déjà dans le XV' siècle 
mie quantité de livres imprimés qui étaient ornés d'images et de 
figures, genre qui a eu tant de vogue dans le siècle suivant. La 
plus belle de toutes les Bibles allemandes, celle de 1483, impri- 
mée par Ant, Koberger à Nuremberg, est décorée d'un grand 
nombre de remarquables gravures sur bois. Ces mêmes planches 
avaient déjà servi à l'impression de la Bible que Quentell avait 
publiée à Cologne en 1480. 

On estime aussi beaucoup le Schatzbehalter, de 1491, orné de 
95 belles gravures xylographiques de Michel Wohlgemuth, le 
maître d'Albert Durer; et le Kvre des Chromk und Historien du 
ly Hartmann Schedel, 1493, contenant beaucoup de gravures de 
Woh]gemuth et Pleydenwurf , tous les deux imprimés par Ko- 
berger. 

.4 



74 

La plupart des livres imprimés par J. Gruninger, à Stras- 
bourg, surtout son Térence, de 1496, et son Horace, de 1499, sont 
de même décorés de gravures sur bois très-caractéristiques. Le 
Epitoma Hist. ac Chronic. dictum : Budimentum Noviciorum, 
magnifique produit typographique, publié en 1475, par Lucas 
Brandis, dit de Schass, le premier imprimeur de Lubec, est 
également orné d'excellentes gra\aires sur bois. Les publications 
d'Antoine Vérard, de Paris, qui avait imprimé plus de cent vo- 
lumes de romans français , se distinguent aussi par une grande 
richesse de gravures en bois. H eh est de même des Heures que 
Philippe Pigouchet a imprimées en 1484, et embellies d'entou- 
rages composés de figures spirituellement dessinées. La Danse 
macabre, pour la première fois imprijnée en France par Guyot 
Marchant, en 1486, est encore de ce genre d'ouvrages illustrés. 

Le plus ancien ouvrage imprimé qui contienne des gravures 
sur bois représentant des plantes (*) est le Puch der Natur, 
imprimé à Augsbourg sans millésime; il est, suivant Séguier, de 
1475 et 1478. Puis en 1480 paraissait Pet de Crescentiis in corn- 
modum ruralium cum figuris libri duodedm, qui n'a point de 
lettres capitales, ni de pagination. 

De 1480 à 1490, on voit les premières éditions latines de 
Ortus sanitaUs, sans date et pagmation, mais avec des lettres 
capitales. 

Dans ces ouvrages , on ne peut reconnaître les plantes , tant 
les gravures sont mal faites. Dans les deux suivants elles sont 
déjà mieux : Herbanm , imprimé avec des gravures de plantes 
sur bois, par Johann Alakraw de Passau, en 1485, in-4", avec pagi- 
nation et date. — Il en existe un exemplaire dans la bibliothèque 
de M. de Caiidolle, à Genève. C'est la seconde édition d'un même 
ouvrage pubhé à Mayence en 1484. 

Macerfloridus, de viribus herbarum, avec des gravures de 
plantes dont quelques-unes sont reconnaissables; orné de trois 
gravures xylographiques, qui sont identiquement les mêmes 
(probablement clichées). Il est sans pagination, mais il a des si- 



(1) Ueber Pflanzenabbilduiigen durch deu Holzschnitt, des Dr. L. C. Treviranos; 
in den Denkschrirten der kôuigl bayr. bot. Gescllschart in Retrensburg, 1841. not. 
3. p. 33. 



75 

gnatures de a — g. On le dit imprimé à y«nifie , par Beraurdtim 
Venetum de Vitallben, en 1506, in-8'. — M. de Candolle en 
possède an exemplaire. H en existe plasienrs éditions. 

C'est à Augsbourg, en 1483, qu'a été imprimé le premier Iwre 
^armoiries, le Concilium geschehen zu Eostencz (Constance), 
par Antoine Sorg , lequel contient 1,200 armoiries et effigies 
des personnesqui ont assisté à ce concile. 

Le Collect super magnificiat de J. Gerson, imprimé à Ësslin- 
genpar Conrad Fyner, en 1475, est le premier livre, après le 
Psautier de Schœffer, qui contienne des notes de musiqm impHr 
mées. 

Le plus beau produit de la typographie du XV" siècle est un 
Euclide publié à Venise en 1482, par Erard Ratdolt La dédi- 
cace au doge Giovanni Mocenigo est imprimée en or, premier 
exemple de ce genre d'impression. H est, en outre, le premier 
livre typographique qui contienne des figures géométriqms et 
f^Mnatiques, 

La cosmographie de Ptolémée, imprimée à Ulm en 1482, par 
Lienhard Holl, avec des caractères romains et des initiales 
ornées d'arabesques, oifre le premier exemple de cartes géo- 
graphiques swr bois. Toutes les planches de ce curieux ouvrage 
ont été gravées par Jean Schnitzer d'Amsheim, ,qui a employé 
pour les cartes un procédé particulier. Au lieu de graver les 
légendes ou nom de villes, etc., comme les autres ^ures sur 
la planche de bois, il a percé des trous à la place qu'ils doivent 
occuper, et il a mis des lettres mobiles formant ces noms; de 
manière que les lettres et les figures s'imprimaient à la fois, 
d'un seul coup de presse. Sweynheim, à Rome, avait déjà en 
U78 publié le même ouvrage; mais, au lieu de graver les car- 
tes géographiques sur du bois, il les gravait en creux sur du 
cuivre ; et comme il n'était pas assez habile pour graver égale- 
nient la lettre, il les imprimait dans la planche en creux au 
moyen d'un poinçon eu relief. 

Une année avant cette pubHcation, c'est-à-dire en 1477, pa- 
raissait à Florence le premier Uvre imprimé orné de gravures 
«r cidvre. E a pour titre : Il monte sancto di Dio, d'Antonio 
Bettini, chez Nicole di Lorenzo délia Magna. 



i 



7Û 

Cependant J.-C. Volta nous parle d'un livre imprimé à Mantoue 
en 1472, dont le premier feuillet est décoré de plusieurs initiales 
gravées sur cuivre. C'est le Petrus de Abano de Venenis. 

Le Breviarum Diocer. Herbipolensis, imprimé à Wurtzbourg 
en 1479, par George Reyser, offre le premier exemple de l'emploi 
de la chalcographie dans les livres imprimés en Allemagne. 

Pierre Schœffer avait introduit le point dans la typographie ; 
Aide Manuce, en 1494, mit la virgule et le point-virgtde, et Kœlhof 
à Cologne employa pour la première fois en 1472 les signatures 
des feuilles; Zarota à Parme les introduisit en Italie vers 1476; et 
Bartholomée Rembold à Paris se servait à cet effet de lettres nu- 
mérales, en ajoutant à la lettre alphabétique un chiffre arabe. 

Le premier Uvre imprimé en Suisse , et le premier aussi dans 
lequel on a emplové des chififres arabes , qui n'avaient pas encore 
figuré parmi les si^es typographiques, quoique depuis longtemps 
en usage dans l'écriture, est le Mammotrecttis , imprimé à 
Munster, en Argovie, par Hélie de Lauffen, en 1470. 

Rot, à Rome, se servait en 1471 des diphthongues pour les 
sons composés. 

La plupart des imprimeurs du XV* siècle cherchaient surtout à 
reproduire et à multiplier les œuvres des auteurs classiques de 
l'antiquité, et ils mettaient à ces éditions princeps un soin tout 
particulier. On doit à Manuce I vingt-huit éditions premières de 
classiques grecs , et de beaucoup d'auteurs romains. Ses éditions 
se distinguent principalement par la simplicité et la correction, et 
par la belle forme des caractères; l'encre et le papier en sont par- 
faits. Aldus fut le premier qui imprima séparément quelques exem- 
plaires d'une édition sur du papier plus fin et plus solide , et quel- 
ques-uns même sur du papier bleu pour les distinguer des autres. 
Les impressions sur parchemin, dont l'usage devenait toujours 
plus rare dans l'imprimerie, sont surtout estimées. Les éditions 
de Philippe Giunta de Florence, depuis 1497, sont aussi célèbres 
que ceUes des Aides , et reçurent des bibliophiles le nom d^édi- 
tions Juntines. 

On imprimait dans le XV' siècle déjà en un grand nombre 
d'idiomes, et l'on posait ainsi la base de l'imprimerie polyglotte, 
qui s'est tant augmentée de nos jours. Outre le latin, par lequel on 



77 

commençait généralement, on imprimait en allemand et en ses 
diyers dialectes; en français et en italien. Le plus ancien livre 
imprimé en anglais l'a été chez le premier imprimeur de Cologne, 
Ulric Zell de Hanau, par Willam Caxton, en 1471. Caxton intro- 
duisit, en 1474, l'imprimerie en Angleten'e. A Valence, en Es- 
pagne, en 1474, on imprimait un recueil de poésies en Fhonneur 
de la Vierge, en castillan, eu italien et en limousin, idiomes 
alors en usage à Valence. Pedro Posa publiait en 1477, à Bar- 
celone, la traduction en espagnol de Curzio Ruffo. A Pilsen, en 
Bohême, on imprimait en 1475 le Nouveau Testament; à Prague, 
en 1487, les Psaumes et en 1488 la Bible de J. Pithck et Severin 
Kramarz, en langue bohème. 

Dans cette dernière ville on publiait, en 1487, les fables 
d'Esope en idiome slavon. A Copenhague paraissait, en 1495, 
le premier livre en langue danoise : Den Bcméke Eûm Krôncke, 
imprimé par Got de Ghemen. La traduction en polonais du 
Octoechos de Jean de Damaskus fut imprimée à Cracovie en 
1491, par Swaybold Frank. C'est là aussi que s'imprimèrent 
plus tard les premiers livres russes. A Tschernigow, en Russie, 
siège d'un métropolitain grec, on imprimait déjà en 1493 le 
même livre de Jean Damasque en iUyrien, mais avec des ca- 
ractères cyrilliques par George Czernœwic. 

On imprimait dans toutes ces langues avec des caractères 
gothiques jusqu'à ce qu'on eût introduit des caractères romains, 
puis peu à peu ceux qui étaient propres à chaque nation. Avec 
des caractères grecs et hébreux on imprimait presque partout, 
mais, pour ce dernier, c'était surtout des typographes juife 
établis à Soncino, dans le Crémonais, de 1485 à 1490, connus 
sous le nom Hebraei Sonciuates. 

Enfin, à la fin du siècle, c'est-à-dire en l'an 1500, il y avait 
plus de mille typographes répandus dans toutes les parties de 
l'Europe, dont les noms et les œuvres sont parfaitement con- 
nus et constatés, sans compter les ouvriers inférieurs et ceux 
qui sont inconnus. 

L'invention de l'imprimerie exerça une grande influence sur le 
commerce des livres; elle lui donna une forme nouvelle ; elle s'a- 
grandit et s'étendit en lui ouvrant un champ plus vaste pour la 
spéculation. 



78 

Au moyen à/ge^ les marchands de livres écrits, qui étaient en 
même temps aussi écrivains et copistes, furent appelés B^Uor 
tores ou sUiUonarii^ et, s'ils avaient fait des études, clerid. Le 
libraire qui vend des livres imprimés est nommé dans les imprimés 
de Ferrare de 1474 et de 1475, et dans ceux de Junte de 1500) 
Bibliopola; et Librarius dans les éditions de Bologne de 1477, et 
de Trévise de 1480. Les imprimeurs étaient alors aussi souvent 
libraires. Fust faisait déjà le commerce de livres imprimés à Paris. 
Pierre Schœffer, après la mort du précédent, continua l'établis- 
sement à Paris, et en fonda un autre à Francfort-sur-le-Mein. 
Ant. Koberger à Nuremberg avait, en 1473, des dépôts de livres 
dans 17 villes différentes: même à Venise, à Lyon et à Amster- 
dam. Mais en 1480 nous rencontrons à Ulm de véritables libraires, 
qui ne faisaient que le commerce des livres imprimés : c'est Jean 
Harscher, Erhart Ruwinger et Bertibold Ofener. A Francfort-sur- 
le-Mein se tenait déjà depuis 1479 un marché ou foire de livres 
imprimés , qui était très-fiorissant. Il y a encore aujourd'hui dans 
cette ville une rue qui porte le nom de rue des Livres (Bnchgasse). 
Jean Bsemler à Augsbourg en 1472, et J. Mentellin à Strasbourg 
en 1470, avaient publié les premiers catalogues ou listes de livres 
de fonds. D'autre part, les annonces de livres imprimés du cou- 
vent de Saiiit-Ulric et Afra à Augsbourg, paraissent être les pré- 
curseurs et les premiers modèles des listes de souscriptions, des 
prospectus et des programmes si pompeusement répandus dans 
le public de nos jours. Avec la grande extension de l'imprimerie 
naissaient aussi des lois prohibitives et restrictives et la censure. 
La> plus ancienne loi de ce genre est celle de l'archevêque et 
électeur Bertihold de Mayence, de l'année 1486, sans parler de 
celles qui existaient déjà depuis longtemps à Rome. 

Si maintenant nous jetons un coup d'oeil général dans le do- 
maine de la typographie, sur les travaux des 36 années écoulées 
depuis la première apparition d'une imprimerie hors de Mayence, à 
Bamberg en 1462, jusqu'au déclin du siècle , on est frappé d'éton- 
nement et d'admiration à la vue de l'activité et de la vie qui ré- 
gnèrent dans cet art à peine inventé. Si nous comparons ce court 
espace de temps aux siècles qui ont précédé cette glorieuse dé- 



7Ô 

couverte, quel contraste : Ici un spectacle magnifique , du mouve- 
ment, de l'enthousiasme; l'industrie, Part et l'étude en pleine 
activité , et pour résultats , le commerce et le bien-être. Là, au 
contraire, l'inertie, les ténèbres, l'ignorance , un malaise général. 
Du ¥• siècle à l'an mil on savait à peine écrire, par conséquent il 
n'y avait point de littérature. Même quelques siècles plus tard le 
papier et les livres étaient extrêmement rares ; « il n'y avait que 
«les princes et les grands seigneurs qui puissent former des 
«bibliothèques et récompenser la peine des écrivains, » nous 
dit l'historien de Charles VI. Le prix moyen d'un livre simple, 
tenant le milieu entre les simples opuscules ou manuels et les 
volumes surchargés de peintures et d'ornements, pouvait, sui- 
vant M. Daunon, équivalo.r au XIIP siècle à ce qui coûterait au- 
jourd'hui 4 à 5,000 francs. Villaret nous dit qu'au XIV* siè- 
cle un seul livre d'heures, sans fermoir d'or, sans pierreries, 
de la bibliothèque du duc de Berry, frère de Charles V, monta 
à la somme de 875 livres, représentant une valeiu* d'environ 
6,250 francs de notre monnaie. Et au XV* siècle encore, avant 
la découverte de l'imprimerie, un roi de France, Louis XI, 
voulant emprunter un hvre à la Faculté de médecine pour le 
ûiire transcrire, fut obligé de se soumettre à des conditions de 
garantie, et de donner pour caution cent écus d'or et douze 
marcs de vaisselle d'argent « qu'il nous a baillés en sûreté de 
< nous le rendre , ainsi que selon les statuts de notre Faculté 
« faire le doit. j> 

Les livres avaient une telle valeur, qu'on les regardait comme 
la plus belle partie de la propriété : on en disposait dans les 
legs, et il n'était pas rare qu'on prescrivît dans les testaments 
l'obligation de les conserver enfermés dans une armoire à part 
et fixés par une chaîne, de ne jamais les prêter ni les vendre. 

Mais déjà la presse était en mouvement : imprimit ille die 
^ntum non scribitur in anno; et Jehan Molinet(*), dans sa 
Jtecollecii<m des merveilles advenues en nostre siècle, pouvait 
s'écrier : 



(i) Mémoires de la Société royale des antiquaires de France, volume XJII, 1838. 



do 

J'ai veu ip^nt oultiUide 
De livres imprimez, 
Pour tirer en estudes 
Povers mal argentez 
Par ces nouvelles modes/ 
Aura maint escoUier 
Décret, Bibles et Godes, 
Sans grant argent bailler. 

Il n'y avait pas 60 ans que le premier livre avait été im- 
primé à Mayence, que déjà toutes les grandes villes de l'Eu- 
rope possédaient des établissements typographiques; et à la fin 
du XY* siècle la propagation des livres imprimés était géné- 
rale. 

Suivant M. Taillandier le nombre des exemplaires de chaque 
édition des premiers imprimeurs était de 275; après 1472 les 
tirages dépassaient ordinairement ce nombre et même celui de 
300. Les calculs les plus modérés établissent que l'imprimerie 
avant 1501, c'est-à-dire dans le premier demi-siècle de son 
existence, avait exécuté plus 1,300 éditions (*), et répandu en 
Europe plus de 4 millions de volumes. 

Nous ne quitterons pas le XY* siècle, époque de la naissance 
de l'imprimerie, sans dire quelques mots sur l'état de cet art 
à Genève (•). 

Genève, qui, suivant Senebier, avait reçu l'imprimerie en 
1478, ai Adam Steimchawer de Schweinfourt, a pris une part 
active dans ce mouvement général On connaît trente-six édi- 
tions imprimées dans cette ville depuis cette époque jusqu'à 
1500; et les noms de cinq imprimeurs qui y ont travaillé. 

M. Favre-Bertrand, dans une excellente notice sur les livres 
imprimés à Genève pendant cette époque, nous apprend que le 

(i) On appelle Incunables, les éditions qui ont paru dans le XV* siècle; du latin 
incunabulum, berceau (temps où l'imprimerie était enrx)re à son berceau). 

(2) Mémoires de la Société d'histoire et d'archéologie de Genève, 1. 1»'. — Hist. et 
description de la Bibliothèque publique de Genève, par M. E.-H. Gaullieur. profes- 
seur; Neuchâtel, 1853. — Études sur la typographie genevoise par M. Gaullieur; Ge- 
nève, 1855. — Mémoire sur l'état matériel de Genève pendant la seconde moitié do 
XV*" siècle par M. le doct. Chaponnière, 1853.— Guerbin de Cruse demeurait dans 
la rue de la Cité ou des Cordonniers (de Civitate seu Sutorum), au coin de la rue de 
la Tour de Bnel. 



81 

premier Ëvre sorti des presses genevoises était: I.(^) Le Livre 
des Saints Anges, imprimé en 1478 en langue française, et 
avec des caractères gothiques. Cette première publication fut 
suivie de près de plusieurs autres, savoir : II. Le Bonum de 
Mëmne,BYec des gravures sur bois; m. Le livre de Sapience, 

IV. Le Roman de Fierabras le Géant; tous les trois du même 
imprimeur que le premier; le livre intitulé : Le noubU roy 
PonOms (XXIX) ^ qui est sans nom d'imprimeur et sans date, est 
supposé de 1479, et attribué à Steinschawer. Viennent ensuite : 

V. Le Liber qui Manipuius Ouratorum, etc., etc., de 1480, et 
VI Legendœ sanctorum, de la même année; tous les deux si- 
gnés du nom d'Adam Steynschauwer de Suinfordia. 

Depuis 1481 apparaît un imprimeur du pays, Lovys Ontse, 
qui se nomme aussi Ludomcum Oruse alias GarUni, Ga/rhin 
ou GwrUn, fils d'un docteur en médecine. On connaît de 
lui:VIL Thomas de AquinOy Tract de 1481, avec des initiales 
ornées; IX. Le doctrinal de Sapience, imprimé à Promentour 
en 1482; XI. Le Boman de lïeràbras, de 1483; XII. Un vo- 
caMaire loMn-français , de 1487; XXII. Les fleurs et les ma- 
nières des temps passés, etc., de 1495, orné de gravures sur bois. 
On lui attribue encore l'impression de XXXYI. La danse des 
Aveugles, et XXXV. Le Livre des bonnes imeurs (entre 1488 et 
1489). 

En 1490 parurent les deux seuls livres que Jacques Arnollet, 
ait imprimé à Genève : XTV. PassionaJe ChrisU, avec figures 
et XV. Les sept sages de Bœne, 

Jean Fabri de Langres publia, en 1491, XVI. Le Missale ad 
^i^m Gébennensis dyocesis , orné d'une vignette. 

XXIV. Le Kàlendrier des Bergiers porte la date de 1497, 
et la marque de l'imprimeur, J, B., surmonté d'un B., qui est 
•Jean Belot, originaire de Rouen. XXXIV. Le Missale ad usum 
^hennensis de 1498 et Le Missale ad tisum Lausannem de 
1500, sont également imprimé par lui. 

D'autres livres imprimés à Genève pendant le XV* siècle, 
mais dépourvus ou du nom de l'imprimeur, ou de la date, sont : 

(1) Les chUfres romaios sont les auméros d'ordre de M. Fjivre. 

4* 



82 

Vm. UUsUÂre éPŒivier de CasUOe, de 1482. X. Le livre dès 
sept sages de Borne, de 1483, et Xm. Le même de 1492. 
XVin. GonstUutiones sytwdales, etc., de 1493, avec quelques 
capitales gravées sur bois. XX. Le Doctrinale de Sapience, de 
1493. XXI. Encore une édition des Sept sages de Borne (la 
4"* depuis 1483), de 1494, ornée de figures sur bois. XXIU. 
Fasciculus Tennporum en françoys ( c'est le Fardelet historical). 
de 1495, orné de gravures. XXXIII. PrognosUcon de Comète, 
qui anno M.CCCCC, etc., qu'on suppose être imprimé en 
1500. XIX. Statuta ecclesiœ Gehennensis, sans date, paraît être 
de 1493. XXXn. Le roman de Fierabras le Gréant, dépourvu 
de date, mais signé Simon du Jardin, à Genève, parait, selon 
M. Gaullieur, être dû à Louis 6arl»n, du Jardin n'étant pas 
connu comme imprimeur. XXXI. Une seconde édition de l'his- 
toire d'Olivier de Castille, sans date , mais signée de Louis Garbin. 
XXVni. Qvtattwr novissimarum Liber, etc. (connu sous le nom 
de Cordiale), sans date, ni nom d'imprimeur. XXX. La chro- 
nique et Vhysioire de ApoUin de Thyr, imprimée par Garbin 
(entre 1481-1490). XXXIV. Manucik ad usum Qeh, porte les 
lettres J. B., Jean Belot, mais point de date ni lieu d'impres- 
sion. — Du XYI' siècle , ilftôsa2e ad usum eccles, Laus., sans date 
ni lieu d'impression. La grande Danse Macabre des hommes et 
des femmes, de 1503, avec des gravures sur bois. — HoreBte Marie 
Virginis secundum eccles, Geben, (*). Xm. Breviarum ad uswn Oe- 
ben. avec gravures sur bois , et des caractères rouges et noires . 
est imprimé par Louis Garbin, en 1487. 

Ce sont là les éditions connues qui furent imprimées en 
caractères gothiques à (jenève dans le XV* siècle. 

Au commencement du XVI» siècle, il y avait à Genève, 
entre autres imprimeurs, Jacques Vivier (1517), et Wigand 
Kohi (1523). 

PROPAGATION DB IiA TYPOGRAPHIE DANS 
IiB XVI* SIBCIiEa L'imprimerie au moyen de lettres mo- 
biles, ou la typographie, inventée dans la seconde moitié du XV* 

(1) Dont M, le professeur Adert possède an Tra^ment. Voyez iM. Gaullieur. Études, 
etc. p. 54, 



83 

siècle, s'était donc solidement établie, et florissait déjà chez pres- 
que toutes les nations de l'Europe à la fin de ce même siècle. H 
nous reste à dire ses progrès dans les temps postérieurs jusqu'à 
nos jours, à faire ressortir surtout ses perfectionnements dans la 
pratique, et ses diverses applications aux arts et aux sciences. 

Dès le conmiencement du XVP siècle nous voyons l'imprimerie 
se répandre aussi dans les parties extrêmes de l'Europe, et sur 
les continents et les iles dii reste de la terre. En Islande nous 
rencontrons déjà en 1531 une imprimerie, et en 1584 on y impri- 
mait la première Bible en islandais. Bible dont lés gravures sur 
bois avaient été faites par l'évêque Jens Areson lui-même. 

Ostrogue, en Volhynie, est le lieu où fut imprimée en 1581 la 
première Bible en ancien russe; les caractères sont exactement 
imités de ceux des manuscrits slavons. La première imprimerie en 
Russie fut celle de Moscou, établie en 1553; St-Pétersbourg n'en 
eut une qu'en 1711. On imprimait depuis 1794 en Arménie. Cons- 
tantinople n'eut une imprimerie publique qu'en 1726, et la Grèce 
tte l'eut qu'après avoir recouvré son indépendance, vers 1822. 

LaCliine,le Japonet les divers pays de l'Inde orientale con- 
naissaient depuis des siècles déjà l'art d'imprimer au moyen de 
planches de bois; mais ils ne paraissent pas avoir fait jusqu'ici des 
progrès sensibles dans l'imprimerie. Les missionnaires ont in- 
troduit dans le XVI* siècle la typographie à Goa, sur la côte nord- 
ouest du Décan. La Perse n'en a été doté qu'en 1820. Les moines 
du mont Liban imprimaient déjà en 1610. 

L'art de Gutenberg fut introduit à Batavia depuis 1707; à 
Ceylanen 1737; mais dans les îles Philippines ce fiit déjà en 
1570. 

Les pays qui les premiers eurent une imprimerie dans les 
deux Amériques, furent le Mexique, en 1549, et Lima en 1586. 
Mais les Massachusets de l'Amérique du Nord n'en eurent une 
qu'en 1639; la Pensylvanie qu'en 1686, florissante surtout sous 
Franklin en 1726; et New- York qu'en 1693. 

L'Egypte reçut l'imprimerie par l'expédition française eu 
1799;leCapenl806. 

Les îles Sandwich possèdent cet art depuis 1821, et ou y 

pîblie même un journal depuis 1885, 



84 

La réformation, considérablement préparée et secondée, sinon 
provoquée par l'imprimerie, fournit à son tour dans le XVr 
siècle de nouvelles et abondantes matières à cet art encore nou- 
veau. Une quantité de presses et de bras étaient en mouvement 
pour alimenter et soutenir le zèle du nouvel enseignement. Ce 
fut surtout Wittemberg, le berceau de la réforme, qui con- 
tribua le plus à la propagation de l'Evangile. Outre Melchior 
Lotther, qui y imprimait en 1519 la traduction du Nouveau Tes- 
tament de Luther, avec des caractères de Froben à Bâle; et 
Georges Rhaw, qui publiait entre 1520 et 1548 les petits écrits et 
le catéchisme de Luther, ainsi que les œuvres de Melanchthon; 
il y avait principalement Hans Lu£ft, imprimeur ambulant, qui, 
s'étant fixé dans cette ville depuis 1526 jusqu'à 1584, y impri- 
mait spécialement la Bible de Luther. Les deux presses qu'il pos- 
sédait étaient continuellement en activité, et l'on porte à 100,000 
le nombre des exemplaires de la Bible qu'il a imprimés dans l'es- 
pace de 50 ans; aussi l'appelait-on l'imprimeur de la Bible. 

Urach et Tubingue, dans le Wurtemberg, ne sont pas moins 
célèbres que Wittemberg. Le zélé luthérien Primus Truber de 
Carinthie, réfugié, fondait dans ce pays, en 1550, une typo- 
graphie avec laquelle on imprimait des ouvrages religieux en 
idiomes croate, vandale (wendisch) etdalmatien, avec des carac- 
tères glagoliques ou croates , et cyrilliques (Cyruliza). Les poin- 
çoins-reliefs pour faire ces caractères fiirent exécutés en 1560 
par l'habile graveur de lettres Jean Hartwach, et moulées ensuite 
par Simon Auer, fondeur en caractères; tous les deux à Nurem- 
berg. Mais en 1564, après la bataille de Nôrdlingue, ces carac- 
tères furent soustraits par les troupes impériales et devinrent 
plus tard la possession du collège de la propagande à Rome. 

A Paris florissaient principalement dans le XVI* siècle les 
Etienne (ou Stephanus, en traduisant le nom en latin, suivant 
l'usage de l'époque), célèbre famille de typographes, qui prati- 
quèrent pendant l'espace de 170 ans, de 1519 à 1674. 

Robert Stephanus I, le plus distingué, homme très -savant, 
s'était fait protestant Pour se soustraire aux difficultés qu'on lui 
suscitait, il se rendit en 1552 à Genève, oti il fut reçu gratuite- 
ment bourgeois, et y publia un Nouveau Testament en français. 



â5 

Ses éditions sont très-estimées , surtout à cause de leur correction, 
n avait l'habitude d'exposer à la vue du public les épreuves des 
livres qu'il imprimait, et de donner une récompense à quicon- 
que lui signalait des fautes. 

Les Wechel, excellents typographes de Paris, étaient aussi 
protestants, et furent obligés de quitter cette ville; ils s'établirent 
entre 1622 et 1600, à Francfort-sur-le-Mein et à Hanau. 

Nous devons mentionner encore comme typographes distin- 
gués en France dans le XVI* siècle, les Badius à Paris, de 1498 à 
1549; Michel Vascason, de 1530 à 1576 (il est un des premiers 
qui employèrent de préférence le caractère romain au heu du 
gothique, alors généralement en Usage; on connaît de lui plus 
de 297 éditions); Guillaume Morel,àParis, de 1547 à 1564; et 
une autre famille Morel, de 1571 à 1630. Les Morel fleurirent à 
Paris pendant près d'un siècle. Une femme aussi s'est distinguée 
dans l'imprimerie, Charlotte Gvillard, qui exerçait cet art à 
Paris en 1538. 

L'art tjrpographique continua à être pratiqué avec succès en 
Itahe pendant le XV" siècle. Outre les Aide et les Giunta, qui 
mipiimèrent, les uns jusqu'à 1538, les autres jusqu'à 1597, il y 
en avait encore un grand nombre d'autres, parmi lesquels nous 
ne remarquerons que Paganini de Brescia. Il publia en 1518 à 
Venise l'édition princeps du Coran en arabe. On imprima dans 
la même viUe, pendant ce siècle, plusieurs ouvrages en slavon, 
en russe et en croate. 

Le plus ancien produit de la typographie de Zurich est une 
annonce d'un tir à l'arbalète, du 6 janvier 1504. Les premiers 
imprimeurs connus de cette ville sont Hans Amwasen , en 1508, 
et Hans.Hager, qui imprima de 1520 à 1530 plusieurs ouvrages 
de Zwingle; mais son plus célèbre typographe était Christo- 
phe Froschawer, qui de 1519 à 1564 publia, outre beaucoup 
d'autres ouvrages, jusqu'à 21 éditions diverses de la Bible. H im- 
prima aussi en 1535 la première Bible anglaise, ornée de gravures 
mur bois par Sebald Beham. 

La Bible connue sous le nom de Bible de Serrières reçut 
cette désignation parce qu'elle fut imprimée dans le village de 
ce nom du canton de Neuchâtel, par Pierre de Vincle dict 
Pirotpicart, en 1635, 



86 

Bâie possédait dans ce siècle entre autres, on imprimeur de 
réputation, Jean Oporinus (Herbst), dont le principal ouvrage, 
Andrese Vesalii de humani corporis fabrica, lib. Vin, 1554, est 
imprimé avec de beaux caractères, des initiales giavées en bois 
spécialement pour ce livre, et orné de beaux dessins anatomi- 
ques. Oporinus avait écrit lui-même plusieurs ouvrages , et fait 
les traductions et annotations des classiques grecs qu'il impri- 
mait 

L'Allemagne possédait dans ce siècle un grand nombre de 
typographes renommés, dont quelques-unfe nous sont déjà con- 
nus. Nous n'ajouterons que J. Petrejus à Nuremberg, de 1526 
à 1560; André Wingler à Breslau, de 1538 à 1555; Ernest 
Voegelin à Constance, de 1559 à 1578; et H. Commelinus à Hei- 
delberg, de 1587 à 1597, duquel les éditions des classiques grecs 
et romains sont très-estimées. 

Ce que les Aide et les Giunta étaient pour l'Italie , les Etienne 
pour la France, Christophe Plantin l'était pour les Pays-Bas ; il 
florissait à Anvers de 1555 à 1589. Ses nombreuses éditions 
sont encore aujourd'hui regardées comme des chefs-d'œuvre de 
typographie, et se distinguent surtout par l'élégance des types et 
de l'impression, et par la plus parfaite exactitude. Plantin avait, 
comme Robert Etienne, l'habitude de récompenser ceux qui 
trouvaient des fautes dans ses livres imprimés. 

L'Angleterre n'est pas restée eu airière dans le XVP siècle, 
et offre également des imprimeurs de mérite. Wynkin de Worde 
perfectionna, de 1491 à 1534, les caractères; il les faisait de 
grandeur diverses et graduées. John Day fut le premier qui im- 
prima avec le caractère appelé caractère saxon. H ornait ses Uvres 
de belles figures mathématiques et de cartes géographiques, sur- 
tout remarquables dans ses Acts and monuments, ou Fox's Book 
of Martyrs. H exerçait son art de 1544 à 1583. 

Richard Grafkon imprima en 1540 la Bible de Cranmer, avec 
de remarquables initiales, richement ornées. Cependant un des 
plus singuliers produits de la typographie de cette époque est le 
Genealogy of the kings of England, imprimé en 1560 par Gylles 
Godet, n est composé des effigies des rois fabuleux de la blanche 
Albion, depuis Brutus jusqu'à Elisabeth; lés figures^ ont six 



87 

pouces de haut et soïit grarées sur bois. Le tout, fait en forme 
de tapisserie, fut conservé jadis dans un étui sur un rouleau 
mouvant et paraît avoir servi à décorer les murs de quelque 
château en guise de tenture. 

PROPAGATION DE IkA TYPOGRAPHIE DE- 
PUIS IiE XVI« SIECIiE. Le XYII' siècle , temps de guer> 
res, de désordres et de calamités de tout genre, avait produit 
cependant de grands hommes et vu éclore de précieuses décou- 
vertes; mais il n'était pas propice pour l'art tjrpographique ; au 
contraire, cette époque agitée était un obstacle aux progrès de 
l'imprimerie ; elle comprimait son essor et la conduisait presque 
à sa décadence. Ce ralentissement s'étendit plus ou moins sur 
tous les pays, et se prolongea dans quelques-uns jusqu'à la 
moitié du XVIII' siècle. Dès lors il se manifesta dans la typo- 
graphie une nouvelle activité, et, malgré les troubles de la révo- 
lution française et les longues guerres qui la suivirent, elle n'a 
cessé de faire des progrès et de se perfectionner. 

La Hollande est peut-être l'unique pays où l'ancien lustre de 
l'imprimerie ne s'était pas tout à fait éteint. Les Elzévir, non 
moins célèbres que les Aide et les Etienne, florissaient à Amster- 
dam de 1592 à 1680, et imprimaient un grand nombre d'ouvrages 
placés parmi les plus parfaits , et recherchés encore aujourd'hui. 
Janson Blseu, ami de Tycho Brahé, et ses ills sont aussi célèbres 
que les précédents. On remarque surtout son Atlas en 12 vol. 
gr. in-fol, et son Novum Theat urb. Belgicse regiœ, de 1649, 
avec des cartes et des gravures. — Le plus remarquable ouvrage 
de la typographie hollandaise de cette époque est la Bible de 
Dordrecht, imprimée in-folio en 1686. 

Jean Andrese avait fondé en 1667, à Francfort-sur-le-Mein 
un établissement typographique qui existe encore aujourd'hui. 

Stockholm avait dans le XVII* siècle un habile graveur sur bois 
et sur cuivre (Formschnidare och Kopparstichare), Henri Keyser, 
qui était aussi typographe. Il avait servi sous Gustave- Adolphe, et 
reçut de Itti un appareil d'imprimeur pris sur l'ennemi. 

Lltalie vit paraître dans le XYTH" siècle un des premiers res- 
taurateurs de l'art typographique, Giainbatti3ta Bodoni, le plus 



90 

Dans le plus grand sont trente fondeurs de caractères, six 
fondeurs de stéréotypie, cent soixante compositeurs et autant 
d'imprimeurs, sept ouvriers pour humecter le papier. Deux 
machines à vapeur mettent en mouvement dix-neuf presses accé- 
lérée?, dont chacune imprime 700 à 1,000 feuilles par heure; fl 
y a eh outre cinq presses hydrauliques du poids de 260 tonnes 
chacune, pour préparer le ppp'er; quinze presses en fonte de 
fer pour les éditions de luxe. On emploie dans cet établissement 
2000 rames de papier par semaine. La stéréotypie produit plus de 
mille ouvrages, dont 72 Bibles; les planches stéréotypiques qui 
Servent à ces impressions ont une valeur de 400,000 livres ster- 
ling. 

Cette imprimerie possède plus de 50,000 planches gravées 
en bois, dont on expédie les clichés dans toutes les parties de 
l'Europe et de l'Amérique. 

L'imprimerie du journal the Times ofire également un exem- 
ple du grandiose des entreprises anglaises dans ce genre ; l'im- 
pression des 24 colonnes dont est composé ce journal, un des 
plus grands dfe l'Europe, occupe environ 100 ouvriers, dont 50 
compositeurs ^mettent en œuvre le travail de 12 sténographes 
des séances du parlement; des presses mécaniques de grandeur 
énorme impriment 4,000 épreuves par heure et 12,000' en six 
heures de temps; de manière qu'à Londres on peut lire le 
matin, et dans les pro^ânces avant midi, ce qui se débattait au 
parlement encore à minuit. 

Le plus remarquable exemple de célérité dans l'imprimerie a 
été fourni ces demjères années par l'Angleterre. Il s'agissait de 
l'impressioii" des voyages en Afrique de Damberger. Les éditeurs 
(MM. Dartoii et Clarkes) reçurent le volume original, écrit en alle- 
mand, un mercredi à 11 heures du matin. L'ouvrage en 36 feuilles 
de texte, a été traduit en anglais, accompagné d'une préface cri- 
tique, de trois gravures et d'une carte coloriée , ensuite imprimé, 
broché, expédié aux libraires, et le samedi soir à 6 heures et 
demie, il ne restait plus un seul exemplaire à l'éditeur. 

Un des premiers restaurateurs de Fart typographique en France 
ftit Charles Crapelet le père, qui imprimait de 1789 à 1809. D 
chercha à bannir de l'imprimerie les ornements de mauvais goût 



91 

qui surchargeaient les imprimés de ce temps , et îl s'efforça d'unir 
l'élégance à la plus grande simplicité. Ses éditions sont aussi cor- 
rectes que belles. On possède de lui un magn'fique ouvrage, 
l'Histoire naturelle des oiseaux de paradis , in-folio , imprimé en 
yr. Le fils, A.-G. Crapelet, surpasse encore le père: son édition 
de La Fontaine de 1814, celles de Montesquieu, de Rousseau, de 
Voltaire et d'autres, sont de véritables éditions de luxe et jouis- 
sent d'une grande réputation. 

Les Dîdot ont acquis une célébrité universelle méritée, et qui 
leur restera toujours. Le principal mérite de François- Ambroise 
Didot(né en 1730, mort en 1804) consiste dans la gravure des 
lettres; son caractère romain est magnifique. H inventa la typo- 
métrie, et il fut le premier qui imprimât sur du papier vélin, 
fabriqué d'après ses conseils à Amionay. Son frère Pierre-Fran- 
çois s'est également distingué. 

Pierre Didot, fils de François- Ambroise, né en 1761, eut le 
courage d'entreprendre, au milieu des désordres de la révolu- 
tion, l'impression des classiques anciens et modernes; son Vir- 
gile de 1798, son Horace de 1799, et surtout ses œuvres de Racine 
de 1801 à 1805 furent déclarés par un jury spécial les plus beaux 
produits de l'art typographique dé tous les temps et de tous les 
pays. On lui doit dix-huit genres de caractères. 

Firmin Didot, fi*ère du précédent, s'était surtout distingué dans 
la gravure et le moulage des lettres , dans la stéréotypie et la typo- 
raétrie;maisil était aussi habile imprimeur. Il mourut en 1836, 
généralement regretté. 

Henri Didot, fils de Pierre-François, est l'inventeur de la 
fonderie polyamatype ; il a imprimé le De imitaUone Ckristi en 
1816. 

Jules Didot, fils de Pierre, est principalement célèbre par ses 
éditions de luxe , connues partout. 

Parmi les imprimeurs moderne, Duverger est celui dont l'établis- 
sement grandiose peut le mieux rivaliser avec ceux d'Angleterre; 
Ëvrart, dont les éditions illustrées ont une grande réputation. 
L'imprimerie impériale est le plus grand et le plus remarquable 
établissement de ce genre. 

Enfin, et conmie résumé, en janvier 1854 il y avait à Paris 



92 

plus de quatre mille ouvriers imprimeurs (dont 67 femmes com- 
positeurs) qui étaient occupés à 572 presses et 276 machines. 
Le nombre des imprimeries dans toute la France était alors de 
1,024. On y publiait 1^14 journaux, et l'on porte à 7,992, dont 
4,700 à Paris, le nombre des ouvrages nouveaux qui ont paru 
dans l'année 1853; en 1817 ce nombre n'avait été que de 2,126. 

En Angleterre , à Londres , il n'avait été publié en 1828 que 
842 ouvrages nouveaux; mais, en 1850, ce nombre était arrivé 
à 4,400. D'après un rapport officiel du 9 juin 1851, il a été im- 
primé pendant les trois dernières années, entre Londres, Oxford 
et Cambridge, 3,927,750 exemplaires des Saintes Ecritures, 

En Allemagne, le mouvement de la librairie et de l'imprimerie 
est encore plus remarquable. En 1546, année où il existait déjà 
un catalogue de la foire de Leipzig, il s'était publié 256 nouveau- 
tés Uttéraires;— en 1601 déjà 1,137; — en 1830, 5,920; — en 
1841 ce chifir'e montait à il,090;— en 1850, il était de 8,737. 
Ily avait alors dans ce pays 2,000 libraires, parmi lesquels 400 
éditeurs et 1200 teneurs d'assortiments. 

L'Amérique du Nord, qui n'avait en 1655 que deux ou trois 
imprimeries, en compte aujourd'hui 4,000. 

Ces quelques indications et rapprochements suivent sans 
doute pour montrer quelle extension prodigieuse a prise dans 
notre siècle l'art typographique. 

L'excellence et l'utilité de la typographie, le bien et les avan- 
tages qu'elle procure, étaient reconnus généralement, et dès 
les premiers temps un grand nombre d'auteurs s'empressaient de 
faire valoir ses qualités. 

Le Fa/rdekt fdstoncdl, de l'an 1554, contient le passage sui- 
vant sur l'imprimerie : « La impression des liures qui est une 
« science tressubtile et ung art qui iamais navoyt este veu fiit 
« trouve enuiron ce temps en la cite de Magonce(*). Ceste science 
« est art des arts, science des sciences , la quelle pour la célérité 



{i) L'ouvrage latinintitulé : Fascicuius temporum anctore qaodem devoto Carthii- 
sieasi, imprimé pour la première fois à Cologne, en 1474, in-folio, a été traduit en 
français par Pierre Farget (Ferget, Sarget) et il est connu sous le nom du Fardelet 
historical. Il y a une édition de Lyon, 1483, une de Genève, 1485, etc. (M. Favre- 
Bertrand, Notice, etc.) 



< de son exercîte est ung trésor désirable de sapience.... Car la 
« verta infinie des liures... a maintenant este manifestée aux 
* poures indigens estudians, escoliers : ceste multitude est 
c diuulgee entre tous peuples langues et nations tellement que 
« vrayement nous pouvons regarder et dire ce qui est escript 
« au premier chapitre des proverbes. Sabientia foris prsedi- 
€ cat..... » 

Un écrivain trace ainsi, dans le journal La Presse du 25 février 
1837, les diverses phases de Pimprimerie : « Durant le premier 
siècle qui en a suivi la découverte, Timprimerie apparaît sous 
la forme d'un missel; sous la forme d'un pamphlet le siècle sui- 
vant ; plus tard, elle a été petit livre bien libertin, et in-folio bien 
lourd ; un journal à cette heure en est le symbole. * M. Crapelet 
ajoute : « Ne pourrait-on pas dire aussi, avec plus de justesse 
peut-être, que l'imprimerie a été religieuse à sa naissance ; reli- 
gieuse et littéraire dans sa jeunesse; littéraire et politique dans 
sa maturité; et que, politique et industrielle maintenant, elle est 
parvenue à sa décrépitude , jusqu'à ce que les lettres, reprenant 
force et vigueur, lui rendent à leur tour une vie nouvelle. > 

Enfin, M. de Lamartine s'exprime de la sorte : « L'imprimerie 
est le télescope de l'âme. De même que cet instrument d'optique, 
appelé ièlesccype, rapproche de l'œil, en les grossissant, tous les 
objets de la création, les atomes et les astres mêmes de l'uni- 
vers visible, de même l'imprimerie rapproche et met en com- 
munication immédiate, continue, perpétuelle, la pensée de 
l'homme isolé avec toutes les pensées du monde invisible, dans 
le passé, dans le présent et dans l'avenir. 

< On a dit que les chemins de fer et la vapeur supprimaient la 
distance; on peut dire aussi que l'imprimerie a supprimé le 
temps; grâce à elle, nous sommes tous contemporains. » 

PBE8SES ET mACHOfES DIMPRIMBRIB. On 

se rappelle que la presse à tirer des épreuves dont se servait Gu- 
tenbei^ avait à peu près la forme d'un pressoir. La presse ainsi 
construite, peut-être un peu modifiée, est restée en usage pendant 
pins d'un siècle. Léonard Danner à Nuremberg, vers le milieu du 
XVI» siècle, fut un des premiers qui y introduisirent quelque per-. 



fectionnement; il remplaça les vis de bois par des vis de laiton. £n 
1620, W. Janson Blaeu avait essayé de construire plusieurs pres- 
ses de différents systèmes, qui furent alors adoptées dans les Pays- 
Bas et plus tard aussi à l'étranger. Mais ce n'est que vers la fin du 
XVni' siècle que l'on commença à s'occuper sérieusement d'amé- 
liorer le mécanisme des presses typographiques. W. Haas père, 
à Bâle, en 1772, et J.-G. Freitag, à Géra, en 1795, donnèrent la pre- 
mière impulsion. Dès lors les inventions se succédèrent avec une 
telle rapidité et une telle abondance, qu'il nous est impossible de les 
sui\Te en détail. Nous ne mentionnerons que les changements les 
plus saillants et les inventeurs les plus renommés. Ce sont d'abord 
Franc.- Ambr. Didot, Anisson, Gaveaux, Thonnelier, Villebois, 
Frapié en France ; les Anglais Roworth, Medhurst, Hope, Rus- 
sel, StafiFord, Hoe, Rowland Hill, Prôner, Brown. Les presses à 
cylindre de Schuttleworth à Londres, Strauss à Vienne, et Burks 
à Paris, ont eu des succès. Dans les presses en fer, nous remar- 
querons celles de Stanhope et Walker, de 1816; celle de John 
Ruthen, de 1813. Georges Clymer à Philadelphie inventa, 
en 1818, la célèbre Columhian' Press. En même temps, il y avait 
celle de Moore en Angleterre, et celle de Ruggle à Philadelphie. 
On remarque encore les presses de Daniel Treadwell ; la Botary 
standard press de Barcley; la Albion press deDunne, celles de 
Cope, de Well, de Hawking; celle de Hagar à New- York, celle de 
Koch, perfectionnée par Stieber et Gross. Dans les presses méca- 
niques se distinguent les suivantes : La presse de Hinsley du 
Connecticut, inventée au commencement du siècle, a l'avantage 
de poser et d'encrer 2 feuilles à la fois, ce qui lui permet de livrer 
deux mille épreuves en une heure. La presse remarquable, mue 
parla vapeur, de Frédéric Konig d'Eisleben, associé en 1812 avec 
Bauer, produisait le 28 novembre 1814 la première épreuve t3^po- 
graphique imprimée au moyen de la vapeur. C'était le journal the 
Times, Elle livre mille exemplaires par heure imprimés des deux 
côtés de la feuille. La presse accélérée de l'ingénieur Applegath, 
à cylindres verticaux imprime par heure et avec une admira- 
ble perfection dix mille exemplaires de l'immense journal, the Ti- 
mes. Thomas French en Amérique a établi une presse qui est en 
rapport avec une papeterie dont les feuilles, à peine fabriquées. 



95 

sont amenées d'elles-mêmes sous la presse, imprimées des deux 
côtés à la fois et séchées. On y a imprimé le Juver^il BeadeTj ou- 
vrage composé de 216 pages, sur une seule feuille de soixante 
et dix pieds de longueur. 

Thuvien à Paris a inventé une presse colossale pour imprimer 
des affiches de 8 pieds de haut sur 10 de large. MM. Hoe de New- 
York ont exécuté une immense presse pour imprimer le journal 
New-Tork-Sun, qui est tiré à cinquante mille exemplaires. Son 
format est de soixante-cinq centimètres de hauteur, sur quarante- 
cinq de largeur; chaque page est composée de huit colonnes de 
deux cents lignes, ayant quarante lettres chacune. Le diamètre du 
cylindre, auquel s'applique la forme contenant les c^actères, est 
d'environ six mètres. Huit autres cylindres, se chargeant succes- 
sivement du papier, prennent l'impression en huit endroits diffé- 
rents, de sorte qu'on obtient de seize à vingt mille épreuves par 
heure. L'appareil après de quatorze mètres de long, et la ma- 
chine a deux étages de hauteur. En une heure, et à l'aide de seize 
personnes, cette presse exécute ce qui, dans un même espace de 
temps, aurait exigé le travail de trois à quatre cents pressiers. 

Les anciennes presses à bras, presque complètement en bois, né- 
cessitaient pour la plupart deux coups de barreau pour imprimer 
une feuille ; l'encre se posait avec des halles faites de peau de 
chien on de veau. Les nouvelles presses à bras n'ont que le pied en 
bois; le corps de la presse et les autres parties sont en fonte ou en 
fer forgé; l'encre se distribue avec le rouleau. MM. Firmin Didot 
nous apprennent que l'invention des rouleaux dits gélatineux est 
due à M. Gannal; il les composa en 1819 d'une combinaison de 
sucre et de gélatine ou colle forte. Les rouleaux élastiques rem- 
placèrent aussitôt avec avantage, pour l'impression, les rouleaux 
en peau de veau. L'usage en devint général en France, en Angle- 
terre et dans les autres pays. 

CABA€?TBRES D'IMPRIBIERIEa L'immense diver- 
sité de genres et de formes des caractères qui furent employés 
^ l'art typographique, ou qui sont encore en usage. () Le 

(1) Encyclopédie moderne, publiée par Firmin Didot frères, Paris in-S» 4851, t. 26. 
irlicle Typographie.— La Typographie, poëme par M. L. Pelletier, Genève 183â, in-8. 



96 

grand nombre de graveurs et de fondeurs en lettres qui ont 
existé, et qui, presque tous^ ont apporté quelque innovation, nous 
forcent à borner nos observations, et de les resserrer dans un ca- 
dre plus étroit que ne mériterait un tel sujet. La calligraphie a 
puissamment contribué au perfectionnement des lettres d'impri- 
merie. Les premiers typographes imitaient exactement l'écriture 
des manuscrits de leur époque. Plus tard, les maîtres d'écriture 
publièrent des modèles de lettres dans des recueils spéciaux. Au 
commencement, c'était principalement les peintres qui s'occu- 
paient de la calligraphie, ensuite ce furent les Modisten^ nom 
donné en Allemagne aux calligraphes. 

Albert Durer fut un des premiers qui publièrent des règles de 
construction pour les lettres majuscules et minuscules. E fut bien- 
tôt suivi de beaucoup d'autres en divers pays; nous ne mention- 
nerons que ceux qui ont joui de plus de vogue. C'étaient, à Nu- 
remberg, Jean Neudôrffer l'aîné, en 1538; Henri Vogthers de 
Strasbourg, en 1546; Urbain Wyss à Zurich, en 1549; Théodore 
de Bry à Francfort-sur-le-Mein, en 1570, et 1596; Jacques Jaco- 
belle à Heidelberg, en 1575 ; Sigismondo Fante à Florence, en 
1529; Giov.-Batt Palantino à Rome, eu 1540; Giov.-Ant Ta- 
gliente à Venise, en 1545; Giov. Cresci. Milanese, en 1575 ; Juan 
Yciar, VizcaynOyEscHptor de lïbros, en 1529 ; Pedro de Madaria 
de Valence, en 1565; Francisco Lucas, Vezino de Levilla, en 
1580; Geofroy Tory de Bourges, en 1529; Jean Richard à An- 
vers, en 1549; Clem. Parrati à Bruxelles, en 1596; et beaucoup 
d'autres. 

Ce genre de publications, commencé dans le XVI* siècle, conti- 
nué dans les siècles suivants, est devenu de nos jours extrême- 
ment nombreux. Ces recueils d'écriture, composés d'alphabets de 
lettres de tous'genres, servaient, au XVP et au XVII* siècle surtout, 
de modèles aux graveurs en lettres, et exerçaient ainsi une grande 
influence sur la tournure et la forme des caractères d'imprimerie. 

•^ Falkenstein, déjà cité, p. 360 cl suiv.— Précis hist. sur rîniprimerie royale par 
F. A.Duprat; Paris, 1848, in-8*— Gutenberguder Geschichte der Buchdruckerkunst, 
Ot. Aug. Schulz ; Leipz. 1840, in-8'. — Études pratiques et littéraires sur la Typo- 
graphie, par G.-A. Crapelet ; Paris, 1837, in-8». — Histoire de l'Imprimerie, etc., 
par Paul Lacroix (Bibliophile Jacob), Ed. Fournier et Ferd. Seré; Paris. 1858. 
grand in^. 



97 

Nous y pouvons remarquer quatre époques différentes et suc- 
cessives qui, pour être exactes, ne doivent cependant pas être re- 
gardées comme absolument indépendantes, mais comme s'enchai- 
nant: l'une servant de complément à l'autre. 

La première époque nous la connaissons déjà, c'est celle du XV* 
siècle, celle de l'invention première. Nous pouvons l'appeler aussi 
l'époque gothique, parce que le caractère gothique y dominait. 
< On ne saurait se figurer, nous dit M. Bernard, jusqu'où alla, à 
un certain moment, l'engouçpient du public pour le caractère go- 
thique. Quelques auteurs, dans leur enthousiasme, le qualifient 
même de divin. » 

Cette époque commence avec Gutenberg, qui avait introduit 
diverses grandeiu's de lettres imitées des missels manuscrits. Ces 
lettres, que les Allemands appellent Myssaltype , les Anglais 
Bkuik'lettres , les Flamands lettres Saint-Pierre, et les impri- 
meurs plus modernes lettres howrgeoisesy servirent, siu-tout en 
France, à l'impression des livres scolastiques, entre autres à la 
Somme de Saint-ThoTnas, ce qui leur fit donner, selon Fournier, le 
nom de lettres de somme. (*) Pierre Schœffer les a perfectionnées 
et variées ; il y a ajouté le caractère dit SchwcbbacheTf et les let- 
tres grecques. 

Sweynheim et Pannartz à Rome introduisirent, en 1465, le ca- 
ractère romain, imité de l'écriture du pays ; il est encore un peu 
gothique, et a 15 points typographiques. Ce caractère fut perfec- 
tionné par Ulric Han, Jean de Spire, Gunther Zainer, et Mente- 
lin. Ulric Han imprima en 1468, à Rome, les Epîtres familières de 
Oicéronj in-folio; et le caractère qu'il employa retint le nom du 
prince des orateurs de l'ancienne Rome. Ce caractère, appelé Ci- 
céron, n'avait que 12 points. Dans la même année, le même impri- 
meur publia le livre de La Cité de Dieu de saint Augustin, et le 
nom de l'auteur resta également attaché aux lettres qui avaient 
servi à l'ippression de ce volume. Le Saint- Augmtm correspond 
à 13 points. Le caractère romain de Jenson à Venise, 1471, a en- 

H) Les expressions de lettre* moulées, jeter en moule, mettre en mole ou molle, 
que l'on rencontre si souvent dans les anciens auteurs, ne désignent autre chose que 
l'impression typographique, c'est-à-dire des caractères coulés dans un moule. (Ber- 
nard, 1. p. m.) 

5 



9P 

viron 14 points et demi. La forme de ces caractères, appelés alors 
(Jaractertlmg Venetiis, est celle que noas avons encore a^joard'hui, 
sauf de légers changements introduits par la mode, mais qni ne 
touchent pas au fond (*). 

Pendant que Zarotus et Dionysius Paravissinufi à Milan (*), 
Bernardin Nerlius etLorenzo Francesco de Alopa à Florence, 
amélioraient les lettres grecques, Conrad Fyner à Esslingue, et 
Abraham Konath à Mantoue créèrent le caractère hébreu. 

Le XYP siècle nous introduit dans une nouvelle époque de la 
gravure de lettres ; les perfectionnements se multiplient ;«le gothi- 
que est encore en grand usage, mais il est peu à peu remplacé par 
le romain, et surtout par le ciiractère cursif ou itoligiie, inventé par 
Aide Manuce, et fondu par Francesco de Bologne. 

Ce que les Aide et les Giunta étaient pour l'Italie, les Plantin, 
les Ëbsévir et les Bleau Tétaient pour les Pays-Bas; les Auerbach 
et les Frobenpour la Suisse, les Ëgenolph, lesPetrejus, Peypus, 
et Fuhrmann à Nuremberg pour l'Allemagne. Sabon, àFrancfort- 
sur-le-Mein avait créé en 1550 un caractère qui porte soanom 
(Sàbon, ou grobe Fraktur), Albert Durer, à Faide de figures qua- 
drangulaires, avait posé les règles de la forme fondamentale du 
caractère allemand (Deutsche Fraktur), que Hieronymus Hœlzel 
avait gravé, et dont le prototype se voit dans l'Apocalypse de 
1498. Hieronymus Rœsch a gravé et fondu des caractères d'après 
le manuscrit le IheuercUmk, écrit suivant la méthode de Durer 
par Vincent Rockner, secrétaire de l'empereur Maximilien I". 

Mais le perfectionnement de ce caractère est dû à Johann Neu- 
dorfer, l'aîné, célèbre calligraphe de Nuremberg; il introduisit en 
1557 et mit en usage les lettres curaives allemandes (Camlei- 
schrift). 



(i) Od appelait antique, \e raraclèro romain, ei gothique, le caractère modernr . 
quoique ce dernier ait précédé le romain eu typographie. L'écriture en lettres go- 
thiques est en effet plus moderne que l'écriture romaine. 

(3) Son édition de la Grammaire grecque de Lascaris, in- 4*. 1476. est le premier 
livre entièrement exécuté en caractéi'es grecs. Avant cette époque, et à cause de< 
accents, on laissait souvent en blanc les mots de cette langue. Le Lactance de Sweyn- 
heim, i465, offre déjà l'exemple de caractères grecs mobiles et fondus; ce sont los 
premiers de ce genre, car ceux de Schœffer, dans l'édition des Offices de Gicéron, 
imprimés la même année, furent simplement gravés. 



Koufi a¥€ai6 déjà «EKvnttionné le mérite des Etienne et de6 Ho- 
relli en France. Vers 1620, Claude Garamond, renonçant au ca- 
ractère gothique et semi-gothique, grava d'après les belles formes 
vénitiennes de Jenson et de Manuce, les caractères romains et 
italiques qui furent généralement adoptés. Ces lettres se propa- 
gèrent dans les pays étrangers, soit par les fontes qu'il y envoyait, 
soit par les matrices qu'il y vendait. Ses élèves, Jacques Sanlecque 
et Guillaume le Bé 1" suivirent son exemple. Ce dernier a été 
chargé, en 1523, par François P*", de graver les caractères en lan- 
gue orientale dont se servait Robert Etienne. Robert Granjon, 
élève de Garamond, appelé en 1578 par le pape Grégoire XIQ, 
établit une fonderie de caractères à Rome, dans le Vatican, où il 
travailla, sous les ordres du cardinal de Médicis, à plusieurs carac- 
tères romains, droits, latins, arabes, syriaques, arméniens, illyriens 
et moscovites. Il est l'inventeur d'un caractère cursif particulier, 
et des lettres &«<ar(?^ qu'on appelle lettres de règles de Milité, 
nom qu'elles reçurent d'un petit ouvrage très-estimé alors, inti- 
tulé € La dvilité puérile et homaette pour Vinstrv/cUon des en- 
fants. » 

En 1528 se distinguaient comme habiles graveurs et fondeurs 
en lettres, François et Sébastien Gryphe, d'origine allemande, 
l'un à Paris, l'antre à Lyon. Les principales preuves de ce que les 
arts de la gravure et de la fonte des caractères savaient produire 
dans le XVI* siècle, en France, se trouvent réunies dans l'ouvrage 
de Godefroy Tory, publié à Paris en 1528, in-4", sous le titre 
(hmp Fleury, auquel est contenu Loûrt et Science de la deue et 
vraye proportion des lettres antiques et proportionnées selon le 
<^orp8 et visage hmnmn. 

Le XVII* siècle offre une époque, sinon de décadence, du moins 
stationnaire. Il y avait à Paris Samuel Thiboust en 1612, Ubraire, 
imprimeur, graveur et fondeur, Guillaume le BélI, en 1625, et 
Jacques Langlois, en 1633. Pierre Moreau, maître écrivain, puis 
en 1640 imprimeur, présenta à Louis yïTT des épreuves d'un ca- 
ractère qu'il avait fait graver, et qui imitait l'écriture ronde. Il exé- 
cuta ensuite ujie bâta/rde brisée, et plusieurs autres caractères qui 
sont connus sous le nom àe financiers. Jean Jannon à Sedan avait 
^quis une certaine réputation à cause des petits caractères qu'il 



lÔO 

employait dans ses impressions, et qui reçurent le nom de lettres 
sédanoises. 

Pierre Lepetit était fondeur en lettres en 1643. Claude-Louis 
Thiboust, en 1694, graveur et fondeur, avait composé et imprimé 
un poëme latin, de Typographiae Excellentia. 

Joseph Maxton, de 1659 à 1683, ftit le premier en Angleterre 
qui exerça l'art suivant certaines règles mathématiques. Walton 
publia en 1667 sa Polyglotte. Ce fiit le premier livre publié par 
souscription. En Allemagne, il y avait "Wolfgang Endter mort en 
1659, Lowinger et Baumann. 

Dans le XVIII* siècle commence l'époque que Ton pourrait ap- 
peler le temps de la renaissance, et qui s'est prolongé jusqu'à nos 
jours. C'est l'époque des Bodoni, des Fournier, des Didot, des Bas- 
kerville, des Breitkopf, des Tauchnitz et des Haenel. 

Bodoni en Italie, parmi les typographes duXVUI' siècle, était le 
plus habile et le plus dévoué de son art ; il réunissait tous les talents 
d'un véritable typographe ; son Manuah tipografico contient la 
plus riche variété de caractères que l'on connaisse. On y trouve 
d'abord les alphabets de toutes les langues vivantes de l'Europe, 
291 latins, 102 grecs, 8 hébreux, 3 rabbiniques, 6 syriaques, 71 
russes, 3 samaritains, 2 arabes, 2 cophtes, 2 phéniciens, 2 armé- 
niens et 2 thibétains. En Angleterre fleurirent William Gaston de 
1755 à 1765, et surtout John Baskerville. Ce dernier, peu satisfait 
du mauvais goût des caractères d'alors, résolut d'en graver de nou- 
veaux, et il y réussit à force de patience et d'habileté. Ses carac- 
tères sont élégants, quoique un peu maigres. Son Virgile, publié eu 
1757, excita l'enthousiasme général, et fiit regardé comme un chef- 
d'œuvre. Après Baskerville vinrent Figgins, Barton, Fry, Harvey, 
Jackson, Livremoore, Towkins, Martin, Thorne, Ashby, Wilson, 
Pouché, Wood et Charwood. Thorowgood inventa le caractère 
Egyptien de nos jours. Le célèbre Bulmer avait déjà en 1795 pu- 
blié ses éditions miniatures, parmi lesquelles on remarque surtout 
les œuvres de Shakspeare ; ce chef-d'œuvre fit donner à son 
imprimerie le nom de Shakspeare Press, L'Ecosse possédait à 
cette époque comme graveurs et fondeurs Miller, Mathewson, 
Bower et Barcon. * 

La France ne pouvait non plus rester en arrière du progrès 



101 

imiversel qui s'opérait alors dans l'art typographique, ce puis- 
sant auxiliaire des lettres. Louis XIY, nous dit M. Duprat('), or- 
donna en 1692 qu'une typographie spéciale fût gravée pour le 
service de son imprimerie. L'Académie des sciences, consultée 
sur la forme qu'il conviendrait de donner aux nouveaux types , 
désigna à cet effet MM. Jaugeon(*), Filleau des Billettes, et le P. 
Séb. Truchet, qui composèrent à cette occasion un traité de ty- 
pographie, dans lequel ils réunirent, indépendamment des modè- 
les de gravure des caractères romains , les alphabets de toutes 
les langues ou idiomes connus , expliqués par de savantes notices 
sur leur origine. Ce traité contient des règles sur la grandeur, 
les contours, les pleins et les déliés, les empâtements et les 
espaces des caractères. Ces règles consistent en un carré divisé 
en soixante-quatre parties , subdivisées chacune en trente-six 
autres; ce qui forme une quantité de deux mille trois cent 
quatre petits carrés pour les capitales romaines. Les lettres ita- 
liques sont figurées par un autre carré oblong et penché ou 
parallélogranmie , qui comporte encore plus de subdivision. Il 
faut ajoutei: à tous ces détails les cercles faits au compas, poui* 
former les parties rondes des lettres et leur empâtements. Phi- 
lippe Grandjean, premier graveiu: du roi depuis 1694, fut 
chaîné de la gravure des nouveaux types. En 1702 l'Impri- 
merie royale fit paraître les premiers corps des types gravés 
sous Louis XrV. C'est le SainirAttgustin gravé par Grandjean. 
Jean-Alexandre, son élève, lui succéda en 1723. Le troisième 
graveur du roi fut Louis Luce, gendre d'Alex^dre, qui lui 
avait succédé en 1740. Luce avait exécuté des lettres si pe- 
tites que l'on ne pouvait les lire sans microscope , . et il les 
appelait le premier alphabet Plus tard il fit encore un autre 
alphabet en italique, plus petit que le premier. Il avait aussi 
exécuté une ronde et une bâtarde dite du Louvre; mais ses 
caractères ne sont pas estimés, excepté un caractère d'écri- 
tare bâtarde gravé sur 96 points. 

(Ij Précis historique sur l'Imprimerie nationale, etc., [>ai- M. F.-A. Dupral. Paris, 
1848, grand in-8«. • 

(2) Des arts de construire les caractères, de graver les poinçons de lettres, de fondre 
les lettres, d'imprimer les lettres, etc., formant le 1" vol. des Descriptions et perfec- 
lious des arts et métiers, par Jaugeon (1704). 



102 

C'Cpendant Pierre-Simon Foumier est eelni qui peut être re- 
gardé à ju8<je titre eomme le restaorateur de la typographie en 
France. J\ fut d'abord excellent graveur sur bois; il s'oeeupa 
enssite de la gravure des poinçons et de la fonte des carac- 
tères. C'est de lui que date la régularité des types, et il montra 
la route à suivre pour la taille des lettres agréables à l'œiL II 
a composé plusieurs ouvrages d'un grand intérêt sur la gravure 
en bois et sur celle des caractères; H était né en 1712, il mou- 
rut en 1768. 

François- Ambroise Didot n'avait pas moins de mérite. II lit 
graver et fondre chez lui par Waflard, dont il forma le goût, 
les premiers types de son imprimerie. Son fils, Firmia Didot, 
surpassa bientôt Waflard, et grava la plupart des caractères de 
l'imprimerie de son père. François-Ambroise Didot imagina les 
garnitures en fonte, inventa la presse à un seul coup, ainsi 
que Féchelle dies points typographiques, en divisant la ligne de 
pied de roi en six points ; système qui fut généralement adopté, 
et qui mit un terme à la confusion qui était devenue telle , que 
les corps de caractères dans aucune impnmerie n'étaient en rap- 
port les uns avec les autres. Hjenri Didot était habile graveur 
et fondeur en lettres ; il inventa le moule polyamatype. 

De 1715 à 1742, on avait essayé dans l'Imprimerie royale de 
graver un corps de caractères chinois ou idéographiques, mais 
la gravure fot suspendue en 1742. On ignore le nom du graveur 
qui commença ces caractères , dont les poinçons sont en bois ; 
ce sont les prqjniers types chinois gravés en Europe. YiUeneuve 
gr&va en 1722 quatre corps de types hébraïques, pour l'Impri- 
merie royale. Quant à la collection des ornements, de cet éta- 
blissement, elle fut augmentée de culs>de-lampe et autres vi- 
gnettes, gravés par le célèbre Papillon. Mais, quel que fût le 
talent de cet artiste , l'art de la xylographie était encore à son 
berceau sous Louis XV, et tous ces ornements , ainsi que ceux 
de Luce, laissent en outre trop apercevoir dans le dessin la 
sécheresse et le peu d'élégance du style qui dominait alors (^). 



(1) FupilluH a cxpusc dans uu li'uité hist. el |U'uli(|uedelai;:i*uvuresurbuis le;> prin- 
cipes de cet art; Paris, 17(î6. 



108 

Sons Ul^ répttt^tte on trouve Fagnion , grayeur, et Launier, 
fondeur esa caractères, attachés à rimprimerie nationale. 

Pierre Didot l'aîné, fils de François- Ambroise, consacra toute 
sa irie à l'amélioration des types. H avait gravé de très-beaux 
caractères au commencement de notre siècle ; plus tard il se 
£u8ait aider par Vibert. Firmin Didot , son frère , s'est distingué 
comme graveur et fondeur. Il fit paraître en 1806 des carac- 
tères imitant l'écriture cursive, gravés par lui d'après un pro- 
cédé dont il était l'inventeur ; on appelle ces lettres anglaises. 
De 1812 à 1815 il grava pour l'Imprimerie impériale, d'après 
le système métrique, une typographie dite millimétrique, com- 
posée de treize corps de caractères. Le système millimétrique 
fiit abandonné en 1814. En 1818, Jacquemin grava plusieurs 
coips de caractères d'après des modèles empruntés à l'Angle- 
terre. 

En 1819, Ambroise-Firmin Didot et Hyacinthe Didot, fils 
de Firmin, se distinguèrent également dans la gravure et la 
tonte des caractères. MoUé, habile fondeur, a coopéré à la ré- 
novation de la typographie. Il publia en 1819 ime série consi- 
dérable de caractères- gravés par lui. £n 1834 il exposa des 
essais d'un caractère chinois, dont il avait le courage d'entre- 
prendre la gravure à lui seul; pour éviter la confection de 
30,000 iTpes, il les décomposa en 9,000 poinçons nécessaires. 

En 1822, Pinard publiait ses lettres ombrées, et Lombardat 
ses italiques. Jules Didot, en 1823, imprimait sur .satin une 
édition in-folio des Fables de Phèd/re avec de nouveaux ca- 
ractères. 

En 1825, Mareellin Legrand, graveur en titre de l'Imprimerie 
royale, était chargé de la gravure d'une nouvelle typographie 
composée de seize corps de caractères. En 1827 paraissaient, 
poor la première fois, dans l'édition des Maximes de La Bo- 
(^ommddy în-64^ les caractères appelés microscopiques ou 
^myopes, gravés et fondus par Henri Didot, à l'âge de 70 ans. 
Jamais, dans aucun pays, rien de semblable n'avait été exécuté, 
à beaucoup pores. C'est un dief-d'csuvre de gravure, et la per- 
fection de la fonte de ce caractère, qui n'a que deux points et 
demiv' est due an moule polyamatype de l'invention de Henri 
Didot 



104 

Depuis 1830 environ, MarceUin Legrand a gravé pour l'Im- 
primerie impériale une série de corps de caractères, dont 
voici les noms: anglo-saxon, arabe d'Afrique ou maghrébin, 
bougui, deux corps de grec archaïque, guzurati, trois corps 
d'hébreu, himyarite, javanais, pehlvi, deux corps de persépo- 
litain, ninivite ou assyrien, tamoul, télinga, deux corps de 
tibétains, et deux de zend. 

M. Delafond a gravé pour la même imprimerie : quatre corps 
de caractères d'arménien, un barman, un chinois, quatre géor- 
giens, un magadha, un pâlé, deux de sanscrits, et un corps 
d'hiéroglyphes qui est le premier caractère égyptien gravé sur 
acier, et le seul aussi complet; il se compose de deux mille 
poinçons, représentant un nombre égal de signes. 

M. Ramé a gravé quatre corps de grec, un de phénicien 
et un de punique. M. Lœuillet de son côté, trois corps de 
slavon et de russe. Enfin, l'Imprimerie royale , pour compléter 
la collection des caractères de langues étrangères, a fait venir 
de la Chine elle-même deux corps complets de ses caractères. 
De plus, eUe a fait l'acquisition de deux corps de caractères 
étrusques, de trois de grec archaïque, gravés par M. Léger- 
Didot, et de huit corps ^e caractères allemands, gravés par 
MM. Dressler et Rost-Fingerhn de Francfort. MM. Laurent 
et de Berny ont livré des frappes de quatre corps de carac- 
tères gothiques. 

En 1849, MM. Laurent et de Berny publièrent une char- 
mante édition, dite miniature, des Fables de La Fontaine. Le 
caractère, fondu sur deux points et demi, comme celui de 
Henri Didot, est un peu plus gros d'œil; la gravmre en est 
très-nette. L'établissement de ces Messieurs est surtout re- 
nommé pour les lettres ornées, les lettres allongées et raccour- 
cies , et les lettres d'affiches , qui augmentent jusqu'à la gran- 
deur de seize pouces. Il occupe dix fours pour la fonte et pos- 
sède une grande collection de caractères, qui se compose de 
plus de cent genres différents. 

Nous devons remarquer encore la Fonderie générale formée 
par la réunion des fonderies de Firmin Didot, celles ^e Mole 
et E. Tarbé, celles de Crosnier et Everat, celle de Lion et 



106 

Laboulaye frères, et qui, sous la direction de MM. Biesta, 
Laboulaye et Comp. était en 1843 la plus considérable après 
celle de riraprimerie royale. Nous citerons encore les gra- 
veurs et fondeurs de caractères suivants: MM. Levrault, Ri- 
gnoux, ComouaQles, Gillé, Cranier, Delalain, Thuvier, Douiller, 
Gando, Gallay,Gromort, Aubert, Chevalier, Audier et Judas, Bara 
et Gérard, Deschamps, Beaujoint, Dubout et Renault, Lebè- 
gue, Ch. Derriey, Gonel , Léger, Perlot , Saumier, Lacoste père 
et fils, H. Porret, Dacheur, Dupuy-Dumont , F. Locquin, etc. 

Depuis 1820 environ se répandit 'de nouveau dans la typo- 
graphie le goût, déjà dominant dans le XVP siècle, de décorer 
les livres de vignettes, de fleurons, de filets, de culs-de-lampe; 
d'orner les initiales, les capitales et même les lettres qui ser- 
vaient pour les titres et les annonces. M. Crapelet blâme le mau- 
vais goût qui s'est introduit dans la typographie par l'imitation 
des caractères qui viennent des artistes d'outre-mer. On copie 
tout le baroque et le singulier de leurs travaux. Les lettres go- 
thiques dominaient surtout. On voyait alors les vignettes et les 
caractères ornés inventés par MM. Deschamps et Petitbon, 
imitant les dessins variés du kaléidoscope, que l'on dit d'ori- 
gine anglaise. On se servait de lettres de fantaisie sous des noms 
très-divers, et souvent peu en harmonie avec leur origine ou 
leur forme; ainsi il y avait des lettres égyptiennes, italiennes, 
toscanes, vénitiennes, milanaises, lombardes, génoises, italian- 
hand, lyonnaises, normandes, bretonnes, écossaises, algériennes, 
mauresques, polonaises, druidiques, pompadour, gothiques or- 
nées et perlées, gothiques renaissance, express, initiales mai- 
gres et demi-maigres, grasses ou demi-grasses, capillaires, 
noires ou blanches, ombrées ou éclairées, grises, azurées, 
rayées, ossuaires, perspectives, penchées,* écrasé es, originales, 
allongées , raccourcies , fleuronnées , renversées, serrées, ornées 
fond noir, ou fond prismatique, vignettes géométriques, alle- 
mandes, et beaucoup d'autres. 

Cependant, depuis dix ans à peu près, on cherche à ramener 
dans la typographie l'antique simplicité et c'est elle qui prédo- 
mine maintenant, surtout dans les ouvrages classiques, quoique 
le goût pour les lettres de fantaisie ne soit pas totalement passé. 

5* 



106 

Aux éditions miniatures, microscopiques ou myopes , suocédè- 
rent eu Aiigleterre, et aussi dans d'autres pays, les livises d'une 
dimension colossale. On ût à Londres, en 1^32^ un livre inti- 
tulé le Panthéon des héros ongMs, dont chaque page avait 
quatre toises de hauteur sur deux de largeur, le» lettres étanfc 
de la grandeur d'un demi-pied. U avait fallu confectionner une 
. mécanique exprès pour la fabrication du papier. L'impression 
de cette œuvre gigantesque s'est faite au moyen d'une machine 
à vapeur, et, au lieu d'encre noire, on employa un vernis d'or. 
On n-en a tiré que oant exemplaires destinés h serfvir d'orne-' 
ment aux principales bibliothèques d'Angleterre. 

L'AUemag^e, le berceau de la typographie, le pays de la pen- 
sée et du labeur, a également produit des hommes distingués 
dans la gravure et la fonte des caractères d'imprimerie. On 
remarque parmi eux Meyer et Fleischmann à Nuremberg. Le 
premier qui s'occupa de la gravure de lettres à Leipzig fut 
J.-Gaspard Muller. Zinc acquit une réputation par les can^- 
tères qu'il ipiitait des types hollandais. Hans {Lichter âorissait 
à Wittemberg. Mais Breitkopf les surpassa tous. 

Jean-Grottlieb-Immanuel Breitkopf, né à Leipzig en 171j^, 
mourut en 1794. Ce fut un vrai restaurateur de l'art. Son 
érudition se porta toute sur la typographie, qu'il explora sous 
toutes les faces. Il corrigea et régularisa l'œil des types, en 
donnant à sa fonte une dureté que les autres n'avaient pas. 
L'habileté de Breitkopf se montra dans la gravure des carac- 
tères chinois pour imprimer des livres. Avant lui on se servait 
de tables de bois , sur lesquelles on gravait les caractères. La 
cour de Rome le féUcita de cette invention , et l'Académie des 
Inscriptions lui en témoigna sa satisfaction et lui en demanda 
une épreuve. L'établissement de Breitkopf, dans lequel tra- 
vaillaient les habiles artistes, Artopseus , Schmidt, Knauxdorf 
et Bankow, était un vaste musée, où l'on voyait les poinçons et 
les matrices de plus de quatre cents caractères qu'il avait 
gravés. L'infatigable Bodoni pouvait seul rivaliser avec une 
telle richesse. 

Après Breitkopf, c'est siu'tout K.-Chr.-T. Tauchnitz qui s'est 
rendu célèbre dans cette branche de la typographie. Son ÛU 



107 

Churles Taachiûtz le suit, avec succès. De nos jours se distin- 
guent MM. Schelter, Giesecke et G.-B. Teubner à Leipzig. 

Frédéric Nies est le pi'emier de PAlleinagne qui ait gravé 
des caractères hiéroglyphiques, en 1840. 

A. Francfort-sur-le-Mein existaient, vers le milieu du siècle 
pasfié, les fonderies de Luther et de Wust, et maintenant il y 
a Andrese, Bauer, Brœnner, Nies, Dressler et Kost-Fingerlin 
A. Berlin on remarque Unger, Decker, Lehmann, Mohr, Manns- 
feld, et surtout Hasnel, qui jouit maintenant d'une grande ré-, 
putation. £n 1851^ M. Auguste Beyerhans a perfectionné le 
caractère chinois et égyptien, ce dernier d'après les conseils 
de M» Bunsen* A Bàle, ce sont MM. Haas, père et fils; à 
Weimar, Walbaum père et fils, et maintenant Brockhaus, 
Tœpfer et Eahle ; à Prague, G. Haase fils ; Pfaorr à Darmstadt ; 
Riess à Magdebourg; Schmitz, Blender et Hilgers à Cologne ^ 
Grass^, Barth et Comp., à Breslau. Ce dernier a employé des 
caractères allemands et latins de cinq pouces de grandeur, 
dans le Monumentum paces et dans God save the Eing. A Er- 
liirth il y a MM. Lossius et Seyfarth; M. Kupferberg àMayence ; 
Graberg à Zurich; MM. Metzler, Cotta et Eienzle à Stuttgard; 
Lorentz à Munich; Gebauer ou Schwetschke et fils à Halle; à 
Vienne il y a Schade, Strauss, Sollinger, Schiel, De Haykul, et 
surtout l'Imprimerie impériale sous la savante et habile direc- 
tion de M. le conseiller Aloïs Auer. Elle occupe un grand 
nombre d'artistes dans toutes les branches des arts graphiques, 
et possède plus de huit cents genres et grandeurs de carac- 
tères, dont 122 alphabets et 14,000 poinçons de caractères 
appartenant aux langues étrangères. Le nombre des matrices 
est de 80,000. 

PO&TTTPAOB, STEaEOTTPnS, CUOBDBS. 

L'invention si ingénieuse et si éminemment utQe des types 
mobiles <*)» ^^^ P^ Gutenberg, perfectionnée par Schœffer et 
par bien d^autres, à travers des siècles, et encore de nos jours, 

(i; Baron van Wcstrecnea van Tillandt. Verslajs van de uasporingen ointreni de 
oorsproabelyke uitvinding en het vroegste gebraik der stereotypische drukwyse, 
S'-Gravenhage, <833, in-8* - Brevets d'Inventions publiés, t. Il, p. iW et suiv. 



108 

cette invention, dis-je, ne satisfaisait cependant pas entièrement 
au besoin toujours croissant de moyens plus expéditifs dans Tim- 
primerie. On cherchait depuis longtemps, principalement pour 
les productions littéraires d'un emploi général, comme les dic- 
tionnaires , les livres encyclopédiques, ou les œuvres d'auteurs 
en vogue, enfin pour tout ouvrage demandant un grand nombre 
d'éditions, un moyen de multipUcation plus accéléré et surtout 
meilleur marché que ceux qu'on avait pratiqués jusqu'alors. Pour 
arriver à ce résultat, on a cherché à transformer en planches 
solides les formes composées de caractères mobiles. Jean Muller, 
pasteur de l'église évangélique allemande de Leide, eut le pre- 
mier l'idée de lier ou de fixer ensemble les colonnes de carac- 
tères mobiles, en les soudant les uns aux autres à leurs parties 
inférieures pour en former une planche solide. Il exécuta cette 
idée de compagnie avec son fils et un certain Van der May, entre 
1700 et 1711. Ils se servirent d'abord de mastic, et ensuite de 
plâtre. Le premier livre imprimé avec des formes soUdes fut 
la Bible hollandaise. Ce procédé, bien impar&it encore, n'eut 
pas de suite et ne paraît pas avoir été perfectionné davantage 
par l'inventeur, quoique Westareenen van Tillandt prétend que 
Jean van der May a connu la stéréotypie comme elle est pra- 
tiquée aujoiu:d'hui. 

C'est à l'orfèvre William Ged,Jà Edimbourg, que revient l'hon- 
neur d'avoir le premier fondu des. planches solides sur des 
moules obtenus de formes composées de lettres mobiles. Ged 
s'associa Fenuer et James à Londres , et ils publièrent ensem- 
ble des éditions stéréotypes de la Bible et de livres de prières, 
rde 1729 à 1730. Cependant le Salluste, imprimé par Ged seul, 
en 1744, sur des planches fondues en cuivre, « non typis mobi- 
libus, ut vulgo fieri dolet, sed tabellis seu laminis fiisis, > conune 
il est dit à la fin de cette édition, n'offi:e que des caractères 
dont l'œil manque de netteté. Gabriel Valleyre, hbraire et im- 
primeiu: à' Paris, fit paraître en 1735 un calendrier imprimé 
sur un relief en cuivre qu'il avait obtenu d'un moule en plâtre 
ou en sable, dans lequel il avait enfoncé les pages de caractères 
mobiles. Ces planches , qui se sont conservées jusque dans ces 
derniers temps , démontrent que ce procédé, pas plus que celui 



109 

à peu près semblable de l'Écossais jGred, n'avait pu donner encore 
de bons résultats. Beaucoup d'autres essais furent faits : Benja- 
min Mecom à Philadelphie, en 1770, en fit plusieurs , mais sans 
réuBshr. Alexandre Tîlloch à Glasgow, en 1780, fut plus heureux; 
il imprima, en compagnie de l'imprimeur Foulis, l'Anabasis de 
Xéuophon au moyen de planches solides. Une invention fute 
en 1780 par Fr.-Joseph-Ig. Hoffinann à Schélestadt faisait alors 
grand bruit : ce procédé, appelé par son auteur Polytypie et Lo- 
gotypie, consistait à prendre l'empreinte d'une page, de carac- 
tères dans une p&te composée de plâtre et d'une coUe gélati- 
neuse, formée de gomme et de fécules de pommes de terre; dans 
ce moule il faisait pénétrer un alliage métallique très-iusible, au 
moment où ce mélange était sur le point de se figer. C'est sur des 
relieâ obtenus ainsi qu'il a imprimé les Recherches historiques 
8w les Maures^ de Chénier, 3 vol. in-8*. 

Mais la pratique montra bientôt l'imperfection de ce procédé, 
qai fîit abandonné, ainsi que celui que Carez de Toul avait in- 
venté en 1785. Carez faisait ses moules en terre de porcelaine et 
appelait son procédé homotypie. 

Enfin, en 1795, FirminDidot inventa un procédé de stéréoty- 
page qu'il appliqua aux Tables des logarithmes de CaUet, pour 
éviter les chances de fautes que les réimpressions occasionnent. 
Ce procédé avait beaucoup de rapport avec celui de Jean Muller 
de Leyde, c'est que les pages composées de caractères mobiles 
étaient soudées à leur revers. En 1796, Firmin Didot eut l'idée 
de fondre en un alliage très-dur, composé de plomb, de cuivre et 
d'étain, des lettres moins hautes que celles qui sont ordinaire- 
ment en usage, puis à enfoncer au balancier les pages composées 
avec ces caractères dans une plaque de plomb, d'où l'on tirait 
un cliché sur lequel on imprimait. Il nomma son procédé stéréo- 
typie (de stéréos, solide, et types, type, caractère), nom qui a 
été généralement adopté. 

Dans la même année, Héran à Paris imagina, au lieu de compo- 
ser les lettres, de se servir de matrices en cuivre parfaitement jus- 
tifiées et mises d'approche, en sorte que la page se trouvait com- 
posée par la réunion de ces matrices ou lettres en creux, d'où l'on 
retirait, au moyen du clichage, une page entière sur laquelle on 



110 

ïïa^tuasàuhe pi»iieq>al(meoiiTéDiGiit dâ g* procédé diapeadiettx^ 
qui exigeait un matériel considérable en matrices justifiées) d'est 
que, malgré le soin apporté à lagustifiostion de ces matrices^ les 
interstices, aux poiats de jonction, laissent pénétrer la matière en 
fusion lors du ciiohage, d'o£i résultaient des barbes qu'il fallait 
enlever entre les lettres. Les matnces étaient fûtes par Ërrand et 
Kenouard) secondés des conseils du comte de Schlabrendorf, Hé- 
ran appelait son procédé Monotypie. 

Cependant ce ne fut qu'en 1S04 qfie la stéréotypie reçat son 
plus grand perfectionnement de lord Gbarles Stanhope, qui, con- 
jointement avec les imprimeurs Tilloch et Wilson, se servit du 
moulage en plâtra Ce procédé, qui n'a rien de supérieur, pour la 
netteté des empreintes, à. ceux de Firmin Didot et de Héran, est 
cependant moins dispendieux et d'un usage plus £a.cile, avanta^s 
très-appréciables qui l'ont. £adt généralement adopter. On l'intro- 
duisit en France en 1818. John et William Watto le propagèrent 
à Vienne; Falka en, fit autant à PesUi; Tauchnitz à Leipzig; 
Broenner. à Frankfbrt, etc. H se répandit aussi très-vite en Amé- 
rique. Dans les derniers temps, ce sont MM. Genoux, Daulé et 
Bauerkeller à Paris, Watson en Angleterre, et Edouard Ueajuel à 
Magdebourg, qui se sont le plus appliqués à. perfectionner les 
procédés du stéréotypage. 

En 1846, on a tenté de substituer au plâtre des moules compo- 
sés de deux feuilles de papier entre lesquelles est étendue une 
couche de blanc d'Espagne. Ces moules ou flancs s'enfoncent sui' 
l'œil des lettres, d'une page au moyen d'un frappage avec une 
brosse. Lorsque ces flancs ont été séchés sur la page même dont 
ils ont pris l'empreinte, ils sont placés dans nm boite que l'on 
plonge ensuite dans une chaudière où le métal est en fusion. Mais 
le cliché qu'on en retire est moins parfait que par le moulage en 
plâtre. 

Cependant le résultat le plus parfait, à côtS de cenx que donne 
la galvanoplastie, dont nous parlerons en son lieu, sont les 
planches stéréotypes sorties de la fonderie ducale de Rubelaade 
en Thuringe, où le phosphate de fer est d'une telle pureté qu'il 
permet d'obtenir en fonte de fer la reproduction des déliés des 
lettres, ainsi que le prouvent les pa^es et l'exemplaire de la hui* 



111 

tième édition de la Bible imprimée à Nordhausen en 1S48 par 
MM. MiiUer. 

Quant à la stéréol^ie éleotrotypique, nous en parlerons en 
traitant des applications de la galvanoplastie. 

L'imprimerie est donc revenu, après plusieurs siècles, à son 
point de départ, et la stéréotypie en est l'alpha et l'oméga. £n 
effet, cet art, commençant avec des planches de bois gravées, 
plus tard les divisant en lettres mobiles,* a adopté de nouveau 
les planches solides, mais composées cette fds de lettres mobiles, 
fixées entre elles en forme compacte. 

Pendant que plusieurs typographes Êdsaient des essais de sté- 
réotypage, d'autres recherchaient des moyens plus facile» pour la 
composition, ou des procédés de gravure en relief sur métal^ ou 
des matières plus solides pour la fonte des caractènes. C'est ainsi 
que l'on vit apparaître successivement ou simultanément la logo- 
graphie de Henri Johnson et Walter, en 1778, qui consiste à fon- 
dre des syllabes ou des mots entiers au lieu de lettres mobiles, 
système ayant quelque rapport avec celui qu'avait inventé en 
1774 Madame de Barletti de Saint-Paul, mais qui n'avait jamais 
été pratiqué ; l'amapoli-grammatique inventée par Yinçard en 
1804; les totypes de Guillaume et Lamarre en 1805, et: la stéréo - 
caDi-typogr£^hie de Boileau et Duplat en 1807, qui n'eurent pas 
non plus d'emploi général. 

M. Henri Didot inventa en 1806 son moule à refouloir, qui, ap- 
pliqué ensuite au procédé de fonderie polyamatype (polus, plu- 
sieurs, et ama, ensemble, types, type, caractère) de son invention, 
lui permit d'obtenir cent soixante lettres à la fois: procédé avan- 
tageux et employé avec succès. 

M. Firmin Didot père avait remplacé l'ancien alliage du métal 
de lettres, composé de 50 kilogrammes de plomb et de 18 de ré- 
gule d'antimoine , par un nouveau contenant 20 kilogrammes de 
cuivre, 30 d'étain et 50 de régule d'antimoine. Quoique ces carac- 
tères avaient déjà une grande dureté , M. Cokon de Clermont, 
en 1839, tripla leur dureté par l'addition du fer à l'alUage. 

Mais en 1849, M. Petyt exposa à Paris une machine destinée 
à fabriquer des caractères en cuivre, étirés et estampés à froid, 
au lieu d'être coulés. Cette machine pouvait façoiu^ertrentérm 



112 

raille lettres par jour et remplacer le travail de dix ouvriers, en 
sorte que les caractères, dits apyrotypes, coûteraient moins de 
main-d'œuvre que ceux qui sont fondus à la main. 

En 1850, M. Vander Van-Newton, eu -Amérique, imagina de 
recouvrir de cuivre les caractères mobiles, en se servant de la gal- 
vanoplastie ; et en 1855 on vit à l'Exposition de Paris des carac- 
tères galvanoplastiques dus à M. Sirasse, dont l'œU est entière- 
ment en cuivre, la tige'seulement est en plomb. 

La même année, M. Cardon, de Troyes, inventa la Presse typo- 
gène, par laquelle il fabrique des caractères mixtes à corps en al- 
liage fusible et à œil en cuivre. 

N'oublions pas non plus de mentionner le Matde mtdtipUccUeur 
de M. Marcellin Legrand, au moyen duquel on peut fondre 120 à 
160 lettres d'un seul coup, ce qui porte le travail de deux ouvriers 
à 48,000 par jour. 

On a cherché aussi à faciliter le travail des compositeurs en les 
remplaçant par des Machines à composer. A l'exposition de 1855 
on en vit figurer trois : le Piano-type de M. Adrien Delcambre, 
de Paris, devant opérer 60,000 levés en un jour ; la machine à 
composer de M. H. Delcambre de Bruxelles, basée sur le même 
système de la précédente, et celle de M. Sorensen, de Co- 
penhague, dont la distribution et la composition se font en même 
temps, mais qui cTemande un caractère de forme spéciale. 

Nous ferons remarquer encore une invention due à M. Derriey, 
graveur habile à Paris. Il exposa en 1849 des vignettes remarqua- 
bles obtenues par le procédé ingénieux de Moules à noyaux adap- 
tés à la matrice; ce qui permet d'insérer des textes dans ces vignet- 
tes, en suivant les courbures et les inclinaisons des traits de 
plume, qu'elles représentent avec une grande perfection. 

Nous avons déjà dit que les initiales ornées du Psautier de 
Schœffer étaient gravées sur bois ; cet usage s'est maintenu : on 
emploie encore aujourd'hui la gravure sur bois pour les grandes 
lettres d'affiches et d'annonces; on fût même des caractères tail- 
lés en argile, qu'on dit d'un bon service. 

Pour ce qui concerne les tentatives faites pour la gravure en re- 
lief sur métaux, nous nous en occuperons en parlant de la Xylo- 
graphie, qu'elle devait remplacer, 



113 

En 1806, M. Jean-Pierre- Joseph Darcet (*), préposé à la mon- 
naie de Paris, a grandement contribué à l'avancement de l'impri- 
merie en inventant la Polyij^, ou art de tirer avec du spath d'Al- 
lemagne, du plâtre ou d'autres substances analogues, l'empreinte 
d'une forme d'imprimerie composée de lettres, ou l'empreinte 
d'une vignette, pour en former une matrice, dans laquelle on 
coule ou on presse de la matière qui répète et multiplie la même 
empreinte et donne par conséquent des planches solides. On ap- 
pelle cette opération le clichage, et les planches métalliques ob- 
tenues des clichés. 

Cette méthode, suivant M. A.-G. Camus (*), ne devint d'un usage 
un pea général que depuis la fabrication des assignats ; auparavant 
elle était peu connue. Ce mot dérive probablement de l'allemand 
kîatschen, qui a la même signification, c'est-à-dire qu'il désigne 
l'action de faire tomber perpendiculairement et avec force une 
matrice sur du métal en fusion, pour retirer une empreinte de 
la matrice. Le clichage , soit qu'il ait été exécuté suivant la mé- 
thode de Darcet , soit suivant un autre procédé inconnu à nous, 
était déjà pratiqué dans les premiers temps de l'imprimerie; il 
était employé au moulage des caractères, des ornements typo- 
graphiques et des vignettes. 

L'examen attentif qu'a fait M.Firmin Didot(*) des deux exem- 
plaires du Psautier de 1457, appartenant l'un à la Bibliothèque 
impénale, l'autre au British Muséum, lui a donné lieu de croire 
que l'exécution de ce livre, le premier imprimé avec date , est 
due au procédé inventé par Gutenberg après son association avec 
Dritzehen, et dont M. Firmin Didot lui-même a fait souvent usage. 
Ce procédé consiste à enfoncer des caractères gravés en bois 
dans du plomb au moment où, liquéfié par la chaleur, il est prêt 
à se figer. Ces matrices en plomb sont régularisées ensuite poui- 
l'aUgnement et la hauteur comme les matrices ordinaires; puis? 
au moyen du cUchage à la main , on retire de la matrice une 



{{) Mémoire sur le moyen d'obtenir des clichés avec des moules en plâtre, souffre 
et cire à cacheter, par M. Darcet; Paris 4806, grand in-4'. — Bulletin de la Société 
d'encouragement pour l'Industrie nationale, n* XX. p. 203 et suiv. 

(î) Mémoires de l'Académie de l'Institut national ; Paris, an IX, grand in-4«, p. 491. 

(3) Encyclopédie moderne, Firmin Didot déjà cité, p. 607. 




114 

eBlpreifité en métal, laquelle, après avoir été dégagfée des bavu- 
res, est replacée dans la matière en plomb que Von adapte à un 
moule. Le métal en ftision versé ensuite dans ce moule, tout en 
formant le coips de la lettre , se soude au cliché qui en forme 
l'œiL On retire ainsi de la matrice en plomb une lettre aussi paiv 
fkite que celle que nous obtenons par le procédé ordinaire. 

« Mais ces matrices en plomb ne peuvent produire qu'un nom- 
bre limité de clichés, ce qui explique pourquoi, dans le Psautier de 
Mayence; les capitales, par exemple, sont toujours parfaitement! 
identiques; en effet, l'emploi n'en étant pas fréquent, la même 
matrice pouvait sans s'altérer en produire le nombre nécessaire. 
Si l'on a soin de laisser refroidir de temps en temps une ma^ 
trice en plomb, on peut obtenir aisément soixante à quatre-vingts 
lettres, sans être obligé de renfoncer le poinçon en bois dans la 
matrice, ou de faire une nouvelle matrice avec le même poinçon 
de bois. Mais pour les voyelles et les lettres qui reviennent fré- 
quemment, il fallait nécessairement multiplier les matrices. Or, 
chaque fois qu'on était obligé de renfoncer les poinçons de bois 
dans lés matrices, ou d'en faire de nouvelles, la forme du poinçon 
s'altérait par l'effet de la pression et de la chaleur; souventfmème 
il était brûlé, pour peu que le métal fût trop chaud. JDfîdlait 
donc regraver souvent de nouveaux poinçons de bois ; de là ces 
différences que l'on i-emarque dan» les lettres dont l'usage est 
fréquent. » 

« La page 141 du Psautier nous prouve que les ornements qui 
accompagnent les grandes lettres (voyez page 67), et qui sont 
évidemment gravés sur bois, ont été aussi fondus dans une seule 
et même matrice et multipliés par le clichage et la fonte , ainsi 
qu'il vient d'être dit. Dans cette page se trouvent deux ® ornés 
et deux 9 également ornés. Or on remarque dans l'ornement de 
l'un des <9 quelques cassures et écrasements qui n'existent pas 
dans l'autre : preuve évidente que ce ne peut être le même or- 
nement qui, ayant d'abord servi pour l'impression en rouge , au- 
rait ensuite été repris pour servir à l'impression en bleu. D'ail- 
leurs, dans cette même page, Tun des 9 est imprimé en roufe et 
l'ornement en bleu; tandis que l'autre est imprimé en bleu et 
l'ornement en rouge. Il en est de même pour la lettre 9. » 



115 

M. ûe Rmnohr {*) constate également des traces ]iii]lti{>liée6^ 
(le clîcliage dans un autre implrimé de Schœffer, le ^PusjBe- %va- 
tttU tttt &a»Btu^ de Pan 1482 ou 1402. H indique en outre un 
grand nombre d'ouvrages imprimés dans le XV** et le XVP siè- 
de , oà il a remarié un em^^oi fréquent du dichage pour mvl^ 
tipfier les caractères et les gravures. Les plus anciens livres dont 
les gravures soient imprimées au moyen de clichés sont, suivant 
M. Falkenstein, le Bttdimentum noviciorum; Lubecque 1475 ; — 
Dk MibUe mit vUUgher mhtùnge; Lub. 1494; — Barhar&saa; 
Strasbourg, 1615; — Die Oromfke vanMoUandt; Leyde, 1517; 
— Passionel ; Lub. 1507 ; — Der Bitter von Sachsenheim ; Worms,, 
1538;— TïmcyMdes de Stayner de 1538, etc. 

Le livre de botanique, Macerfleridits , de mriims herharum^ 
qu'on dit imprimé en 1506, par Bernardum Venetum de Vitell- 
ben, à Venise, contient, outre des gravures xylographiques de 
plantes assez inconnaissables, trois gravures de sujets qui sont 
identiquement les mêmes, et qui paraissent multipliées par le 
dichage. Cet ouvrage est conservé 4ans la Bibliothèque de M. le. 
professeuv de CandoHe à Genève. 

Les rentrées si parfaitement exactes des deux couleurs dont 
sont imprimées les initiales du Psautier de Schœffer, noua con*- 
duisent à parler de plusieurs genres d'impressions qui n'ont 
trouvé leuBS applications générales que de nos jours, quoique 
existant déjà dans le plus ancien monument de la typographie : 
c'est l'impression polychrome, l'impression en camoMu et l'im- 
pression à la congrève, auxquelles nous joindrons l'impression 
en or, en ai|^uteten bronze. 

IMPRESSION. POIiYCHROME. L'impression poly- 
chrome , suivant l'étymologie de ce dernier mot ( du grec polus, 
plusieurs , et chroma couleur) , consiste à imprimer en plusieui'S 
couleurs. C'est une imitation des anciens manuscrits ornés de 
peintures dont Pierre SchœlFer a livré le premier exemple. 

Dans l'édition de Ptolémée publiée par J. Schott à Strasbourg, 
eu 1513 , on remarque la carte de la Lorraine imprimée en troi& 

(1) Zur Gesctiiclile uii(lTheuriedei*Foiriuschneidbkuust;C. Fr. v. Kujnotu*. Leipzig-, 
u»-»-, 1837. p. 96 à 126. 



116 

couleurs différentes, ainsi que le blason qui a ses couleurs héral- 
diques. 

Dans le XYP siècle surtout, aussi bien en Allemagne qu'eu 
Italie et dans les Pays-Bas, l'impression polychrome fut princi- 
palement employée pour les sujets artistiques, sous le nom de 
chiaro-oscuro , clair-obscur, et de camMeu. C'est une imitation 
des dessins faits sur papier teinté rehaussé de blanc, dont nous 
parlerons plus loin. 

Dans la polychromie on procède généralement de deux ma- 
nières différentes: ou ]^slc juûctapasition des couleurs, ou par su- 
perposition, 

La juxtaposition des couleurs au moyen de planches de bois, 
dont chacune sert à l'impression d'une couleur différente , était 
le procédé employé par Schoeffer pour les initiales du Psautier 
de 1457. Ces rentrées des deux couleurs sont faites avec une ré- 
gularité qui surprend, nous dit M. Firmin Didot, surtout lors- 
qu'on songe que l'impression se faisait sur parchemin , matière 
qui doit être fortement humectée avant de pouvoir être mise sous 
presse. Or le degré d'humidité, variant nécessairement pendant le 
cours des trois tirages successifs, noir, rouge et bleu, devait pro- 
duire un reiTrait dans le parchemin et accroître les difficultés, 
auxquelles s'ajoutaient sans doute les imperfections de la presse. 

Cette régularité si merveilleuse a occasionné de nos jours la 
découverte du procédé d'impression à plusieurs couleurs qui 
porte le nom de congrève. 

« Le célèbre imprimeur, M. Bensley, montrait un jour à M. Con- 
grève comme im phénomène typographique la granâe lettre B. 
qui est la première du Psautier , et dont les ornements en bleu 
et en rouge rentrent si parfaitement les uns dans les autres; 
l'examen attentif qu'en fit M. Congrève lui fit découvrir qu'une 
pareille régularité ne pouvait être obtenue par des impressions 
successives, et que le tout avait dû être imprimé d'un seul coup 
de presse au moyen de deux parties gravées séparément et s'a- 
daptant l'une dans l'autre après avoir été couvertes séparément, 
l'une de l'encre bleue , l'autre de l'encre rouge. C'est aussi de 
cette manière qu'on procède maintenant dans l'impression à la 
congrève. Ainsi ce procédé, employé il y a quatre siècles pai* 




11? 

Schœ£fer, ne fut deviné que de nos jours et devint l'objet 
d'un brevet d'invention , dont l'importance fut jugée telle par le 
gouvernement anglais , qu'il confia à M. Congrève des impres- 
sions en nombre considérable et qui exigeaient une garantie con- 
tre la contrefaçon , ce qu'on crut pouvoir obtenir par la perfec- 
tion de ce procédé. » 

Le gaufrage et le guilloché sont des auxiliaires de l'impression 
à la congrève. Le gaufrage, employé déjà par les relieurs du XVI* 
siècle à la décoration des couvertures des livres en peau ou en par- 
chemin, consiste à graver en creux des lettres, des ornements et 
même des figures, dans une planche de bois ou de métal ; à encrer 
ensuite la surface plane de la planche, de manière qu'après l'im- 
pression les sujets ou les ornements se détachent en relief et en 
blanc sur un fond de couleur. Dans les impressions à la congrève 
à gaufinres, on obtient des fonds polychromes sur lesquels les or- 
nements ressortent en rehef et en blanc , ce qui fait un très-bel 
effet. Les Anglais ont été les premiers à remettre en vogue le 
gaufrage. Les frères Bauerkeller à Carlsruhe l'ont appliqué en 
1834 à la typographie. Plus tard, ils se sont fixés à Paris, où ils 
l'ont introduit en y établissant, de compagnie avec M. Gutsch, une 
fabrique de gaufrages en couleur. Ils ont livré dans le commerce 
un grand nombre d'impressions de ce genre, telles que des cache- 
pots, des abat-jour, des couvertures de carnets, des étuis de ciga- 
res et d'autres objets de luxe. Us ont imprimé entre autres la 
belle couverture pour Paul et Virginie d'Everat. 

Le relief de ces gaufrures, dit embossa^e sur carton ou sur 
papier s'opère, selon M. Jobert (*), au moyen d'une certaine quan- 
tité de dre, fixée su tympan de la presse typographique et recou- 
verte d'un léger papier. L'art des Emhossers a longtemps été tenu 
secret en Angleterre, quoique rien ne fût plus simple. 

Le guilloché (voyez plus loin, Chalcographie), qui était déjà en 
usage dans le XVIII* siècle pour décorer les tabatières en or et 
d'autres bijoux, ftit appliqué plus tard à l'impression à la congrève, 
pour rompre la monotonie des fonds de coleur unis. A l'aide du 
tour à guillocher, augmenté de la Ligne-droite, de Vovale, de la 

(1) Rapport sur l'exposition française de 1839, p. 321 . 



11« 

madUne épieycleUde, du «0Mr à parerait, on trace sur k snr^GKîf 
des planches des lii^es droites ou eourbes, très-deliées, se erci- 
sant et sWtrelaçant de mille manières, formant ainsi des dessins 
délicats et d'une grande variété , lesquels restent blancs sur un 
fond de couleur, lorsqu'on a encré la surface de la planche et 
qu'on l'a imprimée sur la presse typographique. On se sert à cet 
efiet généralement de planches de métal, au heu de bois, à cause 
de la supériorité du métal pour l'ajustement des différentes plan- 
ches les unes dans les autres. 

L'impression à la congrève, complétée par les gaufrures et les 
guillochés, a été apphquée, d'abord en Angleterre, surtovititrim- 
{Hression des bank-notes, des étiquettes de marchandises, des an- 
nonces et des couvertures de hvres. On s'en est cependant aussi 
servi pour des objets plus considérables: telle a été, entre autres, 
la grande planche de l'Oraison dominicale pubUéff par M. Schsefier 
à Francfort 

Après les Anglais, ce furent principalement les Allemands, 
MM. Naumann à Francfort; Haenel à Magdebourg; Haase et fils 
à Prague ; Teubner et Hirschfeld à Leipzig ; Hasper à Carisruhe, 
et Zabern à Mayence, qui ont hvré les meilleures impressions. 
A Paris, MM. Didot frères, et Gauchard sont les premiers qui 
aient établi une imprimerie polychrome ; mais, ainsi que les au- 
tres typographes de cette ville, ils faisaient venir de l'Allemagne 
leurs planches et ornements pour l'impression h la congrève. 

Elle a été importée en Belgique en 1838 environ. 

Quant à l'impression polychrome par superposition des cou- 
leurs, elle consiste à imprimer successivement avec plusieurs 
planches, couvertes chacune d'une couleur dilEéeMite, de manière 
que l'une couvre l'autre, ou totalement, ou en partie, en formant 
de nouvelles teintes, des gradations, des lumières et des ombres 
du dessin que l'on veut imprimer. Ce procédé exige une con- 
naissance exacte de la palette , c'est-ànlire du mélange des cou- 
leurs et de leur transparence ou de leur opacité, pour obtenir 
par superposition les nuances voulues. Pour pouvoir remettre la 
feuille à imprimer toigours à la même place pendant le cours des 
divers tirages, on se sert d'un système d'ajustement par des ca- 
dres, des repères ou des pointures. 



Williarik Savage est un de ceux à. qui Timpression polychrome 
par superposition doit le plus ; il a publié sur la pratique de cet 
art un magnifique ouvrage intitulé : Praiical hints of Becoror 
tive Frinlmg, with illustrations engraved on Wood, and prînted 
in colours at the type press ; London, 1823, grand in-folio. 

Savage a étendu les limites de ce procédé jusqu'à la reproduc- 
tion de sujets peints, et a surpassé ainsi Edward Kirkell, John Ba- 
tiste Jackson et George Skippe, qui l'avaient déjà perfectionné 
en 1783. Il a produit dans son livre des impressions en couleurs 
très-diverses et parfaitement réussies. On y voit des titres ornés, 
des fac-similé ; le Einaldo et l'Armide par Nesbit d'après Thur- 
ston, en huit couleurs; plusieurs antiques, tels que statues, bus- 
tes, vases étrusques, moss^'ques ; des armoiries ; des objets d'his- 
toire naturelle, dont deux œillets, un papillon sur une tige, un 
perroquet, un tigre qui s'élance sur un renard; des paysages et 
des mannes. Tout cela gravé sur bois, présente la plus grande 
vérité pour la forme, comme pour les nuances. 

Mais George Baxter, dans son Pictorcd Album, or cabinet of 
paintings, London, 1837, in 4", adonné par un procédé nouveau, 
des reproductions de peintures qui les imitent si parfaitement 
qu'on a de la peine à les distinguer de l'original Nous donnerons 
plus bas le procédé de M. Baxter, en parlant de la gravure, parce 
qu'il n'est pas exclusivement typographique. 

Comme il fout, pour le tirage des épreuves en couleurs, sou- 
vent dix à douzes planches et autant d'impressions successives, 
M. Enight, le fondateur et l'éditeur iu Penny Magazine , a ima- 
giné une machine à imprimer qui offi-e au moins l'avantage du 
bon marché. Jl wige toutes les planches qui servent à l'impres- 
sion d'une feuille sur un disque tournant, le papier sur lequel on 
veut imprimer est fixe , et il y a autant de feuilles que de plan- 
ches, de manière qu'en imprimant, et lorsqu'on tourne le disque, 
il y a toujours quatre feuilles de terminées à la fois. 

Le repérage dans l'impression polychrome, ainsi que le mé- 
lange convenable des couleurs offrent de grandes difficultés et 
ont été le sujet de recherches nombreuses. M. Silbermann , ha- 
bile typographe à Strasbourg, avait fait en 1839 divers essais 
d'impression en couleurs. En 1844 il présenta des épreuves à 



122 

seal, on a employé encore le bleu, le vert, le bran, le rose, et Ton 
voit depuis plusieurs années des affiches, des circulaires, des car- 
tes de commerce ou d^adresse , des prospectus , des almanachs^ 
des calendriers, et même des livres dont les lettres et les ornements 
sont imprimés en couleurs variées. 

Ce genre d'impression offre toujours une certaine difficulté 
d'exécution, tant pour Pencrage que pour le tirage, aussi la ma- 
chine que M.Dutartre, de Paris, a exposé en 1855 est-elle venue 
à propos , puisqu'elle résout un problème intéressant pour l'im- 
primerie, celui du tirage simultané de deux couleurs différentes. 

A l'exposition de 1855, M. Hanicq, deMalines, réputé pour 
ses livres de liturgie, a produit des impressions en rouge et en 
noir, qui forment sa spécialité. M. Toovey, de Londres, avait pré- 
senté le Brevarium Aberdonense, imprimé en deux couleurs, 
rouge et noir, etc. 

A ces différents genres d'impression polychrome se lie natu- 
rellement l'impression en or^ en argent ou en bronze^ 

par laquelle on cherche à imiter le travail précieux des chryso- 
graphes du moyen âge , dont le procédé d'écrire en or n'a pas 
encore été retrouvé. Pour imprimer en or on procède de diffé- 
rentes manières ; les plus répandues sont les suivantes : Sur pa- 
pier lisse et sur peau, on emploie du blanc d'œuf réduit en pou- 
dre, que l'on répand sur l'objet à imprimer , et sur lequel on 
pose une feuille d'or ou d'argent; le tout est placé sur une feuille 
de papier humectée ; la forme ou la planche gravée , légèrement 
chauffée , est ensuite pressée dessus ; après quoi on ôte le sur- 
plus de l'or avec du coton non filé ou avec un pinceau de blai- 
reau. Pour imprimer sur satin , sur velours , sur papier glacé ou 
sablé, on se sert d'une encre composée d'ocre brûlée ou de jaune 
de chrome broyé avec de la térébenthine double. Lorsqu'on a 
imprimé avec cette encre, on pose la feuille d'or dessus, ou, sj 
l'on veut obtenir de l'or mat, on saupoudre au moyen de la pou- 
dre d'or, d'argent ou de bronze, on laisse sécher, et l'on ôte le 
reste comme on l'a déjà indiqué. 

Le plus ancien exemple de ce genre d'impression de luxe se 
trouve dans l'Euclide , imprimé à Venise par Radolt en 1482, 



123 

dont Je titre et les initiales sont en or , dans quelques exemplai- 
res du moins. En 1507 on imprimait à Augsbourg en or et en ar- 
gent sur parchemin avec des planches xylographiques , comme il 
est clairement exprimé dans une lettre écrite à l'empereur Ma- 
ximilien par le Dr. Peutinger, et que M. Théodore Herberger(*) 
a trouvée dans les archives de cette ville. Il paraît que ce procédé 
avait été apporté de Wittenberg à Augsbourg, car il existait à 
cette époque un commerce très-actif entre ces deux villes. Du 
reste on trouve assez souvent dans les éditions du XVI* siècle, 
et plus tard, des grandes lettres, des noms, des titres ou des sus- 
criptions imprimés en or ou en argent, comme c'est le. cas, par 
eiemple, dans VExplicaUon des Evangiles de J. Brontzen, tra- 
duite en allemand par Jacobum Grettem , imprimée à Francfort 
par Pierre Braubach, en 1556, in-foKo, et dont le titre, les ini- 
tiales et les capitales sont les unes en or, les autres en argent; 
mais on trouve rarement des livres entièrement imprimés de 
cette manière. Un exemple de ces derniers est le Amerlesene 
wf^dvoU8tandig€ Cresanghuch, imprimé à Dresde chez J. Nicolas 
Gerlachen, en 1734, in-8*; 11 se compose de 920 pages totale- 
ment imprimées en or. Le typographe Hirschfeld à Leipzig a pu- 
blié en 1839 un ouvrage remarquable tout imprimé en or, intitulé 
Dux, dos ewige Versôhnungsopfer; c'est le plus beau produit de 
la presse allemande. 

Il serait intéressant de connaître au moins quelques-uns des 
ouvrages les plus remarquables réunissant à la fois, ou en partie, 
les différents procédés et genres de luxe dont dispose la typo- 
graphie. Nous mettrons à la tête de cette petite liste un vérita- 
ble chef-dœuvre sorti des presses de M. Crapelet, sous le titre 
général: des Oiseaux dorés, qui a paru à Paris en 1802, in-folio, 
et dont douze exemplaires ont été richement imprimés en or, 

MM. Bossange , Masson et Besson imprimèrent en 1809 la 
traductionfrançaise(΀PI7wMfe, par Ch.- Frédéric Lebrun, qui con- 
tenait 34 planches in-folio et un titre en or. 

L'édition de Inxe de l'Album de l'Imprimerie royale de Paris, 

(1) Conrad Peutinger in seinera Verhâltnisse zum Kaiser Maximilian, etc. von Théo- 
*>r Herbcrger, Archiviste derStadt Augshurg ; in-4-, 1851.— Deutsches Kunstblatt, 
1»1, ii« 51 




publiée pour ilumée 1830, outre kigianée i|uaiiitilé et mnétéiie 
caractères dont le fonds de rétablissement se «MinpMe (1/6,060 
poinçons en relief et âO,000 matrices) , «e distiiigQe -eoeore {nb* 
de magnifiques impressions en or , «n angeiit, en bronze et en 
couleurs di^rses. Le plus beau produit de cette imprimerie dans 
ce genre est la CoUection wimhUej dent on a imprimé quelques 
exemplaires pour le roi XiOuàs-Pbilippe en 1836 et en 1840. €es 
exemplaires sont décorés de cadres et d'entoura^s dans le goAt 
oriental, gravés sur bois par firevière d'après les dessins de€fae- 
juavard, et imprimés en or , en camnn et «n outremer, dans le^ 
nuances les plus variées. 

n a fallu imprima à sec ces ornements, parce que la plupact des 
Veuilles durent supporter huit i dix impressions sueeesaives. 

Les Français rivalisent dignement avec les Anglais dans les im- 
pressions de luxe. M. Ëvrat a publié des éditiens d'un grand boa 
goûl;, ainsi que M. Lacrampe et Comp. On remarqoe surtout les 
^nenaents du Paradis perdu, édité par Opigez ; â y a en tète 
du quatrième chant une feuille merreiUeuse : elle «et imprimée m 
Sfept couleurs nuancées par vingt-quatre teintes obtenues seule- 
ment par deux planches. 

Des livres arabes, ornés dans le goût oriental d'araibesques im- 
primes en or et en couleurs, ont été publiés par M. Bastide, d'Al- 
ger, en 1855. 

M. Ernest Meyer, de Paris, a exposé des modèles de tapisserie, 
avec toutes leurs couleurs, imprimés typographiqu^meat, ainsi 
que des blasons de villes, en or, argent' et couleurs, etc. 

La Hollande s'est aussi distinguée dans ce genre. De 1707 à 
1 710, on a publié à Amsterdam, par ordre du somptueux Frédé- 
ric-Auguste P% roi de Pologne et électeur de Saxe, le &meux 
Atlas Royal en dix-neuf volumes in-folio. Cet ouvrage, pour lequel 
le monarque a dépens^ la somme de 19,000 thalers, a été exécuté 
par les plus habiles géographes , peintres , dessinateurs et gra- 
veurs. Chacun des dix-neuf volumes est décoré de trois magnifi- 
q^ues titres et d'une table des matières dorée. Les iascr^^tioHS des 
cartes géographiques sont imprimées en or. Le tout est orné en 
profusion avec de l'or et les couleurs les plus brillantes, dans le 
Ijoût du siècle de Louis XIV. 



PS» 

is t^^liogDapbcr 61. BkmendMf âB'Rottetdaui dt égatekneiilt j^«^ 
blié plusieurs ouvrages impriméS'enfor; un^ eiita*€i aotares stu* le 
vmgMiifQiènro ttoaiiVerBaive dn règne d» mv deHoUflnde, en 

L«1iabilëtèd88 Anglaâ» dansi ce genre d^impression est générai 
leouHit>con&a6;^ et nous avonsid^'àvcité plusieurs' de leurë beaux 
produits. Nous devons en indiquer encore' d'auteesi En 1616, le> 
Fdieur et tji^c^aphd John Whittaker, à Londres, pabtia unel ma- 
gDJfi(jue' édildcm princeps de la Mâgna Gharta Beffie^ JoHa/h/im 
K¥, die Jun« Anno Begni L7. A. D; M. CXY, dont l'osiginad esti 
conservé au Musée Bntftmûqaiie. Lesi exempkdres* sont tiré» sov 
satin pourpre et sur parchemin. Whittaker a employé un procédé 
Qoaveau de son invention, pour donner à-Toi^ tm lustiiepai^t, tel 
qw le»' caractères ont Papparence de lames' d'or découpées et 
poliesi Une antre publication du mémeimprimeur n'est pas moins 
«aaarquable, c'est The august œmnonkd of the coronaMem cf 
(^^&r^ IF, de 1820. Letexte de ce livre est imprimé etkot, Le 
titre représente <le trône royal ridiement'ornéj Le tout' est tiré sur 
(iQ'sadnbteno, &a velours et du parchemin. 

he^oal^Mlrier pour Pannée 1628' fttt> imprimé par lestypogra^ 
phes Howlath et Brimmer sous le titre d^ N^stMonai-goîcùm^Mma'- 
^Jofc, sur une feuille de papier vernie en blanc, avec des lettres 
fl'op et r««ge Iniliant. Le libraire Haais à Londres avait d^à^ pn- 
l)tié'tt&recaeâ de poésies en -quatre- langues, en anglais, en sdle- 
«Midi en français et en italien, sous le titre àé The gùldèn Lyre", 
't qui' était imprimé sur du papier- blanc glacé, avec des lettres' 
tl'or et des encadrements du même genre. 

MiMurgo YoMBg^ Pimprimeur du journal llieSim, apnWiéponr 
le^jwff du-cenroanement de la reine, le 28 juin 1838, une férafiié 
<iê fomat colossid tout ift^rimée en or. Cette* fettiHe contient la 
ilescriptiendes' couronnements de tous les souverains nie l'Angle- 
terre depuis Ouiltaume le Conquérant jusqu'à Guillaume IV et la 
•^e Adélaïde ; lé portrait de la reine Victoria; les armoiries bri- 
^^'WB^Bs; les- insignes dtt couronnement, et plusieurs poésies. Le 
^^ThsSim est imprimé avec deff caractères gothiques moder- 
nesdWpouce-de hatti 

Mi i^tôtin , d'Hert^d^ exposa- en 1«©5 u» magniUque livre-: 



126 

SaJcooniaia or the loat ring, imprimé avec an grand loxe de doru- 
res, de couleurs et d'illustrations. 

L'ouvrage le plus remarquable publié en Allemagne est le Ssaf- 
fieddifd Heîlenensis ad SulUmum Elmelik, etc.; Carmen arabicum, 
etc., imprimé à Leipzig, in-folio, en 1816, par Tauchnitz. Cette édi- 
tion de luxe est imprimée sur du papier vélin anglais lissé, avec de 
l'or et des filets en couleur. 

L'Imprimerie impériale de Vienne a exposé, en 1855, le Re- 
cueil des documents pour l'histoire du couvent de Saint-Benoit, à 
Kreutzmunster, ouvrage fort curieux par la richesse des lettres 
ornées et des impressions en couleur qu'il renferme. 

Le système de la mobilité des lettres n'est pas seulement em- 
ployé pour la composition du texte, mais il a plusieurs autres ap- 
plications très-remarquables dans les arts et les sciences, quoique 
comparativement peu pratiquées. Nous avons déjà mentionné les 
signes figuratifs de certains idiomes, comme les hiéroglyphes, les 
lettres chinoises, les figures de la passigraphie, dont les caractères 
sont composés d'un certain nombre de types mobiles. Il nous 
reste à parler de l'impression des notes de musique, de la typomé- 
trie et de l'ectypographie. 

niIPBBSSION DE IiA MU8IQUB. Les signes musi- 
caux qu'on rencontre dans les plus anciens incunables n'étaient 
point faits au moyen de types mobiles, mais on les écrivait à la 
plume, comme c'est le cas dans le Psaltérion de Schœffer, ce pro- 
totype de presque toutes les branches de la typographie. Dans le 
Lilium Musicœ Pîanœ de Michel Kiensbeck, imprimé à Augs- 
bourg par J. Froschawer, en 1500, les notes de musique étaient 
gravées séparément sur des blocs de bois et intercalées dans le 
texte composé de caractères mobiles. Les planches xylographi- 
ques furent bientôt remplacées par des planches de métal, sur les- 
quelles on gravait en creux, surtout en Italie. Les Italiens préten- 
dent même que ce fut dans leur pays, et déjà pendant les premiè- 
res années du XVP siècle, qu'on s'est servi de types mobiles fon- 
dus pour l'impression de la musique, et ils nomment Octavio Pe- 
trucci comme en étant l'inventeur. D'un autre côté, M, Herber- 



127 

N 

ger (*) nous apprend que le typographe impérial Erhard Oeglin 
(Ocellus) à Augsbourg , au commencement du XVP siècle, avait 
inventé les types mobiles pour imprimer les notes de musique, et 
que, grâce à cette invention, le docteur Sigismund Grimm et 
Marx Wirsœng, qui possédaient une grande imprimerie dans cette 
ville, purent publier un des plus beaux et des plus considérables 
ouvrages en musique. 

Le typographe Ulhard de cette ville imprima de cette manière 
les cantiques de Salminger, qui étaient dédiés à la reine Marie de 
Hongrie, et aux célèbres Fugger. 

Les Français au contraire attribuent l'honneur de cette inven- 
tion à leur compatriote Pierre Hautin,. qui vivait vers 1525. Sui- 
vant M. Finnin Didot, ce fiit lui qui inventa les notes à forme lo- 
zange. Il grava d'une seule pièce chaque note avec les cinq portées 
adhérentes à chaque côté. Ottavio Petrucci, à Venise, en 1503, 
imprima pour la première fois dans ce système un recueil de chan- 
sons françaises. Plus tard, en 1530, Pierre Attaignant, à Paris, 
employa ces notes à l'impression de 29 chansons en quatre par- 
ties. 

Guillaume Lebé grava séparément les portées et les notes; la 
musique imprimée en 1552, par Adrien Leroy et Robert Ballard, 
est exécutée de cette manière. 

On attribue au Français Robert Granjon, célèbre graveur de 
lettres, en 1559, les notes de forme arrondie. Depuis 1639, Jac- 
ques de Sanlecque (né en 1558, mort en 1648), élève de Lebé, 
obtint des lettres patentes de Louis XIII pour imprimer seul, 
pendant dix ans , le plain-chant , au moyen d'un nouveau mé- 
canisme de son invention. Ses types restèrent en usage pendant 
quelques siècles sans subir de modifications notables. 

Enfin, vers 1754, le célèbre imprimeur et libraire J.-G.- J. Breit- 
kopf à Leipzig, qui avait déjà tant mérité de la typographie, tra- 
vaillait à améliorer aussi les types des notes de musique. Après 
plusieurs essais, il réussit enfin à établir un système de types mo- 
'jfles, propres à tous les genres de musique et qui a servi de base 
*Qx travaux de ses successeurs. Les types de Breitkopf étaient 

(i) Augsbar; und seine frtthere Industrie, von Th. Herber^er. Augsb. 1852, p. 38. 



129 

meilleur» et <yuue plus bell^ ipunB (j^ue ceu^ à^ Fourrer ^i % 
Gaodo. ^n France, on s'est beaucou]^ occupa de cette briifaicjl^e 
particulière de la typographie : surtout M^ C. Duverger, l'habile 
imprimeur qui a publié en 1826 dans la Revue niu^cale les pre; 
miers résultats de ses laborieuses recherches. En 182^, il exppsa 
ses, premiers essais du. polytjpage ap{)ljqué à, l'exéçutipii de la. 
musique. Ce procédé nouveau consiste à mouler dai^ le. pl^a If^s 
p^ges composées en, caractères mobiles qui ne contiennent que 
le^ notes et les portées. Le tracé des lignes est, fait ensuite dfuis 
ce moule en plâtre par un procéd|ê mécanique, en sorte qi^^.l^ 
cliché qu'on retire dfi. moule a^lsi complété doniie à la, fois^ réunis 
les notes, les portées et les lignes exemptes d^ la brisure qui se fait 
toujours remarquer, dans la musique imprimée par les anciens 
procédés. Après M. Diiverger méritent d'être mentionnés ses 
élèves, Tantenstpin et Cordel, et Mf^. Brun, Sainclfôr, d'Ëdim- 
bourg; Derriey, de. Paris. 

Pourl'AlJenMkgne, c'est toujours la maison ifreitkopf et Hfeytel 
àLeip^dg qui se distingue le plus à cet égard. M, W, Tauchnitz est 
le premier qui ait applique avec succès dans ce pays la stéréoty- 
pée à l'impression de la^musique. 

TYPOMETRIE. Ou comprend sous le nom collectif et 
générique de typométrie l'art de composer et d'imprimer, au 
moyen de types mobiles, les cartes géogrjaphi^ues, les dessins 
mathémati(j[ues et géométriques, ceux de plans de machines 
et, de constructions, d'objets d'histoire naturelle, et même des 
portraits. 

Les plus anciennes cartes géographiques étaient gravées sui* 
métal ou sur bois pour être multipliées au moyen de l'impression. 
Ainsi celles qui figuraient dans la cosmographie latine de Ptolé- 
mée^ iiçiprimée en 1478 par Conrad Sweyn^ieim à Rome, avaient été 
gravées en creux sur des planches de métal, sauf les lettres et les 
noms qui avaient été frappés au moyen de poinçons en relief et 
-du marteau. 

Les cartes qu'on voit dans l'édition allemande du même ou- 
vrage, imprimée par Léonard Hol à Ulm, en 1482, avaient été 
gravées sur bois par Johann Schnitzer d'Arnsheim. Pour les let- 



129 

très, cependant, on avait ménagé des ^ous, dans lesquelles on 
plaçait des caractères mobiles à la même hauteur que la surface 
de la planche, de manière qu'on pouvait tirer des épreuves d*un 
seul coup de presse. L'édition de Ptolémée, publiée à Venise en 
1511 par Jacques-Pierre de Lencho, contient des cartes du même 
genre. 

La gravure sur bois, principalement dans leXVI* siècle, et 
la gravure sur métal, sont restées d'un usage général et exclu- 
sif pendant plus de deux siècles. Dès lors on a cherché à y sub- 
stituer d'autres procédés plus ou moins cgnvenables; néanmoins 
n'y a que la lithographie et la gravure sur métal qui aient pré- 
valu jusqu'à présent. 

Les premiers essais pour imprimer les caites géographiques 
au moyen de types mobiles furent faits de 1770 à 1775 par deux 
Allemands, et à deux endroits différents à lafois(<): Wilhelm 
Haas, l'habile fondeur de caractères à Bàle, à qui le diacre 
Preuschen de Carlsruhe en avait suggéré l'idée, publia le pre- 
mier le résultat de ses recherches. Mais J.-G.-J. Breitkopf^ de 
Leipzig, ce typographe savant et distingué, a prouvé qu'il s'était 
déjà occupé depuis plusieurs années de ce genre d'impression, 
mais qu'il n'avait pas rencfu publics ses essais, n'étant pas en- 
core assez satisfait des résultats. Haas avait imprimé la carte du 
canton de B^e avec des types mobiles, et Breitkopf avait choisi 
les environs de Leipzig ; cependant ni l'une ni l'autre de ces car- 
tes , ni les procédés employés ne paraissaient remphr les condi- 
tions désirées, de manière que cette méthode d'imprimer n'eut 
pas de suite alors. C'est le diacre Preuschen qui a donné le 
nom de typométrie à ce procédé, qu'il avait appelé premièrement 
Ingénieurie d'estampes. 

Les essais faits par le célèbre imprimeur Firmin Didot, entre 
1818 et 1830, pour les cartes imprimées typographiquement, et 



1.1) Grundriss der typometrischeii Geschichte vod Âug. GotUieb Preuschen ; Bascl. 
1778, in-8*— Ueber den Druck geogr. Karten, J -G.-J. Breitkopf. Leip. 1774, in-4». 
-Beschreibung des Reiches der Liebe. 1777, et Queil der Wttnschc,1779, du même- 
~A. G. Camus, Mémoire sur l'impression des cartes géographiques, dans les mé- 
moires de l'Institut, p. 416. — Ritschel de Hartenbach, Neues System geogr. Karten 
mit ibrem CloJorit durob die Bucbdrnckerpresse herzustellen; Leipz. 1840, in-8*. 



phnt, qaoiqa^il y ait dépensé plus de 50,000 franoa. Quelques 
eiBàis typo*niétriques furent faits aussi par le typographe We- 
gêner cadet, k Berlin, mais sans beaucoup plus de bonheur. 

£n£n, dans Tannée 1839, parut à Vienne la carte postale de 
l'empire d'Autriche, imprimée avec des types mobiles par Kaf- 
felsp^er, qui depuis longtemps, et sans c<Hinaître les travaux 
de ses devanciers, était à la recherche d'un procédé typ(»aé- 
trique pour l'impression des cartes. Il avait complètement réussi, 
et à un tel point qu'on Ini décerna la grande médsûlle d'or, lors 
de l'exposition industrielle qui eut lieu cette année-là à Vienne. 

Le système typométrique de Baffelsperger se compose de 
types mobiles qui , établis comme les autres caractères par les 
moyens les plus simples et à peu de frais, permettent d'imiter tou- 
tes les courbes et sinuosités des montagnes, des lacs, des fleu- 
ves, des routes, des frontières; tous les tracés topographiques, 
mathématiques, géométriques, mécaniques, stéréométriques et 
architectoniques, et toutes les formes d'animaux, de minéraux 
et de végétaux. y a joint des signes particuliers pour désigner 
les villes, les villages, les forts, les forêts, les parcs et les ma- 
rais; et il a fait graver ei fondre pour ses cartes typométriques 
cinq corps de caractères différents, ou alphabets géographiques, 
qui se distinguent par leur délicatesse et leur forme moelleuse et 
facile à lire. Il les a fait exécuter en allemand, en français, eu 
italien, en anglais, en hongrois, en polonais, en russe et en 
grec moderne. 

Raffelsberger a lié à son procédé typonétrique la polychromie : 
il imprime par conséquent tous les objets avec leur cdloris pro- 
pre ; ainsi , dans les cartes géographiques, tout ce qui représente 
l'eau est imprimé en bleu; les routes, les habitations, les li- 
mites sont en rouge ; les extrêmes frontières en brun ; les bois, 
les marais, les parcs en vert; les montagnes en gris, et les 
inscriptions en noir. Dans les dessins mathématiques ou de 
constructions on fait les murs rouge-tuile ou bruns ; les fers gris , 
le laiton jaune; le bois brun jaunâtre; et dans les objets d'his- 
toire naturelle toutes les parties reçoivent leurs eouleurs et 
nuances particulières, 



m 

d^béM le bon marché, ce qm est précieux pour le6 ouvritgeè 
èm|)loyés dans les écoles; ensuite de pouvoir donirer aux plan- 
ches le éoloris voulu, et le texte dans les langues désirées; en- 
ûh, ce qui est très-important, de pouvoir diminuer ou augmen- 
ter la grandeur de ces planches à volonté , et faire les cdrrec- 
fîons nécessaires sans de trop grandes difficultés. 

Ttfwt satisfaire aux demandes universeDes et réitérées qui im 
étaient faites, Raffelsberger avait établi en 1840, à Vienne, un^ 
imprimerie typométrique , qui a livré au public un grand nom- 
bre d'ouvrages remarquables : entre autres la carte générale des 
postes de l'empire d'Autriche en quatre langues et en quatre 
couleurs; les cartes de la Bohême, de la Stjrrie, de l'Illyrie, 
pou^ l'enseignement dans les écoles; les environs de Paris, de 
Varsovie, de Bade, de Peste et de Vienne, en six langues; et 
plusieurs planches de dessins de mécaniques et de mathéma- 
tiques. 

En 1823, M. Fnmain Didot (*) exposa des cartes géographiques 
d'une exécution parfaite , d'après un système nouveau. Au mo- 
yen de sept planches gravées en relief, et qui chacune apportait 
successivement une couleur différente sur le papier, il établit des 
distinctions dont la vue fut frappée par ces sept couleurs, affec- 
tées à l'indication de divers ordres de choses. La planche des 
noms de ville était seule composée en caractères mobiles et im- 
primée en noir. 

Le procédé d'impression typographique des cartes géographi- 
ques inventé par M. E. Duverger , de Paris , et qui hii a fait ob- 
tenir la médaille d'or à l'exposition de 1844, consiste à incruster 
dans une table de plomb des filets très-minces en cuivre , avec 
lesquels on dessine les contours des rivages et des fleuves; puis à 
appliquer là où il convient de petites pièces clichées et décom- 
posées, portant les noms des villes et des pays. Ces mots, qu'on 
peut ployer, ne tienufent pas p\m de place qu'ils n'en occupe- 
raient sur la planche en taille-douce. On les soude ensuite sur 
ces tables de plomb, qui peuvent s'imprimer à la presse méca- 
iwioe. 

<i) BapporV de M. FinniD Oidol, déjà cité, p. 41, 



182 

Quoiqu'il soit connu que les impressions obtenues au moyen 
de filets typographiques, diversement i^ustés, n'offirent rien de 
pratique, et que le seul mérite de ce travail git dans la difficulté 
vaincue de l'assemblage , néanmoins il y a des imprimeurs qui 
ne craignent point d'entreprendre des ouvrages de ce genre. 
L'Exposition de 1855 présentait plusieurs exemples {*): M. Vic- 
tor Moulinet, compositeur, avait reproduit la statue de Guten- 
berg, d'après David d'Angers ; M. Montpied, prote, avait exposé 
tout un Album de gravures en filets typographiques ; et MM. 
Castro frères, de Lisbonne, au moyen de lames de zinc, avaient 
exécuté avec adresse des figures géométriques et des dessins d'or- 
nements. 

ECTTPOORAPHIE9 ou Impression à l'usage des 
aveuglesa Le genre d'impression qu'on appelle EctypograpkU 
(du grec ek , en dehors , relief) produit des épreuves sur les- 
quelles les caractères sont imprimés en relief, ou en saillie, au 
lieu d'être imprimés avec de la couleur. H a pour but de per- 
mettre aux personnes privées de la vue de lire au moyen du 
toucher. 

L'inventeur des caractères mobiles particuliers à l'Ectypogra- 
phie est Valentin Haûy, né à Paris en 1745 (•) et mort en 1822, 
frère du célèbre minéralogiste de ce nom. L'idée de cette inven- 
tion lui est venue en voyant une personne aveugle faire fonction- 
ner une petite imprimerie. Marie-Thérèse Paradies, à Vienne, 
devenue aveugle par accident , habile musicienne et même com- 
positeur, entretenait une correspondance avec Wolfgang von 
Kempelen de Presbourg, le célèbre inventeur de l'automate joueur 
d'échecs, de la machine parlante, et l'auteur de l'ouvrage renom> 
mé sur le mécanisme du langage humain. Elle imprimait elle> 
même ses lettres avec des caractères mobiles et avec de l'encre. 



(i) Notes sur les principaux produits exposés de rimprimerie, par Henri Madinier ; 
Paris i8&5. 

(2) V. Haûy, Essai sur l'éducation des aveugles; Paris. 1786. in-8.— Notice histo- 
rique sur l'instruction des jeunes aveugles, par Guillé; Paris 18i9.in-4*.--Lehrback des 
Blindenunterriclits ; Leipz. 1819 etGeschichte des Biindenuntcrrichts von Kleln^i897. 
in-8'.— Freisauff von Neudegg, Bescbreib. der Ektypograpbie fttr Blinde, etc. Wieii 
1837, in-4', 



133 

Haûy , ayantageusement connu déjà par les soins qu'il donnait à 
Féducation des enfants aveugles, introduisit en 1784 à l'institution 
des aveugles de Paris , fondée par des philanthropes , une nou- 
velle méthode d'apprendre à lire. A cet effet il employait des ca- 
ractères particuliers, en les imprimant en relief sur le papier: ce 
qui permettait à ses élèves atteints de cécité de lire à l'aide du 
toucher les livres ainsi imprimés. H réussit encore à les faire 
composer par les élèves eux-mêmes. 

Plus tard, cette méthode fut perfectionnée par Guillé, succes- 
seur de Hatty comme directeur général de cet établissement, 
devenu une institution royale depuis 1815. 

La méthode de Haûy ftit suivie en France jusqu'en 1838. Ce 
système d'impression donnait 365 lettres pour une surface de 
cinquante pouces carrés. 

Depm's lors des perfectionnements et des innovations ont été in- 
troduits dans ce genre d'impression, entre autres par MM. Dufaud, 
Barbier, et surtout par M. Laas d'Aguen(*), surveillante l'institu- 
tion des Jeunes Aveugles de Paris. Déjà un élève de Haûy, M. Four- 
nier, avait tenté, mais sans succès, un essai analogue à celui de M. 
Laas d'Aguen. Voici le procédé de ce dernier : Il se sert de feuil- 
les de cuivre très-minces , sur lesquelles il perce de petits trous 
ou enfoncements coniques à l'aide d'un simple stylet ; il remplit 
ensuite les cavités avec de l'étain , puis on imprime avec ce nou- 
veau cliché; ces petits trous représentent autant de points, et par 
conséquent de lettres suivant le système de l'écriture ponctuée 
de M. Barbier , amélioré par M. Braille. 

M. Charles Barbier (•) avait proposé en 1831 une notation for- 
mée de points ayant une valeur de position ; chaque son de la 
langue était représenté par un nombre de points en rapport avec 
le rang qu'il occupait dans un tableau à double entrée. L'aveu- 
gle pouvait écrire tous les mots (d'après leur prononciation) à 
l'aide d'une planchette en bois, d'une plaque en fer-blanc et d'un 
poinçon arrondi. En 1849, M. Braille, jeune professeur de l'in- 
stitution de Paris, aveugle lui-même, a conservé l'idée de la no- 

fl) Bulletin de la société d'encouragement pour l'industrie nationale ; Paris, iu-4», 
y(A. 48. 1840, p. 137, 209, vol. 49, 1850, p. <m, 
(2) BuUetiD, etc. vol. 48, p. 210. 



m 

«Mmi ponctuée, naift £ a donaé aux cogne» la valeur 4e ietttmm 
non de mm, afin de conserver Torthographe. H n'y a jaaaîsfins 
de six points pour exprimer une lettre, tandis qu'il en fi^Qait 
douze dans la méthode Barbier, et le procédé s'appli^e à la 
ponctuation, aux cbiffires et à récriture musicale. Déjà plusieurs 
lîf res ont été imprimés ainsi , de même que les étiKles de inaao 
de Kalkbrenner. 

M. Victor Ballu(<), élève de l'institution des Jeunes Aveugles de 
Paris, a a^uté en 1851 enc(H*e un avantage au mode qui vient 
d'être décrit H a imaginé un petit mécanisme consistant en ou 
double châssis, un chariot ou porte-poinçon, et un levier «ff^janf. 
sur des crémaillères. La feuille de cuivre est placée entre les 
deux châssis dans toute sa longueur pour recevoir la marque des 
points significatifs. 

Longtemps auparavant on s'était préoccupé de venir au secours 
des aveugles par différents systèmes d'écriture. En 1775, le Dr. 
Franklin!*) se servait de feuilles d'ivoire particulièrement dispo- 
sées, pour écrire sans lumière pendant la nuit. 

M. Pingeron a publié vers 1780 un instrument dont k con- 
ducteur des lignes se fixait dans diverses échancrures pratiquées 
à droite et à gauche d'un châssis. On lit dans la Bibliothèque 
physico-économique, de 1784, la description d'une machine à 
peu près semblable à la précédente, et de l'invention de M. Lher- 
mina de Paris. 

M. Bérard, devenu aveugle à l'âge de 23 ans, proposa en 1:901 
deux moyens pour écrire. Le premier consiste dans l'^nploi d'un 
stylet de fer ; avec lequel on obtient une écriture noire, en po- 
sant sur le pai»er à écrire une feuille enduite d'un mélange de 
saindoux et de noir d'ivoire , et recouverte par une autre sur 
laqaelto on trace les lettres. Le second moyen consiste dans une 
planche ayant dans le sens de sa longueur une coulisse oùsem^ut 
une règle conductrice des li^es à écrire»^ lignes qui sont égale- 
ment espacées à l'aide de crans que l'on reconnaît par le tact 



(Ij Bulletin, etc. vol, 50. 1851. p. iSA. 

(2) BttUetin, etc. vol. 16. 1817. p. 975 et sHiv. 



>a5 

On pvtmà ée Teacre à la fia de eh^qm ligne, âaha un rase laJt^^è 
et i^t, avec «me plume de métal taillée à rordiaaiare. 

M. Julien Leroy, en 1817, a imaginé une machine qu'il a nom- 
mée mto§fraiphe. Elle se compose principalement de deux cor- 
dons de soie, fortement tendus au-dessus d'une feuille de papi^ en-< 
cadrée, et sur laquelle on écrit avec un crayon que l'on fait passer 
dans l'intervalle des fils. Ceux-ci forment un assemblage mobâe^ 
qui monte et descend par le moyen de la pression que la maiu 
opère sur une tringle liée au dit assemblage à l'aide d'un ressort 
caché, ainsi que la crémaillère sur laquelle il agit, dans le cadre 
de la machine. Cette machine fut plus tard modifiée par son au- 
teur, d'après une observation de M. de Bataille, affligé de la perte 
de la vue, lequel s'en était servi avec avantage. Il pensait qu'il se- 
rait plus commode de rendre la règle fixe, et de placer le papier 
sur un cadre qui serait mû par le moyen d'une roue dentée , qui 
le ferait avancer graduellement La machine ainsi modifiée fut 
appelée Cacographe. 

M. Ferdinand Saint*Léger (*) inventa en mars 1838 des tablettes 
à l'usage des aveugles, pour faciliter l'écriture. Ulesperfectienna 
en 1851, et reçut l'approbatic» de la Société d'encouragement de 
l'industrie nationale. 

M. Foucauld ('), aveugle-né, membre des Quinze-Vingts, est fau- 
teor (1843) d'une machine à écrire qui est généralement en usage. 
ËBe eonsiste en dix touches soutenues par des ressorts en spi- 
rale , portant chacune à son extrémité un poinçon terminé ou 
par une pointe ou par un crayon. On joue sur ces dix touches 
comme sur un clavier. Ainsi, pour faire un E, on pose les doigts 
sur les touches 1. 7, puis on fait au moyen d'une vis reculer le 
papier à une certaine distance ; on place les doigts sur les tou- 
ches 1. 2. 3. 4. 5. 6. 7, puis on lait de nouveau, au moyen de la 
vis, reculer le papier à la même distance que précédemment; 
et ainsi de suite pour les divises lettres qui doiv^it successive- 
ment entrer dans la ligne. Un aveugle qui est exercé peut écrire 
cinquante vars alexandrins dans ime heure et demie. Far c^tte 
machine ingénieuse on produit des lettres de petite dimension, 

\i) Bollelin, etc. vol. 37, p. 3i0, et vol. 50, p. 690. 
lî) Balletin, etc. vol. 48, p.^KÔ, 349, vq1.4», p. 410, 



iS6 

de la grandeur du caractère cicêro; mais cette écriture n'est li- 
sible que pour les voyants , et ne peut pas être corrigée par les 
aveugles. Pour obvier à cet inconvénient, M.Foucauld a imaginé 
une machine très-compliquée et qui s'adapte à la première, avec 
laqueUe l'aveugle imprime en même temps les mêmes lettres com- 
me avec un pantographe, mais en relief. Ces deux machines ont 
été construites par un aveugle-né , M. Jackarie , à qui M. Fou- 
cauld avait communiqué son plan. 

M. Laas d'Aguen (*) s'est attaché en 1849 à réaliser un vœu que 
M. Dufaud avait émis dix ans auparavant. En parlant de l'en- 
seignement de la géographie aux aveugles, M. Dufaud disait qu'il 
ne serait pas impossible de produire des cartes qui serviraient 
à la fois pour les yeux des voyants et pour les doigts des aveugles. 

Après plusieurs essais, M.Laas d'Aguen s'est arrêté à un pro- 
cédé que lui ont suggéré les planches en relief de M.Bauerkeller. 
Ce procédé consiste à graver en creux sur métal les différentes 
parties de la carte, savoir les méridiens et les parallèles exprimés 
par des filets très-fins , les frontières par des points , les fleuves 
et les rivières par des points moitié moins forts , les chaînes de 
montagnes par des points ovales ou par de fortes ondulations, 
les mers et les lacs par des stries légères, mais sensibles pour le 
tact si délicat des aveugles; enfin la nomenclature par le système 
de points en usage dans l'institution. Après la gravure, la plan- 
che est recouverte d'une feuille de papier trempé , puis placée 
sous une presse en taille-douce et garnie de 12 à 15 molletons. 
Quand on a pressé, on place une seconde feuille sur la première, 
et l'on presse de nouveau , et ainsi de suite jusqu'à ce qu'on ait 
formé un carton assez consistant pour l'usage. Ces cartes ont le 
grand avantage de pouvoir être multipliées indéfiniment. 

En 1849, il avait ainsi exécuté cinq cartes: la mappemonde. 
l'Europe, l'Asie, la France et la Palestine. 

En Allemagne aussi plusieurs personnes ont fait des essais heu- 
reux dans l'ectypographie : MM. Klein à Leipzig ; François Mul- 
1er à Frybourg; Stuber à Freising, et Zeune à Berlin; M. le Dr. 
W. Lachmann, directeur de l'institution des aveugles à Bruns- 

H) Bulletin, etc. vol. 47, 4t0. yoI. 40, 964, 



Î37 

wick , &b le capitaine £V«i84iMff âk Neudeg^ à Yieniie , onli beau- 
coup contribué: ai» perifectioniiei&ent de rinvention de Ha&y> Le 
premier ne s^estpas. seulement tena aux caraotères^alphabétiques, 
mai» il a imaginé une écriture figurative, composée d^étûiles, de 
points, de lignes et de fractions de cercles. Le second a: étendu 
remploi des types mobiles pour pouToir en composer toutes sor* 
tes de figures et de dessins. 

Ml Gall à Edimbourg se servait en 1627 des capitaiesidu ca- 
ractère romain ordinaire pour imprimer sur du papier fort, etajs- 
âez profondément pour, donner un relief suffisant. Le pnesûer 
livre imprimé de cette sorte fut l'Évangile selon saint Jean^ M. 
Alstoui àGlaagow a. beaucoup simplifié et perfectionné le procédé 
Gall. Les caractères de Glasgow sont une modificationdes^ ca^ 
ractères employés en 1840 dans Pinstitution des Jeunes Aveu- 
gles de Pans- et créés par M.Dtt£Btud; ils donnent 526 lettres sm* 
cinquante pouces carrés^ 

En. novembre 1640, le gouvernement anglais (*) promettait la 
somme de 10,000 â*. pour la^ puJ)lication d'une Bible, complète 
à Tosage des aveugles; elle devait se composer, de 15 volumes 
en format atlantique, et contenir 2,470 fauillets. L'impression, et 
la distribution en étaient placées, sous les auspices de la Société- 
biUiqae de Glasgow. 

Toi^tefois ce sont les Américains qui ont le plus avancé l'ait 
d'imprimer en relie£M«Uirzel(*), directeur de l'asile des aveugles 
(le Lausanne (Suisse) nous apprend que c'e8t;principalementM. le 
Or. Howe à Boston, qui a tenté de réaliser la pensée de IJaUy 
sur une grande échelle, c Le Dr. Howe, en 1831 , fit imprimer 
en relief sur papier une carte de la Nouvelle-HoUande. Ce tra- 
vail , imparâût encore , est curieux comme premier essai de ce 
genre, et important comme point de départ d'une série d'essais 
et d'expériences typographiques qui ont conduit dans l'impres- 
sion en relief à de superbes résultats. » 

« En 18BS et 1834, Philadelphie et Boston commencèr^int à 



\i) L'Echo du inonde savant, -I2 Dec. 1840. 

<i) Rapport sur l'asile des aveugles de Lausanne, par le diiecteur H. HL. Hirzel. 
ii«-8M852; duquel est extrait tout ce qui regarde l'Amérique et Lausanne. — Des? 
auii«e6 IbôO, Ibôl el 185:2. 



1S8 

s'occuper de l'impression en relie! Le système suivi par Phila- 
delphie ne donna que 290 lettres et fut abandonné. 

< La méthode Howe de Boston donna 702 lettres sur cinquante 
pouces carrés. Avec ce type vingt et une éditions d'ouvrages fu- 
rent imprimées dans l'espace de quatre ans, avec une dépense 
de 42,000 francs, que M. Howe avait collectés lui-même dans 
ce but. 

« En 1836 et 1837, Philadelphie et Glasgow firent de nou- 
veaux efforts. Pour cette fois , l'impression de Philadelphie ren- 
fermait 826 lettres dansées cinquante pouces carrés; celle de 
Glasgow, 891. 

« En 1838, Boston réduisit de nouveau le type et obtint 1067 
lettres sur 50 pouces carrés. 

c Enfin, en 1839, l'institution de Philadelphie produisit un 
type de musique, et elle atteignit dans l'imprimerie en général 
une perfection qu'on ne se lasse d'admirer. 

« La France a suivi l'impulsion donnée par l'Amérique et 
l'Angleterre, et a cherché à diminuer encore la dimension des 
lettres; mais, pour les doigts comme pour l'œil, il y a des li- 
mites qui ne doivent pas être dépassées, et l'on paraît avoir at- 
teint le dernier degré de réduction. 

« Le type inventé par le directeur de l'Asile de Massachu- 
sets, appelé type de Boston , est basé sur ce principe , que la 
lettre destinée à l'aveugle doit offirir la plus grande variété de 
formes, et cependant être dépouillée de tout ce qui est inutile 
au tact M. Friedlaender, premier directeur de l'Asile des aveu- 
gles de Philadelphie, de son côté, maintenait en théorie et en 
pratique qu'on devait s'en tenir à la lettre romaine simplifiée. 
Quoi qu'il en soit, l'impression américaine est en somme supé- 
rieure à ce que l'Allemagne, la France et l'Angleterre ont pro- 
duit de meilleur jusqu'à présent dans ce genre. La Société bi- 
bUque des Etats-Unis a fait imprimer une belle édition de la 
Bible en six volumes à l'Asile des aveugles de Sud-Boston. L'in- 
stitut de Philadelphie a publié pendant quelque temps une revue 
périodique en reUef. Outre ces deux presses , on en a étabh une 
troisième à Staunton dans la Virginie. New- York fait des essais 
dans le même but L'institution de Perkins possède de magni- 



isé 

fiques éditions stéréol^pes de la Bible, d'ouvrages historiques et 
géographiques, de géométrie et de chimie avec des figures tan- 
gibles dans le texte même, d'excellents atlas en relief, une en- 
cyclopédie, et beaucoup d'autres. » 

Pour l'enseignement de la géographie, les instituts d'aveugles 
de Berlin, de Glasgow, de Boston, d'Indianopolis et d'autres, 
possèdent des globes terrestres en relief de trois à quatre pieds 
de diamètre. 

D'après une notice publiée en 1842, Glasgow avait jusqu'à 
cette époque imprimé en caractères reliefs 13,460 exemplaires 
d'ouvrages divers. 

M. H. Hirzel, l'intelligent et zélé directeur de l'Asile des 
îiveugles de Lausanne, s'est acquis un nouveau mérite en inven- 
tant deux machines très-ingénieuses et pratiques pour l'impres- 
sion en relief. Sur l'une, qui date de 1844, l'aveugle peut im- 
primer environ vingt-trois lettres par minute. Les lettres ne font 
pas partie de' la presse. Près de cent volumes sont sortis de 
cette petite presse, sans que. l'usure nuise à la régularité de 
sa marche. L'autre presse, inventée en 18450, est beaucoup plus 
compliquée : elle contient toutes les lettres de l'alphabet fixées 
sur un disque qui tourne à mesiure qu'on en a imprimé une. 
Un aveugle exercé peut imprimer en relief jusqu'à trente-sept 
lettres par minute. Pour l'écriture au crayon, M. Hirzel a 
introduit dans l'Asile un carton gaufré marqué de lignes et 
d'entrelignes, et qui, placé sous la feuille de papier, guide le 
crayon. Ce carton sort de l'Asile des aveugles de Boston. Pour 
marquer les lettres en relief, on a fait graver un alphabet de 
cachets, lesquels produisent un caractère dont la saillie est en 
biseau, affectant promptement le doigt, sans cependant s'é- 
mousser, caractère par conséquent facile à lire. La substance la 
meilleure à tous égards pour former ces lettres, est la gomme 
laque , parce qu'elle est à la fois dure et agréable au toucher. 

Le directeur actuel de l'Imprimerie impériale de Vienne, 
M. Aloîs Auer (*), a montré aussi un grand mérite dans cette 

(1) Et construite avec le secours de M. Louis Hichard, habile horloger au Locle 
(Snisse). 
(9 Der polygraphiscbe Apparat der K. K. Hof- und Staatsdruckerei zu Wien.von 



t4« 

êranobe cK»- fa» typographie, eiv fiyflant giwet et'^iuii^ éto» oame- 
tères ectypographiques pei^ctiDiuié» pour tonte» les lttDgajE«*86p' 
tentrionaleB^t orientaies, tant vivantes que morte», aâisi qaepow 
la musique. Cet admirable étabUsseoient emploie, depuÉs^l^fiO 
^iTÎron, deux gemmes de caractères différents- dans les impres- 
sions eç^ographiques. L'un de ces caractères ( les letferes-ro* 
maines), que M. Auer appelle le caractère- bérissomié, estr formé* 
de petites bosses en relief et sert aux aveugles pour éetip» o» 
pour composer leur correis^ondance de la manière saivaate : au 
fond d'nne petite boite carrée, divisée en compardmentg trans- 
versaux par des fils de laiton, semblablement à une feuille ré> 
glée, on place une feuille de papier sur une espèoe de coussinet 
en papier mou, et Fon pose, Pune après Pautre, les lettre» en- 
tre- les- fils d'alignement, de manière qu'en appuyant lég^^ment 
dessus, on in^rime les pointea saillantes des lettres* dans le 
papier, ce qui^ a pour effet de les fixer et- de les empêcher de 
tomber avant qu'on ait placé une autre lettre à la* suite 'de la. 
précédente. L'autre genre de caractère, également' ronain, est 
à surfiuîe' en- biseau et sert à l'impression ordinaire. Ibugâ le» 
dm» sont'paoûdts et ne laissent rien k désirer* De cetétabliBBe^ 
meut est sorti aussi let OcUendriar d» Aoetêf^^ par Doleaalelci 

Les autres procédés typographiques, où pfatsieurst arts- con- 
courent simultanément on successiTOment à lamisoeniceuvre) et 
qui ne se composent pas seulementde la gravure- ty]Mtgrapliii|ii6 
et de l^in^ression, mais. dans lesquels il y a^mélange d'actsian^ 
ciens et d'arta récemment inventés, tels que la chaleographie, 
la lithogv(qihie, l'électrotypie et la> photographie ^ ces procédé» 
difiHJe^ d'un g^nr& mixte, trouveront lenr. pla«e dons les ariioies 
qui :<)Qa<;ement ces arts. 

Nous pouvons- donc clore, ici cet aperçu sur l'imprimerie et 1» 
typo^ntphie, qui, quoique plu» étendu que nous ne Icdésirioiks^ 
ne doime cependant qjue l'essentiel. L'art de. l'imprimerie étant 
le pltts.importantdes arts d» repiroductiein et de .multipUeatioiv 

dmt 0. M. AlDi&Atter, Direct, der ^naneteii Anstalt in dcm- Sttevngsfoericbte derK. 
Académie der Wissenscbaflen. Mathem. Naturwiss. Classe, B. IX, Jahrg.4852t; H<$ft 



oeU «im^el iom les inatres 4l«ive»t tiieeour^, il éik^ât 'convena- 
Hlede JiH«iéBagtfflr une plaee |»ro|)ovtioiiaée ^ gon dm|K>]:tMtfce. 

HyaJHte briuida^'de U iiypo^aphie doBt nous n'avonspaB 
parlé spécialement, c'est 'la xylotypographie, ainsi nommée panDW 
qoe la xylographie joue un grand rôle dans les publications de 
ce genre. Cette iNranche trouvera naturellement sa place dans la 
xylographie dont nous allons nous occuper. 

GRAVURE EN RELIEF. 

LA 2tY]LOGRAPHIE {*) (du grec xylon, bois) ou jgra- 
Yure sur bois, est Part de graver des planches de bois desti- 
nées à multiplier jon dessin au moyen de rimpresaion. On 
l'ai^eille aussi gravure en taille d'épargne, parce qu'on épar- 
gne les parties du bois qui doivent représenter le dessin, e'est- 
à-dire qu'en gravant on conserve en relief tous les traits , toutes 
les ombres, toutes les parties noires d'un dessin, tandis qu'on 
creuse, qu'on enlève toutes les parties blanches , les lumières , 
qû représentent le papier blanc. C'est par conséquent soi les 
parties épargnées ou laissées en relief, qu'on dépose l'encre 
d'inaprimeur, lorsqu'on veut tirer les épreuves. On nomme encore 
cet art, gravure en relief, ou en taille de relief, en ne considé- 
rant que la manière de graver, et non la matière qui sert à cet 
effet; celle-ci alors peut être du métal, du bois ou de la pierre. 

En recherchant l'origine de l'imprimerie, nous avons vu celle 
de la xylographie, qui y est si intimement liée , et nous en con- 
naissons aussi les premiers produits, savoir les cartes à jouer, 
les images de saints, les livres à images et les livres xilograplii- 
qnes. 

Cest là la première <^oqiie die cet art (de idOO 

• 1500) $ nous n'avons plus à y ajouter que quelques consi- 
dérations générales. 

(1) Voyas sur tout ce qui retarde la Xylj[]«raphie : Sotzmaon. Passavaat, F^Jkeo- 
^. Bomohr, déjà cités. — J. Heller, Geschichte der Holzschneideicunst; Bamherg, j 

m ele. ^ 



142 

L^invention de l'imprimerie exerça dès Pabord une grande 
influence sur la gravure sur bois , ces deux arts se servant mu- 
tuellement d'auxiliaire ; et quoiqu'il parût exister au commence- 
ment quelques obstacles à leur union , néanmoins nous les ver- 
rons presque toujours marcher ensemble. 

Les premiers typographes , désirant vendre leurs impressions 
pour des manuscrits , cherchaient à éviter tout ce qui aurait pu 
y donner l'apparence d'une impression ou d'un travail de tàO- 
leurs de moules, en les rendant autant que possible semblables 
aux livres écrits. De là le manque de gravures sur bois dans la 
plupart des impressions de Mayence des premiers temps, et leur 
aspect sévère et simple. 

Cependant l'embellissement des livres par des images et des 
ornements peints était tellement goûté et répandu, la gravure 
sur bois ressemblait si bien à l'impression des livres par le pro- 
cédé employé, répondant en cela aux exigences de l'époque, que 
la gravure sur bois fut bientôt adoptée et pratiquée assez géné- 
ralement. 

n arriva donc pendant quelque temps que la gravure sur 
bois et l'imprimerie furent à peu près confondues; mais elles 
se séparèrent dans les dix dernières années du XV' siècle. Dès 
lors la xylographie , pouvant être considérée comme un art in- 
dépendant , se développa librement en tous sens , et fut pratiquée 
par des artistes spéciaux. H convient par conséquent d'en suivre 
le développement et les applications diverses depuis ce moment. 

Bientôt toutes les publications en furent envahies : les livres 
sérieux et savants, même ceux qui n'offraient pas de sujets à 
représenter, furent ornés au moins d'entourages ou d'encadre- 
ments, d'initiales décorées de figures, de rinceaux et de feuilla- 
ges dans le genre des manuscrits peints. Les titres, qui man- 
quaient presque toujours aux livres des premiers temps de l'im- 
primerie, furent introduits vers la fin du XV' siècle et reçurent, 
gravés sur bois, des enjolivements représentant souvent des 
sujets empruntés au texte, ou figurant l'auteur lui-même écrivant 
ou enseignant. La première page du texte était ornée parfois d'un 
entourage ou d'un cadre, imité des beaux manuscrits français , 
surtout dans les Heu/res de l'imprimerie parisienne. On les gra- 



148 

vait alors sur métal avec une grande délicatesse. Ces ornements 
se trouvaient presque autour de chaque page du texte, et repré- 
sentaient ordinairement des danses macabres ou des sujets ana- 
logues. Souvent aussi la dédicace était ornée et gravée sur bois. 
L'usage de placer dans les livres les gravures d'armoiries, 
des emblèmes, des monogrammes ou des noms en rébus des 
imprimeurs, usage qui venait originairement de l'habitude des 
notaires de signer les diplômes et autres actes de leur profession 
du monogramme de leur nom ou d'une marque particulière, 
pour les légitimer, était alors très-répandu, et s'est même con- 
servé jusqu'à nos jours. 

Les marques particulières des imprimeurs français et néer- 
landais du XY* siècle se distinguaient principalement par la 
richesse et la variété. Elles ofirent en petit le tableau des varia- 
tions qu'a soulevées le goût dans la gravure sur bois pendant 
les périodes de progrès , de perfection et 40 décadence ; fait his- 
torique d'autant plus intéressant, que ces objets ne laissent au- 
cmi doute sur leur véritable origine, du moins quant au lieu et 
an temps ou à l'époque. 

Les images gravées sur bois dans les livres imprimés du XY* 
siècle, servaient plutôt à l'explication du texte qu'à Tomemen- 
tation. Elles se trouvaient plus particulièrement dans les ou- 
vrages destinés au peuple, dans les livres d'heures, de prières, 
dans les traductions de la Bible et des classiques , dans les œu- 
vres de poésie, les romans , les chroniques. Le nombre des livres 
et des gravures est considérable, nous en avons cité une grande 
quantité en parlant de l'imprimerie. 

Ces gravures quoique dépourvues généralement de mérite 
artistique et offi*ant plutôt des compositions idéales, convention- 
nelles, que des copies fidèles, exercèrent néanmoins une iniluence 
salutaire sur la vie intellectuelle de cette époque, et favorisèrent 
l'exercice des beaux-arts et leur perfectionnement Ils nous pré- 
sentent une image instructive et intéressante de la vie et des 
mœurs de toutes les conditions de l'honmie de ces temps. 

Le dessin jusqu'à Albert Durer consistait en simples traits 
ou contours, à ombres maigres obtenues par des lignes parallèles, 
rarement par des hachures croisées. En général on mettait peu 



144 

d'ombre, pnee "fue les gtÂTÉres «ur boas étâMt tabn dektiliées 
À être coloriées par kfi peintres de lettres. Les plaiiehefi pin^ 
prédeines, celles des livres de JÂtui^ et de poésie, fiarest im- 
primées sur part^oniii, peintes à la ^uache «t rehaussées é^et. 
comme les immattires. 

On voit souvent dans cette ^oque des -gravures xylograpiiiq^ 
avec des fonds, c'est-à-dire avec certaines parties épargnées. 
et par conséquent imprimées en noir. Parfois ces fonds sont 
pointillés en blanc, surtout dans les gravures françaises sur mé- 
tal On leur donne le nom de fonds criblés ('). On en rencentrp 
aussi quelques-unes avec des fonds à ornements semblaèles fa& 
tapisseries. Un Samt^Bemardm de 1454 conservé à Paris, ainsi 
qu'un Eece bomo qui se trouve dans un confessiomial, décrit 
par Heller et Falkenstein, sont dans ce g&xtet Les figiures et 
les di^eries de cette époque sont roides, les proportÎMUS né- 
gligées; la composition est pauvre; la perspective manqtte géné- 
ralement. Le style est en rapport daiis cliaque pays avec le 
de^^é de perfection qu'y ont atteint la peinture et les autres 
arts. 

Dans les dessins italiens, quoique gravés en grande pâi^ V^ 
des Allemands, on reconnaît l'influence des bonnes écoles de Ve- 
nise et de Florence, les formes nobles et élégantes des peintures 
de ce temps. Les gravures françaises tralûssent souvent le style 
de l'école de Van £yck, celui qui s'était maintenu lex^os long- 
temps dans les peintures et ndniatures. Dans les pays où la gra- 
viy;e sur bois avait été le plus anciennement pratiquée, et avec 
le plus d'activité, en Hollande et en AUanagne, cet art était 1^ 
moins perfectionné , et ne pouvait se défaire d'une certaine roi- 
deur, même dans les bonnes pages. 

On gravait généralement sur bois ; mais on se servait aussi de 
métal, surtout en France. Dans la premi^e moitié du XV* siècle 
les gravures u'étaient imprimées que d'un côté du papier, et au 
moyen de la brosse et du frotton. Plus tard on les imprima ^^^ 
des deux côtés, du moins dans les livres. 

Nous ne connaissons que peu de n^ns de ^wvenrs dur bois. 

(1) Voyez Chalcographie. 



un 

qiiiiqii>'â y en eât un trèB-grand nombre ; mais ils ne signaient 
qne rarement de leur nom leurs produits ; ils n'ajoutaient que le 
m(»Mgramme de leur nom , ou des marques le plus souvent in- 
décbiffîrabies. Ces grareurs, pour la plupart étaient des peintres 
de lettres, les imprimeurs eux-mêmes, ou des tailleurs de. moules. 
Les plus renommés d'entre eux étaient Nicolas Yink à Nurem- 
berg, entre 1478 et 1482 ; Jean Schnitzer d'Amsheim en 1482 ; 
Georg Gtock^ton, eolonste et graveur, qui mourut en 1514 à 
Nïïreaiberg; Woi^^ang Haraer de la même ville; Michel Wohl- 
gemuth et Jean Pleydenwurf , tous les deux de Nuremberg, qui 
jouissaient d'o&e grande renommée, et à qui Ton attribue les gra- 
vures de la BMe de 1483, et celles de la Chronique de Hartmann 
Schedel, puisée parKoberger. Ces deux ouvrages ne contenaient 
pas mmB de 2,357 gravures sur bois, dont quelques-unes à 
double. 

9% t59# à IHOO* On le voit le besoin existait, l'avan- 
tage de la gravure sur bois était reconnu, l'élan était donné ; sa 
rivale, la chalcographie n'était pmnt encore en état de l'écar- 
ter. Les phis habiles peintres eux-mêmes commencèrent à prati- 
qier cet art tant recherché , et contribuèrent ainsi à son perlec- 
tionnement et à ses progrès. Ajoutons encore l'iniuence mani- 
feste du goùl éclairé de l'empereur Maxirailien I", qui, guidé par 
les conseils intelligents du célèbre Conrad Peutinger^ favorisa et 
protégea géttérensettent les arts. Aussi le XYI' siècle est^il l'épo- 
qie à )aqu<^ la xylographie atteignait son plus haut degré de 
perfectionnement, et cela dans tous les pays. Ëlleâorissait dans 
lapfeMère moitié de ce siècle surtout en Allemagne et en Hol- 
Ittule. Les Italiens commencèrent aussi à cette époque à cultiver 
eux-mêmes cet art, qui leur avait été apporté ^L'Allemagne. Qs 
ynKtlaient tout le goût artistîqiue qui Iqs distingue; ils employaient 
iwiitt souvent lee hachures croisées que les Allemands, ils cher- 
àaâaa^ préfévabtenfeent à imiter plus directement les dessins. La 
biographie n'eat pas itn développement aussi heureux en France 
QQe dans les pays que nous venons de nommer. On ne s'en ser- 
vait génâ*alMKBt que pour décorer les hvres. Les artistes fran- 
Çûs cependant excellaient dans la finesse et la déhcatesse des 
tailles, ce qui provenait sans doute de ce qu'ils gravaient beau- 

7 



146 

coup sur métal. Nous verrons plus loin que le métal a générale- 
ment prévalu en France. ' 

Le style et la manière des gravures sur bois s'était considé- 
rablement améliorés; le dessin en était devenu plus correct, la 
composition mieux ordonnée ; les lumières et les ombres étaient 
plus convenablement disposées et dégradées. On j employait 
plus souvent la perspective, mais on continuait encore à les colo- 
rier. La quantité des gravures qu'on exécutait alors était innom- 
brable ; on en décorait non-seulement les livres, mais encore on 
en tirait un grand nombre sur des feuilles à part 

Malheureusement la an du siècle ne répondit pas à un com- 
mencement aussi brillant Des éditeurs avides profitèrent du goût 
du jour pour lancer dans le commerce une profusion de gravures 
médiocres ; il en parut une quantité d'autres à sujets satiriques, 
provoquées par les querelles religieuses qui suivirent la réforma- 
tion; d'un autre côté la gravure sur cuivre, plus &cileà exécuter, 
commençant à se répandre davantage, les artistes abandonnaient 
peu à peu la xylographie, et ne se chargeaient plus que de livrer 
les dessins, qui étaient souvent mal exécutés par les graveurs in- 
expérimentés ; enfin tous les signes d'une décadence prochaine 
se manifestaient dans les dernières années du XVI* siècla 

Citons les principaux graveurs et les plus remarquables de leurs 
travaux, la plupart nous étant connus. 

A la tête de tous les graveurs de l'Allemagne nous devons 
mettre Albert Durer (né en 1471, mort en 1528), élève de son père, 
qui était orfèvre, et de Michel Wohlgemuth, qui lui enseigna les se- 
crets de la gravure sur bois. On lui attribue un très-grand nom- 
bre de gravures, qui probablement n'ont pas été toutes exécutées 
par lui-même, mais par d'autres d'après ses dessins. 

Les plus remarquables sont les planches de l'Apocalypse, pu* 
bMéesen 1498 ; les trois grandes et belles séries àe La vie de Mc^ 
rie, de la grande et de la petite Passion de noire Seigneur; la 
Scdnte-Trinité de 1511 ; et plusieurs Samtes FamUles. Le portrait 
d'Ulric Yambuler, exécuté en 1522, est un des chefs-d'œuvre de 
gravure sur bois de ce maître ; il a 16 pouces de haut sur 12 de 
large. 

La plupart des gravures d'Albert Durer servirent de modèles 
aux graveurs qui désiraient se former à cette bonne école. 



147 

C'est dans ce siècle que parurent ou furent conunencés des 
ouvrages remarquables qui, par le nombre et surtout la bonté 
des planches qui les ornent, permettent de juger à quelle per- 
fection la gravure sur bois était parvenue. 

Les œuwes xylographiques les plus distinguées sont celles des 
écoles de Nuremberg, d'Augsbourg, de Wittemberg et de Bàle, 
exécutées sous Pinfluence directe ou indirecte de l'empereur Ma- 
ximilien I", protecteur éclairé des arts et des lettres, et des' sa- 
vaots distingués tels que Peutinger , Wilibald Pirckheimer, Cel- 
tes, Stabius et d'autres. Ces œuvres sont principalement: les Pa- 
trons de la maison impériale d'Autriche, la Généalogie de l'em- 
pereur, le Weisskunig , le Theuerdanck , le Triomphe , la Porte 
triomphale et le Livre de prières de Maximihen I". 

Tous ces ouvrages avaient été commandés par l'empereur, qui 
en confia la direction à Peutinger, et l'impression àJeanSchcens- 
perger d'Augsbourg. 

Us devaient être décorés d'un grand nombre de xylographies ; 
Albert Durer, Burgkmair et Scheuflin fturent choisis pour en 
faire les dessins, et Josse Dienecker, secondé de douze graveurs, 
pour exécuter les planches de bois. 

Mais, malheureusement, l'exécution a été partiellement inter- 
rompue par la mort de l'empereur, survenue en 1519. Cepen- 
dant ce qui en a été terminé et ce qui existe encore mérite d'être 
mentionné. 

L'œuvre dit hes Patrons de la maison impériaJe éP Autriche, 
composée de 150 planches de bois, dont 122 sont encore conser- 
rés à la Bibliothèque impériale de Vienne (*), est due au peintre 
Hans Burgkmair d'Augsbourg, secondé d'autres graveurs desquels 
nous parlerons plus bas. 

Le Weiskunig (le roi blanc) contient l'histoire romanesque et 
les exploits de Maximihen P', dictés par lui-même et mis en ordre 
par son secrétaire Max.Treitzsaurwein, en 1514. Ce Uvre est orné 
de 237 planches par Burgkmair, toutes conservées encore (•). 

Les Greuerliehkeitenj etc. des Helds Herm Temordanncks \^ 

(1) 449 de CCS planches furent réimprimées en 4799. 
(8) Réimprimées en 4775. 

(3) Teuerdanck est le nom qu'on donne au héros qui n'est autre que l'empereur lui- 
fli^, par allusion à ses pensées ayentureuses (abentheuerlich). 



I4d 

poème trèe-médiocre de MelohiorPfinring, dont le sajet princi- 
pal est composé des obstacles que rencontrait Femperenr dans sa 
demande en mariage de Marie de Bourgogne, obstacles qui tous 
sont représentés allégoriquement en 118 planches par le peintre 
Hans Scheuflin^ ce livre fut publié à Nuremberg, en 1517. 

La Génmiogie de Femperetnr Maximilien I* est ornée de 77 
planches par H. Burgkmair. 

Le même artiste a décoré encore le Triomphe, ou le Cbar de 
triomphe de cet empereur. Les 135 planches, encore existaiites, 
ne paraissent cependant former que les deux tiers de TouTrage 
entier. Les originaux peints en miniature sur yélîn en 109 feBi^ 
les, chacune 34 pouces de large, sont également conservés à 
Vienne. 

Bur^nnair a représenté dans ce livre tout ce qui avait rapport 
à la cour et la vie chevaleresque de cet empereur : la noble véne- 
rie, les tournois, la musique, les mascarades, les noces, les ban- 
quetSy et les scènes de la vie telle qu'eUe existait alors. 

Dans la Porte triompJuUe, qui ne devait former qu'une seide 
feuille de 11 pied et demi de haut, sur 9 de large, composée de 
92 grandes planches, Albert Durer, son auteur, la composa d^ar^ 
ehitectore et d'ornements entremêlés de la monographie figurée de 
Maximilien, par laquelle ont été représentés ses exploits guerriers, 
sa vie privée et publique; elle contenait en outre des âgures bla- 
sonnées des princes alliés ou voisins , enfin tout ce qui pouvait il- 
Ittstrer et faire ressortir la pompe et la grandeur de ce monarque. 

Les graveurs qui ont exécutés les ouvrages que nous venons de 
nommer, et dont les noms se trouvent gravés sur les planches ou 
écrits sur leurs revers, sont Hans (Luetzelburger)dlt Frank, Corné- 
lius Liefrink, Alexis Lindt, Johann von Bonn, Hieironyrans André, 
S. German, Yincenz P&rbecher, Jacob Rupp, Jacob Taberilh, 
Wolfgang Resch, Fosse Negker d'Augsbourg, et surtout les pein- 
tres célèbres Albert Durer, Hans Scheuilin, Hans Burgkmair, et le 
graveur Joseph ( Josse) Dienecker d'Augsbourg. 

Enfin, pour clore cette série d'ouvrages, mentionnons encore 
Le Uvre de prières ^ourlsk composition duquel Maximilien avait fait 
lui-même le choix du Psaume qu'il devait contenir, et qui est orné 
de 45 planches de st^ets et d'encadrements des plus gracieaxfiakits 



149 

p«rO«irer, et de 8plaa<;hes de Lucas Cranadi. fl pofte la date 
de 1515, mais n'a pas été terminé. 

La xylographie ofiQrait un moyen très-convenable, et dont on 
avait été dépourvu jusqu'alors, pour multiplier cette foule de re- 
présentations allégoriques tant répandues et estimées, qui, depuis 
le XIV* siècle, et surtout dans le XVI% se trouvaient tant en prose 
qu'en v^rs dans les livres, peintes en miniature dans les manuscrits, 
ou en fresque sur les murs, et même sculptés en pierre et en bois. 

La dame macabre était on des sujets allégoriques favoris, re- 
présentant la mort dans des accoutrements et des poses très-va- 
riées, jouant un instrument, menant le branle, ou dansant avec 
des personnes de tous les rangs. Cette danse est ainsi nommée du 
poète allemand Exemius Macabre, qui, un des premiers, traita ce 
sujet bizarre en vers allemands, que P. Desrey, de Troyes, a tra- 
duits en latin en 1460. 

Presque tous les bons peintres de ce temps traitaient ce siget, 
et après eux les graveurs sur bois ; aussi connait-on un grand 
nombre de ces danses macabres dont celle de Hans Holbein de 
Baie est la plus célèbre. Elle était recherchée au point qu'on en 
publia jusqu'à 8 éditions différentes seulement dans le XVI* siè- 
cle, la première étant de l'année 1530. Ai\jourd'hui ce nombre 
s'est accru à dO, en comptant les différentes copies. 

JeanLutzelburger de Bâle, un des plus habiles xylographes de 
cette époque, a également produit une danse des morts ; celle de 
Josse Dienecker fut publié en 1544. 

Ce sujet se rencontre souvent aussi comme ornement acconqya- 
gnant les lettres de l'alphabet, des initiales grecques et latines. 
Outre la danse macabre, on se servait encore d'autres sujets pour 
décorer les grands caractères d'impression ; ainsi il y en avait qui 
étaient entourés d'enfants (KinderaJphabete), de paysans dansant 
ou s'amusant (Bauemalphabete, alphabets rustiques), ou de su- 
jets religieux, mythologiques et scientifiques. 

Holbein a livré trois alphabets latins et un grec, dont deux à 
danse macabre, un rustique et un avec des enfants. Le plus re- 
nommé est l'alphabet rustique de Lutzelburger. 

Dans le Methodus exhtbeusper varios i/nd. et clos. suh. quorum- 
Uhet îihrorum, cmttëlibet Bibliot, irmUMem ordUnem^ imprimé 



1 



160 

en 1560, chez Ph. Ulhard à Augsbourg, on voit des lettres ornées 
de fleurs. 

Pour les sciences et les arts, sortant de l'enfance, mais cultivés 
avidement et répandus en profusion par l'imprimerie, la xylogra- 
phie était un auxiliaire précieux, et les traités de tout genre, tels 
que ceux sur l'anatomie, la zoologie, la botanique, les mathéma- 
tiques, etc., ofiraient à la gravure sur bois un vaste champ d'occu- 
pation qui ne restait pas stérile (*). 

L'ouvrage le plus recherché dans ce siècle et qui formait 
comme une espèce d'encyclopédie, la Cosmographie de Sébastien 
Munster, était orné d'une très-grande quantité de gravures sur 
bois de tout genre, des vues de presque toutes les villes remarqua- 
bles; de portraits ; de costumes et de coutumes; d'armoiries et de 
batailles^ d'objets d'histoire naturelle, etc. 

Beaucoup de graveurs furent occupés à exécuter les planches 
de ce livre, dont la première édition parut à Bàle en 1544, et qui a 
eu successivement 17 éditions allemandes dans le XVI* siècle, 
plusieurs éditions latines, une française (1575), une itah'enne, et 
une en bohémien, en 1554. Chaque nouvelle édition était augmen- 
tée de gravures. 

Des vues et des plans de villes, de camps et de batailles, for- 
maient aussi une branche exploitée par la xylographie. La plupart 
de ces gravures sont d'un format ti'ès-grand, et composées sou- 
vent de plusieurs planches ; telles sont, par exemple, la vue de 
Ratisbonne, de la largeur de 80 pouces sur 22 et quart de hau- 
teur; celle de la ville d'Âugsbourg, gravée d'après le dessin de l'or- 
fèvre Georges Seld ; celle de Lubeck ; celle de Fraucfort-sur- 
Mein de 1572, en 10 feuilles ; celle de Venise, dessinée à vue d'oi- 
seau; celle de Cologne, de 1513, en 9 planches gravées par An- 
toine Wœnsam de Worms ; et le Camp de V empereur Charles V 



{{) Voyez sur ce sujet les ouvrages suivants: sur raoatomie; Geschichte und Bi- 
bliographie der anatomiscben Abbildungen. etc. von Dr L. GhoulaDt, avec 43 xylogr. 
et 3 chromolitb. Leipz. 4854, graud in>4*. Pour la zoologie: Blnmenbach, iu Gœt- 
ling. Magazin, etc. Jahrg. II, St. 4. Pour la botanique: Die Anwendang des Holz- 
schnittes zur bild. Darstellung von Pflanzen, etc. von Dr. L. G. Treviranus, Leipz. 
4855. in-8*. Pour les mathématiques: Gesch. der Mathematik von A.-G. Kaestner. 
i7&5. etc. 



151 

devant Ingoîstadt, de Vannée 1546, 10 grandes feuilles gravées 
d'après les dessins du peintre H. Mulich de Munich, en 1549. 

n n'était point rare dans cette époque, pas plus que dans la nô- 
tre, de trouver des livres compilés de planches achetées séparé- 
ment avec lesquelles les libraires-spéculateurs formaient un tout 
en y mettant un titre pompeux et attrayant ; voici un exemple : 

Menx littetijttlUbe , moblflevtBAene ^nti %n £ol) stnhnitttnt 
Éiiuttn, bernUtchen «iemablen iieBeben iDOtrben. Von ben tutx- 
trefClidisten , ItttetijvtltcbBteti Dnb hexuthtattBttn URableTit, Vitin- 
sent tnîb ittxmsichntïtitxn ^ «b nebmltcb, Whxttht 9uxtx , ^. 
^olbein, H. iSebalb IS9bm, #. jSfebeufltn , i^nb ambent Cevt- 
Mbef nation tutxtxMtthfittn Wiutnutitxn mthx, 

ftlUn Mablent, ^uptftx»ttthtxn , foxmstthntïttxm fHudf «l- 
Us ^un%twxM&tnttistn f tmb htxtttlhtn Xiebbaber, êtt ^hxtn 
nUt ^^efalUn) 9ie aticb "ttx an^ebenlieii kunittUebetibeit Un- 
itn'bt lu VLnti rmtt UtUitxtttxnuQ in ^xvLtk ^eben. 

9thxuttt }tt fxAnMuxt am J9eyn, 3n ^evle^ttiid Vincentii 
%ttinmtiftx», ftnno Itt. 3P€'. XX. Qutx C^na^to. 

Ce livre, précédé d'une surface intéressante pour l'histoire ar- 
tistique de cette époque, contient 316 gravures, parmi lesquelles 
plusieurs très-bonnes, mais Durer et Holbein manquent, quoique 
mentionnés sur le titre (*). 

Tels sont, en somme, les groupes variés, les formes diverses, 
dans lesqueUes la xylographie du XYI* siècle a développé une ac- 
tivité extraordinaire, secondant ainsi les efforts des sciences "et 
des arts pour répandre et étendre les connaissances, et aidant par 
sa coopération aux progrès des lumières et de la civilisation. 

Le nombre des graveurs sur bois étant considérable, nous bor- 
nerons nos citations aux principaux d'entre eux. 

Nicolas-Emmanuel Deutsch, de Berne, homme remarquable et 
universel, s'est aussi distingué dans la xylographie, entre autres 
par dix gravures représentant les vierges sages et les vierges fol- 
les, 1618. -— Albert Altorfer (né en 1488, mort en 1538) est célèbre 
comme peintre et comme graveur. Ses petites planches de bois 
figurant des sujets de la Bible sont inimitables. On lui attribue 

(i) Arcbiv. ftir zeichoeade Kunst. Leipz. II. Jahr|^. 1856, HefUl. p. 63. 



152 

ri&veatioa de plusèeurs nouveMX procédés de graynre, txàxe an- 
tres celui qui coasîBte à abaisser eerUines jMrties de ses {datiehes 
de bois, pour donner à ces parties plus de foite, et par conséqiient 
plus de gradations dans les ombres. Son saint Jérôme est «urtout 
remarquable d'effet obtenu par ce moyen. — HansBakkuig Gnm, 
de Gmund, était bon peintre et habile graveur. On cite snrteiit les 
planches d'Adaa et d'ÈYe ; celles du Christ et des û.Ç9*e iip^es, 
de 1514; use feuille avec des chevaux, de 1534. — Luo^Ora- 
nach, le célèbre peintre, ^tait aussi graveur sur bois. — liaBS 
Springinldee, de Nuremberg, élèye de Purer^ a lut de 4r^-<hoi]^ 
nés gravures, généralement de petit fonmat. D avait exécuté, de 
compagnie avecËrhard Schœn, ks belles planchçsderHortulus 
animae, dont la première édition parut à Nuremberg en lél^ Ce 
dernier a aussi gravé un livre de dessins trèfr-estiiiié, ^t qui a eu 
trois éditions dans ce siècle ; la première e^t de 1538. — l^ms 
Baldung Beheim se forma sous Albert Durer ; on lui aittribue près 
de 200 gravures. — Henri Lautensaok de Bamberg, 1 5^, ç^t l'au- 
teur d'un livre de dessins gravés sur bois. — Jâucob Kerver, $k de 
Thielmann Eerver, imprimeur à Paris, connu par ses Heures, a 
gravé les 15 planches qui ornent le Jocmtds Boccatiiy et& ; Berne, 
1539, in-foL Les 144 gravures der Wappen des heil ronu Sei- 
ches Teutscher Nation, etc. sont de Jacob Kobel ; Frankâirt, 1545, 
in-fol. On lui attribue en partie les 128 planches de Hypnero- 
tomacMe, ou discours du songe dePoîvphik, etc.; Paris, 1546, 
in-foL; les petites gravures d'un Testammtum Vet et Nav.; PariS} 
1560, in-8% et plusieurs autres gravures séparées. 

Les différentes et nombreuses éditions de la Bible de Luther, 
dont la première, en allemand et complète, a paru à Wittemberg 
chez Hans Lufb, 1534, étaient généralement ornées de gravures. 
— Hans Brosamer de Fulda, peintre et graveur, fit plusieurs 
planches de l'édition de 1558. — Hans-Budolph Emmanuel, dit 
Deutsch, de Berne, fils de Nicolas dont nous avons d^à parlé, 
était peintre et préfet de Morges (canton de Yaud). On lui attri- 
bue les dessins de la plupart des villes de la cosmographie. On 
ignore s'il les a gravées. Le livre Affricola de re metatticOf etc., 
Bâle, 1558, est orné de ses gravures. — Aucun graveur de ce siè- 
cle, parmi tous ceux que nous venons de citer, n'a produit une 



153 

aussi grande ^oantilé ée f ravutes sur bois que les deux suivants : 
VlrgSe Solis de Nuremberg (né en 1514, mort en. 1562), qui à 
exécuté {^s de mUle planches xylographiques, dont celles de la 
Bible de Francfort, 1500, et celles des métamorphoses d'Ovide, 
i" éd. 1563, Francfort, sont les plus estimées; — et Jost Am- 
Biann de Zurich (né en 1539, mort à Nuremberg en 1591), d'une 
grande facilité d'invention et l'artiste le plus productif de son 
iempé^ Ses gravures sur bois seules sont au nombre de plus de 
mille, parmi lesquelles on distingue surtout le Paradis, un Tour- 
Boia, une Troupe de soldats, la place Saint-Marc de Venise et sou 
livre d'armoiries. — Nous devons mentionner encore Tobie Stim- 
mer de Sdiaffhouse (né 1534), peintre de fresques et graveur re^ 
nonmié; — C3uistophe Maurer de Zurich (né 1558, m. 1614) ; — 
Christ von Sichem, qui grava à Bâle les 13 lieux de la Confédé- 
ration, 1573, et beaucoup d'autres planches; — Lucas Meyer, 
qui fit en 1592 un Tir en 13 grandes planches, Nuremberg; — 
Hans Weigel, de la même ville, qui édita un livre de costumes en 
1577, des cartes géographiques et des ornements de titres de li- 
vres; — Jean Bocksperger l'aîné, de Sabsboui^, qui grava les 
planches de la Bible de Francfort, 1565 ; — enfin Marc- Antoine 
Hauaas, àAugsbourg, vers la fin du siècle. 

Nous bornerons ici la nomenclature des xyiographes allemands, 
du XVI* siècle, pour citer ceux des Pays-Bas qui se sont distin- 
gués. Le {^us anden parait être Phillery d'Anvers. On ne con* 
naît de liii qu'une gravure, représentant des soldats et des femmes. 
— Walth^ van Assen, au commencement du siècle, a gravé la 
Passion de Jésus-Christ — On attribue à Lucas de Leyden 24 gra- 
vures. — Peter Cœck, peintre et architecte d'Alost (né en 1490, 
mœrt en 1553), a gravé une vue remarquable et rare représentant 
Confltantinople et les mœurs des Turcs, composée de 7 planches et 
pubhéeen 1533. — Cornélius Teunissen d'Amsterdam a gravé en 
1544 une vue de cette ville en 12 grandes planches. On le suppose fils 
d'Antoine de Worms, qui avait gravé la vue de la ville de Cologne 
en 1531 , composée de 9 feuilles grand in-foMo, d'une longueur 
d'ensemble de 10 pieds, 9 pouces, sur une hauteur d'une aune. £n 
1851, M. Alo£s Weber a dessiné sur pierre une copie de cette vue 
de la graïuteiur de Forigiiial, ^ Antoine Sylvius a gravé les mon* 

r 



154 

naies, dans Ëmblemata, etc., de Joan. Sambuci, Anvers, Plantm^ 
1564. — Jean ou Hans Stephanus van Calcar grava en 1538 les 
planches anatoniiques du livre de Yesalius à Venise, in-folio. — 
Hubert Golzius de Yanloo (né en 1526, mort en 1583), célèbre an- 
tiquaire, était aussi xylographe , ainsi que Henri Golzius (né en 
1554, mort en 1617). Ce fameux chalcographe a fait une vingtaine 
de gravures sur bois. 

La xylographie italienne regardée comme la plus ancienne, 
portant une date, a été gravée par un Allemand, Jacob de Stras- 
bourg, c'est le triomphe de Jules-César, en douze planches avec 
la date de 1503. On cite comme graveurs sur bois italiens : Jérôme 
Mocetus, né en 1454 à Vérone; — le célèbre Titien; — Matheus 
Pagani, connu par ses cartes géographiques, Venise 1555; — 
François Marcolini, né en 1500 à Forli, imprimeur à Venise, 
architecte et graveur, dont les meilleurs travaux se trouvent 
dans l'ouvrage de' Giardino de Pensieri. — Hucque de Capri; — 
Antoine de Trente, né en 1508, de qui on connaît vingt-cinq 
planches; — le Parmesan; — Jean Gallus;— Nicolas Boldnni; 
— Christophe Coriolan (Lederer), Allemand, né en 1540, mort en 
1600, mais qui vivait à Venise, et qui a gravé beaucoup de por- 
traits dans l'œuvre de Vasari, et des planches d'his);oire naturelle 
dans le hvre d'Ulysse Aldrovandini ; — Vecellio, frère du Titien, 
qui a fait en 1590 un livre de costumes; — Jérôme Porro, qui 
grava les planches dans le Funerali degli Andchi, etc., de Th. 
Portachi, Venise, 1591.— On connaît d'André Andreani de 
Mantoue, né en 1540, mort en 1623, une trentaine de gravures 
sur bois, dont les plus remarquables sont le Triomphe de César, 
Jésus- Christ d'après le Titien, et l'enlèvement des Sabines. 

Parmi les graveurs français on nomme JoUat, qui travailla 
à Paris de 1502 à 1550; — Jacques Peressin; — Jean Tortorel, 
qui a gravé des scènes de la guerre des Huguenots, de 1564 
à 1570; — Pierre Bochienne, né à Paris, 1520, qui a gravé des 
livres de prières, la Légende dorée, Paris, 1557, et 109 plan- 
ches pour une Bible ; — Bernard Salomon, dit le petit Bernard, 
à cause du petit format de ses planches, était de Genève et 
vivait aussi à Lyon de 1512 à 1550; il travaillait pour de Tournes 
et Kouville; ses planches de la Bible et des métamorphoses 



156 

d'Onde sont fEÔtes avec une exquise finesse; — Jean Monni 
vivait à Lyon vers 1540; il copia les gravures de Salomon- 
Léonard Odet, Lyon 1580; — Balthasar Amoullet a gravé des 
vues de villes, principalement celle de Poitiers. — On connaît 
aussi une gravure sur bois, représentant un buste de fenune, 
qui a été exécutée par Marie de Médicis, fenune de Henri IV, 
en 1587. 

Disons maintenant quelques mots sur la xylographie en An- 
gleterre, entre 1400 et 1700. 

William Caxton (1474-1491), qui avait introduit la typographie 
dans ce pays, publia plusieurs ouvrages ornés de gravures sur 
bois; ainsi que le fit plus tard Wynkyn de Worde (1500-1534). 
John Rastell (1517-1536) publia un livre orné des effigies des 
rois d'Angleterre. La chronique de Richard Grafton contient un 
grand nombre de xylographies. 

John Balgrave, mathématicien, dans son ouvrage : Astrolabi'um 
wramami ufdvermle de 1585, grava lui-même les figures. Ralph 
Aggar grava entre 1578 et 1589 une vue de Londres sur bois. 
John Day orna le livre intitulé : Foafs \BooJc of Mwrtyra (entre 
1544-1582) de très-belles cartes et de figures mathématiques. 
Dans l'histoire de la typographie nous avons déjà fût mention 
de la Genealoffy of Kmg of England, de Gille Grodet, en 1550, 
et qui contient les portraits des rois et des reines d'Angleterre, 

Nous ne connaissons que peu de gravures sur bois espagnoles 
du XVI* siècle, quoiqu'il existât en Espagne dès le XV' siècle 
des typographes, et avant eux des cartiers, qui pratiquaient 
certainement la xylographie. Le recueil de modèles d'écriture 
de Juan de Yciar Vizcaino, publié chez Petro Bemutz à Sara- 
gosse, en 1529, contient différentes espèces de lettres qui ont 
été gravées sur bois par Jean de Vingles. H y a des lettres 
richement ornées, et des letra hîanca, c'est-à-dire des lettres 
gravées en creux, de sorte qu'elles s'impriment en blanc sur fond 
noir. Ce livre eut plusieurs éditions: celle de 1550 contient le por- 
trait du calligraphe, sur fond noir pointillé en blanc (ou manière 
criblée), plusieurs entourages à figures et ornements, un alpha- 
bet dont les lettres sont formées de rubans entrelacés, et d'au- 
tres grandes lettres accompagnées d'enfants, de guerriers, de 
sujets de chasse , etc« 



156 

Le même impiimeor publia, eja 1559, une nouvelle éâi^hon 
d'un livre de prières, précédé d'un calendrier avec gmvarefi, et 
ornée d'initiales et de sujets religieux gravés sur bois. Ces xy- 
lographies, dépourvues de hachures croisées, suivant M. C- 
Becker, rappellent le style de l'école padoue-vénitienne {*}. 

De IGOO à IVOOa Le mouvement et l'activité qui régnè- 
rent dans l'art de la xylographie durant le XYI* siècle, et dont 
nous venons de donner une esquisse bien raccourcie , étaient 
considérables; mais déjà vers le déclin de ce siècle la gravure 
sur bois, comme nous l'avons dit, perdait énormément de son 
importance. La chalcographie s'était développée à un tel point, 
qu'elle surpassa bientôt la gravure en relief, et finit par la 
supplanter presque complètement dans le XVII* siècle. Un effet, 
le goût du pubhc pour les tailles de bois diminua peu à peu; 
on préférait les gravures sur cuivre, et, malgré les efforts des 
graveurs et des éditeurs pour soutenir la xylographie^ celle-ci 
tomba en décadence. 

En Allemagne, il n'y a dans ce siècle que peu d'artistes dont 
il vaille la peine de citer les noms : — George Straub grava en 

1609 un livre de costumes; — Wilhelm Hofinann publia en 

1610 le diarium du couronnement; — Conrad Schram avait 
décoré un livre d'Evangiles qui fut publié à Munich en 1620; 

— Paul Creutzberger de Nuremberg jouit d'une certaine répu- 
tation, il mourut en 1660; — Jost Spœrl de la même ville, né 
en 1583, mort en 1665, avait fait plusieiu's gravures du Opis 
pictus. — Philippe Witteln publia en 1625 une carte de la Thu- 
ringe en seize feuilles in-folio ; — J.-Paul Eyb n'est connu que 
par son portrait, qu'il avait gravé en 1667. — Les Pays-Bas 
sont mieux représentés: on y trouve encore de bonnes pages; 

— Christophe Jegher, né en Allemagne en 1578, vivait à An- 
vers et gravait d'après Rubens; — Abraham Blœmsert de 
Gorkum, né en 1564 et mort en 1644, et Paul Moreesen avaient 
de la réputation; — Edouard Eckmann, mort en 1610 à Mecheln, 
avait fait de très-belles gravures, entre autres le Feu d'artifice 

(i) Sur ces deux livres voyez : Breitkopf déjà cité, U, page 38, et Archiv. fUr zeichn 
Kiinste. Ërster Jahrg. 1855, lleft. U, page 196. 



157 

d'ftprèi Caliot; — Théodore, ou Dirck de Bray, de Haarlem, mort 
ea 1680^ a £ût en 1664 un excellent portrait de son père. — 
Litalie, où cet art n'a jamais été goûté généralement, n'offire 
rien de remarquable dans le XYII" siècle. Nous ne citerons que 
le Milanais César Bassano et les deux sœurs Isabella et Hie- 
ronyma Parasole à Rome. Isabella avait gravé un livre avec des 
modèles de broderies; et la seconde, une Bataille de centaures, 
mire 1600 et 1650. 
La France était le seul pays où la xylographie fleurit encore. 

— Ludwig Bussink, All^nand, était associé avec le peintre 
6e<Nrge Lallemand, et gravait d'après ses dessins vers 1640 ; 

— Jean Le Clerc, travaillait vers 1620 à Paris, sous le nom de 
Marchand tailleur d'histoires; — Béni Baudry et Nicolas Cal- 
mat, vess 1622; tous les deux reçurent le privilège àHmpn- 
meurs du Mojf e» libres et dcnnmoiiera en figu/rœ et histavres, en 
1622; — Jean Blanchin travaillait en 1630; — Guillaume le Be, 
vers 1643, gravait 272 planches pour une Bible; — Du Bellay vivait 
vers 1680 à Paris; il fut le maître de Le Sueur et de Papillon; 

— Pî^re Gramier, père et fils, exerçaient à Troie, en 1650;— 
François Beauplet grava le portrait de Richelieu sur son lit 
de parade; — Antoine Boucquet, né en 1661, grava les saints de 
l'année; — Graffort et Roulière vivaient vers 1650. — On con- 
naît de Jean Gelée, frère du pemtre, 24 gravures sur bois. 

lie JLViu* siècle ne vit paraître aucune nouveauté, au- 
cun perfectionnement dans l'art de la xylographie , ni pour la 
pratique, ni pour la manière, ni pour le style, ni pour le nom- 
bre des œuvres. L'activité et le progrès qui distinguaient le 
iVl* siècle, au lieu de croître, diminuèrent de telle sorte, que 
Fart devint métier et fut abandonné de tous ceux qui, par 
leurs talents et leur goût, auraient pu le relever. Le XYIII* siè- 
cle hérita de cet état de choses ; le savoir, l'amour de l'art et 
l'intérêt manquèrent aux artistes comme au public pour la xylo* 
graphie. La gravure sur cuivre l'avait, en Allemagne surtout, 
complètement bannie des livres. Cet art, si florissant dans le 
XVI* siècle , n'était plus représenté au XVlll* siècle que par 
quelques vignettes, fleurons, filets et culs-de-lampes, ornés avec 



158 

un goût baroque , ou ne servait plus qu'à l'impression des pa- 
piers et des étoffes. Çà et là seulement on voyait apparaître 
quelques gravures de mérite, mais faites plutôt par des amateurs 
que par des artistes. 

En Allemagne, où la xylographie avait le plus dégénéré parmi 
un grand nombre de graveurs médiocres, nous n'en pouvons 
citer que deux qui se soient distingués comme artistes : Jean- 
Georges Unger, né à Gos en 1715, et mort à Berlin en 1788, 
qui grava avec goût divers objets, entre autres les 50 vignettes 
du Spéculum Naturœ, publié à Berlin de 1761 à 1765, in-é^ 
et 5 paysages avec figures d'après les dessins de Meil , Berlin, 
1779, in-4*; — et Jean-Frédéric Unger, fils du précédent, né 
en 1753, qui a fait de très-belles gravures sur bois, dont les 
meilleures sont les planches de figures, publiées à Berlin en 
1779, in-4*; — Unger cadet fut nommé professeur de l'art xylo- 
graphique à Berlin, et mourut en 1804. 

Parmi le peu de graveurs sur bois qui existaient alors dans 
les Pays-Bas, nous citerons Cornélius van Noorde, né en 1731, 
mort en 1795, qui travallait à Amsterdam; et Gonzàles vanHeylenj 
mort en 1720, de qui on connaît un alphabet Orné de saints; il 
vivait à Anvers. — En Italie, il y avait Joseph et Gabriel Ric- 
ciardellià Naples; J. Bapt. Canossa à Bologne (mort en 1747), 
dont les xylographies se distinguent par une grande délicatesse. 
Mais le plus célèbre était le comte Antoine-Maria Zanetti l'aîné, 
dont nous parlerons plus bas. 

Depuis lt95 Ja8qii*à PEaqposition unlvenelle de 
Paris en 1 S55a Quoique la gravure sur bois ait été beaucoup 
plus favorisée en France que dans les autres pays, il y a cepen- 
dant aussi pénurie de bons graveurs dans ce siècle. Ceux qui 
eurent un véritable mérite furent : — Jean Papillon l'aîné, né à 
Rouen en 1639, mort à Paris en 1710; et son frère cadet, Jean- 
Nicolas, né à St-Quentin en 1655, qui était moins habile. — Jean 
Papillon, né en 1661, mort en 1723, fils du frère aîné, est 
connu par des portraits, par un livre de messe d'après Le 
Clerc, et par des vignettes surchargées d'ornements, mais bien 
dessinées. -^ J^an-Baptiste-Michel Papillon, fils de Jean-Nicolas, 



159 • 

né en 1720, mort en 1746, a fait des gravures pour une Bible. — 
Mais le plus célèbre de toute la famille fut Jean -Baptiste Pa- 
pillon, frère du précédent. H naquit à Paris en 1698 et mourut 
en 1776. Son traité historique et pratique de la gravure sur 
bois, Paris, 1772, in-8", est le premier ouvrage qui ait paru sur 
cet art. Ses gravures sont très-estimées , surtout les culs-de- 
lampes et les fleurons qu'il avait faits pour une édition des Fa. 
bles de La Fontaine. Son épouse Marie- Anne, née Bouillon, 
gravait également — Pierre Le Sueur, l'aîné , né à Rouen en 
1636, mort en 1716, gravait très-bien. On remarque de lui une 
Judith, d'après Sichem. Ses trois fils , Pierre, Vincent et Pierre 
le cadet, furent de très-bons graveurs. Vincent, né en 1668, 
mort en 1743, était l'élève de Papillon; il le surpassait dans 
les hachures croisées. Le plus distingué de *la famille fut Nico- 
las Le Sueur, né à Paris en 1690, mort en 1764, il était très- 
productif, on fEdt monter à mille le nombre de ses planches , 
dont beaucoup sont remarquables. 

Mais les efforts que firent Unger, Canossa, Papillon, Le Sueur, 
et leurs élèves, restèrent sans effet ; la xylographie ne disparut 
pas, il est vrai, complètement^ mais elle fut reléguée dans l'im- 
primerie des livres et des étoffes. Cependant le XVill* siècle 
ne se termina pas sans fournir au moins les germes d'une re- 
naissance prochaine de cet art Rien ne usât tout achevé; cha- 
que invention qui doit Voir le jour se prépare longtemps d'a- 
vance, et ne se développe que graduellement, et plus ou moins 
vite, suivant que les circonstances sont favorables ou non. Ainsi 
la xylographie commença à renaître dans le XVIII* siècle, et 
cela en Angleterre, dans le pays où elle avait été le moins pra- 
tiquée, mais elle ne reçut son entier perfectionnement et ses 
applications générales que de nos jours. 

Thomas Bewick, né en 1753, mort en 1828, Anglais, est le 
restaurateur de la xylographie. H gagna en 1775 le prix que 
la Société des Arts de Londres avait destiné à la meilleure 
gravure sur bois. Le sujet choisi par Bewick était un chien de 
chasse; le dessin excellait par une grande vérité, et la gravure 
par beaucoup de finesse. Cette planche fiit placée dans l'édition 
des Fables de Gay^ imprimée par Th. Saint, de Newcastle, et 



160 

dont les autres gravures avaient été exécutées par Thomas 
Bewick et son frère John. Ce dernier était moins habile e4 
mourut en 1795. 

Le célèbre imprimeur W.Buhuer, de Londres, avait publié 
en 1795 les Pœms of Goldsmith and FumeU, ornés de gra- 
vures sur bois de Bewick, qui jouissent d'une grande répiUa- 
tion. En 1790 paraissait à Newcastle,et en 1811 à Londres » 
A General hdstory of quadrupeda, dont Bewick avait fût les 
gravures d'après ses propres dessins. Les figures d'animaux 
sont très-correctement dessinées, et la gravure en est délicate. 
Outre un grand nombre d'excellentes vignettes, on connaît de 
lui encore des gravures d'oiseaux, faites pour le Hiskory of 
briUsh hirds, publié à Londres en 1809. 

Cet artiste distingué a ausâ renouvelé un perfectionnement 
dans la partie technique de son art, moyen qu'avaient déjà 
employé Albert Aldorfer dans le XYl* siècle et Papillon dans 
le XYin*. n consiste à varier la hauteur des tailles-reliefs de la 
planche de bois, pour obtenir des teintes plus graduées. 

Avec Thomas Bewick commence donc l'époque moderne de 
la xylographie, la renaissance de cet art Les travaux de ce 
graveur habile eurent du succès, et ses efforts une suite. Du 
temps de Bewick, ou peu après, il y avait encore en An^eterre 
quelques autres artistes de talent: Alexandre Anderson a gravé 
de très-belles cartes géographiques, des dessins anatomiques 
et d'histoire naturelle. Lee exécuta en 1805, d'après les dessius 
de Creig, une vingtaine de planches destinées à orner des livres 
pour la jeunesse. —Nesbit, Branston, Clennel et Hoole ont 
gravé sur bois, d'après les dessins de J. Thurston, £sq., les 
magnifiques planches qui décorent l'ouvrage publié par Acker- 
man sous le titre Beligous einblems, London, 1808. — Les belles 
gravures sur bois du Bibliographicaî Decameron, etc., du cé- 
lèbre bibliogr^e Th. Frognall Dibdin (3 vol. Lond. 1808), 
ont été gravées par Austin, Thomson, Ëbenezer Byfield, son 
frère John et sa sœur Marie Byfield, et W. Huges. — Le ca- 
talogue des livres de fonds de MM. Wittingham et Arliss à 
Londres, publié en 1817, était enrichi de vignettes et de culs- 
de-lampes excellents, ainsi qu'un grand nombre de produits 
de la typographie anglaise du commencement du XTX* siècle. 



161 

Le goûl ans Anglais pour ce genre de décorations typogra- 
phiques, imitant les éditions iacuaables, qui sont ordinaire- 
ment embellies de tailles de bois, et qui étaient tant recher- 
cbées par les .antiquaires; l'avantage qu'ofiâraient les gravures 
xylograpbiques à la typographie par la modicité du prix de 
Timpressioa , provenaiit de ce qu'on pouvait intercaler dans le 
texte les vignettes gravées et les imprimer en même temps que 
la lettre; tous ces motifs contribuèrent puissamment à fedre re- 
vivre en Angleterre l'art de la xylographie, et engagèrent les 
autres nations à imiter les Anglais à cet égard. 

Excitée par les belles gravures d'Andersen et de Bewick, 
la Société d'encouragement pour l'industrie nationale de Paris 
pris l'initiative et proposa, en ventôse de l'an XIII (*), un prix 
de 2,000 francs afin d'encourager ce genre de gravure en France. 
Mais la xylographie n'existât plus , et pour preuve nous don- 
nerons on extrait du rapport de M. de Mérimée sur le résultat 
de ce concours (^*) : 

« Vous devez être surpris, Messieurs, que dans un pays où 
tous les arts du dessin sont cultivés avec plus de succès que 
partout ailleurs, il ne se soit présenté qu'un seul artiste au 
concours pour le perfectionnement de la gravure en bois. 

« La disette de concurrents prouve du moins que votre sol- 
hcitude n'a pas été mal dirigée, lorsque vous avez entrepris 
de relever un art infiniment utile, qui languit parmi nous, tan- 
dis que nos voisins Vont porté à un très-hatU degré de perfec- 
tion. 

« Ce genre de gravure, qu'on devrait plutôt «appeler gra/&ure en 
taille de relief, ou en traits saillants, puisque la forme seule et non 
la matière en détermine l'emploi; ce genre, dis-je, présente dans 



i\) B«41etiH, N* IX, vol. 3. 1<^. — La Société d'encouragement pour rimluslric 
utioBale. foBdée en 1802, recouuue comme établissement d'otililé publique par or- 
ilunnance royale du 2» avril 1834, est certainement une des iustitutious les plus 
distinguées, les plus utiles, et les plus libérales qu'on connaisse ; elle a puissamment 
contribué aux progrès des sciences, des arts et des industries, par des encoarageineBis 
de toute nature. Les bulletins que publie fréquemment cette société nous ont été d'un 
!>ecoars précieux, pour nos recherches sur l'origine et le perfectionnement des arts et 
des industries, dont il est question dans cet ouvrage. 

(i) Bull. XX. vol. IV. fé\r. 180d. 



162 

son exécation des difficultés particulières, auxquelles on doit 
rapporter sa décadence parmi nous. 

« Ainsi , en supposant que nous eussions les plus habiles gra- 
veurs en bois, ils seraient moins employés que les autres, parce 
qu'il n'y a pas en France un grand nombre d'ouvrages dont on soit 
sûr de débiter assez d'exemplaires pour dédommager des dépen- 
ses plus considérables que cette gravure occasionnerait — 

« Les estampes envoyées au concours sont sans doute inférieu- 
res à celles que vous avez indiquées pour modèles; mais elles n'en 
sont pas tellement éloignées, que M. Duplat (qui en est l'auteur) 
ne puisse un jour les égaler 

« Le but n'est pas atteint; mais vous devez voir un pas vers ce 
but daiislepoh/t^pcige des planches. Cette application d'une des 
découvertes les plus utiles à l'imprimerie donne non-seulement le 
moyen de multiplier à l'infini les épreuves d'une gravure, mais 
encore celui d'avoir en un instant des types particuliers des diver- 
ses parties d'une figure dont il est important de représenter les 
détails 

« Sous ce rapport l'on peut dire que M. Duplat a contribué à 
l'avancement de l'art. > , 

En conséquence M. Duplat reçut une récompense à titre d'en- 
couragement. Le prix, n'ayant pas été gagné, fut maintenu. L'an- 
née après, même résultat: il n'y avait qu'un seul concurrent M..Bes- 
nard, graveur en relief, à Paris, envoyait un mémoire dans lequel il 
exposait sa manière de graver, et un grand nombre de planches 
gravées en relief sur cuivre jaune et sur hois, qui furent jugées 
inférieures aux modèles anglais ('). M. Besnard reçut une récom- 
pense, et le prix de gravure fut prorogé. 

£n 1808, le rapport disait: < différents essais ont été envoyés à 
la Société, et un seul artiste s'est présenté dans l'intention de con- 
coiuir. Sur cinq plaques, une seule planche était exécutée en hois, 
représentant le Père étemel créant le monde, d'après Raphaël ; les 

autres gravures étaient exécutées sur des matières métalliques 

Le tout est fort éloigné de la perfection que l'on désire. » Le prix, 
ne pouvant être accordé, fut prorogé de nouveau. 

(1) Bull. 0* XXXIII. 1807. 



168 

• 

M. Gillé, fondeur en caractères à Paris, présenta plusieurs gra- 
vures sur bois, dont une exécutée par Louis Bougon de Beauvais, 
représentant différents fragments d'histoire naturelle copiés d'a- 
près une gravure d'Anderson. 

M. de Bizemont, d'Orléans, envoyait six gravures sur bois, qu'il 
avait essayé de travailler sur hais debout 

M. Renouard, libraire à Paris, présentait 65 pièces en bois gra- 
vées , représentant des animaux , et destinées à la 2« édition des 
morceaux choisis de Buffon. Ces figures avaient été gravées par 
M. Godard le jeune à Alençon. M. Boileau avait fait parvenir à la 
Société des figures géométriques , fondues en planches mobiles. 
L'avantage qu'offre la gravure des figures géométriques en taille 
de relief, c'est qu'on peut les multiplier à volonté au moyen du po- 

lytypage, et les placer dans le texte (*) 

Enfin, dans l'année 1810, deux concurrents s'étaient présentés. 
L'un était M. Bougon ; il avait fait des gravures que l'on croirait 
au premier coup d'œil exécutées à l'eau-forte, aussi « ce sont des 
eaua>forte8 qt^iî a décalquées swr hois, et découpées avec beaucoup 
d'adresse. * 
L'autre concurrent était M. Duplat. Il a présenté « des gravu- 
res parûtes, et exécutées par un procédé aussi prompt et aussi 
facile que la gravure en taille-douce la plus expéditive. Ces plan- 
ches sont destinées à une édition des Fables de La Fontaine en- 
treprise par M. Renouard. Il a pris un brevet d'invention pour son 
procédé, qui abrège considérablement l'opération de la gravure 
en taille de relief; et , si ce n'est pas le moyen employé par les 
Anglais, il est supérieur à celui dont ils se servent > 
M. Duplat reçut le prix de 2,000 frs., et M. Bougon une récom- 
pense à titre d'encouragement (*). 

Par ces faits, la gravure sur bois était de nouveau introduite en 
France, et l'impulsion donnée. Ces encouragements réitirés avaient 
provoqué des tentatives nouvelles pour le progrès de l'art On vit 
peu à peu la xylographie se répandre, et s'augmenter le nombre 
des artistes qui s'y vouaient 



(i) Bulletin, u* L. 4808. 

(î) BnUeUn, n- LXXIV, 1810. 



En 1807 , M. Duplat avait gravé les figures dans les œirares 
d'Archimède, traduites par Peyrard; ixl-4^ 

M. Andrieux, graveur en médailles, avait d^ ùàt en 1810quel- 
ques planches en acier, gravées en taille de relief, qui ne laissaient 
rien à désirer. 

MM. Galle, Andrieux et Duchesne aine, gravaient alors sur 
acier des vignettes, des billets de banque et des timbres. 

Vers l'année 1820, M. Thomson, habile graveur sur bois, de 
Londres, exécutait à Paris des vignettes supérieures à ce qui 
avait été fait jusqu'alors en France. Dès ce moment la gravure sur 
bois fut employée de plus en plus à la décoration des livres. En 
1823 paraissait le Magasin Pittoresque, excellente publication 
mensuelle, qui continue encore, et qui est enrichie d'un grand 
nombre de bonnes xylographies. Le Musée des Familles, publica- 
tion semblabe à la précédente, parut en 1832 et continue égale- 
ment encore. En 1834, M. Everait à Paris, en publiant une nou- 
vdle édition de Paul et Virginie, ornée de magnifiques gravures 
sur bois, ouvrit avec éclat le nouveau genre de xylotypographie, 
ou de livres dits illastrésa La renaissance de la gravure était 
dès lors accomplie. Tout fut Uîmtréj depuis les livres d'A-B-C jus- 
qu'aux livres de sciences ; le XYI*" siècle paraissait être revenu. 
L'Angleterre avait précédé les autres nations dans ce genre. L'é- 
dition illustrée des (Euvres de Shakspeare, le Livre des prières, 
les Mille et une nuits, le Penny-Magazine, le Sarturday-Magazine, 
le journal l'Illustrea London-New , le Art- Journal , et un grand 
nombre d'autres ouvrages dans ce genre furent imités en France 
et en Allemagne , et donnèrent naissance à d'autres publications 
pareilles. Souvent même on se servait dans ces deux derniers pays 
des clichés tirés sur les planches originales anglaises. 

De la grande quantité des éditions illustrées en France, nous 
ne citerons qu'une petite partie de celles qui se distinguent le 
plus par la bonté des gravures sur bois : tels sont les œuvres de 
Molière, publiées en 1835 ; les Mille et une nuits ; les Evangiles ; le 
Don Quichotte, de 1837 ; la Vie de Napoléon ; les Messéniennes 
deDelavigne, de 1840; le Jardin des Plantes de Paris, de 1842; 
Jérôme Paturot, par Louis Eeybaud , en 1845 ; La Fontaine , Bé- 
ranger et autres ouvrages ornés des dessins spirituels de Gran- 



Tille. Mais la plus remarquable publication de ce genre est l^s- 
toire des peintres de toutes les écoles, imprimée en 1849 par 
Claye. C'est un véritable monimient typographique. Jamais un 
ouvrage aussi distingué par le grand nombre et le mérite des vi- 
gnettes gravées sur bois, ainsi que par la beauté de l'impression, 
n'avait été exécuté. Les illustrations ont été gravées par MM. L. 
Dujardin, Pannemacker, Lavieille, Pisan, Verdeil, Ch. Jardin, 
Piand, Cabasson, E.Sotain,Tamisier, Carbonneau, Montigneuil. — 
Les vignettes de l'ouvrage intitulé les Edifices de Rome moderne, 
imprimé en 1850 par Claye, ne le cèdent en rien aux précédentes. 

Outre les graveurs sur bois déjà mentionnés, nous citerons encore 
pour la France, MM. Brevière, Porret, Lacoste, Sears, Suzemihl, 
Allansson, Relier, Hotelin, J. Gaucbard, Brugnot, Gérardet, 
Chemer, Barbant, Dabiel, C.-D. Lang, et beaucoup d'autres dont 
MM. Andrew, Best et Leloir sont ceux qui ont le plus produit. 

Pour l'Angleterre nous nommerons encore MM. Beneworth, 
Brown, C. Grey, R. Hart, J.-L. Williams, Orrin Smith, Horace Har- 
ral, W.-J. Linton, Edmund Evens, Mason Jackson, John Thomp- 
son, Green, Whymper, Cooper, etc., etc. 

En Allemagne la xylographie a aussi progressé ; elle y a retrou- 
vé son ancienne splendeur, et on l'exerce avec talent et bonheur. 

Frédéric-Guillaume Gubitz, né à Leipzig en 1786, fat nommé 
en 1804 professeur de xylographie à Berlin, à la mort de Unger, 
qui occupait cette place. M. Gubitz, habile graveur et homme de 
lettres, a continué glorieusement la marche progressive de la re- 
naissance de la xylographie que les Unger avaient inaugurée en 
Allemagne. Le nombre des gravures exécutées par lui-même ou 
avec l'aide de ses élèves est considérable; on en connaît plusieurs 
niifliers dont beaucoup sont très-distinguées. Outre la publication 
d'une grande collection d'ornements typographiques, il a com- 
mencé en 1834 et il continue encore aujourd'hui à faire paraître 
annuellement un almanach populaire, illustré de plus de 100 gra- 
des sur bois. 

Les livres illustrés ne manquent point non plus en Allemagne, 
^ elle rivalise avantageusement avec les autres pays dans ce genre 
de publications. Les plus remarquables sont les Niebehmgen, le 
Oidde Herder, le Reînecke Puchs de Gœthe, la Vie du grand Fré- 



166 

déric, un grand nombre d^almanachs et de journaux illustrés^ 
parmi lesquels le Faust et le Gutenberg, journaux polygraphiques 
publiés à Vienne; — un certsdn nombre de livres xylographiques, 
tels que des danses macabres, des reproductions d'anciens maîtres, 
etc. Les graveurs allemands les plus distingués de notre époque 
sont MM. Unzelmann , Otto et Albert Vogel à Berlin j Eduard 
Kretschmar, Bergmann, W. Georgy, Hermari Krieger à Leipzig; 
W. Pfiior, Kitschel de Hartenbach , J. George et Xavier FlegeL 
Kaspard Braun à Munich; Hugo Bruckner, A. Gaber, F.B^usche, 
Steiner, AiméRichter, Schmidt, à Dresde; Blasius Hœfel, Exter, 
à Vienne; Scbwerdtflehner, E. Grseff, Obermuller, C. Deis, dans 
d'autres villes. 

Ajoutons les éditions illustrées les plus récemment publiées dans 
divers pays, et dont la plupart a figuré à l'Exposition de Londres 
de 1851, et à celle de Paris en 1855. Tels sont plusieurs ouvrages 
sur l'architecture du moyen âge , ornés de belles xylographies, 
imprimés chez M. Parker, d'Oxford, depuis 1851. — L'Histoire 
de l'abbaye d'Altacomba, imprimé chez MM. Chirio et Mina, à 
Turin; chaque page est entourée d'ornements imités des manu- 
scrits du XV" siècle ; les gravures sur bois sont multipHées par la 
galvanoplastie. — Parmi les ouvrages imprimés en 1851, en arabe, 
en turc et en persan, au Caire (l'ancienne Memphis), il y en a 
quelques-uns qui sont ornés d'arabesques exécutées typographi- 
quement. Ceux-là sont imprimés sur un papier particulier, fabri- 
qué à Boulac (faubourg du Caire) par l'ancien procédé des cuves, et 
qui rappelle le papier Chinois. — Le Catalogue ojficiel descriptif 
et illustré de l'Exposition de 1851, publié chezM.Clowes de Lon- 
dres, et le Catalogue illustré de l'Exposition de New- York en Amé- 
rique. — Les traités scientifiques illustrés qui font une spécialité 
dans laqueUe se distinguent honorablement MM. Frédéric Vie- 
weg, à Brunswick, M. Victor Masson et MM. Claye et Lahure, à 
Paris. — L'architecture militaire du moyen âge de M. Viollet-Le- 
Duc, avec 153 gravures sur bois, et le Dictionnaire raisonné du 
Mobilier français de l'époque carlovingienne à la renaissance, du 
même auteur, orné de gravures sur acier et sur bois et de chro- 
molithographies ; tous les deux imprimés chez MM. Bonnaventure 
çt Ducessois. — Les musées de Rome chez M. Claye ; — les trois 



167 

règnes de la nature, édition illustrée par M. Curmer ; — PHistoire 
de llmprimerie, deux volumes avec texte encadré , spécimen de gra- 
vures sur bois, tirés en noir et en couleur à la mécanique, par M* 
Paul Dupont — Mais surtout La Touraine historique et pitto- 
resque, magnifique volume dans lequel sont représentés en perfec- 
tion la typographie, la gravure sur bois et sur acier, et la litiio- 
chromie, a été imprimé chez M. Mame, à Paris. 

Maintenant il ne sera peut-être point déplacé de citer quelques 
réflexions de M. Léon de Laborde sur la typographie illustrée (<) ; 
les voici: «H pense que l'introduction des gravures sur bois dans les 
livres n'a point renchéri les éditions nouvelles ; et, ajoute-il, pour 
la première fois depuis trois siècles elles ont offert l'exemple du 
luxe réuni àla modicité du prix. Tel livre qui, tiré à 1200 exem- 
plaires, dans les conditions où se trouvait l'imprimerie il y a 20 
ans, aurait présenté à l'éditeur un prix de revient de 3,000 fr. à 
côté d'un bénéfice possible de 2,000 fi:., a été imprimé avec tant 
de richesse, sur un papier si beau et avec une telle profiision de 
gravures, que les firais d'éditeur se sont élevés à 200,000 fi*. Tiré 
à 1200 exemplaires il n'aurait pu se vendre, car chaque exemplaire 
aurait valu plus de 200 fr. ; mais imprimé à 15,000, il entrait dans 
le commerce à raison de 20 fir. l'exemplaire, et l'édition rendait au 
libraire 100,000 fir.de béné&ce. 

« C'est d'après ces bases qu'est devenue possible et qu'a été faite 
la publication du Testament, des Evangiles, de Gil-Blas, de l'Imi- 
tation, de Paul et Virginie, de Mohère, de Don Quichotte, de Ma- 
non Lescaut, de l'Histoire de Napoléon, de Béranger, de La Fon- 
taine, et celle de tant de beaux livres. » 

Tel est, en général l'état florissant de la renaissance de l'artxy- 
lographique, état qui rappelle celui du XYI* siècle, où il avait pris 
sa plus grande extension. Cependant la xylographie de notre épo- 
que n'est plus la même que celle du temps des Durer et des Hol- 
bein, sous le rapport des procédés et de la manière. 

Procédés et genres de la xylographie* C'est dans 
la seconde moitié du XYIH* siècle que se manifesta un change- 

{\} Rapport snr PExpositton de 1^99. 



ment dans la gravure snr boig, opéré surtout par un autre procédé 
introduit dans k partie technique de cet art; procédé qui sépare 
probablement pour toujours la nouvelle méthode de graver de 
l'ancienne, tant pour le travail que pour Temploi. 

Les anciens graveurs se servaient pour leurs planches de pln- 
sienrs espèces de bois, telles que le comier, le pommier, le hêtre, 
le poirier et le buis. On conserve dans la Bibliothèque de la ville 
de Bàle une planche de buis contenant une magnifique gravure de 
Lutzelburger , représentant Erasme appuyé sur un terme, et des- 
siné par Holbein le jeune. Cette planche est encore si bien conser- 
vée, qu'elle donne des épreuves supérieures en pureté à celles qui 
ftirent tirées alors, ce qui provient, de ce qu'on imprime mainte- 
nant avec plus de soin. 

L*on se sert aujourd'hui généralement de Inds, dont fe grain est 
plus compact et plus serré. 

Autrefois, quel que fllt le bois employé, on gravait sur une des 
feces dans le sens dnfil du bois ; aujourd'hui on ne grave que sur 
le bois debout, pressé et préparé convenablement Tt en résulte que 
le bois conserve toute sa force, et que ses fibres ne sont pas sujet- 
tes à s'égrener sous Feifort des outils, comme cela arrivait souvent 
lorsqu'on gravait sur le bois de fil. 

Cet important perfectionnement est dû à Thomas Bewick, qui 
paraît aussi avoir introduit l'emploi du burin dont on se sert 
maintenant. Les burins et les échoppes ont remplacé les pointes 
faites de ressorts de pendules et d'autres outils en usage autrefois, 
pour faire les tailles, les entre-tMlles, les coupes et les recoupes. 
Lorsque la surface à graver est bien dressée et parfaitement unie, 
elle reçoit le dessin, soit directement par la main du dessinateur, 
soit au moyen du décalque d'un dessin fait sur papier, ou 
d'une épreuve de la vignette qu'on veut reproduire. Le dessin ou 
le calque étant terminé sur la planche, on recouvre ceBè-ci d'une 
feuille de papier coDé par les bords, et dont on déchire successi- 
vement de petits morceaux, à mesure que la gravure avance, ce qui 
reste de papier servant à inrotéger le dessin, que le frottement de 
la main pourrait effiicer. On grave le corps des figures, avant de 
graver le dehors de leurs contours. Lorsque tous les détails sont 
faits, on marque fortement le bord des contoors, ell'on dégage en- 



i69 

tièrement la gravure, c'est-à-dire qu'on creuse profondément les 
vides qui n'ont pas de dessin. Tous les genres de tailles sont em- 
ployées, les hachures parallèles et les hachures croisées, simples 
ou doubles, dans tous les sens. 

Quelques artistes habiles produisent des e£fets admirables par 
des hachures parallèles, renflées ou amaigries à propos ; d'autres 
se contentent d'un seul croisement de traits et l'emploient avec 
bonheur ; d'autres enfin, surtout en Allemagne, imitent parfaite- 
ment la manière des anciens maîtres de l'école allemande. Au 
moyeu de noirs pleins et de lumières habilement ménagées, on 
produit en taille d'épargne un effet prodigieux et une grande fraî- 
cheur de tons; mais malheureusement on ne réussit pas aussi bien 
à reproduire la finesse et l'harmonie des demi-teintes. 

Ce qui contribue encore à distinguer la xylographie moderne, 
c'est le tirage. «Au commencement du siècle, dit M. Firmin Didot (*), 
M. Charles Wittingham fit par^tre ces charmantes éditions, édi- 
tées par M. Pickering, qui ont rendu célèbre la Chistoick-press. 
Personne jusqu'alors n'avait imprimé aussi parfaitement les gravu- 
res sur bois, en appliquant avec avantage les hamses et les décou- 
pages pour obtenir les gradations dans les teintes. Ce succès en- 
couragea les graveurs à donner aux tailles sur le bois une finesse 
inconnue au temps où Albert Durer était forcé d'employer de lar^ 
ges tailles nécessitées par la rugosité du papier et l'imperfection 
des presses. » 

En général, on cherche à rendre aussi bien que possible le des- 
sin à la plume, la gravure à l'eau-forte, et celle au burin. On a fait 
aussi quelques essais pour imiter Vaqua tinta. Dans le Musée des 
Familles de 1845, il y a deux planches très-remarquables dans ce 
genre: l'une de ces planches représente des artilleurs à cheval, 
l'autre un petit garçon couché dans la neige au pied d'un arbre et 
à côté d'une cage contenant un hibou ; cette planche porte pour 
souscription « un futur milhonnaire. » Ces deux dessins sont de 
l'invention de Charlet , qui les avait faits peu de jours avant sa 

mort 
MM.Haase,àPrague, ont parfaitement réussi â reproduire par 

[i] Rapport sur l'Exposition 1854.— L'imprimerie, la librairie et la papeterie; Paris, 
4854, iii-8*. page 46. 



170 

la presse typographique les genres suivants : les desfttHs au Uf¥lj^ii 
lithographique, les différentes manières de gravwre en todUe^ddUôe, 
les gravures faites au moyen du tour à guiUoeher , et dn procédé 
Collas, tous propres à être intercalés dans le texte, ou à être im- 
primés séparément 

Un genre particulier de xylographie très-répandti, snrtottt dans 
le XVI' siècle, c'est celui qu'on nomme camaïev (corrupticu de 
caméhuitty nom que les Orientaux donnent à l'onyx, pierre à e<«i- 
ches de différentes couleurs). Ce genre de gravure sert à imiter 
les dessins faits sur papier teinté et rehaussé au crayon blanc. Les 
Italiens le nomment clair-obscur. On l'appelle aussi ^avnre à 
plusieurs taflles, ou gravure à taille d'épargne et à rentrées, par 
opposition à la gravure xylographique ordinaire à une set^ taille, 
c'est-à-dire à une seule planche, tandis que pour le genre e amiideu 
on se sert de plusieurs planches qu'on appelle taflles. 

Lorsqu'on veut exécuter un dessin dans ce -genre de gfavtire, on 
trace d'abord sur une des planches le contour du dessin, et on 
th-e plusieurs épreuves sur papier, que l'on décalque toutes fraî- 
ches sur les autres planches qui doivent être de la même grattïdeur 
que la première. Sur chacune de ces épreuves on marque au pin- 
ceau les masses des dégradations de teintes qui composent ïe des- 
•isin, de manière que la première planche représentant le ton gé- 
néral et les lumières, la seconde planche doit rendre les demi- 
teintes, la troisiènje les ombres ordinaires, et la quatrième, s*B y a 
lieu, les ombres les plus prononcées. On peut se servir de deux 
planches seulement, ou de trois, ou de quatre et même d'un pins 
grand nombre, suivant le caractère du dessin. Lorsque îes masses 
dessinées sur chacune de ces planches sont évidées et dégagées, 
on les détaille par des hachures, mais moins délicatement que 
d ans la graviu-e sur bois ordinaire, en prenant soin toutefois que 
les rentrées d'une planche à l'autre soient bien exactes, Tune de- 
vant compléter l'autre. En tirant les épreuves sur papier, les plan- 
ches se placent successivement, et en suivant le même ordre que 
nous avions indiqué pour la gravure, dans un châssis de bois cor- 
respondant au cadre qui soutient le papier, on bien eny adaptant 
des points de repère. 

Ce genre de gravure sur bois est très-ancien et a été probable- 



\1\ 

îhfent pratiqué dàhs le XV sièclte, à èà jùgèf d*aprè's queîqMâ li- 
vres qui èontienne'nt des imprêsâîons obtenues par plusieurâ plan- 
ches; mais l'inventeur n'en est point connu. Vasàrî l'âttribùe àÏÏgo 
de Capri, qui vivait vers 1500. « Ce peintre médiocre, dit-il (Îmis 
la vie de Marc- Antoine, mais homme d'un génie subtil, découvrît la 
manière de ^àVer en bois des estampes qui paraissent colôrîë'e^ 
en clair-obécur. Son procédé consistait à employer deux planches 
dont l'iule servait à marquer lés contours et les ombres, et l'autre 
à appliquer la couleur. Les lumières étaient obtenues au moyen 
du blanc du papier que les tailles laissaient intact. Ugo exécuta de 
cette façon, d'après un dessin de Raphaël, ime Sybîlle assise èVli- 
sant àlâ Itieur d'une torche tenue par un enfant. Encourag'é par te 
Sûccèâ , tJgo imagina de faire des estampés avec trois planches : 
la première produisait les ombres, la seconde les demi-teîntes, et 
la troisième les lumières. Ugo, ayant réussi dans son nouVèl ëséaîs, 
grava Enée portèbtson père Anchise pour le sauver de l'èmteàse- 
meAt de Troie, uùe Descente de croix, et l'Histoire de Simon le ma- 
gicien, désignée par Raphaël. Il publia également la mort de Crdiath 
et la faite des Philistins d'après un dessin de Raiphaël, tïné Vé- 
nus joaant £tvec des Amours , un Dîogèrie , et une foule d'àùttes 
pstàimpes en clàir-obscur. » 

Cependant les plus anciennes épreuves en camaïeu, pot^t 
une date, qui soient venues jusqu'à nous, sont deux gravures 
de Lacas Cranàch , représentant l'une un saint Chrîstôpbe , et 
Tantre l'Amour et Vénus, toutes les deux marquées du milléfeîWe 
de 1506. La plus ancienne gravure en clair-obscur d'Ûgô rfé 
Capri porte la date de 1518 ; elle est par conséquent de beau- 
coup postérieure aux deux précédentes. On cite même dès ba- 
vures en cam^'eu d'un graveur allemand, Jean-Ulrich Fiîgrîïft, 
qui vivait dans le XV* siècle , et que les Français nomment le 
maître aux bourdons croisés. 

On possède encore d'autres estampes en canialeu de Lucas 
Cranach : ce sont le Martyre des Apôtres , saint Antoine , une 
sainte Famille, le Repos en Egypte^ Adam et Ève, samt Jérôme, 
toutes de 1509; — un saint Christop(Ke et un saint Jérôme de 
1516, et 4 feuilles de tournois. Parmi les autres graveurs alle- 
mands du XVI* siècle qui ont exécuté des gravures en clair- 



l?2 

obscur, nous nommerons principalement Burgkmair, Dienecker, 
George Matheus, Laurent Stœr, Albert Aldorfer. En Hollande, 
il y a Henri Golzius, Christophe Jegher, Abraham Blœmsert, 
P. Moreelsen. 

Mais ce fut surtout en Italie que ce genre de gravure pros- 
péra, et Ugo eut de nombreux imitateurs : André Andreani, 
Balthasar Peruzzi, Francesco Mazzuoli, Antoine de Trente, 
Domenico Beccafumi; Vecelli dit le Titien, Jean Gallus, Do- 
menico Falcini, Peuozzi, Christophe et Bartolomi Coriolan, etc. 
Le comte Antoine Maria Zanotti (florissait de 1720 à 1740), à 
Venise, remit dans le XVIH" siècle de nouveau en vogue ce 
genre qui avait été abandonné presque totalement dans le XYH* 
siècle. Ses gravures en clair-obscur, au nombre de 70, sont 
généralement faites d'après Baphaël et le Parmesan. Le camaïeu 
ftit aussi cultivé dans ce siècle, en France par Bussink, Matthieu, 
Papillon, Lesueur ; en Angleterre par Jean-Baptiste Jackson et 
Edouard Eirkall ; en Allemagne principalement par F. -G. Gu- 
bitz , qui a exécuté en camaïeu quelques belles estampes dont 
une principalement en couleur. 

Le genre camsû'eu ou clair-obscur a trouvé son appUcation plus 
tard à l'impression polychrome , dont nous avons parlé plus 
haut. 

Dans l'ouvrage publié à Saint-Pétersbourg, en 1854, sous le 
titre < Les Antiquités du Bosphore cimérien, > chef-d'œuvre 
typographique (') , il y a deux vignettes gravées sur bois, cou- 
ronnant le texte du second volume, qui sont d'un genre d'im- 
pression particulier. L'une de ces vignettes représente la vue de 
Kertsch , l'autre le mont Mithritade ; les premiers plans de ces 
^ sites sont imprimés en noir, les lointains le sont en brun, et le 
ciel et les cimes neigeuses des montagnes en bleu clair, agen- 
cement de couleurs très-heureux, et qui fait un bel effet. 

Déjà avant 1823 , le célèbre Applegath , en Angleterre, pour 
imiter les gravures coloriées ordinaires , procédait par juxtapo- 
sition, en se servant de plusieurs planches de bois, intercalées 
les unes dans les autres, et imprimées d'un seul coup à la presse 

(1) On trouvera les détails dans l'article sur la lithographie. 



173 

typographique ; genre d'impression qu'on appelle en Angleterre 
œmpound prinUtu/j ou impression composée, et qui a du rapport 
avec le procédé dit à la congrève , inventé plus tard. Applegath 
publia, au moyen de sa méthode, des feuilles couvertes d'ima- 
ges pour les enfants. 

On ne s'est pas arrêté à la reproduction exacte des dessins 
de maîtres, on a aussi imité typographiquement le texte d'an- 
ciens et précieux manuscrits. A cet effet , on copiait les lettres 
trait par trait en les gravant en acier pour les mouler ensuite, 
et on appelait ces impressions, obtenues avec ces lettres, impres- 
sions fac-similé (Facsimiledruck). Le premier produit de ce genre 
fut fait en Italie, par le graveur et fondeur de lettres Manni, en 
1741 ; c'est le Virgile dit des Médicis ; Florence, petit in-4", dont 
quelques exemplaires sont imprimés sur vélin. Les Anglais s'oc- 
cupaient particuHèrement de la reproduction de manuscrits rares ; 
le premier ouvrage important qui fut publié en Angleterre était le 
Dmnesday Book , qui avait été écrit en deux volumes par or- 
dre de Guillaume !•', et que la Chambre des lords fit copier eu 
1783 par Farley, et imprimer par Nichols. Bientôt après parut 
le Nouveau Testament tiré du Codex Alexandrinus , du Brittish 
Muséum, publié sous la direction du docteur Woyde, et im- 
primé sur vélin en 10 exemplaires seulement Les quatre Évan- 
giles et les Actes des Apôtres d'après le manuscrit de Béza, que 
le docteur Kipling publia à Cambridge en 1793, sont un chef- 
d'œuvre typographique. Les mêmes types servaient à une édition 
des Psaumes, qu'un des bibliothécaires de ce Musée publia en 
1812 (*). La lithographie , l'impression anastatique et d'autres 
procédés dont nous parlerons dans la suite , ont été substitués à 
ce genre de reproduction difficile et dispendieux. 

Procédé pour imiter on pour remplacer la gra« 
▼are sur bois* En considérant la fragilité de la matière em- 
ployée dans la xylographie , les planches de bois si faciles à se 
fendre, les traits reliefs si délicats, qui ne supportent pas indé- 
finiment le travail de l'impression sans s'altérer, on comprend 

(1) Dr. Falkenstein, déjà cité, page 372. 



174 

^u'oç aî^ c]^fTcihfi depps loqg^mps des moyens de cqn^çiry^ 
les pl^çl^eç ori^ales, ou de les remplacer par une matière 
plus solide. Aussi a-t-on de bomie heure beaucoup gravjé sur 
méta^ su];i;out en France et en Italie , et on a cherché à repro- 
duire les planches de bois gravées, au moye|i du polyt]^age et 
par des clichés de toute nature. Quelques, procédés ont été dé- 
crits plus haut; nous en indiquerons encore plusieurs autres. 

M. F.-J. Holfinann de Schelestadt, en 1792, prit un brexet 
pour une invention qui avait pour but la gravure en relief des 
cartes géo^aphiques. Son procédé consiste à recouvrir une 
planche de cuivre d'une couche terreuse de l'épaisseur d'une 
li^e; cette couche est composée d'ocre, de sel de tartre et 
d'une bonne dose de gomme arabique , le tout délayé dans du 
vinaigre ; on forme la couche en plusieurs fois , en fusant sé- 
cher chaque fois la planche dans une étuve, après quoi on 
trace sur cet enduit, devenu très-dur, la carte ou tout au- 
tre dessin dont on veut avoir le plan en relief. Le tracé fini, 
on met la planche pendant 24 heures dans une cave un peu 
humide. Le sel de tartre , tombant en déliquescence , ramol- 
lit la terre et la rend propre à être coupée avec de petits 
instruments fsdiriqués pour ce travail. On a soin de creuser jus- 
qu'au cuivre, et, la gravure terminée , on laisse de nouveau sé- 
cher la couche. On obtient par ce moyen un creux, une matrice 
dç la gravure , dont on prend des clichés par le procédé poly- 
typique ou stéréotypique ordinaire. M. Carez, imprimeur à 
Toul, ignorant ce procédé, a pris en 1827 un brevet pour un 
procédé de gravure en relief qu'il nomme pantoglyphie , et qui 
ne djb^re de celui de Hoffinann que par la couche dont il re- 
couvre la planche. 

Depuis longtemps de nombreuses tentatives ont été fai- 
te% i^>ur obtenir des gxAvures en relief sur métal par l'em- 
ploi des mordants. Les anciens maîtres y avaient songé, et 
quelques vignettes, dont les épreuves existent dans les cabinets 
de§ çudeux, ^mblent ne laisser aucun doute à cet égard. A 
Parii^ les frères LaïQJbert et M. Girardet paraissent avoir eu re- 
cours à ce moyen au commencement de notre siècle. M. Carez 
de Toul élève les mêmes prétentions , qu'il fut remonter à 



176 

18ÛiL II procédait de la même manière q[ue le graveur à Peau- 
f^rte; maia ce procédé a rincouvément que la morsure se fait 
laténtewent aussi bien qu'en profondeur. H. Dembours à Metz 
perfiMStionna en 1834 ce procédé : il dessinait avec du vernis et 
un pinceau et faisait mordre avec l'acide nitrique à 18* , s'il fai- 
sait chaud, et avec 20", s'il faisait froid. M. Deleschamps recom- 
mande hglyphogène suivant : 2 onces d'acide nitreux à 30®, 6 gros 
d'acétate d'argent et 16 onces d'éther nitreux hydraté. MM. Collas 
et Boqoillon ont ég^ement fait des essais dans la gravure re- 
lief pour la rendre aussi parfaite et aussi économique que la taille- 
douce. M. Eberhard à Darmstadt a substitué le zinc au cuivre. M. 
DuQ«at-Karat a publié en 1842 un procédé pour fournir des plan- 
ches imitant la gravure sur bois: il consiste à recouvrir une plan- 
che de cuivre de vei^jds de graveui* , à la graver à la manière 
ordioaire, après quoi on la fait mordre avec l'acide nitrique. 
XjvjX ensuite enlevé le vernis et nettoyé complètement la plan- 
che^ onPeacre àl'aide d'ua tampon employé par les graveurs sur 
boi&f puis on la saupoudre avec diverses substances en poudre qui 
adhèrent au vernis et forment déjà un relief sensible; des appo- 
sitions successives d'encre grasse et de la substance en poudre Re- 
lèvent au degré voulu. Quand la planche est ainsi préparée, on la 
cliché^ et au moyen du brunissoir ou du charbon, on peut dimi- 
wmt ou aiig^iienter les vigueurs. M. Dunant-Narat a appliqué son 
procédé à Viîltisiration de plusieurs ouvrages , où l'on a pu multi- 
plier beaueoug? lès figures, vu le prix peu élevé auquel on peut ob- 
tenir les gravure& La diâerence de prix est généralement de 40% 
pour certaines gravures, eUe s'élève même à 50%. 

M. Jobard, de Bruxelles, décrit en 1839 un procédé (*) assez 
semblable au précédent, pour imiter sur cuivre la gravure sur bois. 
Voici en q^voi il consiste : on dessine sur du cuivre avec une plume 
métallique très-fine et une encre composée de vernis de graveui* 
(iisaous dans de l'essence de lavande à consistance de «crème. Il 
to avoir soin d'essuyer le cuivre avec de l'essence de térében- ^ 
thine ou de l'eau de savon pour empêcher l'encre de s'étajer; ou 
obtient de cette sorte des traits comparables par leur finesse à ceux 

(1) Rapport sur ^E\pu^ition iVaiiçaise du ]S;-t9. 



I 

J 



u_^ 



176 

de la taille-douce. Il s'agit ensuite de faire mordre lentement, 
mais profondément, le cuivre. On obtient alors un relief qui peut 
se polytyper ou s'intercaler lui-même dans le texte. Le pointillé, 
l'entrecroisement des tailles et la facilité des corrections sont le 
propre de cette méthode. M. Jobard a fait de cette manière, le 
portrait en pied de David, et un cul-de-lampe très-fini. 

Un avantage qu'offire cette méthode pour les dessins qu'on veut 
multiplier à Tinfini , c'est de graver de la sorte le dessin en ques- 
tion, de couvrir un rouleau de bois avec la planche de cuivre plo- 
yée sur la circonférence, de l'encrer avec un autre cylindre ju- 
meau, et de l'imprimer sur un papier continu. Une gravure de 
ce genre s'imprimera d'autant mieux, qu'elle sera plus générale- 
ment couverte de tailles pressées, sans espaces entièrement blancs, 
n y a plus, c'est qu'après l'avoir fait mordre à l'acide, il n'y aurait 
qu'à la préparer lithographiquement, afin de donner aux creux de 
l'antipathie pour l'encre grasse, de sorte que, si la planche venait à 
s'empâter, un peu d'eau et d'essence de térébenthine suffirait pour 
la nettoyer, comme cela se fait pour la pierre et le zinc lithogra- 
phiques. 

Ce sont surtout MM. Andrew, Best, Leloir, à Paris, qui em- 
ploient le cuivre pour la gravure en relief, et qui reproduisent sur 
ce métal, moitié à l'eau-forte, moitié au burin, mais toujours en re- 
lief, des sujets d'histoire naturelle, des détails anatomiques avec 
une grande habileté (*). 

Voici un autre procédé auquel les inventeurs, MM. Firmin Di- 
dot frères ('), ont donné le nom de Chrysoglyphlea Sur une 
planche en cuivre recouverte du vernis ordinaire des graveurs, on 
fait mordre, au moyen d'une eau acidulée, le dessin qu'on y a tracé 
& la pointe; on ne fait mordre qu'une fois, afin que la profondeur 
des tailles soit la même partout, puis on enlève le vernis qui re- 
couvre les parties non mordues; cela fait, on revêt la planche d'une 
couche d'or, soit par l'action de la galvanoplastie, soit en employant 
la dorure au feu. On recouvre alors d'un mastic inattaquable aux 
acides toute la surface de la planche, que l'on chauffe en des- 

(1) M. Léon de Laborde, Rapport sur l'Exposition de 1839. 

(2) Brevet d'invention du mois d'avril, 1854. Voyez l'imprimerie, la librairie et la 
papeterie de M. A.-Firmin Didot, 1854, p. 3S. 



177 

S0U8 pour que le mastic pénètre bien dans toutes les parties 
creusées ; puis, avec un grattoir à graveur, on enlève à h^ surface 
de la planche le mastic, qui ne reste que dans les parties gravées. 
On frotte ensuite avec une pierre ponce ou un charbon la sur- 
face de la planche, pour enlever l'or, en sorte que le cuivre est 
mis à nu partout où le dessin n'est pas préservé par l'or et le 
mastic qui recouvrent les traits. Alors, au moyen de morsures 
réitérées, on attaque le cuivre à des profondeurs diverses, selon 
le besoin, et on emploie l'échoppe ou la scie à repercer là où il est 
nécessaire. 

Essais polytjpiques de M. Jobcurd ('): Il suffit de se 
procurer une plaque de fonte, que l'on fait border de quatre peti- 
tes règles de métal dépassant la surface de la table d'un demi-milli- 
mètre environ; sur cette plaque on coule une composition de cire, 
de savon, de suif, et peut-être de plâtre moulu; onrégalej com- 
me on dit, cette composition à l'aide d'une règle en fer chaufiFée 
qui, appuyée sur les rebords, n'en laisse qu'un demi-miUimètre 
d'épaisseur sur toute la plaque. Sur ce magma refroidi on n'a 
qu'à écrire ou à dessiner avec une pointe de fer tenue per- 
pendiculairement et pénétrant jusqu'au métal; il faut que la 
composition se coupe net comme du savon de Marseille. Quant 
la gravure est terminée, on remonte les règles latérales de deux 
centimètres, à l'aide de vis, et on coule sur cette planche une 
composition de plâtre et d'alun calcinée ; on fait pénétrer à l'aide 
d'un blaireau dans les traits de la cire, et on la laisse prendre ; 
le plâtre acquiert la dureté de la pierre. On aura de la sorte 
une forme en relief inverse, qui donnera autant d'épreuves que 
l'on voudra, par la méthode d'impression suivante: Encrez la 
forme à l'aide d'un rouleau de gélatine et une encre convenable, 
posez la feuille de papier, et passez par-dessus un autre rouleau 
propre de même composition ou une brosse. 

La CHtalcotypte^ autre procédé dé gravure en relief, inventé 
en 1851 par M. H. Heims, de Berlin, consiste à recouvrir une plan- 

(i) Rapport de 1839. p. 322. 

8* 



178 

elle de cuivre d'i^ç^couche. mince de vernis orfl^mâi'e, sur Laçtuelle 
op, dçi^siûg. avec i^ç çijinte comm^ 8|W'Upapier ; puis, par les mo- 
yens que fournit la chimie la plus élémentaire, le djç^fijin de la 
pj^che est reproduit en relief, propice au tirage sou^ la presse ty- 
pographique. Les dessins les plus délicats, faits par. les artistes 
eux-n^êmes, peuvent être reproduits de cette manière, sans 
perdre la, fidélité, ou la pureté de l'original; ils imitent parfaite- 
ment le travail à la plume ou à l'eau-forte. M. B. Bçhr, éditeur à 
Berlin et à Paris, a publié en 1856 un Album faç-^rniie des 
Artistes contemporains, exécuté en chalcotypie et impç^é à la 
presse typographique. 

Pour le clichagei on a employé avec avantage la gi^tt^pe;rcha 
dansla confi^ction des matrices. On est allé plus loin encore, et on 
s'est ^^^ de la gutta-percha pour former les vignettes elles-mêmes 
qui doivent servir à l'impression. C'est de cette substance qu'on a 
tait de grai^des lettres pour affiches et pour des litres de livres, 
ainsi q^e des fleurons et des vignettes. Dans le manuel de l'im- 
primerie de M. C.-A. Franke, publié à Weimar en 1855, on voit 
figurer un portrait de Gutenberg , imprimé très-nettement av^ 
une vignette en gutta-percha, qui a supporté le tirage d'une forte 
édition sans s'altérer. 

Dès 1832, M. Michel, à Paris, avait exécuté des clichés en bi- 
tume qui reproduisaient parfaitement les types originajgi^, MM. 
Mauchin et Moret, de, Londres, en 1851, ont également rj^pduit 
des vignettes semblables^ 

JJji, ouvrier e^ stéréotypie attaché à l'Imprimerie impériale de 
Vienne, vient de faire une remarque intéressante : c'est que les 
moules faits en plâtre préalablement dissous dans l'eau,^ o,u mieux 
encore dans l'esprit-de-vin, se rétrécissent uniformément Basant 
sur ce fait son procédé, il est parvenu à livrer des réductions de 
typographie, de xylographie et de médailles^, en les d^inuanl; 4Çi 
grandeur par douze degrés, ou à peu près 3 sur 1" de diamètre, 
et sans que les proportions ni la netteté en souffrent 

Npus papfberons sous silence d'autre? méthçdç^ qui nou^j^^- 
sefljt .moins, pratique^, Les procédés chimiques sur pierre li^<?gra- 
phique, et les procédés électrotypiques pour remplacer les gravu- 
res sur bois, seront mentionnés plus loin. Parlons encore, de quej^ 
ques emplois particuliers de la xylographie. 



17« 

L^t^pograpisetetlesitieMux-aol» profitent largement de Ia.|^- 
mre stir Ikos, nads^iSQnieinploi s'étend encore plus loin, hicois^? 
meroe etl'indastrie en^ lusent également. Outre les différentoaina*- 
pressions- plus ou- moins: ornées de gravures dont se serventies. 
c«9i^agmes.commerciales de tous genres, il y a encore les cai^tiea:^,. 
leer^retieurs, les fabricants de papiers de fantaisie, mais surtout .ks 
mannfjâctures de papiers-tenture et de tissus peints qui fon^ ua 
usage très-grand de lagravure en relief sur bois et sur métal 

Fapttevd pjBiIntfti 0t. tl««u8 peints. L'art du papier peint 
nous est venu de Chine, et il parait que les Anglais furent les pre- 
miers qui Fimperàèrent en Elurope. La fabrication du jxapier- 
tenture commença, dans ce dernier pays, par le papier velouiié, 
fonnant- ainsi une suite naturelle des étoffes précieuses qui ser- 
vaient autrefois de tapisserie et de garniture de meubles. Ce ftit 
un sieur. Lefrançois (*}, établi à Rouen en 1620, qui fit la décou- 
verte du ps^ier velouté, découverte que les Anglais attribuent à 
Jérôme Lanyer, qui obtint sous le règne de Charles I*' une pa- 
tente datée du l""' mai 1634. 

A Augsbourg il y avait Abraham Mieser (*) (né en 1676, mort 
en 1742) qui le premier «fabriqua du papier impriméen couleur, en 
or et en argent^ au moy^n de formes gravées en relief sur boi&,ou 
sur cuivre jaune. 

Au XVIII' siècle on vendait en France une sorte de papier sur 
lequel, au moyen de planches de bois et de patrons découpés, ou 
avait impcimé et peint avec des couleurs, différents dessins de per- 
sonnage^ de fleurs et. d'ornements; ce papier se nommait do- 
mino, et ceux qui le fabriquaient dominoUers ('). Il ne servait qu'à 
couvrir les coffres et coffrets en carton. 

Le papier peint proprement dit était à peine connu e& 1 760 , en . 
France (*); on se servait ordinairement du papier anglais. 

(i) Dictionoaîre de comuot^rce et de marchandise, Paris 1839. — Rapport sur les 
papiers de tentures, de l'Exposition de Londres de 1851, Paris 1855. 

(2) Kunst- und Handwerk-Geschichte der Stadt Augsburg, vonPanl von Stetteu. 
1779, page 258. 

(3) Dictionnaire portatif des arts et métiers, Yverdon, iTÔI*.— DictionwuirotocliBQ^ 
lo^ue, Paris 43^ 

(I) DictàoimatffisdQ l'IndJUA^ie, Paris, au U^ 



180 

Lorsqu'on commença, en Angleterre, la fabrication du papier 
peint, le procédé chinois fut d'abord appliqué, c'est-à-dire l'im- 
pression préalable des contours, puis quelques teintes plates, dites 
géométrales. Ce ne fiit que vers 1785 que Béveillon {% de Paris, 
porta cette fabrication à un assez haut degré de perfection. Dès 
cette époque on fit des progrès rapides, et maintenant, grâce au 
concours d'artistes et de fabricants intelligents, on imite à s'y mé- 
prendre tous les genres de peintures, en se servant quelquefois 
Jusqu'à cent planches, suivant le mélange et la variété des couleurs. 

Les papiers peints ont été précédés par les tissus peints , qui 
sont également d'origine orientale. 

Les Portugais, qui découvrirent les Indes, n'en firent connaître 
en Europe que les produits; il était réservé à un peuple plus in- 
dustrieux, les Hollandais, d'y importer les procédés de leur fabri- 
cation. Ces toiles, connues sous le nom de perses ou indiennes, n'a- 
vaient d'imprimé que le trait; les sujets étaient coloriés au pinceau. 

A la suite des troubles religieux, les Français réfugiés en Hol- 
lande (*) s'appliquèrent avec succès à la toile peinte, et paraissent 
l'avoir exportée de ce pays dans la Suisse et en Allemagne. Selon 
M. Thompson, c'est un réfiigié français qui établit la première fia- 
brique à Richemont, sur la Tamise, en 1690. Ce fut aussi un réfu- 
gié français qui introduisit cette industrie à Neuchâtel en Suisse, 
en 1689; c'était Jacques Deluze, natif de Saintonge. Sa fabrique 
prit un tel développement, qu'en 1750 son fils se vit à la tète d'un 
des établissements les plus considérables du continent. 

Dès ce moment la concurrence se créait, et de nouveaux fabri- 
cants s'établirent à peu de distance, ou passèrent en Allemagne, 
en Portugal, en France même. Mais les fabriques en Alsace ne 
firent de véritables progrès qu'à partir du moment (1746) où ils 
s'entourèrent d'imprimeurs et de graveurs de Neuchâtel et de 
Genève. 

Dans cette dernière ville, les Fazy et leurs successeurs, les Petit 
et les Labarthe, possédèrent des fabriques très-florissantes. Le 
Genevois Frey (1740) élevait la première fabrique d'indiennes 

(1) Dictionnaire de l'industrie, an IX. 

(2) Voyez pour tous les détails de cette fabrication l'ouvrage classique, le Traité 
théorique et pratique de l'impression des tissus, par J. Persoz, prof. Paris, 1846. 



181 

que la Normandie ait possédée. Cependant en Allemagne, à 
Augsbourg(*), on avait déjà imité sur futaine, en 1523, les pro- 
duits de l'Inde; mais il est probable que ce n'étaient que .des 
peintures à l'huile. Ce n'est qu'en 1698 que ftit accordé à 
George Neudorfer, de cette ville, le privilège de teindre en ga- 
rance les tissus imprimés, n y avait aussi dans ce temps un fa- 
bricant Jean-François Gignoux, natif de Genève (1692) qui se 
distinguait surtout dans la connaissance des couleurs. 

Jean Henri baron de SchtQe est généralement regardé comme 
le créateur de cette industrie en Allemagne : il obtint l'autorisa- 
tion d'établir une fabrique à Augsbourg en 1750. 

L'art d'imprimer les tissus se perfectionna peu à peu dans le 
courant du XVlll® siècle, et continua de progresser d'une ma- 
nière remarquable jusqu'à nos jours, où il n'a point encore trouvé 
ses limites. 

Les procédés de l'impression du papier-tenture et ceux des 
tissus ont entre eux beaucoup de ressemblance sous le rap- 
port de la gravure et de l'emploi des planches, tandis qu'ils 
diffèrent essentiellement sous celui de l'apphcatîon des couleurs 
et des autres manipulations. Ce n'est que de l'emploi de la gravure 
en relief que nous allons donner quelques détails. 

Les bois dont on se sert pour la gravure des planches sont 
les mêmes qu'on a désignés plus haut pour la xylographie, mais 
on préfère le poirier pour les petites planches, le noyer pour les 
grandes. Après avoir bien aplani les surfaces, les planches 
passent entre les mains du metteur su/r hais, qui trace sur chacune 
d'elles les traits de la couleur qu'elle devra imprimer. Ce tracé 
fait, le graveur se met à l'œuvre, et nous rencontrons là les 
mêmes outils que les xylographes en illustratiom ont relégués 
depuis l'époque de Bewik, c'est-à-dire différentes espèces de 
gouges, de pointes tranchantes, de bouts-avants, et le drille. 

La gravure sur bois avait peu à peu remplacé le pinceau; à 



(4) Stetten, page 254. Dans le mobilier appartenant à l'église métropolitaine d'Augs- 
lH)urg da XV* siècle, il est fait mention d'étoffes imprimées, et les registres du fisc 
de 1480 à 1495 contiennent le nom d'un imprimeur de toiles. Puis en 1523 il y est 
qoesUon d'un imprimeur de futaine, Jœrig Hofman.— VoyezaussITh. Herberger's 
friihere Industrie Augsburg's, 1852, p. 46. 



182 

celle-ci s'associa bientôt la gravure en creux sur cuivre, et plus 
tard' la lithographie; mais la xylographie, relativement modifiée, 
resta le plus généralement employée. 

La nature fragile du bois ne permettant point d'arriver à pro- 
duire des traits aussi déliés que les picots ou engrélures d'une 
dentelle, sans risquer de les détruire >au premier coup de presse, 
on pensa de substituer des picots en métal aux picots en bois. 

« Ces picots en métal sont des fils de cuivre rouge ou jaune, 
d'une longueur égale à deux fois la profondeur de la gravure, et 
amincis en pointe à l'une de leurs extrémités. Le graveur^ muni 
d'une petite matrice dans laquelle s'enchaîne le picot, l'enfonce 
dans le bois jusqu'à la moitié de sa longueur au moyen d'un mar- 
teau. L'heureux parti que l'on a tiré de l'emploi des picots a 
bientôt conduit le fabricant à faire laminer des lames de cuivre 
jaune de différentes épaisseurs, à les découper et à les enfoncer 
dans le bois, en leur donnant la forme d'un ovale, d'un rond^ d'une 
feuille, d'une arabesque, etc. On est arrivé ainsi à. produire sur 
bois des lignes continues ou brisées aussi déliées que possible 
et qui résistent aux chocs de l'impression sans se déranger. 

« Ensuite on est allé plus loin : au laoyen de filières de l^iai- 
noirs et de machines à gaufrer, on est parvenu à donner aux fils 
et aux lames de cuivre des formes tellement variées qu'il suffit 
de les implanter dans le bois, convenablement assemblés, poui* 
former un dessin quelconque. 

« On ne s'arrêta pas à cette amélioration. On avait remarqué 
que, lorsqu'on imprimait des parties massives, les contours n'en 
étaient pas nets, et que la couleur n'était pas répartie uniformé- 
ment sur l'étoffe. Pour remédier à ces inconvénients, on implanta 
dans le bois des lames de cuivre disposées de manière à former 
le contour, de ces masses, et l'on remplit Je vide de feutre ou de 
vieux châ.peaux, d'où est venu l'expression de planches, cha* 
peaiidéeSfi 

« Quelque temps après ce procédé dispendieux, on en a Bub- 
stitué UAp^^8.,siTOle.: la pioche une^fois gravée on en imprègne 
les parties .destinées à transporter sur l'étoffe des masses de cou- 
leur, d'huile de lin bien épaissie, sur laquelle on répand, au mo- 
ment où elle va se solidifier, de la tQnfme^ qu'on, tamponne avec 



183 

un chiffon. Voici la composition de l'enduit: 1 kiL huile de lin 
siccative, 1 kH carbonate ploinblique, 0^,160 oxyde plombir 
que , 01^)062 essence de t^ébenthine. 

« M. Lefèvre, de OhaQijUy, ima^a, en 1827, une méthode dif- 
férente et plus avantageuse. Au lieu d'implanter les formes eu 
cuivre dans le bois, il les soudait à l'étain sur une plaque de cui- 
vre fixée par des vis à une planche de bois ordinaire. Quand un 
dessin ainsi établi avait cessé de tr(maiUer, on en dessoudait les 
formes, dont on se servait, ainsi que de la plaque, pour de nou- 
veaux sujets. 

« Depuis la préparation des planches chapeaudées, la gravure 
en relief était restée stationnaire ; on imprimait au rouleau tout ce 
que les sujets représentaient de plus délicat; mais, en 1834, M. 
Perrot inventa une machiue à l'aide de laquelle on réalisa méca' 
niquement toutes les impressions que, jusque-là, la main seule de 
l'homme avait pu produire. Cette machine ftit appellée la perro- 
Une ('). » 

Dès l'introduction de cette machine, la gravure en relief subit 
une révolution : aux bois à dimensions réduites ou a fait succéd?x 
les planches à grandes dimensions, car la perrotine devait donner 
des coups de planche qui couvrissent lapièce dans toute sa.lon- 
gueur. Cette méthode entraînait à des frais de gravure considé- 
rables: une seule planche nécessite souvent plus de 80,000 picots 
de cuivre, à raison de 1 fr. 25 c. le mille, et le même bois ne peut 
guère produire, avec des contours suffisamment nets, au delà de 
100 pièces de cent mètres. On faisait donc des recherches pour 
remplacer la gravure en bois par un autre procédé, le cliché. 

«Hofinann (*), de Strasbourg, en 1783, est le premjier qui avait 
fait des tentatives dans ce genre. Comme il avait observé, }a. len- 
teur de tout alliage fusible, surtout dç l'étain et du bismuth, à se 
solidi^ej lorsqu'il a étç liqi^fié par la chaleui:, il eut l'idée deifoj^^ 

H) Cettç machine, d'aborijl iacumplète, a reçu successivemeiil, des perfcctu)impuii«iil;» . 
Introduits par son in^nleur, de sorte qu'elle est parfaite aujourd'hui. M. Pcrrol, en 
i^, a inventé une machine à imprimer quatre couleurs à la fois : le principe est le 
Bièiuequ'à la perrotine. 

(2) Voye% sur les procédés du clichage ce qui a été dit plus haut, Pt 174 pt sm>;4tite$. 
-Persoz, II. 250-254. Le travail manuscrit de Hoffmann est déposé à la hibl. de la 
ville de Slrostiourfr sous la date de i783; en 1792 il sollicita uii brevet d'Inventioq. 



184 

dre de cet alliage sur une plaque en fer et d'y appliquer, au mo- 
ment où il allait se solidifier, une autre plaque gravée en creux, 
dans les cavités de laquelle, moyennant une pression convenable, 
il forçait cet alliage à pénétrer pour reproduire en relief le même 
sujet Pour obtenir, par le même procédé, une gravure en creux, 
il dessinait son sujet sur une planche en cuivre avecdeTocre 
épaissie à l'argile, puis, fondant l'alliage au degré où il est possible 
d'y plonger une carte sans la jaunir, il y appliquait cette plaque, 
et par la pression reproduisait en creux dans la plaque d'alliage 
fusible tous les traits dessinés à l'ocre. 

« Plus tard, s'étant convaincu qu'il suffisait d'un petit nombre 
de formes répétées et différemment combinées pour produire les 
nombreux dessins, fleurs ou ornements adoptés dans l'impression 
des tissus, il pensa que le nombre de ces formes n'était pas telle- 
ment considérable qu'on ne pût s'en procurer des collections sem- 
blables à celles des caractères d'imprimerie, à l'aide desquelles on 
fût à même d'imprimer une grande variété de dessins, comme avec 
les 24 lettres de l'alphabet on imprime tous les mots. Il se procura 
donc lès formes primitives en cuivre et en bois, puis, formant une 
pâte terreuse d'un mélange d'argile et de plâtre, ramollie par un 
peu de gélatine, de fécule et de sirop de gommé, il l'étendait en 
lame sur une plaque de fonte, y imprimait le dessin voulu au mo- 
yen de ces formes primitives, et obtenait de la sorte une matrice 
gravée en creux, dans laquelle il coulait, lorsqu'elle était bien 
sèche, son alliage de bismuth, d'étain et de plomb. H parvint à 
graver ainsi des dessins mouchoirs qui pouvaient s'imprimer d'un 
seul coup. » 

«Ce procédé est resté longtemps sans recevoir d'application en 
grand ; les fabricants anglais ont été les premiers à en tirer parti. 
Et malgré que M. Fries, de Guebwiller, ait apporté en 1827, de la 
maison Dufay, de DubHn, des cachets en alliage iîisible, ce n'est 
que vingt années après qu'on a porté la gravure en relief métal- 
lique au degré de perfection qu'elle a atteint depuis sous le rap- 
port de l'exécution et sous celui du prix de revient. » 

Lorsque le dessin qui est destiné à une planche peut être dé- 
composé en plusieurs groupes qui se répètent dans le même or- 
dre, un seul de ces groupes est gravé en relief sur bois et forme ce 



1Ô5 

qu'on appelle le ccuihet Pour le multiplier, on en fait d'abord un 
moule en plâtre, après l'avoir imprégné d'un mélange dfe deux par- 
ties d'huile et d'une de suif à une température assez élevée. Ensuite 
on prend de ces moules ou matrices des clichés en alliage fusible, 
par des procédés ordinaires, plus ou moins durs suivant la résis- 
tance qu'ils doivent offrir (*). 

Comme la surface de ces clichés, opposée à la gravure, n'est ja- 
mais bien égale, il convient de la planer ; à cet effet, on dispose 
tous les cachets en deux rangées sur une machine à planer, en 
coulant sur les côtés, pour les consolider, un mastic formé de trois 
parties colophane et une de cire, et lorsque celui-ci est bien sec, 
on réduit les cachets au même degré d'épaisseur à l'aide du rabot 
à planer. Après quoi, on les fixe, au moyen de vis ou de clous, sur 
des planches en bois. 

Ce moyen de clichage, quoique très-avantageux, présentait 
encore quelques inconvénients qu'on cherchait à corriger en em- 
ployant le procédé suivant : Après avoir fortement desséché des 
planches de bois pris de pointe ou perpendiculairement à l'axe, on 
y implante, à une certaine profondeur, des lames ou des pointes 
de cuivre jaune, représentant le sujet à graver, on les entoure d'un 
cercle et l'on recouvre les parties en relief d'alliage. Ce métal, en 
enveloppant les pointes de cuivre qui sont en saiUie, leur transmet 
assez de chaleur pour que la partie enfoncée dans le bois le car- 
bonise, et il suffit alors de retirer l'alliage métallique auquel se 
trouvent soudées toutes les pointes, pour avoir une matrice au 
moyen de laquelle on coule autant de cachets qu'on peut en dé- 
sirer. M. E. Witz, de Cemay, a modifié quelque peu ce procédé 
par lequel on est arrivé à diminuer sensiblement le prix de la 
gravure. 

On avait aussi fait des essais de produire des matrices en bois 
dont le dessin en creux était comprimé par une série d'outils dif- 
férents mus à la main, chacun d'eux représentant un détail de des- 
sin à reproduire. Ces matrices servaient de moule pour en obtenir 
des clichés ou cachets rehefs métalliques. 

(i) L'alliage le plufr convenable pour la dureté, et pour résister le mieux aux cou- 
leurs corrosives, selon M. J. Schlumberger , de Thann, est le suivant : 16 plomb, 
S4.0 étain, 8 bismuth. Il est fusible à 150*. très-dur et très-malléable. 



186 

£q XQ^, m nouveau p^çlut fait, h bulletin de la Société d'en- 
couragement (*) va nous le faire connaître: «L'art de la gravure 
des planches d'impression des tissus était arrivé à ce point lors- 
que, vers 1849, M. Schultz, dessinateur à Paris, importa en France 
ridée d'origine anglaise de la machine dont nous allons donner la 
description. 

« L'appareil fut construit à Paris et fonctionna à Puteux chez 
MM» Ber4oviUe, Larsonnier et Chenet 

« On doit croire que les essais furent peu heureux, ou tout au 
moins que la machine construite sur les indications de M. Schultz 
était bien imparfaite, car le procédé de gravure qu'elle réalise ne 
fut pas apprécié à Mulhouse dans les quelques ateliers où ou 
tenta de l'introduire. 

« MM. Heilmann frères, à Muhlhouse, ont repris les essais, et 
c'est à leur constante persévérance, à leur étude approfondie du 
procédé, qu'on doit la réalisation d'un système dont les résultats 
spnt extrêmement remarquables. Voici en quoi il consiste : 

« Unemon'taiseuse à jJcdaZedonne le mouvement à un outil tran- 
chant de forme quelconque, mais répondant à un détail du dessin 
vQ,ulu. Les dimensions de cette mortaiseuse sont plus réduites en- 
Qpre que celles de la plus petite des machines analogues usitées 
dans les ateliers de constructions ; cependant les dispositions es- 
sentielles sont les mêmes. Un tube à deux branches lance constam- 
ment deux jets de gaz convergents dans la direction de l'outil qui, 
sous l'action de la flamme, s'échauflfe rapidement pendant sa 
marche. Le bois dessiné qu'il s'agit de graver en creux est conduit 
à la maÎQ et reçoit l'action de l'outil. Echauffé à une température 
déterminée, celui-ci pénètre le bois à un;e profondeur constante 
en le brûlant, et produit ainsi un creux dont les contours ont une 
netteté et une régularité remarquables. On arrive de la sorte à 
produire, en deux ou trois jours au plus, une planche ou une ma- 
trice qui exigeait souvent un mois dans le système des bois avec 
cuivres implantés en relief, et une semaine au moins avec la mé- 
thode de gravure en creux par compression du bois. 

« Le bois soumis . au travail de mortaiseuse doit être préparé 



(1) BuUeliu de la Société d'eucouragement, etc. t. III, deuMième séckt , ii* 43* 
JuiUet 1856. p. ki^ 



187 



d'une ^9^^ ^f^ji,9^e, daus le but d'empêcher Ips fei^dillemem;^ 
»ous r^,(^ de l'outil brûleur et de la âamme de gaz. On prend 
ordinairement dii tilleul de choix, et la préparation consiste da^^ 
une mise au foi^* conduite avec le plus grand soin. 

< Les matrices obtenues à la mortaiseuse servent à la prodi^ction 
de clichés en alliage, dont voici la composition : 7s plomb, Vs bis- 
muth, Vs ziûc, */«o du tout antimoine ; cet aUiage, qui doit à l'anti- 
moine une dureté très-convenable, donne des empreintes d'iyie 
grande finesse. 

< Outre les planches planes, gravées en relief, on se servait 
aussi de rouleaux en bois, gravés en relief, pour l'impression de^ 
tissus. Les machines combinées avec des cylindres de ce genre 
s'appelaient phmhines, et servaient à imprimer d'une manière 
continue. Un nommé Ebinger, de Saint-Denis près Paris (*), a 
établi en 1800 les premières de ces machines à Jouy et à Beau- 
vais. £n 1805, James Burton, ingénieur dans la maison Peel, à 
Church, appliqua également }e rouleau en relief à l'impression 
des tissuS] mais dans le but de le faire concourir à l'impression de 
plusieurs couleurs avec les rouleaux gravés en creux qu'on n'a- 
vait pas, eiicore l'habitude d'employer à cet usage. 

« Pour arriver à une diminution des frais de la gravure de ces 
rouleaux, et pour obtenir une plus grande pureté de dessin, les 
.\nglaLs remplaçaient la gravure sur bois par des cachets en al- 
liage fusible qu'on clouait sur les cylindres en bois vernis. » 

En 1855, M. Laboulaye, chef de la Fonderie générale à Paris, 
avait exposé un rouleau formé de 800 vignettes, se composant et 
se décomposant à volonté, destiné à l'impression des étoffes. 

ijouto^ encore quelques mots sur l'impression en relief in- 
ventée pa^r M. Silbermann, de Strasbourg, qui peut trouver son 
24)plication à l'impression des tissus {*). 

Dans ce procédé on ne se sert plus d'une planche gravée en re- 
lief pour prendre de la couleur sur le châssis et l'imprimer sur le 
tissu, mais seulement du reUef de la figure que l'on veut obtenii* 
pour presser l'étoffe, par derrière, contre une planche plate et 
garnie uniformén^tç^i^l; de coiileur, où les portions aii^i pressées 



, 



.- •, f 



rt) Persoz. Il, 337. 
(2) Persoz. II. 340. 



188 

par derrière sont les seules qui prennent cette couleur, tandis que 
les autres sont réservées par \a frisquette, qui refoule l'étoffe dans 
les creux. 

Qu'il s'agisse, par exemple, d'imprimer un dessin représentant 
des pois 0, 0, 0, 0, on découpe, au moyen d'un emporte-pièce, des 
ronds en carton fin, de la dimension qui convient; ces ronds sont 
fixés à la colle-forte contre une planche en bois; alors on place l'é- 
toffe entre cette dernière planche, sur laquelle elle est tendue, et 
une autre planche chargée de couleur; on soumet le tout à une 
pression convenable, et la couleur ne prend que sur les parties de 
l'étoffe qui on,t été mises en relief par les hausses de carton. 

M. Silbermann est arrivé par ce procédé à un haut degré de 
perfection : il a imprimé entre autres un bouquet de fleurs de fan- 
taisie, dans lequel sept couleurs ont été appliquées avec la même 
planche et rapportées avec la plus grande exactitude, à l'aide de 
simples fragments de carton découpé, collés aux points où le re- 
lief devait être produit. 

L'impression des tapis a été améliorée ces derniers temps pai- 
l'invention d'un appareil ingénieux dû à M. J. Burch, Anglais, 
appareil au moyen duquel on parvient à imprimer des dessins de 
très-grandes dimensions sur les tissus à poil. 

Les blocs employés dans l'impression des tapis ont des dimen- 
sions un peu supérieures à celles des blocs ordinaires. Les plus 
grands dont on ait fait usage jusqu'à présent ont de 1",40 de 
longueur sur 0"*,685 de largeur. Avec dix-huit blocs, M. Burch 
parvient à produire des dessins très-riches et assez compliqués. 
Ces blocs se préparent de la manière suivante : 

« Le dessin est d'abord transporté sur papier quadrillé comme 
les dessins pour le tissage. La surface des blocs d'impression est 
préparée d'une manière analogue, c'est-à-dire qu'on y découpe 
des lignes profondes sur la longueur et des lignes semblables 
sur la largeur , qui se coupent à angle droit , afin de former 
sur toute la surface des carrés dont le nombre correspond à 
ceux qui couvrent le papier. Chacun de ces blocs présente, 
sous ce rapport, un fac-similé exact des autres , et cette pré- 
paration des blocs a lieu quel que soit le dessin et indépendam- 
ment de ses contours. Dans cet état on marque sur chaque bloc les 



i8d 

carrés qui sont colorés sur le dessin avec la couleur particulière 
que le bloc doit imprimer, puis on enlève tous les autres carrés 
de la sur&ce, en laissant en relief ceux qui doivent être chargés 
de cette couleur. On voit ainsi que chaque bloc porte à sa surface 
une certaine portion du dessin, tous les points colorés du papier 
quadrillé se trouvant représentés par des carrés correspondants 
sur l'un ou l'autre de ces blocs. 

«Ensuite on les soumet à l'action de l'appareil qui se compose 
d'une série de machines à imprimer au bloc, assemblées fermement 
entre elles au moyen d'arbres de communication et d'engrenage, de 
manière à ce que les efforts combinés de toutes les machines dans 
la série soient apphqués au même moment sur une pièce de tapis 
et sur le même dessin, chacune d'elles imprimant une couleur dif- 
férente. La couleur est fournie par un système de rouleaux colo- 
reurs. La machine, avec l'appareil sécheur qui en fait partie, pèse 
72 tonnes, et imprime 1,400 mètres de tapis en douze heures de 
travail (•).> 

Ayant donné, dans ce qui précède, ce qu'il y a de plus essentiel 
dans l'histoire et la pratique de la gravure en relief en général, 
et de la xylographie en particulier, nous devons nous occuper 
maintenant de la gravure en creux et de ses divers genres. 

GRAVURE EN CREUi. 

La BIBTAIiIiOGRAPHIE ou la gravure en creux sur mé- 
tdlj un des plus anciens modes de reproduction^ a été pratiquée de 
tout temps, mais on ne sait pas précisément à quelle époque et par 
quelle personne l'impression des planches gravées a été essayée la 
première fois. Les opinions sont fort divisées à cet égard. 

Vasari attribue cette invention à Masso Finiguerra de Florence, 
dont les premiers essais sont de 1450 ; tandis que Samuel Palmer, 
Sandrart, Murr, Rumohr, Bartsch et d'autres décrivent un certain 
nombre d'estampes allemandes portant des dates fort antérieures. 
MM. Meermann, de Heinecke, J.-D. Passavant et d'autres pen- 
sent que, dans le même temps et sans le secours les uns des au- 

(i) Monitenr industriel, Paris. 19 octobre 18SH, n* 2101. 



très, les Allemands et les Italiens trouvèrent là AiètHode A'hhpti- 
mér snr papier les planches métalliques gravées en (îf'eiix. 

Les Allemands ont jotii néanmoins de l'avantage de èbnnaStre 
avant les Italiens Vimpression des livres et des gravui'èfe xylogra- 
phiqnes. H y avait un genre de gravure en relief sur liiÊtàl qui se 
pratiquait principalement en Allemagne dans îe XV^ sîèc^, et 
qui peut être considéré comme tenant le milieu entf e là x^fogra- 
pbîe et la chalcographie ; nous voulons parler de la ^âthre au 
ciseau et au poinçon que les Allemands nomment geàdïïî'btlSïië 
Arbéfi on ttëtâlteolmltt, et les Français ttiéèUhre Y^iWiëë. 
Ce genre de travail, oU ce procédé dfe gra\Tire, a beaucoup de rap- 
port avec Vapm inteifoMle dont nous avons parlé plus haut, et pa- 
raît plutôt être le résultat d'un travail de pointes et de cîsesfiix^ue 
d'échoppes et de burins. L'ouvrage est plusflii, plus net et plus 
tranchant, et le dessift en est meilleur que dans les ancienheS gra- 
vtii'es sur bois. Par la manière dont sont traités les fonds et lès om- 
bres, il imite les peintures en miniatures à fond d'or. Ce^ la Bi- 
bliothèque royale de î^funich qui en possède le plus gt*and noAAro 
d'épreuves sur papier. Elles sont sans date ni monogfattimes, et, 
suivant M. Sotzmann, les plus anciennes ne paralssetit pas remon- 
ter à 1440, tandis que M. J.-D. Passavant les esthiie beaucoup 
plus âgées. Après l'invention de l'imprimerie on les rencontre 
aussi dans des livres ; tels sont par exemple : Les sept joies de 
Marie, petit ouvrage .en allemand, sans titre selon l'usage, dont 
l'impression est attribué à Pfister. Les 8 gravures qùî ornent ce 
livre ont été gravées sur métal dans le genre dit criblé ; leur des- 
sin annonce un artiste assez habile, quoiqu'il y manque la per- 
ception. Les contours sont grossiers, ont peu d'ombre et i^^sem- 
blent à des silhouettes blanches. Des fleurs et des arabesques rem- 
plissent les intervalles laissés entre les figures, intervalles qùî, au- 
trement, seraient tout noirs. 

La Passion de Jés^ts, en allemand, orné de 20 imagés gra^vées 
en creux sur métal, sur im fond noir^ et une autre édition de la 
Passion de Jésus, également en allemand, qui n'a que 8 gravures 
sur métal en manière criblée. Ces trois ouvrages paraissent du 
même graveur, qui était allemand et probablement de Munich : 
ils sont imprimés en lettres mobiles, et M. F&Utenstein les estime 
entre 1460 et 1460. 



191 

Les gj^Bituren de ce genre sont certàinéiftent les phin anciens 
exemples de la gravtire sur cuivre destinée à l*împress(ion ; Pu- 
sage paraît en avoir duré jusque dans la première moitié du XVI* 
siècle, époque dans laquelle on ne s'en servit plus que pour l'im- 
pression des reliures de livres en peau ou en vélin. 

NIBUiUREb Outre les procédés de gravure en usage au 
moyen âge et au commencement des temps modernes, dont 
nous avons parlé plus haut, il y avait surtout deux manières i^- 
tinctes de graver des ornements sur des objets métallique?!. L'ttfte 
s'opérait au moyen d'un acide qui creusait autour du dessin en 
le laissant intact en r^ef et pOM, sur un fond mat, qui le pins 
souvent était doré. L'autre manière était celle des crustàvU 
romains , ou la damasquinure : on creusait les dessins an burin, 
et on remplissait les traits avec d'autres toétaux. 

C'est ce dernier genre surtout, pratiqué avec quelques chan- 
gements dans le XV* et le XVI* siècle, qui conduisit ^ dit^n, 
à la gravure sur cuivte pour otrtenir des estampes. On l'a^- 
pelait alors de divers noms: niellum, niello en latin; lavoro di 
niello , et nigeilo en italien ; nellure , niellure , niellée , noellez 
et noïelez en français. Tous ces mots dérivent du latin mgeTy 
noir(*), parce qpe le dessin gravé en creux est reffipli d'une 
matière noire. 

Nous trouvons décrit dans plusieurs auteurs d'épines très- 
différentes les procédés de cet art si réputé alors, procédés 
mi peu variés dans l'exécution, mais les mêmes quant au fond. 
La première description, et la plus ancienne, se trouve dans 
te traité sur divers arts de Theophilus Presbyter, moine à St- 
Gall dans le XII* ou le XHI* siècle. Une autre est contenue 
dans le traité de l'orfèvrerie de Benvenuto Cellini (•), aussi fa- 
meux par ses extravagances que par ses travaux remarquables 
en sculpture, en ciselure et en fente. Il vivait dans le XVP 
siècle à Florence. Le savant commentaire sur les tableaux de 
Philostrade, dû à la plume de Biaise de Vigenère ('), contient 



(i) Voyez Lessing's Analecten. 

(2) Fiorema, 4569, in-4", trad. en français par M, Ledanché, Paris 4847. 

(3) Paris, 4545, fol. 



Id2 

aussi des données sur le nielle. Vigenère vivait en Italie à l'é- 
poque où florissaient le plus les beaux-arts, et était lié d'amitié 
avec Michel- Ange et d'autres grands maîtres. 

Enfin, plusieurs ouvrages modernes traitent aussi spéciale- 
ment du nielle , surtout ceux de Pietro Zani (*), du professeur 
Fiorillo (*), de M. Duchesne ('), et du comte Léopold Cigo- 
gnare (*). Dans ce dernier on désigne un procédé pour dis. 
soudre le nielle, afin de pouvoir se servir des planches pour 
l'impression. A cet effet, on place la plaque niellée dans un 
creuset rempli de potasse caustique, et on chauffe jusqu'à ce 
que le nielle soit entièrement dissous. Par ce moyen on fait 
complètement disparfidtre l'émail sans nuire à la gravure, qui 
apparaît aussi fraîche que si elle sortait de la main du graveur. 

Nous donnerons le procédé de Benvenuto Cellini en résumé : 
Sur une planche en or ou en argent ( d'autres métaux ne ser- 
vent pas au nielle ) qui soit lisse et polie, on dessine au moyen 
d'une pointe (Jes figures, des ornements ou autres objets, dont 
onéreuse ensuite les contours, les hachures et les fonds d'une 
certaine profondeur avec des burins. Alors on prépare le 
nielle, substance qui se compose d'argent très-fin, de cuivre 
épuré et de plomb; lorsque ces métaux sont bien fondus en- 
semble, on ajoute encore du borax et du soufre vierge, le plus 
noir qu'on puisse trouver. Avec cette composition, concassée 
en petits morceaux, on couvre entièrement la planche gravée, 
et on l'expose au feu jusqu'à ce que tous les traits de la gra- 
vure soient remplis. Après cela on ôte d'abord le plus gros de 
la composition avec le grattoir et on fait disparaître le reste 
en frottant avec la pierre-ponce et du charbon, jusqu'à ce que 
le dessin soit tout à fait à découvert Lorsque la planche est 
poUe avec soin , on voit la surface d'or ou d'argent ornée d'un 
dessin qui paraît être fait avec la plume, dont les traits sont 
remplis du plus bel émail noir, et qui est d'une grande solidité. 

D'après Théophile Presbyter (^), les proportions de la com- 



(i) Parme, 1802. - (2) Sluttgardt 4825. 
(3) Paris, 1826. - (4) Venise, 4827. 

(5) Théophile, prêtre et moine, Essai sur divers arts, publié par M. le comte Ch. 
de L'Escalopier. Paris et Leipz. 1843, in-4«. Chap. XXVII, p. 252. 



19^ 

position du nielle sont*/s d'argent, 7$ de cm7re;on scoute % 
de plomb. CeUes de Benvenato Cellini', ainsi que celles de 
Biaise de Yigenère, sont : une once d'argent, deux onces de 
cuivre et trois onces de plomb. 

L'argent et le cuivre se fondent d'abord avec le borax, on 
ajoute ensuite le plomb , et l'on verse le tout dans le soufre 
vierge, qui lui donne la belle couleur noire. Cette composition 
forme alors une masse friable qui se réduit facilement en une 
espèce de poudre à gros grains, dont l'on couvre la planche 
de métal que l'on veut nieller. 

Les orfèvres niellaient de cette manière les plaqjaes d'or et 
d'argent qui se plaçaient sur les couvertures des Evangéliaîres, 
ainsi que les calices, les vases, les casques, les étriers et une 
foule d'objets se prêtant à recevoir ce genre d'ornementation, 
mais surtout les pad ou paix. Ce sont de petites plaques de 
métal, de trois à quatre pouces de hauteur sur une moindre 
largeur, qui servaient à couvrir le calice. Ces paix sont cou- 
vertes de bas-reliefs ou de peintures en émail, ou gravées et 
niellées. Leur nom de paix vient de ce que le célébrant, après 
les avoir baisées pendant qu'on chante VAgnus Dei^ les pré- 
sente ensuite à chacun des prêtres qiii assistent à l'ofiicj^, en 
disant Fax Tecum! 

Parmi le grand nombre de nielleurs du XV' siècle en Italie, 
Maso (Thomasso) Finiguerra, de Florence , jouissait d'une ré- 
putation éclatante et méritée ; c'était un bon dessinateur. H avait 
travaillé aux fameuses portes de bronze du baptistère de Lo- 
renzoGhiberti,[et il passait surtout pour maître dans le lamro 
di meUo. 

Vasari nous dit que Finiguerra avait l'habitude de remplir 
les traits de ses gravures d'huile mêlée de noir avant d'y met- 
tre le nielle, pour pouvoir mieux juger de l'effet de son travail. 
Or, un jour qu'il avait laissé sur la table une de ses planches 
ainsi préparées, couverte d'un morceau de papier pour la ga* 
rantir contre la poussière, il arriva qu'une lingère survint, appor- 
tant un paquet de linge encore un peu mouillé, qu'elle posa sur 
cette planche sans l'apercevoir. L'humidité du linge qui se com- 
muniqua au papier le rendit propre à l'impression , et le poids^ 

9 



104 

aocrn par le temps pendant leqnel le paquet reposa sur la plan- 
che, produisit l'effet d'une presse; de manière que, lorsque 
Finiguerra chercha le lendemain sa gravure, il la trouva impri- 
mée sur le papier, aussi nettement que si elle eût été exécutée 
à la plume. 

C'est de cette manière, ou d'une autre tout au moins sembla- 
ble, gti'a pris naissance Vimpressian des planches de méUU gra- 
vies en creux. 

Maso Finigneira, ainsi que les autres orfévres-nielleurs, tou- 
tes les fois qu'ils gravaient des plaques d'argent, avaient soin, 
avant de les nieUer, d'en prendre une empreinte sur une terre 
très-fine, sur laquelle ils tiraient une seconde épreuve en sou- 
fre. Finiguerra a fait en 1452 ( suivant les documents officiels) 
une petite planche d'argent ou padx, représentant l'assomption 
de la Vierge pour l'église de Saint-Jean de Florence, et qui est 
encore conservée dans le musée de cette ville. Il en existe aussi 
deux moules en soufre: l'un dans la collection Durazzo à Gênes, 
l'autre dans celle du duc Buckingham Chândos en Angleterre. 
Ces moules sont en effet, comme nous l'apprend Yasari ('), la 
reproduction parfaite de la planche d'argent, représentant comme 
elle l'inscription et le sujet direct et non à rebours. 

Vingt-deux autres épreuves en soufre de divers auteurs, qui 
se trouvaient dans un couvent à Florence, et qui sont mainte- 
nant en Angleterre, sont les seuls restes de ce genre. 

On conserve dans différents musées publics et particuliers 
une assez grande quantité de paix ou d'autres planches niellées; 
Duchesne, dans son Essai sur les nielles, £ait la descriptioii de 
la plupart D cite huit morceaux exécutés par Finiguerra, et il 
donne les noms des meilleurs graveurs-nielleurs de l'Italie au 
XV* siècle. Le plus célèbre après Finiguerra, et celui qui a 
produit le plus grand nombre de beaux nielles, c'est Stephanus 
Pelegrini de Césène; les autres orfévres-nielleurs dpnt les noms 
sont parvenus jusqu'à nous sont, panpi les Florentins, Ameri- 
ghi, Michel-Ange Bandinelli, Philippe Bruneleschi; — à Bolo- 
gne, Fr. Fumio, BartL Gesso, Geminiano Rossi et Fr. Raibo- 

(1) Vie des peintres, première éditioo, 1650. cap. 33. 



id5 

lini, connu sous le nom de François Francia; — à Milan, BaSoiel 
Arcioni et Caradona. On connaît encore comme nielleurs Am- 
broise Froppa, de Pavie; Forzone Spinelli, d'Arezzo; Jacques 
Tagliacame, de Gênes; Tencro fils d'Antoine et Jean Turino, de 
Sienne; Antonio, Danti, Pierre Dini dit Arcolano, Gavardino^ 
Léon- Jean-Baptiste Alberti , Antoine Pollajuolo, Nicolas Eosex, 
de Modène, et Marc- Antoine Baimondi. 

L'usage des nielles, après avoir contioué depuis le Vil* jus- 
qu'au Xn*' siècle, avait été négligé pendant un long espace de 
temps (Duchesne, Bartsch). Il fut repris et fréquemment em- 
ployé dans le XV* siècle; mais il ne tarda pas à être aban- 
donné de nouveau; et, si l'on retrouve plusieurs objets d'orfè- 
vrerie gravés avec richesse vers ce temps en Allemagne , on 
observe que ces gravures étaient généralement remplies d'un 
ciment de diverses couleurs, mais rarement niellées. On en ren- 
contre quelquefois que l'on croit fait à Augsbourg, dans le 
milieu du XVin*' siècle. Il y avait alors une femme , nommée 
EosenOfiier, fille du graveur-orfèvre Mettel, de Nuremberg, qui 
exécutait des niellures (*). Ce genre de travail a été repris 
vers 1823 en France ; mais il ne faut pas le confondre avec les 
bijoux ornés d'émail noir, qui sont très-différents du nielle. Les 
objets d'orfèvrerie niellés qui se fabriquent depuis bien des an- 
nées en Russie jouissent d'une grand réputation. Ce n'est qu'en 
1830 que M. Wagner et Mention ont introduit en France.ce genre 
de travail, qui constituait en 1840 une industrie très-étendue. Selon 
M. Pelouze {*\ le nielle est composé de 38 parties d'argent, 72 de * 
cuivre, 50 de plomb, 36 de borax et de 384 de soufre. On fond 
le soufre dans une cornue, l'argent et le cuivre dans un creu- 
set, et on introduit le tout dans la cornue que l'on boucbe exac- 
tement pour éviter l'infiammation du soufre, et on ajoute le 
borax; quand il ne se dégage plus de vapeur dans le col de la 
cornue , on verse la matière dans un creuset de fer , on la pul- 
vérise et on lave d'abord avec de l'eau contenant un peu de sel 
ammoniac, et ensuite avec de l'eau légèrement gommée. 



(4) Mnrr. p. 630. 

Ci) Pdooze, Secrets modernes des arts et métiers, vol. ni; Paris, 1840. 



tour nieller l'argent, M. Levol (*) recommande beaucoup la 
galène ou plomb sulfiiré. 

Depuis longtemps on avait cherché à se procurer une épreuve 
sur papier d'un de ces nielles du XV* siècle, jusqu'à ce qu'enfin 
l'abbé Zani découvrit, en 1797, dans le cabinet des estampes 
de Pans , où Mariette avait déjà scrupuleusement mais vaine- 
ment cherché , une épreuve qui paraît être tirée de la célèbre 
paix que Finiguerra avait gravée en 1452, pour l'église de Saint- 
Jean de Florence. Cette épreuve porte les traces de l'emploi 
d'une presse d'imprimeur parfaite, et a été tirée de la planche 
originale avant d'être niellée, car elle a l'inscription à rebours. 
On a prétendu, et Vasari l'a dit dans la 2* édition de son ou- 
vrage de 1568 (il n'en est pas question dans la première de 
1550), que l'épreuve sur papier avait été tirée sur l'empreinte 
en soufre : ce qui nous parait tout à fait invraisemblable. On ne 
considère poîut la fragilité du soufre, et puis on n'a pas pensé 
qu'en prenant un moule en terre (c'est probablement du plâtre 
appliqué à l'état liquide) , ce moule a dû se rétrécir en séchant, 
et qu'il est presque impossible que ce moule, lors de l'enlève- 
ment de dessus la planche , ne se fût pas déchiré par places, 
dans les tailles fines, serrées et profondes, munies plus ou 
moins de rebarbes ; enfin que l'empreinte en ^soufre , prise sur 
ce moule, ne contint pas toutes les imperfections de celui-ci, 
mais à rebours, et que le soufre, en se refroidissant, ne se fdt 
^ pas rétréci également Donc, si l'on comparait l'épreuve sur 
papier prise sur le soufre avec la planche originale (ce qui n'a 
jamais eu lieu , quant à la paix de Finiguerra) , le dessin de 
l'épreuve se serait trouvé plus petit que celui de la planche 
niellée; et si même elle avait été prise sur la planche avant 
sa niellure, ce dessin offrirait encore une différence dans la 
finesse des tailles et dans la grandeur des blancs, qui auraient 
changé de forme, changement causé par l'usure provenant du 
pollissage de la planche après la niellure. 

Quelques savants regardent cette épreuve de la paix de 
Finiguerra comme douteuse , tandis que Duchesne et d'autres 

(1) L'Écho du monde savant, n* 35, 2^' semestre 1844. 



197 

la considèrent au contraire conune la première épreuve sur par 
pier^ absolument unique, d'une gravure sur métal, et ils regar- 
dent par conséquent Maso Finigaerra comme l'inventeur de 
l'impression des gravures en creux sur métal. 

On rencontre encore quplques-unes de ces épreuves, mais on 
n'en tirait jaSnais un grand nombre d'exemplaires du même 
nielle. 

La manière de graver les planches destinées à être niellées 
diffère de celle des gravures ordinaires. Les tailles sont plus pro- 
fondes, très-fines, droites et extrêmement serrées, sans régula- 
rité, et ordinairement dans la même direction sur toute l'éten- 
due de la planche ; parce que ces tailles sur les planches d'ar- 
gent n'étant qu'un moyen mécanique pour fixer le nielle et 
l'empêcher d'éclater, U était peu important qu'elles fiissent ré- 
gulières dans un sens ou dans un autre, le nielle noir et non 
transparent, dont elles étaient recouvertes, ne laissant d'ailleurs 
apercevoir aucune de ces imperfections. L'impression s'opérait 
au moyen d'un rouleau poussé à la main , ou d'un frotton^ la 
presse d'imprimeur n'étant pas encore connue en Italie à cette 
époque. Cette impression était assez facile , vu le peu de dimen- 
sion qu'avaient en général ces planches , leur grandeur n'excé- 
daut pas quatre pouces. L'encre qui a servi à l'impression des 
nielles est souvent un peu bleuâtre, quelquefois bistrée, ordinai- 
rement d'un ton gris. 

Avant d'entrer plus avant dans le sujet, nous devons faire con- 
naître sommairement les prétentions que l'Allemagne peut avoir 
pour l'invention de l'impression des estampes. Benvenuto Cel- 
lini, nielleur lui-même, compétent dans la question des gravu- 
res, connaissant parfaitement les quaUtés brillantes de Fini- 
gnerra, puisqu'il se proposait de suivre « avec le plus grand 
soin les traces de ce grand maître, » ignorait cependant complète- 
ment que Yasari attribuât exclusivement à Finiguerra l'invention 
de l'impression des estampes. Dans l'iutroduction de son traité 
de l'orfèvrerie (qui parut une année après la deuxième édition 
de l'ouvrage de Yasari en 1569) il dit au contraire, en parlant 
de gravure : « Nos éloges sont dus à quelques orfèvres ultra- 
montains dont les travaux dénotent une extrême habileté, en- 



198 

tre autres à Martin de Flandre, qui, tout en suivant la ma- 
nière de son pays, fit avec un talent remarquable des nielles et 
des gravures sur cuivre. > Or, ce Martin de Flandre n'est au- 
tre que l'habile graveur connu sous le nom de maître Martin 
Schœn ou Schongatier dont le nom se trouve inscrit dans les 
archives de la viUe d'Ulm sous la date de 1441 , et à qui l'on 
attribue aussi Pinvention de l'impression des estampes (*). 

Schongauer, qui paraît être né en 1420, était peintre et or- 
fèvre , et avait travaillé dans les Pays-Bas sous Roger de Bru- 
ges. On connaît de lui quelques belles gravures. Il mourut à 
Colmar en 1488. M. J.-D. Passavant (*) nous communique à cet 
égard une circonstance très-intéressante : « Facius, dit-il, nous ap- 
prend que Rogier (nommé aussi Rogier von der Weyde, ou Roger 
de Bruges), élève de Jean van Eyck, avait fait en 1450 un voyage 
à Rome. Ce célèbre peintre néerlandais, pendant son séjour à Flo- 
rence, peignit pour Jean et Pierre de Médicis un petit tableau qui 
est maintenant au Musée de Francfort Roger se trouvait par 
conséquent à Florence juste au moment où Finiguerra était 
occupé à graver sa célèbre paix. Il est impossible que Roger 
n'ait pas cherché à faire la connaissance du graveur florentin ; 
mais on ignore si Finiguerra fit part à l'étranger de son pro- 
cédé d'impression, ou, au contraire, si c'est le peintre flamand 
qui le lui apprit. Cette dernière supposition paraît à M. Passa- 
vant la plus vraisemblable, puisque le peintre néeriandaîs con- 
naissait indubitablement les procédés de l'impression des gra- 
vures xylographiqùes et métaUiques pratiqués généralement 
dans son pays, et que ces procédés n'étaient point encore con- 
nus dans la Toscane à cette époque. 

On voit que l'Allemagne et l'Italie ont d'égales prétentions à 
l'honneur de cette invention. 



^* siècle* Cependant la gravure des nielles n'avait pas 
pour but l'impression ; mais, profitant de la découverte de Fi- 



(1) Wimpheting, 1505, et Jobin de Strasboarg 1573. 

(2) Deutsches Kunstbiatt, 1850. p. 163.— Voyez aussi : Untersuchong der Gruode 
fttr die Annahme : dass Fiuiguerra Erfinder des Haudgriffes sel, gestoch. Metali(^. 
auf genetzt. Papier abzudrucken. V. G. Fr. V. Rumohr. Leip. 1841. 



199 

Qjgaerra, d'autres graveurs s'en emparèrent et l'employèrent 
bientôt pour multiplier leurs gravures. Dès ce moment , nous 
entrons dans la première époque de la chaleograpMe ( du grec 
chaikos, airain, cuivre), ou art de graver en creux sur cuivre, 
pour multiplier les dessins au moyen de l'impression. On ap- 
pelle aussi cet art gravtire en taUle-chuce , en opposition à 
taille de bois , parce que l'épreuve qu'on tire de celle-là parait 
à l'œil d'un eflfet plus doux que celui des épreuves sur bois 
(Duchesne). 

Les gravures de cette époque, c'est-à-dire des cinquante der- 
nières années du XV* siècle, ont été exécutées principalement 
parles orfèvres-graveurs. 

Quelques-uns de ces graveurs avaient fait des nielles, et leur 
manière de graver le cuivre rappela assez longtemps encore 
celle des graveurs-nielleurs, c'est-à-dire un travail fin et serré, 
mais dont les tailles étaient arrangées avec un peu plus de soin. 

Yasari nous apprend que Maso Finiguerra fiit suivi immédia- 
tement de Baecio BaMini, de Florence. Cet orfèvre liabile, qtd 
travailla de 1460 à 1490, était un faible dessinateur et gravait 
beaucoup d'après les compositions de Sandro BoticellL Les gra- 
vures de Baldini, les plus anciens monuments chalcographiques 
de l'Italie, sont principalement celles du calendrier de 1465, ac- 
compagné de la mite des planètes; celles du Monte-Santo di 
BU), imprimé à Florence en 1474 ; et celles du poëme du Dmte, 
publié à' Florence en 1481. La suite des planètes , qui va de 
1465 à 1517 , contient à chaque planète la représentation des 
penchants et des actions des hommes nés sous cette constella- 
tion. Il en existe encore une autre édition avec des planches 
plus grandes et mieux gravées. Ce qu'il y a de remarquable, 
c'est qu'il existe un càlenâ/rier xylographique de Vannée 1468, 
dont les représentations qui accompagnent les planètes sont de 
composition et de dessin hollandais , mais dont le texte et les 
vers dérivent d'une description latine en prose, dont quelques 
fragments précèdent le calendrier ; que, d'un autre côté, le texte 
italien du calendrier gravé sur cuivre est une traduction exacte 
de ce texte latin. Ce calendrier ooyhgraphique est celui qid a 
été écrit en 1489 par Johann de Gamundia, et le calendrier ita- 



200 

lien n'en est qu'un résumé. Il parait donc prob«^ble qu'une éditioD 
antérieure du calendrier xylographique a été apportée de l'Al- 
lemagne en Italie , qu'on l'a transformée en italien , et que 
Baccio Baldioi l'a gravée sous cette nouvelle forme (Sotzmann). 

L'école florentine du XV* siècle a produit peu de gravures 
sur cuivre. Outre les planches de Baldini , on cite encore quel- 
ques estampes de Pollsyuolo, d'André Verrochio (n. 1432, m. 
1488), de Baccio Bandinelli (n. 1488), du mosaïste et miniatu- 
riste Gherando, et de l'orfèvre Robetta (de 1490 à 1520X ainsi 
qu'un certain nombre de feuilles sans nom de graveurs, exé- 
cutées d'après Fiesole, Boselli, Lippi, Luca Signorelli et d'au- 
tres. 

Les œuvres chalcograpbiques des écoles de Padoue et de Ve- 
nise sont plus nombreuses et plus répandues. Le peintre André 
Mantegna, de Padoue (n. 1430, m. 1506), en était le fondateur, 
et maniait le burin avec une grande habileté. Marcello Figolino, 
Zuan Andréa, Nicoletto de Modène, Giovanni Maria et son frère 
Giovanni Antonio, de Brescia, et Girolamo Mozetta se formè- 
rent en partie d'après Mantegna. S'ils surpassent ce msdtre 
dans la tendance générale, ils lui sont inférieures sous les autres 
rapports. Ils florissaient vers la fin du XV* siècle et au com- 
mencement du XVI*. Jacobo de Barbary de Venise, dit le maître 
au caducée, était im excellent graveur. Girolamo, Giulio, et 
Domenico Campagnuolo, peintres de l'école lombardo-vénitienne, 
ont livré de très-belles gravures. Giulio Campagnuolo est surtout 
remarquable par sa manière particulière de graver; ses gravures, 
très-délicatement traitées, sont faites dans là manière poinUUée , 
au moyen d'une pointe ou d'un oiselet et du marteau, n parait 
être né en 1481. Les chefs-d'œuvre de Mantegna sont le Christ 
au Tombeau, la Sainte Famille, le Triomphe de Jtdes-César, en 
trois femlles. 

Benedetto Montagna, qui travaillait à Vicence à la fin du 
XV* siècle et au commencement du XVI*, est un graveur origi- 
nal, qui imitait dans ses œuvres le style de l'école, de Jean 
BeUini, et celui d'Albert Durer. 

Les chalcographes allemands du XV* siècle se distinguent 
des graveurs italiens de cette même époque par le nombre beau- 



201 

coup plus considérable de leurs estampes, par le maniement 
plus artistique du burin, et par Tinfluence que leur manière de 
graver exerçait sur Fart italien; car les gravures de Martin 
Schongauer ftu-ent déjà imitées par Gherardo de Florence. La 
plus grande partie de ces graveurs étaient encore des orfèvres , 
et leurs noms ne sont point venus jusqu'à nous. Les dates con- 
sidérées comme les plus anciennes qui figurent sur des gra- 
vures, se trouvent sur des estampes allemandes; ce sont celles 
du maître désigné par les lettres ^, IS. et les millésimes de 
1461, 1466 et 1467. C'était un excellent graveur qui possédait 
parfaitement la pratique de son art ; il travaillait avec beaucoup 
de régularité les hachures dans les ombres, et avait une manière 
large et franche pour reproduire les draperies. On connait de 
lui un grand nombre de belles estampes , et beaucoup d'autres 
qui paraissent être faites par ses élèves ou par des maîtres qui 
imitaient sa manière. 

Martin Schongauer ou Schœn, qui âorissait presque en même 
temps que lui, était un des graveurs les plus distlugués de cette 
époque, et avait aussi de nombreux élèves et imitateurs. Ses 
frères Gaspard, Louis et Paul pratiquaient à Colmar l'art de 
la gravure avec succès. Son neveu Barthélémy Schœn, peiotre 
et graveur, vivait à Ulm en 1471. Un des bons maîtres de son 
école est Albert Glockenton, à Nuremberg (n. 1432). 

Wenzel, d'Olmutz, a fait en 1481 plusieurs copies d'après 
Schongauer. Le msdtre de 1464, que les Français nomment le 
Maître aux banderoUes, a fait entre autres un alphabet d'ini- 
tiales latines avec des figures et des ornements, dont un exem- 
plaire complet est conservé à Bàle. Ses estampes sont assez 
estimées, mais l'encre en est encore pâle, et elles paraissent 
imprimées au frotton, tandis que celles des graveurs dont les 
noms précèdent sont imprimées d'un noir bnllant et au moyen 
de la presse. 

François de Bocholt, qui âorissait de 1458 à 1480, était un 
graveur doué d'une grande originahté ; il travaillait dans le goût 
de l'école de Van Eyck. Israël de Mecken, mort en 1503, de 
qui on connsUt plus de 250 planches, a copié beaucoup d'estam- 
pes de ses contemporains* A Nuremberg il y avait principale- 

r 



202 

ment Yeit Stoss, en 1486, qui était aussi habile sculpteur, Math. 
Zasinger, Louis Krug et Maître Mair vers la fin du siècle. 

Les noms des graveurs néerlandais de cette époque ne sont 
point connus ; mais on conserve un grand nombre de leurs es- 
tampes, qui portent toutes le caractère de Pécole de VanEyck, 
et qui se distinguent généralement par la douceur des tailles, 
par des ombres moelleuses et par un dessin excellent. 



[* 8lècle« Le XYI* siècle, si remarquable sous le rap- 
port du progrès et de l'activité des arts en général , le fut en 
particulier pour la chalcographie; il a été illustré, en Allemagne 
et en Italie, par les deux plus grands maîtres de cet art, par Al- 
bert Durer et par Marc- Antoine. 

Albert Durer avait poussé le maniement des outils, le pro- 
cédé et le mécanisme de l'art de la gravure à un "haut degré de 
perfection; il transporta dans la gravure toutes les particularités 
de son talent de peintre : l'imitation de la nature dans toute 
son originalité et sa naïveté. 

Parmi ses productions chalcographiques , les plus remarqua- 
bles sont mrtovLt: Adam et Eve de 1504, St Jérôme de 1514, 
et la Conoermn de saint EtMtache, une de ses estampes les 
plus considérables et les plus parfûtes ; elle est gravée à Feau- 
forte sur fer. 

Albert Durer eut beaucoup d'élèves, et l'excellence de ses 
gravures excitait un grand nombre d'artistes à les copier ou 
à imiter sa manière. Nous ne citerons que A. Hubert, W. de 
Haen^ J. Goossen, Zuan Andréa, Jacques Binck (1490 à 1504), 
J. de Mecken, J.-C. Wisscher, Jean, Jérôme et Antoine Wierx, 
J. Hopfer, Wenzeslas d'Olmutz. Ces derniers sont les plus har 
bUes. 

L'Allemagne se glorifie encore de Geoi^e Penz (n. Nurem- 
berg 1500), excellent graveur, distingué par la correction et 
l'élégance de la forme et la vigueur du burin. Ses travaux les 
plus importants sont la Prise de Carthage, et les six planches 
des Triomphes de V Amour, de la Charité, etc. 

Bariholomé Beham (n. Nuremberg 1496) s'est formé surtout 
diaprés Marc- Antoine ; ce fut lui qui initia par ses œuvres les 



203 

artistes allemands aux merveilles et aux beautés de Tart qui 
florissait aa delà des Alpes. H possédait un dessin correct rem- 
pli de grâce, et un burin doux et moelleux joint à une fLaesse 
admirable. Beaucoup de ses estampes ont passé pour Fouvra^^e 
de Marc- Antoine. On distingue parmi ses travaux ses Vierges , 
les Combats d'hommes nus, les Tritons et les Néréides. 

Hans Sebald Bcham (n. 1500, m. 1560), neveu du précédent, 
était un des plus éminents artistes de cette époque. Il Lûtait 
avec talent Albert Durer, ^tout en fondant la manière de cet 
artiste avec celle du maître italien. Son plus bel ouvrage est 
V Histoire de V Enfant prodigtie , en 4 feuilles. Il possédait à un 
haut degré le sentiment du beau. Après Beham viennent les pe- 
tits maîtres allemands, qui se sont principalement appliqués à 
produire un* grand nombre d'ouvrages. Il y avait cependant 
d'assez bons graveurs parmi eux ; on y compte Lucas Kranach, 
J.-S. Lautensack, 1559; Lucas Kruger, Virgil Solis, Jobst Am- 
man, Théodore de Brie, Vendelin Dieterlein, 1598, et d'autres. 

Marcantonio Baimondi, dit Marc-Antoine, de Bologne (n. en- 
tre 1475 et 1488, m. 1527), se distingue surtout par la correc- 
tion de son dessin et la netteté des contours. Sa maa'ère est 
extrêmement simple, sans affectation, et la technique paraît n'ê- 
tre qu'un objet secondaire ; néanmoins son burin avait une grande 
puissance à reproduire dans toute leur beauté et dans tout leur 
caractère les œuvres des plus grands maîtres. Contemporain de 
Raphaël, Marc- Antoine nous a principalement conservé les ou- 
vrages de ce grand artiste. Ses premiers travaux rappellent le 
style de son maître Raibolini, dit le Francia de Bologne (de 
1490 à 1535). La première planche qu'il ait signée est datée 
de 1505: c'est une Mort de Pyrame. Entre 1506 et 1510, il 
copia sur cuivre 65 xylographies d'Albert Durer; la première en 
1506, est St Jean et St Jérôme. Marc- Antoine eut beaucoup 
d'imitateurs et d'élèves; parmi ces derniers Agostino, de Venise, 
et Marco, de Ravenne, sont les plus célèbres. Parmi les contem- 
porains ou les successeurs de Marc-Antoine qui continuèrent 
plus ou moins heureusement sa manière, on distingue le Maître 
au dé, dont le nom n'est point connu, mais qu'on appelle quel- 
quefois Beatricius;— Enea Vico, et la famille nombreuse des 



2 



^ 



204 

Ghisi, dont le plus remarquable est Giorgio Ghisi. Ce dernier est 
un de ceux dont les gravures approchent le plus des meilleurs 
de Marc- Antoine; il a reproduit les grandes compositions de 
Michel- Ange, de Raphaël et de Jules Romain. 

D'autres artistes s'efforcèrent de pousser la gravure dans une 
autre voie ; ce furent surtout Giulio Bonasone et Francesco Moz- 
auoli, dit le Parmesan. 

Mais déjà vers le milieu du siècle la gravure italienne chemi- 
nait vers une déplorable décadence, que ne pouvaient arrêter ni les 
talents de Battista Franco de Venise (mort en 1561), ni les tra- 
vaux d'Agostino Carracci de Bologne, de Martin Rota de Selemico 
en Dalmatie (de 1538 à 1586), et de Francesco Yillamena d'Assisi 
(né en 1566, mort à Rome en 1626). 

Parmi les graveurs hollandais du XYI* siècle, on distingue sur- 
tout Lucas Dammerz, dit Lucas de Leiden (né àLeyde 1494, mort 
en 1533). Ses estampes ont plus de franchise et plus de précision 
que celles de ses contemporains ; elles sont encore estimées au- 
jourd'hui. Cornélius Cort (n. 1536àHorn, m. 1578 à Rome) est 
un des plus célèbres chalcographes hollandais , ainsi que Henri 
Goltzius (né à Malbrecht en 1558, mort à Harlem en 1617); ce 
dernier était réputé surtout pour la perfection des hachures et 
des tailles. Les peintres hollandais Paul Rembrandt, Adrien Os- 
tade, Nicolas Berghem, Paul Potter, Waterloo, Jacques Ruysdal, 
et d'autres ont tous produit des gravures à Feau-forte très-re- 
cherchées encore. 

La première apparition de la gravure en taille-douce en France, 
suivant Huber, ne remonte pas plus haut qu'à 1488. 

Le livre orné de gravures sur cuivre qui porte cette date a pour 
auteur Nicolas le Huen, religieux du mont Carmel et professeur 
en théologie. Ce livre est en grande partie une compilation de 11- 
tinéraire de Bernard de Breitenbach et a pour titre : ^ert^rt nation 

^e onltxtmtt en terve saintt mpxïmi & Syon pax i)onne0te< 

k^mmt» micbeUt Co|)ie be pymont tt 3aque0 berembreck balemai^ne 
Remontant au bit If on, San be notre setirne. mille CCCC quatre 
^inflti 5 bttitj et le XXVIH not^embre. On trouve dans l'ouvrage 
français les vues des mêmes villes qu'on voit dans les éditions lati- 
nes et allemandes de l'Itinéraire de Breitenbach, publié à Mayence 



205 

m 1486 par Erhard Bewich, à cette diiférence près que les plan- 
ches sont en cuivre dans la ti'aduction , et qu'elles sont en bois 
dans les originaux. 

A partir de l'époque de François I", au commencement du XVP 
siècle, la gravure et la peinture italiennes s'unirent intimement 
avec l'école française, dite de Fontainebleau, mais les graveurs 
restèrent inférieurs aux peintres. C'était en général des graveurs 
àl'eau-forte et des orfèvres. On y remarque Jean Duvet ouDa- 
net, dit le maitre à la licorne ; né en 1485, il travaillait encore eu 
1550. n était orfèvre et maniait le burin avec habileté. Sa plan- 
che capitale est l'Allégorie sur Henri n et Diane de Poitiers. 
Etienne de Laulne dit Stephanus (né à Orléans en 1518) travaillait 
principalement pour les damasquineurs, les orfèvres et les niel- 
leurs, ainsi que les graveurs Jean Yovert, Morien, Stephanus Car- 
teron, de Chàtillon, Jean Toutin et d'autres dont on possède les 
gravures. Vers la fin du siècle il y avait Philippe Thomassin, élève 
de Corneille Cort, natif de Troyes, travaillant à Rome ; Léonard 
Gaulthier et Melchior Tavernier. 



[« alède* Avec Callot commence une nouvelle ère dans 
la gravure. Jacques Callot (né à Nancy en 1593, mort en 1635)? 
le premier d'une série de bons graveurs, était peintre médiocre» 
mais il se distinguait principalement par ses gravures nombreuses 
et très-variées , qui portent toutes le cachet de l'originaUté , et 
d'une fraîcheur d'imagination remarquable. Par ses compositions 
et par son genre de vie singulier, il a beaucoup de rapport avec 
le peintre napolitain Salvatore Rosa (de 1615 à 1673), que ses ta- 
bleaux et ses eaux-fortes, autant que ses extravagances, ont rendu 
célèbre. En même temps que Callot, ou peu après, vivaient Claude 
Mellan (né à Abbeville en 1601, mort en 1688), graveur original, 
qui, entre autres, a produit une grande estampe représentant la 
tête du Christ, avec une seule ligne allant en spirale et dont le 
commencement était au bout du nez ; — Antoine Masson (né eu 
1636), distingué par ses portraits et par la souplesse de son bu- 
rin; — les graveurs laborieux Jean le Pautre ou lePotre (né à 
Paris en 1617, mort en 1682), Jean-Baptiste Marot au milieu du 
siècle, et son fils Michel ; — Israël Silvestre (né à Nancy en 1621, 



206 

mort en 1691), Susanne Silvestre; — Nicolas Gochinr (né à 
Troyes) ; — la famille des de Poilly, dont le plos célèbre est Fran- 
çois de Poilly (né à Abbeville en 1622, mort en 1693) ; — Robert 
Nanteuil (né à Reims en 1630, mort en 1678) ; — Claudine-Bonr- 
donnet Stella (né à Lyon en 1636, mort à Paris en 1697), qui est 
au premier rang des femmes-graveurs. Enfin les graveurs les plus 
distingués sont Gérard Audran (n. Lyon 1640, m. Paris 1703) 
qui gravait les grands maîtres français, et Nicolas Dorigny (n. Pa- 
ris 1657, m. 1746); —Pierre Drevet le fils (n. Lyon 1664, m. 
1739), habile surtout dans l'imitation des étoffes ; — Sébastian 
LeClerc (n. Metz 1637, m. 1714), distingué par la fécondité et la 
noblesse de son style ; — Etienne Picard, dit le Romain (n. Paris 
1631, m. 1721), et son fils BemardPicard (n. 1668, m. 1730), qui 
copiait avec fadlité les estampes d'autres graveurs; — Simon - 
Henri Thomassin (n. Paris 1688, m. 1741), qui avait une manière 
libre et pittoresque ; — Antoine Coypel (n. Paris 1661 hl 1722), 
bon graveur à Peau-forte; — Jean-Louis Roulett (n. Arles 1645, 
m. 1693). 

L'influence de l'école de Goltzius produisit de bons résul- 
tats dans le XYU* siècle en Hollande. Les principaux gra- 
veurs d'alors étaient Corneille Blœmœrt (n. Utrecht 1603, m. 
Rome 1680); — Henri Hondius (n. Brabant 1573, m. Leyde 
1645); — Pierre Soutman de Harlem (vers 1630); et ses élèves 
Jonas Suyderhœf, vers 1630, et Cornélius Yischer, vers 1660; — 
Lucas Yorstermann d'Anvers ; — Rembrandt van Rhin (n. Leyde 
1609, m. 1668), le plus célèbre des graveurs à l'eau-forte; — 
Paul Pontius à Anvers , en 1645 ; Schelte à Bolswert en Frise, 
1645; — et Gérard Edelinck d'Anvers, qui s'établit à Paris en 
1666, et y mourut en 1707. Ce graveur mariait la manière hol- 
landaise à la manière française. 

La chalcographie du XYH* siècle en Allemagne était représen- 
tée par les graveurs Mathias Mérian (n. Bàle 1593, m. Schwal- 
bach, 1651) ; — Adrien van Ostade (n. Lubecque 1610, m. Ams- 
terdam 1685) ; — les familles des Eusell et des Kilian, à Aogs- 
bourg; Jacques de Sandrart (n. Francfort 1630, m. 1708); — 
Jean-Jacques Thurneisen (n. Bâle 1636, m. 1718); — mais sur- 
tout Yenceslas HoUar (n. Prague 1607, m. Londres 1677). Les 



207 

graveurs italiens de cette époque étaient Stephanus délia Bella 
(n. Florence 1610, m. 1664); — Jean-Benoît Castiglioni, dit le 
Benedette (n. Gênes 1616, m. 1670) ; — Jean-Baptiste Falda de 
Milan , en 1665 ; — Pierre-Sante Bartoli (n. Perouse 1635, m. 
1700). Le premier et le seul graveur natif d'Angleterre (*) qui 
ait exercé son art avec distinction pendant le XYII'' siècle est 
Williams Faithorn (n. Londres, m. 1691). H gravait au burin des 
portraits et des frontispices de livres; ses plus remarquables 
planches sont Marie Stûart, princesse d'Orange, et Marguerite 
Smith^ d'après des peintures de Van Dyck. 



[* siècle. Chez les artistes italiens jdu XYin* siècle 
la chsJcographie a gardé son éclat et sa consciencieuse gravité, du 
moins chez les principaux graveurs, tels que Domenico Cunego 
de 1727 à 1794; — Pietro Longhi (n. Venise 1702), auteur d'un 
excellent traité historique et pratique de la gravure ; — Giov. 
Volpato (n. Bassano 1730, m. Borne 1803) ; — Ch.-Ant Porporati 
(n. Turin 1741, m. 1816), un des meilleurs graveurs italiens, très- 
distingué aussi dans la manière noire ; — Fr. Bartolozzi (n. Flo- 
rence 1730, m. Lisbonne 1813), qui avait travaillé longtemps 
en Angleterre , et y avait introduit la manière au pointillé, tant 
cultivée dans la suite par les graveurs anglais ; — Pietro Ander- 
loni (n. à St-Eufémia 1784); — ■ Raphaël Morghen (n. 1758, m- 
1833) ; — Jean-Marc Pitteri (n. Venise 1703, m. 1767), qui avait 
une manière toute particulière, consistant en hachures paral- 
lèles ; — Giambatiste Piranesi, distingué par ses monuments an- 
ciens et modernes, ses candélabres et vases antiques, gravés à 
l'eau-forte avec une admirable habileté et une grande vigueur. 

En France , la gravure prenait de plus en plus une tendance 
vers le maniéré. H y avait cependant d'excellents graveurs : 
Jean-Jacques Balechou (n. à Arles 1715, m. 1764); -— Philippe- 
Claude de Tubières, comte de Caylus (n. à Paris 1692, m. 1754); 
— Jacques Beauvarlet (n. à Abbeville 1731); — Etienne Fi- 
gnet (n. à Paria 1731, m. 1794) ; -- Charles-Clément Bervic 



(1) Catalogue of engravers which bave )>een born or resided in Ëngland, by Ho^ 
nceWalpole, etc. 



208 

(u. à Paris 1756, m. 1822); — Jean- Jacques Boîssieu, à Lyon 
depuis 1794, célèbre par ses eaux-fortes; — Ant-Fr. Tardieu, 
dit de l'Estrapade (n. à Paris, 1757, m. 1822), habile graveur de 
géographie; — Jean-Georges WUle (n. à Grosleiden près de 
Giesen, 1715, m. à Paris 1808), qui, quoique Allemand, tra- 
vailla toujours en France. Les Allemands de cette époque sont 
Jacques Frey (n. à Luceme 1681, m. à Rome 1752); — Jean- 
Elie Ridinger (n. à Ulm, 1698, m. 1769); — George-Frédéric 
Schmidt (n. à Berlin 1712, m. 1775) ; — Jacques Schmutzer 
(n. à Vienne 1773, m, 1808) ; — Frédéric Muller (n. à Stutt- 
gard 1782, m. à Paris 1816) ; ~ Salomon Gessner (n. à Zurich, 
1730, m. en 17^8) ; Daniel CodowiM (n. à Dantzig en 1726). 
Les Anglais développèrent aussi dans le XVlil* siècle une 
grande activité dans l'art de la gravure sur cuivre : Robert 
Strange (n. 1723, m. 1795); — Richard Earlow (n. 128); ~ 
William Weyne Ryland (n. 1732, m. 1783); — William Woolet 
(n. 1735, m. 1785); — William Sharp (n. 1746, m. 1824); — 
Charles Vownly (n. 1746) , se distinguaient en diverses maniè- 
res. 



[* fllèolea Dans les dernières années du siècle passé 
et dans les dix premières du dix-neuvième , la gravure a subi 
un abandon assez sensible. Le genre pointillé dominait généra- 
lement; la lithographie commença à prendre pied, ainsi que la 
sidérographie, toutes deux rivalisant pour détrôner leur aînée- 

Depuis 1820 environ se répandit une mode qui contribua 
encore à fausser le goût, en introduisant dans la gravure un 
genre maniéré, léché, et ne visant qu'à l'eifet; nous voulons par- 
ler de la mode des Keepsàkes (souvenirs), espèces de livres, 
d'origine anglaise, magnifiquement reliés et ornés d'un grand 
nombre de gravures de tous genres : portraits, vues et monu- 
ments, exécutés avec une grande routine, mais adoucis à excès. 

M. A.-G.-L. Boucher, baron Desnoyers (n. à Paris 1779) est 
regardé comme le rénovoteur de la gravure dans notre siècle. 
Elève de Tardieu^ il débuta en 1806 par une magnifique plan- 
che représentant la madone de Raphaël, connu sous le nom de 
la Belle Jardinière. Il a livré une série de chefe-d'œuvre dont 
le dernier est la Traoïsfiguration. En 1852 il était à Rome. 



209 

Depuis 1810, la gravure reprit peu à peu son ancien éclat; 
notre époque est riche en bons graveurs. Chaque pays en a 
fourni beaucoup d'excellents, qui ont produit des œuvres admi- 
rables dans tous les genres et dans toutes les manières. Us sont 
trop nombreux pour que nous puissions les nommer tous, nous 
ne citerons que les plus saillants. En France ce sont : Blot; 
Morel; L. Calamatta qui, bien que né en Italie, a toujours exercé 
la gravure en France. — Henriquet Dupont (m. le 4 nov. 1856), 
dont l'Hémicycle des beaux-arts, d'après Paul Delaroche est un 
chef-d'œuvre. — Ses élèves sont Alphonse et Jules François. — 
J.-M. Leroux, Bridoux, Laugier, Lecomte, Lorichon, Z. Prévost 
gravent d'après les grands maîtres. — Les Vierges de Raphaël 
exécutées par Pannier, Dien, Pelée, Metzmacher, Lévy , Saint- 
Ève (m. 1866). — A. Burdet, graveur de la Bataille de Fonte- 
noy et de la Smala. — Paul Girardet, de Neuchâtel (Suisse), gra- 
veur de la Bataille d'Isly, et de Washington traversant le Dela- 
ware. — Le Triomphe de la Beligion dans les arts, d'après Over- 
beck, la plus belle planche de notre époque, gravée par Samuel 
Amsler de Zurich (m. 1849). — T.-V. Desclaux a fait usage de 
deux procédés : la manière noire et la retouche au burin , que 
M. Prévost a également employés dans ses quatre gravures d'a- 
près Léopold Ex)bert — MM. Jazet, père et fils , sont les plus 
célèbres graveurs en mezzo-tinto. — Les Moissonneurs de L. 
Robert, et la Sainte Famille d'après P. Delaroche, gravés par 
Mercuri pour l'éditeur Goupil , sont ce qu'il y a de mieux en 
gravures artistiques. — M. Gaucherel a gravé à l'eau-forte des 
sujets d'architecture. — A.-L. Martinet, F. Forster, A.- A. Caron, 
J.-G. Levasseur, F. Girard exécutent des sujets divers, — Les 
fac-similé d'après les grands maîtres gravés par AL Leroy, Bo- 
sotte, Bein, Wacquez. — M.-A.-F. Lemaltre est l'un des derniers 
qui se soit livré à la gravure au burin. 

Les meilleurs graveurs anglais au burin sont S.-H. Robinson, 
J. Bumet (les Pensionnaires de Chelsa lisant le bulletin d'une 
^ctoire , d'après Wiskie) , Stoks Lump (la Maîtresse d'école , la 
Partie de carte de Webster, et l'Enfant en prière, d'après Frith), 
C. Rolls (portrait de West d'après Lawrence; Catherine et Pa- 
trucchio, d'après Leslie), G. Doo (l'Ecce Homo du Corrége, et 



210 

Combat de deux hommes nas, d'après Etty); — Brandard, E. 
Goodall, W. Miller, T.-À. Prior, J. Pye, C. Tumer, H. Wallis, 
J.-T. Willemore , graveurs au burin d'après feu Tumer. — C. 
Lewis, J. Outrine, Th. Landseer, J.-H. Watt exécutent en ma- 
nière noire les compositions de Landseer. Cette manière est 
encore représentée par W. HoU, T. Holl, Humphreys, S. Cou- 
sins, etc. 

L'Allemagne possède E. Mertz (Ruines de Jérusalem, d'après 
Kaulbach), E. Mandel, de Berlin. — E. Eichens, L. Jacoby, 
A. Hoffinann, graveurs de la galerie de Shakspeare , publiée à 
Berlin. — Nordlinger, de Stuttgard (portrait de Raphaël jeune), 
E. Willmann, de Bade; Steinla, de Saxe (Vierge au poisson); 
Schmidt, F. Stœber et T. Benedetti, de PAutriche. 

J. de Mare, à Amsterdam, Kaiser, Lange, Stuyter, Steelinck, 
Taurel et Wehmeyer, sont des graveurs habiles dans les Pays- 
Bas. 

En Espagne se distingue B. Martinez, de Valence, élève de 
Calamatta. 

Les diverses estampes pubhées de nos jours peuvent être pla- 
cées honorablement à côté de tout ce qu'on a fait de mieux 
dans les siècles précédents ; et tous les peuples , les Anglais 
comme les Français , les Allemands comme les Italiens, luttent 
à l'envie pour atteindre la plus grande perfection dans l'art de 
la gravure. 

Les divers genres de gravure* La gravure en creux 
se compose de plusieurs genres différents, qui s'exécutent cha- 
cun dans des manières et par des procédés très- variés , et qu'il 
importe de connaître. Suivant la matière qu'on emploie pour la 
gravure en creux, cet art prend des noms divers ; ainsi la chako- 
graphie est l'art de graver sur cuivre ; la sidérogr aphte, celui de 
graver sur acier ou sur fer ; la zincographie, celui de graver sur 
zinc, et la hyaîographie, celui de graver sur verre. 

LA CnALOOGRAPHIEy qui est pratiquée depuis le 
milieu du XV* siècle, comme nous l'avons dit plus haut, se di- 
vise en plusieurs genres, qui diffèrent par leurs procédés et leurs 
résultats. 



211 



Gravure au bariiia Le premier geure , et en même 
temps le plus ancien , c'est la gravure au burin. Ce genre con- 
siste à reproduire le dessin ou le tableau qu'on veut copier, par 
des tailles ou des hachures creusées sur la planche de métal au 
moyen de burins de différentes grosseurs. H est rare cependant 
d'employer le burin seul: généralement il sert pour terminer le 
travail fait à l'eau-forte. Ce genre se subdivise en autant de 
manières de graver qu'il y a de combinaisons de tailles et de 
points pour obtenir l'effet et le ton du coloris. C'est ainsi qu'on 
distingue la manière fine, ou celle dans laquelle les contours sont ^ 
bien marqués, les hachures serrées, irrégulières, triplement 
croisées dans les ombres, quelquefois même quadruplement, et 
finissant vers les lumières par de petits traits courbes; C'est dans 
cette manière que travaillaient les anciens maitres allemands : 
Schongauer, Israïl von Mecken, François de Bocholt. 

La manière lancéolaire a toujours les contours fortement tracés, 
les hachures simples, peu serrées, avec des traits fins entre deux, 
placés diagonalement. Les tailles se fondent dans les lumières 
par des bouts très-déUés. C'est la manière de graver de presque 
tous les anciens maitres italiens: Mantegna, PoUeguola^ Joan 
Andréa, etc. 

La Trumvère brillante présente les contours du dessin solide- 
ment marqués par des traits fins. Les hachures sont serrées, dou- 
blement croisées dans les ombres; pures et brillantes c'est la 
manière d'Albert Durer, de Lucas de Leyde, de Léonard Gau- 
tier, d'Etienne de Laulne, de Wierix, etc. 

La manière facile ne diffère des autres que par la légèreté du 
travail, par des hachures serrées à deux ou trois rangs et entre- 
mêlées de points. Elle a été employée par Marc- Antoine, par les 
Ghisi, Bonasone , le Maître au dé , etc. Cette manière perfec- 
tionnée a été appelée la manière franche^ et fiit pratiquée par Cor- 
nélius Cort, Augustin Caraccio, Villamena, Alberti, etc. Dans la 
manière dite ha/rdie, les contours sont produits par des hachures; 
les muscles et les plis des draperies sont franchement accusés ; 
les hachures se perdent finement dans les lumières en suivant 
les reliefs et les creux, au moyen d'une rangée de taiUes; dans 



212 

les parties les plus ombrées, il y a deux rangs de taîDes , comme 
le montrent des estampes de Henri Golzios, de Jocob de Gheyn, 
Jac. Matham, J. MuUer, J. Saenredam^ Lucas Eilian et d'autres. 

Dans la fnanière à hachures paraUèîes on ne se sert que d'un 
seul rang de tailles placées parallèlement et reproduisant le mo~ 
delé suivant le sens des objets qu'elles doivent représenter. C'est 
la manière de Mellan, de François Spierre, de Thumeisen. H y 
a une manière particulière et bizarre à hachures parallèles, in- 
ventée par Jean-Marc Pitteri, dans laquelle toutes les tailles sont 
dirigées perpendiculairement ou diagonalement Pour décider 
le contour et les demi-teintes, les tailles, généralement légères, 
sont rentrées à petits coups de burin en manière de poires al- 
longées plus ou moins marquées. François Piranesi, J.-Ant. Pas- 
quali, J.-A. Fàldoni et Jean Cattini travaillaient aussi au moyen 
de hachures parallèles traversant directement les formes, en ne 
les modelant que par le renflement et le rétrécissement des tailles. 

La manière frettée ou treUîèe dans laquelle les taiDes moel- 
leuses se croisent en forme de treillis avec d'entre-tailles com- 
posées de points réguliers faits au burin, a été pratiquée par 
Corn. Bloemaert, Michel Natalis, Fr. Spierre, Guil. YàQet, Et 
Baudet, Fr. de Poilly, Gr. Ëdelink, R. Nanteuil et d'autres. 

Toutes ces manières sont ou demi-ombrées ou ombrées en- 
tièrement suivant le plus ou le moins de hachures. Elles sont 
employées dans tous les genres de gravures, et toutes celles que 
nous avons nommées ont cela de commun, que toutes les parties 
du dessin sont traitées de la même manière sans distinction. 
Mais il y a une autre manière dans laquelle on distingue par 
un travail particulier les chairs, les étoffes, les terrains, etc. Cette 
manière peut être considérée comme la plus parfaite. Les gra- 
veurs suivants s'y sont distingués : G.Edelink, Aut. Manon, Corn. 
Vischer, J.-J. Balechou, C.-Fr. Schmidt, J.-G. "Wîlle, Jacques 
Schmutzer , Bartolozzi, J.-G. MuUer, Jean Hall, J.-C. Scherwin, 
W. Sharp et d'autres. 

Nous devons mentionner encore une manière toute particu- 
lière dont l'invention est due à Jean Boulanger (1660), c'est la 
mamère pomtiUée. Elle s'exécute au moyen de points et de petits 
traits faits au burin, et ne sert généralement que pour traiter les 



m 

chairs. Morin (1660), Schenker (né à Genèye) et quelques autres 
graveurs, surtout les Anglais, ont travaillé dans cette manière, 
sur laquelle nous reviendrons plus bas. 

Gravure à reanaforte. Le second genre de chalcogra- 
phie, la gravure à l'eau-forte , est le genre le plus généralement 
employé ; il of&e de grands avantages sous le rapport du temps 
et de la facilité d'exécution. 

On n'est point d'accord sur l'origine et la date de sa décou- 
verte. B'un côté on l'attribue à François Mazzuoh, dit le Parme- 
san, qui s'occupait beaucoup de chimie; d'un autre côté on fait 
valoir l'antériorité des gravures de ce genre faites par Albert 
Durer. M. Duchesne aîné pense que cette question peut être 
maintenant résolue , mais d'une manière assez singulière : « Car, 
dit-il, au lieu de laisser cette invention à l'un de ceux à qui on 
avait voulu en faire honneur, on peut assurer qu'elle est due à 
Wenceslas d'Olmutz, dont il existe au BriUéh Muséum une gra- 
vure extrêmement curieuse, représentant une figure allégorique 
et satirique, avec la date de 1496. Elle est relative aux discus- 
sions qui eurent lieu à cette époque entre quelques princes d'Al- 
lemagne et la cour de Rome. Cette pièce que l'on croit unique, 
et qui a échappé aux recherches de MM. de Heinecke, de Murr 
et de Bartsch , est extrêmement curieuse , puisque par sa date 
elle montre une antériorité de 19 ans sur les gravures d'Albert 
Durer, dont la plus ancienne porte la date de 1515, et que celles 
du Parmesan sont encore plus récentes , ce peintre n'étant né 
qu'en 1503. » 

Le procédé de la gravure à l'eau-forte consiste en trois opé- 
rations principales; l** à vernir laplanche.de cuivre; 2** à décal- 
quer et à tracer sur cette planche le dessin qu'on veut multiplier ; 
3* à la fedre mordre par un acide. 

Après avoir bien dégraissé et nettoyé avec du blanc d'Espagne 
la planche de cuivre rouge, on la place sur im réchaud conte- 
nant un feu de charbon très-doux ; on fixe à l'un ou à plusieurs 
des angles de la planche des étaux à main, afin de pouvoir la 
manier convenablement Si la planche est petite, on peut la chauf- 
fer avec du papier roulé en corde, que l'on promène dessous tout 



Ô14 

allumé. Mais, si celle-ci est de grande dimension, on la suspend 
au-dessus du réchaud au moyen de cordes à une poulie fixée au 
plafond. Lorsque la planche a atteint le degré de chaleur voulu, 
on passe la boule de vernis enveloppée dans du taffetas neuf^ jus- 
qu'à ce que toute la surface en soit couverte, et on frappe en- 
suite le vernis avec un tampon en soie, afin de Fégaliser. La 
meilleure méthode et la plus nouvelle pour vernir la planchei 
c'est de se servir d'un petit rouleau en bois recouvert de peau 
dégraissée, se mouvant dans un manche fourchu, avec lequel on 
étend le vernis qu'on a fait fondre sur le bord de la planche. 

Le vernis dont on se sert est de différente composition, suivant 
le travail qu'on veut exécuter. Celui qu'on trouve chez les mar- 
chands n'est pas toujours excellent ; il est donc utile d'en con- 
naître la composition, afin de pouvoir en faire au besoin. Le ver- 
nis dont se servait Rembrandt se compose d'une partie d'asphal- 
te, d'une de mastic en larmes et de deux de cire vierge; celui 
d'Abraham Bosse , d'une partie d'asphalte , deux de mastic en 
larmes et trois de cire vierge ; celui de Callot, dit vernis de Flo- 
rence, de quatre onces d'huile de lin pure et d'autant de mastic 
en larmes. Le vernis anglais a une partie d'ambre jaune, deux 
d'asphalte et quatre de cire vierge, ou quatre parties d'asphalte, 
deux de poix noire de Suède, et une partie de poix de Bourgogne. 
M. Henri Felsing, de Darmstadt, fabrique un excellent vernis dans 
lequel il fait entrer six onces (loth) de cire , quatre de gomme 
laque, trois de colophane et cinq d'asphalte. 

Après avoir verni la planche, et avant son refroidissement, on 
la tourne, le vernis dessous, et on promène la flamme d'un flam- 
beau composé de plusieurs bougies allumées, la mèche restant à 
un pouce au plus de distance, jusqu'à ce que la flamme toujours 
en mouvement ait communiqué au vernis une teinte noire bien 
égale. Cette opération s'appelle y^m&er îaplanchej et sert adon- 
ner au vernis une couleur noire , afin de facihter le décalque du 
dessin. 

Le calque du dessin qu'on se propose de graver peut se £ure 
sur du papier transparent, dit papier à calquer (ou papier végé- 
tal), sur lequel on trace, au moyen d'un crayon ou d'une plume, 
les contours et les détails de l'original Pour le décalquer sur la 



âi5 

planche, on le renverse sur le vernis, le dessin en dessous, puis 
on interpose entre la planche et le calque un papier fin recou- 
vert d'une couche de sanguine, et Ton passe sur tous les traits 
une pointe bien arrondie pour les marquer sur le vernis. C'est la 
manière la plus ordinaire pour transporter le dessin sur la plan- 
che vernie, mais il y en a encore d'autres, qu'il importe de con- 
naître. Un calque fait sur un papier d'une épaisseur moyenne 
avec un crayon de mine de plomb mou se décalque très-bien sur 
le vernis lorsqu'on humecte légèrement la feuille, qu'on la pose 
sur la planche du côté du dessin , et qu'on la fait passer sous la 
presse de l'imprimeur, qui fait adhérer le crayon au vernis. Au 
lieu du crayon on peut se servir «de vermillon mélangé d'un peu 
de fiel de bœuf. 

Le papier-glace, qui n'est autre chose qu'une feuille de géla- 
tine très-mince et aussi transparente que du verre, sert très-avan- 
tageusement pour le calque et pour le décalque. Le dessin 
s'exécute avec une pointe tranchante, très-soigneusement 
aiguisée pour qu'elle ne forme pas de rebarbes, qui pourraient 
endommager le vernis. On remplit de poudre rouge les traits 
creusés dans le papier-glace , et on décalque sur le vernis en 
frottant le revers avec un brunissoir, ou l'on opère par im- 
pression comme à la méthode précédente. Pour décalquer sur 
cuivre nu, on remplit les traits du dessin fait sur papier-glace 
avec du soufre pulvérisé, on le renverse sur la planche préala- 
blement enduite de suif, puis avec l'aide du brunissoir on opère 
comme nous l'avons indiqué ; le suif, combiné avec le soufre, laisse 
sur la planche des traces noires très-prononcées, qui ne tarde- 
raient pas à creuser le cuivre si l'on ne se hâtait de les laver 
avec de l'essence de térébenthine. 

Lorsque le décalque est terminé, on préserve le vernis de toute 
écorchure en recouvrant la planche de linges très-fins, et en se 
servant d'une espèce de petit banc en bois, dont les pieds posent 
snr la table , et dont le, dessus recouvre la planche sans la tou- 
cher, ou bien l'on entoure la planche d'un cadre dont l'épaisseur 
dépasse un peu celle du cuivre , et sur lequel repose une plan- 
chette de bois pour soutenir la main pendant le travail. 
Les pointes dont on se sert pour tracer le dessin sur la plan* 



2U 

che à travers le vernis doivent être de bon acier trempé et de 
différentes grosseurs, suivant le genre de dessin qu'on veut re- 
produire. Les fines aiguiUes anglaises et les équarrtssoirs dont se 
servent les horlogers , fixés dans un porte-pointe ou dans des 
manches, sont les meilleures pointes. H faut avoir soin de les ai- 
guiser convenablement pour qu'elles glissent sur le cuivre dans 
tous les sens avec facilité, qu'elles tracent un trait pur, brillanti 
sans aucune égratignure, et qu'elles n'attaquent le cuivre que lé- 
gèrement 

Le tracé à la pointe terminé, on soumet la planche à l'action 
du mordant pour creuser les traits. A cet effet on entoure la plan- 
che entière, ou la partie seulement qu'on veut faire mordre, d'un 
bord en cire molle de 2 à 3 centimètres de haut, en ménageant 
dans un de ses angles une petite goulotte pour pouvoir se débar- 
rasser commodément de l'acide restant après la morsure. L'eau- 
forte ou l'acide nitrique que l'on verse sur la planche à la hau- 
teur de 2 centimètres au moins, doit avoir 15, 20 ou 25 degrés, 
suivant le travail qu'on veut exécuter. En y mêlant un peu de 
sel ammoniac, »on empêche l'eau-forte d'élargir les traits. La 
force de l'acide et la durée de la morsure ne sont soumises à 
aucune règle fixe ; la pratique seule guidera l'artiste. Il £ftut ce- 
pendant avoir soin de ne pas laisser l'eau-forte en repos, mais 
de l'agiter souvent avec la barbe d'une plume de pigeon , pour 
ôter les bulles qui se forment sur les traits. Lorsqu'on juge que 
les parties légères ont acquis le ton convenable, il faut suspendre 
l'action du mordant. On retire l'eau-forte, on lave la planche à 
plusieurs eaux, sans ôter la bordure de cire ; et on la sèche, en 
appliquant dessus du papier brouillard ou du papier Joseph. En- 
suite on recouvre toutes les parties suffisamment mordues de 
petit vernis ou de vernis à couvrir , composé d'une dissolution 
d'asphalte dans de l'essence de térébenthine mélangée d'un peu 
de noir de filmée, avec mi pinceau. Après l'entière dessiccation 
du vernis, on remet l'eau-forte pour opérer la seconde morsure, 
et pour donner à d'autres parties le degré de force convenable. 
On continue ainsi jusqu'à ce que tous les tons aient acquis le de- 
gré de vigueur convenable, en ayant soin de retirer chaque 
fois l'eau-forte de la planche, de laver celle-ci et de la sécher. 



217 

Lorsque le travail de la morsure est terminé, on ôte la bordure 
en cire, on passe la planche àPessence de térébenthine légère- 
ment chauffée, et on ébarbe le cuivre avec un charbon doux et 
de lliuile, pour enlever les saillies résultant du foulage de la 
pointe. Pour vider complètement les tailles on se sert de lessive 
caustique. M. Beleschamps recommande le sous-carbonate de po- 
tasse réduit en poudre fine, sur lequel on jette quelques gouttes 
d'eau. Pour cela on se servira d'une brosse rude, afin de faire 
entrer de ce sel alcalin dans les tailles. 

Si l'on s'aperçoit, après le tirage des épreuves, qu'il y a des 
places où la morsure n'a pas assez agi , ou auxquelles on voudrait 
donner plus de force, on pourra faire remordre la planche. A cet 
effet on la nettoie bien, comme nous l'avons indiqué, et on la 
revemit en ayant soin de ne pas trop la chauffer, pour que le 
vernis ne coule pas dans les tailles lorsqu'on passe dessus le 
rouleau à vernir. On peut alors remettre l'acide, et creuser les 
parties qui en ont besoin, sans retoucher à la pointe ; ou bien 
on peut tracer à la pointe de nouvelles rangées de hachures 
par-dessus les autres, pour augmenter la vigueur. Pour empê- 
cher le vernis d'entrer dans les traits, on n'a qu'à y introduire 
de la gomme arabique à laquelle on mêle un peu de blanc pour 
la rendre visible ; la gomme repoussant le vernis, il faut avoir 
soin de bien essuyer les places où l'on veut qu'il prenne. 

Telles sont en général les diverses opérations du procédé de 
la gravure à l'eau-forte. Nous n'entrerons pas dans plus de 
détails, le praticien les touvera dans les traités spéciaux aux- 
quels nous le renvoyons. 

On distingue ordinairement deux genres de gravure à l'eau- 
forte : celui qui est connu sous le nom d^eau-forte des peintres, 
et celui dit eavrforte des gravewrs. Ce dernier genre n'est des- 
tiné qu'à préparer le travail, qui doit être terminé au burin; ce 
n'est qu'une ébauche d'estampe plus ou moins avancée. Quel- 
quefois l'eau-forte domine dans les tailles faites au burin, d'au- 
tres fois elle n'occupe que des places secondaires, suivant le 
goût et l'habileté de l'artiste ou les exigences de l'original. 

On joint souvent à ce genre mixte, et aussi au genre pure- 
ment eau-forte, un autre travail , celui dit à ^ pointe ûche. Ce 

10 



218 

genre s'exécute snr cuivre nu, c'est-à-dire non verni, au moyen 
de pointes aiguisées en tranchants de diverses formes, qui enta- 
ment le cuivre à peu près comme le burin, mais dont les tailles 
ne sont ni aussi profondes, ni aussi nourries que celles qui 
sont faites au burin. On exécute rarement des planches entiè- 
rement à la pointe sèche; on n'use guère de ce procédé que 
pour les petites figures et pour harmoniser et lier les tons. La 
pointe sèche permet de faire des dessins avec une extrême 
finesse, et les épreuves, vues à distance, ont l'apparence de 
lavis, parce qu'en général on n'ébarbe pas les tailles; le refou- 
lement produit par le travail de la pointe retient l'encre d'im- 
primeur et communique à l'œuvre ce velouté qui distingue ce 
genre. Mais cette espèce de gravure a aussi l'inconvénient de 
s'user très-promptement et de ne fournir qu'un petit nombre de 
bonnes épreuves, tsmdis que les planches gravées totalement 
au burin en donnent une grande quantité. On estime à 1,500 
le nombre des épreuves parfaites, et de 3 à 4,000 celui des 
épreuves passables qu'on peut obtenir d'une planche gravée au 
burin. 

L'eau-forte des peintres , pratiquée par les dessinateurs et les 
peintres, est un genre tout à fait libre, qui n'est soumis à aucune 
règle, et qui dépend entièrement du goût, du sentiment et du 
caprice de l'artiste. Celui-ci se sert de la pointe comme il manie 
le crayon, et il peut produire dans ce genre des choses char- 
mantes, tantôt vigoureuses et brillantes, tantôt douces et fines. 

Les artistes les plus distingués dans la gravure à l'eau-forte 
sont : Albert Durer, Antoine de Trente , Salvator Rosa , Guido 
Reni^ Dieterlein, de Strasbourg, Jacques Callot, Stephano Della 
Bella, Ab. Bosse, Rembrandt, Ant Tempesta, Daniel Chodo- 
wiecki, Potter, Claude Lorrain, Piranesi, Salomon Gessner; — 
Angélique Kaufinann (n. Coire en Grisons, 1741, m. en Itahej 
1807), pendant son séjour en Italie, en 1766, grava à l'eau-forte, 
mêlée de lavis, trente planches de différentes grandeurs, tant 
d'après des sujets de sa composition que d'après divers maîtres 
italiens. Nous nommons encore Eolbe, Boissieu, Biedermann, 
Mercuri; Jean Huber et Calame, de Genève. 

A Londres il existe une société d'artistes, connue sous le 



219 

nom de Etchmg-Club, qui publie de temps en temps des collec- 
tions d'eaux-fortes; celle de 1844, éditée sous le titre Etched 
Thoughts hy the memhers of the Etchmg-Club, contient soixante 
planches exécutées par J. Bell , C.-W. Cop, Th. Creswich, T. 
Fearnly, J.-R. Herbert, F.-C. Knight, J. Calcoth-Horsley, R. 
Redgrave, J. Stone, F. Severn, C. Stonhouse, F. Webster, Fr. 
Taylor, N.-.T. Townsend, etc. 

0IezzO"tintOa Le troisième genre de gravure est très- 
différent des deux précédents. Au lieu de réserver sur la plan- 
che les lumières et de creuser par divers moyens les demi- 
teintes et les ombres , on fait justement le contraire : on com- 
mence par les tons les plus foncés, et on use le cuivre jusqu'à 
ce qu'on ait atteint les diverses teintes de la lumière. Aussi ap- 
pelle-t-on ce genre Mezzo-tinto, ou manière noire. 

Le procédé, qui est purement mécanique, consiste d'abord à 
produire sur toute la planche un grain égal et serré qui donne 
une épreuve d'une teinte noire uniforme et bien veloutée. On se 
sert pour graver la planche d'un outil d'acier nommé berceau 
qui , pareil à un ciseau plat dont le tranchant décrit un arc de 
cercle d'environ 6 pouces de rayon, est armé de dentelures 
très-rapprochées et très-fines. Pour obtenir le grain convenable, 
on tient le berceau par son manche aussi fermement que pos- 
sible, et dans une direction perpendiculaire à la planche; puis, 
balançant le berceau de droite à gauche, et de gauche à droite, 
on lui fait imprimer ses dents dans le métal, de manière que 
chaque oscillation du berceau forme une ligne parallèle aux 
lignes déjà produites. Lorsqu'on a ainsi couvert toute la plan- 
che de lignes paralèlles, on en produit d'autres à angle droit 
avec les premières, puis une troisième et une quatrième série 
de lignes formant des diagonales avec les deux précédentes, 
puis d'autres se croisant sous différents angles , jusqu'à ce que 
la planche soit recouverte d'un grain très-serré et parfaitement 
identique dans toutes les parties. L'opération du berçage est 
très-longue et très-fatigante, car les quatre opérations doivent 
se répéter une vingtaine de fois. 

Quand la planche est ainsi préparée, on décalque le dessin 



220 

qu'on veut graver en se servant d'un papier enduit de sanguine. 
Pour que les traits ne s'effacent pas pendant le travail, on les 
repasse avec un pinceau et l'encre de Chine, ou avec de la 
couleur à l'huile. C'est avec des racloirs , des grattoirs et des 
brunissoirs de formes et de forces variées, qu'on enlève ou qu'on 
écrase tout ce qui doit devenir blanc à l'épreuve, ou seulement 
d'un ton moins foncé que le grain primitif. C'est de cette ma- 
nière qu'on arrive à produire les dégradations de teintes les 
plus déhcates du clair-obscur, depuis le noir le plus vigoureux 
jusqu'au blanc le plus brillant. 

Lorsqu'on a trop enlevé le grain dans certaines parties, on 
peut y remédier en les repassant avec de petits berceaux. 

Ce genre se rapproche des dessins au lavis ou des dessins 
à l'estompe, et il est particulièrement propre pour les chairs et 
les draperies, pour la reproduction des fleurs, des fruits et des 
ornements brillants; mais les planches gravées à la manière 
noire sont difficiles à imprimer et ne fournissent que 150 ou 
tout au plus 300 bonnes épreuves. Le grenage des planches 
offre aussi de grandes difficultés et demande un temps consi- 
dérable. Une planche de 2 pieds de long sur 18 pouces de 
large exige près d'un mois de travail pour produire un grain 
convenable. Aussi on trouve maintenant en Angleterre des plan- 
ches toutes préparées, et en France on a remplacé le grenage 
des planches fait à la main, par le grenage mécanique, dont 
l'invention est due à MM. Collas et Saulmier aîné. 

La gravure à la manière noire a été inventée en 1643 par un 
officier hessois, Louis de Sieghen. Son premier essai fut le 
portrait de la landgrave de Hesse , Amalie-Elisabeth. Le prince 
palatin Robert (*), à qui l'inventeur avait communiqué son pro- 
cédé, le fit connaître en Angleterre, où ce genre de gravure 
fut adopté et où il atteignit bientôt le plus haut degré de per- 
fection. 

C'est surtout Richard Earlom (n. comté Sommerset, 1728, 
m. Londres, 1794) qui a pratiqué la manière noire avec grand 
succès. Parmi le grand nombre de planches qu'il a gravées dans 

(1) 11 y a dans la galerie de Dresde des gravures dans ce genre, exécotées par le 
prince Rubrecht. 



221 

ce genre, on distingue an Iron Forge, d'après J. Wright 
(1773), the royal Académie of Arts, et the Porter and hare, 
d'après Zoffani ; le portrait du général Elliot , d'après Beinolds 
(1782); le portrait de Rembrandt (1767); Galathea, d'après 
Giordano (1779); a Fruit-Piece, et a Flower-Piece , d'après 
Huysum (1781 et 1778); une Lionne avec ses petits, d'après 
Northcote (1780); la femme de Rubens (1783), etc., etc. Les 
graveurs qui se sont le plus distingués dans la manière noire 
sont: John Dixon, John Smith (n. 1660, m. Bristol, 1721), 
Inigo Wright, Robert Dunkarton, W. Dickinson, John Murphi, 
J. Finlayson, PhiUppe Daw, John Saunders, Thomas Parc , Ri- 
chard Houston, George White, et de Bapt. Smith, les Haid et 
Rugendas, d'Augsbourg; Vogel, de Nuremberg, qui sont tous 
du XVin* siècle. Plus modernes sont Jacob Pichler, Franz 
Wrenk, André Geiger, J.-François Clerc, Jean et Jacques-Léon, 
Porporati, de Turin; Jazet, père et fils, de Paris. * 

Aqna^tinta* Le quatrième genre de gravure, c'est l'aqua- 
tinta, ou la gravure imitant, au moyen de teintes variées et 
grenées, le lavis à l'encre de Chine ou à la sépia sur pa- 
pier. Pour reproduire ce grené et ces différentes teintes , on 
a plusieurs procédés, et chaque artiste a encore des moyens 
particuliers plus ou moins avantageux. Nous allons donner les 
plus généralement employés. 

D'abord il faut transporter le dessin sur la planche : ce qui 
se fait de la même manière que nous l'avons décrit à l'eau- 
forte y à cette différence près , que le trait doit être très-fin 
et très-faiblement creusé. Après quoi on enlève le vernis , on 
nettoie bien la planche , et on lui donne le grain de la ma- 
nière suivante. 

Dans une boîte de bois léger, de la capacité d'un mètre 
enifiron, on soulève au moyen d'un soufflet de la poudre de 
résine très-fine qu'on y a préalablement placée, et on la laisse 
reposer pendant quelques instants ; ensuite on pose la planche 
dans le fond de la boite sur des tasseaux: les grains de ré- 
sine sont d'autant plus fins, qu'on aura attendu plus long- 
temps pour placer la planche dans la boite. Au bout d'un 



222 

certain temps la planche est recouverte d'une poussière blan- 
che, dont on peut augmenter la quantité en renouvelant l'o- 
pération. Lorsque la planche est suffisamment recouverte de 
résine, on la chauffe avec précaution an-dessus d'une lampe 
à l'esprit-de-vin, ou au moyen d'un papier enflammé, pour 
faire agglomérer les grains de la poussière de résine , et les 
faire adhérer au cuivre. On couvre alors avec du petit vernis 
les parties qui doivent rester blanches, on borde la planche , et 
on fait mordre le reste; on couvre les parties qui sont assez 
mordues, on fait mordre de nouveau celles qui demandent plus 
de vigueur, et on continue cette double opération jusqu'à ce 
qu'on ait obtenu la dégradation des teintes et les forces qu'on 
désire. Pour produire un grain plus parfeit qu'avec la résine or- 
dinaire, M. Deleschamps recommande de prendre 4 parties de 
résine ordinaire sans ordures , et 12 parties d'arcanson noirci, 
le tout réduit en poudre, et de les passer plusieurs fois à tra- 
vers un tamis de soie le plus fin possible. 

On obtient encore le grain par d'autres procédés. Ainsi on fait 
dissoudre dans de l'alcool très-rectifié de la résine, de la poix de 
Bourgogne, ou du mastic en larmes, et quelquefois ces trois sub- 
stances à la fois, selon l'espèce de grain qu'on veut obtenir, chacune 
donnant un grain différent On verse de cette dissolution , plus 
ou moins chargée , sur la planche maintenue dans une position 
inclinée pour faire écouler le Kquide superflu , puis on la laisse 
se sécher. La couche résineuse laissée sur la planche, par l'éva- 
poration de l'alcool , ne tarde pas à se crevasser en tous sens, 
tout en restant fortement adhérente au métal, et produit des ré- 
seaux différents de forme pour chacune des substances résineu- 
ses employées. Plus cette couche est épaisse, plus le retrait de la 
matière est considérable , et plus les lignes qui forment les ré- 
seaux sont larges. La position inclinée qu'on donne à la planche 
pour faire écouler le liquide superflu fait déposer au bas de cette 
planche une plus grande quantité de résine que dans les au- 
tres parties. Aussi faut-il avoir soin de placer en bas les pacties 
qui doivent avoir le plus de vigueur. 

Une autre méthode consiste à couvrir de petit vernis toutes 
les parties blanches, et de faire mordre toutes les autres par- 



223 

tîes avec de Fesprit de mtre affaibli; en pratiquant ainsi plu- 
sieurs morsures, en ayant soin de couvrir chaque fois les pla- 
ces assez mordues, on peut obtenir deux ou trois teintes dif- 
férentes, mais légères et d'un grain mat. Pour donner plus 
de vigueur, on enlève le petit vernis, et on recouvre la plan- 
che entière d'un vernis transparent d'une partie de poix de 
Bourgogne et de deux de cire; puis, pendant que le vernis 
est encore liquide, on le saupoudre, au moyen d'un tamis fin, 
de sel gemme ou de sel marin purifié réduit en poussière. On 
remet la planche sur le feu jusqu'à ce que le sel ait pénétré 
à travers le vernis jusqu'au nu du cuivre ; puis on la laisse re- 
froidir et on la met tremper dans l'eau pour dissoudre le sel, 
qui laisse à la place qu'il occupait un nombre considérable de 
petits trous qu'on ne peut distinguer qu'avec la loupe. On 
opère alors comme ci-dessus, après avoir couvert de vernis les 
parties blanches et les parties mordues. 

Cette méthode donne un résultat absolument contraire aux 
précédents, c'est-à-dire qu'au lieu d'un réseau de lignes noires, 
on obtient à l'épreuve Un réseau de lignes blanches sur un 
fond noir. On attribue ce procédé à Peter Floding. 

On peut se servir avantageusement de la méthode suivante 
pour imiter parfaitement les dessins faits au pinceau. Après 
avoir tracé le dessin sur la planche, on la vernit de nouveau , 
et on peint les ombres les plus foncées avec un pinceau trempé 
dans une dissolution composée d'huile d'olive , d'essence de té- 
rébenthine et de noir de fiimée. Ce mélange a pour effet la 
dissolution du vernis, qu'on enlève ensuite facilement, mais 
avec précaution, au moyen d'un linge légèrement trempé d'acide. 
Lorsque les places ainsi peiutes sont bien nettoyées , on leur 
donne le grain, en exposant la planche à la boîte à grener ; on 
m mordre , et on continue ainsi en découvrant, en grenant et 
en creusant toutes les autres teintes du dessin , en les dégra- 
dant jusqu'aux tons les plus légers. 

n y a encore une méthode , semblable à la précédente , qui 
consiste à faire les retouches et les parties fortes avec un pin- 
ceau et un mélange de blanc ordinaire, de thériaque et de 
sucre fondu, mélange qu'on apphque comme on pose les tou- 



224 

che8 à l'encre de Chine sur du papier. Le reste de la planche sera 
de nouveau verni et soumis à Faction de l'acide, qui agira seu- 
lement sur les parties retouchées avec le mélange, et leur don- 
nera la vigueur désirée. 

Quelques artistes emploient une composition de sel marin, de 
sel gemme ,,de sel ammoniac et de sirop de vieux miel pour 
l'appliquer avec le pinceau sur le cuivre nu. 

On obtient encore un assez bon résultat, et sans être obligé 
de grener la planche, en se servant pour mordant d'eau-forte 
affaiblie à 12** , mélangée de 12 parties d'eau distillée , et de 
3 d'alcool rectifié; ce mordant produit une teinte égale et lé- 
gère , qu'on rend successivement plus foncée en ayant soin de 
recouvrir les places qui sont assez creusées , et en faisant re- 
mordre les autres. 

Le procédé de gravure au lavis que M.Keller a inventé en 1817, 
diffère totalement de ceux dont nous venons de parler : il a pour 
but de substituer à la méthode de l'aqua-tinta par l'eau-forte, un 
moyen mécanique d'incruster le cuivre sans le secours de cet 
acide. Voici en quoi il consiste : après a^ir tracé les contours du 
dessin, on vernit et on flambe la planche, et on recouvre les parties 
qui doivent être ombrées avec du fiel de bœuf à l'aide d'un pin- 
ceau. On verse du sable dessus, on enlève tout le sable qui n'adhère 
pas au fiel, on recouvre d'une feuille de papier, et l'on applique 
fortement pour que le sable découvre le cuivre ; enfin on enlève 
le sable avec un pinceau, et on fait mordre à l'eau-forte. Cette 
opération terminée, on nettoie le cuivre et on y passe de l'huile ; 
les autres opérations n'exigent plus d'eau-forte, et c'est ici, à 
proprement parler, que commence le procédé de M. Keller. 

Pour produire le premier grain, on couvre les parties de la 
planche qui ne doivent point être attaquées d'un vernis dur et 
sec, auquel le sable ne puisse s'attacher; on étend de gros sable 
sur la planche, bien également, de l'épaisseur d'un quart de ligne ; 
on fait agir une roulette d'acier trempé, montée dans une chape, 
d'abord doucement pour que le sable ne coule pas, et ensuite 
plus fortement, en longueur et en largeur, jusqu'à ce que la plan- 
che soit également attaquée et qu'il n'y ait plus de parties bril- 
lantes. L'opération terminée, on replace le calque sur le cuivre, 



226 

on décalque sur le fond grené les lointains et la perspective ; on 
passe le brunissoir avec de l'huile sur les parties brillantes du 
ciel, afin de former les nuages, et sur les parties qui doivent être 
détachées les unes des autres, et on passe sur les plans éloignés 
un bouton d'acier poli, auquel on donne un mouvement circulaire. 
Si l'on veut obtenir des parties plus foncées, on couvre tout le 
reste de vernis dur , on agit sur les parties découvertes comme 
précédemment, et en se servant d'un plus petit rouleau d'acier. 

Pour produire un second grain, on mélange avec du vernis de 
la couleur composée d'une partie de mastic, des deux parties d'huile 
de térébenthine, et de la couleur brune broyée avec de l'huile ; 
on en couvre toutes les parties plates du second plan, quelque lé- 
gères qu'elles soient; on verse alors le sable sur la planche, et on 
rejette tout ce qui n'est point attaché à la peinture. Pour les gran- 
des surfaces on se servira de la roulette que l'on promènera forte- 
ment sur le sable ; pour les petites parties on se servira d'un plus 
petit instrument en acier. On s'assure par une épreuve des diffé- 
rents tons et de l'effet général de la gravure. Pour le troisième 
grain, les mêmes moyens sont mis en usage que dans la formation 
des teintes du premier plan; seulement on prend le sable le plus 
gros, on l'imprime le plus fortement possible, et on passe le bru- 
nissoir sur les endroits où l'on veut rappeler les clairs. Il faut, 
pour obtenir les tons convenables, souvent renouveler l'ensable- 
ment» et avoir soin de se procurer du sable fin, bien pur et conte- 
nant beaucoup de quartz. M. Eeller prétend que les planches trai- 
tées de cette manière ne donnent que 200 épreuves, mais qu'on 
peut reconmiencer à sabler tant que les contours sont encore vi- 
sibles. Les épreuves tirées de ces planches tiennent, quant à l'ap- 
parence, le milieu entre la manière noire et l'aqua-tinta à l'eau- 
forte ; elles présentent un certain velouté provenant des aspérités 
du cuivre produites par le refoulement du sable. 

On attribue à Jean- Adam Schweikard(*) (n. Nuremberg 1722, 
m. 1787) les premiers essais de gravure au lavis : c'était à Florence, 
en 1750, qu'il grava des dessins de msdtres à l'aqua-tmta. 

Schweikard communiqua son invention à André Scacciati (m. 

(1) Miirr, 710, et Meusers Muséum, 1787, 

10* 



226 

1771) qui publia en 1766, à Florence, vingt gravures dans ce 
genre, d'après les plus célèbres peintres de la galerie de cette 
ville. 

Jean-Baptiste Le Prince (n. Paris 1733) s'était aussi occupé 
du lavis, et avec un succès parfait; mais son procédé n'a été di- 
vulgué qu'après sa mort, en 1781, par son ami l'abbé Saint-Non, 
à qui il parait avoir révélé son secret L'abbé Jean-Claude-Ri- 
chard de Saint-Non (n. 1727, m. 1791), auteur du voyage pitto- 
resque de Naples et de Sicile, dessiné par Fragonard et Robert (*), 
avait exécuté, de 1766 à 1767, trente-deux gravures au lavis, et 
vingt-quatre eaux-fortes, de 1753 à 1765. 

L'Allemagne a eue connaissance de ce genre de gravure par 
une brochure de Stappart, traduite en allemand et publiée à Nu- 
remberg en 1780. 

Parmi les graveurs qui se sont le plus distingués dans l'aqua- 
tinta, nous citerons : P.-L. Debucourt (•) (1757) : il a laissé des 
ouvrages de sa composition pleins d'esprit et de finesse. — Ph.- 
L. Parizeau (1779), qui a traité de petits sujets. — Jean-Gottlieb 
Prestel (n. Grunebach 1739), qui grava d'après les dessins des 
grands maîtres du musée Praun à Nuremberg; son épouse Marie- 
Catherine grava dans le même genre, en 1784. — Ambroise Ga- 
bier (né 1762), de Nuremberg. — J.-Fr. Bause (1786), excellent 
graveur en portraits. — Richard Earlom s'est également distin- 
gué au lavis. — Kunze (n. 1770), de Mannhéim. — Frey a publié 
les vues du château de Marienbourg. — C. Haldenwang (n. Dur- 
lach 1770m. 1881). — Falkenstein, graveur d'animaux, d'après 
Fielding. — Aimely et d'autres. Les artistes suisses ont surtout 
adopté ce genre pour graver les vues de leur pays. 

lEtonres de gravure qui procèdent par im poin^ 
tilléa Nous avons à parler maintenant de quelques genres de 
gravure qui, quoique distincts les uns des autres, se ressemblent 
cependant plus ou moins, et ont été souvent confondus. Il s'agit 
de la gravure au pointillé, de celle qui imite le crayon, et de ceUe 



(1) 4 vol. gr. fol. Paris, chez Lafosse; voyez Meusel's Muséum, 1792. 
(i) Les beaux-arts dans les deux mondes en 1855, par M. Deléduze, Paris. 



227 

qui imite les peintures. Dans toutes ces gravures on procède par 
un pointillé quelconque, produit par une méthode variée. 

Opus mallela Commençons par la gravure au pointillé 
proprement dite. Ce genre s'exécute de différentes manières. 
Nous avons parlé plus haut d'une espèce de gravure appelée 
opus punctile, pratiquée par les orfèvres du moyen âge, et 
dont l'usage parait avoir été maintenu encore longtemps après. 
Les orfèvres du XYI' et du XVII* siècle la connaissaient sous 
le nom de opus mallei ou de travail au maillet, parce quelle 
s'opérait au moyen de pointes ou de oiselets et avec le marteau. 
On conserve encore dans le Grune Gewôîbe à Dresde, entre 
autres objets d'orfèvrerie, des gravures au maillet dues à Conrad- 
Jean et David Kellerdaler («), de la Saxe (du XVI» et du XVII» siè- 
cle). On y remarque surtout un Banquet de divinités païennes, l'En- 
lèvement des Sabines, avec la date de 1613, et l'Électeur Jean- 
George n, à cheval. Il y a encore im saint Jérôme, copié d'après 
Durer par Mat Strœbel, de Nuremberg, en 1567. De cette époque 
sont aussi des portraits en opus mallei, dont les chairs sont d'ar- 
gent, et les cheveux et les draperies dorées. On les attribue à 
George Jaeger, de qui on connaît encore des copiés faites dans 
le même genre, d'après des gravures de sujets bibliques de Me- 
rlan, et qui portent la date de 1667. Ces planches gravées au 
maillet, en argent ou en cuivre doré, ne servaient qu'à la décora- 
tion de coffrets, d'armoires ou d'autires meubles, mais nullement à 
l'impression; on en gravait cependant aussi sur cuivre , qui furent 
employés à ce dernier usage. 

Les plus anciennes estampes en opus maUei qui me soient con- 
nues offirent le monogramme t$.Z. (Bernard Zan ?) et la date de 
1581. Ce sont des modèles d'orfèvrerie accompagnés de vues et 
d'allégories, dont les contours et les ombres sont gravés avec la 
pointe et le marteau. Du même genre sont encore les dessins d'or- 
fèvrerie publiés en 1592 par Paul Flynt (n. Nuremberg 1570, m. 
1620). En 1601 furent publiées à Augsbourg 14 estampes traitées 
en opus mallei, représentant le Christ et les Apôtres, avec la sous- 

(1) Keysler, Reiseo, lettre 36. 



228 

cription suivante: « . . .. effig.novo hoc iiî aère typi génère effbr : 
m. os. observ. ergo D. D. Franciscus Aspruck. B. 1601. > 

Aspruck était un orfèvre néerlandais qui travaillait à Augsbourg, 
et qui croyait avoir inventé un nouveau genre de gravure (Stetten). 

C'est surtout le célèbre orfèvre Janus ou Jean Lutma (n, Grœ- 
ning 1584, m. 1669), qui a excellé dans Topus mallei; il en a 
même été regardé longtemps comme Tinventeur. Son fils Jacques 
Lutma avait gravé en 1681 le portrait de son père et le sien. Entre 
autres graveurs d' Augsbourg du XVIII* siècle, on nomme J.-Er- 
hard Heigle, qui grava en 1721 une douzaine d'estampes au mail- 
let, contenant des modèles d'orfèvrerie , ainsi que Jean-George 
Klinger, de Nuremberg (1788). 

Gravure au pointUlé* Ce travail au marteau et au ciselet 
a probablement donné naissance au genre de gravure dit au poin- 
tillé, qui n'est qu'un assemblage de points et de petits traits, ou 
de points seuls, produits, ou par la pointe tranchante et triangu- 
laire du burin, ou par la pointe sèche. 

On attribue cette manière de graver à Jean Boulanger (n, 
Amiens 1607 ou 1613, et mort très-âgé à Paris). C'est le premier 
qui ait traité de grands sujets; mais il ne pointillait que les chairs, 
pour obtenir plus de douceur ; les draperies étaient gravées au 
burin. Ses meilleurs planches sont la Vierge à l'œillet, d'après 
Eaphaël; la Vierge et l'enfant Jésus, d'après le Guide, etc., etc. 
Jean Morin (n. Paris, m. vera 1660), travaillait dans le même 
genre, mais il faisait son pointillé à l'eau-forte. En Allemagne 
Bartholomé Kilian (n. Augsbourg 1628, m. 1693) gravait de très- 
beaux portraits au pointillé; ainsi que J.-A. Bœner et J.-F. Léo- 
nard, qui vivaient au milieu du XVII* siècle. 

Marie-Angélique Kaufmann (n. Coire en Suisse 1742) a aussi 
produit quelques planches dans le genre au pointillé. En Angle- 
terre, où la gravure au pointillé a eu le plus de partisans, il y avait 
William- Wynne Ryland (n. Londres 1732, m. 1783), mais prin- 
cipalement le Florentin Francesco Bartolozzi (n. Florence 1730, 
m. Lisbonne 1813) , qui a vécu quelque temps en Angleterre, et 
a produit de très-belles estampes, dont les plus remarquables sont 
Clytie, et la Femme adultère, toutes les deux d'après An. Car- 



329 

rache; la Mort de lord Chatam, d'après Copley ; le Triomphe de 
la vertu, d'après Peters ; Jupiter et lo, d'après le Corrége, etc. 

C'est surtout au commencement de notre siècle que ce genre 
a été pratiqué, et il l'est encore de nos jours. 

On l'emploie généralement pour les gravures des journaux de 
modes, des almanachs, pour vignettes et petites estampes qui or^ 
nent les ouvrages typographiques ; on s'en sert aussi pour des 
planches plus considérables gravées d'après les grands msdtres, 
ou d'après des œuvres de la sculpture, ou bien encore pour pro- 
duire des modèles destinées aux écoles de dessin. 

Les meilleurs graveurs dans le genre du pointillé sont Daniel 
Berger (n. Berlin 1774, m. 1824), Fleischmann (n, Nuremberg 
1791, m. 1834), Feller, Schmidt, Sinzenich, John, à Vienne ; Gé- 
rard, Perrot, Ruotte, Noël, Bertrand, M™' Marchand, Alexandre 
Chapponier (n. Genève 1753), Nicolas Schenker (n. Genève 1760, 
m. 1848), Charles-Simon Pradier (n. 1782, m. 1847), frère du 
célèbre sculpteur de Genève, William Roflfe, H.-T. Ryall, J. 
Thomson, W.-H.Mote, J.Wagstaff, C. Knight, T.-W. Knight, J.- 
H. Baker, G. Virtue, B. Holl, et un grand nombre d'autres. 

Gravure imitant le crayon* Dans le siècle dernier les 
dessinateurs et les peintres se servaient généralement de la san* 
guine pour dessiner leurs figures, et les graveurs qui désiraient 
les multiplier par la gravure cherchaient à imiter le grené du 
crayon par divers moyens. De là l'invention d'un nouveau genre 
de gravure appelé gravwre dans le genre du crayon , ou manière 
BcibUe, ou encore gravv/re à la roulette, suivant le procédé employé. 
L'invention en est due à J.-C. François, gyaveur à Paris. Ses re- 
cherches avaient pour but de substituer aux gravures en taille- 
douce des gravures imitant le maniement large du crayon, et par 
cela même plus propres à servir de modèles dans les écoles de 
dessin que les gravures au burin. Son premier essai (en 1740) ne 
réussit point; mais en 1753 il réussit mieux, et publia en 1756 six 
feuilles avec un succès complet, ce qui lui valut le titre de graveur 
des dessins du Cabinet du roi (*). H gravait les dessins au lavis 

(1) Reg. de l'Ac. roy. de peint, et sculp. Î6 nov. 1757, 



230 

et ceux au crayon noir et blanc sur papier gris ou bleu; enfin il 
joignait la planche du crayon rouge à celle du crayon noir et 
blanc pour imiter les trois crayons. Après 1760, François a exé- 
cuté le portrait du médecin Quesnay, dans un genre qui, comme 
il le dit lui-même, « permettait de réunir toutes les différentes 
gravures sur une même planche ; ainsi la tête de ce portrait est 
comme une manière noire rengraissée; l'habit est au burin; le 
cadre et le fond sont d'un crayon simple, les livres qui l'accom- 
pagnent contiennent des dessins lavés, et le piédestal est un crayon 
noir et blanc; les différents crayons qui s'y trouvent sont travaillés 
de la manière simple, sans mécanique. » 

D'autres graveurs se sont approprié ce nouveau genre de gra- 
vure, principalement Gilles Demarteau (n. Liège 1729 ou 1732, 
m. Paris 1776), qui l'a poussé à un haut degré de perfection. On 
connaît de lui plus de 560 estampes dans ce genre, gravées d'a- 
près Raphaël, Pierre de Cordone, Rubens, Bouchardon, Boucher, 
Huet, etc. H est nommé l'aîné pour le distinguer de son neveu et 
élève Gilles- Antoine Demarteau (n. Liège, m. Paris 1806), qui a 
gravé dans la même manière. On remarque surtout ses têtes d'a- 
près le Dominiquin. De cette époque sont encore les graveurs 
français Louis Bonnet, Paris 1760, Magny, J.-B. Richard, Obelle, 
Petit, Mlle Liothier la jeune, Carrée, J.-Fr. Janinet , Roubillac, 
J.-Baptiste Lucien, Gillberg, J.-C. Franco. Duruisseau a publié 
les cinq ordres d'architecture en employant un pointillé assez 
fin pour imiter le lavis. 

En Hollande il y avait Ploos van Amstel, Cortryk, van Noorden, 
G. Saint, Jean-Jacques Bylaert. Ce dernier a publié un traité sur 
ce genre de gravure (Amsterdam 1770). 

Jean-Henri Tischbein le cadet (n. Heyna en Hesse 1742, m. 
1808), a publié en 1790 à Cassel une collection de gravures re- 
marquables en 84 feuilles, gravées dans différentes manières, 
pour imiter le crayon. Nous allons décrire ses procédés. Celui de 
la manière dite sablée consiste à vernir la planche comme d'habi- 
tude, et de la flamber ; on la saupoudre alors de sable très-fin, 
que l'on Mi adhérer au vernis en chauffant légèrement, et l'on 
enlève tout le superflu; puis on place sur la planche le dessin 
même qu'on veut reproduire, après l'avoir enduit de sanguine 



231 

par-dessous , et on repasse tous les traits et toutes les hachures 
avec des pointes variées de grosseur, mais obtuses, et appuyant 
plus ou moins fortement pour faire pénétrer le sable jusqu'au 
cuivre. Après avoir terminé le décalque complet de toutes les par- 
ties du dessin, on fait mordre la planche comme nous Pavons in- 
diqué plus haut. Au lieu de sable, on peut prendre aussi des cris- 
taux de tartre (bi-tartrate de potasse) pur et finement pulvérisé, 
qui se dissolvent plus facilement par l'acide. Il faut avoir soin, en 
posant son dessin sur la planche, de marquer des repères, afin de 
pouvoir le remettre à la même place s'il y avait des corrections 
à faire. Lorsqu'on aura enlevé le yernis, on pourra faire des re- 
touches au moyen de pointes faites avec de la pierre ponce, ou 
avec du grès feuilleté (pierre à aiguiser) ; qu'on aura soin de tenir 
humides ; et, pour donner plus de vigueur aux ombres ainsi re- 
touchées, on se servira d'un mélange de 25 à 30 gouttes d'acide 
hydrochlorique (esprit de sel fumant) et d'une demi-once d'eau 
régale, qu'on posera avec un pinceau de poil de loutre. Le bru- 
nissoir servira pour adoucir les parties trop fortes. Les planches 
gravées de cette manière et imprimées en rouge, imitent parfaite- 
ment les dessins faits à la sanguine, ou le crayon si elles sont im- 
primées en noir. 

La manière sablée peut être employée aussi conjointement 
avec les genres à l'eau-forte et au lavis ordinaire ; elle ressem- 
ble surtout à ce dernier lorsqu'on évite de faire des hachures, 
pour ne faire que des teintes fondues. 

Une autre gravure au pointillé pour imiter le crayon, s'exé- 
cute au moyen de pointes d'acier trempé, divisées en parties 
inégales, avec lesquelles on frappe ou on imprime dans le vernis 
qui couvre la planche, pour obtenir un grené uni , serré ou es- 
pacé, suivant les teintes de l'original. La morsure s'opère comme 
à l'aqua-tinta; et, pour harmoniser les nuances, on emploie la 
pointe sèche. Beaucoup de gravures au pointillé s'exécutent au 
moyen de la pointe du burin, qui est affilée ou arrondie pour 
produire des points de grosseurs différentes. 

On obtient encore un pointillé parfait avec l'instrument qu'on 
nomme la roulette. C'est une rondelle d'acier trempé de deux 
millimètres de diamètre au plus, d'épaisseur variée, et sur la- 



l . 



. \> »'V 



'r- 



282 

quelle sont ménagées de petites aspérités inégales. Ce petit cy- 
lindre est percé dans son milieu, et monté sur un axe rivé 
autour duquel il tourne facilement Les dents de la roulette en- 
lèvent le vernis sur les points qu'elles touchent; on fait ensuite 
creuser à l'eau-forte et l'on termine , avec des roulettes seule- 
ment, sur le cuivre nu. 

Les deux derniers procédés se rencontrent souvent mélangés 
sur la même planche, et sont encore en usage aujourd'hui, tan- 
dis que la manière sablée a été remplacée de nos jours par la 
lithographie, comme nous le verrons plus bas. 

Plusieurs graveurs ont employé la manière sablée pour re- 
produire les dessins faits avec deux crayons, un rouge et un 
noir. A cet effet il fallait deux planches parfaitement égales de 
grandeur ; sur l'une on gravait les parties du dessin qui étaient 
en rouge, sur l'autre celles qui étaient en noir ; imprimées suc- 
cessivement sur une même feuille de papier, elles produisaient 
une épreuve identique du dessin original. 

Gravure en cooleura On a fait un emploi semblable des 
procédés de l'aqua-tinta et de la manière noire, mais pour re- 
produire les dessins sur papier tinté, ou en camîû'eu, les dessins 
coloriés et les tableaux; c'est ce qu'on appelle la gravure en 
couleur, qui n'est pas, à proprement parler, une manière de gra- 
ver, mais plutôt un procédé particuher d'impression polychrome. 
Nous avons déjà parlé d'estampes pareilles produites par des 
procédés typographiques et xylographiques ; décrivons mainte- 
nant les procédés chalcographiques ; plus tard nous en indique- 
rons d'autres. 

On nomme Lastmann, peintre hollandais, qui vivait vers 1626, 
Peter Schenk, graveur, à Amsterdam, vers 1680, et Taylor, 
ingénieur anglais au service de Frédéric le Grand, comme les 
premiers qui aient fait des essais de gravure en couleur. Mais 
ces artistes ne se servaient que d'une seule planche gravée dans 
la manière ordinaire à l'eau-forte, et sur laquelle ils peignaient 
les diverses nuances de couleur qui devaient entrer dans le co- 
loris du dessin ; il n'y avait par conséquent qu'une seule impres- 
sion. 



233 

Un peintre de Francfort, Jacques-Christophe Leblond, élève 
de Carlo Maratte, qui avait séjourné vers 1704 en Hollande,- 
et qui s'était établi à Paris vers 1720, eut J'idée d'employer la 
manière noire, alors totalement abandonnée en France, pour 
imiter la peinture. Il a décrit ses procédés dans un traité qui a 
été réimprimé sous le titre de Y Art dHmprirmr les tableaux, 
Paris, 1757. 

< C'est en cherchant les règles du coloris, dit Leblond, que 
j'ai trouvé la façon d'imprimer les objets avec leurs cou- 
leurs , savoir le jaune, le rouge, le bleu. Les diflFérents mélanges 
des trois couleurs primitives produisent toutes les nuances ima- 
ginables, autant de teintes qu'il en puisse naître de la palette 
du plus habile peintre; mais on ne saurait, en les imprimant 
l'une après l'autre, les fondre comme le pinceau les fond sur la 
toile ; il faut donc que ces couleurs soient employées de façon 
que la première perce à travers la seconde, et la seconde à tra- 
vers la troisième , afin que la transparence puisse suppléer à 
reflfet du pinceau. Chacune de ces couleurs sera distribuée par 
le secours d'une planche particuhère : ainsi trois planches sont 
nécessaires pour imprimer une estampe à l'imitation de la pein- 
ture. 

« Ces planches doivent être de même grandeur, et pourvues 
chacune aux quatre coins de trous de repère. Sur chacune on 
calque le contour du dessin, et l'on traite les parties qui doivent 
être gravées à la manière noire sans trop approcher du contour ; 
les ombres les plus fortes sont faites par des hachures au burin. 

« La première planche sert pour la couleur bleue , la seconde 
pour le jaune et la troisième pour le rouge ; les lumières vives 
ou le blanc sont représentées par le papier. On ajoute quel- 
quefois une quatrième planche, avec laquelle on imprime les 
noirs du tableau; et pour rendre les brillants plus apparents 
on se sert d'une planche dans laquelle on creuse les traits qui 
doivent rendre en blanc sur les autres couleurs la transparence 
de l'original. Les planches ainsi préparées tireront au plus 600 
à 800 épreuves sans altération sensible (*). » 

(1) Encyclopédie, t. VU. 1757. p. 899. 



284 

Un élève de Leblond, nommé Robert, imagina une autre 
méthode, en employant seulement la gravure en taille-douce. 
Deux planches suffisent à ce genre de gravure: elles sont gra- 
vées à Peau-forte et au burin; la première imprime le noir, la 
seconde le rouge, et l'épreuve sort de la presse comme un des- 
sin à deux crayons. Les planches d'un Traité d'anatomie du 
médecin Pierre Tarin, imprimé à Paris, sont gravées dans ce 
genre. 

Gautier, de l'Académie de Dyon, arriva vers cette époque 
à Paris avec un procédé semblable à celui de Leblond. Il suc- 
céda, à la mort de ce dernier, à son privilège, et vit ses pro- 
cédés adoptés et pratiqués. Nous empruntons à une lettre de 
Gautier la description de sa méthode: « Je me sers, dit-il, de 
quatre couleurs pour imiter tous les tableaux peints à l'huile, 
savoir, du noir, du bleu, du jaune et du rouge ; ces quatre cou- 
leurs et le blanc du papier forment toutes les autres nuances 
possibles; c'est pourquoi je grave quatre planches, sur lesquelles 
j'applique ces quatre couleurs qui doivent, par leurs différentes 
nuances, former le tableau... 

« Ma première planche ne porte que le noir. Elle est gravée 
pour tous les tons de cette couleur dans le tableau; elle sert 
encore à produire toutes les teintes grises, qui ne peuvent 
être faites que par cette seule couleur avec le blanc du papier. 
Je passe d'abord sous la presse cette première planche, qui 
fait sur le papier une espèce de lavis à l'encre de Chine; en- 
suite je passe ma planche bleue qui , avec le secours de la pré- 
cédente, fait un camaïeu noir et bleu, et dans lequel on trouve 
une grande quantité de teintes composées de ces couleurs. 

« Je passe sous la même feuille la planche jaune, qui fût 
avec les teintes précédentes le jaune, le vert clair, etc. ; elle fidt 
encore, avec le secours des teintes noires primitives, les terres 
brunes, etc. Après, je passe ma planche rouge, laquelle produit 
le rouge et avec les teintes des trois autres, les pourpres, les 
oranges, etc. (*) » » 

Gautier a gravé de cette manière des planches anatomiques 
et autres qui ne sont pas sans mérite. 

(1) Réc. d'obs. sur la peint, et sur les tableaux par M. de Boze, 1753. 



235 



FaC"8imilea Ces procédés de gravure dite en couleur, qui 
imitent le crayon , le lavis ou la manière noire , et qui ser- 
vent à imprimer soit en deux teintes, soit en plusieurs couleurs, 
ces procédés, dis-je, ont servi principalement à reproduire les 
dessins originaux d'artistes distingués. L'un des premiers re- 
eueUs de ce genre, et l'un des plus remarquables, est celui que 
Cornélius Ploos van Amstel a publié en 1765 à Amsterdam; 
ce recueil donne en 45 feuilles une imitation parfaite des des- 
sins d'un grand nombre de peintres néerlandais. En 1821 , cet 
ouvrage fut continué à Londres par C. Josi, sous le titre « Col- 
lection d'imitations des dessins d'après les principaux maîtres 
hollandais et flamands. » G. Cootwyk, J. Kœrnlein, B. Schreu- 
der, J. de Bruyn, F. Dietrich, Charles Lewis, C. Josi et d'au- 
tres en ont gravé les plus belles planches. J. Cootwyk a égale- 
ment publié un ouvrage dans ce genre d'après des dessins de 
peintres flamands et français. Les planches sont gravées dans 
le genre crayon rouge, bistre, noir et au lavis. 

L'ouvrage publié à Londres en 1777, par Bichard Earlom, con- 
tient deux cents fac-similé remarquables, gravées au lavis et retou- 
chés à la pointe, d'après les dessins de Claude Gelée, le Lorrain. 
En 1778 parut à Londres « A Collection of Prints in imitation 
ofDrawings,» composée de 112 magnifiques gravures d'après 
des msdtres italiens , néerlandais et français , gravées par Fr. 
Bartolozzi, W. Wynne, J. Basire, J. Watts, J. Deacon, etc. 

J.-Th. Prestel a gravé une collection de dessins des meilleurs 
peintres des Pays-Bas, de l'Allemagne et de l'Italie (Tienne 
1779), et plus tard encore deux autres (Nuremberg, 1780 et 
1782). Nous nommerons encore : Celeberrimi Francisi Mazzolœ 
Parmesanis graphides per Lud. Inig. Bonoise coll. edit. an. 
1788, 25 feuilles en manière de crayon, gravées par Francesco 
Rosaspina. — Designi originali d'excell. Pittori, incisi ed imi- 
tati nell' loro grandezza et colore; 4 part. Lond. 1794, gra- 
vées par un amateur , Etienne Bourgevin Vialart , comte de 
Saint-Morys. — Suite d'Estampes d'après les dessins de Fr. 
Barbieri dit Guercino, par A. Bartsch, 40 planches publiées à 
Maaheim en 1803-1817. — Original Designs of the most ce- 



236 

leb. Mast of the Bolognese, Eoman,. Florentine and YenetiaD 
Schools^ 74 planches gravées par Bartolozzi, Tomkîns, Schia- 
vonetti, Lewis; Lond. 1812; — et en 1823, The Italian School 
of design , 84 fac-similé gravés par l'éditeur même , W.-Y. 
Ottley, et par F.-C. Lewis, L. Schiavonetti, T. et J. Vivares. 

Outre ces recueils, on possède encore un grand nombre de 
planches indépendantes gravées dans le genre en couleur , par 
Edouard Dagottî, Keating, Nutter, W. Ward, Thomas Burke, 
Arthur Pond, Knapton. — C. Knight, Bartolozzi et Parker ont 
exécuté à Londres en 1787, entre autres planches en couleur, 
des sujets tirés de Werther. 

Le peintre hollandais Abraham Blœmaert (n. Gorricum 1564, 
m. 1647), a traité Pimpression à plusieurs teintes ou en camaïeu 
d'une manière particulière, en se servant de la gravure sur cuivre 
conjointement avec celle sur bois. Il traça d'abord les contours 
de son dessin à l'eau-forte sur une planche de cuivre et tailla 
ensuite les ombres sur deux planches en bois. La plupart de ses 
estampes sont faites d'après les compositions du Parmesan. La 
même méthode, mais augmentée du lavis, avait été employée par 
Vincent Lesueur (n. Rouen 1568, m. 1743), par Nicolas Lesueur 
(n. 1669, m. 1750), et par Nicolas Cochin, pour reproduire les 
dessins de maître. Cochin grava ordinairement les planches de 
cuivre, et les deux autres exécutaient les planches de bois. Adam 
de Bartsch (Vienne, n. 1757, m. 1812) se servait du cuivre et de 
Paqua-tinta. 

G. Baxter, de Londres, après avoir publié en 1837, des repro- 
ductions typographiques des dessins en camaïeu et de peintures 
à l'huile, prit en France, 185*0, un brevet pour un perfectionne- 
ment qu'il avait introduit dans l'impression ou les gravures colo- 
riées tirées sur des planches d'acier ou de cuivre (printed in oil 
colours). H reproduisait avec succès toutes sortes de peintures, 
et il eut plusieurs imitateurs, tant en Angleterre qu'en Allemagne. 
Cependant aucun n'est arrivé au même degré de perfection que M. 
Desjardins.Il y a trois ans, en 1853, que M. J. Desjardins, de Paris, 
est parvenu à résoudre le problème, en apparence insoluble, de 
la reproduction des aquarelles,, des sépias et des mines de plomb 
avec l'exactitude du fac-similé. Il arriva à reproduire les aqua- 



237 

relies au moyen de quatre planches d'acier, dont trois seulement 
sont consacrées à la coloration proprement dite; la quatrième 
peut être considérée comme réservée presque exclusivement à 
mettre les ombres dans le dessin. Les trois autres planches ser- 
vent l'une à la couleur jawie, une seconde à la couleur rouge, et 
la dernière à la couleur bleue. Ces trois couleurs sont, en effet, 
les génératrices de toutes les autres. M. Desjardins n'emploie pas 
de noir pour ces reproductions, il encre sa quatrième planche 
avec du bistre, ce qui fournit un moyen de coloration secondaire, 
en même temps que cela sert à dessiner les ombres. Si l'on a be- 
soin de noir, on peut s'en procurer par la superposition du bleu 
sur le bistre. 

M. Desjardins fait un décalque de l'aquarelle; non un décalque 
ayant pour but unique de reproduire les contours des figures et 
des objets, mais un calque des teintes diverses de l'aquarelle. H 
décalque tous ces co^itours sur une planche de cuivre ; les grave 
en traits légers, et en tire une épreuve. Il transporte, au moyen 
de trous de repère, sur quatre planches d'acier, les traits déliés 
indiquant les contours des espaces occupés par les couleurs par- 
ticuHères afférentes spécialement à chacune des planches. Puis 
û traite chacune des quatre plaques en particulier en les gravant 
à l'aqua-tinta. Par une série d'opérations répétées, en recouvrant 
les parties qu'il juge assez creusées par l'acide, ou en faisant 
mordre de nouveau celles qui n'ont pas encore assez de vigueur. 
M. Desjardins amène chacune des planches au degré d'intensité 
et de dégradation de teintes convenable. La réflexion et l'expé- 
rience ont indiqué à M. Desjardins dans quel ordre de superpo- 
sition doit se faire l'impression des épreuves : le jaune d'abord, 
puis le bleu; le bistre et le rouge en dernier lieu. Des trous de re- 
père permettent à l'imprimeur de reporter les épreuves sur les 
planches dans des rapports exacts de superposition. M. Des- 
jardins ne reproduit pas seulement des aquarelles, mais aussi 
des sépias, des crayons^ et même des peintures à l'huile, et avec 
une perfection telle, qu'il est difficile de les distinguer des origi* 
naux. (Voir aussi pour ce qui concerne le camajieu pages 170 à 
17.% et Lithographie). 



238 



Machines à graver* Dans les divers genres de gravore 
que nous venons de décrire, il a été question, à plusieurs reprises, 
de remploi de certains instruments, ou de moyens mécaniques 
propres à faciliter ou à remplacer le travail de la main. î^ous de- 
vons en ajouter d'autres qui sont d'un usage général: tels sont 
le pantographe (du grec panta, tout, et grapho, j'écris), appelé 
aussi le singe, Vautographe, etc., inventé en 1611 par Chris- 
tophe Schreiner, et perfectionné successivement par Macelius, 
Langlois, Sikes, Erull, Muller, Stegmann, Kapier et d'autres; 
il sert à reproduire identiquement un dessin, ou de même gran- 
deur, ou réduit, ou augmenté, et on l'emploie avantageusement 
pour décalquer directement sur la planche un dessin destiné à la 
gravure. — Un autre iustrument^ le diagraphe^ remplit à peu 
près les mêmes fonctions, mais seulement pour le dessin; il 
permet de suivre des contours, et de transporter sur le papier 
la représentation d'un ohjet quelconque , sans qu'on ait aucune 
connaissance du dessin et de la perspective, on s'en sert encore 
pour dessiner les objets dans leur projection géométrique, des 
peiutures de plafond au moyen d'un miroir réflecteur, des pa- 
norama , et des dessins microscopiques. Cet instrument a été 
inventé en 1834 par M. Gavard, capitaine d'état-major, à Paris. 
La gravure de Jazet , d'après Horace Vernet, représentant des 
Arabes en repos, a été copiée d'après la peinture au moyen du 
diagraphe, et les contours ont été gravées au moyen du panto- 
graphe. 

La règle à parallèles, dont le nom indique suffisamment les 
fonctions, et qui est en usage dans la gravure, a conduit à l'inven- 
tion de la machine à grayer^ avec laquelle on obtient non-seu- 
lement des lignes rigoureusement parallèles entre elles, mais dont 
on peut varier la distance dans toutes les proportions désirées, 
ainsi que la profondeur. La première machine de ce genre a été 
inventée en 1803 par Conté, pour la gravure des planches du grand 
ouvrage de la Commission d'Egypte. Au moyen de cette machine, 
on obtient tous les effets de gravure qui peuvent résulter des 
lignes parallèles; elle est précieuse surtout pour les ciels, et les 
dessins d'architecture ou autres de ce genre, pour produire les 



239 

tons plats et les teintes générales et unies. La machine à graver 
a été diversement modifié et perfectionnée par Turret, Petitpierre, 
Gallet, et principalement par Collas ; ce dernier a inventé aussi 
une machine pour produire des dessins irisés siu* métaux (*). 

Nous bornerons là nos citations d'instruments mécaniques 
employés dans la gravure, en y ajoutant toutefois encore le 
tour à gidUocher, qui mériterait, avant tout autre, le nom de 
machine à graver. 

Cet instrument, avec ses divers ajustements et compléments, 
ne sert pas seulement à graver tous les genres de lignes et 
courbes, mais aussi toutes les combinaisons de lignes, pour 
en former un dessin; et, dans les mains habiles de M. Collas, 
il est devenu une machine de reproduction très-remarquable, 
avec laquelle il a créé un nouveau genre de gravure. Mais, 
avant d'en parler, disons quelques mots sur les diverses mo- 
difications qu'a subies le tour à guillocher. Suivant M. P. Ha- 
melin Bergeron (*), l'art de guillocher sur le tour ne remonte 
guère au delà de l'an 1650. Cette invention parut si ingé- 
nieuse, que tous les bijoux de ce temps, et siu^out les taba- 
tières, étaient guillochés. 

On ne s'en servait point encore pour la gravure des plan- 
ches à imprimer. L'an XI (1803) le tour à guillocher fut in- 
troduit en France par Lambert pour la fabrication des terres 
à pâte de couleurs, pour la poterie. 

Le tour à guillocher paraît tirer son origine de l'Angleterre, 
et sa construction, actuellement tant perfectionnée, ne provient 
que de modifications successivement introduites dans celles du 
tour du tourneur ordinaire. Après avoir adapté au tour du 
tourneur toutes les machines ingénieuses, telles que l'ovale, 
l'épicycloïde, l'excentrique, on a inventé le tour à guillocher. 
Enfin on est parvenu à obtenir, par le moyen du toiu*, la 
copie réduite d'une médaille, d'un portrait L'invention de la 
machine carrée est due k De la Hire ,» de la Candamine et 



(1) Sur toutes ces machiues, voy. Bulletins de la Société d'encouragement, t. <22, 
97 et 28. 

(2) Manuel du tourneur, par L.-E. Ber^reron, 2"*édit.par Hamelin-Bergeron. Paris. 
1816, t. II. p. 357. 



240 

Bufay, savants français. C'est au moyen de la machine carrée, 
appelée maintenant ligne droite^ que l'on guilloche les clefs 
de montre, les boîtes carrées, et tous les byoux de ce genre. 
Dans VArt de tourner^ par le Père Plumier (*) , de la Conda- 
mine donne le moyen de réduire un profil, moyen qui a d'a- 
bord conduit à la découverte des rosettes à profil employées 
pour le tour à guillocher, et qui ont vraisemblablement con- 
duit à l'invention du tour à portrait 

Dans l'origine, le tour à portrait rendait creux pour relief, 
et relief pour creux. Après diverses modifications apportées à 
cet instrument, feu Hulot, fils du célèbre Hulot, auteur de l'art 
du tourneur mécanicien, en a changé entièrement la construc- 
tion, et l'a simplifié dans son exécution et dans les moyens em- 
ployés pour lui faire produire des effets plus précis et plus sûrs. 
La copie doit représenter exactement l'original. Les originaux 
dont on se sert sur le tour à portrait sont des médailles en cuivre, 
en bronze ou en un autre métal. 

Le manuel du tourneur (*) contient des essais exécutés sur la 
machine carrée ou sur le tour à guillocher, directement sur la 
planche destinée à l'impression , au lieu d'être gravés à la mahi. 
Ces essais sont dus à l'habile guillocheur M. Achille Collas, et 
représentent entre autres la façade du Palais de Justice; ce qui 
prouve que l'art du guillocheur consiste à disposer des lignes en 
tous sens , et quHl peut imiter la gravure sur cuivre. Un autre 
essai représente un portrait copié en taille-douce sur la nMchine 
carrée, qui a V avantage de figurer le bas-relief par VillMsion des 
reflets de la lumière. 

Procédé Collas* Ce dernier genre de gravure, mis en 
pratique en 1816 par Achille Collas de Paris, reçut le nom de 
Procédé Collas. H consiste à reproduire , au moyen du tour à 
guillocher , disposé à cet effet, des objets en bas-relief, sur les- 
quels glisse une pointe fine et émoussée, en suivant toutes les 
sinuosités de l'original en lignes droites et parallèles ; tandis 
qu'une autre pointe, mais celle-ci tranchante et fixée à une autre 

(1) Paris, chez Jombert, 1749. 

(2) 2- éd. par Hamelin Bergeron, t. II. fol. 51. Paris, 1816. 



241 

place du tour, trace sur une planche de cuivre vernie les mêmes 
lignes plus ou moins ondulées et non droites , serrées ou espacées 
et non parallèles;- suivant les reliefs variés de l'original, ce qui 
reproduit sur la surface plane du cuivre une copie qui simule 
parfaitement un relief. La planche ainsi tracée est ensuite sou- 
mise à Faction d'un mordant , comme on le pratique dans la gra- 
vure à l'eau-forte. 

Le premier ouvrage publié avec des planches gravées par le 
procédé Collas fiit le Trésor de numismatique et de glyptique. 
C'est un recueil général des médailles, des pierres gravées, et des 
bas-reliefe les plus intéressants sous le rapport de l'art, tant an- 
ciens que modernes, gravé par les procédés de M. Achille Collas, 
sous la direction de M. Paul Delaroche , peintre , de M. Henri- 
quet Dupont, graveur, et de M. Ch. Lenormand, conservateur du 
robinet des médailles (Paris, gr. fol. 1834). 

Quelque temps après, en 1836, un opticien berlinois, M. F.-G. 
Wagner, cadet, inventa une machine à copier les objets reliefs 
sur une surface plane , au moyen de lignes parallèles que l'ou ap- 
profondit à l'aide d'un corrosif pour pouvoir imprimer cette 
gravure sur la presse chalcographique. M. Wagner opère sur les 
modèles les plus tendres, comme le plâtre, etc., sans détériora- 
tion. D a publié un recueil de médailles et de pierres gravées 
d'une réussite parfaite. 

Ce procédé, comme on voit, est pareil à celui de M. Collas, qui 
n'avait point été publié encore. M. Collas prit en 1837 un brevet 
de 15 ans , pour les procédés mécaniques propres à la reproduc- 
tion de toute espèce de sculpture. 

Ce genre de gravure mécanique a été adopté généralement, 
et il a un emploi très-varié , il sert surtout à tracer sur des 
billets de banque des dessins inimitables ; et aussi à des notes, 
des cartes de visites , principalement pour reproduire toutes sor- 
tes d'objets en relief. 

Jusqu'ici nous n'avons parlé que de la gravure sur cuivre , ou 
de la chalcographie ; cependant tous les genres de gravure et 
toutes les différentes manières de graver que nous venons de pas- 
ser en revue, sont exécutés aussi sur d'autres métaux , et en par- 

li 



244 

dégradation des teintes pour faire disparaître la sécheresse que 
présentent souvent les hachures sur acier. Ce qui distingue sur- 
tout la gravure sur acier de la gravure sur cuivre , c'est la grande 
solidité des traits gravés ou tracés sur ce métal; les tailles les 
plus délicates ne s'effacent que difficilement, par conséquent le 
travail du grattoir et du brunissoir est plus difficile, mais aussi 
cette particularité ofi^e l'immense avantage qu'une planche d'a- 
cier supporte le tirage d'un nombre considérable d'épreuves, 40 
à 50 nulle, sans que la gravure en soit altérée, et sans avoir be- 
soin de retoucher, tandis qu'une planche de enivre, si fortement 
gravé qu'elle soit, n'en donne que 5 à 6 mille. 

Les procédés de la gravure au burin sur planche d'acier sout 
les mêmes que sur cuivre, mais les opérations à l'eau-forte sont 
différentes. Le vernisage est encore le même, mais on emploie 
d'autres mordants. Celui que M^Turret recommande se compose 
de 4 parties d'acide pyroligneux très-concentré (vinaigre de bois), 
de 1 partie d'alcool, et 1 partie d'acide nitrique pur. Ce mor- 
dant agit pour les parties faibles en 1 minute, et pour les par- 
ties les plus fortes, il ne faut que 10 à 15 minutes. M. Warren 
compose un corrosif excellent, en faisant dissoudre une demi- 
once de nitrate de cuivre cristallin dans une peinte et demie d'ean 
distillée, et y ajoutant quelques gouttes d'acide nitrique. — Le Dic- 
tionnaire d'Industrie contient entre autres la recette suivante : 15 
parties d'eau distillée, 2 d'alcool, 1 d'acide nitrique, et 18 grains 
de nitrate d'argent par litre du mordant; on peut y s^outer quel- 
ques gouttes d'acide nitreux, on en accrq^a la force en augmen- 
tant la dose de l'acide nitrique ou celle du nitrate d'argent. Le 
mordant pour l'acier, auquel M. Deleschamps donne le nom de 
glyphogène, se compose de 8 grammes d'acétate d'argent, 500 
d'alcool rectifié, 500 d'eau distillée, 260 d'acide nitrique pur, 64 
d'éther nitreux, et 5 d'acide oxalique. M. C. Barth, graveur, con- 
seille de ne pas employer de mordant dans lequel il y a de l'al- 
cool, parce que cplui-ci attaque le vernis; il se sert.de 1 partie 
d'acide acétique mélangé à 5 d'acide nitrique , et il obtient une 
morsure pure et profonde. 

Par le seul moyen des mordants et sans le secours d'instru- 
ments tranchants, on peut produire sur acier des gravures d'un 



245 

eWetp&Mty ayant les teintes bien dégradées et les ombres d^oÀe 
grande vigueur. Les traits obtenus par ces procédés sur acier 
sont plus purs et plus francs que sur cuivre , et lorsqu'on les 
repasse légèrement avec la pointe de diamant un peu arrondie) 
on peut leur donner l'apparence des tailles brillantes faites au 
burin. La manière noire, le lavis, la gravure au pointillé, à la 
rotdette et en couleur, sont également pratiqués sur acier, et Ton 
possède maintenant de magnifiques estampes dans tous ces gen- 
res de gravure. Ce sont les Anglais qui ont donné la première 
impulsion à la gravure sur acier, et qui en ont répandu la pra- 
tique et le goût qu'on retrouve partout depuis plusieurs années. 

La gravure sur acier a été employée avtotageusement pour 
multiplier une planche gravée , en former un certain nombre 
d'autres identiquement semblables, et en tirer une quantité con- 
sidérable d'épreuves sans craindre aucun changement dans le 
dessin, ce qui arrive toiyours lorsqu'il faut regraver une planche 
usée. Ce procédé, inventé par Perlons, a pour but spécial d'em- 
pêcher la contrefaçon des billets de banque ou autres objets de 
ce genre, et s'opère de la manière suivante : Après avoir gravé 
une planche d'acier doux , on la trempe soigneusement pour la 
durcir. Lorsqu'elle est en cet état, on promène dessus, au moyen 
d'un appareil à forte pression , un rouleau d'acier décarbonisé, 
qui reçoit en relief l'empreinte des traits gravés de la planche; 
on trempe ensuite le rouleau, et au moyen de la même machine 
à pression on imprime sur d'autres planches d'acier amolli, ou 
seulement de cuivre, les traits de la gravure originale. On obtient 
ainsi un certain nombre de planches identiques entre elles. M. 
Charles Martin, de Genève, a eu l'obligeance de nous communi- 
quer les faits suivants, qui nous permettent de fixer avec plus de 
sûreté l'époque de l'invention de M. Perkins. C'est à Londres, 
en 1817, que M. Charles Martin entra en rapport avec M. Perkins 
pour lui faire graver et reproduire, au moyen de son procédé, des 
étiquettes relatives à son commerce , et il estime que c'est peu 
avant cette époque que M. Perkins avait introduit ce procédé à 
Londres. M. Charles Martin avait joint à sa lettre l'épreuve d'une 
de ces étiquettes reproduites, qui est -d'une exécution parâdte. U 
parait cependant qu'un artiste français, M. Gingembre, a eu en 



246 

1800 le premier Fidée de transporter sur le cuivre , au moyen 
d'une presse à vis, la gravure à très-bas relief exécutée sur 
acier (*). 

Il y a maintenant beaucoup d'établissements industriels dans 
lesquels le procédé Perkins est employé en grand, l)ar exemple 
dans la fabrique d'indienne de M. Dannenberger à Berlin, etc. (^) 

M. Perkins, pour accélérer l'impression des planches multi- 
pliées, a inventé une machine au moyen de laquelle il peut pro- 
duire, avec 36 planches et le travail de 4 hommes, 108 épreuves 
dans une minute, 6 mille dans une heure, et 60 mille dans une jour- 
née entière. La machine consiste en une roue de 4 pieds de dia- 
mètre, sur la périphérie de laquelle les 86 planches se trouvent 
fixées; l'encre est portée sur les planches d'après le procédé de 
M. Cowper, et un rouleau de papier d'une longueur indéfinie 
passe entre les planches et le rouleau. 

KINCOGRAPHIEa Outre le cuivre et l'acier, on emploie 
encore le zinc dans la gravure en creux^ surtout à cause du prix 
inférieur de ce métal. Cependant on ne s'en sert point pour les 
gravures soignées, ni pour la reproduction des chefs-d'œuvre- 
On l'a employé d'abord pour la gravure des notes de musique, 
et je crois que ce sont MM. André à Offenbach-sur-Main qui les 
premiers l'ont mis en usage. On s'en est servi ensuite pour la gra- 
vure de dessins d'architecture et de monuments. M. H.-W. Eber- 
hardt, architecte allemand , a publié en 1822 une brochure sur 
l'emploi du zinc dans la gravure en creux, au lieu du cuivre et 
de la pierre ; cet ouvrage était accompagné de 10 planches. £n 
1828, il a pubhé une édition allemande des Antiquités athénien- 
nes et ioniennes de Stuart et Revett ('j, dont les gravures sont 
exécutées avec beaucoup de soin sur zinc. 

L'exemple de M. Eberhardt a été suivi par d'autres artistes, 
et la gravure sur zinc est toujours en usage, mais principale- 
ment pour des ouvrages qu'on désire livrer à bas prix. Les 



(1) Voyez Hist. et procéd. du polytypage. etc. par M. Camus; dans les mémoires 
de l'Institut natioiial. t. III; Paris, Yva IX. 
(â) Voyez plus loin sur l'Impression des tissus. 
(3) Darmstadt. chez C.-K. Leske. in-fol. 1828. 



247 

genres de gravure employés sont surtout celui à Teau-forte et 
celui au burin, dont les procédés sont les mêmes que sur cui- 
vre. Les autres genres se pratiquent différemment et font partie 
d'une catégorie particulière des arts graphiques dont nous par- 
lerons plus loin(>). 

HTAIiOORAFBDQB- li y a encore une autre matière, 
tout à fait différente des précédentes, mise en usage dans la 
gravure en creux, c'est le verre. Les gravures exécutées sur 
verre sont d'une grande finesse, mais la fragilité des planches, 
pour le tirage des épreuves surtout , fait qu'on ne se sert que 
rarement de cette substance. 

Lliyalographie (du grec hyalos, verre) ou l'art de graver sur 
verre se pratique de deux manières différentes : l'une est mé- 
canique, l'autre chimique. 

Les peuples de l'antiquité connaissaient très-bien ce genre de 
gravure, et, suivant Plitfe (1. XXXVII, c. 15), ils tournaient le 
verre à la roue et le gravaient aussi facilement que l'argent. 
Laurent Natter, le plus habile glyphographe des temps modernes, 
suppose que les anciens se servaient à peu près des mêmes 
outils que ceux qui sont encore en usage aujourd'hui , savoir : 
du sable et de l'émeri appliqués sur une petite roue qui, en 
tournant, trace des dessins d'une légère profondeur. On croit 
même qu'ils ont connu l'usage du diamant (*). 

Cependant cet art s'était perdu comme tant d'auti*es dans les 
ténèbres du moyen âge , et on ne l'a repris ou de nouveau in- 
venté dans le XV* siècle, que lorsque Louis Berquen, de Paris , 
eut en 1476 découvert le moyen de tailler et de polir le dia- 
mant. Dès ce moment on se servit non-seulement des frag- 
ments tranchants du diamant , mais aussi de sa poussière, pour 
mater, tailler et graver un grand nombre d'objets en verre, en 
cristal et en pierre fine. Tout le monde connaît les célèbres 
produits en verrerie, ornés de gravures de fleurs et d'arabes- 
ques , qui virent le jour dans le XVP siècle à Venise. 

Ce genre de gravure s'est répandu et s'est maintenu jusqu'à 

(i) Voyez Lithographie el Galvanoplastie, 
(i) Wiiikelinaiiu. llisl. de l'art. 11, 314. 



246 

présent surtout en Bokême, où il est exécuté avec goût et habi- 
leté, n a rarement serTi à la représentation de sujets sur des 
surfaces planes ; on conserve cependant, entre autres au Musée 
de Berlin, quelques feuilles de verre du XVIP siècle, sur les- 
quelles sont gravés les portraits des ducs de Nassau et de Bran- 
debourg. On s'en servait encore moins pour l'impression; cela 
ne se fit que lorsqu'on eut découvert un procédé chimique. 

Sandrart (*) et Murr (*) nomment Henri Schwanhard, de Nu- 
remberg, comme le premier qui ait gravé sur verre des dessins 
en ^reux et en relief au moyen d'un corrosif; mais on ignore 
son procédé. 

En 1725 ftit publié par le docteur Weygand, en Courlande, 
un procédé de l'invention du docteur Math. Pauli , de Dresde, 
pour graver le verre. U consiste à verser de l'acide nitrique 
dans un vase, en y mêlant de l'émeraude verte de Bohême pul- 
vérisée, et à poser ce vase pendant 24 heures dans du sable 
chaud. Lorsqu'on a dessiné avec un vernis les ornements que 
l'on veut obtenir sur une feuille tle verre bien dégraissée, on 
l'entoure d'un bord de cire pour empêcher l'écoulement, et on 
la couvre de cet acide; en le laissant mordre quelque temps, on 
obtient des dessins anaglyptiques ou relief sur un fond mat. 

L'émeraude ou Hesper (pierre qui, pulvérisée et chauffée, 
brille d'une lumière verte) dont il est fait mention ici, et qui a 
été ainsi nommée par les anciens physiciens, n'est autre chose 
que le fluate de chaux; il doit son nom de fluor à Agricola, 
1561. Cette substance, mise en contact avec l'acide nitrique, 
développe l'acide fluorique. 

Mais ce ne fut que lorsque le chimiste Scheele, en 1771, 
eut découvert réellement dans le fluate de chaux (spatii-fluor) 
l'acide fluorique ou l'acide spathique, et sa propriété, qui est de 
dissoudre le verre, qu'on put penser à entreprendre efficacement 
la gravure sur verre par ce procédé chimique. 

Elindworth, à Leipzig, et Renard, à Strasbourg, l'employaient 
déjà eu 1790 à divers usages; le dernier surtout s'en servait 



H) Deutsche Académie, II, 1. III, c. â4. 
(i) Beschreib. Nuremb. 1801, p. 707. 



249 

pour tracer les degrés et les chiffres sur les échelles ea verre 
des thermomètres. 

En 1810, le peintre Landelle grava des glaces par le moyen 
de l'adde fluorique. C'était l'usage alors de composer les ca- 
dres des glaces, de lames de miroir, ornées de gravures, d'a- 
rabesques et de figures mates ou pohes. 

M. Bourdier fils paraît être le premier qui ait inventé (l'an 
VUE) un procédé aussi expéditif pour graver sur verre que 
sur cuivre, et ofirant l'avantage de fournir jusqu'à 10 mille 
épreuves sans altération de traits (*). 

Cependant ce procédé ne faisait pas beaucoup de progjrès: 
il restait toujours la difficulté de la préparation de l'acide fluo- 
rique. Mais, depuis que MM. Gray-Lussac et Thénard en 1810, 
et M. Berzélius en 1835, ont donné sur ce point des instruc- 
tions précises, on s'en est occupé davantage. 

Ce furent généralement des amateurs qui exécutèrent ce genre 
de gravure, notamment M. de Fuymaurin, ancien directeui* de 
la monnaie de Paris. Il opérait de la manière suivante : La 
planche de verre, vernie sur toutes ses faces et sur laquelle 
on découvre tous les traits qu'on veut faire mordre , se place dans 
une caisse de plomb, fermée par un couvercle de même métal ; 
celle-ci communique par un tube, aussi en plomb, avec un bal- 
lon contenant une partie de fluate de chaux pur, et deux par- 
ties d'acide sulfin-ique à ôQ''; enfin un tube en S, contenant une 
petite quantité de mercure, est également adapté à la caisse, 
pour permettre aux vapeurs en excès de se dégager sans rompre 
les parois de la caisse. Ensuite on chauffe le ballon, l'acide 
sulftirique agissant sur le fluate de chaux, s'empare de la chaux 
et met en tiberté l'acide fluorique, qui , pénétrant dans la caisse 
à l'état de vapeur, creuse le verre de toutes les parties mises 
à nu par la pointe. 

Beaucoup d'autres essais ont été faits par MM. O'Reilly, 
Desvignes, Jeanson, Hugues Baer^ et en 1844 par le docteur 
Bœttger de Francfort et le docteur Bromeis de Hanau. Ces 
deux derniers firent surtout des efforts pour obtenir des gra-< 

(1) Mooitear, l'au VU, p. 1387, 

11^ 



260 

vures destinées à Fimpression , et ont produit de très-belles 
épreuves sur papier, lesquelles ont paru dans le Journal des 
imprimeurs (*). 

M. C. Piil, attaché à rimprimerie impériale de Vienne, est 
l'artiste qui a le plus perfectionné, de nos jours, le procédé 
de la gravure sur verre à l'aide de l'acide fluorique, et qui a 
indiqué les meilleurs moyens pour parer au danger que pré- 
sente ce genre de travail. Nous empruntons de son Traité de 
l'Hyalographie (*) quelques détails pratiques, qui nous parais- 
sent très-utiles. 

L'acide fluorique étant extrêmement pernicieux pour les or- 
ganes respiratoires et pour la peau , il convient de prendre 
toutes les précautions possibles lorsqu'on en fait usage à l'état 
concentré. On fera bien d'avoir toujours à sa portée un vase 
contenant une dissolution de potasse dans de l'eau, pour se 
laver les mains, dans le cas où l'on n'opère pas avec des 
gants huilés , et de se couvrir le nez et la bouche pour n'en 
pas respirer les vapeurs. Heureusement qu'on n'a pas besoin, 
pour la gravure sm* verre , de l'acide concentré, mais étendu 
d'eau, ce qui diminue le danger. 

Tous les vernis ne sont pas également bons pour la gravure 
sur verre. M. Piil conseille un mélange d'une partie d'adipocire 
(spermacéti ou blanc de baleine) avec deux parties d'asphalte 
de Syrie pur. On n'a qu'à dissoudre ce même vernis avec de 
l'essence de térébenthine rectifiée , pour se procurer un vernis 
qu'on peut étendre au moyen d'un pinceau. 

Le petit vernis se compose de parties égales d'asphalte et 
de colophane dissoutes dans de l'essence chauffée. 

Pour vernir le verre, on a une caisse quadrangulaire en fer 
blanc, munie de pieds et d'un couvercle de tôle forte sur le- 
quel on place la planche ; on remplit la caisse d'eau, qu'on met 
en ébuUition au moyen d'une lampe à esprit-de-vin placée sous 
la caisse, et lorsque la planche de verre est suffisamment chauffée, 
on la couvre de vernis et on la flamte comme à l'ordinaire. Si 
l'on désire donner au vernis une couleur blanche ; on étend 

i\) De C.-A. Franke; Weimar, 4844, N* 5, 
ii'} Vienne, 4853, in-Sv 



251 

dessus une légère couche de térébenthine de Venise dissoute 
dans dé l'alcool, et sur cette couche, avant son entière dessi> 
cation, on frotte de la poudre d'argent 

Le décalque s'opère comme sur les planches de cuivre; mais 
le tracé à la pointe demande beaucoup plus de soin, parce 
qu'on ne peut pas attaquer le verre comme le métal avec le 
tranchant de la pointe. Pour que la morsure soit pure et égale, 
il faut s'efforcer d'enlever aussi complètement que possible le 
vernis dans les traits. Le verre étant transparent, on mettra 
sous la planche vernie en noir une feuille de papier blanc , et 
sous la planche à vernis blanc une feuille noire , pour mieux 
voir le tracé? 

L'opération de la morsure offre beaucoup de difficultés, 
parce que l'acide fluorique, plus encore que les mordants siu- 
métaux, tend toujours à élargir les traits, et à s'introduire sous 
le vernis en le détériorant ou en le faisant éclater. Les bons 
vernis de M. Piil paraissent triompher de ces inconvénients. 

Il y a plusieurs méthodes pour faire mordre une planche 
de verre ou des objets de verrerie. La plus généralement en 
usage jusqu'ici est la méthode employée par M. de Puymau- 
rin. Elle consiste à se servir de l'acide fluorique à l'état de 
vapeur. On peut aussi se servir d'une feuille de papier brouil- 
lard imbibée d'acide fluorique et qu'on place sur la planche 
tracée à la pointe; sur cette feuille on en met encore plu- 
sieurs autres sèches; puis on serre fortement le. tout sur le 
tracé, de manière à obtenir au bout de quelques minutes une 
morsure passable. 

Ce procédé est très-commode pour de petits objets ; mais la 
meilleure méthode selon M. Piil est la suivante : On verse sur 
la planche, un peu chauffée et entourée d'un bord en cire, 
l'acide fluorique étendu d'eau, dans les proportions d'une d'a- 
cide sur deux d'eau, en ne laissant agir qu'un quart de minute : 
après quoi on ôte l'acide , en le versant dans un flacon , et on 
lave, aussi promptement que possible, à plusieurs eaux, pour 
faire disparaître complètement l'acide ; on sèche ensuite à l'aide 
d'un soufflet. Dans le cas que le vernis ne soit pas altéré , on 
peut couvrir les parties assez creusées et opérer une seconde 



252 

fois de la même manière» On répète cette opération aussi loJîg- 
temps que le vernis le permet, et aussi longtemps qu'il le fie^Qt 
pour atteindre le degré d.e force voulu. Mais, lorsque le vernis 
est endommagé, il faut l'enlever et nettoyer la planche, d'abord 
avec de l'essence , et ensuite avec de la craie bien fine ; on 
chaufie légèrement et on couvre la planche de vernis^ en ayant 
soin qu'il ne coule pas dans les traits. De cette manière on 
peut faire mordre de nouveau. Dans toutes ces opérations il est 
important d'agir avec la plus grande vitesse. Les hachures dans 
les parties ombrées, qui demandent plus de force, se creusent 
facilement au moyen d'une pointe tranchante de diamant. 

Pour obtenir des tons unis et dégradés, comme au lavis, on 
s'y prend de la manière suivante: On remplit les traits gra- 
vés avec un mélange de térébenthine de Venise, de gomme 
laque, et de noir de fumée; on chauffe la planche; lorsqu'elle 
est froide, on enlève le superflu de dessus la surface au moyen 
d'un linge humecté de térébenthine; ensuite on couvre légère- 
ment la planche avec du baume de copahu mêlé d'im peu d'en- 
cre d'imprimeur, et on frotte dessus de la poudre d'argent très- 
également et partout. Après avoir couvert de petit vernis les 
parties qui ne doivent pas être matées, on expose la planche 
à l'action de l'acide fluorique à l'état de vapeur pendant 10 
ou 12 minutes ; on obtient ainsi un ton mat assez uniforme, 
mais faible, que l'on pourra bien encore creuser en répétant 
plusieurs fois l'opération, mais sans lui donner plus de vigueur. 
Pour arriver à cela , il faut procéder comme sur le cuivre pour le 
lavis, et saupoudrer la planche de résine. Pour lier les tons 
fins , et pour ôter les contours entre les teintes , on se ser- 
vira d'une pointe en buis, avec de la pierre ponce pulvérisée 
très-finement et de l'eau. 

Pour imprimer les planches de verre, il faut prendre la pré- 
caution de les incruster dans une forte planche de bois dur, 
et de les cimenter au moyen de plâtre mêlé de colle forte, ou 
d'un ciment composé de 3 parties de poix, 1 de bol et Vi de 
brique pulvérisée, le tout fondu ensemble. 

La planche de verre sera encrée comme une gravure en taille- 
douce, et imprimée sous la presse lithographique. 



253 

L'imprimerie impériale de Vienne a produit au moyen des 
procédé» de M» Piil de très-belles épreuves liyalograpliiqjuefr; 
mais comme les planches de verre présentent toujours Tin- 
convénient de se briser facilement à l'impression, on a pris 
le parti de les reproduire par Pélectrotypie , comme nous le 
verrons plus loin. 

Emplois de la gravure en creux* Pour terminer ce 
que nous avions à dire sur la gravure en creux, nous sgou- 
terons encore quelques mots concernant ses emplois divers. 

La reproduction des cheis-d'œuvre de sculpture et de pein- 
ture, ainsi que des autres arts de tous les temps , et leur mul- 
tiplication par la chalcographie^ ont eu pour conséquence na- 
turelle de les faire connaître partout , de les rendre accessibles 
à tous, et de contribuer puissamment à l'avancement des arts. 

La facilité qu'offi*e la gravure à Feau-forte, en comparaison 
de la gravure sur bois, l'a bientôt fait substituer à cette der- 
nière ; et nous lui devons ces nombreuses et magnifiques eaux- 
fortes des peintres. Ces précieux monuments de leur inven- 
tion du premier jet auraient probablement été perdus, s'ils les 
avaient dessinés seulement sur du papier, en exemplaires 
uniques. 

L'usage de décorer les appartements de gravuies en taille- 
douce, à la place des peintures plus coûteuses mises en vogue 
dans le siècle passé, a contribué à étendre encore davantage 
le goût pour la gravure sur cuivre, et l'on vit de plus en plus 
se répandre ce genre pour la décoration des livres typogra- 
phiques. ' 

Les premiers indices de la chalcogiaphie dans les hvres sont 
du XY* siècle, et se trouvent dans Petrus de Abno , de Venenis, 
imprimé à Mantoue en 1472, avec des initiales gravées sur cuivre. 
Le XV* siècle et le XVP n'étaient pas encore bien riches en ce 
genre. Nous ne citerons queles belles gravures des ouvrages nu- 
mismatiques, publiés par Hubert Golzius de Vanloo (n. 1526, m. 
, 1583). Dans le XVXI" siècle et dans les suivants il y en avait déjà 
davantage: par exemple la Bible dite de Bicher, de 1622. — 
Les livres publiés par Langlois, depuis 1634, et ceux de Denys 



254 

Mariette, depuis 1693.-— Le Vitruve de Perrault, en 1713.— 
L'histoire générale des voyages, imprimée par François Dîdot, 
en 1713. — Le Traité des pierres gravées par P.- Jean Mariette, 
fils de Denys, en 1714. — Les Amours postorsdes de Daphnis 
et Chloé , traduits par Amiot et ornées de 24 gravures de 
Baudran, d'après les dessins du régent, 1718. — Le Traité de 
diplomatique par Toustaiii et Tassin, de 1750 à 1765. — L'En- 
cyclopédie des sciences et des arts, par Diderot, avec 11 vo- 
lumes in-fol. de planches, 1751. — La Rodogune de Corneille, 
précédée d'une estampe gravée par Madame de Pompadour. 
d'après Boucher, et imprimée par elle en 1760 dans l'impri- 
merie qu'elle avait établie dans son appartement ^ au Nord. 
— L'Encyclopédie méthodique par Panckouke, commencée 
en 1781 et terminée 50 ans après, 167 volumes in 4", renfer- 
mant 6,439 planches. — Les œuvres de Voltaire, 70 volumes, 
publiées à Kehl par Beaumarchais, avec des gravures de Mo- 
reau, 1784 à 1789. — Les Fables de La Fontaine, avec des 
gravures d'après Oudry. — Racine , in-folio, par Pierre Didot. 
avec 57 gravures, 1801 — 1805. — Le Musée français, publié 
par Robillard Péronville, 1808—1811, avec 334 planches. — 
Le Musée, publié par Laurent, 1816 — 1822, avec de magni- 
fiques gravures. — La Louisiade, et la Henriade, imprimées 
par Firmin-Didot, ornées de belles gravures, par les meilleurs 
artistes de Paris. — Le magnifique ouvrage , la Description 
de l'Egypte, publié par ordre de Napoléon T", continué par 
Louis XVlll , et terminé sous Charles X , avec plus de 900 
planches de très-grand format. — Die deutsche Académie, par 
Joachim de Sandrart, Nuremberg, in-fol. 1773, avec beaucoup 
de planches de toutes les branches de l'art. — L'édition de 
luxe des œuvres de Virgile, publiée par Wagner à Leipzig 
en 1834, avec 400 gravures et 40 vignettes; — enfin un des 
plus beaux livres qui aient paru de nos jours, les Chansons 
de Béranger, illustrées de 52 gi*avures sur acier, exécutées 
par MM. Gamier, Prudhomme, Darodes, Frilley, Moret, Ch. 
Lalaisse, Vallot, de Mare, Mauduit, Massard, Willman, Colin, 
M"** L.Pannier, Normand, etc., d'après les dessins de Charlet, 
T. Johannot, Grenier, De Leraud, Raffet, Sandoz, etc. Paris, 



256 

chez Perrotin, 1848, 2 vol. gr. m-8. Sans compter les almaiiachs, 
les journaux de modes, les livres pour Tadolescence et la jeu- 
nesse, et un grand nombre d'autres éditions de luxe publiées en 
France, en Angleterre, en Italie, et en Allemagne. Dans le siècle 
passé on a poussé si loin le goût pour la chalcographie, qu'on 
lie s'est pas contenté d'oraer les livres de gravures, mais qu'on 
en a même fait dont le texte et les planches étaient entiè- 
rement gravés sur cuivre. De ce genre est enti*e autres une 
édition de Tirgile, qui a pai'u à Rotterdam sous le titre : Vir- 
gulii opéra ex antiquis monumentis illustrata cura et sump- 
tibus Henrici Justice Armigeri Ruthfortii Toporchi. 

Dans le XVI% le XVn« et le XVm» siècle on avait l'usage 
de coller dans l'intérieur de la couverture des livres une ar- 
moirie, ou une étiquette aUégorique ou symbohque de la fa- 
mille ou de la personne qui était propriétaire du livre. Dans 
le XrV* siècle, et dans une partie du XV*, ces objets étaient 
gravés sur bois , plus tard on les grava sur cuivre, et aujour- 
d'hui ils sont généralement remplacés par un timbre humide, 
c'est-à-dire, par un timbre gravé en relief et imprimé avec de 
l'encre d'imprimeur. 

La chalcographie et la sidérographie sont spécialement em- 
ployées pour la reproduction des dessins géographiques et to- 
pographiques. Les premières cartes géographiques gravées sur 
cuivre datent du XV* siècle. L'édition latine de la cosmographie 
de Ptolémée, commencée par le typographe Conrad Schweinheim 
à Rome, terminée par le graveur Arnold Bucking en 1478, con- 
tient 37 cartes sur cuivre, sur lesquelles les légendes et les 
noms ont été frappés à l'aide de poinçons en relief, au Heu 
d'être gravées. En 1482 fut publiée une autre édition du Pto- 
lémée par Doménique de Lapis à Bologne, édition qui conte- 
nait également des cartes géographiques gravées sur cuivre. 

Nous l'avons déjà dit , la chalcographie rivalisait avec la xy- 
lographie pendant le XVP siècle, époque dans laquelle il y avait 
encore peu de graveurs de cartes sur cuivre : Les principaux fu- 
rent Ortellus et Tavernier en Hollande; François de la Guil- 
lotière en France, Meyer à Bâle, etc. — Dans le XVII* siècle, 
et depuis cette époque, on ne vit presque plus que des cartes 



256 

gravées sur cuivre , et le nombre des graveurs était aussi plus 
considérable : Il y avait entre autres Mercator, Paul Merula, 
JudocuB Hondius, Janson, Delapointe; — et dans le XVIU* 
siècle, Homann, Riolet, l'abbé de la Grive, Chalmandrier, Dela- 
haye, Perrier, Bourgoins, Dupuis, Le Monieu. 

Jusque-là les cartes géographiques n'offraient pas une image 
suffisante de l'objet qu'elles devaient représenter, bien qu'il y 
en eût de très-bonnes. La gravure en était généralement dure 
et aride, n'imitant qu'imparfaitement les sinuosités du terrain, 
les pentes des montagnes ; enfin on n'avait point de système 
fixe et convenable pour le dessin topographique. Vers la fin du 
siècle passé cet état de choses change , et depuis il est allé 
toigours en se perfectionnant. Grâce aux travaux des Anglais 
Arrowsmith, Carey, etc., des Français Haxo, Puisant, Lapie, 
Brué, etc., des Allemands Charles Jœck, Gerstenbergh, J.-G. 
Lehmann, Mufding, etc., des Italiens Manzini, Legnani, Momo. 
On introduisait alors un système de hachures plus régulier, des 
dégradations plus naturelles se basant sur une échelle en rap- 
port avec les hauteurs, les pentes, les accidents et les formes du 
pays qu'on voulait représenter; ce système permettait aux gra- 
veurs de produire de magnifiques résultats par des effets de 
lumière et de perspective , tout en Uant au moelleux, à la sua- 
vité une exactitude presque mathématique des proportions. Beau- 
coup de graveurs se sont distingués dans ce genre, entre autres 
Bouclet, Doudan, Tardieu, PeUicier, Piquet à Paris; — Bach 
à Dresde, Hampe, Kolbe à Berlin, Mare à Kônigsberg, P. 
Schmidt et fils, W. Jseck, C. Jaetting et fils , Richter, Kliewer, 
Bimbé, Muller, Stein à Vienne; — Seitz, Schleich à Munich, 
Bruck à Leipzig, Knittel à Nuremberg et un grand nombre d'au- 
tres en Angleterre, en Italie, etc. 

La gravure de la musique est aussi un des emplois les plus 
considérables de la chalcographie, de la sidérographie et de 
la gravure sur zinc et sur étain. On se sert dans ce genre de 
gravure de plusieurs instruments et outils pour faciliter et abré- 
ger le travail que l'on trouve décrit dans des manuels spéciaux. 
M. Richome père l'a beaucoup perfectionné. 

A ces deux genres se lie la gravure de la lettre , employée 



â57 

encore pour les biUeta d« baaque, le papier-monnaie, les carte» 
de visite et d'adresse, etc. 

La gravure en creux a été employée aussi, au commence- 
ment de notre siècle surtout , à la reproduction de dessins de 
tricotage et de broderie ; elle est remplacée aujourd'hui par la 
lithographie, avec le secours de machines à pointiUer, et par le 
décalque. 

Dans les manufactures d'indienne, on se sert de cylindres en 
cuivre gravés pour imprimer les étoifes. On grave d'abord les 
planches planes, que l'on transforme ensuite en cylindre en les 
roulant et en les soudant solidement aux jointures. 

C'est à la fin du XVII* siècle,, ou vers le premier tiers du 
XVin% que fut importé en Europe l'art de £Ed;riquer les toiles 
peintes, connues sous le nom de perses ou indiennes, noms de 
leurs pays d'origine. Les sujets étaient coloriés au pinceau, 
opération longue et dispendieuse qu'on remplaça en Europe par 
l'impression à l'aide de planches gravées. 

Dans la fabrication du papier-tenture on. se sert également 
de la chalcographie. On a déjà décrit (p. 179 et suiv.) les procé- 
dés de gravure en relief des planches et des rouleaux em- 
ployés dahs ces deux fabrications, nous donnerons maintenant 
ceux de la gravure en creux. 

Selon M. Persoz (0 que nous suivrons encore ici, ce genre 
de gravure s'exécute généi*alement sur les métaux, et parti- 
culièrement sur le cuivre jaune ou rouge, rarement sur pierre 
et sur verre. 

< Lorsque, dans le cours du siècle dernier, les fabricants d'in- 
diennes empruntèrent aux graveurs et aux imprimeurs en 
taille-douce les moyens de reproduire des dessins et des im- 
pressions sur l'étoffe, ces artistes employèrent déjà la gravure 
au burin et à l'eau-forte. Le grand développement qu'a reçu 
l'impression des tissus et surtout la découverte du rouleau, 
ont fait de la gravure pour cette impression un art pour ainsi 
dire distinct de celui qui lui a donné naissance. 

« Pour faire comprendre toutes les modifications que les 

il; Traité théur. et pral. de nmpr. des tissus. Paris, i84(i, li, p. Wi et suiv. 



258 

procédés ont subies, nous jetterons un coup d*œS rapide sur 
leurs perfectionnements successifs. 

c On se sert des mêmes moyens pour graver les plaques 
et les cylindres en cuivre; les machines employées dans l'im- 
pression en taille douce ont été les premières appliquées 'à 
l'impression des tissus ; c'est donc la gravure des planches pla- 
tes qui a subi les premières améliorations. Dans le principe, 
la gravure de ces planches ne différait en rien de celles des 
planches qui servent à l'impression du papier : on gravait au 
burin et à l'eau-forte, mais d'une manière beaucoup plus pro- 
noncée. Les ombres s'obtenaient au moyen de légères cour- 
bes qu'on serrait et croisait., suivant la nature de ces om- 
bres, pour produire la teinte nécessaire à l'effet du dessin. 

« La presse dont on se servait ne permettant pas de rap- 
porter, chaque sujet était renfermé dans une planche et ne 
pouvait être répété ; on ne tarda pas à perfectionner la presse 
au point que les rapports devinrent possibles mécaniquement 
et de la manière la plus exacte. On grava alors en relief de 
petits dessins qui devaient se répéter sur un poinçon d'acier 
doux qu'on durcissait après. Moyennant ce poinçon qu'on en- 
fonçait à coups de marteau dans la plaque métaUique, et sur 
des points déterminés à l'avance par des lignes, on compo- 
sait le dessin et l'on employait le burin pour terminer la gra- 
vure. Plus tard, le poinçon, au lieu d'être enfoncé à coups de 
marteau, le fut par une presse à vis, et aux distances mar- 
quées par des diviseurs qui dépendaient de cette presse et 
faisaient marcher la planche eu long et en large. 

« Les choses en étaient là lorsque s'opéra une grande ré- 
volution dans l'impression par l'introduction du rouleau (eu 
1800 environ). Ceux-ci furent d'abord gravés à la main; mais 
la lenteur de ce genre de gravure, et surtout la dépense à 
laquelle il entraînait (*), le firent bientôt abandonner; il fut 

{i) Selon M. DoUfus-Gontbard, il y a des de^siu&dont les rouleaux gravés à la main 
avaient demandés 6, 8, 10 mois et plus.— Les frais de gravure au poinçon s'élevaient 
de 1000 à 1500 fr.— Les cylindres, guillochés en moins d'un jour, se vendaient 12U0 fr. 
—Maintenant que les graveurs de fabriques empruntent à la mécanique et à la chimir 
toute leur puissance, ils fout eu un jour presque le travail d'un an; de la vient qu'on 



259 

remplacé par deux procédés distincts , employés , INin en 
France, l'autre en Angleterre. 

«M. Lefèvre, de Paris, dans le premier de ces pays, ap- 
pliqua à la gravure au rouleau tous les procédés de la gra- 
vure à la planche plate , et grava des poinçons qui , au lieu 
d'avoir une surface plane, comme ceux de ce dernier genre 
de gravure, avaient une surface concave qui correspondait à 
la concavité des cylindres; pm*s bientôt, au moyen d'un tour 
à graver qu'il avait imaginé, il enfonça le poinçon à une pro- 
fondeur donnée et égale sur toute la surface des cylindres. 

< En Angleterre , on eut l'heureuse idée de graver en 
creux un petit cylindre miniature en acier doux, appelé mo- 
lette, qu'on trempait ensuite et pressait fortement contre une 
autre molette également en acier doux, à laquelle il trans- 
mettait^ mais en relief (>)) le sujet qu'on y avait gravé en 
creux ; ce transport opéré, on procédait à la trempe de cette 
seconde molette pour réaliser ensuite, moyennant une pres- 
sion suffisante , un nouveau transport , mais cette fois sur le 
cylindre en cuivre, qui était ainsi bientôt gravé en creux sur 
toute sa surface. C'est aux graveurs anglais Perkins; Fairman, 
Heat, Loquet, qu'est due cette belle découverte, qui ne fut 
connue et adopté en France que beaucoup plus tard. Après 
bien des essais infructueux, £ûts d'abord par un Anglais dans 
la maison Hartmann, de Munster, puis, en 1820, chez M. 
Hausmann, au Logelbach, le fils de ce dernier fabricant triom- 
pha enfin de toutes les difficultés, et en 1822 tous les rou- 
leaux de leur établissement étaient gravés à la molette. La 
même année, MM. Kôchlin frères importèrent d'Angletc^rre 
ce procédé que chacun s'empressa d'adopter. 

« Tous ces perfectionnements portent , comme on le voit, 
sur l'emploi du poinçon qui, primitivement employé comme 
un cachet, et sur un point limité, a fini par être appliqué 
d'une manière continue. 

peut douuer pour 50 à 80 francs ce qui eu coûtait 1500 il y a uue quarantaiue d'années. 
—Une gravure qui aulrefojs se payait 200 francs, n'est pas estimée aujourd'hui plus 
de 20 francs. ( M . Persoz .) 

(1) La première de ces molettes (en creux) s'apitelle molette-mère, et la seconde 
■relief) molelle-màle. 



260 

«Lebnriii, «t moy«ii duquel on donne des traits ai nets 
et si vigoureux, devait aussi recevoir ses perfeetioânemeats, 
et en efiet, de 1823 à 1824, en Angleterre et en Suisse, on 
parvint à le fiûre mouvoir mécaniquement, ainsi que le rou- 
leau, de manière à produire sur ce dernier tous les contours 
que depuis longtemps les graveurs de boites de montres ob- 
tenaient à l'aide de tours dits à gmUocher, Mais pendant qu'en 
Angleterre le burin ne servait qu'à produire des traits sur 
la couche du vernis dont la surface du rouleau était recou- 
verte, et à mettre en liberté le métal que devait ronger en- 
suite un acide, en Suisse on attaquait directement la matière 
du rouleau par la pointe du burin. C'est un nommé Stramm. 
guillocheur de montres à la Chaux-de^Fonds (Suisse) qui, sur 
les indications de MM. Yerdan père et fils, à Neuebàtel, a 
gravé le premier, au commencement de l'année 1824, les cy- 
lindres guillochés. » 

Au moyen de ces divers genres de gravure employés sépa- 
rément ou coigointement, quelquefois tous ensemble, on peut 
produire des dessins infiniment variéS) et dont chacun se distingue 
par un nom particulier. 

La gravure à l'eau-forte des rouleaux s'opère de la manière 
ordinaire, décrite plus haut. Cependant on remplace quelque- 
fois la pointe par un des moyens ci-après: < Veut-on, par 
exemple, obtenir un dessin blanc sur un fond couvert; ou l'on 
trace ce dessin au pinceau avec le vernis même sur le cylin- 
dre» ou on le grave d'abord sur un cachet, à l'aide duquel 
on imprime ensuite le vernis sur une feuille de papier gommé 
qu'on applique sur le rouleau , puis, lorsque le vernis est sec, on 
humecte le papier pour le détacher, et le dessin imprimé en vernis 
gras se trouve transporté sur le cylindre. Quand, au contraire, 
le fond doit rester blanc et le dessin être gravé en creux, 
on imprime avec le cachet, au lieu de vernis, une solution 
concentrée de gomme, sur un papier imprégné de gaUpoi, q^u'on 
transporte immédiatement sur le cylindre, où on le laisse sé- 
cher, et il suffit alors d'humecter le papier d'alcool chargé 
d'essence de térébenthine pour le détacher de la gomme, puis 
de recouvrir le cylindre de vernis, de le dessécher et de le 



plonger dans mie eau acidulée de vinaigre, qui, agissant sur 
les parties gommées, met à nu le métal réservé par elle. 

« On (obtient aussi des ligures irrégulières, des sablés, des 
marbrures, par des procédés qui ne sont que des imitations 
de ceux qu'on emploie pour produire quelques desdns sur le 
papier de reliure, sur la toile cirée, etc., dans lesquels les 
substances hétérogènes incorporées et maintenues en suspennon 
Pane par l'autre, puis abandonnées à elles-mêmes ou traitées 
à la brosse, reprennent chacune leur position respective et 
donnent les formes les plus bizarres. C'est ainsi qu'en incorpo- 
rant du goudron à des dissolutitms salines et en étendant uni- 
èmement ce mélange sur un cylindre, le plus léger coup 
d'une brosse a pour résultat d'accumuler le goudron sur cer- 
tains points et la solution saline sur d'autres , de sorte qu'en 
desséchant le premier et en passant le cylindre dans l'acide, 
les parties où le sel s'est accumulé sont les seules rongées. 
On réalise encore des figures d'un autre genre, dits famUifi 
édàboussés on gidéa , en aspei^eant le rouleau de vernis avec 
on pinceau ou avec une brosse. Toutes les parties couvertes 
de vernis sont respectées par l'acide, et les autres, an con- 
traire, attaquées. 

< Ce genre de gravure est susceptible d'être varié à l'infini ; 
car rien n'empêcherait, par exemple, d'enrouler d'une £aiçon 
irrégulière, de manière à produire des contours ou figures plus 
ou moins bizarres, des fils imprégnés de vernis; ce vernis 
faisant fonction de réserve, les parties du métal qui n'en se- 
raient pas recouvertes seraient les seules attaquées. Il serait 
facile de reproduire par ce moyen les dessins des mailles du 
tricot ou du filet. Enfin, rien ne s'opposerait à ce qu'on fit 
<ni8taUi80r des dissolutions salines sur la surface dn rouleau^ 
et, ces cristallisations accomplies, à ce qu'on recouvrit le tout 
de vernis ; ce dernier ne prenant que sur les surfaces nues 
du métal, on obtiendrait encore des figures de cristaux en 
relief. > 

Outre les vernis de graveur employés ordinairement, M. Persoe 
reconunande encore une dissolution du copaldans l'essence de. la- 
vande, lorsqu'il s'agit de tracer un dessin au trait sur le vemiSr 



â66 

par Alols Senefelder (né à Prague en 1772, et mort àMunick 
le 26 février 1834). Fils d'un comédien, Senefelder se voua lui- 
même au théâtre , contre la volonté de son père qui l'avait des- 
tiné à l'étude du droit. Ne pouvant réussir comme acteur, Sene- 
felder se fit auteur, et publia en 1793 une petite pièce de théâtre. 
Ce premier ouvrage fut suivi d'autres ; mais'voyant tout son gain 
absorbé par les frais d'impression, il chercha un moyen d'obtenir 
ses imprimés à meilleur marché. Il essaya d'abord une espèce de 
stéréotypage sur la cire et sur le bois ; mais l'exécution en grand 
exigeait des capitaux au-dessus de ses moyens. Il se servit en- 
suite de planches de cuivre , et il procéda comme les graveurs 
à l'eau-forte, c'est-à-dire qu'il vernissait sa planche, dessinait son 
écriture dessus, et la creusait au moyen de l'acide nitrique^ 

Le^ difficultés qu'il avait à surmonter étaient surtout l'imita- 
tion des caractères d'imprimeur et l'écriture à rebours. Un autre 
obstacle était la correction des fautes qu'il faisait en écrivant. Ne 
connaissant point le petit vernis qui sert à cet effet aux graveurs, 
il imagina de dissoudre dans de l'eau de pluie des quantités éga- 
les de cire et de savon , avec un peu de noir de fumée, mélange , 
qui plus tard servit d'encre chimique pour la lithographie. 

Pour tirer à l'économie, Senefelder voulut se servir de la 
même planche pour un second essai, mais il lui fallut employer 
plusieurs heures pour eifacer les traces que l'eau-forte y avajlt 
laissées. Cette circonstance lui fit penser qu'on pouvait aussi 
bien graver à l'eau-forte sur la pierre que sur le cuivre, et il ré- 
solut de faire des gravures en creux sur pierre ('). Ces premiers es- 
sais se firent sur une espèce de pierre calcaire qu'on nonune 
pierre de Solet^fen, du nom d'un village bavarois, où l'on trou- 
vait la meilleure espèce, et qu'on employait à Munich pour le 
carrelage des appartements. C'est cette même espèce de pierre 
qui sert encore aujourd'hui spécialeïnent aux lithographes. Se- 



(i) Quelques auteurs attribuent à l'abbé Schmidt, professeur à l'école des cadets à 
Munich, la première idée d'employer les pierres à l'impression. L'abbé Schmidt avait, 
avant Senerelder. gravé en relief sur pierre, des feuilles de diverses plantes, dont il 
se servait dans un cours de botanique. Cependant, et longtemps avant l'abbé Schmidt, 
on grava en relief sur pierre calcaire au moyen d'un corrosif. Il existe à Munich, au 
musée de l'écele gratuite de dessin, un astrolabe fait par ce procédé, et portaat la 



4df 

uefelder couvrit la pierre du même vernis que pour le cuivre^ 
et il dessina ses lettres à l'aide d'une plume d'acier d'une forme 
particulière. 

Le plus grand obstacle qu'il rencontra fut de donner à la 
pierre le poli convenable, pour pouvoir enlever facilement l'encre. 
Après de nombreux essais, Senefelder trouva enfin qu'en jetant 
sur la pierre bien débrutiè un mélange d'une petite partie 
d'huile de vitriol concentrée avec 4 ou 5 parties d'eau, et frot- 
tant de suite avec un Unge on obtient un poli parfait Mais 
malheureusement ce poli n'est pas très-solide, et sa durée est si 
courte, qu'on ne peut guère tirer avec une pierre ainsi préparée 
qa'one cinquantaine d'exemplaires nets ; après quoi il faut em- 
ployer de nouveau le même procédé, ce qui nuit toujours un 
peu au dessin. 

Une autre difficulté était de trouver un noir qu'on pût enle- 
ver facilement « Tous les essais que je fis , nous dit l'inventeur, 
me prouvèrent que rien ne convenait mieux à une pierre sans 
préparation d'huile de vitriol, qu'un vernis huileux mêlé de noir 
fin de Francfort, qu'on enlevait de dessus la pierre avec une 
fiuble dissolution de potasse et de sel de cuisine. » 

Senefelder avoue qu'il n'avait rien trouvé de neuf jus- 
qu'alors, ni Mt autre chose , pour la préparation de ses pierres, 
que ce que font les graveurs en taille-douce. 

Ce fut en 1796 qu'il passa de la méthode creuse dont nous 
venons de parler à une nouvelle manière, qu'il appelle gra- 
vure en relief, en se servant de l'encre qu'il avait inventée 
quelque temps auparavant Voici comment il raconte lui-même 
le hasard qui lui a fait découvrir ce nouveau procédé : € Je ve- 
nais de dégrossir une pierre poiu* y passer ensuite le vernis 
et continuer mes essais d'écriture à rebours, lorsque ma mère 



date de 1580. On voit aussi dans le cabinet royal des antiquités de la même ville, une 
grande table ronde, Taite d'une pierre de Solcnhoren, sur laquelle sont gravés en re- 
lief, et par le même moyen, les portraits des anciens durs de Bavière, avec plusieurs 
inscriptions et une chanson accompagnée de notes (Engelmann, p. 7). A la biblio- 
tbèqve de Genève il y a une pierre calcaire, âgée de quelques siècles, dont l'inscrip- 
Uon paraît être faite au moyen d'un corrosif (M. Blavignac. architecte).— Du reste, 
Senefelder ignorait complètement le procédé de l'abbé Schmidt, et l'existence de 
«es pierres gravées à Munich. 



2«d 

vint me prier de lui écrire le mémoire da linge qu'elle àÛait 
faire laver; la blanchisseuse attendait impatiemment, tandis 
que nous cherchions inutilement un morceau de papier blanc. 
Le hasard voulut que ma provision se trouvât épuisée par mes 
épreuves, et mon encre ordinaire desséchée. Comme il n'y 
avait alors personne à la maison qui pût aller quérir ce qui 
nous était nécessaire , je pris mon parti , et j'écrivis le mé- 
moire sur la pierre que je venais de débrutir, en me servant 
à cet effet de mon encre composée de cire, de savon et de 
noir de fumée, dans l'intention de le copier lorsqu'on m'au- 
rait apporté du papier. Quand je voulus essuyer ce que je ve- 
nais d'écrire, il me vint tout à coup l'idée de voir ce que de- 
viendraient les lettres que j'avais tracées avec mon encre à la 
cire, en enduisant la pierre d'eau-forte, et aussi d'essayer si je 
ne pourrais pas les noircir comme l'on encre les caractères 
d'imprimeur ou la taille de bois, pour ensuite les imprimer. 
Les essais que j'avais df jà faits pour graver à l'eau-forte m'a- 
vaient fait connaître l'action de ce mordant relativement à la 
profondeur et à l'épaisseur des traits, ce qui me fit présumer 
que je ne pourrais pas donner beaucoup de relief à ces let- 
tres. 

« Cependant, comme j'avais écrit assez gros pour que l'eau- 
forte ne rongeât pas à l'instant les caractères, je me mis vite 
à l'essai. Je mêlai une partie d'eau-forte avec dix parties d'eau, 
et je versai ce mélange sur la pierre écrite ; il y resta 5 mi- 
nutes à la hauteur de deux pouces. 

« J'examinai alors l'effet opéré par l'eau-forte , et je trou- 
vai que les lettres avaient acquis un relief à peu «près d'un 
quart de ligne , de manière qu'elles avaient l'épaisseur ^'une 
carte. Quelques traits, qui sans doute avaient été écrits trop 
fins, ou qui n'avaient pas pris assez d'encre, étaient endomma- 
gés en plusieurs endroits. Les autres n'avaient perdu qu'une 
partie imperceptible de leur largeur en comparaison de le;ir 
relief, ce qui me donna l'espérance fondée qu'une écriture 
bien tracée, et surtout en caractères moulés comme ceux de 
l'imprimerie, pourrait encore avoir plus de relief. 

« Je m'occupai ensuite des moyens d'encrer ma pierre : je 



269 

pris pour cela une petite plaque de bois qui avait servi de 
couvercle à une boîte fort unie, je la recouvris de drap très-ôn 
de l'épaisseur d'un pouce, et je la frottai fortement avec une 
couleur faite de vernis d'huile de lin très-épais et de noir de 
fumée; je passai ensuite ce tampon sur les caractères écrits; 
ils prirent fort bien la couleur et je réussis si bien, qu'il ne 
me resta plus rien à désirer. » 

Cette découverte de Senefelder, qui consiste à travailler 
en relief, et à imprimer à la manière de la taille de bois, 
peut être considérée comme le commencement de la litho* 
graphie. 

Tous les essais que Senefelder fit ensuite pour les écri- 
tures sur pierre s'exécutaient de cette manière ; il employa 
même ce moyen avec succès à l'impression des notes de mu- 
sique, et forma en 1796 un établissement d'imprimerie musi- 
cale, en compagnie avec M. Gleissner, musicien de la cour à 
Munich. 

En même temps il inventa une nouvelle presse à impri- 
mer qu'il appela presse à branches, et il employa sa méthode 
d'impression à faire des adresses et des cartes de visites. 

Un air mis en musique que Senefelder avait imprimé , et 
au-dessus duquel se trouvait une petite vignette , engagea le 
conseiller Steiner, à Munich, à lui faire dessiner de petites 
images pour un Catéchisme. Quoique les dessins Aissent fort 
médiocres, on acquit cependant la certitude de pouvoir faire 
toutes sortes de dessins sur pierre ; et M. Steiner , qui était 
directeur du dépôt des livres destinés aux écoles, procura à, 
Senefelder l'occasion de s'exercer à différents travaux de ce 
genre. 

Restait toujours la plus grande difficulté, l'écriture à rebours. 
D fallait donc trouver un moyen pour surmonter cet obsta- 
cle. Ayant remarqué pendant ses diverses opérations que, lors- 
qu'on écrivait sur du papier avec un bon crayon anglais, 
qu'on le mouillait, qu'on l'appliquait ensuite sur une pierre 
bien pohe, puis qu'on le soumettait à l'action d'une presse 
bien tendue, les caractères écrits au crayon restaient distinc* 
tement marqués sur la pierre, et qu'il n'avait alors qu'à re- 



270 

passer les traits de crayon avec son encre lithographique. 11 
essaya plusieurs compositions pour transporter son écriture 
sur la pierre. La sanguine fine, broyée avec de l*eau gommée, 
et même Fencre commune faite de noix de galle et de vi- 
triol vert, pouvaient être utilement employées à cet effet. Il 
employa également un mélange d'huile de lin, de savon et de 
noir de fumée; mais il lui fallait toujours repasser avec son 
encre lithographique le dessin transporté sur la pierre pour 
pouvoir l'imprimer; opération double, qui lui fit désirer de 
trouver une encre qui, en se détachant du papier, se trans- 
portât entièrement sur la pierre, et lui épargnât la peine de 
copier. Senefelder avoue que cette recherche lui a coûté 
pour le moins un millier d'essais , mais il en a été ample- 
ment récompensé, car il leur doit la découverte du secret de 
la lithographie chimique. 

Parmi tous ces essais, celui qui lui réussit le mieux fiit le 
suivant : il passa sur le papier une eau gommée dans laquelle 
était dissous du \itriol martial (sulfate de fer) ; lorsque ce pa- 
pier fut sec, il écrivit dessus avec son encre lithographique, 
rendue plus collante en y mêlant de la colophane, du vernis 
huileux épais, de la gomme élastique, de la térébenthine, du 
mastic et d'autres matières pareilles, et le laissa sécher de non* 
veau, n mouilla ensuite le papier, et il l'imprima sur une pierre 
qui avait été enduite légèrement d'une dissolution de vernis 
huileux dans l'essence de térébenthine, laquelle ne laissait 
qu'une couche grasse très-mince. Cet essai, comme je l'ai dit, 
réussit fort bien ; l'autographie venait d'être inventée. 

En transportant ses dessins sur la pierre, Senefelder avait 
remarqué que l'humidité, surtout l'humilité visqueuse, comme 
par exemple une dissolution de gomme, s'opposait à ce que 
l'encre lithographique s'attachât à la pierre ; de manière qu'im 
papier, écrit avec de l'encre lithographique qui. a bien séché» 
trempé dans de l'eau où il y a quelques gouttes d'une huile 
quelconque, prend cette huile sur toutes les parties écrites, 
et que le reste du papier, surtout lorsqu'il a été trempé dans 
de Peau gommée ou dans de la colle d'amidon très-déliée, ne 
prend pas d'huile. Il pouvait donc supposer qu'un papier im- 



271 

primé avec Fencre noire ordinairç de Pimprimerie donnerait 
le même résultat. Pour s'en convaincre, il arracha une feuille 
d'un vieux livre imprimé, la passa dans une dissolution de gomme 
très-claire, il la mit ensuite sur une pierre, et prenant une éponge 
trempée dans une couleur huileuse et claire, il la passa partout 
sur le papier. Le résultat fut que les caractères imprimés 
prirent la couleur , tandis que le papier restait blanc. Il 'ap- 
pliqua alors un papier blanc, sur le côté imprimé du premier, 
les mit tous les deux sous la presse , et il th'a une très-belle 
copie de la feuille imprimée, quoique en sens renversé. 

Ainsi chaque feuille de papier devenait à Senefelder une 
planche à imprimer, et il pouvait en tirer une cinquantaine 
d'exemplaires, en se servant d'une encre plus compacte et 
composée de colophane, de Htharge ou oxyde de plomb vitreux, 
broyée en poudre , de noir de famée , de vernis huileux et de 
potasse délayés dans de l'eau. En employant cette méthode , et 
seulement avec du papier et sans pierre, il aurait pu réimprimer 
de vieux livres et faire même des éditions de livres nouveaux. 

Cependant le peu de solidité du papier décida Senefelder à 
se servir pour ce travail des pierres calcaires de Solenhofen. 
Cette espèce de pierre a une attraction très-forte pour les corps 
gras, lesquelles la pénètrent si profondément, que souvent il 
est impossible, même en l'usant beaucoup, d'en faire disparaî- 
tre les traces. 

H prit donc une de ces pierres bien débrutie, y, dessina quel- 
que objet avec un petit morceau de savon, jeta dessus une fai- 
ble dissolution de gomme , et y passa une éponge ou un tam- 
pon trempé dans de la couleur huileuse ; alors toutes les places 
marquées par le corps gras devinrent noires à l'instant , tandis 
que les autres restèrent blanches. Une pierre ainsi préparée 
pouvait produire autant d'épreuves que l'on en voulait. 

Toutefois il était aisé de prévoir qu'un dessin auquel on au- 
rait donné un peu de relief au moyen du mordant serait plus 
fiwîile à imprimer, et qu'une pierre préparée de la nouvelle ma- 
nière était bien plus facile à dégrossir pour s'en servir de nou- 
veau. 

Senefelder croyait au commencement qu'il pouvait se pas- j 



272 

ser de gomme , mais il fut bientôt convaincu qu'elle avait une 
sorte de liaison chimique avec la pierre, dont elle ferme un peu 
les pores aux corps gras , tandis qu'elle les dispose de plus en 
plus à recevoir l'eau, qualité que l'eau-forte et la gomme ne 
peuvent donner que réunies. 

Les essais faits de cette manière réussirent parfaitement, tant 
en creux qu'en relief. 

Si, en suivant une marche inverse, au lieu de mouiUer la 
pierre avec de l'eau , on prenait de l'huile et une couleur pré- 
parée avec de l'eau gommée, alors il n'y avait plus que les en- 
droits humides qui prissent la couleur , les endroits gras la lais- 
sant, et on pouvait imprimer par ce moyen avec toutes sortes 
de couleurs à l'eau. 

En faisant usage de savon sec pour tracer le dessin, le genre 
des dessins au crayon était trouvé tout naturellement , car ce 
n'est pas seulement à l'état fluide que l'encre chimique pénètre 
dans la pierre et rend les places dessinées par son moyen pro- 
pres à recevoir la couleur , mais on peut aussi s'en servir lors- 
qu'elle est desséchée. 

Voilà donc la méthode chimique à voie humide trouvée, c'est- 
à-dire la lithographie dans toute son extension et avec tous ses 
genres. 

Elle consiste en somme dans les conditions suivantes : « H 
importe peu que le dessin soit en relief ou en creux ; l'essentiel 
est qu'il se trouve sur les lignes et les points de la plaque à im- 
primer une matière à laquelle s'attache ensuite la couleur par 
son affinité chimique, couleur qui doit donc être composée d'une 
substance semblable à celle du dessin. Il faut encore que les par- 
ties de la planche qui doivent rester blanches aient la propriété 
de ne point prendre et même de repousser la couleur, afin 
qu'elle ne puisse s'y attacher. » 

PROPAGATION DE IiA UTHOGRAPHIE. 

Après ces divers essais et ses réussites successives, Senefelder 
s'associa ses deux frères Thiébaud et Georges et agrandit ainsi 
l'établissement qu'il avait fondé avec son ami Gleissner. Us re- 
çurent en 1799 de Maximilien-Joseph un privilège exclusif pour 



273 

15 ans. Ce fat à cette époque aussi que l'éditeur en musique, 
M. André d'Offenbach , convint avec Senefelder que celui-ci 
lai enseignerait son art dans toute son étendue moyennant une 
somme proportionnée à son importance ; il lui proposa en outre 
nne association avec lui et ses trois frères pour former cinq 
établissements dans les différentes capitales de l'Europe. Sene- 
felder accepta et monta d'abord une imprimerie lithographique 
à Offenbach. Il alla ensuite à Londres pour obtenir avec M, 
Philippe André un privilège et fonder une lithographie; mais 
ils ne s'entendirent pas. En 1802, il envoya son frère à Paris 
dans le même but; et en 1803 il obtint un privilège en Autri- 
che. C'est alors qu'il s'associa avec M Hartl, et qu'il établit une 
imprimerie de musique à Vienne; cet établissement ne réussis- 
sant pas, il le remit à M. Steiner , et il se hvra à l'impression 
des toiles de coton au moyen des procédés lithographiques ; mais 
rencontra tant de difficultés qu'il fallut bientôt renoncer à ce 
système. Il imagina alors une machine à imprimer , composée 
de deux cylindres en fer, dont l'un était gravé à l'eau-forte. De 
nouveaux obstacles firent aussi tomber cette entreprise. 

En 1806, Senefelder et Gleissner s'associèrent avec le baron 
d'Aretin à Munich , et y fondèrent un grand atelier lithogra- 
phique. Plusieurs presses furent mises en mouvement et tra- 
vaillèrent aux productions musicales , à des écritures pour le 
gouvernement et à des objets dart. L'association dura 3 ans, 
pendant lesquelles ils firent un grand nombre d'ouvrages qui 
fixèrent l'attention publique sur cet établissement. 

Les premières productions lithographiques sorties de ces 
presses furent les dessins d'Albert Durer poiu* le bréviaire de 
l'empereur Maximilien, dessinés sur pierre par Nepomuc Strix- 
ner et imprimés en différentes couleurs. Ils annoncèrent en- 
suite un spécimen de 40 feuilles des divers genres de des- 
sin que la lithographie pouvait produire; mais il n'en a paru 
que la première livraison de 10 feuilles. Malheureusement les 
associés retirèrent de si faibles bénéfices de leur entreprise, 
qu'ils se décidèrent à céder une partie de leur établissement à 
M. Mannlich , directeur de la galerie des tableaux à Munich ; 
Vmtrç fût achetée par M. Zeller, 

«8* 



274 

M. Mannlich 8e distingua par Tezécutioii d'un grund ouvrage, 
dans lequel, sous le titre de (Euvres Uihographiqtêes de Strix- 
ner et Pilotti, il reproduisit des fac-similé de dessins des an- 
ciens maîtres qui se trouvent dans le cabinet du roi de Bavière. 
U y fit usage pour la première fois de planches à teintes pla- 
tes , imitant le dessin sur papier teinté , rehaussé de lumières 
blanches. C'est le genre cams^'eu reproduit par la lithographie. 
Nommé en 1809 inspecteur de la lithographie royale à Munich, 
et se voyant une position assurée, Senefelder se Youa dès 
lors au perfectionnement de son art. 

C'est ainsi qu'il inventa en 1817 un papier-pierre, espèce de 
composition destinée à imiter la pierre de Solenhofen. £n 1819, 
Senefelder s'occupa de mettre en ordre ses divers procédés, 
et il les publia sous le titre de VArt de la lithographie. 

Ces deux objets l'amenèrent à Paris, où il se rendit en jan- 
vier 1819 avec M. Knecht, et où ils imprimèrent les plandies 
qui devaient accompagner son ouvrage. Senefelder voulut aussi 
introduire ses pierres factices; après bien des essais de fabrica- 
tion, et après avoir quitté Paris à plusieurs reprises, il y revint 
une troisième fois en 1820, et ce fut alors qu'il substitua des 
feuilles de zinc au carton trop fragile sur lequel il étendait la 
couche qui représentait la pierre. Malgré ce changement, il ne 
réussit point et il céda son établissement à M Knecht, qui le 
continua sous la raison Senefelder et Comp. 

Ayant échoué à Paris, Senefelder essaya de former des litho- 
graphies à Strasbourg et à Vienne, mais les procédés de son 
art étaient alors si répandus, qu'on pouvait se passer de son 
secours. Voyant toutes ses offres repoussées, il se retira en 
Bavière où il vécut, de 1825 à 1834 (époque de sa mort), du 
revenu de sa place d'inspecteur de la lithographie au bureau 
du cadastre. Pendant ce temps il fit une dernière inyentioni 
qui consista à multiplier les tableaux à l'huile par l'impression, 
invention qu'il appela impression à la inosaïqucy et qui est 
nommée actuellement lithographie polychrome. Il composa à 
cet effet une certaine quantité de petits cylindres de toutes cou- 
leurs, et dont la base était une matière grasse. Il les juxtaposa 
verticalement les unes à côté des autres, à la manière d'une 



275 

mosaïque ; lorsque tout le tableau fat réunit et serré dans une 
forme, il en humecta la surface avec de la lessive caustique, 
qui en dissolvait une légère portion, et y appliqua une toile ou 
an papier. D pouvait tirer ainsi un nombre d'exemplaires qui 
dépendait de la matière colorante que pouvait céder l'épais- 
seur de la mosaïque. Il se proposait de publier son procédé 
dès qu'il l'aurait porté à un certain degré de perfection, mais 
la mort l'en a empêché. 

A peine l'art nouveau de la tithographie était-il inventé, au 
commencement de notre siècle, qu'il se répandit partout. En 
peu de temps tm grand nombre d'établissements lithographiques 
furent créés dans tous les pays de l'Europe, et de toutes parts 
on demandait des ouvriers de Munich pour ces ateliers; sou* 
vent même les entrepreneurs venaient dans cette ville pour 
faire leurs études dans l'art lithographique. 

Senefelder lui-même contribua à la propagation de son art, 
directement d'abord, indirectement aussi par son caractère ex- 
pansif et mobile, par son inconstance dans ses entreprises , et 
son inhabileté dans les affaires commerciales. Ses nombreux as- 
sociés et ses frères mêmes n'y contribuèrent pas moins. 

Un jeune étudiant de Strasbourg , nommé Niedermayer, lié 
d'amitié avec les frères de Senefelder, et ayant souvent visité 
leurs ateliers à Munich, fit des tentatives pour monter une litho- 
graphie à Ratisbonne. M. Pleyel, éditeur de musique, l'appela à 
Paris en 1800 et fit quelques essais d'impression tant en dessin 
qu'en musique, mais le transport des pierres de Solenhofen à 
Paris étant trop onéreux, il ne fut pas donné suite à ces essais. 
Dès lors Niedermayer se mit à courir le monde pour y vendre 
ce qu'il devait à la confiance des frères Senefelder. N'ayant pu 
réussir à Vienne, il se rendit à Munich pendant l'absence de 
Senefelder, et vendit ses procédés à la Direction de l'école 
gratuite de dessin. Mais les directeurs ayant bientôt reconnu 
l'incapacité de Niedermayer dans cet art, prirent des arrange- 
ments en 1804 avec Thiébaud et George Senefelder, qui leur 
lin-èrent tous les procédés lithographiques connus alors, moyen- 
nant une pension annuelle, 

La direction de la nouvelle imprimerie fut confiée à M. Mi^ 



276 

terer, professeur de dessin. A partir de cette époque, la litho- 
graphie reçut une nouvelle impulsion, et on la vit s'occuper 
principalement des arts du dessin, auxquels elle est éminemment 
propre. Comme on attribuait à Mitterer l'invention de la manière 
du crayon, cet habile artiste déclara que l'idée première de des- 
siner sur pierre au moyen d'une matière grasse solide, ainsi que 
tous les autres procédés lithographiques, était le fruit des labo- 
rieuses recherches de l'ingénieux Senefelder, que son rôle à lui 
s'était borné à perfectionner ce procédé, et à exécuter les pre- 
miers travaux importants dus à l'emploi du crayon lithographi- 
que. Puissamment secondé par MM. Steiner et Weichselbaum, 
attachés à l'école, M. Mitterer fit faire de rapides progrès à 
cet art, qui lui doit un grand nombre de perfectionnements. 

Les chefs de l'école se réunissaient souvent pour se concerter 
entre eux sur de nouvelles expériences à faire. Bs se trouvaient 
pour cela dans une position très-favorable : l'école possédait un 
laboratoire de chimie et un atelier de mécanicien qui furent d'un 
puissant secours dans ces recherches. C'est dans une de ces 
conférences qu'ils donnèrent le nom de lithographie à l'art 
qu'avait inventé Senefelder, appelé jusqu'alors impression sur 
pierre, ou impression chimique. 

M. Mitterer remplaça en 1805 la presse-gibet de Senefelder 
par une autre de son invention, appelée presse à moulinet Cette 
presse, qui n'a subi que quelques légères modifications , est en- 
core en usage aujourd'hui. 

Grâce à tant d'éléments favorables, l'établissement dirigé par 
M. Mitterer réussit parfaitement, et on en vit sortir une grande 
quantité d'études de dessin et d'autres objets d'art 

Un nommé Strohofer, qui avait été apprenti d'un des frères 
de Senefelder, voulut en 1806 fonder une hthographieà Munich; 
empêché par le privilège de l'inventeur, il se rendit à Stuttgard, 
où il communiqua cet art à M. le baron de Cotta, qui fonda de 
suite un établissement lithographique, dont il confia la direction 
à M. Bapp. Cette imprimerie fut, après celles de Munich, celle 
oii la hthographle fut pratiquée avec le plus de succès. On s'y 
occupait principalement de la gravure sur pierre et on lui doit 
le premier traité de lithographie qui ait paru^ il fut publié en 



277 

1810 sous le titre de : Le secret de V impression sur pierre, etc., 
Tubiugen. La première production lithographique de cet éta- 
bHssement fut une édition de luxe d'une chanson célèbre de 
Schiller, publiée en 1807, gr. in-folio ; le titre et le texte étaient 
gravés au burin sur pierre; deux airs, musique et paroles, écrits 
à la plume, et une scène de la tragédie de Wallenstein, dessinée 
au crayon par M. Seele. A cette époque il s'établissait encore 
d'autres lithographies à Munich : celle de M. Siedler; celle pour 
les travaux administratif, dirigée par Thiébaud Senefelder; 
deux autres sous les ordres de M. Hemle et Hoth; une pour 
l'établissement royal des pauvres , et celle de M. Dietrich, em- 
ployé au trésor. 

Enfin, d'autres villes de l'Allemagne, Berlin, Manheîm, Carls- 
ruhe, Heidelberg, etc., eurent des imprimeries lithographiques 
avapt 1817. 

MM. Aruz et Comp. à Dusseldorf publièrent des cartes géo- 
graphiques des objets d'histoire naturelle en 1818. 

M. Dall'Armi, de Munich, dès 1818 fit connaître la lithogra- 
phie à Milan, à Kome, à Venise. 

En 1801, un an après la tentative manquée de Senefelder et 
de Philippe André, cet art iut introduit définitivement en An- 
gleterre par Volwieler. H a pubUé en 1807 un spécimen of po- 
h/autography. En 1818, M. Akcrmann formait un établissement 
Uthographique à Londres. Mais cet art n'y fit des progrès réels 
qu'en 1821 , lorsque M. HuUmandel y créa un établissement, 
à son retour de Paris , où il avait recueilli ses connaissances en 
lithographie chez M. Engelmann. Ce dernier communiqua aussi 
ses procédés à M. Madrazo, peintre du roi d'Espagne, qui avait 
l'intention de fonder , en 1825, une imprimerie lithographique 
à Madrid, pour publier un ouvrage sur les galeries de tableaux 
de la couronne. 

La lithographie ne fiit introduite aux Etats-Unis d'Amérique 
qu'en 1828, par M. Barnett, qui fonda une imprimerie à New- 
York, sous la raison sociale de Barnett et Doolittle. La lithogra- 
phie a été portée en Chine par le missionnaire Impert (Jobard). 

Nous avons déjà remarqué que les premières tentatives faites 
pour introduire la lithographie en France furent celles de la 



278 

m»80ii Pleyel et de Niedermayer en 1800. Cet essai n'eat 
pas de suite. Deux aimées après, M. André d'Offenbach et Se^ 
nefelder établirent une lithographie à Paris, et publièrent de la 
musique et quelques dessins d'animaux du Jardin des Plantes. 
Quoique M. André ne réussit qu'imparfaitement dans cette en- 
treprise, il peut néanmoins être regardé comme le premier qui 
ait introduit les procédés lithographiques en France ; aussi a-t-il 
reçu comme tel une médaille d'argent de la Société d'encoura- 
gement (*). 

Peu satisfait de ces résultats médiocres , M. André quitta Pa- 
ris en 1806, après avoir vendu ses procédés à MM. Choron, Bal- 
tard et quelques autres artistes. M. Choron s'occupa de l'impres- 
sion de la musique. M. Whit publia en 1808 un recueil de ta- 
bleaux de mécanique appliquée et d'éléments généraux de ma- 
chines, dessiné sur pierre. M. Guyot Desmarais, peintre de Pa- 
ris, produisit en 1809 12 planches lithographiées, représentant 
divers animaux. D'autres personnes s'occupèrent encore de h- 
thographie à Paris; en particulier M. Denon, directeur des mu- 
sées impériaux , le général Lejeune et M. Lomet depuis 180&; 
M. Marcel de Serres en 1809 et 1810; M. Duplat en 1811; M. 
le comt« de Lasteyrie en 1812 et 1814. Ce dernier avait même 
fait des voyages à Munich pour y étudier la lithographie, et avait 
engagé des ouvriers pour fonder une imprimerie dans la capitale 
de la France. Mais, malgré toutes ces tentatives, il n'existait 
aucun établissement hthographique à Paris, en 1814, et M. Mar- 
cel de Serres pouvait alors très-bien dire « que toutes les gra- 
« vures lithographiques obtenues jusqu'alors à Paris ne pouvaient 
<r être considérées que comme des essais plus ou moins impar- 
« faits. Nous pouvons même ajouter que cet art, quoique connu 
« de quelques artistes habiles, n'y a jamais été pratiqué par des 
« hommes qui aient apprécié toutes les ressources de ce genre 
« de gravure (*). » 

Celui qui, après M. le comte de Lasteyrie, a le plus fait pour 
l'avancement de la Uthographie, qui a le plus contribué au dé- 
veloppement de tous ses genres et de ses procédés divers, et qui 

(S) Bulletin, LVII, 1809, et octobre 1816.— Brevets publiés, t. IV, p. 94. 
(i) Essai sur les arts, etc. de l'empire d'Autriche, i8U. 



279 

loi a assigné la place qu'il mérite d'occuper dans les arts, c'est 
sans contredit M. G. Engelmann de Mulhouse. 

M. Engelmann reçut les premières notions de la lithographie 
par Tentremise d'un de ses amis, M. Ed. Eœchlin, notions qui le 
mirent à mêmç de faire quelques expériences pendant l'hiver de. 
1813 à 1814. En 1814 il fit un voyage à Munich pour y étudier 
les ouvrages lithographiques de MM. Strixner et Filloty, et il 
obtint la communication des procédés de M. Stuntz. Revenu à 
Mulhouse , il y établit une imprimerie et , en octobre 1815 , il 
pouvait déjà présenter une collection de ses produits lithogra- 
phiques à la Société d'encouragement de Paris. Le rapport fait 
sur ces objets par M. de Lasteyrie , qui s'occupait lui-même 
de cet art, fut très-favorable à M. Engelmann, et se termine 
par ces paroles: < Vous êtes le premier en France qui ait 
approché aussi près de la perfection en ce genre. > L'année 
après, M. Engelmann adressa à l'Académie des beaux-arts de 
l'Institut de France un certain nombre de lithographies au crayon, 
dessinées par MM. Regnault, Girodet, Carie Yernet et Mongin. 
En juin de cette même année (1816) il fonda, conjointement 
avec son beau-frère M. Pierre Thierry , une imprimerie litho- 
graphique à Paris. Les premières publications de cette Société 
furent un Cosaque à cheval par Vemet , unç Tête d'étude de 
Regnault, et le Chien de l'aveugle par Mongin. Ces premières es- 
tampes furent bientôt suivies d'une série de publications, telles 
que le Cours complet d! études de dessin , etc. Parmi les artistes 
français de cette époque, qui ont le plus contribué aux progrès 
de cet art par le fini de leur dessin, il faut principalement citer 
MM. Isabey, Robert de Sèvres et le baron AthaJin. 

M. le comte de Lasteyrie avait fondé en 1817 une lithogra- 
phie à Paris, et publié un recueil de différents genres d'impres- 
sions lithographiques. C'est lui qui a fait le plus pour la pro- 
pagation de cet art en France, en formant des élèves, tels que 
MM. Vilain, Langlumé, Motte, Brégéant, Paulmier, etc. M. 
Enecht, qui avait continué la lithographie de Senefelder à Pa- 
ris, publiait entre autres, en 1820, un ouvrage important, la 
Flore du Brésil Dans cette même année parut le premier vo- 
lume du Voyage pittoresque et romantique dans l'ancienne France, 



280 

par MM. Nodier, Taylor et Cailleux. Cet ouvrage, imprimé chez 
Didot aîné, est orné de planches lithographiques, et se compose 
de 40 volumes. 

On vit paraître en 1822 la Galerie des peintres et dessins de 
peintres de toutes les écoles, dessinée sur pierre par Isabey, 
Hesse, etc. ; les Vues pittoresques de la Vendée par J.-B. Mé- 
liaud ; — en 1825^ la Galerie des peintres et Plconographie des 
contemporains dessinées par Maugaisse , Grévedon ; — en 1829, 
les Monuments des arts du dessin chez les peuples anciens et 
modernes, publiés par Vivant Denon , imprimés par Firmin Di- 
dot, et ornés de 315 planches dessinées par Franquinet, Bosio, 
Vigneron, Brunet, Boilly, Heim, Muret, Moitte, Louis Bouteiller 
et Denon. 

Enfin la lithographie avait alors pris à Paris un tel accrois- 
sement, qu'on comptait en 1828, dans le seul département de la 
Seine, 24 établissements lithographiques, avec 180 presses, em- 
ployant en matières premières pour 395,640 fr., outre 1,565,640 
fr. de capital et de frais généraux. Ces établissements occupaient 
jusqu'à 420 personnes (950,200 fr.) , produisant pour 2 miUions 
45 mille ir. de dessins de tous genres , d'écritures et d'autogra- 
phies, somme qui peut être portée dans le commerce pour 8 mil- 
lions 540 mille £r. 

Ainsi la tithographie faisait des progrès rapides; mais, chose 
curieuse , tandis qu'elle arrivait dès 1830 en France et en An- 
gleterre à un si haut point de perfection , elle était demeurée 
à peu près stationnaire en Allemagne. Une nouvelle impulsion 
devait venir du dehors ; et l'on vit à leur tour les artistes aUe> 
mands, entre autres MM. Bodmer et Hanfstengel, aller à Paris, 
pour se familiariser avec la manière remarquable des meilleurs 
artistes français , et pour faire connaître à leur pays toutes les 
améliorations qu'avait reçues à l'étranger un art dont un de leurs 
compatriotes avait doté le monde. 

Les Pays-Bas, au contraire, qui avaient reçu la lithographie 
en 1817 par M. J.-B.-A.-M. Jobard, à Bruxelles, virent bientôt 
prospérer cet art, grâce aux travaux intelligents et persévérants 
de cet homme distingué. Un des frères de Senefelder avait 
communiqué des procédés très-imparfaits à plusieurs personnes 



281 

de Bruxelles, savoir à M. le duc d'Aremberg, le savant biblio- 
thécaire Marchai, à l'ingénieur Craen , et à Benjamin Mary, qui 
ne purent en retirer absolument aucune utilité. M. Jobard, sans 
avoir eu un enseignement spécial de la lithographie, se sentant une 
vocation bien décidée pour cet art, donna sa démission de géo- 
mètre du cadastre de Maestricht, et commença sa carrière li- 
thographique en 1817 avec un capital de 32 fr. 

« Suivant l'axiome qui veut peut, il est parvenu en 14 ans à éle- 
ver son capital de fondation à la somme de deux millions. » 
Les Annales d'histoire naturelle publiées par M. Drapiez , Van 
Mons et Bory de Saint-Yincent, dont M. Jobard avait dessiné et 
imprimé les planches, furent la première publication régulière 
due à la lithographie belge ; elle fut suivie du Voyage pittores- 
que , de la Vie de Napoléon ; — les Voyages de Dupin dans la 
Grande-Bretagne , et plusieurs belles cartes de Corse et de l'île 
d'Elbe par Collon, sont ce qu'on peut livrer de mieux en gra- 
vure sur pierre. C'est à M. Jobard, que les principaux lithogra- 
phes de la Belgique doivent leur instruction dans cet art; tels 
sont MM. Vanderhaert, Madou, Kreins, Sturm, Vanhemelryk, 
Collon, Labergé, Maureau, KierdorflF, Desguerrois, Benoît, Gé- 
rard, Bopall et Labarière, etc. 

liS Société d'encouragement de Paris ayant ouvert, en 1828, 
un concours entre les lithographes de tous pays pour récompen- 
ser ceux qui avaient fait faire les progrès les plus réels à leur 
art, M. Jobard remporta la grande médaille d'or (*). • 

La lithographie a continué jusqu'à présent sa marche progres- 
sive, et elle est devenue une rivale formidable pour ses sœurs 
aînées, la gravure en rehef et la gravure en creux, dont elle imite 
parfaitement tous les genres et toutes les manières. 

PKOCHBDES ET GENRES DIVERS. Nous avons déjà 
dit sur quoi reposent les procédés de la lithographie, et nous 
connaissons les principaux points de son histoire, examinons 
maintenant les divers genres de cet art, et tgoutons encore 
quelques mots sur sa théorie. * 

(i) Rapport sur rExposition française de 1839, par M. Jobard. 



282 

Voici comment M. Engelmann définit Faction du crayon et 
de l'encre lithographiques, ainsi que de la gomme et de IV 
cide sur la pierre (*). « Ces deux premiers corps , le crayon 
et l'encre , ont pour base essentielle du savon ordinaire , et 
des substances grasses. Après les avoir appliqués sur la pierre, 
on acidulé légèrement L'acide s'empare de la soude du savon, 
et forme ainsi de l'hydrochlorate de soude (•) soluble, qui dis- 
parait par le lavage même. 

« Les acides gras seuls , insolubles dans l'eau et dans l'a- 
cide faible, restent sur la pierre. Alors ils agissent chimique- 
ment sur le carbonate de chaux, le. décomposent, et forment 
un véritable savon calcaire, insoluble à l'essence de térében- 
thine et à l'alcool. Aussi le dessin jouit de toutes les proprié- 
tés de ce savon. 11 se forme, quand on dessine directement 
avec des acides gras; quand on passe sur l'encre ouïe crayon, 
de la gomme, qui décompose le savon comme un acide, en 
isolant les acides gras; ou bien encore., lorsqu'on passe de 
l'hydrochlorate neutre de chaux sur le dessin; l'effet produit 
est le même que si on avait employé de l'acide. 

c Un dessin ne peut tenir que sur du carbonate de chaux, 
ou sur un métal capable de former un savon avec le crayon 
ou l'encre lithographique. Mais dans ce dernier cas, à cause 
de la solubilité du nouveau savon métallique dans l'essence, 
Û faut bien se garder de frotter la planche avec ce liquide; 
le dessin serait enlevé. 

«Un acide, marquant 8 à 10» à l'aréomètre, pouvant dé- 
composer le savon calcaire, enlève aussi le dessin fait sur une 
pierre. Dans ce cas, une partie de l'acide carbonique qui se 
dégage se combine avec les acides gras devenus libres, et 
forme avec eux une matière d'un blanc mat, lorsqu'on momlle 
la pierre; mais qui n'attire plus le noir d'impression. 

< Les alcalis assez forts pour décomposer le savon de chaux 
enlèvent aussi le dessin. Un mélange d'acide Mhle et d'es- 
sence, pouvant décomposer le savon calcaire et dissoudre les 

(1) Traité de lithographie, pages 105 à 117. 

(2) Si on se sert d'acide hydrochlorique. Si on prend de l'acide nitrique, il se forme 
du nitrate de soude, également soluble. 



088 

acides gras, détruit aussi le dessin. Le dessin, comme le sa- 
von de chaux, perd la propriété d'attirer les corps gras, lors- 
que, par un long contact avec l'air, quand il n'a pas été re- 
couvert d'une couche d'encre de conservation (voyez plus loin), 
il s'est combiné avec une partie de l'acide carbonique de l'at- 
mosphère. Les traces faites avec des résines qui ne sont pas 
saponifiables (qui ne peuvent pas former de savon, comme 
font les corps gras^, disparaissent lorsqu'on les lave à l'es- 
sence de térébenthine. 

«De tous les sels de chaux, le carbonate est le plus faci- 
lement décomposable. Voilà pourquoi on obtient de bons ré- 
sultats avec la pierre lithographique ordinaire, tandis que cel- 
les qui sont d'une composition chimique différente, même 
lorsqu'elles ont la chaux pour base, comme le sulfate de chaux, 
se refusent à ce genre de travail. 

«La gomme, ayant beaucoup de tendance à se combiner 
avec différents sels, et notamment avec ceux de chaux , forme 
alors avec eux un composé insoluble dans l'eau. C'est ce com- 
posé qui recouvre la surface de la pierre, et qui, n'ayant 
point d'affînité pour les corps gras, surtout lorsque la pierre 
est humectée , s'oppose à la fixation de l'encre d'impression. 

« Quant 'à l'action de l'acide qu'on emploie avant le gom- 
mage, ou en même temps, ce qui revient au même, elle se 
borne à décaper la pierre, c'est-à-dire à la débarrasser de 
tous les corps gras qui s'opposeraient au contact immédiat 
de la gomme et de la pierre, et par conséquent à leur com- 
binaison. > 

Ces détafls théoriques ressortiront encore davantage dans 
la description qui va suivre des procédés des différents genres. 

Orttvure sur pierre» Pour substituer à l'impression ty- 
pographique, trop coûteuse, un moyen plus simple, Senefel- 
der inventa en 1795 la gravure chimique sur pierre. C'est là 
le premier et le plus ancien genre de la lithographie. 

n y a trois genres de gravure sur pierre, savoir celui qui 
est équivalent à la gravure au burin sur cuivre, le genre à 
l'ean-forte , et la gravure en rehef. Tous les trois diffèrent 
dans les procédés. 



284 

jPour le premier genre , on polit d'abord la pierre à la 
pierre ponce, on l'acidulé pour bien la décaper, et on la cou-, 
vre d'une légère couche de noir de fumée broyé avec de l'eau 
très-peu gommée. On étend cette couche aussi mince que pos-, 
sible avec un pinceau, et on l'égalise au moyen d'un blai- 
reau. Quelques lithographes remplacent le noir par une cou- 
leur verte ou de la poudre de sanguine. On fait le décalque 
en noir sur les pierres passées en rouge, ou en rouge sur 
celles qui sont noircies ou vertes, et on trace ensuite le des- 
sin avec des pointes d'acier semblables à celles dont se ser- 
vent les graveurs sur cuivre. 

Mais, au lieu de creuser comme au burin ou avec la pointe 
sèche, il suffît de traverser la gomme et de mettre à nu la 
pierre, afin qu'elle puisse retenir la graisse à ces endroits. 

Quand le tracé est fini, on graisse la pierre avec la cou- 
leur lithographique, qui s'y fixe en formant, avec elle, un sa- 
von métalHque insoluble. 

Ici, comme dans tous les autres genres de lithographie, il 
faxA avoir grand soin, pendant qu'on dessine, de ne pas hu- 
mecter la pierre par la condensation de l'haleine , car la gomme 
se dissoudrait alors, coulerait dans les tailles, et empêcherait la 
graisse de s'y fixer. Pour appuyer la main , on se sert d'un 
morceau de drap épais et bien feutré. 

Lorsqu'on a des traits bien fins à tracer, on peut employer 
la pointe de diamant enchâssée dans une tige de fer , ou re- 
tenue dans une pince, comme celle qu'ont imaginée MM. Neu- 
bert frères. C'est à M. Dondorf, à Francfort-sur-Main , qu'on 
doit l'usage du diamant dans la gravure sur pierre. En 1839, 
M. Alex. Zakozewski, Polonais, à Paris, employait la pointe de 
diamant à la gravure de la topographie sur pierre. 

Pour corriger les parties qui sont mal faites, on enlève les 
traits au moyen du grattoir ou de la pierre-ponce, et on passe 
ensuite de la gomme et de l'acide. MM. Knecht et Girardet 
ont découvert en 1830 que l'adde phosphorique enlève par- 
faitement le dessin, et n'attaque point le grain de la pierre, 
mais il faut que la pierre soit préalablement mise à l'encre 
grasse. La gravure sur pierre offre l'avantage de pouvoir ajouter 



m 

de nouTeiles parties à celles qui sont déjà gravées et impri- 
mées; il suffit pour cela de recouvrir la pierre d'une légère 
couche de gomme. 

On peut se servir du pantographe pour décalquer et pour 
tracer directement son dessin sur la pierre , en y adaptant 
une pointe d'acier au lieu d'un crayon. La machine à graver 
dont nous avons déjà parlé à propos de la gravure sur métal, 
est aussi avantageusement et fréquemment employée dans la gra- 
vure sur pierre. En y adaptant la pointe de diamant, cet instru- 
ment produit des teintes aussi unes et aussi égales que dans la 
gravure sur acier. M. Engelmann recommande, lorsqu'il s'agit 
d'arrêter les lignes au contour d'un dessin, de couvrir les 
places qui doivent rester blanches d'une couche épaisse de 
gomme colorée de vermillon et mélangée de fiel de bœuf. 

On peut aussi faire à la machine des dessins blancs sur un 
fond de couleur , surtout en guilloché. A cet effet on couvre 
la pierre d'un vernis gras et résineux , composé de 100 par- 
ties d'asphalte à cassure brillante , 30 de cire vierge , 25 de 
mastic en larmes^ 25 de gomme élastique, 25 de savon, 500 
d'essence de térébenthine et 60 d'essence de lavande. 

Ce vernis se pose à l'aide d'un pinceau et, lorsqu'il est sec, 
on procède à la gravure; celle-ci terminée, on acidulé assez 
fortement 

Pour le tirage des épreuves des pierres gravées, on encre 
avec le rouleau, ou l'on fait pénétrer la couleur dans les traits au 
moyen d'un chiffon ou d'une brosse. 

La gravure à VeaurforU sur pierre s'exécute de la même ma- 
nière que sur cuivre, seulement il faut aciduler et gommer très- 
légèrement la pierre avant d'y poser le vernis des graveurs sur 
cuivre. Pour cette dAnière opération, il faut chauffer la pierre 
avec beaucoup de précaution dans un four de boulanger. Le 
mordant se compose d'une partie d'acide nitrique sur 40 d'eau. 
On laisse mordre suffisamment, on graisse ensuite, et on tire 
les épreuves comme d'habitude. 

On peut citer les cartes géographiques exécutées pour le dé- 
pôt de la guerre d'après le procédé de la gravure sur pierre 
par MM. Pesmadril, Bouffard et Avril, comme de véritables 



I 



â8é 

chefs-d'œuvre topographiques, et comme pouvant lutter avan^ 
tageusement avec la gravure sur cuivre et sur acier. La carte 
du canton de Saint-Gall en 16 feuilles, de M. Ziegler, gravée 
sur pierre chez MM. Wurster, à Winterthour, est réellement 
magnifique. 

Dessin à la plume et aa pinceaaa La gravure sur 
pierre a été et est encore fréquemment employée pour tou- 
tes sortes de dessins, mais on lui préfère souvent le dessin, à la 
plume. 

Le genre du dessin à la plume sur pierre est un des plus 
répandus, mais il offre des difficultés que la pratique seule peut 
surmonter. Senefelder s'était d^à servi de la plume en 1796. 
Depuis cette époque on a beaucoup perfectionné ce genre. 

Pour le dessin à l'encre, les pierres doivent être polies à la 
pierre ponce , et graissées légèrement pour que l'encre ne s'é- 
tende point Mais ce graissage doit être bien égal , et offirir le 
moins de résistance possible à l'acidulation. A cet effet, on fait 
dissoudre dans l'eau du savon blanc de Marseille (il est impor- 
tant que ce soit du savon à l'huile , le savon de suif résisterait 
trop à l'acide). Ou en met im peu sur la pierre et on l'étend 
en le frottant avec la main sur toute la surface; on essuie en- 
suite avec un linge ; on y jette quelques gouttes d'eau de pluie, 
et on essuie de nouveau. On continue ainsi jusqu'à ce que la 
pierre repousse bien l'eau sur tous les points ; puis on y verse 
un peu d'essence de térébenthine et on enlève, en frottant avec 
un linge, tout l'excès de graisse qui pourrait encore s'y trou- 
ver. La pierre séchée ensuite pendant quelques instants est 
bien préparée, et on peut commencer le travail. 

La fabrication de la plume pour l'usage du lithographe est 
très- importante. Les plumes d'oie ne peuvent pas se tailler assez 
fines, s'émoussent trop vite, et seraient attaquées par l'alcali de 
l'encre ; on les a donc remplacées par des plumes d'acier. Pen- 
dant longtemps on les fabriquait de ressorts de montre , qu'on 
faisait ronger par l'acide nitrique pour les réduire à l'épaisseur 
d'un papier à écrire. Mais depuis 1830 environ on fabrique à 
Genève des lames d'acier qui sont assez minces pour en fa- 



207 

çonner directement des plumes sans aucune autre préparation. 
Ces lames d'acier se coupent en bandes de la largeur d'environ 
deux lignes sur une longueur d'un pouce , et on leur donne 
la courbure convenable en les frappant à plat dans le sens de 
leur longueur avec un marteau arrondi sur un morceau de bois 
m peu creusé , jusqu'à ce qu'elles forment une portion de cy- 
lindre ; on les fixe ensuite dans un manche en roseau ou un 
porte-plnme , et on les taille avec de petits ciseaux bien trem- 
pés; enfin on les ébarbe en passant la pointe légèrement sur 
une pierre à aiguiser. L'habitude apprendra à les tailler conve- 

m 

nablement 

L'encre dont on se sert pour le dessin sur pierre se compose, 
suivant la recette de M. Desmadryll aîné, de 40 parties de cire 
vierge pure, 10 de mastic en larmes, 28 de gomme laque, et 
9 de noir de fiimée. 

Avec la recette suivante , également de M. Desmadryll , on 
obtient une encre qui coule bien et permet de faire des traits 
déliés, parce qu'elle ne sèche pas autant que la précédente ; \ 
mm aussi elle s'efface plus facilement C'est un mélange de ; 
16 parties de suif, 10 de cire, 16 de savon, 14 de gomme la- 
que et 5 de noir de fîimée. La composition de l'encre de M. ; 
Lemercier, qui lui a valu un prix en 1833, est la suivante : 2 \ 
parties de cire jaune, 1 7s de suif, 6 Va de savon blanc de Mar- 
seille, 3 de gomme laque et 1 Vt de noir de fumée. 

Après avoir fondu et brûlé convenablement toutes ces ma- 
tières ensemble, on en forme des bâtons que l'on fait dissoudre 
pour l'usage, en en frottant d'abord à sec un godet, jusqu'à ce 
que le fond en soit couvert , ensuite en y ajoutant de l'eau de 
pluie , jusqu'à ce que l'encre ait le degré d'épaisseur qu'on dé- 
sire. L'encre a deux conditions à remplir : d'abord elle doit 
pénétrer la pierre jusqu'à une certaine profondeur, et y former 
avec la chaux un savon métallique insoluble , capable d'attirer 
l'encre d'impression; puis elle doit résister à l'action de l'acide 
qu'on passe sur la pierre pour la préparer au tirage. 

n faut, pour dessiner ou pour écrire, que cette encre soit 
assez liquide pour permettre à la plume de faire les traits les 
plus délicats ; ces traits peuvent être aussi fins qu'il est possible 



\ 



m 

de les £Etire, pourvu qu'ils soient noirs et suffisamment fournis 
d'encre. Ce sont là les conditions principales du dessin à la 
plume sur pierre, et c'est là aussi le secret du dessinateur litho- 
graphe. La plume d'acier est un instrument fort difficile à ma- 
nier, et ce n'est qu'après un long exercice qu'on se familiarise 
avec son usage ; mais cet usage une fois acquis, on avance vite, 
et on peut produire des ouvrages qui imitent parfaitement la 
gravure. Le dessin à la plume est alors généralement préféré à 
la gravure, parce qu'il permet d'obtenir des résultats plus 
purs, que le tirage s'en fait vite, et que,, pratiqué avec les pré- 
cautions convenables, il fournit un nombre d'épreuves considé- 
rable. On l'emploie généralement pour les écritures de tous 
genres, pour les travaux courants du commerce et des bureaux ; 
et aussi pour la reproduction d'objets d'art; mais, pour les des- 
sins qui demandent une très-grande finesse, la gravure est pré- 
î férable, surtout lorsqu'il s'agit d'exécuter des détails de dessins 
topographiques. 

Enfin, on a souvent allié la gravure à la plume, et cette com- 
binaison a eu sa première application dans les ateliers de 
MM. Engelmann. On l'emploie pour les lettres de change et 
autres objets de ce genre ; l'écriture étant faite à la plume et le 
fond gravé. On s'en sert également dans des dessins artistiques? 
comme, par exemple, dans les paysages dont les arbres et tous 
les détails de végétation et les terrains sont faits à la plume, et 
les ciels , les lointains et les accessoires d'architecture gravés à 
la machine. 

Les personnes qui n'ont pas une grande habitude de manier 
la plume lui substituent souvent le pinceau, avec lequel le tra- 
vail paraît plus facile. A cet effet on se sert d'une encre plus vis- 
queuse, dont voici la composition : 6 parties de cire, 6 de savon, 
I 3 de suif et 2 de noir de fumée. On la laisse moins longtemps 
brûler que l'autre. L'encre tend toujours à écarter les poils du 
pinceau et à empêcher la formation d'une pointe ; pour parer à 
cet inconvénient, on prend un pinceau de martre bien effilé, et 
on en coupe les poils extérieurs de manière à n'en laisser au 
milieu qu'une petite mèche très-fine et pointue. Cependant le 
pinceau ne fournit pas l'encre aussi bien que la plume, et il 



â69 

faut par conséquent avoir soin que les traits soient noirs et bien 
nourris. Le travail au pinceau n'est pas aussi ferme que le tra- 
vafl à la plume, surtout pour l'écriture , aussi préfère-t-on cette 
dernière ; mais le pinceau est avantageusement employé dans 
d'autres genres dont nous parlerons plus loin. 

Imitation des gravurtm sur bois- On a essayé aussi 
d'imiter en lithographie la manière des gravures sur bois , c'est- 
à-dire la gravure en relief. A cet effet la pierre est couverte 
du même vernis qui sert à la gravure sur pierre à la machine ; 
lorsqu'O est sec, on y creuse avec une pointe d'acier émoussée 
tontes les parties qui doivent rester blanches. C'est un travail 
plus fàcûe que la gravure sur bois, et cette méthode offre l'a- 
vantage de n'avoir pas à enlever les grandes parties blanches , 
car on peut ne couvrir de vernis que les places où il y a de la 
gravure à exécuter. 

On est libre de faire aussi à la plume une partie du dessin, 
et de terminer à la pointe les détails des autres, qu'on a préa- 
lablement couvertes de vernis au pinceau. Si une pierre exécutée 
de cette &çon doit être imprimée à la presse lithographique , 
on n'a besoin de l'aciduler que comme une pierre dessinée à la 
plume, aucun relief n'étant nécessaire dans ce cas. Mais, si on 
veut imprimer ces pierres à la presse typographique, ou les 
utiliser pour en relever des clichés, il faut aciduler plus forte- 
ment pour obtenir un relief passable. On se sert à cet effet d'un 
mélange d'acide nitrique ou muriatique et d'eau, qu'on laisse 
mordre plus ou moins de temps, suivant le relief qu'on veut 
obtenir. 

Ce procédé a été imaginé en 1810 par M. Duplat, graveur : 
SOT bois de Paris. Une édition des Fables de La Fontaine, pu- 
bliée en 1811 par M. Auguste Renouard, et les Lettres à Emilie 
sur la Mythologie, publiées en 1812 par le même éditeur, sont 
ornées de planches exécutées par M. Duplat au moyen de ce 
procédé. 

M. Girardet a inventé en 1828 une autre méthode pour arri- 
ver au même résultat. Il dessine à la plume sur la pierre des 
lettres, des cartes géographiques, ou tout autre objet, avec nn 



290 

vernis de sa composition, qoi adhère si fortement à la pierre, 
qu'il peut supporter sans se détacher Faction d'un acide assez 
fort. Ce vernis se compose de deux parties de cire vierge, demi 
de poix noire, demi de poix de Bourgogne, auxquelles on ajoute 
peu à peu deux parties de poix grecque ou d'asphalte réduit 
en poudre. On en fait de petites boules qu'on dissout au feu 
dans de l'essence de lavande au fur et à mesure du besoin. 

Lorsque le dessin à la plume est achevé, on fait mordre la 
pierre avec de l'acide nitrique étendu d'eau. Au bout de quel- 
ques minutes la liqueur ayant été retirée et la pierre lavée, on 
la laisse sécher et on passe le rouleau imprégné du même ver- 
nis, de manièi;e à bien garnir les caractères ou les traits du 
dessin, et on acidulé une seconde fois pendant trois à quatre 
minutes. Par cette seconde application, le vernis, qui adhère 
fortement aux traits, forme un relief assez considérable pour 
que l'on puisse tirer des épreuves avec la presse typographique. 
Les traits excessivement déliés peuvent acquérir par ce moyen 
un relief de plus d'une demi-ligne sans rien perdre de leur pu- 
reté. 

On peut aussi écrire ou dessiner sur papier autographique 
(voyez plus loin) et faire le transport sur pierre, et donner en- 
suite aux traits une saillie qui permette de mouler le tout , et de 
le clicher avec la plus grande facilité. En 1841 , M. Tissier(*) 
a employé ce procédé avec avantage, et lui a donné le nom 
de lithosiérêotypie. 

Dessin aacrayoïu Le genre le plus important, qui ofire les 
plus nombreuses applications, qui représente le mieux la lithogra- 
phie comme un art, et qui par la facilité de son exécution, office 
les plus grands avantages pour la reproduction des objets d'art, 
c'est le dessin au crayon. Les pierres destinées au dessin au 
crayon doivent être grenées; c'est-à-dire que la surface, au lieu 
d'en être lisse comme pour la. gravure et le dessin à la plume, 
doit être rude^ pour râper le crayon et pour représenter le grené 
du papier. Il est important que le grain soit égal, qu'il soit aigu 

(i) L'Écho du inonde savant, H mars 184i, 



291 

et mordant, et qae les aspérités qui le forment ne soient ni trop 
grosses, ni trop fines. Cependant le grain doit être plus ou 
moins fin suivant la nature du dessin qu'on a en vue. 

Lorsqu'on veut donner le grain à une pierre, on la place sur 
la table à polir: on la saupoudre de sablon, qu'on fait passer 
par un tamis, et on y verse un peu d'eau. On pose par-dessus 
une petitie pierre de six à huit pouces, qu'on y firotte en décri- 
vant continuellement de petits cercles qui se croisent en tous 
sens. L'opération doit être faite légèrement, bien également 
sur toute la pierre, eï sans appuyer. On ajoutera du sablon à 
plusieurs reprises, pour que les deux pierres ne viennent pas 
en contact. Lorsqu'on croit avoir assez frotté, on lave la pierre 
lithographique à grande eau, 'en ayant bien soin d'enlever jus- 
qu'à la dernière trace du limon formé pendant le grainage. 

C'est là la méthode, généralement suivie, de MM. Engelmann. 
On a essayé aussi de produire un grain sur pierre au moyen 
d'instruments. MM. François et Benoit, mécaniciens à Troyes, 
ont établi en 1835 une machine pour le grenage des pierres, 
mais elle a été abandonnée. 

Le crayon lithographique se compose de 32 parties de cire, 
24 de savon blanc de MsCTseille , 4 de suif, 1 de sel de nitre , 7 
d'eau, et 7 de noir de fumée (Engelmann), on fond et brûle con- 
venablement le tout, et on coule dans un moule en cuivre fait 
de deux parties cannelées, pour en former des bâtons semblables 
aux crayons ordinaires. Ainsi le crayon hthographique se com- 
pose d'une partie savonneuse propre à former avec la pierre un 
savon calcaire , d'une substance compacte, qui lui donne du liant 
et le rend assez ferme pour qu'il puisse être taillé d'une grande 
finesse , et résister à la pression de la main ; et d'une partie co- 
lorante qui ne sert qu'à faire juger au dessinateur de l'eifet de 
son travail. Par conséquent le crayon déposé sur la pierre doit 
y laisser pénétrer une partie de la graisse qui le compose , afin 
de former avec elle un savon calcaire présentant une grande 
fixité, et capable d'attirer l'encre d'impression lorsque la partie 
restant à sa surface a été enlevée ; il doit en outre garantir son 
point de contact de l'influence de l'acide qu'on a l'habitude d'y 
passer avant l'impression. 



m 

Le dessm sur pierre n'est pas plus difficile que sur papier, 
mais il est nécessaire que le dessinateur mette une attention 
particulière à faire un travail ferme et bien adhérent à la pierre; 
il attaquera hardiment les parties vigoureuses en premier lieu, 
et il fondra et harmonisera les demi-teintes après, par un tra- 
vail plus léger. Plus, la pointe du crayon est déliée, plus elle 
pénètre dans les parties les moins saillantes du grain, pour dé- 
poser sur chacune d'elles une portion égale de crayon gras. 
Plus encore le travail est franchement et régidièrement exé- 
cuté, plus on a soin d'appuyer également sur chaque trait, pour 
obtenir un ton uni, plus aussi on peut compter sur un résultat 
satisfaisant. En général les demi-teintes légères perdent un peu 
de leur intensité par les opérations du tirage, et se reprodui- 
sent plus claires sur l'épreuve qu'elles n'étaient sur la pierre ; 
il est donc convenable de les tenir un peu plus fermes qu'on 
ne veut les obtenir sur le papier. Pour enlever les lumières vi- 
ves dans un dessia au crayon on se sert du grattoir ou de la 
pointe sèche, mais il âtut tenir ces instruments toujours bien 
tranchants, afin qu'ils enlèvent une petite portion de la pierre 
en même temps que le crayon. En divisant , avec une pointe 
très-fine, en plusieurs parties les points dont se composent les 
traits faits au crayon, on obtient des teintes très-fines dans les 
demi-teintes. On peut aussi renforcer à la plume bu au pinceau, 
avec de l'encre lithographique , les parties vigoureuses d'un 
dessin. 

Si l'on veut effacer une partie d'un dessin au crayon, pour y 
fiûre des corrections , ou pour dessiner autre chose à la même 
place, on a plusieurs moyens. Avec le grattoir on détruit le grain 
de la pierre, et on ne s'en sert que. pour les places qui doivent 
rester blanches; mais si on pique vivement et perpendiculaire- 
ment avec la pointe d'un crayon les parties chargées de travail, 
le noir qui est sur la pierre adhère à la pointe du crayon , qui 
l'arrache. Cette méthode est bonne pour effacer les parties qui 
doivent être redessinées , parce qu'il reste toujours une légère 
trace grtâsseuse sur la pierre. On peut aussi éclaircir au moyen 
d'une plume d'acier, en promenant ses pointes flexibles en tout 
sens. Lorsque la place à enlever est grande , on peut se servir 



2dd 

d'une molette en pierre lithographique et de sable, qu'on frotte 
jusqu'à ce que le crayon soit entièrement effacé. L'essence de 
térébenthine enlève très-bien avant l'acidulation, mais H faut 
que la partie à effacer soit isolée, et avoir soin de bien laver 
après. M. Engelmann recommande encore un autre moyen : il 
met pendant quelque temps un mélange d'acide hydrochlo- 
rique faible et d'essence de térébenthine en contact avec une 
pierre lithographique, ce qui enlève le dessin. On peut épais- 
sir ce mélange avec un peu de terre de pipe réduite en pou- 
dre très-fine, pour l'empêcher de couler, on le pose avec une 
plume ou un pinceau , on laisse sécher , on lave à l'eau , et 
le dessin a disparu. 

MM. ChevaUer et Langlumé ont inventé en 1828 un autre 
procédé pour effacer un dessin, même après le tirage. D con- 
siste en une lessive caustique concentrée, composée de trois 
parties d'eau sur une de potasse caustique, que l'on laisse sé- 
journer pendant deux à trois heures, afin de la laisser bien péné- 
trer dans les pores de la pierre, et de convertir le savon cal- 
caire insoluble en savon alcalin soluble. Ensuite on lave la pierre 
à grande eau. La partie couverte de cette lessive est entière- 
ment nettoyée et devient propre à recevoir un nouveau dessin. 
Mais la lessive a l'inconvénient de couler et de s'étendre au 
delà des parties à efiacer. M. Hanhart, élève de M.. Engel- 
mann, usant de la propriété qu'a la gomme d'arrêter cette ex- 
tension, propose, avant de passer la lessive sur la partie du dessin 
qu'on veut enlever, de la circonscrire par une couche de gomme 
assez épaisse qu'on laisse sécher ; on y passe ensuite la lessive, 
en ayant soin qu'elle ne coule pas, mais que la place soit seule- 
ment mouillée. 

Depuis que Senefelder inventa le dessin au crayon sur pierre, 
en 1796, ce genre de hthographie a été considérablement per- 
fectionné et a pris une extension extraordinaire. Sans parler de 
l'immense quantité de feuilles isolées de toutes dimensions, de 
reproductions des peintures anciennes et modernes, de la statuaire 
et de l'architecture, de dessins d'inventions, de modèles de des- 
sins, de dessins de tous genres destinés aux publications scien- 
tifiques, artistiques et industrielles, que la lithographie a répandus 



2d4 

dans tous les pays; parmi des milliers d*œuyres collectifis en li- 
thographie, nous n'en citerons que quelques-uns : Tels sont le 
Recueil de lithographies, d'après des tableaux des galeries roya- 
les de Munich; 200 feuilles publiées de 1822 à 1830, et des- 
sinées par Piloty, Strixner et Flachenecker. — Caprices des 
peintres de Sèvres par Constans, Paris, 1823. — La Galerie de 
Saint-Bruno, par Langlumé, Paris. — Les Cathédrales de France, 
par Chapuy, Paris, 1823. —La Galerie du duc de Leuchten- 
berg, lithographiée en 1830 par A. Borum, Hohe, Leiter, etc. 
— La Galerie de Dresde, publiée en 1833 par Wunder, et 
dessinée par des lithographes de Dresde et de Paris, parmi 
lesquels M. Léon Noël. — Une seconde publication de la Galerie 
de Dresde, publiée en 1855 par Weigel, imprimée par Pohl et 
lithographiée par Hanfstangel, Fr. Hohe, Yalentin Schertle,K. 
Straub, F. Pecht, etc. — Une collection de vues des résidences roya- 
les en Espagne, de l'Escurial, d'Aranjuez et de St-Yldefonse , 
publiée à Madrid en 1832, et lithographiée par J. Brambilla et Âs- 
selineau. — La Pinacothèque de Munich, de 1834 à 1837. — Les 
peintures de l'école allemande de MM. Boisserée, lithographiées 
en 1834 par Strixner. — Souvenirs de Grenade et de l'Alhambra 
par M. Girault de Prangey, publié à Paris en 1836. — La collec- 
tion magnifique de lithographies d'après des tableaux des pein- 
tres modernes, publiée à Paris, sous le titre : Les Artistes 
contemparcdm , dans laquelle figurent la plupart des noms d'ar- 
tistes français, qui se sont le plus distingués dans le dessin 
lithographique depuis dix ans. Tels que MM. Mouilleron, Fran- 
çois, Anastasi, Delaforge, Lemoine, Laroche, Fischer, Loutrel, 
Rewbel, Siroux, Lamy, Le Roux, Laurens,Dufourmontel, Far- 
jans, Soulange-Tessier, Cuisinier, J. Didier, Therry, et surtout 
Colette, Sudre, Léon Noël, J.-H. Flandrin, etc., etc. 

On a cherché aussi à imiter les dessiiis estompés en U- 
thographie. En firottant fortement avec un chiffon de laine les 
dessins au crayon lorsqu'ils sont près d'être terminés, quelques 
dessinateurs ont estompé le crayon et chargé le^ intervalles res- 
tés blancs dans les grains du travail ; de sorte que celui-ci en 
devient plus doux et plus harmonieux. Toute la pierre se trou- 



295 

vant couverte d'une teinte plus ou moins foncée, suivant la ma- 
nière dont on a frotté, il faut enlever au grattoir les lumières 
vives, et retoucher les vigueurs, qui ont été en partie enlevées 
par le frottement. D'autres artistes ont même essayé de faire 
dans leurs dessins des tons estompés, en se servant d'une es- 
pèce d'estompé en laine qu'ils frottaient d'abord sur un papier 
avec du crayon lithographique, et en terminant ensuite ces des- 
sins au crayon et au grattoir. Ce dernier procédé n'a rien pro- 
duit de satisfaisant. La première méthode a eu plus de succès, 
parce que le travail principal est fait au crayon, et que la teinte 
estompée n'en remplit que les intervalles; de sorte qu'elle se 
produit plus ferme au tirage. M. Devéria a obtenu par ce frot- 
tement des effets très-piquants. , 

Outre la gravure en creux et celle en relief, on imite aussi 
par la lithographie les autres genres de gravure sur métal. Le 
dessin au crayon sur pierre que nous venons de décrire rem- 
place avantageusement le genre sablé et la gravure au poin- 
tillé, destinés tous deux à imiter les dessins au crayon sur pa- 
pier. On reproduit encore sur pierre l'aqua-tinta, le camaïeu, 
la manière noire et la gravure en couleur, genres dont nous 
allons parler successivement. 

Iiavis lithographique* Comme U l'avait fait pour pres- 
que tous les genres de la lithographie, Senefelder a inventé 
aussi les premiers principes du lavis lithographique ; à d'autres 
était réservé de le perfectionner. Senefelder, dans son traité de 
1819, avait indiqué plusieurs procédés d'aqua-tinta sur pierre; 
mais ils furent abandonnés, ainsi que ceux de plusieurs autres 
personnes , parce qu'ils ne donnaient pas un résultat satisfaisant. 
M. Engelmann indique, dans son Manml du dessinateur litho- 
graphe de 1822, ime méthode du lavis qui a eu plus de succès 
et que nous allons décrire. 

Pour le lavis, on prépare la pierre comme pour le dessin 
au crayon, c'est-à-dire qu'on lui donne un grain et qu'on dé- 
calque son dessin un peu fortement. Si le trait doit se repro- 
duire sur l'épreuve, il faut se servir d'encre lithographique 
délayée à l'essence de térébenthine ; si on se servait de l'encre 



296 

dissoute dans de l'eau, elle serait enlevée par les lavages de 
la pierre. Ce trait doit être fait avec peu d'encre et au pinceau, 
pour présenter le moins de relief possible. 

Le premier tracé étant terminé, on couvre la marge du des- 
sin et toutes les parties qui doivent rester blanches avec de 
la réserve ou couleur gommeuse, composée de gomme, qtd est 
imperméable aux corps gras, de vermillon pour la colorer, et 
de fiel de bœuf pour lui donner plus de coulant et l'empêcher 
de se retirer sur les parties déjà graissées. On l'apph'que au 
pinceau en couche assez nourrie, mais sans trop d'épaisseur. 

Pour obtenir des teintes composées d'un grain très-fin et 
égal , on se sert de tampons de peau de différentes grandeurs. 
La peau, fortement tendue sur le tampon, ne pouvant atteindre 
le fond de la pierre entre les petites aspérités du grain, elle 
ne dépose l'encre qu'à leur sommet, et, à mesure qu'on augmente 
l'épaisseur de la couche d'encre sur le tampon, ces aspérités 
s'y enfoncent davantage, se chargent de plus de couleur et 
permettent ainsi d'obtenir une vigueur progressive. On peut 
aussi faire des tampons avec la matière élastique dont on fait 
les rouleaux des typographes. 

Comme on le voit, M. Engelmann a substitué au lavis avec le 
pinceau et l'encre à l'eau, un tamponnage qui s'opère de la ma- 
nière suivante : Après avoir versé sur une pierre quelques 
gouttes d'un mélange de quantités égales d'essence dé térében- 
thine et de lavande , on y frotte le bâton d'encre jusqu'à ce 
qu'on obtienne une dissolution de la consistance d'un sirop. On 
en charge alors très-légèrement l'un des tampons que l'on ap- 
puie contre un autre à plusieurs reprises, et en tout sens, jus- 
qu'à ce que l'encre y soit également déposée. On essuie le tam- 
pon ainsi chargé sur un coin de la pierre à encre pour qu'il 
ne laisse qu'une marque légère lorsqu'on veut faire les premiers 
tons sur la pierre préparée comme nous l'avons dit plus haut. 

Lorsqu'on a produit ainsi les tons les plus légers du dessin, 
on les couvre de réserve. Dès qu'elle est sèche, on continue le 
tamponnage pour arriver au second ton; on couvre de nou- 
veau , et on continue ainsi à monter progressivement les tons, 
jusqu'au degré de vigueur qu'on désire obtenir. Après cela on 



297 

plonge la pieCTe daus l'eau, on Vy laisse pendant qu^uea mi- 
Qujtes, jusqu'à ce qi^e la réserve soit dissoute,** puis avec ime 
.époage on essuie, d'abord légèrement, ensuite plus fortement, 
pour enlever la réserve et l'encre qui la couvre. Lorsque celles- 
ci ont complètement disparu, on rince l'éponge et on relave de 
nouveau la pierre avec soin , aûn de n'y laisser aucun vestige 
de gomme. Du moment où la pierre est sèche, on peut recou- 
vrir de réserve les parties qui sont à leur ton, et retamponner 
celles qui demandent plus de force. H est possible de revenir 
sur son dessin autant de fois qu'on le juge utile , de passer des 
glacis sur certaines parties, d'ajouter des détails, enân de ^e 
toutes les retouches nécessaires. Après avoir fait du tampon 
l'usage que l'on a voulu ^ on a la faculté de se servir du crayon 
lithographique ou de la plume, et on peut dégager les lumières 
au grattoir, pour terminer son dessin. 

M. Gaillot, dans un ouvrage publié par Senefelder et Comp. 
(Paris 1824) , sous le titre « Aqua-tinta lithographique , > indi- 
que un moyen ingénieux pour faire des parties fines et légères 
au pinceau même, et de manière qu'elles se détachent en H- 
gueur sur le fond. L'auteur propose de composer une couleur 
résineuse, en mêlant du noir de fumée , du blanc de céruse et 
de la térébenthine de Venise , et en délayant ces substances à 
l'essence de térébenthine. On peint avec cette couleur sur la 
pierre toutes les parties qu'on veut obtenir d'un ton plus ou 
moins v^oureux sur un fond clair, en ayant soin que les traits 
qu'on forme soient bien noirs et chargés de couleur. Lorsque 
celle-ci est sèche, on passe la réserve sur toute la pierre, et 
quand la réserve est sèche à son tour, on y répand un peu 
d'essence de térébenthine qu'on frotte légèrement sur la pierre» 
en se servant d'un morceau d'étoffe de laine. La couleur rési* 
neuse se dissoudra , emportera avec elle la réserve qui la re- 
couvrait, et mettra la pierre à découvert Lorsque celle-ci aura 
été bien nettoyée, on commencera l'opération du tamponnage 
comme on l'a décrit précédemment. Il est nécessaire , en em* 
ployant cette méthode , de commencer un dessin par les parties 
vigoureuses ; car , si on l'employait après un premier travail, 
celui-ci pourrait être endommagé par Iç lavage à l'essence. 

13* 



298 

En réunissant les deux procédés, on pourrait produire des 
planches qui auraient une grande ressemblance ayec le lavis. 
On nomme aussi la méthode de M. Engelmann la Lithogrch 
phie au tampon. 

Au lieu de tamponner les teintes, M. Jobard de Bruxelles 
(1828) les produit par le ifrottement d'une pincée de laine gar- 
nie de noir , en la frottant sur une pierre déjà chargée d'une 
légère couche d'encre de la composition suivante : 1 partie 
de cire, 2 de saindoux, 3 de sperma ceti et 1 de savon; on y 
mêle avec la molette le plus possible de noir calciné, car ce 
noir doit être en excès plutôt qu'en quantité insuffisante > sans 
' cela le travail paraîtrait roux et à l'impression il deviendrait plus 
noir qu'on ne voudrait. M. Jobard couvre de réserve et opère 
du reste comme M. Engelmann. La préparation est la même 
que celle du crayon, mais moins forte. 

La collection des Souvenirs pittoresques du général Bâcler 
d'Albe, à qui M. Engelmann avait communiqué ses procédés^ 
oflfre le premier exemple de ce genre de lithographie ; 150 plan- 
ches de cet ouvrage sont exécutées avec un succès remarquable 
au moyen du lavis lithographique. Les Vues pittoresques de la 
Vendée (1822) ont été faites dans le même genre par M. J.-B. 
MéUand de Paris. MM. Rénoud, Paris, Faure, de Paris, ont 
également pubUé, à cette époque, des planches au lavis. 

Ce genre de hthographie avait été abandonné pendant long- 
temps; M. Charles Hanké l'a repris de nouveau en 1842. Son 
procédé , qui ressemble beaucoup à celui de M. Jobard, con- 
siste à étendre sur une palette l'encre composée de 1 partie 
de cire , 2 de saindoux , 3 de blanc de baleine , 2 de savon, 
et de noir de famée ; on la délaie avec de l'eau distillée, en la 
frottant avec le doigt. Pour poser les tons, on doit s'appliquer 
à étendre la couleur dans le même sens, et non en allant et 
en venant; on ne doit prendre dans le pinceau que la quan- 
tité d'encre nécessaire pour mouiller légèrement la surface de 
la pierre, car, si on applique l'encre en grande quantité, elle 
tarde trop à sécher, et on n'obtient pas des tons fins et 
unis. Le tracé du trait se fait avec un pinceau fin sur un décal- 
que à la sanguine, Avec un crayon de même, nature que l'en- 



299 

cre, maïs dans lequel on a remplacé le savon par la gomme 
laque , on peut faire son esquisse sans qu'elle s'eflface au 
lavis. Après cela on commence par un ton général, bien léger 
et bien uni. On ne doit point repasser sur les tons déjà mis 
avant qu'As soient bien secs. Ces précautions ne sont indis- 
pensables que pour les premiers tons ; on travaille ensuite plus 
librement. Lorsqu'on est parvenu à l'effet désiré, et que les 
tons sont bien secs, on passe légèrement sur le dessin, et sans 
frotter, un linge ou un morceau de flanelle pour enlever la 
poussière. Le dessin terminé, on le prépare comme un des- 
sin au crayon et on le laisse pendant deux beures au moins 
sous la gomme; on enlève à l'essence avant de tirer une épreuve; 
mais on ne doit encrer, principalement lorsqu'il y a des teintes 
fixes , qu'après avoir frotté avec un morceau de laine imbibé 
d'huile de lin (<). 

M. Jobard a publié un procédé d'aqua^tinta par trans* 

port (*) qui s'opère de la manière suivante : Enduisez un car- 
ton de Bristol d'une composition grasse, de manière à ce qu'il 
n'offre qu'une surface noire bien unie et d'une égale épais- 
seur; dessinez avec de petites spatules de bois dur ou des es- 
tompes , et découvrez les blancs purs avec la pointe de votre 
canif. Votre dessin achevé, humectez légèrement le papier et 
transportez-le d'un coup de presse sur la pierre polie. Si l'o- 
pération est bien conduite, ce dessin s'imprimera tel qu'il était 
sur le papier. Ce moyen est excellent pour forcer les artistes 
qui ne veulent pas mettre la main à la pierre à faire de la li- 
thographie sans qu'ils s'en doutent. On rend le transport plus 
complet en passant à l'avance quelques couches d'eau gom- 
mée sur le carton de Bristol. 

Le même (') nous apprend qu'un amateur très-habile , le 
lieutenant-colonel Wittert, de Liège , a imaginé de faire des 
dessins à plusieurs teintes plates de différents tons , sur une 
même pierre. Ainsi il prenait , sur un dessin au lavis ou une 

(i) L'Écho du monde savant, 1*' sept. 1849, 

(2) Jobard, rapport. 1839. 

(3) Jobard, rapport. 1839. 



300 

gravure, les quatre ou oiaq tons principaux qui suffisent sur les 
papiers à tenture pour exprimer la rondeur des formes ; il les 
disposait sur la même pierre quand le dessin était petit, ou sur 
plusieurs pierres quand il était grand ; il remplissait d'encre Tin^ 
térieur des contours et préparait le tout à l'acide , comme à 
l'ordinaire; après avoir enlevé l'encre à l'essence de térében- 
thine, U encrait chacune de ces teintes avec un rouleau chargé 
des encres préparées d'avance au ton désiré. Au moyen de 
points de repère, il obtenait, par la superposition de toutes ses 
teintes, des estampes qui semblaient faites à l'encre de Chine 
ou à la sépia. 

lia manière noire a été exécutée sur pierre par des 
moyens différents. M. d'Orschwiller, dans un recueil de vues in- 
térieures, a produit des planches remarquables, et dans lesquel- 
les il y a une grande vigueur. Le grain a une telle finesse, 
qu'il ressemble à une teinte au lavis fait au pinceau. Tout ce 
qui est coloré est parfaitement rendu dans ces dessins; les 
ciels et autres teintes claires seules présentent un aspect un 
peu dépouillé. 

M. d'Orschwiller a imaginé un moyen fort ingénieux de pro- 
duire des demi-teintes et des lumières sur des dessins foncés, 
dessinés sur pierre. Il consiste à tendre par-dessus le dessin un 
papier à calquer, sur lequel on trace soit avec une pointe émous- 
sée, soit avec un crayon dur, les détails qu'on veut enlever en 
clair sur les parties foncées. Par cette opération, le papier 
s'applique fortement sur le crayon, s'y attache et l'enlève 
avec lui lorsqu'on l'ôte. Si une seule opération ne suffit pas 
pour obtenir les teintes claires, on la répète. Ce travail n'altère 
en rien le grain de la pierre, et l'on redessine sans inconvénient 
sur les places ainsi enlevées. 

M. Tudot a publié en 1831 un procédé de manière noire: 
il consiste à couvrir d'abord de crayon, en formant des hachu- 
res en tous sens, la partie de la pierre destinée au dessin. Quand 
la surface est noircie, on prend un ébauchoir de sculpteur, on 
pose l'extrémité plate sur un bord de la pierre, puis, tenant 
cet instrument penché sur la partie noircie et appuyant forte^ 



801 

ment, on le conduit d'un bord de la pierre au bord opposé. On 
Mt cette opération dans divers sens, de manière à faire entrer 
le crayon dans le fond des intervallee du grain. C'est ce que 
M. Tudot appelle faire le frottis. 

On fait ensuite le décalque à la sanguine , et on commence 
à enlever les lumières au moyen de Végrainair. Pour faire des 
égrainoirs on prend du fil d'acier dit corde de Nuremberg m 
1^, on en fait entrer un certain nombre dans un tuyau de fer 
blanc d'une grosseur et d'une longueur convenables, on laisse 
dépasser les fils de 8 à 10 millimètres ; on aiguise le faisceau 
sur une pierre du Levant, en lui donnant une forme conique^ 
ou bien, au moyen d'un marteau, on aplatit le bout du tube, et 
on aiguise les fils en biseau. Pour se servir de cet instrument, 
on le tient penché dans la m^n, et on le pousse en avant afin 
d'enlever le crayon ; on l'essuie de temps en temps , et on ébau- 
che ainsi son dessin. Lorsqu'il ne reste plus sur la pierre que 
le noir nécessaire, on s'occupe d'unir les teintes et de les mo- 
deler davantage, en se servant d'égrainoirs plus petits et plus 
fins. Pour faire les détails minutieux et achever d'égaliser les 
teintes, on se sert d'une plume d'acier un peu dure et non 
fendue. Pour tracer nettement les parties qui se détachent en 
clair sur une teinte foncée, on se sert de pointes carrées de buis 
ou d'ivoire. On réussit encore à dess-ner en blanc sur une teinte 
claire, en traçant avec une plume trempée dans l'eau pure les 
traits qu'on veut détacher en clair. Au moment oti l'eau a suf- 
fisamment amolli le crayon, on l'essuie légèrement avec un hnge. 
Enfin on termine en enlevant au grattoir les lumières les plus 
vives. 

Rien n'empêche de retoucher ces dessins au crayon , ou de 
les terminer en donnant à l'encre des touches vigoureuses. Le 
crayon employé dans ce procédé pour faire le fond, doit être 
sec et friable, afin que l'égrainoir puisse l'enlever facilement. 
Il convient de le composer de la manière suivante: 29 par- 
ties de cire jaune, 9 de savon de cire à la soude, 18 de savon 
de suif à la soude , 1 de sel de nitre , dissous dans 7 parties 
d'eau ; on y jyoute 7 parties de noir de fumée calciné. 

Le genre de manière noire, dit lithographie au grattoir, iu' 




302 

venté en 1820 par M. Plumier, se traite de la manière suivante: 
On peut préparer la pierre de deux manières , ou on la polit 
à la ponce comme pour la gravure, ou on la frotte avec du sa- 
ble comme pour le genre crayon, suivant le dessin qu'on veut 
exécuter. Ensuite on la lave avec une partie d'acide nitrique 
affaiblie par 20 parties d'eau. On lui donne une couche de colle 
de Flandre , ou de colle d'amidon très-légère, et on la couvre 
de sanguine pulvérisée ou de noir de fiimée. Là-dessus on tra- 
vaille son dessin au moyen du grattoir et des pointes, sans creu- 
ser la pierre. Le résultat sera un dessin blanc sur un fond de cou- 
leur. Alors on couvre entièrement le dessin avec du vernis adhé- 
rent, de la consistance d'une gelée; il doit être composé de 5 
onces de cire blanche pure, 5 de savon blanc de suif, 5 de 
laque en tablettes, 2 de mastic en larmes, et 4 d'huile fine ; on 
le délaie avec de l'huile fine. 

Après le tirage le dessin sera noir, de blanc qu'il était sur 
la pierre. 

Plusieurs artistes ont fait des essais fort heureux dans la 
manière noire sur pierre, mais chacun a suivi une méthode 
différente. Ces procédés sont pour la plupart inconnus. M. Zép. 
Gingembre entre autres a fait, en 1831 et 1832, des dessins de 
chevaux d'une finesse de grain remarquable, et d'un moelleux 
de mezzo-tinto. M. Calame, de Genève, a produit depuis 1841 
des paysages d'un effet charmant, en réunissant différents gen- 
res Hthographiques, tels que le travail au crayon, au pinceau, 
à la plume et au grattoir. En 1851, M. Adolphe Menzel, pein- 
tre de Berlin , a publié un cahier d'essais très- variés, exécutés 
d'une manière fort distinguée au moyen du pinceau et du grattoir. 

Nous pouvons joindre ici deux autres genres de lithogra- 
phie, qui ont quelque rapport avec la manière noire. 

C'est d'abord une méthode de faire des fonds pointil* 

lés en teinte plate et égale. Ce travail ressemble absolument à 
celui des relieurs lorsqu'ils veulent moucheter les tranches de 
leurs livres. Il s'opère en plongeant une petite brosse à dents, un 
peu dure, dans l'encre lithographique, en la tenant au-des- 
sous de la pierre, les soies en l'air, et en y passant à plu^ 



303 

sieurs reprises une petite règle pour la décharger de l'encre 
qu'elle contient, on obtiendra des éclaboussures très-fines et 
passablement égales. U faut avoir soin de couvrir les parties 
qui doivent rester blanches, avec de la gomme, ou avec de 
la réserve. En couvrant ainsi les parties assez pointillées , et 
en continuant à charger les autres, on produira plusieurs tein- 
tes. Pour donner une forme à de grandes masses, on peut aussi 
découper simplement un patron en papier, qu'on pose sur la 
pierre, et qu'on y fixe par quelques petits poids. On peut 
même employer successivement plusieurs patrons de formes 
et de grandeurs différentes, pour produire des teintes de for- 
ces variées. 

^ 
L'autre genre en question a pur but de produire des fonds 

noirs avec dessin en blanc* Pour cela, il suffit de dessiner 
sur pierre des figures , des ornements ou d'autres objets avec 
une couleur gommeuse telle que la réserve. On couvre de 
même les marges de la pierre, et on y passe le rouleau à la 
couleur grasse , jusqu'à ce que la pierre en soit entièrement 
couverte. On la mouille alors, et on continue à y passer le 
rouleau avec rapidité, afin d'arracher l'encre qui couvre le 
dessin à mesure que la réserve se dissout On laisse sécher 
la couleur grasse, et ensuite on acidulé la planche comme un 
dessin à l'encre (*). 

Le dessin blanc sur noir, selon M. Jobard, s'exécute comme 
suit : Couvrez une pierre polie, non préparée , d'une couche 
mince et égale d'encre lithographique ou de vernis mou, et 
tracez les blancs à la pointe sèche. Cela va très- vite, en ce 
qu'il n'y a ni crayon à tailler, ni burin à aiguiser , et que la 
lame d'un canif peut suffire à tout. Préparez la pierre à l'a- 
cide gommé, un peu plus fort qu'à l'ordinaire, et vous tire- 
rez des milliers d'épreuves d'une pierre de ce genre. M. Ca- 
simir Périer, visitant l'ateher de M. Jobard au moment où ce 
dernier venait de faire cette découverte, dessina en quelques 
heures, et pour son coup d'essai, une scène de marché qui 

îDEngeUnann, 308-310. 



804 

(vit tirée et vendae & un grand nombre d'ezemplsires. Lesenl 
artiste qui ait fait des chefs-d'œuvre dans ce genre lithogra- 
phique est M. Girardet; ses Batailles d'Alexandre resteront 
pour glorifier l'artiste. 

DeMins rehaaméta La lithographie, dans les premiers 
temps de son existence, ne produisait pas les teintes fines et 
légères aussi &cilement qu'aigourd'hui Pour suppléer k ce 
dé&ut, Senefelder imagina de se servir de plusieurs pierres, 
dont l'une recevait le dessin et les ombres en noir, et la se- 
' conde une teinte claire et unie dans laquelle étaient réservées 
les lumières les plus vives. Quelquefois aussi c'étaient seule- 
ment les parties vigoureuses du dessin qu'on chargeait d'une 
teinte colorée, ressemblant à des touches à l'encre de Chine, 
tandis que les masses lumineuses restaient blanches. Souveat 
on réunissait ces deux moyens, et on produisait des im- 
pressions à trois pierres et à beaucoup d'effet Le dessin au 
crayon, celui à la plume et celui au pinceau servaient égale- 
ment; mais l'essentiel pour l'impression est le repérage. Ce 
genre, qu'on pourrait nommer le camaïeu litliograplii" 
quOf a été surtout employé pour imiter les dessins rehaus- 
sés de blanc. Senefelder avait employé ce moyen, et publia 
en 1813 plusieurs essais; M. Yillain l'imita avec bonheur en 
1820. Depuis plusieurs années les lithographies teintées étaient 
abandonnées, lorsqu'il est venu à l'idée de quelques lithogra- 
phes anglais de ressusciter ce genre. Dès lors on s'en est 
beaucoup servi. 

n y a différentes manières de préparer les pierres pour ces 
teintes. M. Engelmann va nous les indiquer. Dans tous les 
cas on commence comme de coutume par faire un dessin au 
crayon, en laissant les lumières plus larges. On fait ensuite 
de cette première pierre une contre-épreuve , sur une pierre 
grenée; on ïes tire de préférence sur une feuille de papier 
sec, pour qu'elle reste exactement de la même dimension que 
la pierre originale. On passe ensuite de l'essence de térében- 
thine sur la pierre qui doit recevoir la contre-épreuve, on y 
pose l'épreuve sens dessus dessous, et on la passe sous le 
râteau, 



305 

Si on veut colorer seulement quelques parties du dessin, et , 
y donner des touches vigoureuses, on les peint sur la contre- 
épreuve avec de l'encre lithographique. Si on veut couvrir 
tout le dessin d'un ton uni, en n'y réservant que les lumières 
les plus vives, on peint ces lumières avec de la réserve sur 
la pierre qui a reçu la contre-épreuve. Lorsque ce travail est 
sec, on y passe le rouleau à la couleur grasse, a£n de noir- 
cir toute la pierre; on laisse sécher la couleur grasse pen- 
dant un jour, et on examine si toutes les touches sont bien 
reproduites. S'il manque quelque chose, on reprend au grat- 
toir, ou bien on couvre à l'encre les parties qui sont dépouil- 
lées par accident. On acidulé ensuite la pierre très-fortement, 
afin de donner un creux notable aux touches blanches. Le 
papier s'y enfonce par la pression du râteau, et les lumières 
paraissent alors en relief, comme si elles avaient été posées 
avec du blanc au pinceau. 

Dans l'application que les Anglais ont faite des planches 
teintées, ils ne se sont pas contentés de rehausser leurs dessins 
par des lumières vives et coupées nettes; ils les ont en même 
temps dégradées et amenées par de douces transitions, du ton 
le plus vigoureux de la teinte jusqu'au blanc. C'est le procédé 
qu'employait M. Hullmandel de Londres, et que M. Letronne 
a importé en France. M. Ëngelmann propose deux moyens 
pour arriver à cet effet. Le premier consiste à faire d'abord 
une contre-épreuve sur une pierre grenée de grain un peu 
fort. Au moyen d'un crayon , on y dessine les teintes dégra- 
dées, en appuyant très-fortement, et en se rappelant que le 
noir pur ne rendra au tirage que la teinte claire qu'on em- 
ploie pour l'impression de ces planches, et qu'une demi-teinte 
sera par conséquent la moitié de ce ton. Lorsque les tons 
dégradés sont faits au crayon, on couvre avec de l'encre 
toute la partie de la pierre qui doit produire au tirage un ton 
oui On acidulé cette pierre comme une pierre au crayon. Le 
grené du crayon, peu apparent, puisqu'on ne l'imprime qu'avec 
nue couleur très-claire, produit des tons lavés. 

Le second moyen est destiné à produire des épreuves qui 
rendent l'effet de dessins rehaussés au crayon blanc, avec 



306 

toute la liberté qu'un artiste mettrait à ytraceravecle crayon 
même. On compose à cet effet un vernis mou et gluant de 
7 parties de cire vierge, 2 de mastic, 1 d'asphalte, 2 de co- 
lophane, et 4 de suif; on divise toutes les substances en pe- 
tits morceaux, et on les met dans une bouteille avec 50 
parties d'essence de térébenthine. On expose cette bouteille 
à une douce chaleur jusqu'à ce que le tout soit dissous. On 
prend alors une pierre grenée à gros grain, et on la couvre 
de ce vernis, auquel on peut ajouter un peu de noir pour le 
colorer davantage. On emploie pour cela une brosse ou un 
pinceau dont se servent les peintres à l'huile , et on égalise 
la teinte, soit en la tamponnant avec un tampon de taffetas, 
soit en y passant légèrement un blaireau , et on la laisse sé- 
cher pendant deux ou trois jours. 

On tire une épreuve de la pierre noire primitive sur une 
feuille de papier sec, en la chargeant autant que possible. On 
prend ensuite une feuille de papier, de couleur pas trop fon- 
cée, on l'humecte avec de l'essence de térébenthine, et on la 
pose sur cette épreuve. On place ensuite l'une et l'autre sur 
la pierre, et on les fait passer sous le râteau, en les pressant 
fortement, afin d'obtenir une contre-épreuve très-nette. On tend 
la contre-épreuve ainsi obtenue sur la pierre couverte de ver- 
nis, en la fixant sur les bords. Alors on dessine sur cette 
épreuve, avec un crayon blanc dur, les lumières qu'on désire 
et qui sont très-visibles, puisque la contre-épreuve est tirée 
sur du papier de couleur. Suivant qu'on appuie plus ou moins 
fortement ces touches, on attache plus ou moins le revers de 
la feuille au vernis appliqué sur la pierre. Lorsqu'on a fini le 
dessin, on enlève la feuille , qui détache avec elle les parties 
du vernis sur lesquelles elle a été appuyée par le crayon, on 
met ces places à nu en formant un grené, produit tant par 
les aspérités du papier que par le grain de la pierre, et qui 
ressemblera parfaitement à des touches faites au crayon blanc. 
Si on veut obtenir des lumières vives, on les enlève au grat- 
toir. On acidulé ensuite les pierres comme les dessins à la 
plume. Les Anglais MM. Harding, Robert, Prout, Lewis, Han- 
field, Vivian se sont principalement distingués dans ce genre 



307 

de dessins rehaussés. Le Voyage en Orient, imprimé par Ch. 
Letronne en 1839, pour le compte de la librairie Didot, atteint 
à la supériorité des artistes anglais. 

En 1848 environ, on a introduit en lithographie un genre 
qu'on appelle dessin aux deux crayons^ c'est-à-dire, des- 
sin qui ressemble à celui qui est fait avec le crayon noir et le 
crayon blanc sur du papier teinté. Ce genre n'est autre chose 
que celui des dessins rehaussés obtenu par un nouveau procé- 
dé, dont l'invention est attribuée à M. Julien de Paris. Le voici : 
On étend sur une pierre grenée une couche de vernis com- 
posé de 4 onces d'asphalte pur, dissous dans l'essence de té- 
rébenthine rectifiée, et auquel on ajoute un peu de térébenthine 
de Venise; si on le veut plus dur, on ajoute du copal. Sur ce 
vernis on transporte la contre-épreuve de la pierre dessinée en 
noir. Pour les lumières les plus vives, on enlève le vernis avec 
un couteau ou un grattoir ; pour les lumières moins claires et 
moins tranchées on le fait au moyen de l'os de sèche, dont on 
se sert comme d'un crayon, en faisant des hachures qui dé- 
couvrent plus ou moins le grain de la pierre. Pour l'air ou les 
ciels dans le paysage, on emploie avec avantage l'os de sèche 
en poudre , que l'on frotte à l'aide du doigt sur le vernis de 
la pierre. Ensuite on acidulé la pierre comme toujours. 

La lithographie of&ait trop de facilités et des avantages trop 
nombreux , pour ne pas passer bientôt du genre cam^'eu , des 
dessins rehaussés et des dessins à deux crayons, à l'impres- 
sion en plusieurs couleurs, ou, comme on l'appelle aujourd'hui, 
à la Chromolithographie. 

Chromolithographie. (Du grec chroma, couleur.) Sene- 
felder avait déjà fait avant 1819 des essais pour reproduire des 
dessins coloriés, ou des gravures imprimées en couleur ou en- 
luminées, en prédisant à ce genre un avenir brillant. Il ne s'est 
pas trompé. 

Son procédé consistait à se servir de plusieurs pierres. Sur 
la première il dessinait les parties les plus foncées , celles qui 



308 

le sont moins sur la seconde, et ainsi de snite, josqn^à ce que 
tont le dessin fût achevé ; à cet effet il se serrait de la plume 
ou du crayon, ou encore du pinceau. Pour Fimpression il choi- 
sissait la couleur convenahle à chaque pierre, et il feûsaît passer 
les omhres claires à travers les foncées. Plus tard Senefelder 
inventa encore une autre méthode, qu'il nomma à la mosaïque^ 
et dont nous avons parlé à la page 274. 

Déjà en 1819 le colonel Raucourt, de Charleville, donnait à 
ce siget quelques indications (Toulon 1819) théoriques, de na- 
ture à conduire à de bons résultats dans ce genre d'impresrâon. 

M. Malapeau à Paris, en 1823, inventa une méthode de pein- 
dre sur pierre avec des couleurs à l'huile, et d'imprimer ensuite 
ces peintures sur toile. H a exécuté dans ce genre la Madone 
de San Sîsta de Raphaël; le portrait de Louis XVlll d'après Gé- 
rard ; un Rendez-vous de chasse , et quelques tableaux d'Ho- 
race Yernet, tels que l'Aumônier du soldat, la Pelisse, le Chien 
du régiment et le Cheval du trompette. Cependant ces Uiho- 
ckromies, quoique retouchées, n'atteignirent point les plus fai- 
bles copies de tableaux. 

Ce fut principalement depuis 1830 que les pensées et les 
travaux des lithographes se dirigèrent vers les moyens de repro- 
duire non-seulement les dessins à l'aquarelle, mais aussi les 
tableaux à l'huile, enfin toutes sortes de dessins multicolores. 

Vers 1831 M. Hildebrand, à Berlin, voua tous ses soins à la 
recherche de procédés propres à imprimer en couleurs. Grâce à 
son adresse, il parvint à produire de fort beaux ouvrages, notam- 
ment une collection des armoiries des divers États, et plusieurs 
planches d'ornements, qui font partie de la belle collection 
que le gouvernement prussien faisait exécuter pour l'usage des 
écoles d'arts et métiers. Dans toutes ces lithographies les cou- 
leurs sont appliquées avec un art et une précision d'autant plus 
admirables, que M. Hildebrand a dû souvent imprimer dix, douze 
et jusqu'à quinze pierres pour une même épreuve. Cet habOe 
lithographe emploie autant de planches qu'il y a de nuances à 
produire ; il ne se sert d'aucun moyen mécanique, et son procédé 
est entièrement fondé sur l'adresse des mains. 

M. Storch, aussi de Berlin, a produit également des chromo- 



Mt^raphiee très-beilcs. C'est alors aussi que parurent ces ma- 
gnifiqnes ouvrages de M. W. Zahn : les Ornementa de toutes les 
Époques, et leB plus remarquables peintures et ornements de 
Pompéi, d'Herculanum et de Stabite (Berlin, lS32àl856); — 
[es Ornements arabes et de l'Italie aucieime, de M. F.-M. Hea- 
semer (Berlin 1837) ; — des Ornements pour décoration, par C- 
BœtticheF (Berlin 1834), etc., etc. En Angleterre aussi on avait 
dit des essais heureux. M. Owen Jones publiait un fort bel 
ouvrage sur l'AIhambra, esécuté par l'impression à teintes plates 
de diverses couleurs. En Belgique, le lieutenant colonel Wittert, 
de Liège, avait exécuté des fleurs d'une rare perfection en cou- 
leurs. 

MU. Ei^lmann et Graft à Paris avaient, de leur cdté, fait de- 
puis ploeieurs années des essais de lithographies en couleur, 
lorsqu'eu 1837 leurs efforts furent couronnés de succès, et ce 
fet alors que M. Godfroy Engelmann prit un brevet pour le pro- 
cédé nouveau qu'il venait d'inventer ; il donna le nom de chro- 
nalUhogrt^hie à cet art, à l'aide duquel tout artiste qui sut 
niamer le, crayon lithographique, et qui a le sentiment des c'oo- 
Itars, peut à volonté produire , en couleurs variées, ce que jus- 
qa'iJors on n'avait pu rendre qu'en noir. Au moyen d'une com- 
binaigon nouvelle des couleurs, il peut avec facilité dégrader 
les teintes, foudre les nuances les unes dans les autres, et enfin 
oïteoir tous les effets d'un dessin en couleur , quel qu'il soiL 
Diierses pierres venant successivement apporter les teintes par- 
tiimlièrea qu'elles sont destinées à fournir, le procédé ne peut 
F^er les effets désirés que par un repérage exact; celui au- 
inel M. Engelmann est parvenu par un moyen extrêmement 
^tnple, qui offre de grands avantages, et permettra d'exécuter 
des dessins très- délicats. Les épreuves n'exigent aucune re- 
Woehe. Le tirage est saas difSculté, susceptible de procurer 
de! épreuves toujours comparables à elles-mêmes, et c'est 
plusieurs milliers qu'il peut être fait. 

A. l'Exposition de Paris de 1837 il y avait de nombreux 
dniis de M. Engelmann , parmi lesquels on remarquait sur 
U Tue d'un moulin, au pied des Pyrénées. Ce petit tableau 
produisait avec nne merveilleuse fidélité les t»na briUants et 



SIO 

• 

de Paquarelle qui avait servi de modèle. En 1888, plusieurs ar- 
tistes de Paris, MM. Grenier, Villeneuve, Viennot, Fechner et 
d'autres faisaient d'importantes applications de la chromolitho- 
graphie ; M. Hittorf produisait de beaux ornements ; on publiait 
des vues suisses, des imitations d'anciens vélins, des cartes de 
visites, etc., etc. Dès lors un grand nombre de dessinateurs de 
Paris se sont emparés de ce genre et l'ont pratiqué avec succès; 
entre autres MM. Formentie, Ricard, Chico, Jacquet, Dopter, 
Rigo, Basset, Kseppelin, mais surtout M. Lemercier, qui y a ap- 
porté des perfectionnements notables , en diminuant le nombre 
des pierres par un modelé plus parfait, qui permettait d'obte- 
nir plusieurs nuances sur une seule pierre. 

En Allemagne on ne discontinuait pas de perfectionner les 
procédés déjà employés de la lithographie en couleur, et on en 
inventait d'autres. Ainsi M. Jacques Liepmann, peintre de Ber- 
lin, après un travail de dix ans , avait trouvé au commencement 
de 1839 un moyen de reproduire les tableaux à l'huile, avec 
une grande perfection. Ce qui est surtout remarquable dans ce 
procédé, c'est la fidélité avec laquelle les moindres nuances du 
coloris sont reproduites. Le premier travail produit par Liep- 
mann est la copie du célèbre portrait de Rembrandt du musée 
royal de Berhn. On ne sait rien de positif sur le procédé de 
Liepmann. Voici comment on suppose qu'il procéda : H com- 
mencerait par copier le tableau qu'il a en vue, par une espèce 
de mosaïque; mais, au lieu de se servir pour cela de petits 
morceaux d'émail ou de verre, Liepmann ferait usage de petits 
prismes en pâte ferme, faits avec des couleurs à l'huile, quel- 
que chose comme un crayon gras. Une fois le tableau ainsi 
composé en mosaïque, il apphquerait à sa surface une feuille 
de papier imprégnée d'huile; une légère pression au moyen 
d'un cylindre ferait adhérer au papier une quantité suffisante 
de la couleur, pour que l'image s'y reproduise et pour que l'on 
puisse y donner le dernier fini en fondant les nuances au blai- 
reau. Si c'est ainsi que procède Liepmann, il n'aurait que 
l'honneur d'avoir mis à exécution l'idée de Senefelder (voyez 
page 247), et d'avoir le premier livré de bonnes épreuves. 

On suppose aussi que le procédé de Liepmann a quelque 



811 

rapport avec celui que le D' F.-A.-W. Netto, de Leipzig avait 
inventé en 1841. M. Netto avait alors copié des tableaux de 
Flinck au moyen de patrons de feuilles minces de zinc, et repré- 
sentant chacune une nuance de couleur. Ces patrons , aux bords 
dentelés, sont placés, l'un après l'autre, sur un carton enduit 
d'un vernis d'huiles de lin et d'œillet, et retenu par un cadre. 
On imprime la couleur à l'aide d'un rouleau élastique, qu'on 
passe sur la partie découpée ; on fait de même pour toutes les 
nuances, et on fond ensuite les couleurs au moyen d'un pinceau 
imbibé d'huile. Les traits fins dans les cheveux ou ailleurs s'im- 
priment avec des formes 'en bois ou en métal fusible (Techno- 
logiste, 1841). 

En 1849, le Journal de la Société des Arts d'Ecosse conte- 
nait le procédé suivant , que MM. G. Schenk et Ghemar avaient 
inventé pour imiter par la lithographie les peintures à l'huile. 
La pierre , chauffée et grenée , est enduite d'une couleur com- 
posée d'encre lithographique ou de crayon, d'un peu de cire et 
de vernis de copal, laquelle est étendue sur toute la surface au 
moyen d'un chiffon de flanelle, en le frottant jusqu'à ce que la 
pierre ait pris une teinte brune grisâtre. Sur ce fond on décal- 
que son dessin et on dessine alors les parties les plus foncées 
avec de l'encre ou du crayon gras; les parties moins foncées 
avec du crayon plus dur ; et aux places qu'occupent les lumiè- 
res, on enlève le vernis, plus ou moins entièrement, au moyen 
du grattoir. Les parties foncées peuvent aussi se faire ou se 
renforcer au moyen d'un chiffon de flanelle. Ce genre de tra- 
vail supporte un fort mordant et une forte couche de couleur. En 
employant comme base les trois couleurs fondamentales, savoir le 
bleu, le rouge et le jaune, le peintre Hundertpfund, d'Augsbourg, 
a établi de bons principes pour l'exécution de la polychromie 
lithographique. M. Schreiner, Hthographe, de Munich, en sui- 
vant ce système et en employant jusqu'à 13 pierres, a réussi 
à imiter une tête du Christ de Raphaël, qu'on dit remarqua- 
ble sous le rapport de la dégradation des tons. 

Enfin, on est arrivé à une perfection extraordinaire dans la 
chromolithographie, et on imite admirablement les aquarelles . 
les sépias et toutes sortes de peintures. Ce sont de véritables 
foô-sinUle^ et c'est aussi le nom qu'on leur donne. 



312 

Pour rendre la ressemblance avec Foriginal encore plus iden- 
tique, lorsqu'il s'agit d'imiter des aquarelles, on imprime au 
papier le grené du papier torche au moyen d'une planche 
saupoudrée de sable; et pour la copie des tableaux à l'huile 
l'impression se fait sur toile. Les fac-smUe imitant le dessin 
au crayon sur papier présentent à s'y méprendre les touches 
hardies, et la teinte grisâtre propre à ce genre. C'est surtout 
M. Desjardins, de Paris, dont nous atons déjà parlé, qui excelle 
dans ces copies. 

Cependant il faut bien dire qu'on ne se tient pas aux ayan- 
ti^es qu'ofirent les procédés lithographiques, mais qu'on pro- 
fite également de ceux que fournissent la chalcographie et la 
xylographie, pour atteindre une imitation parfaite. Grâce à ce 
concours, on est arrivé de nos jours, dans les arts graphiques, 
à un point de perfection qui ne souffre pas la comparaison 
avec ce qui a été fait antérieurement (<). L'Allemagne et l'An* 
gleterre rivalisent avec la France, dans le genre de la litho- 
graphie en couleur, et il serait difficile d'établir une différence 
entre ces pays. 

On doit joindre à la chromolithographie l'impression doréOf 

qui en fait presque partie, et qui avait été essayée déjà par 
Senefelder. Pour ce genre d'impression, on emploie ou l'or métal- 
lique en poudre, connue sous le nom de bronze, ou l'or en feuille; 
la base de cet or &ux est le cuivre, et la couleur en est va- 
riée : elle est blancheV jaune pâJe , jaune d'or, jaune orange, 
verte et rouge. 

Pour faire des impressions dorées en poudre, on tire les 
épreuves avec l'encre ordinaire; pour les Mre avec l'or en 
feuille, on imprime avec une encre composée de 2 parties 
de vernis moyen , 1 de cire vierge et 1 de térébenthine de Ve- 
nise, encre à laquelle on mêle la couleur qui approche le plus 
de celle de l'or. Dans les deux cas , on passe aussitôt après le 
tirage la poudre ou la feuille d'or, et, après l'avoir laissée sé- 
cher, on ôte au moyen d'un petit paquet de coton l'or qui ne 

(i) Voir ce qui a été dit sur ce sujet pages ii5 à 183, 473 et 232 à S38. 



813 

s'est pas attaché. Plus le papier sur lequel on fait ces impres- 
sions dorées est lisse, plus elles sont brillantes: tels sont le pa- 
pier glacé, le papier à titre de fabrique allemande et le carton 
porcelaine. 

L'emploi de la chromolithographie et de l'impression dorée 
est général et s'étend à une foule d'objets d'industrie, de com- 
merce et de fantaisie. Le nombre des ouvrages typographiques 
qui en sont décorés est considérable; nous en connaissons déjà 
quelques-uns, en voici encore quelques autres très-remarqua- 
bles : Souvenirs de Grenade et de l'Alhambra, par Girault 
de Prangey; Paris, 1836, fol. —Le Moyen âge et la Renais- 
sance. — Spécimen of omamental Art, selected from the best 
models of the classicale epochs, by L. Gruner, qui contient 80 
feuilles en lithochromie magnifiquement exécutées en partie à 
Londres et en partie chez M. Winkelmann et fils, et sous la 
direction de M. Storch, à Berlin; London^ 1850, gr. fol. — 
Nouveaux modèles pour des broderies faites avec du lacet, par 
A. Schrœdter; Francfort-sur-le-Mein, chez Cari Jugel, 1851. — 
Les Antiquités du Bosphore Cimérien, conservées au Musée Im- 
périal de l'Ermitage , à St-Pétersbourg, pubhées par ordre de 
S. M. l'Empereur, et sous la direction de M. de Gilles, cons. 
d'Etat; Saint-Pétersbourg, impr. de l'Académie impériale des 
sciences, 3 ?ol. in-fol. 1854, 86 planches. Cet ouvrage, entiè- 
rement exécuté par des artistes russes, est un chef-d'œuvre 
typographique et lithographique, et offi*e une preuve magnifi- 
que de la perfection à laquelle sont arrivés ces arts en Russie. 
Les dessins exécutés par MM. Rob. Picard et Solneffi sont pour 
la plupart gravés au trait sur cuivre par MM. C. Afanassief, D. 
Androwyskii et Tcheskii. Le titre et beaucoup de planches, 
représentant des vases peints, des objets en bronze, en or, en 
céramique et en bois, sont exécutés en chromolithographie, 
rehaussés d'or, par MM. Sometschkin et A. Munster, et impri- 
mées par M. d'Hardingue. Ces planches sont faites avec une 
grande habileté et avec un soin extrême ('). — L'imitation de 
Jésus-Christ, nouvelle édition de 1856, publiée par Curmer, 

(4) L'onvrage n'a été tiré qu'en un petit nombre d'exemplaires, dont la Bibl. publ. 
de Genève en possède on, qu'elle doità l'obligeance de M. de Gilles, qui est Genevois. 

14 



314 

in-é" Jésus, accompagnée des plus beaux spédmens des manu- 
scrits du moyen âge, duVIQ^au XYII' siècle, et imprimée en 
couleur et en or par Lemercier; ce livre est un chef-d'œuvre 
de chromolithographie. 

On se sert également de la lithochromie pour colorer les 
cartes géographiques, M. Deremesnil, de Fimprimerie impé- 
riale de Paris, a publié en 1843' la carte géologique de la France, 
coloriée par impression lithographique. Cette carte, qui a 57 
centimètres de large sur 52 de haut, comprend 23 couleurs, 
outre le tracé en noir. Cette impression polychrome est par- 
ûdte. En Allemagne et en Suisse on produit également de très- 
belles cartes géographiques et physiques de tout genre, en 
couleur. 

Sous le nom dimpreMloii mosaïque y M. Jobard (*) dé- 
crit un procédé qui n'a point de rapport avec la lithographie, 
mais que celle-ci imite maintenant parfedtement On voit depuis 
nombre d'années ime foule de jolis dessins en couleur, dit-il , 
établis sur des feuilles couvertes d'un treillis de petits carrés, 
destinés à servir de modèles aux dames qui brodent avec de 
la laine ou de la soie^ des bouquets, des oiseaux et des sijgets. 
Le bas prix auquel ces dessins , que l'on croirait coloriés à la 
main, sont hvrés au public, nous a mis sur la voie du méca- 
nisme qui sert à les imprimer. Nous allons le décrire : Tout 
l'outillage d'un imprimeur mosaïste consiste en une seule forme, 
composée d'une agrégation de petits tubes creux d'environ un 
milhmètre de base et deux ou trois centimètres de hauteur. 
Ces tubes, étirés et cirés à l'extérieur, sont serrés dans une 
forme, à l'instar des caractères d'imprimerie, de manière à 
rendre ces interstices imperméables à l'air. On emplit de cou- 
leurs épaisses les différentes divisions du dessin que l'on veut 
représenter; cela lait, on recouvre le dessin de la forme d'une 
feuille de parchemin qui ne touche pas les tubes, mais dont les 
bords sont hermétiquement fixés autour de la forme. 

Dès qu'on soulève le parchemin à l'aide d'un petit onglet 



(1) Jobard, rapport 1836. p. 9H. 



515 

collé au centre de la feuille , il se fait un vide qui appelle la 
couleur vers le haut des tubeà et Pempêcîie de tomber pen- 
dant qu'on retire la feuille imprimée. Un petit coup frappé sur 
le parchemin suffit pour chasser les gouttes contenues dans les 
tubes et les faire tomber sur le papier. 

Après avoir passé en revue les différents genres de l'art 
lithographique, il nous reste à parler d'une apphcation qui 
est particulièrement propre à cet art, et qu'aucune des autres 
manières d'imprimer dont nous avons parlé jusqu'à présent 
ne peut offirir à ce degré. Cette application c'est Paatogra- 
phie (du grec autos, soi-même, et graphô, j'écris), ou le pro- 
cédé par lequel on multiplie par l'impression une écriture ou 
un dessin original, d'abord fait sur papier avec une encre 
graisseuse. Ce procédé offre deux grands avantages, celui de 
donner un fac-éimile parfaitement exact, et celui d'être d'une 
promptitude extraordinaire. 

Les principes chimiques de l'autographie sont les mêmes 
que ceux de la lithographie en général, mais, au lieu de des- 
siner directement sur la pierre, on dessine sur du papier, dont 
on applique ensuite la face dessinée sur la pierre; en le pres- 
sant fortement, tous les traits qui s'y trouvent y adhèrent, et 
laissent pénétrer dans la pierre une partie de leur graisse, 
qui s'y ^e à l'état d'un savon calcaire, et produit au tirage 
le même effet que si les traces y avaient été faites directe- 
ment. L'autographie est un des procédés les plus délicats et les 
plus difficiles de la lithographie, et la moindre négh'gence peut 
faire manquer la réussite. 

Depuis Senefelder on a beaucoup cherché à perfectionner 
et à simplifier ce procédé. Presque chaque lithographe a sa 
méthode particulière , et cependant toutes ces méthodes ne 
diffèrent que dans quelques détails. Nous emprunterons à M. 
Ëngelmann les meilleurs moyens d'opérer. Avant tout, il faut 
du papier autographique: c'est un papier ordinaire couvert 
d'une légère couche de matière gommeuse, qui a pour but 
d'en isoler entièrement l'écriture ou le dessin fait avec une 
encre grasse, de manière que celle-ci se transporte tout entière 



316 

sur la pierre. Pour qne les contre-épreaves réussissent bien, 
il faut que cette couche ne se ramollisse que légèrement par 
lliumidité, qu'elle ne se dissolye pas avant que le transport 
sur pierre en soit fait, et que le papier adhère assez à la 
pierre pour supporter plusieurs fois le passage dn r&tean, 
sans qu'il se dérange. Voici la composition de cet enduit: 4 
onces d'amidon, 1 de gomme adragante, 2 de colle forte, 1 de 
blanc d'Espagne en poudre très-fine, Vi ^^ gomme gutte pour 
colorer, et 4 htres d'eau. Lorsque ces matières sont conre- 
nablement dissoutes et mélangées, on passe cette colle dans 
nn lin^, et on en étend deux couches bien égales, et aussi 
minces que possible sur du papier à lettres, au moyen d'une 
éponge fine. M. Cruzel a inventé en 1830 une autre méthode, 
savoir trois couches légères de gélatine de pieds de mouton, 
un d'empois blanc, et une de gomme-gutte. On met la première 
couche avec une éponge trempée dans de la dissolution de 
gélatine chaude , bien également sur toute 1a feuille ; on attend 
que chaque couche soit sèche pour mettre la suivante. On ap- 
plique ensuite de la même manière la couche d'empois, et 
enfin la couche de gomme-gutte. 

Plus le papier autographique est lisse, plus il est fauoûe d'y 
tracer des traits à l'encre; on fera donc bien pour cela de 
le passer à la presse lithographique. 

Après le papier, il faut l'encre. Toute encre Uthographique 
peut à la rigueur servir à cet usage; cependant on doit don- 
ner la préférence à celle qui coule le mieux, et qui permet 
de faire les traits les plus déliés. A cet effet, M. Ëngelmann 
< a imaginé la composition suivante : 16 parties de gomme laque, 
10 de cire vierge, 8 de savon, 6 de sang-de-dragon, 5 de suif. 
Si on veut dissoudre la totalité de l'encre, on y ajoute 150 
à 200 parties d'eau pure bouillante; mais, lorsqu'on ne veut 
en dissoudre qu'une partie, on prend 1 partie d'encre sur 8 
d'eau pure , qu'on fait bouillir jusqu'à réduction d'un quart 
M. Cruzel compose son encre autdgraphique de 8 grammes 
de cire vierge, 2 de savon blanc, 2 de gomme laque, 3 cuil- 
lerées à bouche de noir de fumée. M. Mantoux a aussi com- 
posé une bonne encre: elle comprend 3 parties de gomme 



»17 

copal, 5 de cire, 5 de suif de mouton épuré, 4 de savon, 
5 de gomme laque, 5 de mastic en larmes, */9 de soufre. On 
délaie cette encre en en faisant bouillir 1 partie dans 10 d*eau, 
jusqu'à ce que la liqueur prenne une couleur jaune pâle. On 
peut ajouter un peu de carmin , ou d'encre de Chine , pour 
la rendre plus foncée. ' 

Lorsque l'encre et le papier sont prêts, on peut faire son 
décalque sur le papier autographique de la manière ordinaire, 
ou dessiner directement au crayon de graphite; pour Pécri- 
tnre on peut tirer des lignes pour écrire droit et effacer les 
foutes avec de la poudreMe sandaraque, en l'essuyant toutefois le 
mieux possible. Ces différentes opérations n'empêchent pas la 
réussite. Pendant qu'on écrit ou qu'on dessine sur le papier 
autographique , il faut avoir soin de ne pas le toucher avec 
des doigts gras; à cet effet on se munira d'un garde-main. 
S'il y a une faute à corriger, on effacera en lavant à l'essence 
de térébenthine , qui dissout Fencre sans altérer la couche 
gonuneuse du papier ; mais il faut ensuite bien laver la place. 

Pour fsàre le transport du dessin sur la pierre, on pose 
d'abord la copie du côté dessiné sur quelques feuilles de pa- 
pier, et on humecte légèrement avec une éponge trempée dans 
un mélange d'eau et d'acide muriatique, marquant 1 */a degré 
à Paréomètre. Le papier étant ensuite posé sur une pierre 
tendre, préalablement poncée et bien essuyée, on le recouvre 
d'une douzaine de feuilles de papier de soie , pour rendre la 
pression moins vive; on commence par une pression faible, 
qu'on augmente successivement, en répétant cette opération 
six à huit fois. On mouille ensuite le papier avec la même 
eau acidulée, et oii la laisse quelques minutes; on enlève alors 
là feuille qui ne doit plus contenir aucune trace de dessin, si 
l'opération a bien réussi. Après cela on acidulé la pierre , si 
c'est nécessaire, on y passe la gomme, et on procède à l'en- 
crage pour tirer des épreuves. 

Le procédé qu'a inventé en 1836 M. Bautz, d'Augsbourg, 
diffère des précédents, en ce qu'on y emploie du papier non 
préparé, c'est-à-dire qui n'a pas été enduit de la couche gom- 
meuse. On prend à cet effet du papier à écrire lisse et mince, 



A 

\ 



SIS 

ou du papier à calquer, et l'on y trace le dessin, ou l'écri- 
ture, on le calque avec l'encre autographique, qui est corn- 

. posée de 3 parties de gonune laque, 1 de cire, 6 de suif, 
5 de mastic, 4 de savon, 1 de noir de fumée. Pour l'usage, 

I on dissout cette encre dans l'eau pure. Lorsque ce travail est 
terminé, on humecte le papier par derrière avec un mélai\ge 
d'une partie d'acide nitrique , et 3 d'eau jusqu'à ce que le 
dessin soit visible à l'envers, et que l'encollage du papier soit 
détruit ; on lave ensuite pour enlever tout Facide, on applique 
la feuille sur la pierre légèrement chauffée , et on passe sous 
le râteau avec une forte pression. Aussitôt le papier enlevé, 
on laisse sécher la pierre, et on peut terminer son dessin au 
crayon. Ce moyen est surtout utile pour l'exécution au crayon 
de dessins d'architecture, d'ornements, de machines, et d'au- 
tres qui doivent avoir un contour net et fin, car il est très- 
difficile de £ure un trait fin à l'encre sur une pierre grenée. 
L'autographie a rendu de grands services dans l'industrie, 
le commerce et les arts. Plusieurs ouvrages complets ont été 
autographiés ; tels sont les suivants : Théorie hthographique par 
M. Houbloup, Paris 1818; — Mémoire sur la lithographie de 
MM. Chevalier et Langlumé, Paris 1828; — Manuel pratique 
des lithographes par Jules Desportes, Paris 1834.— Et qui ne 
connaît pas l'Histoire de M. Jabot, les Aveujures de M. Vieux- 
bois, de Festus et de tous leurs collègues, si spirituellement 
écrites , dessinées et autographiées par M. Rodolphe Tôpffer 
de Genève? 

Un autre genre de transport, décrit sous le nom de litho- 
graphie par enlèvement par M. Jobard ('), consiste à re- 
couvrir une pierre grenée d'une couche mince d'encre ramollie 
par une plus grande proportion de stéarine que l'encre ordi- 
naire; d'appliquer sur cette couche une feuille de papier-co- 
quille très-mince, et à remettre cette pierre à un artiste pour y 
tracer un dessin à la mine de plomb ; tous les traits qu'il fera 
sur le recto de la feuille se reproduiront sur le verso aux dé- 

(1) Rapport, 1839. p. 905. 



819 

penB de l'encre de la pierre. On transportera ce dessin gras sur 
une antre pierre que l'on traitera comme un dessin an crayon 

]Hagraplii#> M. Jobard (*), Pingénieux et infatigable cher* 
chenr, trouva en 1827 une méthode lithographique pour cal* 
qner à la plume sur du taffetas ciré; les dessins les plus compli* 
qués sont rendus avec non moins de pureté que de facilité. H 
a reproduit par ce procédé l'œuvre de Flaxmann, dont chaque 
planche ne coûtait pas deux heures de travail Voici en quoi 
consiste sa méthode: Ohoissisez un carré de taffetas ciré bien 
uni; faites coudre une tresse de fil autour de votre carré; pas- 
sez un lacet dans cette tresse pour tendre également ce taffe- 
tas au centre d'un cadre formé d'un fil de fer gros comme un 
tuyau de plume à jécrire. Placez ce taffetas sur le dessm à co- 
pier, et suivez les traits avec une plume hthographique de Per- 
ry, et de l'encre lithographique amenée à la consistance d'un 
lait épais. Avant de dessiner, vous aurez soin de passer ime 
couche d'essence de térébenthine ou d'eau de savon sur votre 
taffetas que vous essuierez bien^ avec du papier Joseph ou avec 
on linge. Votre calque terminé, renversez le taffetas sur une 
pierre polie et donnez un ou deux coups de presse. Le taffetas 
adhérera fortement à la pierre , ce qui empêche le dessin de 
se doubler; détachez lentement le taffetas, vous n'y trouverez 
plus trace de votre dessin qui est resté tout entier sur la pierre. 
C'est alors que vous pouvez tracer un cadre, ou faire des re- 
touches, avant l'acidulation. Pour empêcher au taffetas de fedre 
des plis, quand il est posé sur la pierre, il faut le saupoudrer de 
stéatite en poudre, puis y placer une maculature également Sau- 
poudrée, et avoir soin de frotter le cuir du tympan avec de la 
poudre de savon pour le faire glisser facilement Par ce moyen 
le transport se fût à merveille. Le procédé diagraphe s'applî- 
qae avantageusement à la reproduction des manuscrits des lan- 
gues encore privées de types mobiles; M. Jobard avait le projet 
de Êûre de cette manière une contrefaçon du Coran, qui n'eut pas 
de suite. M. Ëngelmann, à qui il avait parlé de son intention Se 

(h Jobard, rapporl, 1»39, p. 30<î, 



820 

mit à l'œavre ; mais comme il s'était servi d'an Coran hétéro- 
doxe, que lui avait prêté l'amiral Sidney Smith, sa spéculation 
échoua et ne fîit plus reprise depuis. 

Les lithographes, en considérant les résultats heureux qu'on 
obtient de l'autographie , devaient bientôt penser à tirer parti 
des avantages qu'offirent les principes chimiques de la lithogra- 
phie, pour multiplier leurs épreuves par des reports ou con^ 
tre^prenvesa Us y ont réussi en tirant sur papier une épreuve 
avec une encre grasse, puis la posant du côté de la ÙLce impri- 
mée sur la pierre neuve, pour lui communiquer cette encre grasse, 
et mettre cette pierre en état de pouvoir attirer l'encre dlm- 
pression lorsqu'on y passe le rouleau. La multiplication des plan- 
ches par le moyen des contre-épreuves o&e des avantages im- 
menses sous le rapport de l'écononde et du temps. En effet, il 
suffit de faire sur pierre un seul dessin, de le reporter ensuite 
sur une grande pierre, autant de fois que la place le permet 
pour pouvoir en tirer d'un seul coup 10, 20, 50, etc. ; et, si 
cette pierre vient à s'user, elle est refaite à l'instant par une 
nouvelle série de contre-épreuves de la pierre matrice, qu'il suf- 
fit de conserver seule. Le papier que l'on emploie à cet usage 
est ou un papier non coUé, ou, mieux encore, le papier de 
Chine, qu'on couvre du même enduit que le pilier autographi- 
que. L'encre d'impression n'est pas bonne pour les reports. On 
fera mieux de composer celle-ci de 1 partie de cire, 1 de suii^ 
1 de savon noir, 12 de vernis moyen, 6 de térébenthine de Ye- 
nise, en y mêlant la quantité de noir de fumée convenable. Les 
opérations dU|report doivent se fabre avec beaucoup de précau- 
tion, et avec«ime grande propreté. On peut obtenir ainsi des con- 
tre-épreuves *^nH9eulement du dessin à la plume, mais aussi de 
la gravure et des pierres dessinées au crayon. 

En employant les mêmes moyens, on peut transporter sur 
pierre aussi des épreuves fraîches it^pograpMques, U suffit pour 
cela de faire tirer une épreuve bien pure avec l'encre et sur le 
papier à contre-épreuve, et de la transporter sur pierre, en la 
traitant comme les contre-épreuves lithographiques. 

En 1827, MM. Firmia Didot et Motte avaient pris un brevet 
pour un procédé destiné à imprimer simultanément des dessins 
lithographiques et des caractères typographiques. 



821 

En 1828, une société s'était formée entre MM. Laget, Hàugk; 
Billard, Panckoucke en Mantoux pour le transport sur pierre dé 
textes imprimés, dans le but d'employer ce procédé à la publi- 
cation d'un journal, mais rien ne se fit M. Gudin, peintre de 
marine, associé avec MM. de Bremond et Wachsmuth, en 18S8, 
forma le projet de la publication d'un journal quotidien, orné d^ 
dessins des plus habiles artistes de Paris. 

M. Haubloup est un des premiers qui aient exploité la réunion 
du texte typographique transporté sur pierre, et du dessin litho- 
graphique à la plume à côté. Son Album d'histoire naturelle, 
Muséum pittoresque, a été tiré à un très-grand nombre d'exem- 
plaires (Exposition de 1839). 

Quand M. ChampoUion proposa à M. Jobard de publier sa 
Grammaire égyptienne, qu'aucun imprimeur n'osait entreprendre 
à cause des signes nombreux qui devaient se trouver intercalés 
dans le texte, il lui conseillait de faire composer la partie ty- 
pographique avec des blancs réservés à l'endroit des signes et 
de transporter sur pierre le texte auquel il ajouterait lui-niême 
les signes hiéroglyphiques. M. Motte fiit du même avis et il 
imprima fort bien la grammaire de M. Champollion (*). 

M. Jobard (*) communique encore le procédé de transport 
d'un inconnu: Sur un morceau de papier gélatine translucide 
(inventé en 1823 par Quénédey, et fabriqué en partie de colle de 
poisson et en partie de colle de Flandre, roulée sur une glace en- 
duite à l'avance de fiel de bœuf), tracez avec la pointe sèche les 
contours du dessin à calquer, puis encrez-le à la manière de la 
taille-douce, l'encre restera dané les tailles et vous pourrez trans- 
porter ce dessin d'un coup de presse sur la pierre. 

On a aussi employé le procédé des reports pour transport 
ter sur pierre des épreuves Urées sur des planches de cidvre 
gravées. M. Engelmann est le premier qui ait fait des essais dans 
ce genre. M. Legros d'Anisi faisait les premiers reports par le 
même procédé que pour imprimer ses assiettes (voyez pag. 262), 
et M. Engelmann traitait ces contre-épreuves par les procédés 
lithographiques. Il se présenta bientôt une occasion d'utiliser ce 

(i) Jobard, rap. 306-318, 
(8) Rap. 319. 



322 

nouyean moyen de multiplication. M. Touquet avaTt âibriqaé en 
1821 des tabatières dites à la Charte, qui devinrent à la mode. 
Leur débit dépassa les prévisions du fabricant, et bientôt les 
planches de cuivre qui servaient à leur décoration furent usées. 
Plusieurs semaines étaient nécessaires pour en graver de nou- 
velles ; pendant ce temps la mode pouvait en passer, et M. Touquet 
manquait une vente assurée. Dans cet embarras il s'adressa à MM. 
Engelmann, qui, en un jour, firent transporter sur pierre plu- 
sieurs douzaines de contre-épreuves. Le lendemain le tirage 
commença , et permit à M. Touquet de satisfaire le public et de 
vendre en peu de temps plus de cent mille tabatières. Pour trans- 
porter l'épreuve sur une tabatière ou un écran, on humecte le 
derrière du papier avec la langue et on l'applique sur le bois 
verni ou non, la gravure s'y attache en appuyant seulement avec 
la paume de la main; un léger surcroit d'humidité fait détacher 
le papier: quelques couches de vernis copal à l'essence ou à l'es- 
prit, et le tour est fait. Liège et Spa fabriquent de la sorte des 
millions de jolies tabatières de platane qui se répandent sur toute 
la terre en concurrence avec les tabatières d'Ecosse et d'Alle- 
magne. Les transports sur £^ence et porcelaine se font de la 
même manière, mais il faut, au lieu de noir de fumée, un oxyde 
métallique susceptible de se vitrifier (Jobard, Rapport, 1839). 

Cette branche de la lithographie a pris un grand développe- 
ment par son application à l'industrie et aux arts. 

On ne s'est pas contenté des résultats avantageux qu'offirent 
les reports lithographiques d'épreuves fraîchement tirées ; de tout 
temps les lithographes se sont préoccupés de réaliser aussi le 
transport sur pierre de vieux livres et de vieilles estampes pour 
être réimprimés. On a appelé ces genres liiliO"tjpograpli£ey 
et litho-chaloographie. 

Senefelder avait en 1809 déjà livré des planches qui repro- 
duisaient par le transport sur pierre des épreuves typographi- 
ques tant anciennes que fraîches, des gravures sur bois de l'ou- 
vrage anglais The religions Emblems , et des tailles-douces an- 
ciennes. Tous ces transports avaient très-bien réussi. Pour cela, 
Senefelder nous dit qu'il faut faire un mélange de craie fine et 
d'amidon , qu^on éclaircit avec de l'eau , et qu'on passe partout 



32S 

sur la page imprimée. Ensuite on trempe un petit morceau de 
toile dans une couleur faite avec du cinabre, du vernis très- 
faible et du suif; on en frotte le papier jusqu'à ce que toutes 
les lettres aient pris la couleur ; on jette de l'eau propre par- 
dessus le tout, et on passe sur le papier une J)alle recouverte 
de drap fin et bourrée de crin pour enlever le superflu de la 
couleur qui se trouve sur les lettres. H faut continuer à passer 
la balle jusqu'à ce que les lettres paraissent rougeâtres; puis on 
verse souvent de l'eau propre sur ce papier qu'on met entre 
deux maculatures pour lui faire perdre son excès d'humidité. 
On suit alors le procédé de transport ordinaire. 

On réussit mieux pour le transport avec une ancienne feuille 
du XVI* ou du XVII* siècle qu'avec une feuille qui ne date que 
de 20 à 30 ans, parce qu'on employait de meilleur vernis et qu'on 
imprimait plus noir. Par conséquent, c'est du vernis plus ou 
moins bon , qui sert à imprimer les livres, que dépend le suc- 
cès de l'opération. En 1834 il avait paru à l'Exposition de Pa- 
ris des pages de vieux livres reproduites par la lithographie. 
MM. Delarue, Chevalier, Jules Desportes, Kaeppelin, Letronne, 
D'Aiguebelle , et d'autres se sont distingués dans les reports 
lithographiques anciens et modernes. M. Chatenet à Angoulème, 
en 1839 , avait très-bien réussi par le transport des anciennes 
impressions; il avait exposé des feuilles d'Elzevir, de Scander- 
beg, qui étaient parfaitement venues. M. Jacotier, à Paris, 
n'avait que médiocrement réussi dans le transport d'une gra- 
vure du XVn* siècle, un Callot et un Albert Durer. Mais ce 
sont surtout MM. Paul et Auguste Dupont frères qui ont donné à 
cet art une grande extension. 

M. Auguste Dupont, en 1839, avait réussi à transporter di- 
rectement sur la pierre de vieilles gravures et de vieux impri- 
més, et à les reproduire par des tirages inépuisables. Il livra en 
1841, en spécimen de l'impression lithographique, un petit vo- 
lume in-8'*, de 1636, intitulé « Histoire de l'incomparable admi- 
nistration de Romieu, grand ministre d'Estat en Provence, lors- 
qu'elle estait en soveraineté. » H fit suivre ce livre de deux 
volumes formant ensemble près de 600 pages d'un ouvrage in- 
titulé * l'Estat et l'Eglise de Perigord depuis le christianisme, 



824 

par le R P. Jean Dupay, recollet à.Périgaetix; impruné par 
Pierre et Jean Dalvy, 1629. > Ces livres se sont trouTés ainsi ré* 
générés, sans que les exemplaires qui avaient servi à la re* 
production en aient souffert M. Dupont a aussi reproduit des 
écritures originairement tracées avec des encres corrosives on 
des encres communes; elles consistent en un plan manuscrit 
de 1773, du vieux Périgueux, pris dans un ouvrage qui est à 
la bibliothèque de cette ville; en une lettre du roi Jjouis-Phi- 
lippe, et en une lettre du cardinal Maury, manuscrit remontant 
à 1801. 

M. Paul Dupont ('), dans ia état des ouvrages reproduits dans 
son imprimerie par la litho-typographie, depuis le 10 juillet 
1839 jusqu'au 22 février 1844, porte le nombre des exemplai- 
res des feuilles à 43,752. 

MM. Dupont ont produit encore un nombre considérable de 
fac-similé pour l'Histoire de l'impression et de son application 
à la gravure, aux caractères mobiles et à la lithographie, par 
M. Léon de Laborde. 

M. Paul Dupont avait en 1847 reproduit un volume in-folio 
de 199 pages , qui est le fac-similé exact du tome ^TTï de la 
collection Berum Gàllica/rum et Fromciscarum Scripiores, pu- 
bliée par les Bénédictins et continuée par l'Institut. Ce trei- 
zième volume, détruit pendant la révolution, rendait incomplet 
un grand nombre d'exemplaires de cette collection aussi rare 
que précieuse. M. Dupont a complété ainsi un grand nombre 
d'autres ouvrages. Il a aussi composé une encre dont on se sert 
pour imprimer, de chaque ouvrage dont on veut conserver 
l'empreinte, une ou deux feuilles types, qui peuvent être trans- 
portées sur pierre par une simple pression à quelque époque 
que ce soit, et fournir de nouveaux tirages qui s'exécutent im- 
médiatement. 

M. C. Frémont(*) lithographe de Beaumont-sur-Oise , décrit 
une méthode de transport de vieilles impressions, qui paraît un 
perfectionnement de celle de Senefelder; la voici : Imbibez de 
gomme arabique la feuille à réencrer, posez-la sur un marbre^ 

(1) Bulletin de la société d'encouragement 29 mai, IBM, 

(2) Technologiste, vol. II, 184d, 



825 

yenez dessus de la soude caustique, de 12 à 15 degrés, 
laissez cet alcali 15 à 20 minutes en essayant de temps en 
temps sur un mot si le corps gras commence à revivre. Aussi- 
tôt qu'on verra que la soude a assez agi sur les caractères, 
jetez de l'eau sur la feuille pour enlever l'alcali. Versez-y de 
l'essence de térébenthine , laquelle se fixera sur les caractères. 
Laissez séjourner l'essence pendant un quart d'heure, tenez ce- 
pendant la feuille constamment humide. 

Préparez une encre composée de Vs partie de cire vierge, 
Vi de suif, 1 de vernis &ible, V4 de térébenthine, Vi <le ver- 
millon; garnissez de cette encre un petit cylindre ou un tam- 
pon couvert de drap fin , et cherchez à encrer doucement les 
caractères. Lorsqu'on verra que l'encre rouge est fixée sur les 
caractères, on mettra la feuille entre des maculatures, et on ne 
la transportera que très-peu humide sur la pierre. Pour le cli- 
chage, M. Frémont prescrit le procédé suivant : Prenez de bon 
et véritable papier de Chine; épluchez-le soigneusement; passez- 
y une couche légère et unie de colle d'amidon mêlée à de la 
gomme arabique en égale proportion. Faites tirer sur cette 
feoille une bonne épreuve de taUle-douce ou de typographie 
avec une encre de conservation, composée de 2 parties de dre 
blanche, 1 de gomme laque, 2 de résine épurée (colophane), 
1 de suif épuré, 1 d'huile verte, */« de térébenthine de Venise. 
Conservez cette feuille en évitant la poussière et les accidents. 
Lorsque, après plusieurs années, vous voudriez la reproduire, 
chaoffez-la au soleil ou à une douce chaleur factice. Prenez une 
pierre qui sera également restée quelques minutes au soleil, 
transportez, et vous obtiendrez un bon résultat 

Le procédé découvert en 1840 par M. Eosel de Munich, 
et d^près lequel on peut obtenir des épreuves lithographiques 
de la même manière qu'on obtient celle de la typographie , ne 
nous est point connu. 

En 1843, MM. Papillon frères, de Verviers (Aisne), inventè- 
rent une méthode pour imprimer la musique par le procédé 
typo-lithographique. 



Sous le nom d'Homœographley M. Edouard Boyer, chi- 



326 

miste de Nîsmes, a ijoaté en 1844 une nouvelle découverte anx 
précédentes, découverte dont nous n'avons pas non plus le se- 
cret. 

EInfin nous parlerons ici d'une invention intéressante, quoi- 
qu'elle rentre mieux dans les applications de la photographie; 
nous en ignorons le procédé : c'est la Itt&o^ypograplile 
optique, ainsi appelée par son inventeur, M. Robert HUser, 
d'Amsberg en Westphalie. Ce procédé a pour but de trans- 
porter sur la pierre lithographique, convenablement préparée, 
tout dessin, toute écriture^ gravure, peinture, impression typo- 
graphique, sans endommager l'original. Le report se ùit en re- 
lief, dans une heure ou en quelques minutes, suivant la gran- 
deur de l'objet, sur pierre grenée ou polie. 

On peut y faire toutes les corrections qu'on veut. L'impres- 
sion s'opère comme à la lithographie, et on peut en tirer autant 
d'épreuves qu'on désire. En 1846, M. Hûser subit un exa- 
men, et il fit en. présence du ministère d'État de Berlin six 
épreuves, de nature et d'objets tout différents. H réussit au 
point qu'il reçut une prime de deux mille écus, mais sous condi- 
tion d'établir un atelier à Berlin. Les affaires politiques de 
1848 l'en empêchèrent, et l'Etat ne s'en mêla plus. Dans le 
journal des Archives pour l'Allemagne de M. F.-F. Friedmann, 
de 1853 (*), on a publié un spécimen du procédé de Hûser, 
qui est parfait. 

Cependant on n'est polot encore parvenu à reproduire par 
le transport lithographique des impressions typographiques ou 
des estampes anciennes d'une manière tout à fait irréprocha- 
ble, malgré les recherches laborieuses et les procédés ingé- 
nieux qu'on a inventés en grand nombre jusqu'à nos jours. 
Cette victoire était réservée à un autre art graphique, dont 
nous parlerons bientôt. 

On voit souvent des images de saints ou des cartes d'adresse 
imprimées en or ou en argent sur des feuilles transparentes et 
diversement colorées. Ces feuilles, composées de gélatine, ont 
été fabriquées particulièrement à Paris; ils le sont maintenant 

(1) Vol. II, p, 215-247. Gotha et nouvelle Gazette de Prusse, n» 133, 12^uin 185i. 



327 

anssi en Allemagne , par MM. Zach et Lipowsky. Pour les 
former , il font une planche de verre à glace bien taillée , que 
l'on polit avec du rouge à polir , et l'on ifrotte avec de la ma- 
gnésie. Sur les lames de verre ainsi préparées , on verse et 
étend très-également une couche de gélatine , et lorsqu'elle « 
s'est figée, on y imprime délicatement les dessins. La gélatine / 
se prépare de la manière suivante : Après avoir trempé 5 li- / 
vres de colle ordinaire dans l'eau pendant 24 heures, et avoir ; 
changé l'eau plusieurs fois , on presse la colle , et on la cuit ' 
dans un bain d'eau jusqu'à la consistance de l'huile. On y - 
ajoute une demi-once d'acide oxalique , dissout dans l'eau, 
pour blanchir la colle, Vie d'esprit-de-vin et */« once de su- 
cre candi décoloré , pour maintenir la flexibilité de la géla- 
tine. Suivant la coloration qu'on désire lui donner, on intro- 
duit dans cette solution un mélange d'indigo et de carmin, 
pour obtenir une couleur bleue ; un extrait de safran pour la 
jaune ; un mélange de bleu et de jaune pour la verte, ou de 
rouge et de bleu pour la violette. La couleur rouge provient 
d'une dissolution de carmin dans l'esprit de sel ammoniac ('). 

Uthophanle* Les images connues sous ce nom, et inven- 
tées en 1827 en France , consistent en reproductions de des- 
sins divers sur des lames de porcelaine tendre, et qui, regardées 
vers le jour ou la lumière , reparaissent en ombre et en lu- 
mière, ressemblant parfaitement aux dessins fiûts à l'encre 
de Chine. On exécute ces images par un procédé plastique, 
et nullement par un dessin, et voici comment : on recouvre une 
plaque de verre d'une couche égale de cire d'un quart de 
pouce d'épaisseur, sur laquelle on modèle le sujet qu'on veut 
reproduire , au moyen d'ébauchoirs de sculpteur ; de manière 
que les parties les plus ombrées soient représentées par la 
couche de cire la plus épaisse, tandis qu'on diminue par dégra- 
dation jusqu'aux parties les plus claires, qui sont alors repré- 
sentées par une couche très-mince, ou par le verre seulement ; 
la transparence du verre et de la -cire permet de juger de 

(1) KuQSt- uocl Gewerbel)!. fttr das Kœoigr. Bayera. 1855, p. ^, 



828 

l'effet De ce modelage on prend on monle en pl&tre, leqnel 
sert à former les épreuves en biscuit (porcelaine tendre). On 
a essayé de Êûre ces images en gutta-percha et en couleur 
Les lithophanies servent généralement comme écrans on abat- 
jours. , 

Les objets connus en Allemagne sous le nom de SteinbUder, 
qu'on £&briquait à Munich il y a quelques années (*) , et qui 
consistent en une sorte de transport de lithographies ou de 
gravures, sur des plaques minces de pierre calcaire, au moyen 
d'un procédé chimique, sont peut-être encore une espèce de 
lithophanie. 

Pour clore ce qui rentre dans les applications de l'impression 
chimique, nous devons dire quelques mots sur Vemplai cPautres 
substances que la pierre calcaire pour recevoir le dessin. On 
avait cherché dès les premiers temps de l'invention de la litho- 
graphie à remplacer les pierres de Solenhofen par des matiè- 
res moins chères et d'un transport plus fisM^ile. Les essais qu'on 
a faits sur d'autres pierres que le calcaire de Solenhofen ont 
été infructueux , quoiqu'on ait trouvé dans plusieurs localités 
de l'Europe des qualités de calcaire qui permettent sous quel- 
ques rapports de remplacer celui de Bavière. 

Un dessin au crayon exécuté en 1817 par M. Yerdet, sur 
ardoise, avait bien donné des épreuves, mais elles restaient bien 
inférieures aux produits* de la lithographie. 

Après bien des recherches, Senefelder avait trouvé, en 1818, 
la composition d'une pierre factice, qu'il appelait papier-pierre^ 
laquelle devait remplacer la pierre lithographique naturelle, et 
dont il se promettait beaucoup. Mais il n'a jamais publié d'une 
manière précise sa méthode de fabrication. D'autres, qui l'ont 
suivi dans ses recherches, n'ont pas été plus heureux. 

SUnoographiea Senefelder avait observé, à cette même épo- 
que, que tous les métaux sont susceptibles de retenir les traces 
graisseuses, et de pouvoir être disposés à repousser l'encre d'im- 
pression lorsque sur les parties bien dégraissées on applique des 

(1) Le ministère d'État de commerce de Munich, sous la date du 90 décembre 4854, 
déclara comme industrie libre la fabrication de ces images, 



829 

acides, de la gomme, de la décoction de noix de galle, etc. H 
n'avait fait qne peu d'essais sur du fer et notamment sur du zinc, 
et en 1823 il avait exposé à Paris de petites presses, sur lesquel- 
les il tirait des épreuves de planches d'étain. 

Les observations de Senefelder dont nous venons de parler, 
quoique infructueuses au commencement, ont eu cependant pour 
suite de fsâre nsdtre une nouvelle branche d'impression chimi- 
que, qu'on a nommée zi/nœgraphie. 

M. Joseph Trentsensky, inventeur d'une presse lithographi- 
que, à Vienne, reçut en 1822 une patente pour avoir remplacé 
les pierres lithographiques par des 'planches de zinc. Voici son 
procédé: il polit la planche avec de la pierre ponce, et y trace 
son dessin avec de l'encre ou du crayon lithographique. Après 
24 heures il acidulé avec de l'acide nitrique ou sulfurique très- 
étendu, passe à la gomme et encre comme dans la lithographie. 
Son encre se compose de 9 parties de cire, 4Vs de savon, 2 de 
gomme laque, 1*/» de sandaraque et 1 de noir de fiunée. Le 
crayon est formé de 4 parties de cire, 2 de suif, 5 de savon, et 
1 de noir de fumée. M. Gamen en Angleterre a procédé par 
une méthode semblable. En 1829 M. Breugnot, de Paris, fit des 
essais pour imprimer au moyen de planches de zinc de grandes 
cartes, qu'il appelait géoramas, et en 1834 il obtint une médaille 
et prit un brevet pour cette invention. A cette époque on s'oc- 
cupait en Allemagne, surtout à la lithographie royale de Berlin, 
de l'impression avec des planches de zinc, sur lesquelles on 
transportait par les procédés autographiques des écritures , des 
plans topographiques et d'autres dessins. M. Knecht (*), l'associé 
de Senefelder à Paris, avait déjà en 1822 composé des planches 
de zinc enduites pour la lithographie, mais elles éclataient trop 
&cilement à l'action de la presse. En 1840 il est parvenu à 
éviter ce défaut. Il a combiné une poudre pierreuse qui, délayée 
à l'eau alcaline, devient pâte, et s'adapte tellement bien au zinc, 
qu'on peut rouler la planche sans qu'elle éclate ou gerce. Dans 
l'espace de quelques heures on applique trois à quatre couches 
de cette poudre sur la planche métallique; on polit avec du pa^ 

(!) Technologiste. vol. 1. 1840, 356, 



880 

pier verre N* 0, ensuite avec un linge, et on a nn marbre dur et 
blanc, propre à remplacer la pierre lithographique. Ayant de 
trani^orter le dessin, on polit la planche avec du papier de 
soie; l'opération du reste est la même que celle sur pierre. 
La préparation chimique est un composé de 15 grammes de 
tannin ou de noix de galle pulvérisée, 80 de gomme arabi- 
que, 100 d'eau acidulée par l'acide nitrique marquant &*; on 
fait infuser 24 heures et on filtre. Après avoir laissé séjour- 
ner pendant quelques minutes cette liqueur sur la planche, 
on l'enlève à l'eau, et on encre. 

M. Enecht s'est préoccupé aussi depuis 1831 d'un procédé 
pour tracer, transporter et imprimer sur métal. Voici ce qu'il 
publiait en 1840 sur ce sujet: A l'exception du fer et du 
bronze, tous les autres métaux ont plus ou moins d'affinités 
chimiques pour recevoir ou repousser les corps gras. L'étain 
est trop tendre, les caractères s'élargissent; la planche s'altère 
facilement. Le zinc serait le plus convenable par la modicité 
de son prix et par l'étendue des dimensions sous lesquelles il 
est facile de l'obtenir; mais le zinc du commerce est trop 
aigre. Il faudrait pouvoir obtenir des &bricants du zinc allié 
à du bismuth, du laiton ou de l'étain; alors ce métal pour- 
rait offiir de grandes ressources pour l'impression chimique. 
Le cuivre jaune (laiton) est solide et donne un tirage pur et 
brillant. 

Voici la méthode de se servir d'une planche de laiton, qui 
du reste est la même pour tous les autres métaux. Lorsque 
la planche est bien polie et frottée avec de la craie et une 
feuille de papier de soie, on dessine à la plume ou au pin- 
ceau, en se servant d'encre composée de 4 parties de cire, 
5 de gomme laque, 3 de suif, 2 de mastic, 2 de savon, 1 de 
noir de fumée. Va de térébenthine de Venise. Le dessin ache- 
vé, on chauffe la planche à un feu tempéré; on trempe en- 
. suite un blaireau dans une préparation de 8 parties de gomme 
\ arabique, 2 de noix de galle, 1 d'eau-forte, 4 d'acide phos- 
1 phorique' et 30 d'eau ; puis on le passe plusieurs fois sur la 
I planche. Après quelques instants on enlève l'acide, en jetant 
1 de l'eau, et on essuie avec précaution. Lorsque la planche n'est 
/ plus que faiblement humide, on peut procéder au tirage. 



331 

M. KaeppeMn, possesseur du brevet de M. Garenac, à qui 
M. Breugnot Payait cédé, a publié en 1843 des Impressions 
qu'il appelait zincographes , et qui nyalisent avantageusement 
avec la lithographie. C'est surtout pour des objets de grandes 
dimensions, tels que cartes géographiques, devants de cheminée, 
etc^ que ce procédé' paraît le plus utile. M. Kseppelin a tiré 
d'un seul jet, avec une planche de zinc, une carte de 4 pieds 
sur six. M. Rouget, de Lisle, substituait en 1843 le zinc à la 
pierre, surtout pour les dessins et les impressions à l'usage de 
la tapisserie. 

Par le procédé appelé la Panélcono^aphiey inventé en 
1850 par M. Gillot, à Paris, on reproduit toute gravure lithogra- 
phique, autographique, ou typographique; tout dessin au crayon 
ou à l'estompe; toute gravure exécutée soit à l'eau-forte, soit 
au burin. 

Lorsque, sur une plaque de zinc, un report à l'encre lithogra- 
phique d'une gravure ou d'un dessin est opéré, on encre avec 
an rouleau ce report, puis, au moyen d'un tampon en ouate, on 
le saupoudre de colophane réduite en poudre impalpable, la- 
quelle adhère aux parties grasses et les sohdiôe. On place en- 
suite la plaque au fond d'une caisse remphe d'eau acidulée de 5 
jusqu'à 12'*, et, après une demi-heure d'im mouvement de bas- 
cule donné à la boite, le relief est obtenu si c'est un dessin au 
crayon. Si le dessin offire un travail en tailles plus espacées, on 
retire la plaque de temps en temps pour l'encrer fortement à l'en- 
cre lithographique, et, après avoir de nouveau enduit de colo- 
phane cet encrage, on réitère l'opération dans la boite remplie 
d'eau acidulée. Cette opération est répétée jusqu'à ce qu'on ait 
obtenu les creux nécessaires. Les grandes parties blanches sont 
enlevées à la scie à repercer. On imprime sous la presse typo- 
grs^hique. 

Dans les derniers mois de l'année 1844, on se préoccupait 
d'un nouveau procédé chimique de reproduction et de mul- 
tiplication, connu depuis sous le nom d'impresiioii ana» 
itattqaea Suivant le professeur Faraday, qui en 1845 avait 



882 

doimé quelques explications sur ce procédé à Ilnstitation ro7«ie 
de Londres, la théorie de l'impression anaâtadqae repose sur 
certaines propriétés des matières employées. Ainsi , par 
exemple, Feau attire l'eau, l'huile attire l'huile, tandis que l'une 
de ces substances repousse l'autre. L'huile humecte les mé- 
taux plus f^ilement que Feau; l'eau gommée les humecte 
encore mieux, et le meilleur moyen de les mouiller est une 
dissolution d'acide phosphorique étendue d'eau. Aux qualités 
de ces substances il ÙLUt joindre le principe fondamental du 
procédé, c'est-à-dire la facilité avec laquelle le noir d'une 
épreuve fraîche peut être transporté sur une surface plane. 
Ainsi, une feuille fraîchement imprimée, posée sur une feuille 
de papier blanc, et soumise à une forte pression, y déposera 
son impression très-nettement 

D'après ce qui précède, on s'explique en quoi consiste le 
procédé de l'impression anastatique: c'est un transport chi- 
mique , reposant sur l'attraction et la répulsion , et semblable 
pour le procédé au report lithographique. En conséquence, 
le papier imprimé , soit en typographie , soit' en taille-douce, 
doit être humecté par l'acide nitrique affaibli, et ensuite for- 
tement pressé sur une planche de zinc très-lisse. L'acide ab- 
sorbé par le papier attaque le métal, en même temps que 
l'encre graisseuse se transporte sur la planche qui l'attire, 
et à laquelle elle adhère. La planche ainsi préparée reçoit 
alors une couche de dissolution de gomme et d'acide phos- 
phorique, qui se combine avec les parties acidulées de la 
planche, et les humecte. H en résulte que lorsqu'on y passe 
un rouleau chargé d'encre d'impression, celle-ci ne se pose 
que sur l'encre transportée sur la planche, tandis qu'eUe est 
repoussée aux endroits humectés par l'acide et la gomme. 
Cette opération terminée, on peut tirer des épreuves de la 
même manière que par les procédés lithographiques. Pour le 
transport de vieiUes estampes ou de vieux livres, M. Faraday 
remarque qu'il faut les placer quelque temps dans une disso- 
lution d'alcali , et après dans l'acide tartrique jusqu'à ce que 
le papier ea soit bien pénétré. Les cristaux de tartre qui se 
forment repoussent l'huile, et rendent la feuille inprimée 



t^te à recevoir un encrage au rouleau, qui ùâk revivre le noir 
de l'imiNression sans s'attacher aux parties blanches du papier. 
Après eette opération délicate , qu'il faut pratiquer avec tout 
le soin possible, on lave bien la feuille pour faire disparaître 
complètement le tartrate, et l'on procède comme nous l'avons 
indiqué, en commençant par un bain dans l'acide nitrique. 

On attribue à M. BaLdermus, de Berlin, l'invention de l'im- 
pression anastatique. Au commencement du mois d'octobre 
1844, on reproduisit au moyen de ce procédé , dans un ate- 
lier de Berlin, quatre pages d'impression, contenant 3 gra- 
vures sur bois du journal anglais l'Athenaeum, appartenant au 
numéro publié à Londres le 25 septembre. Cette copie était 
nu fac-similé tellement parfait qu'on ne pouvait la distinguer de 
l'original. Une copie d'une feuille du journal l'Illustration avait 
été obtenue en moins d'un quart d'heure. Au fait, s'il s'agit 
de la copie d'une feuille fraîchement imprimée , il suffit de 7 
à 8 minutes , employées à Fabsorbtion de l'acide étendu , et 
du temps nécessaire pour placer une feuille de papier sur 
one lame de zinc, et tirer l'épreuve. Le 25 novembre de la 
même année, on obtint par le même moyen une copie d'un 
manuscrit arabe du xm* siècle, et la reproduction d'une page 
d'un livre de 1483. Ces copies n'avaient altéré en rien les ori- 
ginaux. 

L'imprimeur Joseph Words, à Londres, pratiqua l'impres- 
sion anastatique depuis le mois de février 1845 ; mais il ne re- 
produisait que des objets de petite dimension. 

Depuis 1850, la catégorie des impressions chimiques a été 
annexe d'une invention nouvelle , dont on tire un grand avan- 
tage, n s'agit de la chlmitypley dont l'origine par£^t appar- 
tenir à Fimprimerie impériale de Vienne (Autriche). Ce pro- 
cédé consiste à recouvrir une planche de zinc d'une couche 
de vernis de graveur , sur lequel on trace son dessin , que 
l'on fait mordre ensuite avec de l'eau-forte affaiblie. Après, 
on enlève le vernis, en lavant d'abord les creux avec de l'huile 
d'olive, ensuite avec de l'eau, et on essuie pour qu'il ne r^ste 
plus la moindre trace d'acide. Alors on met sur la planche 



334 

de zinc de la limaille de métal fusible, et on chauffe aa moyen 
d'one lampe à esprit^de-yin, jusqu'à ce que ce métal ait rem- 
pli toutes les parties gravées. Lorsque la plaque s'est refroi- 
die , on gratte tout le métal fusible qui se trouve sur la snr- 
&ee de la planche, en ne laissant que celui qui est dans les 
creux. Cela fait, la planche de zinc incrustée de métal fusible est 
soumise à l'action d'une faible dissolution d'acide muriatique; 
et, puisque l'un de ces métaux est négatif, et l'autre positif, 
le zinc seul est attaqué par l'acide , le métal fiisible résiste 
à son action corrosive, et reste en relief. On a donc trans- 
formé une planche gravée primitivement en creux en une plan- 
che en reHef, qui peut servir à l'impression sous la presse typo- 
graphique, et remplacer avantageusement les gravures sur bois. 

La lithographie était, dans l'ordre chronologique, le premier 
des arts graphiques de notre siècle dont les procédés ont 
pour base fondamentale une action chimique; nous avons dû 
commencer par elle. Nous l'avons fait suivre de plusieurs an- 
tres procédés, tels que le transport sur zinc, l'impression anas- 
tatique, la chimitypie, procédés opérant principalement sur des 
planches métalliques, et plus ou moins semblables aux opé- 
rations lithographiques. 

Nous allons maintenant voir la chimie jouer un rôle en- 
core plus grand dans le domaine des arts, liée intimement 
aux arts graphiques, d'abord pour reproduire, puis pour mul- 
tiplier, et représentée dans une série d'opératiohs et de pro- 
cédés nouveaux des plus remarquables. Dès l'année 1839 
commence une nouvelle époque, mémorable pour les sciences 
et les arts en général; importante au plus haut degré, en par- 
ticulier pour les arts graphiques. 

Les conquêtes précieuses faites en grand nombre depuis 
cinquante ans dans le domaine des sciences physiques et chi- 
kniques, prmcipalement dans le magnétisme, l'électricité, la 
photologie, l'optique, la métallurgie et la mécanique, ont sin- 
gulièrement augmenté et étendu le champ des connaissances 
humaines et enrichi le manuel de l'opérateur. L'application 
diverse des sciences^ leur liaison, toujours plus intime avec les 



3S5 

arts et les inâustries, le développement et le perfectioimement 
réciproques qui en découlent provoquèrent une foule d'opé- 
rations nouvelles, de procédés merveilleux et tout à fait in- 
connus jusqu'alors. Les plus remarquables parmi ceux-là , et 
qui entrent aussi directement dans notre cadre , sont la gal- 
vanoplastie et la photographie. 

Ces deux arts nouveaux ont été découverts presque en même 
temps, et chacun d'eux par plusieurs personnes à la fois. A 
cette occassion nous pouvons bien dire avec le savant Moi- 
gno: «n se passe dans le monde intellectuel des phénomènes 
semblables à ceux que l'on remarque dans le monde physi- 
que. A certaines époques, une grande idée envahit tout à coup 
un certain nombre d'esprits placés ordinairement à de grandes 
distances; obscure d'abord et peu avide, cette idée bientôt se 
développe et grandit, et on la voit éclore tout à coup sur 
plusieurs points à la fois. » 

GALVANOPLASTIE. 

OAIiVAlilSBIEa Aloïsio Galvani, de Bologne, en suspen* 
dant par hasard au balcon de sa fenêtre des grenouilles qu'il 
venait de disséquer découvrit, en 1789, l'existence de l'électri- 
cité dynamique ou en mouvement, et préluda ainsi à l'une des 
plus belles découvertes des temps modernes, celle de la pile 
électrique. Sa première pensée fut d'admettre dans les corps 
vivants la préexistence d'un fluide particulier, auquel il donna 
le nom de fluide gahardque, 

Alessandro Volta, de Côme, après avoir, en 1777, inventé Té- 
lectrophore et l'électroscope, inventa en 1801 la pile électrique, 
qui reçut le nom de pUe voltaiique, 

Volta ('), sans partager l'opinion de Galvani, admira beaucoup 
sa découverte; mais en l'étudiant il s'aperçut qu'un détail d'ex- 
périmentation avait été omis dans les déductions théoriques de 
Galvani, et il prétendit que ce détail à lui seul pouvait expli'^ 
qner la création de l'électricité produite* Ce détail était Tinter- 



(1) Les détails suivants sont tirés de l'Exposé des applicaioas de l'électricité, par 
H. Th. Dn Moncel, Paris, i853, vol. I*'. 



836 

?eiitioii de denz métaux di fféren te iiiiîb parle owtact Sathéoii» 
prévalut sortoat quand, pour prouver la vérité de son hypo- 
thèse, il imagina sa pila 

Poor expliquer la production de l'électricité par le ecmtact 
de métaux différents, Yolta admettait l'existence d'une certaioe 
force Uectromoifice qui devait se développer au moment de 
ce contact, et qui agissait comme le frottement en décomposant 
les fluides électriques des métaux, de telle manière que Vm 
se chargeait d'électricité positive et l'autre d'électricité n^ 
tive. n observa de plus, et c'est là véritablement la partie essen- 
tielle de la découverte, qu'en empilant, couple par couple, dans 
le même ordre, un certain nombre de disques métalliques de 
différente nature, par exemple, 50 disques de cuivre et 50 dis- 
ques de 2inc, et en séparant chaque couple par une rondelle 
de drap humide, on accumulait sur les deux disques extrêmes 
tous les 'effets électriques de chaque couple en particulier. H 
conclut naturellement que, plus cette pile ainsi formée aurait 
d'éJémenfe ou de couples , plus grande serait la charge électrique 
qu'il obtiendrait, et qu'en réunissant ces deux éléments extrê- 
mes, auxquels il donna le nom de pôles, par un condacteor 
métallique, on devait obtenir une décharge électrique incessante, 
puisque la cause qui développait la force électromotrice était 
permanente. 

Ce fiit ainsi que, sans s'en douter, dans l'origine et dans le 
but de soutenir son hypothèse contre la théorie de Galvani, 
Volta dota le monde d'une des plus remarquables découvertes 
de la science moderne. 

A l'époque de la découverte de la pile de Yolta, la chimie 
venait de sortir du domaine de l'alchimie, et commençait à for- 
mer une science importante, par suite des magnifiques travaux 
de Lavoisier, de Fourcroy et de Davy. 

Bientôt (en 1800) l'eau fut décomposée par l'action du con- 
rant voltaique, par MM. Carhsle et Nicholson. On reconnut en- 
suite l'influence différente exercée par les deux pôles de la pile 
par rapport aux acides et aux alcalis; mais ce ne fut que quand 
Davy décomposa la potasse, qu'on jugea de la puissance de 
cet élément extraordinaire. Dès lors on ne douta plus d'aucone 



337 

déeoraposîtion chimique , et les découvertes successives du prin- 
cipe métallique des bases saliôables, regardées jusque-là comme 
des corps simples, justifièrent pleinement cette prévision. Une 
seule de ces bases avait échappé à Davy, c'était l'ammoniaque. 
Mais en 1808 Seebeck, de Berlin, trouva également son prin- 
cipe simple, auquel il donna le nom d'ammonium, quoique ce 
principe simple fût lui-même , comme le cyanogène, un principe 
composé. 

Plus tard, les différentes et nombreuses découvertes faites 
par MM. Faraday, Becquerel, de la Rive, Schœnbein, firent des 
réactions électro-chimiques une des sciences les plus fertiles en 
application , utile surtout pour la galvanoplastie. 

Depuis la pile à colonne de Volta, qui fiit le point de départ 
de toutes les découvertes dans l'électricité dynamique, on a 
ùàt bien des espèces de piles. La pile à auges, la pile de Wol- 
iaston, la pile à hélices et la pile sèche de Zamboni , en furent 
les premières modifications. Mais les perfectionnements les plus 
importants n'y ont été apportés que quand on a pu constater 
Tinfluence des réactions chimiques dans la production de l'élec- 
tricité. 

Dès lors , abandonnant la théorie de Volta, on fit des piles à 
deux liquides, et ces piles si énergiques, si constantes dans 
leur action, furent Substituées avec infiniment d'avantage à 
leurs aînées dans toutes les expériences et les applications qu'on 
pouvait en faire. Ces sortes de piles sont assez nombreuses et 
ont des propriétés différentes. Ainsi celles de Bunsen produi- 
sent beaucoup d'électricité, mais elles sont dispendieuses, tandis 
que celles de Daniell, qui sont fort économiques, ont le grand 
mérite, quand il ne s'agit que de très-petits effets, d'être d'une 
régularité parfaite, et d'agir quelquefois des semaines entières. 

Premiers Indices de la galTanoplastle. Lorsque 
M. Daniell faisait les premières expériences avec la pile à effets 
constants qu'il avait imaginée, il remarqua, en enlevant un frag- 
ment de cuivre qui s'était déposé au pôle négatif, que les érail- 
lores de l'électrode ou conducteur platine s'étaient fidèlement 
empreintes sur le cuivre. 

i5 



338 

Une observation du même genre avait été faite par M. de la 
Rive peu de temps après la découverte de cette pile. Après 
avoir décrit une forme particulière de la pile de Daniell, à W 
quelle il donna la préférence, M. de la Rive ajoute : « La pla- 
que de cuivre est également recouverte d'une couche de cui- 
vre à l'état métallique, qui y est incessamment déposée par mo- 
lécules, et telle est la perfection de la feuille de métal ainsi 
tbrmée, que, lorsqu'elle est enlevée, elle offre une copie fidèle 
de chaque éraillure de la plaque métallique sur laquelle elle 
reparaît. » 

En considérant que la galvanoplastie est Fart en vertu du- 
quel on dépose sur un moule en creux ou en relief, formant 
l'électrode ou le conducteur négatif d'un appareil voltaïque, 
un métal dont les parties s'agrègent ensemble et prennent l'em- 
preinte de la surface du moule, les faits que nous venons de 
citer constituent l'origine de la galvanoplastie. Mais malheu- 
reusement ces observations ne semblent pas alors avoir attiré 
l'attention qu'elles méritaient; et ce qui parîdtra encore plus 
singulier, c'est que ni l'un ni l'autre de ces savants, quoique 
leurs titres scientifiques les rendissent éminemment propres à 
mettre ces faits en application, n'y songèrent point. 

DÉCOUVERTE DE IiA GAIiVANOPIiASTIB. Ce 

n'est que dix ans plus tard que le fait qui sert de base à la 
galvanoplastie, a été signalé d'une manière bien positive, et 
cela par deux savants, placés aux deux extrémités de l'Eu- 
rope, M. Thomas Spencer, en Angleterre, et M. le professeur 
Jacobi, en Russie, qui découvrirent, chacun de son côté, cet 
art nouveau {*). 

M. Thomas Spencer, jeune physicien de Liverpool, s'occu- 
pait, dans le mois de septembre 1837, à répéter les belles ex- 
périences de M. Becquerel sur la formation artificielle de^ 



(i) Voyez surtout : Exposit. et hisl. des principales découvertes scientifiques mu^ 
dernes, par M. Louis Figuier, Dr. Paris, 1851 . — Éléments d'Électro-Chimie, par 
M. Becquerel, Paris, 1843. — Archives de l'Électricité, par M. de la Rive, Genève et 
Paris, i84â, t. II. ~- Manuel de Galvanoplastie de M. Smée; trad. en français, Paris, 
184:), etc. 



Î539 

espèces minérales à l'aide d'tn courant électrique ; il se ser- 
vait à cet • effet du petit appareil de M. Becquerel pour pro- 
duire un courant électrique faible et continu, et dans lequel le 
seul couple voltaïque est formé par un disque de cuivre uni 
par un fil métallique à un disque de zinc. L'élément cuivre 
plonge dans une dissolution de sulfete de cuivre, l'élément 
zinc dans une dissolution de sel marin; les deux dissolutions 
placées dans des vases de terre sont séparées l'une de l'autre 
par un diaphragme ou une cloison poreuse de plâtre. 

Le fil conducteur de cuivre qui réunit les deux métaux est 
verni avec de la cire à cacheter; or le hasard voulut qu'en 
recouvrant ce fil de cire, M. Spencer en fit tomber sur le 
disque de cuivre quelques gouttes qui y restèrent attachées. 
De manière que, lorsque l'appareil fut mis en action, le cuivre 
réduit , en se déposant sur l'élément négatif, vint s'arrêter sur 
les bords des petites gouttes de cire tombées sur la plaque. Le 
métal précipité avait d'ailleurs toutes les qualités du cuivre pur 
de fusion. 

< Je compris aussitôt, dit M. Spencer, qu'A était en mon 
« pouvoir de guider à mon gré le dépôt de cuivre et de le cou- 
< 1er en quelque sorte dans les hgnes creusées avec une pointe 
« sur la plaque de cuivre vernie. » 

Une plaque de cuivre fut recouverte à chaud d'une couche 
de vernis , composé de cire jaune , de résine et d'ocre rouge ; 
avec une pointe métallique M. Spencer traça dans le vernis 
des lettres en mettant à nu le cuivre , comme dans la gravure 
à l'eau-forte, et il soumit la plaque ainsi préparée à l'action d'un 
courant voltaïque. A l'instant où le circuit fut fermé, le cuivre, 
provenant de la décomposition de ce dernier , vint remplir les 
sillons tracés sur le vernis et forma des caractères en relief. 
Dès l'année 1838, des épreuves obtenues avec cette planche à 
relief, imprimées sous la presse typographique, furent distribuées 
dans le public. 

Plus tard, en suivant le cours de ses expériences, M. Spen- 
cer fit une autre observation plus importante encore. Ayant 
besoin d'une plaque de cuivre pour former un de ces petits 
couples voltaïques, et ne trouvant point sous la main de disque 



Où 

de cui?re, il prit une pièce de monnaie et une rondelle de zinc, 
qu'il réunit avec un fil métalliqae. Ce couple fiit disposé comme 
à l'ordinaire et le dépôt commença à s'effectuer. Mais ec^sme, 
après quelques heures écoulées , l'expérience ne marchait p&s 
suivant son désir, il démonta son appareil et se mit à arracher 
par morceaux le cuivre réduit qui recouvrait l'élément négati£ 
n ne fiit pas alors peu surpris de voir tous les accident8 et 
tous les détails de la pièce de monnaie reproduits sur ces 
fragments de cuivre avec une fidélité extraordinaire. < Je ré- 
solus alors, dit M. Spencer, de répéter cette même e^érience 
en faisant usage d'une médaille de cuivre dont le relief serait 
considérable. J'en formai, comme auparavant, un couple vol- 
taf que ; j'y fis déposer une croûte de cuivre d'un millimètre d'é- 
paisseur environ, puis je détachai avec soin, mais non sans quel- 
que peine , le dépôt formé. J'examinai le résultat à la loupe, 
et je vis tous les détails de la médaille reproduits avec une 
merveilleuse fidélité sur la contre-épreuve voltaîque. > M. Spen- 
cer ne s'est pas borné à mouler en creux des monnaies, des 
Biédailles, il s'est servi encore des moules pour obtenir des 
contre-épreuves qui fussent des fac-similé de toutes ces piè- 
ces. De semblables pièces circulaient, à ce qu'il paraîtf à Liver- 
pool dans les premiers mois de 1838. 

Pendant que M. Spencer découvrait ainsi en Angleterre la 
galvanoplastie, M. le professeur Jaoobi, de Saint-Pétersbourg, 
parvenait par une autre voie à des résultats semblables. Ce fiit 
4 Dorpat, en février 1837, que M. Jacobi trouva imprimées sur 
«ne feuille métallique quelques traces microscopiques de cui- 
vre du dessin le plus régulier, et c'est en recherchant le mode 
de formation de ces empreintes et en essayant de les repro- 
duire , qu'il découvrit le fait capital de la plasticité du cuivre 
obten.u par la pile. H soumit à l'action de courants électriques 
d'une faible intensité des plaques de cuivre sur lesquelles il avait 
fait graver des lettres et des figures, et il réussit bientôt^ par 
des dépôts de cuivre occasionnés par la décomposition du sui- 
nte de cuivre, à obtenir en relief l'empreinte exacte du dessin 
gravé en oreux sur l'original. Une planche de ee genre fut pré- 
sentée à l'Académie des Sciences de Saint-Pétersbourg, ]b 5 
octobre 1838 (17 oct nouveau style). 



d4i 

Dané VAihefkBwm {*) û est dit positiTement que M. Jacébi 
avait trouvé tm procédé galvanique pour convertir en relief les 
lignes les plus délicates gravées sur une planche de cuivre. 
Dans une lettre de M. Jacobi adressée à M. Faraday, de Saint- 
Pétersbourg, sous la date du 21 juin 1839 (2 juillet), et publiée 
aa mois d'octobre de la même année dans le Fhilosophicàl 
Magasine, se trouve le passage suivant : < H y a déjà quelque 

< temps qu'en poursuivant mes recherches sur Pélectro-magné- 

< tisme^ je fus conduit, par un hasard heureux, à une décou- 
« verte importante : c'est que l'on pouvait, à l'aide d'un courait 

< voltaïque, obtenir des épreuves en relief de planches de cui- 
* vre gravées , et qu'une contre-épreuve de ces mêmes épreu- 

< T68 en relief pouvait également être obtenue à l'aide dû 

< même procédé. Nous possédons donc un moyen de multiplier 

< à l'infini les exemplaires d'une planche de cuivre gravée. » 
C'est dans cette même année 1839, que M. Jacobi fit la dé- 
couverte du système des anodes ou des électrodes solubles. 
Lorsque M. Jacobi commença à opérer, l'objet à copier âdsait 
loi-même partie de la pile galvanique, il formait l'élément né- 
gatif et plongeait dans la dissolution de sulfate de cuivre ; mais 
la dissolution s'épuisait peu à peu, et il était nécessaire de l'en- 
tretenir au degré de saturation, en lui fournissant de nouveaux 
cristaux de sel au fur et à mesure de leur réduction. Or, M. Ja- 
cobi trouva que si l'on attache le moule au pôle négatif, et que 
l'on dispose au pôle positif une lame du même métal qui est en 
dissolution dans le bain, cette lame, qui porte alors le nom d'a- 
node ou d'électrode soluble , entre elle-même en dissolution 
dans le bain en quantité à peu près égale à celle qui se dépose 
sur le moule. L'oxygène, mis en liberté par la décomposition 
de l'eau, se porte au pôle positif de la pile ; là il rencontre 
le métal et l'oxyde, c'est-à-dire le fait passer à l'état d'un com- 
posé susceptible de se dissoudre dans l'acide libre existant dans 
1& liqueur , et par cette action continue , à mesure qu'il se isXX 
^ pôle négatif un dépôt métallique aux dépens de la dissolu- 
tion saline, le cuivre attaché au pôle positif se dissout dans le 
liquide à pea près dans la même proportion. 

(1)N* 601, p. 334, mai, 1838. 



342 

La découverte des électrodes solubles a exercé une influence 
très-grande sur les progrès de la galvanoplastie. Elle a permis 
en effet de séparer le couple voltaïque qui engendre le courant 
de l'appareil dans lequel s'effectue l'empreinte. Le procédé de 
galvanoplastie est devenu par là beaucoup plus simple, le suc- 
cès plus assuré , et le temps dans lequel les résultats peuvent 
être obtenus infiniment plus court (Figuier). 

C'est aussi M. Jacobi qui a donné le nom de Galvanoplas* 
Ile à cet art nouveau. 

En 1839 cependant, et jusqu'à la publication de la lettre de 
M. Jacobi adressée à M. Faraday, et bien que M. Spencer et 
M. Jacobi eussent déjà fEdt circuler dans le public soit des mé- 
dailles appelées alors électrotypes ou voltaïtypes, soit des re- 
productions de planches gravées, à cette époque , disons-nous, 
les moyens d'exécution n'étaient pas encore bien répandus. 
Mais aussitôt qu'on eut connaissance de cette découverte , un 
grand nombre de personnes cherchèrent à en connaître les pro- 
cédés, à les modifier, à les perfectionner, et en faire de nouvel- 
les applications. 

M. Spencer, ainsi que M. Jacobi, n'opéraient que sur le cuivre. 
et il fallait trouver des moyens de réduction pour les autres 
métaux. C'est ce que l'on fit. Voici, selon M. Becquerel, les di- 
verses combinaisons métalliques qu'on emploie maintenant en 
galvanoplastie : , 

Les dissolutions d'or dont on fait usage sont celles de son 
oxyde dans la potasse ou la soude , ou simplement leur carbo- 
nate; le double cyanure d'or et le potassium, et enfin le chlo- 
rure d'or. On prend pour électrode positif, un fil fin de platine 
ou d'or. — Les dissolutions du platine sont les mêmes que cel- 
les de l'or ; un fil du même métal sert d'électrode. — Outre le 
cyanure d! argent^ on fait encore usage du nitrate, du sulfate, 
de l'acétate , de l'hydro-sulfate et de la dissolution ammonia- 
cale. On emploie pour électrode positif le platine et l'argent: 
le moule ou l'électrode négatif peut être d'or, de platine, de 
charbon, d'argent, ou d'une substance plastique recouverte d'un 
de ces métaux. — Sels de mckel ; le nitrate n'exige qu'un fai- 



343 

ble courant. — Le sulfate , le chlorure , le nitrate et l'acétate 
de cmmt sont les combinaisons employées, maïs surtout le pre- 
mier , en raison de son prix peu élevé. M. Smée compose sa 
dissolution de 600 gr. de nitrate de cuivre et d'un litre d'eau 
mdMe avec 16 gr. d'acide nitrique. L'électrode doit être en 
cuivre et de la même dimension que le moule. Quant au moule, 
il peut être fait de plombagine, de charbon, d'or, d'argent, de 
palladium, de nickel, et même de cuivre. 

Les sels de fer ont une grande tendance à être peroxydes ; 
dans cet état ils ne peuvent être réduits parle courant voltaï- 
que ; il faut donc employer le proto- sulfate de fer (Smée). — 
Le sulfate de zinc est celui qu'on emploie ordinairement. Le 
ptomô est un métal difficile à manipuler. L'acétate très-étendu, 
acidulé avec de l'acide acétique ou une petite quantité d'acide 
nitrique, est le sel^ que recommande M. Becquerel. — L^étain 
présente autant de difficultés à réduire en lame que le plomb : 
on se sert de la dissolution d'étain dans l'eau régale , acidulée 
par l'acide acétique ; il suffit d'un seul couple avec un électrode 
positif en étain, si l'on expérimente. A ces combinaisons métalli- 
ques que nous venons d'énumérer , il faut ajouter 8 espèces 
diiférentes de métaux nouveaux qui paraissent former des dé- 
pôts galvaniques précieux et qui pourront être très-utiles pour 
la fabrication de l'orfèvrerie massive ; ce sont tous des métaux 
fins, que nous devons aux travaux persévérants de M. Chau- 
dron-Junot; voici leurs noms : le chrome, le tungstène, le mo- 
lybdène, le titane , l'urane , le silicium , le magnésium et l'alu- 
minium. 

SUBSTANCES DONT ON FÔRIME LES MOU- 

ISBm Les substances dont on compose les moules sont de 
nature très-diverse: il y a des substances conductrices et d'au- 
tres qui ne le sont point. 

Snbstanoes oondnotricesa Parmi ces premières, en omet- 
tant les moules en or, en argent ou en platine, qui ne sont pas 
d'un usage ordinaire, vu leur prix trop élevé, nous remarque- 
rons le plomb pur. M. Spencer avait déjà pris des empreintes 



344 

de médailles, de caractères typographiques et des plaintes de 
cuivre gravées, sur des lames de plomb soumises à une forte 
pression. Mais, comme le plomb pur est difficile à se procu- 
rer, on fera bien de se servir du plomb réduit à l'état métal- 
lique par le courant galvanique; on obtient de cette manière 
un métal très-pur, se prêtant facilement à la pression. 

Cependant tous les objets à reproduire par la galvanoplastie 
ne supportent pas une pression aussi forte que celle qu'ejôge 
un moule pris en plomb, de sorte qu'on substitue de préférence 
des alliages de ce métal Ces alliages sont généralement connus 
sous le nom de métaux fimbles, parce qu'ils fondent à une 
basse température; ils se prêtent plus ou moins facilement au 
moulage, suivant leur composition. L'alliage qui sert à la ùàm- 
cation des caractères d'imprimerie, et qui se compose de 10 
kilogrammes de plomb sur deux d'antimoine , est le moins fu- 
sible et assez difficile à manier. — Le pewter ou soudure des 
plombiers, composé de 80 parties d'étain et de 20 de plomb; 
— l'alliage connu sous le nom de métal de Rose, qui fond à 
98* C. ; — le métal fusible de Newton; — la composition de C-J. 
Jordan, de 8 parties de bismuth, 5 de plomb et 3 d'étain; — le 
métal du D' Bœttger, composé de 8 parties de plomb , 8 de 
bismuth et 3 d'étain, qui fond à 86® R. (108» C); — et, enfin, 
le métal fusible inventé en 1806 par Darcet, mélangé de 8 par- 
ties de bismuth, 5 de plomb et 3 d'étain, ou bien de 8 de bis^ 
muth, 5 de plomb et 3 de zinc, fondant à 92*" C, sont les al- 
liages employés dans le moulage. Tous ces alliages ont plus ou 
moins les mêmes qualités et sont soumis aux mêmes manipu- 
lations , que M. Darcet nous décrit parfaitement : On fond le 
métal dans une cuiller ou poche de fer nunce au-deasns dPnne 
lampe, en la maintenant quelque temps en fusion ; puis o& le 
verse dans une boîte de carton ou de papier, en quantité suf- 
fisante pour former une couche de 2 à 3 lignes, suivant le re- 
lief de l'objet à clicher. Si cet objet oflà-e une grande surface, 
il faut verser le métal en fusion sur une franche de métal 
munie d'un rebord et chauffée légèrement Après avoir ôté, au 
moyen d'une baguette de fer rougi , l'oxyde qui s'est formé à la 
surface du métal, et lorsque le métal a pris la consistance d'un 



845 

état i^ftteiiz, Bloum l'ofatiet à elkher, légètemeni efasaffè s^ le 
p«ntiett ^r-^ fortement eompriraé dessus, on a» moyen de Is 
mam^ en à Paide d'une petite presse en bois à balancier. B 
âat, ponr cette opération, une certaine dextérité et quelque 
expérience pour bien rencontrer le degré de température et de 
pression voulu. De cette manière on peut mouler avec une 
grande perfection, en relief ou en creux, des objets de métal, 
de bois, de plâtre et même de soufre et de cire à cacheter, 
pourvu qu'ils n'aient pas un relief trop élevé. 

8iib«UBioe8 nen eondiietrioesa Parmi les substances 
non conductrices nous désignerons comme propres à en for- 
mer des moules : la cire à eaoheter, ou cire d'Espagne. Le D' 
Urey vecommande pour sa composition 4 parties de gomme la* 
gne, 1 de térébenthine, et 3 parties de matière colorante. 

L'emploi de la eke vierge est très-facile. Après avoir chauffé 
légèrement l'objet à mouler, on l'entoure d'un rebord en papier 
ou en carton, et on enduit sa surface d'une légère couche d'huile 
d'olive f c'est là- dessus qu'on verse ensuite la cire fondue préala- 
blement dans un vase de terre. Du même genre sont encore : la 
sikurvne^ — une composition de parties égales de cire jaune et 
de résine , — ou bien de cire et de blanc de céruse ; — ou enfin 
un mélange de 1 \ onces de blanc de baleine, de 1 '/4 once de 
cire et d'une quantité égale de graisse de mouton. Toutes ces 
compositions sont employées de la même manière et avec autant 
de succès que la cire vierge. On se sert également de la gékatme 
au moulage. M. de la Motte nous apprend qu'en général la géla- 
tine qui, une fois renflée, occupe le plus de volume, est la plus 
propre à cet usage. Les gélatines de Bonxwiller, de Guise ou 
de Rouen sont, sous ce rapport, les meilleures à employer. La 
gélatine est mise pendant douze heures en contact avec la pro- 
portion d'eau voulue, proportion qui varie entre 30 et 60 cen« 
tîmètres cubes pour 30 grammes de matière, puis soumise au 
bain-marié à une chaleur au-dessous de 100 degrés pour en 
opérer la dissolution. Après quoi on tgoute en mélasse un 
dixième dn poids de la gélatine. On a remplacé avec grand 
avantage la mélasse par la gh^eérinej substance oléagineuse qui 

13* 



346 

se nièle intimement à l'eau et qni est susceptible de modifier la 
gélatine de manière à lui enlever totalement sa contriMcUon. Dans 
ce cas, on scoute à 30 grammes de gélatine renflée par l'eau 
froide et chauffée au bain-marie, 5 à 10 centimètres cubes de 
glycérine. Ce mélange opéré, on coule la matière sur le modèle 
préparé, c'est-à-dire entouré de papier ou de carton et chauffé 
légèrement à l'étuve. Pour éviter le ramollissement des moules 
en gélatine, qui a lieu par un séjour prolongé dans un bain aqueux, 
on trempe le moule pendant quelque temps dans une solution 
tannique légèrement alcoolisée. 

Le ceumtchouc et la guUa-percha sont aussi employés pour 
former des moules, surtout la dernière substance. 

H n'y a que quelques années que ces deux matières sont d'un 
usage général en Europe. Vers le milieu du siècle dernier, 
le caoutchouc a été nommé dans un travail sur cette substance 
par La Contamine, mais il n'a été connu réellement que vers 
1790. Le 24 février 1839, M. Hayward prit en Amérique le pre- 
mier brevet pour la fabrication du caoutchouc. Le second bre- 
vet a été pris par M. Haucock, en Angleterre, le 21 novembre 
1843; enfin le 8 janvier 1844, M. Goodyear, Américain, demeu- 
rant en France, prit un brevet pour la préparation du caout- 
chouc, réunissant toutes les conditions. On peut dissoudre le 
caoutchouc de différentes manières : dans du sulfure de carbone 
ou carbure de soufre; dans de l'huile de naphte distillée, blan- 
che; dans du pétrole, ou huile de pierre chaude; dans de l'es- 
sence de térébenthine. 

Montgoméri acheta en 1822 quelques objets fabriqués par 
des Malais en gutta-percha, et les envoya en 1842 seulement 
en Angleterre. En 1843, José d'Almérida apporta ime certaine 
quantité de cette substance en Angleterre, et c'est dès ce mo- 
ment qu'elle fut connue. La France ignorait complètement la 
gutta-percha jusqu'en 1845. Depuis ce moment le commerce de 
cette matière est devenu considérable; en 1848 Singapore ex- 
porta en Europe 1,303,656 kilogrammes de gutta-percha, qui 
représentent 2 millions de francs. Pour ramollir la gutta-percha 
on la plonge dans un vase contenant de l'eau portée à l'ébuUition : 
la matière ne tarde pas à se ramollir; on la malaxe dans tous 



347 

les sens, et lorsqu'elle est bonne à travaillen le monle et la 
plaque de métal étant huilés et chauffés à Tétuve, on applique 
la matière plastique, que l'on comprime progressivement, afin de 
permettre à l'air de s'échapper, et de forcer la matière à péné- 
trer dans toutes les parties du moule ; puis on la laisse refroidir 
sous presse. Lorsqu'on opère à sec et à chaud, on chauffe un 
plateau à un feu doux, et lorsque le modèle, placé dessus, est 
arrivé à la chaleur de 100 degrés, on l'huile ainsi que la plaque 
et on place la gutta-percha, en l'entourant d'un cercle métalli- 
que comme on doit le faire pour l'opération humide ci-dessus 
décrite. 

La ϔle de poisson convenablement ramollie fournit aussi des 
empreintes d'une grande délicatesse. Pour les objets dont le 
relief est fouillé, on se sert de moules élastiques, qui sont com- 
posés de 12 parties de colle et de 3 parties de mélasse. M. Henri 
Beaumont Leeson fait ses moules élastiques de la manière sui- 
vante: 

On applique au pinceau sur l'objet à reproduire 4 ou 5 cou- 
ches d'une solution de colle ayant à peu près la consistance 
de la mélasse, puis on entoure l'objet d'un cercle de métal , ou 
d'une bande de carton, et on ajoute assez de colle pour que le 
moule ait une certaine consistance lorsqu'il sera sec. On aug- 
mentera la solidité du moule , en ajoutant à la colle un solution 
de caoutchouc, d'une autre gomme ou d'une substance rési- 
neuse. Si l'on veut qu'il ait à peu près la consistance d'un 
morceau de peau , il faut ajouter une solution de tanin. 

Le soufre fondu dans un vase de terre sur un feu doux , et 
versé sur l'objet huilé qu'on veut reproduffe , forme également 
im très-beau moule; mais cette matière présente un inconvé- 
nient grave ; le métal précipité n'est pas plutôt en contact avec 
le soufre, qu'il se combine avec lui pour former un sulfure , et 
le dénature tellement qu'il devient méconnaissable. Le seul moyen 
d'y remédier consiste à revêtir le soufre d'une légère couche de 
vernis, tel que le white-hard ou le mastic. Cependant, et malgré 
ce vernis, les empreintes en soufre ne répondent pas à l'attente 
deg( opérateurs. 

Le fiâtre^ au coïitrabre, et surtout le plâtre dç Paris, est e^- 



348 

cellenl^ pour former des rnooles. On l'emploie récemment cuit, 
ou on le chauffe sur le feu jusqu'à ce que les gaz se soient dé- 
gagés. Après l'ayolr mêlé avec de Feau, de manière à lui donner 
la consistance d'une crème, on le gâche , et on en verse une pe- 
tite quantité sur l'original entouré d'un rebord et huilé, en frot- 
tant toutes les parties perpendiculairement ayec un pinceau en 
soie de cochon, pour 6ter les bulles d'air. On ajoute ensuite une 
autre quantité de plâtre pour donner à l'empreinte une épais- 
seur suffisante. Lorsque le plâtre est sec, il acquiert une grande 
dureté, mais aussi il a une grande affinité pour l'eau , et en ab- 
sorbe passablement Pour obvier à cet inconvénient, on enduit 
les moules en plâtre d'une substance grasse , telle que le suif^ 
la stéarine, le blanc de baleine , la cire vierge , la dre et la co- 
lophane , l'huile de lin , le vernis au mastic , le vernis blanc et 
plusieurs autres. On applique ces substances, ou chauffées ou 
bouillantes , sur les moules également chauffés , et l'on prend 
garde de ne pas former épaisseur sur le moule. 

La nouvelle matière plastique récemment inventée par M. So- 
rel pourra aussi servir avantageusement pour fdrmer des mou- 
les. «Elle consiste, dit M. Sorel, en un oxychlomre basique de 
zinc. On l'obtient en délayant de l'oxyde de zinc dans du chlo- 
rure liquide de la même base, ou dans un autre chlorure iso- 
morphe au chlorure de zinc , par exemple , du protocMorure de 
fer , de manganèse , de nickel , de cobalt , etc. On peut même 
remplacer ces chlorures par de l'acide chlorhydrique simple. Ce 
ciment est d'autant plus dur que le chlorure est plus concentré, 
et l'oxyde de zinc plus lourd; j'emploie des résidus lavés provenant 
de la fabrication du blanc de zinc, ou bien je calcine à la chaiear 
rouge du blanc de zinc ordinaire. J'emploie du chlorure de zinc, 
marquant 50 à 60 degrés à l'aréomètre de Beaumé; si on dé- 
passait cette densité le ciment serait un peu hydrométrique; et 
pour que le ciment prenne moins vite , je fais dissoudre dans le 
chlorure environ 3 pour cent de borax ou de sel ammoniaque, ou 
bien jé^calcine l'oxyde après l'avoir délayé avec de l'eau conte- 
nant une petite quantité de borax. Le mastic ou ciment obtenu 
par la combinaison des substances ci-dessus, peut être coulé 
dans des moules comme du plâtre ; il est aussi dur que do 



849 

marbre; le froid, rhumidité et même Peaa bouillante sont sans 
action sur lui; il résiste à 300 degrés de chaleur sans se désa- 
gréger, et les acide» les plus énergiques ne l'attaquent que très- 
lentement Et, à toutes ces qualités, il faut ^jouter le bon 
marché. » 

llëlàlMflailoB déB moidei« Nous avons dit que tout 
corps conducteur peut être employé à former un moule propre 
à la galvanoplastie , mais , s'il n'est pas conducteur comme les 
sabstuices que nous venons d'énumérer, on lui donne cette fa- 
culté en recouvrant sa surface d'une couche métallique infini- 
ment mince. Les corps conducteurs propres à cet usage sont 
les métaux tels que les poudres de bronze ; le cuivre réduit et 
porph3rrisé; l'argent; le mélange*de zinc et de cuivre porphy- 
risé; l'oxyde de cuivre; le chlorure d'argent; l'azotate d'argent 
en dissolution , réduit directement, soit par la lumière, soit par 
Fhydfogène ; ou les vapeurs phosphoreuses, le charbon bien re- 
cuit , et la plombagine. 

Cette dernière substance avait été introduite dès l'origine de 
la galvanoplastie, en 1840, par M. Murrey, en Angleterre, en- 
suite par M. Boquillon en France, et bientôt aussi par MM. Spen- 
cer et Jacobi; l'introduction de cette substance dans les opéra. 
tions galvanoplastiques , permit d'effectuer les dépôts métalli- 
ques à la surface de presque tous les corps indifféremment , et 
exerçait ainsi une influence très-grande sur le développement 
et les applications plus étendues de la galvanoi^tie. La plom- 
bagine, nonunée aussi graphite ou mine de plomb, composée de 
fer et de carbone (de là son nom technique, carbure de fer), est 
encore aigourd'hui la substance la plus généralement employée 
pour donner la conductibilité aux moules non conducteurs. Elle 
offire le triple avantage d'être simple, certaine et économique. 

Voici comment on opère généralement la métallisation: Le 
moule sera lavé, soit avec de l'alcool, soit à l'éther, pour ôter 
les parties grasses de la surfeuse , on versera ensuite de l'ammo- 
niaque, qu'on laissera évaporer; après quoi on applique, à 
l'aide d'un blaûreau, la plombagine lavée, soit à sec, soit dé- 
layée dans l'eau; on laissera sécher et on brossera avec un ai^« 



350 

tre blaireau doux et sec jasqa'à ce que le moule soit bien brfl- 
lant. Quant aux moules dont la composition est formée de corps 
gras, on versera simplement dessus de l'ammoniaque, qui dans 
ce cas n'agira que pour mouiller la sur&ce du moule et faire 
adhérer la poudre métallique. 

Pour revêtir les matières animales, végétales et minérales, 
d'une couche de métal très-mince , destinée à les rendre con- 
ductibles, M. Spencer recommande l'opération suivante : L'objet 
à copier doit être frotté avec une petite quantité d'une dissolu* 
tion d'un sel d'or, d'argent ou de platine, et dans, cet état on 
doit l'exposer à la vapeur du phosphore , obtenue par l'évapo- 
ration d'une solution éthérée ou alcoolique de ce dernier ; alors 
un dépôt métallique en couche très-mince aura lieu à la sur- 
face de l'objet, qui deviendra ainsi bon conducteur. 

Pour métalliser les moules à haut relief on se sert de sels 
métalliques (des sels de plomb, de mercure, d'argent, d'or ou de 
platine). On verse sur toutes les parties du moule de l'ammo- 
niaque qu'on laisse évaporer, puis à l'aide d'un pinceau on 
l'imprègne d'azotate d'argent qu'on laisse sécher, et on ex- 
pose à la chaleur ou à la lumière. La solution d'azotate d'ar- 
gent est composée de 10 grammes de sel pour 100 centimètres 
cubes d'eau. Si le moule est en cire ou en matières résineuses, 
il faut composer la solution de 10 parties d'eau distillée, 8 azotate 
d'argent et 4 gomme arabique. 

M. le professeur Osann (^ ) a trouvé un moyen nouveau pour mé- 
talliser les moules en plâtre : il plonge le moule, à plusieurs re- 
prises, dans une dissolution concentrée d'oxyde de cuivre sul- 
faté, jusqu'à ce qu'il soit bien pénétré d'acide. Après l'avoir laissé 
sécher, on pend le moule au moyen d'un fil dans un verre, an 
fond duquel on a déposé quelques morceaux de phosphore sur 
lequel on verse de la potasse qui doit le couvrir complètement. 
Après l'avoir fermé hermétiquement au moyen d'un bouchon et 
de la cire , on introduit dans le vase deux tuyaux de verre à 
travers le bouchon; l'un plonge dans un autre vase contenant 
de l'eau , et l'autre dans un vase bouché qui contient quelques 

(1) Journal fUr praktische Chimie, 1855. n*20. 



351 

morceaux de zinc , sur lesquels on verse de l'acide sulftirique, 
à l'aide d*un entonnoir de verre qui traverse le bouchon de ce 
tr(»sième vase. Il se forme ainsi du gaz hydrogène qui se ré- 
pand dans le vase contenant le moule. On chauffe ce vase avec 
une lampe à esprit- de-vin jusqu'à ce qu'il se forme des bulles 
de gaz hydrogène phosphore à la surface du liquide ; le gaz 
hydrogène décompose le sulfate de cuivre dont est pénétré lo 
moule , et celui-ci devient noir. 

Alors on éteint la lampe en laissant refroidir le verre, pour 
éviter la formation d'eau sur le moule ; après le refroidissement, 
on peut de nouveau réchauffer pour répéter la même opération ; 
au bout de trois fois le moule est parfaitement pénétré de 
phosphate de cuivre. C'est dans cet état qu'on plonge le moule 
dans le bain galvanique et on opère comme d'habitude. Le dé- 
pôt se fait plus facilement parce qu'il n'y a pas d'enduit d'huile 
ou de graisse sur le moule. 

M. Lockey a essayé avec succès, pour les moules, un mélange 
de plombagine, de cire et de stéarine , qui ne gâte nullement le 
bronze des médailles. Les proportions sont des parties égales 
de stéarine et de cire , avec environ */« partie de plombagine. 

M. E. Mayo recommande un mélange de cire blanche et de 
blanc de plomb très-fin pour le même usage. 

AppareilSa Nous n'entreprendrons pas la description des 
différentes piles voltaïques employées dans les opérations gal- 
vanoplastiques, nous renvoyons à cet effet aux ouvrages spéciaux 
qui traitent de ce sujet 

De toutes les piles, celles qui résument les qualités requises 
en galvanoplastie, à savoir une réduction prompte et abondante 
du cuivre dans le moins de temps donné, ainsi que l'économie, 
ce sont les piles basées sur le système de Smée, piles marchant 
à un seul liquide , produisant de grandes quantités d'électricité 
et réduisant beaucoup de cui^Te. CeUe dont l'efiicacité est sipé- 
rieure est celle de Walker. 

Selon M. Becquerel, en galvanoplastie, on peut à volonté em- 
ployer l'appareil simple ou l'appareil composé. « Les effets pro- 
« duits dans les deux cas sont à peu près les mêmes ; néanmoins 



362 

le dernier appareil doit avoir la préférence, à cause de l'em- 
ploi de l'électrode du même métal que celui qui eât diflsous, 
et que nous appellerons électrode soluble; Tappareil, qulyarie» 
suivant que la surface a des saillies ou des dépressions sen- 
sibleS; est composé d'une caisse rectangulaire en matière pen 
susceptible d'être attaqué par les dissolutions , laquelle est par- 
tagée en deux compartiments par une cloison perméable au 
liquide, appelée diaphragme. Si celui-ci est en plâtre , il est 
facilement attaqué par les dissolutions acides ; néanmoins il 
peut durer plusieurs mois ; seulement il ne faut pas lui donn^ 
trop d'épaisseur, afin de diminuer le moins possible l'inten- 
sité du courant. Le diaphragme doit être mince, et d'autant 
pins que le plâtre est gâché plus serré. 

« Le premier compartiment contient une dissolution faite à 
ôroid de sulfate de cuivre ou d'un autre sel, pour qu'il n'y ait 
pas de cristaux, et dans laquelle plonge le moule à quelques 
centimètres du diaphragme. Dans le deuxième compartiment 
se trouve de l'eau légèrement acidulée , en contact avec une 
lame de zinc d'une surface à peu près égale à celle du moule. 
La lame est placée à un centimètre, un centimètre et demi des 
parois ; on étabht ensuite la conductibilité métallique entre les 
moules métalUques et le zinc. 

«L'eau acidulée peut être remplacée par une solution de 
sulfate de soude ou de sel marin, mais l'eau acidulée vaut mieux? 
parce qu'on évite l'encroûtement sur la surface du ^nc, lequel 
ne tarde pas à s'opposer à l'action du liquide sur le zinc. Pour 
que la dissolution de sulfate de cuivre soit au même degré de 
saturation, on place au-dessus un panier rempli de cristaux de 
sulfate ; un sac de toile remplit le même effet. Pour éviter la 
cristallisation, on maintient la température de 40 à TO". Mal- 
gré cela, la «aturation est toujours plus grande au fond que 
dans le haut, ce qui exige que l'on retourne le moule de temps 
en temps: il faut le faire rapidement pour éviter l'oxydation. 
Un autre inconvénient est l'épaisseur inégale du dépôt, tou- 
jours plus abondant à l'extrémité opposée du point d'attache 
qu'à ce point même. Pour y parer, il faut placer plusieurs con- 
ducteurs suffisamment longs aux deux extrémités du moule, 



353 

en ayant soin de relever derrière ceux qui sont fixés au bord 
inférieur. Pour obtenir un dépôt régulier, à part la formation 
d'un bourrelet sur les bords, on peut se servir de l'appareil 
suivant, formé d'une caisse rectangulaire ou cylindrique dans 
laquelle on en met une autre de même forme, dont le fond est 
un diaphragme maintenu convenablement aux parois de la 
caisse ; à 7 ou 8 centimètres du fond se trouve le moule placé 
horizontalement sur un support. Le vase, à fond perméable, 
est rempli d'eau acidulée dans laquelle plonge une lame de 
zinc horizontale, ayant à peu près les mêmes dimensions que 
celles du moule. On ferme ensuite le circuit Au moyen de 
cette disposition , le cuivre recouvre d'une manière uniforme 
le moule. Quand on juge que le dépôt a acquis assez d'épais- 
seur, on lave les pièces à grande eau et on les sèche avec du 
papier buvard. 

« Au heu d'un appareil simple disposé conune nous venons 
de le dire , on peut réunir plusieurs appareils simples ensem- 
ble , de manière à former une pile , en faisant communiquer 
l'électrode négatif de l'un avec le zinc de l'autre, et ainsi de 
suite, jusqu'à ce que le circuit soit fermé. 
« Si l'on compare le mode d'action des appareils simples à 
celui des appareils composés, on est disposé à donner la pré- 
férence à ces derniers, en raison de l'avantage que l'on a d'a- 
voir toujours une dissolution métaUique au même degré de sa- 
turation. Mais d'un autre côté, les appareils simples ont pour 
eux une grande simphcité, ce qui permet d'opérer sans l'em- 
ploi de couples voltaïques à courant constant > 

Après avoir fait connaître les métaux réductibles par la pile, 
les moyens de former les moules, leur métalhsation, les appa- 
reils et les règles générales de la galvanoplastie , passons aux 
apphcations. 

APPUCATIONS DE IiA GAIiVAHOPIiASTIB. 

Dès que la galvanoplastie eut été lancée dans le domaine pu- 
blic, un grand nombre de savants et d'industriels de tous les 
pays s'en occupèrent, et tous leurs efforts eurent pour but d'en 



354 

modifier les opérations, de perfectionner les procédés , afin d'é- 
tendre et de varier les applications dont cet art noa^eau est 
susceptible. 

M. Spencer, dans l'application électro-chimique des métaux et 
des oxydes sur d'autres métaux , avait constaté le fait suivant : 
D'un côté , on dépose un métal sur un autre , auquel il adhère 
assez fortement pour que l'on ne puisse l'en séparer par des 
moyens mécaniques autres que la lime ; et de l'autre côté , on 
dépose également un métal ^ur un autre ; mais cette fois il ne 
doit plus y avoir adhérence entre les deux métaux, car sans cela 
on ne pourrait séparer du moule le métal déposé. Ce fait im- 
portant divise l'électro-chimie en deux branches : la dorure, l'ar- 
genture, etc., et la galvanoplastie proprement dite. 

La première catégorie d'opérations a pour but de donner aux 
métaux ordinaires une apparence de métaux fins , de garantir 
les métaux oxydables de toute altération, de procurer une ap- 
parence métallique et une plus grande solidité aux objets for- 
més d'une matière fragile, telle que poterie, verrerie, porcelaine, 
plâtre; et de revêtir les métaux des couleurs les plus brillantes 
pour les embellir. 

La seconde catégorie d'opérations sert à reproduire et à mul- 
tiplier en relief ou en creux des objets gravés ou moulés, ou de 
graver directement des planches propres au tirage. 

Ceci établi, examinons successivement tous ces divers genres 
d'applications ; nous ne le ferons que sommairement touchant 
la première catégorie, pour nous arrêter davantage à la seconde. 

Dépôts mëtalliqnes adhérents- Brugnatelli, élève et 
collaborateur de Volta. paraît être le premier qui ait observé que 
l'on peut dorer au moyen de la pilo. Effectivement on lit dans 
le journal de chimie et de physique de Van Mons, de 1803, une 
lettre de Brugnatelli, dont voici le passage y relatif: « J'ai der- 
« nièrement doré d'une manière parfaite deux grandes médail- 
« les d'argent, en les faisant communiquer, à l'aide d'un fil d'a- 
« cier avec le pôle négatif d'une pile voltaïque, et en les tenant 
« l'une après l'autre plongées dans Fammoniure d'or nouvelle- 
* raent fait et bien saturé. » 



356 

Mais . ces essais n'eurent alors point de suite. 

En fouillant dans Phistoire, on prétend même que les Egyp- 
tiens avaient eu connaissance de Félectro-métallurgie, et qu'ils 
avaient doré et argenté le cuivre , et fait des revêtements mé- 
talliques sur des objets de terre et de verre, au moyen de l'élec- 
tricité ; c'est ainsi du moins qu'on s'explique les couches minces 
d'or et de cuivre que l'on trouve sur des vases et d'autres ob- 
jets semblables, Revêtements métalliques parfaitement cohérents 
et sans trace de soudure. 

M. de la Rive est le premier sans aucun doute qui (au com- 
mencement de l'année 1840) ait réalisé l'idée d'appliquer l'or 
sur les métaux en faisant usage des appareils simples de M. Bec- 
querel {*), M. de la Bive a rendu un immense service aux arts 
et aux industries, surtout aux industriels, en substituant à la 
méthode dangereuse et nuisible du dorage au mercure , son pro- 
cédé de dorage électro-chimique. 

Aussitôt que le public eut connaissance du procédé de dorure 
dont M. de la Bive venait de doter l'industrie , de toutes parts 
on se mit à l'œuvre pour le rendre pratique. M. EUdngton et M. 
Ruolz y ont successivement introduit des modifications, et l'ont 
étendu au dorage sur le platine, l'argent, le cuivre rouge, le lai- 
ton, le bronze. Pour dorer l'acier, le fer etl'étain, il fallait ap- 
pHquer préalablement sur la surface une pellicule mince cuivreuse. 
M. Sturgeon parvint à dorer des ressorts de montre, des aiguil- 
les de boussole et autres objets en acier, sans avoir besoin de 
les cuivrer préalablement. M. Bœttger perfectionna aussi la mé- 
thode de M. de la Rive. Enfin, dans l'espace de trois ans, l'art 
de la dorure électro-chimique avait fait des progrès rapides, 
grâces aux travaux de MM. Becquerel, Dumas, Jobard, Barcet, 
Spencer, Steinheil, Elsner, Fehling, Graeger, Selmi, Hœule, 
Philipp, Hossauer, Desbordeaux, Mourey, Jervreinoff, Walcker 
et d'autres. 

On est arrivé ainsi à appliquer la dorure électro-chimique aux 
ouvrages de cuivre , de laiton, d'argent, de maillechort, d'acier 
et de fer. On est parvenu aussi à dorer des feuilles et des fleurs 

(il Éléments d'Élcclro-Chimic. 



356 

de plantes diverses. La dorure tst employée dans lllorloifeile. 
la bijouterie et l'orfèvrerie. Le coutelier et Parmurier s'en ser- 
vent pour décorer leurs instruments et leurs armes ; le fabricant 
de tabatières en papier mâché l'emploie pour ses charnières. 
On a trouvé le moyen de dorer des tissus, des blondes et les 
denteUes les plus fines , en conservant leur forme et leur sou- 
plesse. 

Enfin nous avons appliqué la dorure électro-chimique de M. 
de la Rive d'une manière spéciale à la gravure à l'eau-forte. Au 
Heu du vernis de graveur ordinaire, nous nous sommes servi 
d'une couche d'or très-mince déposée sur la planche de cuivre 
par la pile voltaïque. Cette couche d'or n'offrait pas plus de ré- 
sistance que le vernis pour le travail à la pointe , et elle était 
cependant assez forte pour résister au mordant. Le portrait du 
statuaire Chaponnière, que nous avons gravé de cette manière, 
et qui a été présenté à l'Académie des sciences, le 30 nov. 1840, 
par M. de la Rive, a parfaitement réussi ('). Nous avons essayé 
aussi de graver des planches de cuivre platinées par M. Melly, 
de Oenève, mais sans succès. 

L'argenture s'applique sur l'or, le platine, l'étain, le fer, l'a- 
cier et particulièrement sur le cuivre dans la fabrication du pla- 
qué. Cette dernière application a été faite avec succès par M. 
Belfield Lefévre. MM. Drayton et Power, ainsi que M. Dela- 
mot'e, pratiquent l'argenture électro-chimique en grand et avec 
succès. Le platine, le palladium, le nickel, le cobalt se déposent 
sur le cuivre et d'autres métaux. On effectue avec avantage dans 
les arts des revêtements de métaux avec l'étain, le plomb et le 
zinc. M. Bernard met en usage les procédés que M. de Ruolz 
a inventé pour la formation électro-chimique du laiton, en fabri- 
quant des objets en fer cuivré, tels que clous, fils, pièces de con- 
structiçns et d'ornements. La compagnie de Coaldbrookdale en 
Angleterre s'occupe de la production des mêmes objets. 

M. de Ruolz obtient par la pile un dépôt de brcmze, au moyen 



{i) M. Jobard, de Brnxelles^ réclame, dans l'Éclio du monde savant du 2 décembre 
1840, la priorité de celte invention. Nous ferons observer que nous n'avons pas pré- 
tendu à l'invention de ce procédé, mais que nous l'avons appliqué le premier, et sans 
avoir eu connaissance de l'idée de M. Jobard.^ H. H. 



dWe diflSolQtion de cui?re et de zinc dans des proportions eon^ 
venables pour le former ('). 

Le cuivre ne s'applique pas seulement sur la tôle, la fonte et 
d'autres métaux, mais encore sur des substances non conductri- 
ces, en les recouvrant préalablement de plombagine. On cuivre 
ainsi des fruits, des légumes, des grains, des feuilles; des vases 
en terre, en verre et en porcelaine ; des objets de vannerie. M. 
Stiegelmayer , sculpteur bavarois, en 1843 , et M. Homaletsch, 
de Vienne, en 1845, ont tous les deux recouvert des statues co- 
lossales d'une couche de cuivre, qui rend avec la plus rigoureuse 
exactitude les détaQs les plus délicats. M. Stiegelmayer a aussi 
employé son procédé pour de petits objets, tels que des fleurs, 
des plantes et même des insectes. De ce genre sont encore les 
fleurs et les plantes naturelles recouvertes de cuivre argenté ou 
doré par la pile qu'un artiste de Paris, M. Gervaisot, avait ex- 
po8$ en 1855. 

Mais l'emploi le plus étendu des procédés de revêtement de 
cuivre au moyen de la pile , est pratiqué dans l'usine électro- 
métallurgique de M. Oudry , où l'on s'occupe principalement à 
revêtir économiquement de cuivre , le bois, les métaux et toutes 
sortes de surfaces, entre autres les grandes pièces de machines. 
Pour remplacer les cuves de bois qui servent à contenir les dis- 
solutions, et qui ne peuvent dépasser une certaine grandeur sans 
se rompre , M. Oudry a pris le parti de creuser dans le sol des 
fosses, pour recevoir des moules de toute dimension. M. Oudry 
avait présenté à l'Exposition de 1855 un modèle de bâtiment 
dont la coque avait été revêtue, à l'extérieur, d'une couche de 
cuivre. 

M. Becquerel a imaginé une application très-ingénieuse de l'é- 
lectro-chimie, en revêtant les divers métaux des couleurs les plus 
brillantes. A cet effet on se sert d'une dissolution d'oxyde de 
plomb dans laquelle se trouve un vase poreux avec une plaque 
de platine et de l'acide nitrique; la plaque de platine est mise 
en rapport avec le pôle négatif et l'objet à colorer avec le pôle 
positif: lorsque le circuit est fermé, il se forme des dépôts d'o- 

(1) Voyez la recette da Dr li^rea, et Mecbanic Magazine. 



xyde de plomb extrêmement fins qui produisent les couleurs. LW 
et le platine se colore le mieux. Le fer, ]e cuivre ou d'autres mé- 
taux qui s'oxydent facilement sont dorés préalablement. Comme 
la plupart des couleurs produites sont transparentes, leur coloris 
est modifié par la couleur du métal à colorer. Sur For on peut 
produire un bleu pur, mais toujours un peu verdâtre, tandis que 
sur le platine ou obtient le plus beau bleu. Sur cuivre les cou- 
leurs sont toujours rougeâtres, et sur le fer et l'acier toutes les 
couleurs sont plus foncées. L'adhérence est telle qu'on peut po- 
lir avec du rouge. Ce procédé a trouvé son emploi dans mainte 
industrie ; entre autres pour les aiguilles de montre, telles qu'on 
les fait dans les ateliers de MM. Lequin et Comp. à Genève. 

M. Brockelsby a réussi à imiter de la même manière les cou- 
leurs de la nacre de perle. 

Dépôt mëtalliqae non adhérent. La gcUvanopîasHe 
proprement dite a pour but la reproduction des objets reliefs 
ou creux ou de les graver directement. MM. Spencer et Jacobi ont 
commencé par reproduire des monnaies et des médailles. De- 
puis on a beaucoup perfectionné les procédés , et l'on obtient 
maintenant des reproductions parfaites, et de toutes dimensions 
et de tous reliefs, de monnaies, de médailles, de camées, de pier- 
res gravées, de sceaux, de cachets et de timbres, enfin de tout ce 
qui entre dans le domaine de la glyptique. 

Si les objets à reproduire sont conductibles , on opère direc- 
tement sur les pièces originales qui représentent l'électrode né- 
gatif; on obtient ainsi Fimage en creux, que l'on met de nouveau 
en expérience pour l'avoir en relief. Si les objets ne sont pas con- 
ducteurs, il faut, ou les enduire d'une couche métallique, on en 
prendre un moule comme nous l'avons déjà indiqué. 

Une des belles applications de la galvanoplastie est celle de 
la reproduction des bas-reliefs, de bustes, de statues, de tous les 
objets de Fart de la sculpture et du fondeur. 

Pour les objets de peu d'étendue on procède comme ci-dessus ; 
s'il s'agit d'un objet en ronde bosse de petite dimension, tel 
qu'une statuette, un vase, etc., etc. : après avoir préparé avec la 
plombagine Fintérieur de toutes les pièces du moule, on les as- 



359 

semble et les soude avec du plâtre, on établit les communications 
avec l'appareil voltaïque et on procède au dépôt métallique. 

Quand Foriginal a des dimensions telles qu'il faille employer 
des vases d'une grande capacité , on emploie le moyen suivant :' 
On joint les différentes pièces du moule ensemble avec de la 
cire ou du plâtre rendu imperméable, de manière à former une 
capicité propre à recevoir la dissolution. On se sert d'une forte 
batterie et d'une dissolution un peu étendue. On en agit ainsi 
parce que le volume de la batterie n'est pas proportionné à Té- 
tendue de la surface de l'original. Le morceau de cuivre qui forme 
l'électrode positif doit avoir la pli^s grande étendue possible, et 
être placé très-près du moule en plâtre, afin de diminuer la ré- 
sistance du courant au passage. L'épaisseur à donner au cuivre 
dépend de la grandeur du sujet. 

On peut obtenir une ronde bosse d'une seule pièce; mais, 
s'il est en parties séparées, on les soude, non pas comme à 
l'ordinaire, mais par les procédés électro-chimiques. Dans le 
premier cas , et pour faciliter le dépôt, on se sert de plusieurs 
conducteurs; c'est ce mode, employé depuis longtemps, que 
M. Lenoir vient de perfectionner récemment, en introduisant 
dans le creux du moule un faisceau de fils de platine servant 
de conducteur ; ces fils suivent intérieurement la forme du moule 
sans y toucher nulle part, et y déposent uniformément le métal 
du bain. 

C'est de ces différentes manières que la galvaribplastie a pro- 
duit des objets de sculpture et de la statuaire très-considérables. 
N^ous remarquerons, entre beaucoup d'autres, le buste du roi 
de Prusse, qui, ^yec la colonne de son piédestal , a une hauteur 
de quatre pieds. Ëa statue colossale du Christ , d'après la sculp- 
ture de Thorwaldsen , la tète antique de Junon avec le buste 
restauré par le sculpteur Eauch , et les battants de la porte de 
l'église de Wittemberg, avec les 96 thèses de Luther; toutes ces 
galvanoplasties sortent des ateliers du baron de Hackewitz à Ber- 
lin. M. F.-L. Mœring, de la même ville., a fait, en 1851, un 
magnifique haut-relief en argent mat, représentant la Charité, 
modelé par M. Tieck.M. de Eress, à Offenbach-sur-le-Main, a 
exécuté en 185 ^ les statues de Gutenberg, de Fust et de Schoef- 



fer, dont chacune avait la haateur de 10 pieds et 6 pouces, et 
dont les modèles sont dus à M. von der Launitz, de Franc- 
fort-sur-le-Main. M. de Kress a fait encore, par les procédés 
galvanoplastiques, la statue en grandeur naturelle du comte 
de Leiningen, d'après une sculpture du XTV® siècle ; et un Page 
du temps de Rubens, également grandeur de nature ; cette sta- 
tue offrait cela de particulier qu'elle était ornée de différentes 
couleurs obtenues par la pile : de manière que les chairs avaient 
un ton rougeàtre , l'armure la couleur du fer, et la cotte de 
maille et les autres ornements étaient dorés; ce page tenait 
d'une main un flambeau, duquel devait sortir une flamme de gaz 
pour éclairer l'escalier de la villa Brentano à Francfort, à la- 
quelle il était destiné. 

Pour l'Exposition de Paris de 1855, M. Eress a produit des 
galvanoplasties remarquables : entre autres un bas-relief repré- 
sentant la Danse des WiîliSj sujet emprunté au tableau de M. 
Âug. Gendron. Il était composé de plus de trente figures en 
haut-relief. Cette plaque , ainsi que les paysages suisses , moulés 
sur des sculptures en bois, présente des effets de lumière tout 
à fEdt inconnus jusqu'ici dans les reproductions métalliques. 
Ces effets , éminemment pittoresques , sont dus à un bronzage 
particulier, qui consiste, croyons-nous , à aviver les parties firap- 
pées par la lumière, au moyen d'une gratte-bosse ou avec de 
la poudre de ponce. Ainsi les crêtes des glaciers , les côtés 
éclairés des chalets et des châteaux, les reflets de la lumière 
et de la lune dans les rivières et les lacs, présentent ces ef- 
fets. Les ciels offrent un aspect différent; les nuages, un peu 
plus brillants que le reste , ressortent sur un fond mat dû à 
un travail de grenage à l'aqua-tinta. L'effet de ces nuances est 
charmant 

MM. Soyer et Igné de Paris avaient produit, il y a quelques an- 
nées, le buste d'Hercule jeune , haut d'un pied et demi, et ilsof- 
raîent d'exécuter par les procédés galvanoplastiques VElèphaint 
de la BasUOe pour le prix de 200,000 fr., au lieu de 600,000 
qu'il en coûterait en fonte ordinaire. On voyait encore en 1846 
le modèle en plâtre de cet éléphant, qui avait 15 mètres de 
haut, il fut remplacé par la colonne de Juillet 



361 

L^zposition universelle de 18ô5 était riche en ouvrs^es gal- 
vapoplastiques : M. Gueyton, de Paris, avait produit en cuivre 
ijurgenté le beau bas-relief du Calvaire de Justin , un buste de 
rimpératrice en une seule pièce, et plusieurs autres objets très- 
estimés. MM. Possey, Feuquière, Lionnel, Lefèvre, Zier, y figu- 
raient d'une manière distinguée ; le dernier par une reproduc- 
tion de la Colonne Vendôme. M. Beaure montrait une belle 
collection de médailles antiques. 

MM. Elkington et Mason, de Birmingham, à qui Ton doit les 
fontaines de grande dimension obtenues par les procédés gal- 
vanoplastiques, qui ornent maintenant le palais de Seydenham, 
ont exposé des bustes de grandeur naturelle , des statues en 
cuivre galvanique, et des plateaux, des coffrets, etc. argentés 
par la pile. 

On y voyait encore des bas-reliefs de grande dimension at- 
teignant presque la ronde bosse, à sept et huit personnages, des 
statuettes de près de 2 pieds de hauteur, d'ime grande perfec- 
tion, sortant des ateliers spéciaux de galvanoplastie de Tlm- 
primerie de Vienne ; et le service remarquable en plaqué d'ar- 
gent exécuté pour l'empereur des Français par M. Christofle, de 
Paris. A propos de ces derniers objets , M. L. Figuier fait une 
réflexion très-juste , que nous ne pouvons pas manquer de citer 
ici; il dit: «Bien des persoi^ies voient avec regret s'introduire 
dans les œuvres d'orfèvrerie le plaqué galvanique, pour y rempla- 
cer l'argent ni^sif, qui jouissait depuis des siècles de la propriété 
exclusive de fournir sa matière précieuse aux inspirations de 
l'artiste^ Mais il est facile de reconnaître que la substitution du 
plaqué galvanique à l'argent pur ne saurait offîir que des avan- 
tages aux progrès et à l'avenir de la sculpture. 

€ N'étant plus arrêté par le prix excessif de la matière pre- 
mière à employer , l'artiste qui confiera à l'électro-chimie la re- 
production de ses modèles, pourra donner libre carrière à son 
ima^ation, et il aura ainsi les moyens de créer des chefs- 
d'œuvre dont l'idée même n'aur^tpu être conçue il y a peu d'an- 
aé,es. Il est à remarquer qu'aucune des grades pièces d'or- 
j^é?r^|ie sculptée, exécutée pendant les deux derniers siècles, 
et qui put^ fait l'admiration des cours 4^ Louis XIV et de 



Louis XV, n'est parrenue jusqa^à nous. Dans les moments diffi- 
ciles de nos révolutions , la perfection d^un objet d'art a rare- 
ment trouvé grâce devant la nécessité d'en réaliser la valeur 
pécuniaire ; nos hôtels de monnaie ont transformé en informes 
lingots les plus belles créations des artistes des siècles passés^ 
Au contraire, de toutes les œuvres sculpturales exécutées en 
bronze , et qui datent de la même époque , aucune ne s'est 
perdue, grâce à cette heureuse circonstance que la matière pre- 
mière en étâjt sans valeur. Pour la conservation des che&- 
d'oeuvre artistiques de notre âge , il est donc à désirer que 
l'emploi du plaqué galvanique prenne faveur. » 

Tous ces objets galvanoplastiques, dont il a été question, peu* 
vent être obtenus en différents métaux ; le cuivre est cependant 
le plus généralement employé. Les pièces en argent métaUiqne 
de toute épaisseur , obtenues en décomposant , par le courant 
électrique , un bain de cyahure d'argent , se répandent de plus 
en plus, et offrent de nouvelles ressources à l'orfèvrerie. 

Parmi les travaux les plus remarquables en ce genre est sur- 
tout le bas-relief oflFert par la ville de Berlin au prince de Prusse, 
à l'occasion de son mariage. Cette pièce, due à M. WoUgold, de 
Berlin, grande de 5 pieds de longeur sur 3 et demi de large, 
se compose de plusieurs figures en haut-relief de 5 pouces de 
hauteur; elle est d'une exécution parfaite. Outre des coupes, 
des cofirets et des gobelets, de MM. Elkington et Mason et de 
M. Wallgold, il faut citer encore une très-belle coupe de chasse, 
due à M. Gueyton, un vase sculpté pour l'empereur d'Autriche, 
et un bouclier en argent oxydé , du général O'Donnell , sortis 
des ateliers de M. Schuch de Vienne. 

Lorsque les objets galvaniques sont en or ou en argent, la 
couleur du métal, même en la conservant mate ou polie, est as- 
sez belle en elle-même et se conserve bien. L'étain et le cui- 
vre peuvent être dorés, argentés ou platinés; la couleur du 
cuivre réduit par la pile, quoique fort belle, ne convient cepen- 
dant pas à tous les objets ; on préfère généralement lui donner 
la couleur de bronze, qui présente une plus jolie apparence. 

Le bronzage s'opère de différentes manières. L'une d'elles 
consiste à frotter la médaille avec de la mine de plomb, immé- 



S6S 

diatement après l'avoir retirée de la dissolution , puis on la met 
sur le fea et on la chauffe légèrement; on doit ensuite la brosser 
avec un pinceau rude, en la mouillant un peu pour enlever l'excé- 
dant de mine. Une très-faible solution dliydrochlorate d'amnîo- 
niaque ou de su]£eite de potasse donne au cuivre ime fort belle 
couleur de bronze. — On recouvre l'objet à bronzer avec de 
l'oxyde de fer, on le place dans une moufle, et dans cet état 
on le soumet à l'action de la chaleur. Lorsqu'on le retire du feu, 
il suffit de brosser. — Ou encore , humectez la surface avec de 
l'esprit-de-vin, et, lorsque l'objet est presque sec, saupoudrez-le 
d'un mélange de craie rouge et de plombagine , et enlevez le 
surplus avec un blaireau; mieux vaut de broyer 5 parties de 
sanguine et 8 de mine de plomb , avec l'esprit-de-vin , d'appli- 
quer ce mélange au pinceau, de laisser séjourner pendant 24 
heures, et de brosser ensuite. 

La byouterie , l'orfèvrerie, la quincaillerie et d'autres indus- 
tries de ce genre ont tiré de nombreux avantages des procédés 
galvanoplastiques pour la fabrication d'objets en or, en argent, 
en cuivre, en maUlechort, en étain, tels que des tabatières, des 
étuis, des porte-monnaie, des boites d'allumettes, des porte-cigares, 
des vases, des coupes, des cof&ets, et une foule d'autres objets. 
M. A. Rouseleur, dans ses Manipulations hydroplastiques (Paris, 
1855) , nous âdt connaître quelques applications intéressantes : 
< En champ-levant à jour, dit-il, une plaque de cuivre et l'appli- 
quant bien à plat sur une seconde feuille métallique pour la 
soumettre à un bain d'or ou d'argent, on pourra remplir du dé- 
pôt de ces métaux les vides faits dans la plaque et donner Heu 
ainsi à une espèce de mosaïque. » 

C'est par un moyen analogue que, collant à l'aide d'un vernis 
mince des pierres précieuses ou autres objets sur une plaque 
métallique , et soumettant le tout à l'action du bain après l'avoir 
métallisé, il sera possible d^enchatonner artificiellement les corps 
qu'on veut faire concourir à la formation d'un objet d'art. 

En creusant au burin une plaque d'ivoire ou de nacre, la 
mettant au bain après l'avoir métallisé, la laissant se recouvrir 
entièrement et polissant ensuite jusqu'à découvrir les surfeuses 
en saillie, on produira des incrustations qui n'auront pas néces- 
sité le reperçage. 



m 

On fut également, au moyen de la pile, des moules en cuivre 
pour les fondeurs , et des moules^mère» pour les faïenciers. Le 
dentiste a profité de ces procédés pour les empreintes de la mâ- 
choire; le chirurgien et l'orthopédiste s'en sont servis pour re- 
produire les membres auxquels il fallait adapter des pièces de 
pression. Le naturaliste en profite pour reproduire des cristaux 
ou d'autres formations. M. Stiegelmayer a reproduit des fleurs, 
des plantes et même des insectes avec une grande fidélité. M. 
T.-B. Jordan a copié des objets d'histoire naturelle et en par- 
ticulier des fossiles. 

. Dans la célèbre imprimerie impériale de Vienne , dirigée 
avec tant de talent par M. le conseiller Auer, on en a tiré partie 
pour obtenir les reproductions en relief du corps humain, des 
difiérentes espèces d'animaux et des plantes destinées à l'in- 
struction des aveugles. Enfin, il n'y a pas de branche d'art, ou 
des sciences, ou de l'industrie, qui ne puisse mettre à profit les 
procédés de l'électro-chimie. 

GALVAMOPIiABTIE APPUQUBE ▲ Ii' ART DE 
IiA GRAVURE» Cependant l'application de la galvanoplastie 
qui nous intéresse plus particulièrement, c'est celle qui se lie di- 
rectement aux arts graphiques de reproduction, c'est-à-dire qui 
servent à multiplier les exemplaires par l'impression, et qui est 
connue sous les noms d'électrotypie, de galvanographie et de gra- 
vure galvanique. 

La dénomination d!élecirotypie nous servira pour désigner la 
reproduction d'objets déjà gravés soit en creux soit en relief; 
tandis que, sous le nom à^électrograpMe, nous entendrons les 
opérations qui ont pour but de produire directement des plan- 
ches gravées par l'action du courant électrique. 

Bleotrotypioa MM. Spencer et Jaoobi, en découvrant les 
principes de la galvanoplastie, avaient obtenu des planches de 
cuivre avec des lettres en relief; ces procédés ont donné naîs- 
saoçe à des genres différents de reproduction. 

M. Sp^cer, en traçant avec une pointe des caractères for 
osa planche de cuivre verni, mettait le cuivre à nu e% pennet- 



566 

tait au courant électrique de déposer le cuivre réduit daus les 
lignes creusées. Ce dépôt adhérait à la planche, mais il était 
inégal suivant la rapidité de l'action. M. Spencer l'égalisait en- 
suite en le frottant avec de la pierre ponce et de l'eau ; il ob- 
tenait ainsi une planche-relief propre à l'impression sous la 
presse typographique. 

Procédant d'une autre manière , il produisait une planche du 
même genre, mais solide ei également en relief. M. Spencer pre- 
nait une planche de cuivre en creux, ou une planche de bois 
gravée en taille d'épargne, ou des caractères d'imprimerie; il 
les posait sur une lame de plomb et les soumettait à une forte 
pression, pour se procurer des empreintes en rehef ou en creux, 
suivant le genre de gravure de l'orignal. En se servant de ces 
formes en plomb comme d'électrode négatif, il obtenait des 
reproductions identiques des planches originales. M. Jacobi 
opérait de la même manière et arrivait au même résultat. 

L'identité parfaite des empreintes obtenues par le procédé 
galvanoplastique, qui reproduit les lignes les plus délicates, cel- 
les-là même qui ne sont visibles qu'au microscope , a fait penser 
que ce procédé serait précieux pour la reproduction des plan- 
ches gravées en cuivre et en acier, afin de conserver les plan- 
ches originales, quelquefois d'un très-grand prix. Si les copies 
sont usées, on peut facilement faire une nouvelle empreinte. 

Pour faire une copie d'une planche en cuivre gravée, on pro- 
cède de différentes manières. Le dessin gravé étant en creux, il 
faut commencer par obtenir une copie, ou un moule en relief. Si 
cette copie doit être en cuivre, il faut surtout empêcher l'adhé- 
rence entre l'original et le dépôt. On peut, comme MM. Jacobi 
et Spencer, frotter la surface à chaud avec de la cire ou un au- 
tre corps gras et l'essuyer jusqu'à ce qu'il n'en reste qu'une 
pellicule très-mince; ou bien, comme M. Bocquillon, recevoir 
dessus la fumée blanche d'un corps résineux , après avoir dé- 
posé une couche d'or ou d'argent. On risque cependant toujours 
que, si mince qu'elle soit, cette couche ne remplisse plus ou 
moins les traits fins. 

M. Smée conseille de placer la plaque dans un lieu frais pen- 
dant vingt-quatre heures, afin d'augmenter la couche d'air à la 



366 

sor&ce, ce qui suffît pour empêcher Padhérence. Cependant 
tous ces procédés laissent beaucoup à désirer. Le procédé ima- 
giné par M. Mathiot(*), des États-Unis, paraît préférable ; le 
voici : Le peu de solubilité de Tiode dans l'eau, son poids ato- 
mique ou équivalent considérable, et ses propriétés inoffensives 
engagèrent M. Mathiot à l'essayer. Une planche de cuivre bien 
nettoyée ftit exposée à la vapeur d'io'de et électrotypée : le dé- 
pôt se sépara facilement du moule. On recommença une cen- 
taine de fois cette expérience, toujours avec succès. 

Mais, en nettoyant de grandes planches pour recevoir la cou- 
che d'iode, on remarqua que, tandis qu'une partie de la plaque 
était très-nette, l'autre restait terne et voilée, et qu'alors on ne 
pouvait obtenir une action uniforme de l'iode. Cette remarque 
conduisit à argenter la plaque avant de l'ioder, ce qui facilita le 
nettoyage et rendit apparente l'action de l'iode. Une plaque ar- 
gentée fut lavée avec une dissolution alcooUque d'iode et élec- 
trotypée ; la planche électrotypique se sépara du moule encore 
plus facilement qu'auparavant; l'iodure d'argent réussissait mieux 
à prévenir l'adhérence que l'iodure de cuivre. 

Mais on s'aperçut bientôt qu'une planche préparée par un 
temps couvert ne se séparait pas aussi facilement que quand 
le ciel était serein; qu'une plaque iodée et exposée au soleil 
se séparait avec une très-grande aisance, tandis que, lorsqu'elle 
était iodée par un temps pluvieux et placée dans une chambre 
obscure avant de la mettre dans le bain, le dépôt adhérait si 
fortement au moule, qu'il fallait, pour le détacher, employer les 
anciens moyens, chauffer et frapper les deux planches. 

Le procédé d'ioder et d'exposer à la lumière a été jusqu'à 
présent employé pour un très-grand nombre de planches soi- 
gneusement gravées ; il n'a jamais présenté la moindre difficulté 
pour séparer le dépôt du moule, quand il a eu atteint l'épais- 
seur désirée. On serait peut-être tenté de croire que l'iode agit 
seulement par son interposition entre les deux plaques; mais 
la quantité d'iode appliquée sur une plaque doit être regardée 
comme insuffisante à produire la séparation par une action pu- 

(1) Rapport de M. Mathiot sur les opérations électrotypiques faites par lai dans le 
bureau hydrogr. des Etats-Unis— Cosmos, journal, etc. v(^. III, 1853. 



867 

reme&t mécanique. La quantité de cire étendue sur une plaque 
de cuivre suivant la méthode indiquée, et qui ne suffit pas à em- 
pêcher Fadhérence,' est dix miUe fois plus considérable que la 
quantité d'iode suffisante à la rendre pleinement impossible. 

Pour préparer ses plus grandes planches de 10 pieds carrés 
de surface, M. Mathiot emploie la dissolution d'un grain d'iode 
(Oe',065) dans 20,000 grains d'alcool concentré; si un grain de 
cette dissolution suffit pour mouiller un pied carré, il n'y aura 
qu'un vingt-millième de grain d'iode sur la plaque; mais, comme 
l'iode s'évapore rapidement avec l'alcool, cette quantité se ré- 
dùira probablement à un cent-millième de grain. 

Si nous admettons que les rayons solaires décomposent l'io- 
dure d'argent et laissent l'iodure en vapeur sur la plaque, l'é- 
paisseur ne sera qu'un quarante-quatre-millionième de pouce, 
quantité tout à fait inappréciable au point de vue mécanique. 
Pour prouver combien peu la délicatesse des traits de la plaque 
est diminuée par l'emploi de ce moyen chimique de prévenir 
l'adhérence, M. Mathiot nous apprend qu'une planche gravée 
a été sept fois électrotypée en relief et en creux successivement, 
sans que l'examen le plus attentif ait pu faire apercevoir la 
moindre différence entre la dernière reproduction et l'original. 

Les grandes cartes des côtes d'Amérique ont été reproduites 
par ces procédés électrotypiques. 

Celui à qui ces opérations ne seraient pas familières fera 
mieux de Êdre un moule au moyen des substances que nous 
avons indiquées plus haut. Là encore s'of&ent des difficultés 
impossibles souvent à éviter. Lorsque la planche gravée a subi 
des retouches avec le brunissoir ou le marteau, il se forme des 
dessous et des rebarbeè , qui empêchent le moule de se séparer 
de l'original ou qui le déchirent. Un autre inconvénient se pré- 
sente , c'est le rétrécissement de presque toutes les substances 
dont on forme les moules, inconvénient très-sensible pour les 
cartes topographiques, et pour tout ce qui demande une grande 
précision. Les meilleurs moules en ce sens sont ceux qui sont 
faits en gutta-percha de la manière que nous avons indiquée. 

M. le duc de Leuchtenberg a inventé un procédé particulier de ' 

reproduction. Au lieu d'encrer la planche originale qu'il veut J 



d66 

copier avec l'encre d'hnprimerie ordinaire, il se sert â'tm mé- 
lange de résine de Daroare, de ronge de fer et dliaile de téré- 
benthine, avec leqnel il fait tirer une épreuve sor du papier très- 
mince. Cette épreuve encore fraîche est appliquée sur une plan- 
che de cuivre ou d'argent poli, de sorte que le desân touche 
la plaque, et a^rès sa dessication, il enlève le papier au moyen 
de l'eau, pour ne laisser que le dessin marqué à l'encre sur la 
surface du cuivre. En reproduisant cette planche par le procédé 
électrotypique, il obtient une planche en creux propre au tirage 
sous la presse en taille-douce. 

L'établissement galvano-artistique de M. Theyer, de Yieniie > 
a livré des reproductions de planches en cuivre gravées en 
tous genres : à l'eau-forte, au burin, à l'aqua-tinta, et de toutes 
dimensions. La plus grande planche qu'il ait produite en 1845, 
avait 38 pouces de haut sur 21 de large, et représentait Job, 
d'après Wœchter. 

M. Zier, à Paris, a reproduit avec bonheur plusieurs belles 
planches de Calamatta. M. Hulot a fait ces derniers temps des 
reproductions galvaniques des planches gravées par M. Henri- 
quet Dupont, d'après Baphaël, et une image de la lime gravée 
pour le Traité d'astronomie de M. Delaunay. Mais aussi en 1841 
déjà, M. E. Palmer, en Angleterre, avait reproduit des planches 
gravées par Brunet M. Felsing, de Darmstadt, de compagnie 
avec M. Bœttger, de Francfort, avait livré la planche de Cru- 
djfixion, d'après Crespi (12 Vi pouces de haut sur 9 Vi ^^ lai^^); 
et M. Amsler, de Munich, a fait la reproduction de dessins d'a- 
près Schwanthaler. 

Les procédés électro - chimiques fdurnissent également des 
planches de cuivre unies pour les gravures, et qui sonttrès- 
estimées et d'un bon usage. A l'Exposition de 1855 on voyait 
des planches lisses de la dimension de 5 pieds '/s cle long sur 
2 Vs de large, produites par l'Imprimerie impériale de Vienne. 
Et on mentionne même des planches unies et sans fautes de 
4 klafter (4 toises) de longueur sur un demi de largeur, et 
d'une ligne d'épaisseur. 

La reproduction électrotypique des planches d'acier gravées 
oifre de grandes difficultés : le sulfate de cuivre attaque l'a- 



869 

der et en altère la gravure; le sulfate ammoniacal, qui n'a 
point d'action sur l'acier, serait excellent, mais il est difficile 
d'en précipiter le cuivre au moyen de la pile. M. Smée a pro- 
posé de mouler les planches d'acier et d'agir ensuite sur le 
moule, ou d'employer un anode d'argent ayant presque les 
mêmes dimensions que la plaque d'acier. M. Walker préfère 
obtenir d'abord une épreuve en argent, et une contre-épreuve 
en cuivre. Mais les tentatives qu'on a faites jusqu'à présent n'ont 
point donné de résultats satisfaisants. 

De la même manière, et au moyen des mêmes opérations par 
lesquelles on obtient des p lanches gravées en creux, on repro- 
duit aussi celles qui sont gravées en relief ou en taille d'épargne, 
qu'elles soient en métal, en bois ou en cliché. Déjà en 1840, M. 
Buckland a employé ces procédés à la reproduction de planches 
stéréotypes pour l'imprimerie, et c'est à cette même époque que 
M. Bocquillon présenta à l'Académie des sciences ses épreuves 
de matrices électrotypées en cuivre pour la typographie. A la 
suite des événements politiques de 1848, l'émission d'un grand 
nombre de billets de cent francs fut jugée indispensable. La 
Banque en confia l'exécution à MM. Firmin Didot frères, qui 
durent les exécuter en toute hâte. Us appliquèrent avec succès 
la galvanoplastie pour reproduire promptement en cuivre cer- 
taines parties des anciens billets dont la gravure aurait exigé 
plusieurs mois. M. Hulot, habile artiste, à la fois mécanicien et 
chimiste, attaché à l'hôtel des monnaies à Paris , parvint à ob- 
tenir par l'électrotypie la reproduction des diverses parties des 
anciens billets de banque , et à en reconstituer plusieurs exem- 
plaires en métal plus dur que le cuivre. C'est sur ces planches 
qu'ont été imprimés en 1851, à la Banque de France, les billets 
de cent francs. 

Ce procédé , déjà mis en pratique en Angleterre , en Alle- 
magne et en France, pour la reproduction des matrices des ca- 
ractères, a été perfectionné par M. Hulot. A l'Exposition de 
1849, cet habile artiste a montré reproduits sur une seule plan- 
che , en métal beaucoup plus dur que le cuivre , trois cents fi- 
gures offirant la répétition d'une tête gravée originairement en 



370 

acier; cASoite quA d'an a«al coup de. presse t^pugraf^Uj^ae aa 
impome œs trcÂs cente %urea aeryant de lïmheea-poetta, 

£n 1S51 on voyait à TËxposkiioiL de Londres, et ea 1855 il 
celle de Paris, des tableaux typographiques électnrtypés ea cui^ 
vre, ayant chacun 4 mètres carrés de surface et repvés^iÉMit 
les types orientaux de l'Imprimerk impériale de Yienno. Ces 
planches ont une grande durée , et supportent le tirage de plu- 
sieurs millions d'exemplaires. M. Cohlentz, à Paris, a suh^itoé an 
stéréotypage ordinaire le stéréotypage galvanopla^que. 

En 1855, M. Pion, de Paris, a exécuté des caractères cy- 
priotes, dont les matrices ont été obtenues par la galyanapla^tie 
sur des poinçons en bois, feûts pour la Numismatiqae et les In- 
scriptions cypriotes de M. de Luynes. 

M. Smée décrit un procédé particulier pour faire des cUdiéa 
galTanâques. On recouvre de cire un peu molle et noire toute 
la forme de l'imprimerie , on racle le superflu jusqu'au niveau 
de l'œil de la lettre avec une règle de bois , puis on infinie 
une douzaine de maculatures qui emp(»rtent la cire superfine 
des esfMices et de l'oeil des lettres. Quand la maculature se re- 
lève blanche , c'est qu'elle ne touche plus à la cire , et que l'o- 
pération est achevée. On place alors cette forme dans l's^pa- 
reil gabanoplastique, après l'avoir pLombaginée; le cuivre se 
dépose et l'on obtient en creux une planche qui servira plus 
tard à reproduire une planche de métal d'imprimerie , laquelle 
étant clouée sur un cylindre de bois pourra fournir vingt mille 
exemplaires par jour par la rotation continue. 

L'électrotypie sert également à reproduire et à multiplier en 
cuivre les gravures star bois, les vignettes et les ornements di- 
vers qui sont employés dans l'imprimerie; on conserve ainsi les 
planches originales, qui sont ordinairement d'un prix assez élevé. 
Gomme le bois est trop absorbant pour être placé dans le bain, 
on se sert avec avantage de moules en gutta-percha, ou, si les 
bois le permettent, on les chauffe et on les enduit d'huile , çn 
de cire , ou mieux encore de sperma ceti, pour pouvoir les mé- 
talliser aprèa 

Les clichés galvanoplastiques présentés à l'Exposition de 1855 
par M. Michel, de Paris , sont ce qu'il y a de mieux dans ce 



371 

g0iiF6.; le joumal VlUttstratUm , le Magasin pvttor^que.., lui 
ont confié la reproduction de leurs boie, et les tirages remar- 
quables qu'on a admiré dans l'exposition de M. Best ont été 
opérés sur ces clichés. 

M. Michel procède avec une grande habileté et très-Tdte , 
quelle que soit la dimension des bois, quelque difficultés 
qu'ils présentent; en 24 heures il a reproduit des planches 
d'une dimension égale à celle de deux pages réunies de VU-, 
liistration. M. Michel ne s'est point borné seulement au clichage 
des vignettes ; le premier il a appliqué son procédé électroty- 
pique aux pages de texte. Il fut le premier aussi qui fit uss^ge 
du bitume pour le clichage des vignettes; mais reconnaissant 
bientôt les inconvénients que présente l'emploi de cette matière 
et qu'elle ne pouvait plus servir dès qu'il s'agissait de texte, il 
se tourna vers la galvanoplastie et le moulage à la gutta-percha. 

Le cliché obtenu est à Viooo P^^^ de la même dimension que 
le modèle, — c'est le chiffre du retrait de la gutta-percha. 

L'imprimerie impériale de France et M. Boudreaux, avaient 
aussi exposés de très-beaux clichés. 

M. Henri Cole, Anglais, a donné austéréotypage électrotypique 
cme aj^lieation fort heureuse dans la restauration de bois gra- 
vés par Albert Durer et faisant partie d'une œuvre de cet ar- 
tÊste, La PeMte Pcission. Ces bois avaient été endommagés par 
les vers et certaines parties avaient disparu. Les vides ainsi 
formés furent soigneusement bouchés au moyen d'un mastic, et 
sur les clichés en cuivre obtenus par les procédés ordGnairesi 
il devint dès lors facile à un graveur de rétablir les tailles 
©Œacées (0- 

Pour donner plus de solidité aux clichés métalliques très- 
minces, obtenus par l'électrotypie , on se servira avec avantage 
des copeaux d'étain, faits au moyen du tour, mélangé d'un peu 
de plomb ; après avoir bien décapé la pièce, ces matières fon- 
dent très-vite et très-également. 

Les procédés électrotypiques ont donné naissance auss» à plu* 
sieurs méthodes de reproductions pour remplacer les gravures 

(1,( M'ïdiuier^ Notes «ur les principaux pioJuilg exposés de rimprirnerie. Paris. 
1855. 



372 

BUT bois, pour pouvoir les livrer plus vite, avec moins de peine 
et à meilleur compte. Dans cette vue on a suivi plus ou moins 
les procédés que MM. Spencer et Jacobi avaient employés pour 
obtenir des planches-reliefs. 

M. Frédéric de Eobell a pris en 1841 un brevet pour le pro- 
cédé suivant : On enduit une planche de cuivre argentée d'une 
couche épaisse d'un vernis , composé de cire et de résine, ou 
simplement de vernis de graveur, en le rendant conducteur an 
moyen du graphite. Sur ce vernis on trace ou on grave profon- 
dément le sujet , l'ornement ou les lettres que l'on veut repro- 
duire , avec une pointe en acier ou en ivoire. On rehausse en- 
suite les places du vernis qui n'ont point reçu de dessin avec 
un vernis épais à l'huile, à la cire ou à l'asphalte, que l'on ap- 
plique sur ces parties à l'aide d'un pinceau, et on saupoudre 
avec de la plombagine. On soumet alors à l'action du courant 
électrique pour opérer le dépôt, et on obtient ainsi une planche- 
relief qui peut servir au lieu de gravure sur bois. 

M. Edward Palmer (') à Londres, en 1844, et M. Yolkmar 
Ahner à Leipzig, en 1846, ont inventé, chacun de son côté, le 
procédé électrotypique connu 8ous le nom de Glyphogra* 
phie (du grec glypho, je creuse). 

Ce procédé consiste à recouvrir une planche de cuivre d'un 
vernis noir de graveur, sur lequel on pose une seconde couche 
de vernis de couleur blanche, ayant la consistance de la cire. Le 
décalquage du dessin sur cette couche blanche s'opère sans peine ; 
les traits faits avec un crayon tendre sur le papier s'y marquent 
parfaitement. On creuse ensuite dans ce Vernis les hachures du 
dessin au moyen de pointes tranchantes et inclinées vers leur 
bout pour obtenir des creusures perpendiculaires et un peu éva- 
sées en haut Les parties qui représentent les lumières doivent 
être rehaussées en y appliquant du vernis un peu épais. Après 
ces opérations, on métallisé avec de la plombagine , et on place 
la planche dans l'appareil voltiuque pour être électrotypée. On 

{i) Glyphography or engraved drawing forprinting at the type after the manne 
of woodcuts, etc , by Ed. Palmer, London, 1844,— Die Buchdruckzeichnung, Leipzig. 
1846 ; Glyphograf. Institut, 



373 

a obtenu de cette manière des planches très-belles, et d'un prix 
très-bas. 

M. Wàlcker propose, au lieu de deux vernis superposé^, de 
noircir la planche de cuivre au moyen du sulfure de potassium, 
et de ne vernir là-dessus qu'une seule fois. On peut encore faire 
un moule de plâtre d'une planche ainsi gravée, approfondir les 
parties des lumières, huiler le plâtre, en tirer une empreinte, 
et en prendre une contre-épreuve. MM. Firmin Didot frères, 
indiquent encore une autre modification. Lorsque le graveur a 
hit mordre à l'eau-forte son dessin sur une planche de zinc, 
au lieu d'enlever le vernis dont il avait d'abord couvert cette 
planche, c'est sur ce vernis même qu'il étend successivement 
avec un rouleau de légères couches d'encre siccative, qui, sans 
entrer dans les taiUes , ne se déposent que sur le vends primi- 
ti£ Au moyen de ces couches superposées, les creux de la gra- 
vure acquièrent une grande profondeur, la planche est alors élec- 
trotypée, comme on l'a déjà indiqué. 

M. Beslay vient d'inventer un procédé qui a beaucoup de rap- 
port avec les précédents (*). Ii'aatotypographley c'est ainsi 
que l'inventeur l'a nommé, consiste à enduire une planche de 
verre avec le vernis employé ordinairement pour la gravure et 
mélangé d'un produit qui le rende un peu conducteur, et à des- 
siner à la pointe le sujet que l'on veut reproduire, en prenant 
soin à creuser et à enlever le vernis jusqu'à la surface du verre. 
Cette plaque est ensuite immergée dans le bain électrotypique, 
et le cuivre conduit et déposé dans le tracé donne un dessin en 
relief qui réunit toutes les qualités de la planche en usage pour 
l'impression typographique. On peut, en outre, augmenter à vo- 
lonté, par les procédés galvanoplastiques, les reliefs de cette plan- 
che. On obtient donc des planches gravées en relief reprodui- 
sant exactement le dessin original. 

En 1853 , le docteur Fergusson Branson (•) , de Scheffîeld, 
tout en cherchant à découvrir une substance qui puisse se tail- 
ler plus facilement que le bois, et qui ait cependant assez de 

(i) Lumière, n' 42, i8 octobre 1856. 

(2) Journal of the Society of Arts; London, 1843, 



S74 

ctmflÎBtàntBè peur )»einb«titre d'en prendre tm moule, reaceiilBa 
mè màJdèire qm Ivà promettait quelgiuels avantages. C'esfe^ leath 
iM^r^^Tobablement le faron anglais dur, fiât de résine^ tetei- 
Mâd^ecfop, Un àeêm^ au crayon, se décalque très-bien sut W si^. 
Ton lorsquV)n ftiolte le revers de la feuille; on ereaise ensuite 
les traits a¥ee très-pen de profondeur an mpyai de .poiatet^m 
aeier on en ivoire. Lorsque le tracé est terminé, ott.;âDt un «cntle, 
ou avec du plâtre, ou en gutta-percha chàaSéey mèmeimc de 
la cire à cacheter, sans endommi^er le savon.- SIToa' repcoduit 
le moule en cuivre par la pile gdvaaiqnt^ on obtient làus plan- 
che en creux, si Ton reproduit cell&dà on en obtient une eu 
relief; de manière qu'on peut s'en servir pour £ûre des épreuves 
sous la presse en taille-donce, on sous la presse typog^pMqne. 
On peut aussi très-bien graver de cette manière des camées. Ces 
gravures peuvent servir pour l'impression sur papier en noir, 
sur cuir pour les relieurs, et dans d'autres arts. Onar^roduit 
avec succès, au moyen de ce genre de gravure, le Highitmd j^ 
per de sir E. Landseer ; une gravure à Peau-forte de Rembrandt, 
et plusieurs genres de vignettes. 

M. Ranftl (% habiJIie peintre de Yienne, peu de temps avant.sa 
mort, en 1864, inventa un nouveau procédé ^ur remplacer avan- 
tageusement la gravure sur boia. Le prindj^el de ce procédé oon-^ 
siste à tracer sur une planche métallique préparée à '-Cet effet, 
un dessin quelconque avec une plume d'acier, en se servant d'une 
encre particulière. Cette planche est ensuite reproduite par les 
moyens électrotypiques, et sert àFimpresd^onsous lia presse ty- 
pographique. Le premier essai fut une carte géographique, qui 
réussit assez bien, et dont la planche a pu supporter, le. tirage 
de plus de 1500 exemplaires. Les essais subséquents^ exécutés 
dans les ateUers de l'Imprimerie impériale de Vienne, ^veo la 
coopération du prpte, M^ P]*6y, n'eurent pas moins de succès. 
C'étaient des vignettes de genres divers, une chute d'eau, et 
quelques sujets. . 

Le procédé inventé en 1846 par M. P.-C. Schœler (*), de C^ 

(i) Faust, polygrafisch illustriste Zeilschrift. etc. Wicn. !•' Jahrg. 1854. d* 10. 
(9) Rapport fait à la Classe des Beaux-Arts de l'Académie des sciences de Bru- 
xelles, par M. Buscbmaon. — Tecbnoloi^i^le, journal, etc. M«î, i847, 



375 

penkagibe, a^qielé par lui la Stylogvifbîe, est destmé à p^ftiMT^t 
le résultat contraire des procédés précédents , c'esindi^cy^W!!! . k 
produire des planches en creux, imitant pae&iteiaeÉli les» dtessins 
h la, plume, et les gravures à l'eau-forte. 

La ttylognaphle (du grec stylos, style, poiate à traeer) se 
pratique de la manière suivante : Un mélange de ccupaX^ de jstéa- 
rme, de laque et de noir de Francfort est versé à Fétat de fit*' 
sion daps uit moule à surfaces intérieures parfaitement pdlies, 
qui loi donne, lorsque le refroidissement lui a rendu ^ consis- 
tance nécessaire, la forme d'une planche 2 graver-,, d'une cer- 
taine épaisseur et d'une couleur noire. 

Le cèté de cette planche' de oomposftîoiL destiiié à recevoir 
les traits du dessin j: ^t ensuite reVMu d'une couche miaoe et 
adhérente de poudre d'argent, qui lui donsie Faspéot dfune femlla 
de papier bls^c uni. La planche amsi prétpaàrée est xemifie à l'ar- 
tiste ; celui-ci, au moyen d^pomtès dé. diverses épaisseurs, traee 
son dessm sur la face argentée. Il est.évidfiiït. que chaque trait 
entamant cette couche noire et: blanche inet' à. nu les partie&noi^ 
res correspondaittes de la coffijost»», et produit Atesi un dessin 
noir sur un fond blanc, absoluménit semblable ài celui que trace 
une phime sur le papier. 

Les pointes, ou styles en met£d„ en^loyéesr par l'artiste ont Mt 
plus que d'enlevet la pellicide argentée; l#u^. trichant a péik4e 
tré. ^ussi dans la composition elle-m/èxïije; ety'aJaissé de petits 
siUons.dont la largeur et la{xrofon9euirso«iii proportionnelles, à la 
émej^ojBL des pomtejS^^t lila force employée.. La planche grao 
vée de *ette mmm^ est; ensuite l^èrement.ipaéta^ée et r^i 
couverte d^uii dépôt 40 cuivre d^ns un appareil galvanopl^th 
qua>;. ô^ p.btient ainsi une planché en rehef. Une seconde opé^ 
TàiMfn semblable èiitè sur cettQ ^^euve en relief donne enfin 
une plajache de cuivre, dont les traita' creusés sont identiquest h 
eeu:i(.que l'artiste a tracés priiaitivesient, et il ne reste pluEf 
qu'à imprimer sous la presse en taille-doiiee.. 

Le plus remarquable des procédés électrotypiques est sans 
contredit celui qui a été inventé en. l§40. p% M, Frédéric de 



376 

Kobell(0, de Munich, et auquel il a donné le nom de fpali 
nographle. 

Ce procédé se prête merveilleusement à la reproduction de 
tous les genres de gravure. L'aqua-tinta, la manière noire, la 
gravure à la roulette, le genre crayon, toutes ces gravures sont 
imitées avec un égal succès et d'une manière très-simple. 

Tandis que, dit M. de Eobell, par le procédé ordinaire de 
la gravure, la figure s'exécute en creux dans une plaque de 
cuivre, c'est précisément l'inverse qui a lieu par la galvano- 
graphie, c'est-à-dire que l'on met la plaque de cuivre et qu'on la 
travaille par-dessus l'image , après quoi elle peut servir à don? 
ng: des épreuves. A cet effet, il faut dessiner l'image ou la pein- 
dre au lavis (d'une seule couleur) sur une plaque de cuivre ar- 
gentée. On a reconnu que les couleurs à l'encaustique (préparées 
avec une dissolution de cire dans de l'huile de térébenthine ou 
dans du baume copahu) présentent pour cet emploi des avanta^ 
ges particuliers, parce qu'elles sont mates après la dessiccation» 
c'est-àrdire qu'elles ont un certain grené, qui est une condition 
fondamentale pour la fixité de la couleur et par conséquent 
pour la réussite de l'empreinte, dans le cas où la peinture est 
faite au pinceau large et non au trait. 

I][ y a une autre couleur qui oître aussi une grande soUdité : 
elle est composée avec du crayon lithographique (de l'espèce le 
plus dur) pulvérisé et délayé dans de l'eau distillée. Cette cou- 
leur, qui sèche très-rapidement, est plus facile à manier qu'une 
couleur à l'huile. Insoluble dans la dissolution de sulfate de 
cuivre, elle ne laisse pas le cuivre s'étendre par-dessous. On 
peut, pour commencer, donner à la plaque un très-léger ton de 
couleur à l'encaustique, puis on y porte la couleur lithographi- 
que avec un pinceau fin et en traits pas trop déliés. La pein- 
ture en est très-&cile, et l'on peut obtenir ainsi des portraits 
d'une belle exécution ; tels sont ceux que MM. Eottmann jeune, 
et P. Wronski ont peints et électrotypés. On peut, au lieu de 
noir de fiimée, mélanger avec le crayon lithographique du 
rouge de fer, ou du brun de Cassel, ce qui donne encore plus 

(1) Galvanograpliie, von Fr. von Kobe&, MttQChen, Gotta, 1849^ 



377 

de giené à la couleur. Après l'opératâoii) on peut i^onter à l'eaa- 
forte des détails sur la plaque. On peut aussi se servir de la 
craie lithographique sous forme de crayon à dessiner, pourvu 
qu'on ait soin de donner auparavant le grene à la plaque, car 
on ne peut dessiner avec un crayon de cette espèce sur une 
plaque de métal unie. Ce grené s'obtient en fondant sur la pla- 
que ce qu'on appelle un grain d'aqua-tinta, après quoi on des- 
sine par-dessus avec le crayon. On produit aisément les clairs 
en enlevant le grené. Des dessins de ce genre ont beaucoup 
de moelleux: On peut donner un semblable grené en faisant usage 
de l'eau-forte, comme dans l'aqua-tinta, au heu de la résine; on 
prend ensuite par voie galvanique l'empreinte en rehef de la pla- 
que , et il suffît de donner à ce rehef une très-faible épaisseur» 
ce qui permet de l'obtenir en 24 heures pour de petites plaques. 
CTest sur ce rehef ainsi grené, et qui a été ensuite argenté, qu'on 
dessine ou qu'on peint Dans les paysages, l'air et les autres 
détails pouvant se produire aisément au moyen de deux teintes à 
l'aqua-tinta, il y a de l'avantage à les faire par ce procédé et à 
graver légèrement les contours, on achève ensuite de peindre 
l'image sur le rehef. C'est d'après cette méthode qu'ont été faites» 
par M. Bottmann jeune, quatre vues assez grandes de Munich. 
Cependant le grené obtenu au moyen de fines roulettes de 
Paris est bien supérieur, et a un prix particuher pour certains 
objets. On grave d'abord légèrement le contour de l'objet, puis 
on laisse de côté le fond à l'eau-forte , et on donne sur toute 
l'image un ton léger avec la roulette. Pour faire cette opération 
d'une manière bien égale, on fixe la roulette dans un tire-h^e. 
On peut aussi employer la roulette pour le fond de la gravure 
et donner le ton à l'eau-forte. Les ombres peuvent se faire 
également avec des tons plus forts. Ensuite on fait tirer des 
épreuves pour examiner le ton, on prend le rehef galvanique 
de la plaque et on achève l'image à l'aide du crayon lithogra- 
phique ou avec le pinceau, puis on exécute la plaque destinée 
à l'impression par-dessus. Il est aisé avec la pointe ou le grat- 
tour du graveur d'enlever quelques points trop sombres de la 
couleur, ou de faire d'autres corrections à cette ûnage. Des 
plaques semblables fournissent des empreintes dont l'effet pré- 
sente une agréable réunion de l'aqua-tinta et de la roulette. 



878 

Quand la plaque galvanographique est achevée, quelle qu'en 
8oit d'ailleurs la nature, il y a de l'avantage à y passer la rou- 
lette. Si cette opération est faite avec soin, l'image n'en souffire 
nullement, elle gagne au contraire en harmonie et en grené. 

Tous les détails qui précèdent concernent la manière d'exé- 
cuter le dessin, dont on doit prendre ensuite l'empreinte en 
creux par les moyens électrotypiques, afin de pouvoir la mul- 
tiplier par l'impression dans la presse en taille-douce. 

De nombreuses applications, aussi belles qu'heureuses, ont 
été faites en divers endroits, aussitôt que cet art nouveau eut 
été connu du pubUc. 

Outre les produits cités plus haut, nous mentionnerons les 
planches de MM. Schœninger, Freymann et Grosjean, de Mu- 
nich. Ce sont entre autres : un Ëcce homo , d'après le tableau 
original qui fait partie de la collection du chanoine Speth; le 
Fumeur, d'après Ochterveld; un Christ sur la croix, d'après 
le Tintoret (planche de très-grande dimension) ; le portrait de 
la princesse Hildegarde ; une Madonna délia Sedia et la Sainte 
Catherine, d'après Raphaël. Cette dernière planche surtout offire 
une preuve de ce que pourra produire cet art nouveau. Les 
deux genres de gravure, celui aux hachures et le lavis , sont 
liés et fondus ensemble d'une manière moelleuse et délicate, 
avec une grande richesse de tons et un modèle parfait A Vienne 
aussi on a fait des galvanographies dignes d'éloges, particu- 
lièrement celles qui sont sorties des ateliers de MM. Theyer 
et Waidle ; elles sont presque toutes faites seulement au lavis. 
Ce procédé est assurément le côté le plus original de la gal- 
vanographie et présente des avantages particuliers pour le 
paysage, les animaux, les fleurs, etc. Les planches les plus re- 
marquables sont: la Chienne et ses petits, de A. Wengler, d'a- 
près l'original de Eanftl; Porte latérale de l'église de Sainte- 
Etienne, à Vienne, par Griesser; un paysage, par J. Waltmann; 
un dessin d'architecture, par P. Lang; des fleurs, par un ar- 
tiste inconnu; et une bonne esquisse de cheval, due à l'archiduc 
Etienne. 

En Russie, M. le duc de Leuchtenberg a fait des essais de 
galvanographie très-bien réussis. 



879 

Plitô tard, en 1854, M. BanfU et d'autres ont exécuté de 
très-belles galvanographies dans les ateliers spéciaux de llmpri* 
mené impériale de Vienne. 

r 

Electrographle. Tous ces procédés, toutes ces opérations 
dont nous nous sommes occupé jusqu'ici, s'exécutent au pôle 
négatif de la pile. C'est là, comme on l'a vu, que se forment 
les dépôts métalliques. Mais, dif M. L. Figuier, il se passe au 
pôle positif une autre action chimique dont M. Smée à su tirer 
parti. Dans la composition électro-chimique d'un sel , en même 
temps que le métal se réduit au pôle négatif de la pile, l'oxygène 
et l'acide se rendent au pôle positif, et si l'on dispose à ce pôle 
une lame métallique, celle-ci se trouve peu à peu attaquée et 
dissoute par l'action réunie de l'oxygène et de l'acide devenus 
libres. Ce fait, sur lequel M. Jacobi a fondé l'emploi des anodes, a 
servi à M. Smée à obtenir ce curieux résultat, le moyen de 
graver directement par le courant galvanique une planche de 
cuivre. Voici comment il opérait : La planche métallique, recou- 
verte de cire ou de vernis de graveur sur ses deux faces, reçoit 
comme à l'ordinaire le dessin exécuté avec une pointe par la 
main de l'artiste. Cette planche est alors placée dans une dilsso- 
lution de sulfate de cuivre en communication avec le pôle po- 
sitif d'une pile; le circuit est complété en mettant en rapport 
avec le pôle négatif une plaque de même dimension que la plan- 
che à graver. La décomposition ne tarde pas à s'effectuer; 
l'oxygène et l'acide sulfdrique se portent sur la planche et dis- 
solvent le cuivre dans les points qui ont été marqués. 

M. Smée obtenait ainsi une planche gravée en creux, propre 
à l'impression sous la presse en taille-douce. 

C'est ce procédé que nous appelons rélectro§;raplile9 ou 
gravure exécutée par le courant électrique. 

M. Spencer s'est également occupé de ce nouveau mode 
de gravure , et il fait remonter ses premiers essais à 1840. 
D a réussi à graver , non-seulement sur cuivre , mais aussi 
sur acier. Il a cherché à faire l'application de ce procédé 
à tous les genres de gravure , et en particulier à celle des 



880 

fâuleaitx pcfwr l'impression des étoffes, ainsi qu'à ceUe des 
plaques qui serrent à la décoration dés grès et des fiâences. 
Suivant M. Spencer et M. Wilson, la plaque métallique, fixée 
à l'un des conducteurs , est immergée dans une dissolution de 
sel commun ou dans toute autre dissolution d'un sel akalin; à 
l'autre conducteur on ûxe une seconde plaque d'acier (catode)' 
' M. Walker désigne encore une autre méthode de gravure 
électrographique : On fait tirer une bonne épreuve d'une plan- 
che déjà gravée , et on l'applique aussitôt sur une plaque de 
cuivre, préalablement trempée dans l'acide nitrique étendu. La 
plaque et l'épreuve sont alors soupûses à l'action de la presse, 
qui détermine le transport de l'encre de l'épreuve sur la plan- 
che de cuivre. On dore légèrement cette planche au moyen de 
Ift pile (l'or ne s'attache pas sur les parties revêtues d'encre 
grasse, mais seulement sur le cuivre); on lave avec l'essence 
de térébenthine, qui dissout l'encre grasse et met à nu le cui- 
vre dans tous les points que recouvrait cette encre. Il suffit 
ensuite de placer la planche ainsi préparée dans le sulfate de 
cuivre, en. guise d'anode, pour obtenir une gravure parfaite. 

n est également fiicile de produire un dessin en relief au lieu 
d'uû creux; il sufiGura de former le dessin lui-même avec une 
substance isolante comme le vernis ou le crayon gras , par 
exemple , pour que toutes les portions découvertes et qui en- 
tourent le dessin se creusent et laissent ainsi une image en re- 
lief. On pourra aussi dessiner d'abord au crayon gras ou an 
vernis isolant, dorer fortement les parties non réservées, eide- 
ver ensuite le crayon ou le vernis, et faire mordre au bain élec- 
trique les parties dans lesquelles le cuivre est à découvert; 
on obtiendra ainsi un creux assez net 

On emploie d'ordinaire un bain analogue au métal qu'il s'agit 
de graver; c'est ainsi que les bains de sulfate de cuivre sont 
employés pour la gravure de ce métal, les bains de sulfate de 
zinc pour la gravure sur zinc. On peut néanmoins graver sur 
cuivre et sur zinc en faisant fonctionner la pile sur des bains 
composés seulement d'eau légèrement acidulée par des acides 
azotique, chlorydrique, sulfîirique ou acétique (^). 

(i) Manipulations hydroplastiques par M. Alfred Rouseleur ; Paris, i8S5. 



m 

MM. Henriot et Gaiffe, graveurs de Paris, ont trouvé un 
nouveau moyen de gravure galvanique appliquée à la gravure 
des cylindres qui servent à l'impression des étoffes. Ce moyen 
est si simple, et d'une si grande infaillibilité, que l'ouvrier le 
moins habile peut réserver des blancs et refouiller les mats sur 
soubassement avec une perfection d'autant plus admirable que, 
sans jamais rien laisser à désirer, ce nouveau système de gra- 
vure est extrêmement économique. M. Edouard Becquerel, au 
nom de la Société d'encouragement, a examiné ce procédé et 
en a paru satis^eût (*). 

M. leD' Gr.-W. Osann, de Wurzbourg (■), en suivant le principe 
de M. Smée, sans le connaître, a profité du courant hydro-éleo^ 
trique p<nir s'en servir comme d'un mordant sur des planches de 
cuivre ou d'étain, afiu d'obtenir des dessins en creux ou en re* 
lief suivant la manière dont il appliquait son vernis. Il propose 
le nom de galvanooaiistiqae pour désigner ce procédé. 

M. L. Dumont('), graveur de Paris, a pris un brevet le 8 juillet 
1854, pour un procédé qu'il a inventé en 1852, et qu'il appelle 
liiicograpiile galvanique* n consiste à reporter sur zinc 
les dessins lithographiques faits sur papier, ou ceux des plan* 
ches gravées en taille-douce. On peut aussi dessiner directe* 
ment sur une planche de zinc grenée avec le crayon lithogra* 
pbique ordinaire , ou avec un crayon insoluble inventé par M. 
Dumont, et qui résiste à l'action de l'acide. Le dessin fini, on 
prépare le zinc avec une dissolution de noix de galle et de 
gomme arabique, comme cela se fait d'habitude dans le procédé 
lithographique sur zinc; on encre le dessin comme pour tirer 
des épreuves ; on saupoudre ' la planche d'un mélange de ré* 
sme, de bitunoe de Judée et de poix de Bourgogne, dont on 
chasse ensuite Fexcédant de poudre, et on chauffe légèrement 
le dessous de la planche afin de faire fondre la poudre qui la 

A) Moniteur iDdnslriel. M avril 1856. n* 90&t. 

(2) Die Anwendung des hydro-eleetriscben Stromes als Aetzmiltei, von Dr. G. W. 
Osann, Wûrzb. 1843. 

(3) Lomière. n* 48, 4855. et 3. 1856. 



I 
j 
t 

l 



couvre, taquelle se môle avec l'encre liâiographique et forme 
alors un yemis. 

Après cette opération, M. Dnmont expose sa planche à l'ac- 
tion de la pile galvanique, et il la fait mordre ; il obtient ainsi 
une gravure en relief, propre au tirage sous la presse typogra- 
phique. Par ce moyen , il a reproduit des gravures en taille- 
douce, des dessins à la plume, des lithographies au crayon et à la 
plume, et des lithographies de M. Lemercier; ces reproductions 
en relief lui ont valu une médaille de 2* classe à l'Exposition 
universelle de Paris en 1855. 

Le procédé inventé par M. G. Bevincenzi (*) , et communi- 
qué le 16 novembre 1855, à l'Académie des sciences, diffère un 
peu de celui de M. L. Dumont; mais, du reste, il produit les 
mêmes résultats. Voici , d'après le rapport de M. Becquerel, 
en quoi il consiste : On prend ime planche de zinc ordinaire, 
dont la surface a été grené préalablement avec du sable ta- 
misé, et l'on dessine dessus avec un crayon ou de l'encre litho- 
graphique; on la passe ensuite dans une décoction légère de 
noix de galle , puis à l'eau de gomme , afin de prédisposer les 
portions de zinc qui ne sont pas recouvertes du dessin à ne pas 
prendre le vernis dont il sera parlé ci-après. On lave avec de 
l'eau, puis on enlève le crayon ou l'encre avec de l'essence de 
térébenthine , comme on le fut dans la préparation lithogra- 
phique. Ces opérations faites , on humecte la planche et on y 
applique avec un rouleau un vernis composé d'asphalte, d'huile 
de lin lithargiée et de térébenthine, auquel on ajoute ensuite 
de l'essence de lavande. Le vernis s'attache uniquement aux 
parties recouvertes de crayon ou d'encre. On laisse sécher pen- 
dant 12 à 15 heures; on passe sur la planche une brosse trem- 
pée dans une très-faible dissolution d'acide sulfurique pour dé- 
caper la sur&ce non recouverte de vernis, et on la plonge 
ensuite dans une dissolution de sulfate de cuivre marquant 15 
degrés, en même temps qu'une planche de cuivre de même di- 
mension est placée parallèlement à 5 millimètres de distance 
et mise en communication avec l'autre au moyen d'une bavette 

(4) Comptes rendus, n* 27, 1855. 



368 

de enivre. La partie du zinc non recouverte de vernis est at- 
taqnée chimiquement par la dissolution de sulfate de cuivre, et 
électro-chimiquement par l'action ou couple voltaïque , tandis 
que la dissolution n'a aucune action sur le vernis. On retire de 
minute en minute la planche de zinc pour enlever le cuivre 
déposé, et au bout de 4 à 8 minutes on aura obtenu une plan- 
che gravée , dont le relief est suffisant pour le tirage typogra- 
phique d'un très-grand nombre d'épreuves. 

M. Devincenzi a reproduit de cette manière, en présence des 
membres de l'Académie , le portrait du Pérugin d'après Ra- 
phaël , dessiné avec soin par M. Chatfllon sur une planche de 
zinc grenée. Toutes les épreuves obtenues par le tirage de M. 
Pion ont été la reproduction parfaite du dessin. M. Devincenzi 
a Mt tirer de cette planche 800 épreuves ; avec d'autres plan- 
ches il a imprimé trois mifle épreuves , les dernières étaient 
anssi belles que les premières. 

Le D' Pring a publié en 1843 un procédé de gravure élec- 
trographiqne tout à fait particulier. Une plaque d'acier poli ou 
d'an autre métal est mise en communication avec l'extrémité 
positive d'une série de 4 à 5 couples, au moyen d'une bonne 
bobine de pile de cuivre revêtue de soie. Un autre fil, protégé 
par un tube de verre, ou de tout autre corps isolant, est tenu 
dam la main et sert de burin pour tracer le dessin. L'action 
d'une machine électro-magnétique peut être utilisée dans ce 
cas. On varie l'expérience en faisant communiquer la plaque 
avec l'extrémité négative de l'appareil. Des fils de diverses na- 
tures peuvent être employés , et on ne se sert d'aucune disso- 
lution. On peut dire que c'est là un véritable dessm électro^ 
graphique, dans lequel le courant électrique fidt le service du 
burin. 

Nous devons ajouter ici un moyen de corriger les feutes de 
gravure, qui aurait pu trouver sa place dans le chapitre traitant 
de la gravure en creux, mais qui, par la nature de son procédé, 
&it partie plutôt de la galvanoplastie. En gravure, comme en 
tout travail feât à la main, les fautes sont inévitables, l'essentiel ' 
est de pouvoir les corriger: c'est ce qui se fait pour les gravures 
de tous genres en faisant disparaître la faute de la place où elle 



tS4 

se trouve, et à graver de nemvean. A cet effet en a recours dV 
bord an repoussage, en se serrant d'un compas d'épaisseur à 
pointes recourbées pour marquer derrière le cuivre les pointe 
correspondants que Fon doit repousser ensuite au marteau pour 
remettre au niveau de la surface les endroits qui ont été ràdés 
à l'aide du grattoir. Ce travail fait on refprave de nouveau. Ce 
procédé, quoique généralement employé, ofi&^e des inconvénients 
auxquels on a cherché à remédier par la galvanoplastie. 

C'est à M. Gteorge, graveur au Dépôt de la guerre à Pans, qu'est 
dû le perfectionnement de ce procédé ; InL le maréchal YaiUaut 
a fedt à l'Académie des sciences (') un rapport détaillé sur ce 
sujet; nous en reproduisons l'essentiel: «Aussitôt, dit-il, qu'un 
atelier eut été étabU aii Dépôt de la guerre pour reproduire les 
planches de la Carte de France à l'aide des procédés galvano- 
plastiques, on eut la pensée d'appliquer ces procédés aux cor- 
rections. Comme il existe , entre la feuille*m^e et la feuille re- 
produite, une feuille intermédiaire , une sorte de coi^e->épreuve 
moulée en relief sur la première et sur laquelle se moule en 
creux la seconde, il était simple d'enlever, sur cette intermédiaire, 
à l'aide d'un grattoir , tout ce qui ne devait pas reparaître dans 
la feuille reproduite ; on obtenait ainsi, sur cette dernière, après 
l'opération, une surface plane au lieu des parties gravées et rem- 
placées. C'était déjà un progrès; mais cette méthode avait aussi 
ses inconvénients. D'abord la reproduction totale d'une feuille 
était nécessaire pour chaque correction nouvelle, et les planches 
pour une même feuille pouvaient se multiplier ainsi indéfiniment 
Secondement, la reproduction totale exige un mois au moins de 
travail et coûte encore 300 fr. Enfin, l'opérateur n'est jamais 
entièrement libre d'inquiétudes, tant seraient graves les consé- 
quences d'un accident qui, eu déterminant l'adhérence des sur- 
faces entraînerait la perte immédiate d'une planche représentant 
20,000 fir. de dépense et douze ans de travail. 

< En présence de ces difficultés, M. George eut l'heureuse idée 
d'arriver aux corrections sans intermédiaire en déposant du mé- 
tal dans les tailles, de se fedre un auxiliaire de l'adhérence si re- 

(i) Comptes rendus, t. XLIII, p. 90. 



385 

doaté dans la reproduction totale, et de rédmre ainsi le cerclé 
de l'opération au strict nécessaire en espace, en temps et en 
frais. Voici comment il a réglé ses opérations: 1* Les parties 
à corriger sont recouvertes d'une légère couche de vernis ordi- 
naire qui s'étend de quelques centimètres au delà de leur pour- 
tour. 2* Le vernis étant sec, on creuse, à l'échoppe, les parties 
à modifier. Ces parties peuvent être plus ou moins grandes; il 
importe que, pendant ce travail, l'outil soit toujours parfidtement 
propre et qu'il n'entraîne avec lui aucune parceDe de vernis; 
car tout êorps étranger, et surtout les substances grasses, nui- 
sent à l'adhérence du dépôt. 3"* Sur la planche ainsi préparée 
on construit, avec de la cire à njodeler, une sorte de cuvette 
entourant, sans le couvrir, l'espace qui a reçu le vernis, assez 
grande pour recevoir une certaine quantité de sulfate de cuivre 
en dissolution , et un petit élément galvanique. La planche est 
posée elle-même horizontalement sur 4 ou 6 supports isolants. 
4* L'élément galvanique est contenu dans un cylindre en terre 
poreuse de 0*06 diamètre sur 0",10 à 0",12 de haut Ce 
cylindre, placé sur une sorte de trépied en bois, haut de 0"*,01, 
établi au fond de la cuvette et plongeant ainsi par sa base dans 
le sulfate de cuivre , reçoit de l'eau aiguisée d'acide sulfùrique 
dans laquelle plonge une lame de zinc un peu plus large et un 
peu plus haute que le cylindre ; à la partie supérieure de cette 
lame est soudée un conducteur composé de deux fils de cuivre 
de 0",002 environ de diamètre , tordus en corde et assez longs 
pour aller s'épanouir sur la planche gravée en passant par-des- 
sus le cylindre poreux et les bords de la cuvette. 

« Pour que l'action ait heu, il faut que l'extrémité du con- 
ducteur et la place où elle se pose, soient exactement décapées. 
Ilest utile que l'opération marche d'abord très-doucement, 20 
à 24 heures suffisent largement pour avoir un dépôt conve- 
nable. Quand on le juge assez avancé , on enlève l'élément gal- 
vanique , ainsi que la dissolution de cuivre et l'auge elle-même. 
Voici ce qui se présente alors: la sur^sice qui avait été dénudée 
par l'échoppe est complètement recouverte de métal ; le contour 
est marqué par un petit bourrelet en dehors duquel se pro- 
e le dépôt avec l'apparence de boorsoufâures irréguhèrea, 

17 



386 

Sur la partie dénudée l'adhérence est complète; le bourrelet 
et les boursoufâares intérieures, séparées du cuivre de la plan- 
che par le vernis , n'adhèrent pas et ne gâtent même pas les 
traits qu'ils recouvrent 

< A l'aide d'un grattoir ordinaire de graveur, le métal déposé 
est mis de niveau avec le reste de la planche, les bourrelets ont 
disparu , et une surface nette et plane remplace les parties de 
gravure à corriger. Ainsi les corrections sont limitées à l'espace 
défectueux; les faux traits sont remplacés par du métal rap- 
porté sans choc, sans altération générale de la planche pt parM- 
tement adhérent. Le burin n'a rien à reprendre dans ce qui était 
primitivement bon. Le temps et la dépense sont réduits au mi- 
nimum, et les corrections de toute espèce sont désormais des 
opérations aussi sûres que faciles, dans tous les genres de gra- 
vure. > 

Une application très-curieuse de l'électro-chimie à la télégra- 
phie électrique, a été publiée dans le courant de l'été 1855 par 
plusieurs journaux ('). M. d'Arbaud, de Blonzac, Français, an- 
nonçait avoir trouvé le moyen de transmettre sur toute une li- 
gne télégraphique à l'aide d'un seul fil , et au moyen d'un ap- 
pareil fort simple, des écritures autographes, un dessin quel- 
conque, plan et figures, un morceau de musique, etc. H {goûtait 
que ces documents expédiés se reproduisent eux-mêmes au lieu 
d'arrivée, soit sur plaque métallique, soit sur pierre lithogra- 
phique, et qu'on peut tirer le nombre voulu d'exemplaires. M. 
d'Arbaud, de Blonzac, donne à son invention le nom de l'élec- 
trographie. 

M. Ferez ^ de Nice, annonçait de son côté avoir découvert à 
peu près le même procédé. 

Cependant, M. Giovanni Caselti, de Florence, réclame contre 
M. Ferez la priorité de l'invention, la sienne remontant, dit-il, 
à quatre mois.- Il ajoute que le mécanisme de M. Ferez a besoin 
de plusieurs fils électriques, tandis que son télégraphe panto- 
graphique n'eu emploie qu'un seul, et pourrait s'adapter sans 
aucun changement à toutes les lignes télégraphiques terrestres 

^(1) La Lumière, journal photogr. par Ernest Lacan, Paris, 18 août 1855, n* 33. - 
L'Ami des Sciences, joorn. par Victor Meunier. Paris, 9 septembre 1855, n* 36. 



587 

et sous-marines actuellement existantes. Quelques minutes ôuf- 
firaîent, avec le procédé de M. Caselli, pour transmettre de 
l'un à l'autre bout du monde une page entière de manuscrit 
ou d'impression , un dessin quelconque , et même des discours 
sténographiés, au moyen de lignes coloriées, sur un papier blanc 
ordinaire. 

Les essais plus ou moins heureux qui ont été tentés par MM. 
Grove, Fizeau, Chevalier, Bouvière, Berres, Poitevin, Baldus 
et d'autres , pour appliquer les procédés de l'électro-chimie à 
la gravure des images photographiques, trouveront leur place 
dans les articles concernant la daguerréotypie et la photogra- 
phie. 

Pour terminer convenablement la description des principales 
applications de la galvanoplastie qui précèdent , nous y en join- 
drons encore une très-remarquable, et qui a été imaginée il n'y 
a pas quatre ans ; nous voulons parler de l'autographie galva- 
noplastique. 

AUTOORAPHIE OAIiVAHOPIiASTIQUE. L'in- 
vention de cet art nouveau est due à M. le conseiller de régence, 
Aloys Auer, directeur de l'Imprimerie impériale de Vienne, et 
à M. André Worring, prote, attaché à cet établissement. D'a- 
près une déclaration de ce dernier , la première idée en revient 
à M. Auer, tandis que c'est lui, André Worring, qui en a le 
premier trouvé l'exécution technique. Ces Messieurs se sont 
posé le problème difficile que voici: Comment obtiendra-t-on, 
dans le moindre temps , à très-peu de frais , une planche mé- 
taUique, propre à l'impression, et dont le dessin soit identique, 
sous tous les rapports, à l'original , sans aucune coopération, ni 
d'un dessinateur, ni d'un graveur? 

MM. Auer et Wprring ont résolu le problème en inventant 
l'autographie galvanoplastique , ou l'art de reproduire par eux- 
mêmes des objets organiques ou inorganiques, et de transfor- 
mer ces empreintes ou copies , au moyen de la galvanoplastie, 
en planches métalliques destinées à les multiplier par l'impres- 
sion en couleur. M. Auer a appelé son invention Impretsion 
naiiireUe (Natwrseïbstdnwik); en latin on la désigne sous le nom 
de phywioXjpUm 



On sait que l'essentiel de toute reproduction, c'est d'un côté; 
un procédé facile etbon marché, et de l'autre une copie fidèle 
et exacte. Ces deux conditions sont réunies dans l'autographie 
galvanoplastique ; et en effet, quelle reproduction, quelle copie 

sera plus parfaite que celle qui est faite par l'objet même. 

I 

AniograpUa méo^altae» L'idée de se senrir des plan- 
tes elles-mêmes, à la place de planches gravées, pour en &ire 
des copies sur papier , propres à remplacer les dessins et les 
gravures, est déjà très-ancienne. Les procédés en sont décrits 
et employés dans les ouvrages du XVP siècle; on avait ak»rs 
déjà des collections de copies de plantes faites par elles-mêmes, 
servant pour l'étude de la botanique. On en fait mention entre 
autres dans le livre sur les Arts d'Alexis Pedemontanus au oomr 
mencement du XVP siècle. Le Danois Welkenstein enseignait 
à &ire des copies de plantes en 1660. Jérôme Cardanus, dans 
son Opéra Lugdunide 1663 (10 vol in-foL, vol. m, p. 581 )> 
parle du procédé de la manière suivante: <£n enduisant les plan- 
tes ûraiches (Vuœ couleur composée de vert de gris et de diar- 
bon pulvérisé, et eu les pressant sur une feuille de papier,, on 
obtiendra une belle copie de la plante » (Yt vestigium quasi ich- 
nograpbiœ remaneat). Dans le Journal des voyages de Manco- 
nys (Lyon, 1665, 4"*, voL II, p. 450) il en est fût mention aussi 
Jean Daniel Geyer (Thargelus, Apollini sacer siss. 3 de Dicta- 
mus. Francof. 1687, p. Yltina) entre dans beaucoup de détails; 
il recommande l'encre typographique et la balle de l'imprimeur, 
qui furent dès lors généralement adoptées. En Amérique même, 
comme nous l'apprend Linnée, il y avait en 1707 un nommé 
Hessel qui faisait de ces copies de plantes. 

C'était surtout dans le XVIII* siècle que ce genre de repro- 
duction devient d'une utilité réelle. 

Le typographe Fuuke, secondé par le professeur Kniphofà éta- 
blissait à Ërfurt en 1728 une imprimerie spéciale pour la copie 
des plantes, et publiait un ouvrage composé de 1200 planches. 
Plus tard, en 1758 , l'imprimeur Trampe de Halle, étendait en- 
coure davantage cette industrie, et il publiait, sous les auspices 
du conseiller Buchner et du botaniste Ludwig,, un ouvr^ de. 



'389 

Mabiqne en 12 c«iitories, c^st-&-dlire en 12 sérient eotnpofiêc» 
fûneseiine de 100 feuiUes grand in-folio (J.-H. Kniphofii Bôta- 
dica in orîgînali seu herbariam , etc. elegantissima ectypa est* 
hibéntnr, etc. , Halœ , Magdeburg , 1758 — 64). En 1741 fut 
publié le Spécimen florae Berolinensis , chez Pimprimeur de la 
cour, Henning de Berlin. Et de 1760 à 1764, Trampe publiait 
un recueil de plantes coloriées , contenant deux cents plantes 
médîcmalesisous le titre : Ectypa vegetabilium — ad natur» si- 
militudinem expressa, fol. 

L'Anglais Eirnhals et TAllemand Seutter avaient déjà, Pun en 
1728 , et l'autre à Augsburg en 1734 , exécuté des ouvrages 
ornés de plantes en couleur. 

On publiait également des traités et des procédés de cet art. 
Dans la Gazette Salutaire de 1763, n*" 2, se trouve une « recette 
pour copier toutes sortes de plantes sur papier. > 

F.-E. Bruckmann et Kniphof avaient publié des « Send- 
scbreiben Eirâuter nach dem Leben abzudrucken. » Les « Ob- 
servations sur la physique et lliist. nat > de Bozier (t. U, p. 146, 
1771) contient aussi un procédé. En 1788 — 1796 furent pu- 
bliées les « Ectypa plant. Ratisbonensium » et « Ectipa plant, se- 
iectarum » de Hoppe. Enfin ces publications se succédèrent 
en grand nombre et furent continuées jusque dans le XIX* 
siècle; par Pritzel et Graumttller en 1809 et Oppe en 1814 
(Graminées). 

n n'y a pas vingt ans qu'un individu parcourait la Snisse 
en enseignant ce procédé dans les pensionnats et les écoles. 
Il avait toutes les nuances de couleur à l'huile préparées d'a- 
vance ; au moyen d'une baDe il les déposait sur la plante , en 
rapport avec les couleurs naturelles de celle-ci, et, après l'avoir 
placée sur une feuille de papier, il soumettait le tout à une 
pression convenable pour en obtenir une copie enluminée as- 
sez propre. 

Avtiograplile câdml^ae* A cette méthode mécanique on 
substitua dans la suite des procédés chimiques, dont voici l'un. 
On eB<iait un bon papier à dessin d'une solution d'acétate de 
cuivre étendue 4'^aa , on laisse sécher, on humecte ensuite te 



890 

papier par-dessous et on le place sur quelques feuilles de pa- 
pier buvard; puis on pose dessus une feuille de plante, préa- 
lablement enduite de cyanure de potassium jaune mêlé d'eau, 
dans les proportions de 1 de cyanure sur 8 d'eau. Le tout produit 
une empreinte de couleur jaunâtre ou rousse , teinte propre à 
recevoir toutes sortes de colorations. 

Le procédé qui a donné un assez bon résultat est celui de 
Félix Abate, de Naples. H l'appelle thermographie ou art d'im- 
primer par la chaleur. Pour cela il mouille légèrement avec 
un acide étendu d'eau ou un alcali la surface des sections de 
bois dont il veut faire des feuî-simile , et en prend ensuite l'em- 
preinte sur du papier, du calicot, ou du bois blanc. D'abord cette 
impression est tout à fait invisible ; mais en l'exposant pendant 
quelques instants à une forte chaleur, elle apparait dans un ton 
plus ou moins foncé , suivant la force de l'acide ou de l'alcali. 
On produit de cette manière toutes les nuances de brun , de- 
puis les plus légères jusqu'aux plus foncées. Pour quelques bois 
qui ont une couleur particulière, il faut colorer, soit avant, 
soit après l'impression , selon la légèreté des ombres du bois. 

Cependant la lithographie ayant été inventée , cet art nou- 
veau rivalisa avec la gravure en taille-douce et avec la gravure 
sur bois de nouveau mise en vogue; toutes tendirent à la dimi- 
nution du prix des planches, et eUes ftirent substituées simul- 
tanément à l'ancienne méthode de copier les plantes par elles- 
mêmes. Celle-ci ne fut plus regardée dès lors que comme un 
amusement de la jeunesse. 



Autographle yalvanoplastlqaea Enfin un nouveau pro- 
cédé fut encore mis en pratique. Plus exact que les précédents, 
il reproduisait les moindres détails avec la plus grande fidé- 
lité et donnait même le relief: c'était la galvanoplastie. Ce pro- 
cédé fut d'abord employé dans la plupart des arts et des in- 
dustries, pour la sculpture , la fonte et la gravure, comme nous 
l'avons montré plus haut II ofirait toutes les conditions que l'on 
pouvait désirer pour obtenir une copie parfaite. 

MM. Auer et Worring profitèrent de cette qualité pour met- 
tre leur idée en œuvre; voici à quelle occasion. 



391 

En 1852 on montrait à Vienne des impressions de dentelles, 
obtenues à Londres au moyen de la presse lithographique. Ces 
échantillons étaient très-bien faits , et plaisaient généralement ; 
mais l'exécution en était coûteuse et laissait bien à désirer. M. 
Auer, à qui la Chambre de commerce avait demandé de pareil- 
les épreuves, pensa de suite qu'il serait plus avantageux de repro- 
duire ces dentelles par le procédé galvanoplastique plutôt que par 
la lithographie , et de se passer de dessinateur et de graveur. 

Après avoir conféré avec plusieurs de ses protes sur le moyen 
d'exécuter son dessein, et après plusieurs essais , M. Worring 
eut l'heureuse idée de substituer les moules de plomb aux mou- 
les en gutta-percha que M. Auer avait d'abord proposés. Dès 
lors le procédé était trouvé, la réussite parfaite (*). Voici l'opé- 
ration : on enduit l'objet à copier d'un mélange de térében- 
thine de Venise et d'esprit-de-vin, pour le fixer et l'étendre sur 
une planche de cuivre ou d'acier bien unie et polie ; là-dessus 
on place une lame de plomb pur et décapé , et on soumet le 
tout à la presse d'imprimeur en taille-douce , d'une force de 
pression d'environ 800 à 1000 quintaux , suivant le relief et la 
solidité de l'objet. On obtient de cette manière une planche avec 
l'empreinte de l'objet en creux , qui pourrait servir déjà à l'im- 
pression , si le plomb n'était pas une matière trop tendre pour 
supporter le tirage d'un certain nombre d'exemplaires. Pour 
se procurer une planche plus solide , on prend en plâtre ou en 
une autre substance convenable une contre-épreuve de cette 
plaque de plomb, contre-épreuve sur laquelle se trouve natu- 
rellement l'objet en relief. Après avoir métallisé cette planche, 
on l'expose au courant voltaïque , on fait déposer la couche de 
cuivre jusqu'à une certaine épaisseur , comme dans les opéra- 
tions électrotypiques ; de cette manière on produit une planche 
en creux, qui remplace celle en plomb, et qui peut immédiate- 
ment servir au tirage des épreuves sous la presse en taiUe- 



(1) Nous devons à l'obligeante communication de M. Auer lui-même quelques-uns 
des détails du procédé; les autres sont tirés des publications qu'il a bien voulu nous 
envoyer: Die Entdeckung des Naturselbstdrucks, etc. von A. Auer. Wien, 1853.— 
Voyez aussi Sitzungsberichte der K. K. Oestr. Académie der Wissenschaften, Bd- 
IX, Jahrg. 1852, V' Heft, p. 868 (T. 



892 

douce. On peut obtenir le même résoltat en faiisant mi moule 
primitif en métal fusible , au lieu de plomb. Si l'objet ne sup- 
porte pas la pression, ou si le relief en est trop élevé , on aura 
recours aux moules faits de stéarine ou de gutta-pereba ; et 
comme cette dernière substance a souvent l'inconvénient de 
s'attacher à l'objet , on lui substituera avec avantage une com- 
position de gomme laque et de goudron, laquelle fournit d'ex- 
cellents moules. On peut obtenir encore plus directement une 
planche en creux, lorsqu'on métallisé l'objet à copier même , et 
qu'on le soumet, avec la planche sur laquelle il est fixé à Fac- 
tion galvanoplastique , pour en produire une planche en creuii. 

Veut-on se procurer au contraire une planche en relief, pro- 
pre à être imprimée sous la presse typographique, alors on ne 
fait que deux opérations au lieu de trois, c'est-à-dire qu'on ne 
produit qu'une planche en rehef du moule en creux primitif 
Pour l'imprimer, on pose la couleur sur l'objet, au moyen du 
rouleau à encrer , au lieu de la frotter dans les profondeurs, 
comme cela se pratique pour les planches en creux. Faisons ob- 
server ici qu'il faut être très-habile pour bien encrer ces plan- 
ches en creux , lorsqu'il s'agit de les imprimer en plusieurs 
couleurs; il faut savoir imiter, nuancer et fondre parfaitement 
les diverses couleurs de l'original. 

C'est par ce procédé que MM. Auer et Worring ont repro- 
duit , avec une exactitude et une vérité frappantes, des objets 
de toute natur, des dentelles, des ouvrages au crochet, des 
broderies, des silhouettes découpées en papier, des sections de 
différentes espèces de bois, des feuilles d'arbres, des plantes 
entières, des fossiles , et même des animaux. Tous ces objets 
sont reproduits avec leurs couleurs et leur relief naturel, ou en 
noir. Le premier ouvrage avec des planches faites en auto- 
graphie galvanoplastique fut pubUé à Vienne en 1853 , et con- 
tient les cryptogames de la vallée d'Arpasch en Transylvanie, 
par M. le chevalier de Heufler. — M. de Ettinghausen a publié 
en 1864 un traité sur les nervures des papilionacées, qui est 
également orné de planches exécutées par le même procédé. 
En avril 1856 on a pubhé la première partie de la Physiotypia 
plantarum austriacarum de M. de Ettinghausen, ouvrage qui 



89S 

dM fee ooftti^Mêr de 5 vohimés ift-foUo et d\m àtte drî SOOpIwi- 
dtei. 

Mineralôtjrpie et Bliii^ralograplile. En même temps 
que M. Auer faisait la découverte de l'autographie galvanoplas- 
tiqae, M. le professeur Leydolt, de Vienne , essayait de re- 
produire des minéraux par un procédé analogue. Il a égale- 
ment réussi , surtout pour les minéraux contenant du quartz, 
grâce à la coopération de l'Imprimerie impériale de Vienne. 

M. Leydolt 6dt mordre les pierres à surface plane au moyen 
d'un acide, probablement avec l'acide fluorique ou fluate de 
chaux , employé ou à état liquide , ou en vapeur , de manière 
que les parties corrodées de la pierre forment les creux , tan- 
dis que les parties non attaquées restaient en relief. On aurait 
donc pu se servir des pierres ainsi préparées, à la place d'une 
planche gravée ou d'une tablette de bois gravée , pour en tirer 
des épreuves, quand la forme et la force de la pierre auraient 
permis cette opération. 

Mais il a préféré faire un moule en plomb ou en gutta- 
percha, et le transformer en planche métallique par le moyen 
de la galvanoplastie. C'est ainsi qu'on reproduit différentes sor- 
tes de minéraux^ surtout ceux qui ^ont attaquables aux acides? 
tels que les agates , des granits et d'autres. Ce procédé a été 
nommé minéralotypie et minéralographie, suivant que les plan- 
ches sont en relief ou en creux. 

Kous ajouterons encore un procédé très-ingénieux, imaginé 
en 1854 par M. Prey, prote dans l'Imprimerie impériale de 
Vienne (*); il consiste à transformer les dessins faits sur papier 
en planches d'impression. Les principes de ce procédé sont ceux- 
ci: On dessine d'abord sur un papier préparé à cet effet, avec 
un crayon qui produit les mêmes effets que le crayon ordinaire ; 
on transporte ce dessin sur une planche de cuivre , et on traite' 
ensuite par la galvanoplastie , pour former la planche qui doit 
servir an tirage des épreuves sur papier. On peut imprimer ^ 



(I) Pant, i^lif r«fi$c|i-4U«stri8t^ j^taelmfl, Wiea, 18N. n* fO. 



17* 



394 

noir ou en plosîeiirs couleurs, et les épreuves imitent par£Mte- 
ment les dessins an crayon faits sur papier blanc, ou les des- 
sins à deux teintes, ou enfin les dessins légèrement coloriés. Ce 
procédé est très-précieux pour les artistes , vu que le dessin 
sur le papier préparé est aussi facile et aussi grené que sur 
le papier ordinaire , et on a de plus le grand avantage de pou- 
voir multiplier à l'infini les dessins originaux, et de faire toutes 
les corrections et retouches nécessaires. MM. Breyer, galvano- 
graphe, Van der Niill, professeur, le conseiller Sprenger, et 
RanfU , peintre, ont fait les premiers essais dans ce genre ; la 
réussite était parfaite. 

Toutes les opérations électro*chimiques de Fautographie gai- 
vanoplastique s'accompUssent au pôle négatif, et par conséquent 
font partie de l'électrotypie. 

Nous ne devons pas oublier de remarquer que, dès que la 
découverte de M. Auer fut connue (*) , on est venu lui contester 
la priorité de l'invention, en faisant observer qu'il y a plus de 20 ans 
qu'un graveur de Copenhague, Pierre Kyle, qui est mort depuis 
avait fait une invention pareille. Voilà sur quoi se base cette^ 
prétention: Un particulier avait déposé, le 28 mai 1853 , dans 
le cabinet royal des estampes de Copenhague, un manuscrit de 
Kyle contenant la description de son procédé et 46 planches 
d'épreuves. Cet ouvrage avait le titre suivant : < Description, 
avec 46 planches, du procédé pour copier des produits de la 
nature et de l'art , de formes planes, par Pierre Kyle ; Copen- 
hague le 1*' mai 1833. > Ce n'est donc que 20 ans après que 
ce manuscrit avait été écrit, qu'on a eu connaissance de ce pro- 
cédé. Quant à celui-ci, voici en quoi il consiste, selon la traduc- 
tion que M. Auer en a fait publier : < Pierre Kyle , pour faire les 
copies, plaçait les objets à repioduire sur une planche de fer 
étamé , de l'épaisseur d'une demi-ligne; l'étamage avait pour 
but de retenir les objets toujours à la même place pendant l'o- 
pération. Sur cette planche et les objets il posait une autre 
planche en cuivre bien amolli, et de l'épaisseur d'une demi- 
ligne, et il soumettait le tout à la pression de deux rouleaux d'a- 

(1) Ëigentbttms-Streit bei neoea Boldeckuogeo, etc . voo A. Auer; Wien. 1853, 



396 

cier d'an laminoir , pour imprimer l'objet dans la planche de 
cniTre : il obtenait ainsi une planche en creux. Une contre- 
épreuve de ceUe-ci faite de la même manière, mais sur un mé- 
tal plus mou, du zinc, de l'étain ou du plomb, lui procurait une 
planche en relief. On a lieu de douter que des feuilles d'arbre» 
des plumes , et même des dentelles , ofi&issent assez de résis- 
tance pour supporter une pression telle qu'il fallait pour les im- 
primer dans du cuivre, si bien amolli qu'il ftlt, sans se défigu- 
rer. L'impression de ces objets sur le îex présente encore plus 
de difficultés, et Kyle avoue qu'il n'a pas réussi, et qu'il lui 
Mait resjoucher à la pointe sèche. Kylp dit avoir reproduit par 
son procédé des feuilles d'arbres, des tissus, des écailles de pois- 
son et des plumes d'oiseaux, et les avoir imprimés sur du papier 
avec de l'encre d'imprimeur. > 

Sans même avoir vu ces épreuves sur papier, on peut suppo- 
ser qu'elles étaient très-faibles et imparfaites, et il est facile de 
juger qu'il n'y a aucun rapport entre le procédé de Kyle et 
celui de M. Auer. 

• Emploi du magnétisme à la gravure. On n'a pas 

employé seulement l'électricité dans l'art de la gravure, mais 
aussi le magnétisme. 

En 1840, M. W. Jones (*) a imaginé le procédée suivant: On 
se procure une planche d'acier qu'on noircit comme à l'ordi- 
naire, puis on y trace, au moyen d'une pointe énergiquement ai- 
mantée, n:ai3 dont le bout est plutôt en peu arrondi que trop 
aigu, le dessin qu'on veut graver. Il faut faire attention de te- 
nir la pointe un peu inclinée , d'appuyer fermement sur la 
planche et de se placer de telle sorte que cette pointe soit à très- 
peu près dans le plan du méridien magnétique. 

La planche ainsi gravée et magnétisée étant nettoyée soigneu- 
sement et séchée , on répand à sa surface du fer en poudre fine 
(la limaille de fer bien fine et pure, qu'on lave plusieurs fois avec 
de l'alcool très-rectifiée). Cette poudre , en inclinant la planche, 
glisse le long de son plan, excepté dans tous les traits oi!i a passé 

(i) U Technoloipste, t, I, 1840, p. fS^, 



S96 

la pointe et où elle adhère fortement Ayant ainsi obtena des 
contonrs sensibles , on imprime au moyen d'one presse lithogra- 
phiqae. 

Le papier d'impression doit recevoir une préparation pour 
que le fer métallique puisse s'y combiner. On produit une belle 
impression bleue en imprégnant le papier avec une solution de 
prussiate de potasse , et une impression noire en le mouillant 
avec une infusion fiedble de noix de galle. Les épreuves ont be- 
soin d'être exposées à Pair pendant quelque temps avant d'ac- 
quérir tout leur éclat, et le fer doit être dans le plus grand état 
de division possible pour que les combinaisons chimiques^uissent 
s'opérer promptement Ce genre de gravure est intermédiaire 
entre la lithographie et le mezzotinto. 

Nous terminerons ici notre notice sur la galvanoplastie. Sans 
prétendre avoir épuisé le siyet, nous^croyons en avoir assez 
dit pour que l'on puisse se faire une idée de combien d'élé- 
ments et de moyens elle dispose , et quel champ vaste et fertile 
elle ofire pour des applications %ux arts et aux industries. 

Nous devons nous occuper maintenant de la photographie. 
De l'électricité passons à la lumière, cette autre force de la na- 
ture dont la sagacité de l'esprit humain a su tirer un si beau 
profit pour les arts. 

Sous ce point de vue la lumière a de l'analogie avec l'élec- 
tricité. Le courant voltaïque, l'étincelle électrique façonne ou 
grave les formes que l'homme lui prescrit; le rayon lumineux 
fait plus encore, il dessine, il peint tout ce que l'homme voit, 
et même les choses qu'il n'aperçoit pas à l'œil nu. Quelles mer- 
veilles nous offirent déjà ces deux arts à peine nés , et combien 
sont encore cachées ? 

Nous adopterons la théorie photographique de M. Guillotte, 
ingénieur, et nous appellerons héliographie (du grec héUos, so- 
leil ) l'art de fixer une image quelconque sur une surfeice im- 
pressionable ou réductible. 

Nous choisirons encore ce mot pour désigner l'ensemble des 
opérations photographiques, en l'honneur de l'inventeur de cet 
art, Nicéphore Niepce, qui avait le premier adopté ce nom. En^ 



397 

core une autre cause nous détermine à conserver le nom dlié- 
liographie, c'est que réellement toutes les opérations de Nicé- 
phore Niepce, et même celles de Daguerre, avaient été faites au 
moyen des rayons solaires. 

Cet art se subdivise en deux branches, que nous appellerons : 
1" daguerréotypie, et 2** photographie, noms consacrés par l'u- 
sage. 

1"* La daguerréotypie sera spécialement l'art de fixer une image 
quelconque sur une plaque de cuivre argentée. 

2* La photographie (phôs, photos, lumière) l'art de fixer une 
image quelconque sur une substance quelconque , autre que le 
cuivre argenté, quelle que soit la manière d'en préparer la sur- 
face. 

Ces deux arts ont plus d'un rapprochement; mais le plus sail- 
lant, c'est qu'ils sont fondés tous les deux sur cette propriété 
des sels d'argent d'être réduits plus ou moins facilement par 
la lumière. 

HÉLIOGRAPHIE 

HéliographieB La lithographie venait d'être découverte, et 
à peine cette précieuse invention de Senefelder était-elle con- 
nue et répandue, qu'elle fixait toute l'attention des artistes et 
des industriels. Partout on cherchait dans les carrières, on fouil- 
lait le sol pour y découvrir des pierres calcaires propres aux pro- 
cédés lithographiques. 

Joseph-Nicéphore Niepce, propriétaire à Chalon-sur-Saône, 
qui s'occupait dans ses loisirs d'agriculture et de mécanique, 
tenta aussi quelques essais lithographiques, et il choisit une qua- 
lité de pierres dont on se sert pour couvrir la route de Lyon (*). 
Ses expériences n'ayant point réussi, il imagina de substituer 
aux i^ierres un métal poli; il essaya de tirer des épreuves sur 
une planche d'étain avec des crayons hthographiques, et c'est 
dans le cours de ces recherches qu'il conçut l'idée d'obtenir sur 
des plaques métalliques la représentation des objets extérieurs 

(1) Bultetio de la Société d'encouragement, etc. vol. XVI, 1817, pages 189 et 909^ 



39S 

par la seule action de la lumière: Joseph-Nicéphore Niepce 
avait découvert lliéliographie. 

C'est à l'année 1813 que remontent ses essais, et il fit ses 
premières découvertes en 1814. 

Nous ne pouvons mieux faire que d'emprunter à l'excellent 
ouvrage sur les découvertes scientifiques de M. Louis Figuier (*) 
les détails de ce procédé héliographique. 

« Niepce s'appliqua d'abord à reproduire des gravures; il 
vernissait une estampe sur le verso pour la rendre transparente, 
et il l'appliquait ensuite du côté recto sur une planche d'étain 
vernie d'une couche de bitume de Judée. Les parties noires de 
la gravure arrêtaient les rayons lumineux; au contraire, les 
parties transparentes ou qui ne représentaient aucun trait de 
burin les laissaient passer librement. Les rayons lumineux, tra- 
versant les parties diaphanes du papier, allaient blanchir la cou- 
che de bitume de Judée appliquée sur la lame métallique , et 
l'on obtenait ainsi une reproduction fidèle du dessin , dans la- 
quelle les clairs et les- ombres conservaient leur situation natu- 
relle. En plongeant ensuite la lame métallique dans l'essence de 
lavande, les portions du bitume non impressionnées par la lu- 
mière étaient dissoutes, et l'image se trouvait ainsi mise à l'abri 
de l'action ultérieure de la lumière. » 

Le but que Niepce se proposait était la multiplication par la 
gravure, et il y réussit assez bien. En attaquant ses planches 
par un acide faible, il creusait le métal en respectant les traits 
abrités par l'enduit résineux , qui remplaçait le vernis du gra- 
veur. Il formait ainsi des planches à l'usage des graveurs. Mais 
n'ayant pas assez de connaissances pratiques dans l'art de la 
gravure (*), il cherchait le secours d'un artiste qui pût le secon- 

(I) Exposit. hist. des principales découverles scieutifiques modernes par Louis Fi- 
guier, Dr. es sciences. Paris, 4851, 1. 1, p. 31. 

(4) Observons en passant que si Nicéphore Niepce, et c'est aussi son propre aveu, 
eût su quelques-unes des manipidations employées dans les arts et l'industrie, il 
aurait pu arriver plus facilement peut-être au but de ses recherches. Cela nous sug- 
gère la réflexion suivante: Ne serait-il pas convenable d'introduire les étudiants, 
même tous les jeunes gens des écoles et des pensionnats, dans les ateliers où l'on 
pratique l'art et l'industrie, guidés par un maître intelligent, pour les initier de bonne 
heure à tous les genres de main-d'œuvre. On en reUreralt, j'en suis certain, de grands 



399 

der dans cette entreprise. M. Lemaitre , excellent graveur de 
Paris, accepta obligeamment cette tâche, et en 1826 il reçut 
par l'entremise de M. de Cbampmartin , beau-frère de Joseph 
Niepce, deux petites planches de cuivre que ce dernier avait 
vernies et préparées à la gravure à Peau-forte (*). Cet essai ne 
réussit point 

Après avoir lui-même essayé de graver , Niepce envoya en 
janvier 1827 cinq planches d'étain à Paris, pour les soumettre 
au jugement de M. Lemaitre ("). Niepce avait choisi Pétain, parce 
que ce métal lui paraissait préférable au cuivre , à cause de sa 
blancheur ; la plus grande ce ces planches était une copie hélio- 
graphique d'une gravure représentant la Vierge, l'Enfant Jésus 
et saint Joseph. Les quatres autres plus petites étaient de dou- 
bles copies d'un portrait et d'un paysage. Ces planches n'étaient 
pas vernies, mais gravées faiblement à l'acide acétique allongé 
de vinaigre de bois, surtout celles qui représentaient le paysage. 
Ces gravures héliographiques, suivant l'avis de M. Lemaître, 
n'avaient pas trop mal réussies (') ; les contours et tous les dé- 
tails, même les travaux fins, étaient reproduits avec exactitude, 
mais ce qui leur manquait encore , c'était l'effet et la véritable 
valeur de chaque teinte : le ciel de l'tin des paysages ofirait une 
teinte qui paraissait le résultat de la gravure à l'aqua-tinta; 
dans le portrait toutes les tailles étaient bien marquées, surtout 
celles des demi-teintes ; les taDles des ombres étaient confon- 
dues, et celles des fonds arrondies, au lieu d'être de vive-arête; 
cependant les épreuves sur papier, tirées de ces planches avec 



avantages. D'abord les jeunes gens n'ignoreront plus aucun de ces travaux; car les 
traités ne suffisent pas, il faut examiner et voir pour comparer et juger; ce serait 
ensuite un moyen de plus pour développer l'intelligence de la jeunesse; et puis, les 
parents auraient plus de facilité dans le choix d'une vocation à donner à leurs en- 
fants. Je ne sais pas ce qui se passe sous ce rapport dans les autres pays, mais dans 
quelques* parties de la Suisse, notamment à Bâle et à Zurich, on a l'habitude de 
condaire de temps en temps les écoliers dans les ateliers pour leur montrer toutes 
les manipulations. C'est un exemple à suivre pins généralement. H. H. 

(1) Voyez Correspondance entre Joseph-Nicéphore Niepce, à Gh&lons, et M. Le- 
maitre. graveur à Paris, dans le journal La Lumière, 1851, n* 1 à 9. — Lettre du 
23 janvier 18i7. 

(2) Lettre du 2 fév. 1SS7. 

(3) Lettres du 7 févr.,des 5 et i7 mars \9gl. 



400 

beaucoup de soia et sons les yeux de M. Lemaltre, donnèrent 
on résultat assez satisfaisant 

Niepce attribuait les défectuosités de ces planches à la fragi- 
lité du Yemis appliqué en couche trop mince, à la divergence 
des rayons lumineux , et à la résistance plus ou moins grande 
qu^fls éprouvent dans leur transmission; il supposait que cet 
inconvénient n'existerait plus, s'il lui était possible de rem- 
placer par l'emploi du mégascope les procédés dont U se servait 
pour la copie des gravures ; alors, et dans la supposition de la 
réussite la plus favorable, le résultat de l'opération serait tel 
qu'on pourrait se passer de l'art de la gravure, et qu'alors l'of- 
fice de la main se réduirait à verser l'acide sur la planche , qui 
se trouverait attaquée et creusée dans le rapport de dégradcL- 
tUm des teintes (*). « S'il en était autrement, dit-il, je devrais 
désespérer de fixer l'image des objets représentés dans la cham- 
bre noire, qu'on peut regarder comme le beau idéal du laois, 
étant tous composés de nuances extrêmement délicates. Cepen- 
dant mon procédé est susceptible de les retenir et de les expri- 
mer avec une grande fidélité. » 

Niepce ne se faisait point iUusion sur la réussite de ces gra- 
vures, et il sentait effectivement quelle serait la témérité de 
l'entreprise comparée à l'insuffisance de ses moyens , dépourvu 
qu'il était des ressources en bons conseils, et surtout de con- 
naissances pratiques dans la gravure. Mais, pensa-t-il , s'il fiJ- 
lait renoncer à l'avantage de multiplier les épreuves par le 
moyen de la gravure, on aurait du moins celui de se procurer 
une copie exacte et inaltérable de la nature par ce même 
procédé. Niepce se proposait alors de graver des points de vue 
éPcLprès nature à Vaide de la chambre noire perfectionnée. Les 
expériences de ce genre, faites précédemment et depuis 1824 
déjà, lui faisaient augurer un heureux résultat (*). Voici com- 
ment il procédait : Sur une planche de plaqué ou cuivre argenté 
il appliquait une couche de bitume de Judée ; la planche ainsi 
recouverte était placée dans la chambre noire et l'on faisait 
tomber à sa surface l'image transmise par la lentille de l'instru- 

<1) LeUredul6févr. 1827. 
(i) UttTQduSféTr.iSÏ?, 



401 

ment. Au bout d'un temps assez long la lumière avait agi sur 
la surface sensible. En plongeant alors la planche dans un mé- 
lange composé de 9 parties de pétrole contre une d'essence 
de lavande , les parties de l'enduit bitumineux que la lumière 
avait frappées restaient intactes, les autres se dissolvaient ra- 
pidement.. On obtenait donc ainsi un dessin dans lequel les 
clairs correspondaient aux clairs et les ombres aux ombres; les 
dairs étaient formés par l'enduit blanchâtre de bitume, les om- 
bres par les parties polies et dénudées du métal; les demi- 
teintes, par les portions du vernis sur lesquelles le dissolvant 
avait partiellement agL Ces dessins métalliques étaient donc 
directes, mais n'avaient qu'une médiocre vigueur. 

Niepce essaya de les renforcer en exposant la planche à l'é- 
vaporation spontanée de Fiode ou aux vapeurs émanées du 
sulAire de potasse, dans la vue de produire un fond noir, sur 
lequel les traits se détacheraient avec plus de fermeté ; mais il 
ne réussit qu'incomplètement. 

Quoique le problème photographique fut résolu dans son 
principe, ce procédé avait un inconvénient capital, c'était le 
temps considérable qu'il exigeait pour l'impression lumineuse. 
Le bitume de Judée est une substance qui ne s'impressionne 
qu'avec une lenteur extrême; il ne fallait pas moins de 10 
heures d'exposition pour produire un dessin, et le modèle su- 
bissait naturellement des changements d'éclairage pendant ce 
laps de temps (*). Pendant quelque temps Niepce fut inter- 
rompu dans ses travaux par un voyage qu'il fut forcé de faire 
en Angleterre, oîi il avait un frère dangereusement malade ; il 
y fit bientôt la connaissance d'un membre de la Société royale 
de Londres, M. Francis Bauer, à qui il apprit qu'il avait fait 
l'importante et intéressante découverte de fixer d'une manière 
permanente l'image de tout objet par l'action spontanée de la 
lumière, et il lui montra plusieurs spécimens très-intéressants, 
tant d'images fixées sur des planches d'étain poli, que des 
impressions faites sur le papier d'après ces planches préparées 



(1) M. L. Figuier déjà cité ; voyez aussi: Considérations sur la photographie au 
point de vue abstrait, présentées à l'Académie des Sciences, le 28 août. 1854, par M. 
E. Ghevreul. 



402 

par son procédé chimique. Niepce désirait que sa découverte 
f&t connue de la Société royale de Londres, et il écrivit à cet 
effet un mémoire daté du 8 décembre 1827, qu'A remit à quel- 
ques-uns des membres les plus influents de cette Société, en y 
joignant plusieurs spécimens de ses produits. Mais comme Niepce 
ne voulut pas expliquer son secret , le mémoire et tous les spé- 
cimens lui furent rendus , après avoir été exposés et examinés 
pendant plusieurs semaines, et le siget ne fut plus jamais pré- 
senté à la Société ('). 

Avant de quitter l'Angleterre, Niepce fit hommage à M. Francis 
Bauer de plusieiu*s spécimens de son art nouvellement décou- 
vert; l'un d'eux fiit sa première expérience heureuse pour fixer 
l'image de la nature ; une autre planche préparée avec ce qu'il 
appelait le procédé chimique pour agir sur une planche de cuivre, 
comme une gravure à l'eau-forte, et pour prendre des impressions 
de la même planche (*). 

Revenu dans sa patrie, Niepce reprit ses travaux avec une 
nouvelle ardeur, mais il renonça à la copie des gravures, et se 
borna à celle des points de vue pris avec la chambre obscure 
perfectionnée de WoUaston. Les verres périscopiques lui pro- 
curaient des résultats bien supérieurs à ceux qu'il avait obtenus 
jusqu'alors avec des objectifs ordinaires , et même avec le prisme 
ménisque de V. Chevalier. Son unique but désormais devait être 
de copier la nature avec la plus grande fidélité, et ce fiit à cela 
qu'il s'attacha exclusivement; « car, dit-il, ce n'est que lorsque 
j'y serai parvenu (si toutefois il n'y a pas trop de témérité de 
ma part dans cette supposition ), que je pourrai m'occuper sé- 
rieusement des différents modes d'application dont mon procédé 

peut être susceptible (') » 

Nous avons déjà dit comment Niepce procédait pour arriver 
à ce résultat et nous avons signalé les inconvénients. 
Niepce ne l'ignorait point; mais il attribuait à l'action trop 



(1) Lettre adressée le 27 fév. 1839 au rédacteur de la Giazette de littérature de 
Londres, par M. Francis Bauer. F. R. S. membre de la Société royale de Londres. 
— Lumière. 1851 , n*i. 

(2) Lettre de M. Bauer, déjà citée. 

(8) Correspondance entre Niepce et Lcmaitre, lettre du 20 août ldi8. 



408 

prolongée de la hunière l'une des défectuosités les plus cho- 
quantes de ses planches : « Malheureusement, écrivait-il en 1828 
à M. Lemaitre, il ne m'est pas possible de l'éviter avec un ap- 
pareil dans lequel les devants sont si peu éclairés, qu'il faut 
un temps considérable pour qu'ils puissent s'empreindre, même 
légèrement; de là ces disparates et cette confusion produites 
par le changement de direction, tantôt oblique et tantôt opposée, 
des rayons solaires. Pour parvenir à un succès décisif, il est 
indispensable que l'effet ait lieu le plus promptement possible ; 
or, il faudrait pour cela une chambre noire aussi parfaite que 

celle de M. Daguerre Je me suis donc empressé de répondre 

à ses offres obligeantes de service, en lui proposant de coopé- 
rer avec moi au perfectionnement de mes procédés héliogra- 
phiques et de s'associer aux avantages qui résulteraient d'une 
complète réussite ('). » 

Louis-Mandé Daguerre (*), dont il est question dans cette let- 
tre de Niepce, était un peintre habile à Paris , qui avait surtout 
fondé sa réputation par l'invention du Diorama, et que ses 
études si spéciales sur le jeu et les combinaisons de la lumière 
avaient également amené à entreprendre de fixer les images 
de la chambre obscure. Toutefois, malgré des recherches per- 
sévérantes, il est certain qu'il n'avait encore rien trouvé lors- 
qu'il apprit par hasard que M. Niepce avait résolu ce difficile 
problème. 

En 1826 déjà Daguerre s'était adressé à Niepce pour lui 
annoncer que depuis fort longtemps il s'occupait du même 
objet que lui; il demandait à ce dernier s'il avait été plus heu- 
reux que lui dans ses résultats, et s'il croyait la chose possi- 
ble ('). Une année après , Daguerre écrivait de nouveau, avan- 
çant qu'il avait déjà obtenu des résultats très-étonnants , cepen- 
dant ît doutait de la possibilité d'être entièrement satisfit des 
ombres par ce procédé de gravure de Niepce, ce qui Itd faisait 
tenter des recherches dans une autre application , tenant plutôt 
à la perfection qi^à la multiplicité (*). 

(i) Lettre du 35 octobre 1829. 

(2) Louis-Jacques-Mandé Daguerre, oé à Gormeil-en-Parisis. le 18 aovembre 1187. 
mourut à Brie le iO avril 1851. 

(3) Lettre du 2 févr. 1827. 
(4)Utiredii9févr.l8a7.. 



404 

Un peu plus tard, en avrfl 1827, "Niepoe reçdt de l^gwa» 
«m petit dessin élégamment encadré, fait i la sépia et tenniné 
à l'aide de son procédé. Ce dessin, qui représentait on intérieur, 
produisait beaucoup d'effet, mais il était difficile de déterminer 
ce qui était uniquement le résultat de l'application du procédé, 
puisque le pinceau y était intervenu. Ce genre de dessin fut ap- 
pelé par Daguerre , qui en était l'auteur , deasinrfumée , et se 
vendait chez Alphonse Giroux à Paris (*). 

Niepce, pensant qu'une prévenance en vaut une antre, et vou- 
lant répondre au désir que Daguerre avait témoigné (*) , lui 
envoya une planche d'étain représentant la Sainte Fnmiâe, lé- 
gèrement gravée d'après les procédés héliographiques, en l'invi- 
tant en même temps (s'il n'y a pas indiscrétion de sa part) à lui 
£ure conni^tre le résultat de ses expériences à l'aide de la 
chambre noire perfectionnée, et eu lui offirant la réciprocité C). 

Daguerre n'envoyait rien; sa critique paraissait impartiale, 
mais sévère, ce qui décida Niepce à renoncer à la gravure, et 
à se livrer à une autre applicati<m qui n'exige&t pas l'emploi 
des acides, c'est-à-dire à la copie héliographique seule (^). 

Lorsqu'en 1827 Niepce , venant d'Angleterre , passa à Paris, 
il y vit Daguerre, mais aucun produit de ses recherches. Celui- 
ci lui témoigna alors, et même encore après son retour, le dé- 
sir réitéré de connaître le résultat de ses nouvelles recherches 
hcliographiques. Niepce lui adressa donc en octobre 1829 encore 
un essai, mais sur argent plaqué, d'un point de vne d'après na- 
ture, pris dans la chambre noire (<^). 

Ces divers rapports et communications, et surtout de la part de 
Daguerre l'assurance, quoique sans effet, d'avoir découvert de 
son côté un procédé pour la fixation des images de la chambre 
noire, procédé tout différent de cdui de Niepce, et gui avait même 
sur hd un degré de supériorité, séduisirent Niepce et eurent pour 
suite une association provoquée par Daguerre et désirée par 



(i) LeUredu3avriHS27. 

(2) Lettre du 4 juin 1897. 

(3) Uttre du 4 juin 1827. 

(4) Uttre du 34 juillet lân. 

(5) Lettre du 4 octobre 1829. 



405 

N^iei»» âaa» PinléFèt de sa déconverte. Ce traité fat conclu entre 
etUB à Chinons, le 14 décembre 1829, et Niepee communiqua ea^ 
sffite à son associé tous les faits relatifs à ses procédés héliogra» 
phiques. 

]>agu«rre, en perfectionnant le procédé, remplaça le bitume de 
Judée par la résine que Ton obtient en distillant l'essence de la^ 
?ande, matière qui jouit dune certaine sensibilité lumineuse. 
Avant de laver la plaque dans une huile essentielle, il l'exposait à 
l'action de la vapeur fourme par cette essence à la température 
ordinaire. Cette modification du procédé Niepee ne diminua que 
faiblement la durée de l'exposition dans la chambre noire ; 7 à 8 
heures étaient encore nécessaires pour obtenir une vue. 

Le hasard amena les inventeurs à substituer aux substances ré- 
smeuees l'iode, qui' donne aux plaques d'argent une sensibiMté ex- 
quise. Ce fut le premier pas vers l'entière solution d'un problème 
qmaivait déjà coûté vingt ans de recherches assidues. 

Mais il n'était pas réservé à l'inventeur de voir s'aceomplb: le 
tnoQ^he définitif de son inveation. Ni^ce, alors âgé de 68 ans, 
mourut pauvre et ignoré à Chàlons, le 5 jaQlet 1833 (>)• 

Cmq ans après la mort de Niepee, Daguerre avait combkié et 
formulé la méthode admirable qui immortalisera son< nom. 

.^insi donc Joseph-Nicéphore Niepee est l'inventeur de l'hé- 
liographie sur-des planches métalliques, et Louis-Mandé Daguerre 
a;perféctioiuBé les pi^océdés de Niepee, et imaginé dans son en^ 
semble la méthode générale actuellement en usage. 

Avant de parler de la daguerréotypie, on nous* permettra de 
menlioimer 1«8 reohercliet faites antériettremeikt et 
postérieuremeni à cette découTerte^ et de dire quel- 
ques mots sur l'instrument principsd employé dans cet art , la 
obambre o¥8oure> 

On prétend qu'on connaissait déjà dans le XM* siècle, du temps 
de Roger Bacon, la chambre obscure, et qu'en 1540, Erasme 
ReiiÀoId de Saalfeld s'en était servi pour observer une éctipse de 



(1) Il était né le 7 mars 4765. Voyez M. Figuier, déjà cité, et la Biographie de Ni- 
céphore Niepee par M. Francis Wey : Lumière, 18^1, p. 86. 



406 

Bolefl. Trois savants italiens, un bénédictin du nom de Oapniitîo,Léa> 
nard de Vinci, le doyen des peintres de la renaissance, et on phy- 
sicien napolitain, Jean-Baptiste Porta, avaient également reconnu, 
chacun de son côté, qu'en perçant un petit trou dans le volet de 
la fenêtre d'une chambre bien close , tous les objets extérieurs 
dont les rayons peuvent atteindre le trou vont se peindre sur le 
mur de la chambre qui lui fait face, avec des dimensions réduites 
ou agrandies, selon les distances, avec des formes et des situations 
relatives, exactes, mais renversées , enfin avec les couleurs na- 
turelles. Porta découvrit bientôt que le trou n'a nullement be- 
soin d'être petit, qu'il peut avoir une largeur quelconque, pourvu 
qu'on lui adapte une lentille. 

Les images produites par l'intermédiaire du trou ont peu d'in> 
tensité ; les autres brillent d'un éclat proportionnel à l'étendue 
superficielle de la lentille qui les engendre. 

Les premières ne sont jamais exempts de confusion ; les ima- 
ges des lentilles, au contraire, quand on les reçoit exactement 
au foyer, ont des contours d'une grande netteté. Cette netteté est 
devenue vraiment étonnante depuk qu'aux lentilles simples, com- 
posées d'une seule espèce de verre et possédant dès lors autant 
de foyers distincts qu'il y a de couleurs différentes dans la lu- 
mière blanche, on a pu substituer des lentilles achromatiques qui 
réunissent tous les rayons possibles en un seul foyer, depuis 
surtout que l'on a adopté la forme périscopique , inventée par 
Wollaston. 

Porta fit construire des chambres noires portatives. Chacune 
d'elles était composée d'un tuyau plus ou moins long, armé d'une 
lentille; l'écran blanchâtre, en papier ou en carton, sur lequel 
les images allaient se peindre , occupait le foyer. Le physicien 
napoUtain destinait ses petits appareils aux personnes qui ne 
savent pas dessiner. Pour obtenir des vues par&itement exactes, 
il proposait de suivre avec la pointe d'un crayon les contours de 
l'image focale. 

€ Il n'est personne, dit M. Ârago ('), qui, après avoir remarqué 
la netteté de contours, la vérité de formes et de couleurs, la dé- 

(1) Rapport de M. Arago fait à rAGadémie des sciences, le 3 juillet i839. 



407 

gradation exacte de teintes qu'offi-ent les images engendrées par 
cet instrument, n'ait vivement regretté qu'elles ne se conservas- 
sent pas d'elles-mêmes, et n'ait appelé de ses vœux la découverte 
d'un moyen efficace de les fixer sur l'écran focal. » 

Nous ne pouvons que succinctement mentionner les travaux qui 
furent faits pour la réalisation de ce problème, en citant seule- 
ment les recherches qui ont un rapport direct à' la photographie. 

Les alchimistes réussirent jadis à unir l'argent à l'acide extrait 
du sel marin: le produit de la combinaison était un sel blanc, 
qu'ils appelèrent lune ou argent corné, et qui n'était que du chlo- 
rure d'argent. Ce sel jouit de la propriété remarquable de noircir 
à la lumière d'autant plus vite que les rayons qui les frappent 
sont plus vifs. 

Cette propriété du chlorure d'argent, découverte en 1565, 
cette action bien constatée de la lumière laissant sur un fond 
préparé une coloration véritable, sont les premiers éléments de 
la photographie (*). 

On doit à Scheele, vers le milieu du XYIII* siècle, la décou- 
verte et l'analyse des rayons chimiques. En 1802, Eitter en Al- 
lemagne et WoUaston en Angleterre, reprirent chacun de son 
côté l'étude du spectre solaire à l'aide du chlorure d'argent. 
C'est à Wedgewood, comme nous le verrons plus loin, qu'ap- 
partient la pensée de la photographie. Nous avons montré que 
les premiers succès dignes de fixer l'attention furent obtenus 
par Nicéphore Niepce, et que Daguerre a résolu de la manière 
la plus parfaite le problème merveilleux de la fixation des ima- 
ges formées au foyer des lentilles. 

Les travaux de M. Moser, de Kœnigsberg, sur le procédé de 
la vision, sur les effets de la lumière sur tous les corps, et ses 
célèbres images ont fait faire un pas de géant à la science et 
ouvert un nouveau et vaste champ aux recherches scientifiques. 

Quelques conclusions du célèbre professeur montreront l'im- 
portance de ces études. 

« Toute surface touchée par un corps quelconque acquiert la 
&calté de reproduire l'image de ce corps par la condensation 

ii) Répertoire d'optique moderoe. par Tabbé Moigno, Paris, 1850, t. II, p. 003-694, 



J 



408 

d'une vapeur quelconque, arec adhésion on combinaison chi- 
mique. 

€ La lumière agit sur toutes les substances, et Ton peut met- 
tre son action en évidence à l'aide d'une vapeur quelconque qui 
adhère à la substance ou exerce sur elle une action chimique. 
La découverte de Daguerre est un cas très*particnlier de cette 
proposition générale. 

« Le contact, l'action des vapeurs et la lumière produisent, 
quoique à différents degrés suivant les circonstances, les mê- 
mes effets sur toutes les substances, en modifiant leur affinité 
pour les vapeurs, ou en leur donnant la fitculté de les conden- 
ser. Aux trois grandes causes de formation d'images que nous 
avions d'abord énumérées: le contact. Faction des vapeurs, Pîn- 
flnsnce de la lumière, il faut en joindre une quatrième plmi nni- 
versellement agissante, le rayonnement propre de tous les corps 
de la nature. 

« Deux corps quelconques mis en présence et suffisamment 
rapprochés impriment l'un sur l'autre leur image, etc., etc. » 

Aux travaux de M. Moser se lient ceux de MM. Waidle et 
Fîzeau ; — les reproductions en creux, telles que cachets, plan- 
ches gravées sur cuivre, cuivre plaqué et laiton , au moyen de 
la chaleur, ou images thermographiques de M. Knorr à Easan, 
et d€ M. Hunt en Angleterre, 1842; — les images hydrographi- 
ques obtenues par le souffle de l'haleine, par M. Bertot; — les 
images produites par MM. Morer, Manon, Kursten; — les ima- 
ges atmo-électriques et électrographiques de M. Pierre Riess, 
de Berlin, en 1845; — et enfin les recherches remarquables 
sur la théorie de la formation des images daguerricnnes par M. 
Dumas , par MM. Choiselet, Ratel, Fyfe, Arago, Gandin, Oau- 
det et d'autres. 

DAGUERRÉOTPYIE 

Le public eut connaissance pour la première fus de la dé- 
coofvtsrte de Niepce et de Daguerre par le rapport officiel qu'en 
fit M. Arago dans la séance de l'Académie des sciences du 7 
janvier 1839. — Le 19 août 1839 il put communiquer les pro- 
cédés de Daguerre. 



m 



. ProoédéUf etc. Les images daguerriennes se forment à la 
sm*£Eu;e d'une lame de plaqué ou cuivre recouvert d'argent («). 
On expose pendant quelques minutes une lame de plaqué aux 
vapeurs spontanément dégagées par Tiode à la température or- 
dinaire ; elle se recouvre d'une légère couche d'iodure d'argent, 
et le mince voile , ainsi formé , présente une surface éminem- 
ment sensible à l'impression des rayons lumineux. La plaque io- 
dée est placée alors au foyer de la chambre noire , et l'on fait 
arriver à sa surÊice l'image formée par la lentille de l'instru- 
ment. La lumière a la propriété de décomposer l'iodure d'ar- 
gent; par conséquent, les parties vivement éclairées de Timage 
décomposent , en ces points , l'iodure d'argent ; les parties ob- 
scures restent, au contraire, sans action; enfin les espaces cor- 
respondant aux demi-teintes se rapprochent davantage des om- 
bres ou des clairs. Quand on la retire de la chambre obscure, 
la plaque ne représente encore aucune empreinte visible ; elle 
conserve uniformément sa teinte jaune d'or. Pour faire apparaî- 
tre l'image , une autre opération est nécessaire : la plaque doit 
être exposée à la vapeur du mercure. On la pose donc dans une 
petite boite, et Ton chauffe légèrement du mercure liquide qui 
se trouve dans un réservoir à la partie inférieure de la boite ; 
les vapeurs du mercure se dégagent bientôt et viennent se con- 
denser sur le métal ; mais le mercure ne se dépose pas uni- 
formément sur toute la surface métallique , et c'est précisément 
cette condensation inégale qui donne naissance au dessin photo- 
graphique. En effet, les gouttelettes de mercure viennent se con- 
denser uniquement sur les parties que la lumière a frappées^ 
c'est-à-dire, sur les portions de l'iodure d'argent que les rayons 
lumineux ont chimiquement décomposées; les parties restées 
dans l'ombre ne se recouvrent pas de mercure. Le même effet se 
produit pour les demi-teintes. Il résulte de là que les parties 
éclairées sont accusées sur la plaque par un vernis brillant de 
mefrcure , et les ombres par la surface même de l'argent non 
impressionnée. Pour les personnes, ajoute M. Figuier, qui as- 

(i) Pi^er déjà cité; L'Echo do monde savant, 9 Janvier 1839. p. 402, 16 janvier, 
p. 404, 13 févr. p. 412. etc. 

18 



410 

sistent pour la première fois à cette corieuse partie des opéra- 
tions photographiques, c'est là un spectacle étrange et véritable- 
ment merveilleux. Sur cette plaque, qui ne présente aucun trait, 
aucun dessin, aucun aspect \isible , on voit tout à coup se dé- 
gager une image d'une perfection sans pareille, comme si quel- 
que divin artiste la traçait de son invisible pinceau. 

Cependant tout n'est pas fini; la plaque est encore imprégnée 
d'iodure d'argent, et si on l'abandonnait à elle-même en cet 
état, l'iodure continuant à noircir sous l'influence de la lumière 
ambiante, tout le dessin serait détruit. Il faut donc débarrasser 
la plaque de cet iodure. On y parvient en la plongeant dans une 
dissolution d'un sel ( l'hyposulfite de soude ) qui a la propriété 
de dissoudre l'iodure d'argent Après ce lavage, l'épreuve peut 
être exposée sans aucim risque à l'action de la lumière la plus 
intense. On voit en définitive que dans les épreuves daguerrien- 
nes l'image est formée par un mince voile de mercure déposé 
sur une surface d'argent Les reflets brillants du mercure repré- 
sentant les clairs, les ombres sont produites par le bruni de l'ar- 
gent; Topposition, la réflexion inégale de la teinte de ces deux 
métaux suffisent pour produire les eflets du dessin. 

Suivant M. Chevreul (% l'image daguerrienne correspond aux 
dessins des étoffes de soie composées de Varmure saUn et de 
VcMrmt^e ixiffeias. Lorsque l'œil n'est pas placé de manière à voir 
le satin en clair, l'image du taffetas lui apparaît en clair sur un 
fond foncé ; c'est l'inverse, s'il reçoit la lumière réfléchie spécu- 
lairement sur le satin. 

Donc les opérations pour les plaques daguerriennes se résu- 
ment en 7 points: 

1* Décaper et polir la plaque. 

2** loder cette plaque bien également 

3** La soumettre à l'action des substances accélératrices, pour 
augmenter la sensibilité de la couche d'iodure d'argent — Sub- 
stances accélératrices diverses: Iode simple, 8 à 10 minutes; 
chlorure d'iode inventé par Claudet, 10 à 50 secondes; eau bro- 
mée de M. Fizeau, liqueur invariable inventée par Thierry, 2 à 20 

(1) Considérations sur la photographie , etc. présentées à rAcadémie, le 98 août 
18&4, par M. E. GheTrenl. 



411 

secondes; bromure d'iode à effets constants, de M. de Valli- 
coart, la liqneur hongroise, la liqneur allemande on de Reiser^ 
bromnre d'iode de Gandin, 5 à 20 secondes ; les eanx bromées 
de Mittleton, de Brébisson, de Foucanlt et le chlorure de souf- 
fre des frères Nattier sont les plus puissantes substances. 

4* Exposer la plaque à Faction de la lumière , la mise au 
point ; — l'objet doit toujours être parallèle au plan du modèle. 

5"* Faire paraître l'image en exposant la plaque aux vapeurs 
de mercure. 

6* Laver la plaque impressionnée avec de l'eau saturée de sel 
marin ou mieux avec une dissolution faible d'hyposulfite de 
soude. 

?• Fixer l'image au moyen de chlorure d^r, pour faire dis- 
paraître le miroitage. 

Tel est l'ensemble des opérations dans le procédé imaginé par 
Daguerre. Daguerre a eu le mérite d'avoir substitué (de 1835 
à 1837) l'iodure d'argent au bitume de Judée. Cependant Niepce 
lui avait déjà indiqué l'action de l'iode sur l'argent, et l'em- 
ploi qu'il en faisait pour renforcer les ombres des iiÉages pro- 
duites sur le bitume. L'emploi de l'iodure d'argent, beaucoup 
plus sensible que ne l'est lé bitume de Judée, rendait l'impres- 
sion de l'image de 60 à 80 fois plus rapide que dans le procédé - 
de Niepce. 

En recevanf des Chambres une récompense nationale, Da- 
gnerre s'était engagé à rendre publiques toutes ses nouvelles con- 
quêtes. D avait déclaré qu'il serait impossible de représenter la 
nature vivante; mais la publicité donnée à son procédé le met- 
tait entre les mains de tous, et le public le rendit simple, facile 
et tellement prompt qu'on l'appliqua presque exclusivement 
an portrait En perfectionnant les procédés, on chercha d'abord 
à diminuer la durée de l'exposition de la plaque métallique dans la 
chambre obscure , et ce fut surtout M. Ch. Chevalier qui arriva 
à la réduire à 2 ou 3 minutes, par l'emploi d'un double objec- 
tif achromatique , pour doubler la puissance de l'instrument. 

Cependant ce perfectionnement ne fut complété que lorsque 
M. A. Claudet, artiste français à Londres, en 1841, eut découvert 
des substances accélératrices qui, appliquées sur une plaque io- 



élu 

dée, communiquent à l'iode la propriété de s'impressionner en 
très-pen de temps. On a pu ainsi obtenir des épreuves irrépro- 
chables dans une demi-seconde et même dans un quart de se- 
conde. M. Claudet a fait le premier l'application successive de 
l'iode et du chlorure d'iode sur les plaques daguerriennes (*). 

Après la découverte des substances accélératrices, le perfec- 
tionnement le plus important qu'ait reçu la daguerréotypie con- 
siste dans la fixation des épreuves et dans l'absence du miroi- 
tement métallique que présentaient les images daguerriennes. M. 
Fizeau présenta à l'Académie des sciences^ en 1840, des procé- 
dés qui faisaient disparaître tous ces inconvénients à la fois, et 
qui consistent à recouvrir l'épreuve daguerrienne d'une légère 
couche d'or, obtenue par une dissolution de chlorure d'or mê- 
lée à de l'hyposuMte de soude légèrement chauffée. Ce dorage 
bannit presque entièrement le miroitage et communique à ré- 
preuve une grande solidité, c'est-à-dire une résistance complète 
au frottement et à toutes les actions extérieures. 

OraTor» des dayaeiréotjpes^ L'idée de multiplier les 
images daguerriennes, soit par la gravure , soit par tout autre 
moyen, a toujours préoccupé un grand nombre de personnes. 

Le but que s'était proposé Kicéphore Niepce , en faisant ses 
recherches héliographiques , fut principalement la gravure ; il 
désirait créer une branche nouvelle dans les arts graphiques, ser- 
vant à multiplier par l'impression; il cherchait à livrer des plan- 
ches métalliques sur lesquelles la lumière seule produirait le 
dessin, qu'il suffirait ensuite d'attaquer par un acide, pour le 
creuser et rendre les planches propres au tirage d'épreuves sur 
papier. U avait réussi aussi bien qu'il était possible avec un pro- 
cédé photographique encore imparfait, et avec des connaissances 
insuffisantes dans la gravure. Plus tard il abandonna la gravure, 
et ne s'appliqua, ainsi que Daguerre et la plupart de leurs suc- 
cesseurs, qu'au perfectionnement des procédés héliographiques. 
M. le docteur Donné (') est le premier qui ait de nouveau (en 
1840) essayé de transformer les plaques daguerriennes en plan- 
Ci) Lumière, 1854, n* 27. 
(2) Académie des sciences ; séances du 16 septembre iS3Q, et du 6 avril i840. 



418 

ches à pHSàgè des graveur». H reconnat que Feau-forte étendoè 
de 4 parties d'eau attaque les parties noires de Fimage daguer- 
rienne sans àhérer les parties blanches, ou, en d'autres ter- 
mes^ dissout l'argent de la plaque sans toucher au mercure. 
Lorsqu'on laisse réagir Feau-forte quelques minutes, et qu'on 
juge la morsure suffisante, on lave la plaque à grande eau, et 
l'on enlève la marge de vernis de graveur dont on l'a entourée. 
La planche daguerrienne ainsi gravée en creux peut être im- 
médiatement encrée, et servir àFimpression sous la presse en 
taille-douce. Mais l'argent pur est un métal trop mou pour 
suffire à un grand tirage; après quarante épreuves la planche 
est épuisée. La gravure était d'ailleurs fort imparfaite. 

Déjà en novembre 1840 , le docteur Erasner avait tenté de 
reproduire les épreuves daguerriennes au moyen de la galvano- 
plastie. 

M. le docteur Berres, à Vienne (Autriche) (*), avait également 
découvert un procédé qui devait rendre les plaques daguerrien- 
nes susceptibles de remplacer dans tous les cas les gravures sur 
cuivre ou acier, et de fournir des copies aussi nombreuses que 
les planches gravées ordinaires. La méthode du docteur Berres 
peut se diviser en deux procédés : celui de fixer le dessin , et 
celui de changer ce dessin une fois fixé d'une manière perma- 
nente en une gravure sur la plaque, et il se base sur les consi- 
dérations suivantes: 1** Avec les plaques de cuivre dont on se 
sert à présent dans le daguerréotype , qu peut fixer l'image 
d'une manière permanente, mais il est impossible de s'en servir 
pour en imprimer des copies ou d'en faire des gravures. 2* Pour 
la gravure de l'épreuve duguerrienne , il est nécessaire que l'i- 
mage ait une certaine intensité sur la plaque d'argent pur. 
3" La gravure de l'épreuve daguerrienne se produit sans l'in- 
fluence de Facide nitrique, et pour fixer d'une manière perma- 
nente cette épreuve , il faut un pouvoir galvanique; car , pour 
changer une de ces épreuves en une gravure métàttique aussi 
profonde que dans les procédés ordinaires, les moyens chimi- 



(1) Voyez l'annonce du docteur Berres dans la Gazette de Vienne du 18 avril 
1840. et L'Écho du moBde savant, iO juin 4840. 



414 

ques ordinaires employés dans Part dn graveur sont 
sants. 

M. W.-B. Orove de Londres, en 1841 ('), est parvenu à grayer 
les images daguerriennes au moyen d'un simple courant élec- 
trique. «Ce procédé, au moyen duquel la nature seul accomplit tout 
le travail; » consiste à faire que l'image daguerrienne soit l'anode 
d'une combinaison voltalque dans une solution qui, par elle-même, 
n'attaquera pas l'argent ou le mercure , mais dont l'anion , lors- 
qu'elle aura été électrolysée, attaquera ces métaux inégalement 
Ainsi M. Grove s'est servi de la planche daguerrienne comme 
anode attachée au pôle positif de la pile , et plongée dans un 
acide faible , l'acide hydrochlorique étendu d'eau , qui attaque 
le mercure et respecte l'argent Lorsque la plaque ainsi traitée 
a été enlevée de l'adde, on la rince à l'eau distillée ; et si l'ar- 
gent est bien homogène , le dessin original aura pris une belle 
couleur de terre de Sienne, produite par des molécules de Foxy- 
chlorure qui s'est formé. On place alors l'épreuve sur un plat 
contenant une solution très-faible d'ammoniaque , et on frotte 
doucement la surface avec du coton .bien doux , jusqu'à ce que 
le dépôt soit dissous. Aussitôt que cela est effectué, on enlève 
la plaque, on la plonge dans de l'eau distillée, et on la sèche 
avec soin. L'opération est alors terminée , et l'on a obtenu une 
gravure parfaite du dessin original Quand on imprime avec cette 
plaque , on obtient une épreuve positive, c'est-à-dire dont les 
lumières et les ombres sont disposées comme dans la nature. 

Sons ce rapport, cette épreuve est plus correcte que l'image 
daguerrienne, car elle n'est pas renversée. Les caractères d'impri- 
merie sont dans leur position normale, ainsi que la droite et la 
gauche de la figure, lorsqu'on opère sur un portrait Toutefois, 
la gravure des épreuves daguerriennes offire une difficulté insur- 
montable. Si les plaques sont gravées assez profondément pour 
donner une bonne épreuve, quelques-unes des lignes les plus 
délicates de l'original se confondront nécessairement , et la 
beauté principale de ces admirables dessins sera détruite. Mais 
si, au contraire, on n'a continué l'opération que pendant le temps 

(1) Proceedings of the electrical Society ; vol. I, p. 94 i 17 août 184i. 



416 

nécessaire «pour produire la gravure exacte de l'épreuve, ce 
qu'on peut faire du reste avec la plus grande perfection, le 
nettoyage que rimprimeur lui fait subir suffit pour en détruire 
la beauté, et Ton n'obtient qu'une épreuve très-imparfaite , les 
molécules de l'encre d'imprimeur étant plus grossières que la 
profondeur du trait gravé. 

L'avantage le plus important de ce procédé , c'est d'offrir le 
moyen de multiplier indéfiniment les images daguerriennes par 
la galvanoplastie. Une image daguerrienne ordinaire, quand on 
la soumet au procédé galvanoplastique , laisse une bien faible 
impression , et , en la traitant ainsi , elle est entièrement dé- 
truite. L'impression ne peut donc pas être continuée longtemps 
sur cette plaque, tandis qu'une plaque gravée, comme il vient 
d^être dit, à l'anode voltaïque, admet le tirage d'un grand nom- 
bre d'épreuves. C'est un nouvel art , dit M. Grove , dans lequel, 
au lieu d'une plaque dessinée par un artiste , et gravée au burin 
par un graveur habile, on a une plaque dessinée par la lumière, 
et gravée par l'électricité. 

M. A. Fizeau (1" mars 1841) avait mis sous les yeux de 
l'Académie des sciences (*) des épreuves sur papier obtenues 
par l'application des procédés de l'impression en taille-douce 
à une plaque daguerrienne, gravée par des agents chimiques, 
sans le concours d'aucun travail d'artiste. Dès le mois de juillet 
1842 il avait montré à plusieurs personnes, et déposé dans quel- 
ques collections des épreuves résultant de ses premiers essais. 

Le problème consiste à traiter les images daguerriennes par 
un agent qui creuse les parties noires sans altérer les parties 
blanches du dessin; en d'autres termes ^ qui attaque l'argent 
en présence du mercure , sans altérer ce dernier. Voici com- 
ment il procède : Lorsqu'on soumet une image daguerrienne 
dont la surface est bien pure à l'action d'un mélange d'acide 
nitrique, d'acide nitreux et d'acide chlorhydrique (ces deux der- 
niers pouvant être remplacés par du nitrate de potasse et du 
sel marin), surtout à chaud, alors les parties blanches ne sont 
pas altérées , tandis que les parties noires sont attaquées avec 

(1) Séance du 13 févr. 1843. 



416 

fbrQiation de chlorure d'argent adhérent, dont la couche inso- 
luble arrête bientôt l'action de Facide. Une dissolution d'ammo- 
niaque, employée alors , entraine cette couche de chlorure d'ar- 
gent et permet de soumettre de nouveau la planche à l'action 
du même acide, et augmenter la profondeur des parties noires. 

En opérant ainsi en plusieurs fois, on parvient à transformer 
la planche daguerrienne en une planche gravée d'une grande 
perfection, mais généralement de peu de profondeur; de sorte 
que les épreuves imprimées sur papier n'ont pas la vigueur con- 
venable. A cette première opération il est donc nécessaire d'en 
^jouter une seconde qui permet de creuser plus profondément 
encore les parties noires de l'image. Cette seconde opération 
consiste à dorer les parties saUlantes, ou les blancs de la plan- 
che gravée, et à laisser l'argent à nu dans les creux, ce qui per- 
met d'en augmenter la profondeur par l'action d'un simple dis- 
solvant de l'argent Pour obtenir ce résultat , la planche gravée 
peu profonde est graissée avec une huile siccative, de l'huile 
de lin, puis essuyée à la manière des imprimeurs en taille-douce ; 
de cette manière , l'huile reste dans les creux seulement , et y 
forme un vernis qui ne tarde pas à sécher. 

Dorant alors la planche par les procédés électro-chimiques, 
on voit l'or se déposer sur toute la surface de la planche, excepté 
dans les parties creuse3 protégées par le vernis d'huile de lin. 
Après ce dorage , l'huile est enlevée avec de la potasse causti- 
que. Il résulte de là que la planche gravée a toutes ses parties 
saillantes protégées par une couche d'or, que ses parties creuses 
au contraire présentent l'argent à nu. Il est dès lors facÏQe^ en 
traitant la planche par l'acide nitrique, d'attaquer ces parties 
creuses seulement, et d'en augmenter à volonté la profondeur. 
Avant ce traitement par l'acide nitrique , la planche dorée est 
couverte par ce que les graveurs appellent un grain de résine, 
ce qui produit, dans le métal attaqué, ces nombreuses inéga- 
lités que l'on appelle grain de la gravure. 

H résulte de ces deux opérations principales que la planche 
daguerrienne est transformée en une planche gravée, tout à fait 
semblable aux planches gravées à l'aqua-tinta, et dès lors pT)u- 
vant comme elles fournir par l'impression un nombre considéra- 



417 
ble d'épreuves Cependant, l'aient étant on métal pea dur, le 
nombre des épreuves serait encore assez limité , si un màyea 
très-simple ne permeUait pas de soustraire la planche photo- 
graphique à l'usure déterminée par le travail de l'impression. 
En effet, pour atteindre ce but, il suffit, avant de livrer la plan- 
che It l'imprimeur, d'en cuivrer la surface par les procédée 
électro-chimiques. De cette manière, il est évident que la cou- 
che de cuivre supporte seule l'usure de l'impression. Lorsque 
cette couche est itérée d'une manière notable, il est facile, & 
t'aide d'un acide fiiible , de la dissoudre en totalité sans altérer 
l'aident sur lequel elle repose; dès lors la planche peut être 
cuivrée de nouveau, et se trouver ainsi dans te même état que 
■i elle n'avait paa supporté le travail de l'impression. M. Fizeau 
-a obtenn de cette manière des gravures ofirant beaucoup de qua- 
lités. 

Le procédé de M. Fizean, breveté, est la propriété de M. Le- 
rebours. M. Hurlimann ('), graveur distingué , l'a mis en œuvre 
avec une habileté étonnante, il a réglé les opérations avec beau- 
coup de bonheur, et par de légères modifications il a rendu 
le succès plus certain. 

En 1852, U. Beuvière avait remarqué que si , au lieu de la- 
ver la plaque daguerrienne avec fhTposutfate de soude , on la 
place dans un luiin de sulfate de enivre, en la faisant commu- 
niquer avec le pûle d'une pile voltai'qne, les parties modifiées 
par la lumière, c'est-à-dire les noirs se recouvraient d'une cou- 
che de cuivre métallique, tandis que les parties non modifiées 
restaient absolument intactes ; ce qui revient à dire que l'iodure 
et le bromure d'argent , une fois altérés par la lumière, devien- 
nent conducteurs de l'électricité , tandis qu'auparavant ils ne 
l'étaient nollement On a donc ainsi une plaque sur tar- 
ies noirs sont dessinés par une coucbe mince de cuivre, . 
que les blancs conservent leur couleur d'argent Pour ^ 
cette plaque ainsi préparée , M. Beuvière emploie le pr 
de M. Poitevin (voyez plus haut), c'est-à-dire qu'après' 
oxydé le cuivre et amalgamé la plaque , il la soumet à I' 

(1) R«pertoire d'a|<Ui)iie nsderK par M. rabbé HMgBg. PatU. im. vol. Il 




418 

d'an adde , qui dissout l'oxyde de cuivre sans attaquer l'amal- 
game d'argent 

M. Charles Chevalier a fait, en 1841 (*) , une curieuse appli- 
cation de la galvanoplastie pour multiplier ses épreuves daguer- 
riennes. Si , mettant à profit les procédés de la galvanoplastie, 
l'on soumet à l'action d'un faible courant électrique une dissolu- 
tion de sulfate de cuivre où est plongée une image daguerrienne, 
le cuivre provenant de la décomposition du sel se dépose peu 
à peu sur toute la plaque, et , se moulant sur les faibles inéga- 
lités de la surface, il donne naissance au bout d'un certain temps 
(24 heures environ), à une planche de cuivre sur laquelle le des- 
sin photographique se trouve reproduit avec un parfaite exacti- 
tude. La fidélité de cette reproduction est telle , qu'on croirait, au 
premier abord, que l'on a sous les yeux une épreuve photo- 
gênée obtenue sur une plaque de cuivre ; peut-être même l'ef- 
fet est-il plus harmonieux ; d'ailleurs l'épreuve est redressée. 
Ce qu'il y a de remarquable , si l'opération est conduite avec 
soin , c'est que la plaque daguerrienne originale qui a servi de 
type à ce moulage, n'est point altérée et peut servir à de nou- 
velles expériences. L'appareil galvanique dont s'est servi M. 
Charles Chevalier pour la copie des plaques daguerriennes avait 
été construit par M. Tito Puliti, de Florence, d'après quelques 
indications de M. Jacobi de St-Pétersbourg ; et MM. Richoux 
et de Kramer avaient secondé M. Chevalier dans ces expé- 
riences. 

M. le docteur Heller, de Vienne ("), était parvenu , en 1842, 
à transformer les plaques daguerriennes en, gravures par une 
méthode nouvelle de son invention. En traitant les images da- 
guerriennes par les procédés ordinaires de la galvanoplastie, 
mais dans un appareil particulier, il obtient une planche de 
cuivre parfaitement unie et polie, mais qui of£te ceci de remar- 
quable , c'est qu'elle ne porte aucune trace visible de l'image 
photogénique, et qui a également disparu sur la plaque ar- 
gentée ; l'image s'étant complètement alliée à la plaque de cui- 



(1) L'Artiste, 7 février 1841.— Traité de la Galvanoplastie, par M. Smée: Manuel 
Roret. Paris, 1843, p. 310. 
Ci) Handbttchdcr Galvanoplastik von Dr. Ghr. H. Scbmidt, Leipz. 1847, p. 905. 



419 

vre. Pour dégager, et faire apparaître l'image sur la plaque de 
cuivre, M. Heller emploie Fiocfe; il obtient ainsi une image 
parfaite, qui est transformée alors, au bout de quelques minutes, 
en une planche gravée, propre au tirage d'épreuves. 

On a également essayé *de transporter les images daguer- 
riennes sur pierre lithographique , pour les multiplier par Fim- 
pression. 

M. Boscawen-Ibbetson, de Londres (*), avait publié en 1840 
des échantillons très-satisfaisant» d'une nouvelle application du 
daguerréotype : ce sont des coquilles, des objets d'histoire natu- 
relle grossis au microscope, des portraits tracés sur les planches 
daguerréotypes par les procédés de Fauteur et avec les appa- 
reils de Finstitut polytechnique de Londres , et dont les dessins 
ont été transportés sur pierre, ce qui a permis d'en tirer des 
épreuves fort nettes. Les détails du procédé ne nous sont point 
connus. 

£n 1842, un lithographe de Rome, M. Rondom('), venait 
aussi d'appliquer à la pierre lithographique le procédé photogra- 
phique de Da^uerre. Au moyen d'une préparation particulière 
qu'il avait découverte , il est parvenu non-seulement à fixer sur 
la pierre les images photographiques, mais encore à pouvoir en 
tirer des épreuves par les moyens ordinaires de son art Les 
premiers essais ont été faits sur une étoile (la nébuleuse d'O- 
rion) reçue dans le champ d'un télescope et transportée sur la 
pierre. Quelques-unes des, épreuves ont été envoyées à Paris, 
à M. Arago, qui les a trouvées fort satisfaisantes. 

Ce que le docteur J.-W. Draper, de New- York, apelle lïtho- 
noiypes ('), ce sont des copies ou empreintes faites pour multi- 
plier les images daguerriennes suivait la méthode inventée par 
lui en 1842. Sir David Brewster a été le premier à faire voir 
que les couleurs de la nacre de perle pouvaient être imprimées 
et reproduites sur des surfaces ou matières molles. M. Draper 
présume , en conséquence , que tous les procédés propres à re- 



(1) L'Écho du monde savant, 23 septembre 1340. 

(2) L'Echo du monde savant, 28 avril i842. 

(3) Répertoire d'optique, etc. vol. III, p. »45.— L'Echo, etc. n» 24, 2"« semestre, 

1843. 



400 

produire le chatoiement de ht nacre de perle, reproduiront 
également les images daguerriennes , ce qui ouvre de noaTellefl 
voies aux arts photographiques. 

Pour mettre ce procédé à exécution, l'opérateur doit mani- 
puler comme suit: L'image daguerfienne qu'on se propose de 
copier est d'abord recouverte d'une légère couche d'or par le 
moyen ordinaire , en ayant soin toutefois que cette couche ne 
soit ni trop épaisse ni trop mince ; si elle était trop épaisse , la 
copie qui en résulterait serait détériorée, et il y aurait plus de 
difficulté à efifectuér la séparation de la couche gélatineuse; si 
elle était trop mince, la plaque elle-même éprouverait quelque 
dommage, en ce que l'image y serait enlevée. On prépare ensuite 
une solution claire d'ichthyocolle (colle de poisson), qui doit avoir 
une consistance telle, qu'une goutte versée sur une plaque mé- 
tallique froide s'y prendra promptement en masse. Le succès du 
procédé dépend en grande partie de la bonne préparation de cette 
solution. Il y a dans le commerce une substance qu'on appelle 
ichthyocolle des tonneliers, qui parait être la meilleure pour cet 
objet. La plaque est posée horizontalement, avec la surface im- 
primée en haut, sur un support convenable , dans le courant d'air 
chaud qui s'élève d'un poêle ; on verse dessus la solution d'ich- 
thyocolle jusqu'à ce qu'il y en ait une couche d'environ 4 milli- 
mètres ; on laisse alors sécher avec lenteur, de manière -que la 
dessiccation ne soit complète qu'en 2 ou 3 heures. Quand on a 
parfaitement réussi, et lorsque la dessiccation est complète , la 
couche d'ichthyocolle, alors transformée par le durcissement en 
un tithonotype, se détache, et en l'examinant, soit par la lumière 
réfléchie, soit par la lumière transmise, on trouve qu'elle porte 
une copie détsdllée de l'original. 

Application de la Dagaerréotyple» Dès que l'inven- 
tion de Nicéphore Niepce eut été perfectionnée et rendue prati- 
cable par Daguerre, et que cet art merveilleux fut connu par le 
public, on en chercha diverses applications. 

Déjà Niepce, au commencement de ses expériences, avait 
appliqué à la copie des gravures ses procédés encore impar- 
faits; et plus tard, lorsqu'il fut arrivé à mieux fBùre, il copia 



■V 



421 

-des vues. A mesore que les procédés se perfecthmnaient, le 
cercle des applications s'agrandissait , et le désir d'obtenir des 
portraits, depuis longtemps nourri, se manifestait toigours plus 
vivement. Mais Daguerre fut le premier à proclamer combien il 
était douteux qu'on pût jamais arriver à faire des portraits au 
moyen de la photographie. Néanmoins on fit des essais. Les 
premiers ne furent pas heureux (^) : on opérait avec l'appa- 
reil normal de Daguerre , et l'on comprend qu'en faisant agir 
à de courtes distances un objectif destiné à reproduire les ob- 
jets lointains , on se privait d'une grande intensité de lumière. 
De là l'obligation d'exposer le modèle à la radiation du soleU 
pendant 15 à 20 minutes , et dans un état d'immobilité com- 
plète. Et comme cette immobilité, surtout celle des yeux, était 
an-dessus des forces humaines, il fallut se résoudre à faire poser 
les yeux fermés. Ce fut alors que , sous le nom de portraits 
photographiques, on vit une foule de BéUsaires orner la devan- 
tures des opticiens. 

Enfin, après un grand nombre d'améliorations dans les opéra- 
tions , et de perfectionnements dans l'appareil, dus à MM. Lere- 
bonrs, Bnron, Arago, Becquerel, Charles Chevalier, Claudet, 
Foucault, Bisson, Gandin, Soleil, Andrieux, Choiselat, J.-J. 
Prechtel, de Vienne, et d'autres, on est arrivé à faire des portraits 
en quelques secondes , et même en une fraction de seconde. 
Dès lors on vit paraître des daguerréotypes parfaits , de véritar 
blés chef-d'œuvre d'exactitude et de délicatesse , rehaussés par 
le fini des détails. 

Aussitôt que les procédés de Daguerre furent connus en 
Amérique, et au moment même où on supposait en Europe que 
ces procédés n'étaient appelés qu'à un succès limité, le D' Dra^ 
per à New-York obtenait les premiers portraits au daguerréo- 
type. Depuis cette époque (*), ce sont surtout les frères Meade, 
MM. Brady, Evans, Harrison, Lawrence, W.-A. Pratt et John- 
A. Whipple , qui se sont distingués en Amérique dans le por- 
trait sur plaque. En Angleterre^ on remarque entre autres: 
MM. Warren Thompson, Claudet, Beand, Griffîths et Le Beau, 

(1) Traité de Daguerréotypie. etc. par M. E. de Valicourt. 1843, 
(9) L'Exposition oniversçUe de Londres en IS^^ 



422 

KOburn , W. Paine et James Tyrie, pour le portrait et des scè- 
nes. En France ce sont surtout MM. Blanquart-Evrard, de LiHe^ 
Sabatier-Blot, Andrieux, Plumier, A. Gouin, Saogrin, Amédée 
Thierry, et Martens, graveur. Ce dernier est en outre l'inyentenr 
de Vappareil panoramique, qui permet de promener une image 
d'une grande étendue sous le foyer de l'objectif, de manière à 
obtenir sur chaque point d'une longue surface une même action 
de lumière combinée avec une égale précision. 

M. Peuvion, de Lille, avait aussi inventé un daguerréotype pa- 
noramique rectiligne pour reproduire , au moyen d'un objectif 
ordinaire, des vues très-allongées , ayant quelque analogie avec 
les tableaux du panorama. L'instrument de M. Peuvion peut 
être regardé comme un perfectionnement du précédent 

Un artiste français, M. Thiesson, avait fut en 1844 une in- 
génieuse application de la photographie sur plaque, et qui mon- 
tre tout ce que l'anthropologie peut attendre des procédés da- 
guerriens. Cet artiste avait apporté en France des portraits da- 
guerriens de Botocudes, ou naturels de l'Amérique du Sud, et des 
types africains recueillis dans un voyage postérieur. 

De 1849 à 1851, MM. Bisson frères, de Paris, avaient fait la 
collection des portraits des 900 membres de l'Assemblée natio- 
nale , reproduits par 40 lithographies ; et en 1850, M. Brady, 
de New- York, publiait les portraits des Américains célèbres, 
lithographies d'après ses daguerréotypes. 

MM. Donné et Foucault ont réalisé une autre application de la 
photographie à l'histoire naturelle. Us ont daguerréotype l'image 
amplifiée des objets microscopiques, et rendu ainsi permanentes 
les images éphémères formées par la lentille de l'instrument. 
L'image des globules du sang, par exemple, présentée au mi- 
croscope solaire , est reçue sur une plaque iodurée et y laisse 
son empreinte, qu'il ne reste plus qu'à rendre ûxe par les moyens 
ordinaires. Les épreuves, que l'on obtient ainsi, ont servi de 
modèles aux dessins de l'atlas microscopique de M. Donné. 

MM. Bisson père et fils avaient, en 1844, produit des plaques 
d'histoire naturelle ; et M. P. Specchi, à Rome, avait obtenu une 
image de l'éclipsé solaire du 8 juillet 1851 , sur plaque daguer- 
rienne, au moyen d'une lunette astronomique. 



433 

Les vuea , lea mouonieiits et les objets dÎTen qu'offrent les 
arts, ont ^^ement occupé lea photographes. M. le baron Gros, 
chargé en 1850 d'nne mission en Grèce, joignit à son bagage unie 
chambre noire, des plaques argentées et des ingrédiens néces- 
saires, et rapporta une riche collection d'épreuves des monn- 
ments remarquables de ce pays. M. Tiffereau rapportait du Mexi- 
que des Tues d'un trÈs^and intérêt M. Chevalier, opticien, re- 
produisait une. suite de vues et de monuments d'Italie; M. J, 
Thierry, de Lyon , faisait de beans paysages, et MM. Macaire 
et E. Bacot ont reproduit sur plaques de merveilleuses vues de 
l'Océan, des vaisseaux en marche, par un procédé presque in- 
stantané. M. Lerebours avait publié eu 1840 les < excursions do- 
gnerriennes, > collection des vues et des monuments les plus re- 
marquables du globe. Ce sont des gravures sur acier, exécutées 
d'après des calques pris sur les plaques daguemennes. 

MM. Fontaine et Porter, W. et F. Lai^nheim, J.-G. Mayall 
etJ.-H.Whitcharst, en Amérique, M. Willtwu Albert, à Franc- 
fbrt-sur-Mein, et d'autres, avaient eup osé en 1851, à Londres, de 
très-belles épreuves daguerriennes de vues et d'ohjets d'art. 

Un Américain, M. A. Whipple, avait inventé en 1851 ce qu'il 
nomme la doffuerréotypie an a-ayon. Les épreuves produites par 
ce procédé, qui est de la plus grande simplicité, ont l'apparence 
de très-beaux dessins au crayon. 

Pour juger de l'importance et de l'extension qu'avait pris cet 
art déjà en 1850, nous remarquerons qu'il y avait à cette époque 

I à 6 publications, soit journaux, s'occupant spécialement de la 
daguerréotypie , et paraissant régulièrement tant en France et 
en Angleterre qu'en Amérique. 

Dans Paris seul, en 1847, la daguerréotypie occupait ai 
lement plus de 300 ouvriers; il se vendait, année comm 
2,000 appareils, et on employait plus de 500,000 plaqnes. 

A New- York, en 1850, 71 ateliers étaient uniquement et 
crés & la photographie; on y comptait 127 opérateurs, plu 
femmes et 46 enfants. Le produit de ce travail était ëvali 
356,616 fr. par an pour les opérateurs; à 15,444 &. poui 

II femmes et à 12,916 fr. pour les eniants , sans compu 
matériel et les ingrédiens, 



424 

Jfi8qae*là on avait tout essayé en photographie sur plaque, 
et on avait lieu d'être satisfait ; il restait cependant encore à 
obtenir de bonnes gravures et la couleur. La gravure fiit pres- 
que abandonnée, mais la reproduction de la couleur préoccu- 
pait un grand nombre de personnes. 

On apprenait donc avec joie par le Photographie Art Jour- 
naJ, publié à New-York en janvier 1851, qu'une' découverte re- 
marquable venait d'être faite par M. Hill, savoir la chromotypie 
daguerrienne, au moyen de laquelle il reproduisait les couleurs 
du modèle. Cette découverte fit un grand bruit pendant quel- 
que temps, mais on reconnut bientôt qu'elle n'avait rien de 
réel, que ce n'était qu'une aUrape-pefmy, 

M. Boettger, de Francfort, a imaginé un procédé pour colo- 
rier les épreuves daguerriennes avec des couleurs qui surpas- 
sent en vivacité et en transparence tout ce qu'on pourrait ima- 
giner. Son procédé n'est point connu. 

Plus estimable, et véritablement réelle, était au contraire la 
découverte de M. Niepce de Saint-Victor, pour la reproduction 
des couleurs. Ce savant persévérant travaillait depuis 1850 a 
résoudre ce problème difficile. Contrarié et interrompu dans 
ses travaux à plusieurs reprises, il remit enfin le 4 mars 1851 
à l'Institut un mémoire très-détaillé sur ce sujet, par l'entre- 
mise de M. Chevreul. Désormais la découverte était conquise, 
mais la fixation des couleurs restait encore impar£ûte. M. Niepce 
de Saint-Victor était arrivé à ce résultat par des théories logi- 
ques et par des combinaisons raisonnées. 

Cependant M. Edmond Becquerel (*) avait déjà préalablement, 
en 1848, fixé sur une plaque d'argent les rayons colorés du 
spectre solaire. 

Images stëréosoopiqaedB Une des plus curieuses appli- 
cations de la daguerréotypie a été faite par la vision binocu- 
laire au moyen du stéréoscope ('), instrument dont le nom, formé 
de deux mots grecs , signifie la vision en reîirf, 

{i) LumicreJ851,n*M7el18. 

(2) Études et lectures d'observations et leurs applications pratiques, par M. J. Ba- 
l)inet, de l'Institut ; Paris, 18$^ 



^5 

Avant 1838, M. Wheatstone avait donné à cet instrument le 
nom qu'il porte et en avait publié \me première esquisse. Il 
était alors encore bien imparfait. Sir David Brewster l'a per- 
fectionné; il apporta à Paris, au printemps de 1850, un très- 
beau stéréoscope exécuté par Loudon, opticien, à Dundee, et 
un portrait binoculaire fait par lui-même. M. Dubosq-Soleil , 
opticien à Paris , exposa à son tour à Londres, en 1851, un sté- 
réoscope à lentilles de sir David Brewster, avec une belle série 
de daguerréotypes binoculaires (il reçut la grande médaille). 

Depuis cette époque le stéréoscope a eu une grande vogue, 
et on en a étendu l'emploi aux monuments et aux vues. 

Transport sur papier des images daguerriennes. 

On comprend facilement que les plaques daguerriennes, par leur 
pesanteur, leur volume et la délicatesse du dessin, qui est siget 
à se détériorer par le frottement, ne peuvent pas être conser- 
vées dans un portefeuille. Aussi, dès les premiers temps de 
cette invention, on avait cherché à obvier à ces inconvénients , 
soit en les gravant, soit en les reproduisant de différentes au-. 
très manières. La gravure a été abandonnée fautel' de réussite 
Alors on a proposé plusieurs modes de report Un de ces pro- 
cédés consiste à presser un morceau de papier noir ou brun, 
couvert d'une couche de quelque liquide glutineux, sur la pla- 
que daguerrienne; le mercure qui forme les clairs s'attache au 
papier, et l'on a alors l'image correcte mais renversée de l'objet. 
La méthode de transport sur papier des images daguerriennes 
imaginée par M. G. Edwards est à peu près semblable à la pré- 
cédente, n enduit le papier noir d'une ou de plusieurs couches 
de colle de poisson ou de belle gélatine dissoute dans de l'eau 
chaude; il la presse ensuite sur la plaque. Cette opération doit 
avoir lieu lorsque la plaque est, polie à l'huile, ce qui facilite la 
séparation. Les épreuves obtenues de cette même manière, mais 
sur papier blanc, sont plus vives que sur papier noir, mais elles 
sont négatives; d'autre part les molécules mercurieUes, qui for- 
ment les clairs dans les images daguerriennes ordinaires, pré- 
sentent au contraire sur ce papier une teinte noire sale. 




426 



PHOTOGRAPHIE. 

Aux inconvénients désignés plus haut , cm peut joindre en- 
core les nombreuses difficultés de l'emploi des appareils de la 
daguerréotypje, qui sont lourds et volumineux, d'un transport 
difficile, inconvénient surtout sensible en voyage ou l'on a be- 
soin d'un nombre considérable de plaques argentées; et puis, 
après tout cela, les épreuves que l'on rapportait étaient uniques. 
La daguerréotypie ne répondait donc pas complètement aux 
besoins et on avait depuis longtemps formé le vœu de pouvoir 
substituer le papier aux plaques métalliques. 

OBIOINE. PERFEOnOMNEMElfTS. PHOGE- 
DESa Déjà au commencement de notre siècle, lorsque rien ne 
présageait les merveilles des images daguerriennes, plusieurs 
physiciens anglais s'étaient préoccupés de cette question. Le 
célèbre Humphry DUvy rend compte, en 1802, des essais que 
Wedgewood avait faits pour obtenir des reproductions de gra- 
vure sur papier. Ce rapport, contenant les premiers principes 
de la photographie sur papier, mérite d'être transcrit ici : 

Description du procédé de M. Wedgeioood pour copier des 
peintures sur verre et pour faire des siUioueUes par VctcUon de la 
lumière sur le nitrate d^ argent; publié, en 1802, par l'illustre 
Humphry Davy : « Le papier blanc et la peau blanche , humec- 
tés d'une solution de nitrate d'argent, ne changent pas de teinte 
quand on les conserve dans l'obscurité ; mais, exposés à la lu- 
mière du jour, il passent promptement au gris, puis au brun, 
puis enfin presque au noir. 

« Ces changements sont d'autant plus prompts que la lumière 
est plus intense. Dans les rayons directs du soleil , deux ou trois 
minutes suffisent à produire l'effet complet; à l'ombre il faut 
plusieurs heures ; et la lumière, transmise par des verres diver- 
sement colorés , agit avec des degrés d'intensité divers. Ainsi les 
rayons rouges ont peu d'effet , les jaunes et les verts sont plus 
efficaces; mais les bleus et les violets ont l'action la plus éner- 
gique. 



427 

« Ces faits conduisent à un procédé hdle pour copier les con- 
tours et les ombres des peintures sur verre et se procurer des 
profils par Faction de la lumière. Lorsqu'on place une surface 
blanche, couverte d'une solution de nitrate d'argent; derrière 
une peinture sur verre, et qu'on expose le tout aux rayons du 
soleil , les rayons transmis produisent des teintes très-marquées 
de brun ou de noir, qui diffèrent sensiblement d'intensité, selon 
qu'elles correspondent aux parties du tableau plus ou moins 
ombrées, et là où la lumière est transmise presque en sa to- 
talité , le nitrate prend sa teinte la plus foncée. Lorsqu'on fait 
tomber sur la surface imprégnée de nitrate l'ombre d'une figure, 
la partie qu'elle cache demeure blanche , et le reste passe très- 
promptement au brun foncé. Cette teinte, une fois produite, est 
très-permanente, et on ne peut la détruire ni à l'eau, ni au 
savon. 

« Après qu'on a ainsi obtenu un profil, il faut le tenir dans 
l'obscurité; on peut l'exposer sans inconvénient pendant quelques 
minutes à la lumière du jour, et la lumière des lampes ne pro- 
duit aucune altération sensible sur les teintes. On .a vainement 
tenté d'empêcher la partie non colorée du profil d'être influen- 
cée par l'action de la lumière. Une couche mince de vernis n'a 
pas détruit la susceptibilité de cette matière saline à recevoir 
une teinte par cette action, et les lavages répétés n'empêchent 
pas qu'il n'en reste assez dans une peau ou dans un papier im-^ 
prégné, pour que ceux-ci se noircissent en recevant les rayons 
solaires. 

« Ce procédé a d'autres applications: on peut s'en servir pour 
faire des dessins de tous les objets qui ont un tissu en partie 
opaque et en partie transparent. Ainsi les fibres ligneuses des 
feuilles et les ailes des insectes peuvent être assez exactement 
représentées par ce procédé. Il suffit, pour cela, de faire passer 
au travers la lumière solaire directe , et de recevoir l'ombre sur 
une peau préparée. On ne réussit que médiocrement par ce pro- 
cédé à copier des estampes ordinaires ; la lumière , qui traverse 
la partie légèrement ombrée n'agit que lentement, et celle que 
peuvent transmettre les parties ombrées est trop fiiible pour pro- 
duire des teintes distinctement terminées. On a essayé aussi, sans 




438 

•mccès, de copier des paysages avec la lumiëre de la chambre 
noire ; elle est trop faible pour produire un effet sensible sur le 
nitrate d'argent pendant la durée ordinaire de ces expériences. 
C'était cependant l'espérance de réussir dans tel essaie en par- 
ticulier, qui avait mis M. Wedgewood sur la voie de ces recher- 
ches. Mais on peut, à l'aide du microscope solaire, copier sans 
difficulté sur du papier préparé les images des objets. Seule- 
ment, pour bien réussir, il faut que ce papier soit placé à peu 
de distance de la lentille ; la solution se prépare en mêlant une 
partie de nitrate d'argent avec six d'eau. 

« £n comparant les effets produits par la lumière sur le ni- 
trate et le muriate, ou chlorure d'argent, il a paru évident que 
le muriate était le plus susceptible, et que l'un et l'autre étaient 
plus sensibles à l'action de la lumière lorsqu'ils étaient humides, 
que lorsqu'ils étaient secs. C'est là un fait connu depuis long- 
temps. 

< La permanence des teintes ainsi produites sur le papier on 
la peau fait présumer qu'une partie de l'oxyde métallique aban- 
donne son acide pour s'unir à la substance végétale ou animale, 
et forme avec elle un composé insoluble. Et en supposant que 
cela arrive, il n'est pas improbable qu'on ne trouve des substan- 
ces qui pourront détruire ce composé par des affinités, ou sim- 
ples, ou composées. Il ne manque qu'un moyen d'empêcher qne 
les parties claires du dessin ne soient colorées par la lumière 
du jour , pour que ce procédé devienne aussi utile que l'exécu- 
tion en est prompte et facile (*). » 

De manière que le principe de ces physiciens, quoique théo- 
riquement vrai, se trouvait eu défaut dans la pratique, à cause 
de certaines difficultés dont les deux principales sont: 1^ que le 
papier ne peut être rendu suffisamment sensible pour recevoir 
une impression quelconque de la faible lumière d'une chambre 
obscure ; 2^ que les peintures qui sont formées par les rayons 
solaires ne peuvent être conservées, parce qu'elles retiennent 



(1) Description d'un procédé pour copier des peintures s«r verre et pour faire des 
silhouettes par l'action de la lumière sur nitrate d'argent. — Journal de l'Institution 
royale de Londres, 1" vol p. nO, 1802. — Répert. d'opt. II* partie. ^848. p.e95.- 
Lumière. n* 33, 1K51. 



4â» 

leur propriété (Têtre incessamment impressionnées par la lu- 
mière. 

C'est à M. Fox Talbot, amateur anglais, qu'est dû le premier pas 
décisif. Ne connaissant point les travaux de Davy et de Wed- 
gewood, M. Talbot parvint cependant à surmonter tous les ob- 
stacles. Grâce à sa persévérance et à un travail de plusieurs 
années, il résolut la double difficulté de fixer sur le papier les 
images de la chambre obscure, et de les préserver de toute al- 
tération ultérieure. 

Voici l'opération en général: si l'on place au foyer d'une 
chambre noire une feuille de papier imprégnée d'une dissolution 
d'un sel d'argent, l'image formée par l'objectif s'imprimera sur 
le papier parce que les parties obscures, restant sans action, lais- 
seront au papier sa couleur blanche. On obtiendra ainsi une sorte 
de silhouette, dans laquelle les parties éclairées du modèle se- 
ront représentées sur l'épreuve par une teinte noire et les om- 
bres par des blancs. C'est ce que l'on nomme une image inverse 
ou négative, selon l'expression consacrée. Maintenant , si l'on 
place cette image sur une feuille de papier imprégnée d'autre 
sel d'argent et qu'on expose le tout à l'action directe du soleil 
l'épreuve inverse laissera passer la lumière à travers les parties 
transparentes du dessin et lui fermera passage dans les portions 
opaques. Le rayon solaire allant aussi agir sur le papier sensi- 
ble placé au contact de l'épreuve négative, donnera naissance à 
une image sur laquelle les clairs et les ombres seront placés 
dès lors dans leur situation naturelle.- On aura donc formé ainsi 
une image directe ou positive. 

Tel est le principe général de la photographie sur papier; 
le procédé pratique se compose, d'après cela, de deux opéra- 
tions distinctes: la première ayant pour effet de préparer l'i- 
mage inverse ; la seconde de former l'épreuve redressée (*). 

L'image a été appelée improprement négative) la qualifica- 
tion éPmverse est plus correcte , pourvu qu'on sous-entende le 
mot ombré; car autrement le direct étant le corrélatif d'inverse, 



(1) Le Technologiste. ou archives des progrès de l'industrie française et étrangère, 
Paitt,18S0^8iÛ. 




430 

OD pourrait croire que ces expressions se rapporteraient à la 
position de l'image relativement à son modèle. 

n existe une autre expression dont M. Chevreul, à qui nous 
empruntons ces détails, relève le sens, c'est celle ^e fixer Vimage, 
employée souvent pour dire qu'on la fait apparaître sur la sur- 
face qui a vu la lumière : l'expression véritable est la dégager. 
En effet, les procédés photographiques consistent essentiellement 
à étendre une couche mince sur une surface plane, métallique 
ou de papier, la matière sensible, puis à l'exposer à la lumière 
réfléchie ou transmise par le modèle ; enfin à enlever, sitôt après 
la production de l'image et dans l'obscurité , la portion de ma- 
tière sensible qui n'a point été frappée par la lumière. La ma- 
nifestation de l'image n'est donc qu'un dégagement; si l'on n'en- 
levait pas cette portion de matière sensible , l'exposition ulté- 
rieure à la lumière lui ferait éprouver le même changement qu'à 
la portion représentant l'image; dès lors celle-ci se confondrait 
avec la première. Le moi fixer n'est apphcable qu'à un procédé 
qui rend l'image plus stable. Sous ce rapport on peut dire que 
la dextrine fixe les clairs de l'image daguerrienne que l'on con- 
sidère comme de l'argent amalgamé ('). 

M. Fox Talbot a fait des dessins photogéniques sur papier dès 
1634; il n'avait pas encore réussi alors à les conserver; c'est 
en 1835 qu'il est parvenu à fixer ces dessins d'une manière per- 
manente sur du papier photogénique, et c'est alors qu'il a fait, 
au moyen de son procédé, un grand nombre de vues d'une mai- 
son de campagne (*). En janvier 1839, M. Talbot communiqua 
sa découverte à la Société royale de Londres par un mémoire 
intitulé : Some account of the art of photogenic Drawing , qui 
contenait l'ensemble de ces méthodes. 

En 1841 il compléta ces descriptions dans une lettre adressée 
à l'Académie des sciences de Paris. Il avait fait alors des copies 
photographiques sur papier d'un psaume hébreux, d'une gazette 
persane, et d'une vieille charte latine de 1279, dont on admirait 
la fidélité. 



(1) GonsidéraUons sur la photogr. au point de vue abstrait, etc.» par M. E. Che- 
vreul. 
(S) Secrets modernes, etc.. M. Pelouse, vol.lll, 1840.— L'Écho, etc., n* MO, 18S9. 



4SI 

M. Talbot a donné lui-même le nom de calotype à sa décou- 
verte, mais en Angleterre et en Amérique on avait choisi la dé- 
nomination de talbotype ; cependant le mot photographie a été 
adopté généralement, pour désigner la reproduction des images 
sur le papier par le moyen de la lumière ('). 

Ce ne ftit cependant qu^en 1847 que la découverte de M. Talbot se 
répandit dans le public; la difficulté des procédés et la protection 
d'une patente empêchèrent qu'elle ne le devint plus tôt. Au 
commencement de cette année un amateur de Lille , M. Blan- 
quard-Evrard,* photographe distingué, publia la description des 
procédés de la photographie sur papier (*). Ces procédés étaient 
les mêmes que ceux de M. Talbot, mais simplifiés. Dès lors cet 
art merveilleux fut vulgarisé partout. 

Remarquons cependant que cette méthode de reproduh^e une 
image au moyen de la lumière sur du papier avait été tentée 
de diverses manières par un grand nombre d'autres personnes: 
au commencement de notre siècle, Charles, célèbre physicien, 
se servait, dans ses cours, d'un papier enduit pour engendrer des 
silhouettes à l'aide de l'action lumineuse. Il mourut emportant 
son secret, et sans qu'aucun document authentique atteste sa 
découverte (*). Tels sont encore les essais photographiques de MM. 
Steinheil et Eobell de Mimich, et de M. Gustave Froment en 
1839 ; les mezzo-teintes du Révérend J.-B. Reade , et les dessins 
photogéniques de M. Lasseigne de la même année ; les essais 
de MM. A. Breyer à Berlin; A. Raifé, Ponton en France; A. 
Petzhold, le D' C, Enzmann, et le D' Schsefhœult de Dresde, 
en 1840; les amphitypes de M. Herschel en 1842; les chromo- 
cyanotypes et les énergiatypes de M. Robert Hunt en 1844 (*); 



(1) Séance de la Société hellographique de Paris, dtt 4 avril 185i .— Lumière, 20 
avril 1851. 

(2) Le Constitutionnel, journal, du 29 janvier 1847.— Répert. d'opt. 1850. IV par- 
tie, page 1715. 

(3) Répert. d'opt. II. p. 694. 

(4) Voyez sur ces essais: L'Écho, etc. n* 44, 1839; — 14 mars 1840; n* 423. 1839; 
-22 Janvier et 15 aoât. 1840; — n" 38 et 43, 2-« semestre 1844;— n* 46. 1^ semes- 
tre.— 2 octobre 1839. -Lumière. 16 et 26 juUlct 1853;— 15 juiUet 1854.- Acadé- 
mie des sciences. 2 mars 1840.— Le Technologiste . etc. 1839— 40.— Atbeneom, 
fjuiolSU. 



é2 

nons devons i^outer nn genre de photographies particulier con- 
nu sons le nom de gravure à jour ou gravure diaphane, prati- 
qué par MM. Soleil, Berri, Montvoisin, en 1839; par MM. Saint- 
Evre père, Beuvîère en 1847 ; par MM. Salière, Grandguillau- 
me en 1853 , et par M. Ernest Bastien en 1855. Toutes ces 
méthodes héHoti/piques, opérées sur des lames de verre enduites 
d'un vernis noir ou blanc , ne reproduisaient, au moyen d'une 
pointe, que des dessins imitant le travail à la plume ou à l'eau- 
forte. MM. Harville et Pont sont parvenus, en novembre 1855, à 
reproduire tous les autres genres de dessin, soit à l'estompe, au 
lavis ou à la roulette , en déposant sur la lame de verre une 
couche très-mince de collodion , contenant une petite quantité 
d'iodure d'ammonium, et en la plongeant ensuite dans un bain 
d'eau contenant un dixième d'acétate de plomb. Après avoir 
terminé le dessin, sur cette couche, on plonge la plaque dans 
un bain de bichromate de potasse ; on laisse sécher et on la 
couvre d'un vernis mat et transparent, analogue au vernis em- 
ployé par les photographes pour garantir les iihages négatives- 
Dans Tune et l'autre de ces méthodes de gravure diaphane, on 
tire de ces planches des épreuves du dessin sur du papier po- 
sitif (*). 

M. Bayard avait déjà obtenu la première image en sens direct 
sur papier, au moyen du chlorure d'argent et de l'iodure de po- 
tassium, en février et mars 1839, et sans l'influence de la dé- 
couverte de Daguerre et de celle de M. Talbot, qui ne furent 
révélées que plus tard. Les épreuves directes de M. Bayard, 
qui figurèrent successivement à l'Exposition du mois d'août 1839, 
au profit des victimes du tremblement de terre de la Martini- 
que, et à celle de 1849, furent généralement admirées pour les 
contours et détails purs et les effets vigoureux. Par conséquent 
M. Bayard peut être regardé, avec Niepce, Daguerre et Talbot, 
comme un des révélateurs de la photographie (*). 



(1) Académie des sciences. i9 octobre 1855. — Lumière, 8 dér. i855. 

(2i Pour preuve: Académie des beaux-arts, séance du 'i nov. 18.H9.— Constitution- 
nel, 3 août 1839. — Moniteur. 22 juillet, 43 noT. 1839. et 3 fêvr 1840.— Rapport de 
M. Léoo de Laborde sur l'exposit. de 1840. — Lumière, n* 35. « sept. 1854; et r inté- 
ressant article sur l'Exposit. par M. L. Fifl^ier, dans la Presse du z3 juin 4855. 



m 

M. Mathieu avait publié en 1847 son procédé de Tautopho- 
tographie, ou Part de reproduire les dessins, les lithographies, 
les gravures, sans qu'on ait besoin d'en faire passer l'image à 
travers l'objectif de la chambre noire , et par la simple applica- 
tion du dessin à reproduire sur un papier rendu sensible à l'ac- 
tion de la lumière. 

Dès que le problème difficile d'obtenir sur papier des images 
de la chambre noire par l'action de la lumière était résolu, et 
que la photographie était devenue familière aux savants et aux 
amateurs, elle prit les développements les plus larges, et on y 
apportait des perfectionnements notables. 

En cirant ou en gélatinant le papier, M. Le Gray et M. Bal- 
dus donnèrent plus de finesse, plus de transparence à l'épreuve 
inverse (dite négative). 

En 1847, M. Niepce de Saint- Victor, neveu de Joseph-Nicé- 
phore Niepce, l'inventeur de l'héliographie, réalisa au profit de la 
photographie sur papier un progrès inespéré, auquel elle est 
redevable de ses produits les plus achevés, les plus parfaits, en 
imaginant l'enduit albumineux et créant la photographie sur 
Terre. M. Niepce de Saint-Victor présenta le 25 octobre 1847 à 
TAcadémie des sciences un mémoire pour remplacer le papier 
par une légère couche d'empois ou d'albumine (blanc d'œuf), 
étendue sur une lame de verre, qui, imbibée ensuite avec le sel 
d'argent, servirait à obtenir une image inverse, sans les pores 
et autres défauts du papier (^). 

De nouveaux perfectionnements furent ajoutés par M. Niepce 
de Saint- Victor, en juin 1848 et en août 1850, pour augmenter 
le précédent, et dès lors toutes les épreuves produites par ce 
procédé eurent une finesse extraordinaire. Mais quoique M.Hum- 
bert de Molard, le 12 août 1850, et M. Talbot, le 16 juin 
1851 (•), aient tous les deux indiqué encore d'autres moyens 
pour rendre la couche d'albumine plus sensible, on cherchait 
néanmoins une nouvelle préparation plus prompte, plus immé- 
diate et plus facile pour remplacer la pâte du papier. 

(1) Recherches photographiques par M. Niepce de Saint -Victor. Paris, 1855, p. 

S3à40. 

(2) Lettre deM. Talbot à l'Académie des sciences de Paris; \Q juin 1851. 

19 



484 

C'est en janvier 1850 que M. Le Gray indiqua l'emploi da 
collodion et da proto-sulfate de fer comme agents révélateurs 
sur papier ('). — Au commencement de 1851, MM. Bingham et 
Cundel, en Angleterre, eurent l'idée d'appliquer le collodion sur 
verre, mais avec peu de succès. Dans le courant de 1851, M. Ar- 
cher, Anglais, fit un collodion dont un de ses compatriotes, M. 
Fry, s'est servi avec une réussite parfaite. Son procédé surpas- 
sait tous les procédés connus jusque-là en promptitude et en 
finesse, et permettait même de reproduire le feuille des arbres, 
ce qui ne se faisait qu'imparfaitement avec les préparations an- 
térieurement connues. Un autre avantage du procédé au collo- 
dion est de pouvoir fournir à volonté une image inverse, et 
une directe sur verre; pour celle-ci, la pose est très-courte, et 
peut, par des mains habiles, être détachée de la glace, puis éten- 
due et collée sur un fond noir, étoffe, toile cirée ou papier, sans 
présenter le miroitement des plaques daguerriennes (*). 

Décrivons dans sa généralité le procédé au collodion, cette 
substance étant jusqu'à ce jour tout ce qu'on a trouvé de mieux 
pour la photographie (') : Pour composer le collodion, on prend 
du coton-poudre , soit éther oxyline, préparé avec du coton non 
filé, de l'acide sulfurique pur et du salpêtre rafi&né. Ce coton- 
poudre est dissous dans de l'éther sulfurique et de l'alcool; on 
y ajoute un sel ou une dissolution de sel , tels que l'iodure de 
potassium ou l'iodure d'ammonium, ou tout autre sel pouvant se 
combiner avec l'argent et être rendu impressionnable aux rayons 
lumineux. Ce collodion est ensuite déposé sur la lame de verre ; 
l'éther et l'alcool s'évaporant^ il ne reste bientôt sur celle-ci 
qu'une couche mince de coton, d'une égalité par&ite, dépassant 
en finesse tous les papiers possibles, et contenant dans sa pâte 
un sel que l'on transforme en iodure d'argent ou bromure d'ar- 
gent, suivant sa nature, par un bain dans une dissolution d'azo- 
tate d'argent 

(1) Lumière, n- 21. 1854. 

(2) Notice relative à l'emploi du collodion préparé par M. Archer, etc. dans Tbe 
Patent journal. Lond. 1851.— Nouveau traité de phologr. par M. Le Gray.— Manuel 
prat. de pbot. sur collodion. par M. Archer, 1852. etc. 

(3) La photographie et ses divers procédés, par H. Populus. publiée dans le Bulle- 
tin de la Société des Arts de Genève, n* 54, Genève 1854. 



436 

On procède alors à Texposition de la plaque de verre aux 
rayons lumineux produits dans la chambre noire par un objectif 
à verres simples ou combinés, reflétant un objet quelconque. Au 
sortir de la chambre obscure, l'image est invisible ; on l'a fait 
apparaître par l'acide gaUique ou l'acide pyrogallique, ou du 
sulfate de fer igouté d'un acide, ou par l'un des autres réactife. 

Enfin on fixe l'image par une solution ayant la propriété de 
précipiter l'iodure d'argent formé : tels sont l'hyposulfite de 
soude, la cyanure de potassium dissous dans beaucoup d'eau. 

D'autres substances ont été étudiées et employées; différentes 
modifications ont été apportées , des perfectionnements plus ou 
moins essentiels ont été introduits en photographie, et il ne se 
passe pas de semaine qu'on n'en publie de nouvelles; enfin la 
photographie marche de progrès en progrès , et avec une telle 
rapidité que nous renonçons à la suivre. Remarquons néanmoins 
que, comme pour la daguerréotypie, les principes fondamentaux 
de leurs inventeurs, Niepce et Talbot, sont toujours les mêmes. 

M. A. Belloc a publié, en 1855, un traité de photographie 
sous le titre : Les quatre branches de la pJiotographie, qui em- 
brasse la Daffuerréotypie , la Talbotypie^ià Niepçotypie et YAr- 
chéotypie, noms par lesquels il désigne les divers procédés 
inventés par MM. Daguerre, Talbot, Niepce de Saint- Victor 
et Archer, savoir la photographie sur plaque métallique, celle 
sur papier, celle sur verre, et celle sur coUodion. Il est seule- 
ment à regretter que Nicéphore Niepce ait été sacrifié dans 
cette classification, qui du reste est très-ingénieuse. 

APPUCATION8 DE LA PHOTOORAPHIB. Dé- 
sormais ces procédés ont ouvert un champ immense aux applica- 
tions photographiques. Cet art nouveau est devenu un auxiliaire 
puissant pour les arts, les sciences, l'industrie, au moyen de 
ses applications nombreuses et variées. Notons les plus remar- 
quables : 

Photographie tur divertes sabstanoes- M. Niepce 
de Saint-Victor avait, déjà en 1847, émis l'idée que la photo- 
graphie pourrait être appliquée avec avantage sur la pierre litho- 



m 

graphique, sur ^erre opale, sur porcelaine, sur cuivre et sur 
bois, à l'usage des peintres et des graveurs. MM. Gimbert et 
Schnidre, en 1855, ont pris sur émail des épreuves photogra- 
phiques, qu'ils ont fait cuire, et ils en ont obtenu un fort beau 
résultat. 

M. Samson, professeur es sciences, a inventé en septembre 
1854 un procédé pour faire des vitraux photographiques repré- 
sentant des tableaux, des statues, des vues et toutes sortes de 
compositions, en couleur de bistre, ou coloriés de divers émaux. 
Avant lui, M. Langenheim, de Philadelphie, avait déjà en 1851 
exposé à Londres des vitraux héliographiques coloriés par des 
vernis spéciaux. 

M. Ernest Conduché, en utilisant les épreuves photographiques 
produites sur pierre, a inventé le 5 février 1855 un nouveau pro- 
cédé qu'il nomme Typochromie photographique et qu'il applique 
sur porcelaine, émail et sur tous les objets céramiques. Voici com- 
ment on opère : On tire les épreuves sur papier au moyen d'une 
encre contenant en suspension, ou à Vétat de savon, la matière qui, 
par son exposition plus ou moins prolongée au feu, donnera une 
couleur toute différente de celle qu'elle présente dans l'encre. 
Si, par le moyen de repères habilement combinés, on peut in- 
troduire sur l'épreuve plusieurs encres correspondant à ces 
parties qui exigent des tons différents, au lieu d'obtenir une 
image d'une seule couleur, on obtiendra une image polychrome. 
L'épreuve sur papier étant obtenue, on conçoit ce qui reste à 
faire : on lui donne, au moyen d'une couche de gélatine, la 
propriété d'adhérer à l'objet de porcelaine, et, les matières 
organiques (gélatine et papier) étant détruites par la cuison, il 
restera sur la plaque des composés métalliques qui formeront 
l'image. 

Ainsi deux opérations sont nécessaires dans ce procédé : l'une 
constitue le tirage d'une épreuve qui porte avec elle la matière 
colorante se développant au feu; la seconde est une applica- 
tion du type sur le subjectile. C'est dans cet état que l'objet peut 
être mis au feu. M. Murson, de Lacrymosa, a également décou- 
vert un procédé de photographie appliqué à la peinture sur 
verre. Le 11 juin 1855 il l'a communiqué à l'Académie. 



Pourtransfonner les images phologr^hjques en peintures ihdé- 
lébiles, coloriées et fixées,M. Lafon,<le Camarsac, choisit pour 
Bubjecdles les métaux et les maliÈrea céramiques; il emploie les 
composés ïitrifiables pour y tracer l'image. L'épreuve exposée 
au feu, les matières organiques disparaissent et l'im^e, formée 
de substances indestructibles, demeure axée par la vitrification. 
L'image présente l'aspect d'une peinture sur porcelaine. M. Le- 
gro6, dans son Encyclopédie de la pbolographie de 1856, 
donne les procédés pour obtenir des portraits ou autre sujets 
sur des boules concaves de cristal (presse- papier). Enfin on ap- 
plique les images photographiques sur des bracelets , sur des 
broches et sur des boites de montres, et encore sur toile, à 
l'usage des peintres. 

La photographie a été appliquée en 1853 atec succès à la 
gravure sur bois par le révérend Saint-Tincent Becchey, avec 
une épreuve d'une belle gravure exécutée par M. Robert Lai^- 
thon, Crow-Street, Manchester (Amérique), et avec un bois sur 
lequel on avait réussi k imprimer un dessin photographique ré- 
duit de la célèbre carte de la lune, dessinée par M. James Na- 
smyth de Patricoff, sur une échelle de quatre pieds de diamè- 
tre. Le dessin phothographique a été produit sur la surface nue 
du bois, simplement coUodîonnée, sans support ou fond noir ou 
blanc ('). 

Photographie artlatiqnei Nous pouvons dire, avec 
M. Ernest Lacan (*), que la photographie a passé les mers, fran- 
chi les montagnes, traversé les contmenta, en considérant le 
grand nombre de vues et de monuments que cet art a repro- 
duits dans tous les pays. Il y a des photc^aphes à Bom? 
Madagascar, à Yalparaiso, partout. 
L'Eg7pt«, la Nubie, laPaleatine ont été explorées par M. M 



— Ali janrna], «Dût 16S4 — Cmmos.— llMÏerctics photogr. de II. Niepce 
Vitt«r, p. Î8, elc. 

d) VoïeiMnialéressanlarIidt:MDiilleurdu 49 Janvier 1S» U ses El 
pliatDgrapbiques, Paris, 1856 . «U. 



486 

Da Camp et M. Thênard.— M. Salzmann {*) a fut des. photo- 
graphies à Jérusalem, représentant des frises portant an carac- 
tère tout particulier ; à côté des triglyphes et des gouttes égyp- 
tiennes dont ridée a fructifié dans le style dorique, nous Toyons 
des palmettes assyriennes mêlées à des emblèmes d'origine 
Israélite, tels que le cédrat, la palme, le raisin de Palestine. Le 
monument nommé le tombeau d'Absalon nous montre des demi- 
colonnes assyriennes , mais seulement une à une, sans être réu- 
nies, tandis que la corde qui entoure l'édifice en haut est phé- 
nicienne. La Judée a emprunté de l'Assyrie des rosaces pour en 
orner des frises égyptiennes. Nous mentionnerons encore un 
système d'écaillés qui forme la décoration du soubassement du 
temple salomonien, et rappelle la manière dont quelques mai- 
sons sont décorées à Ninive. Des images de temples et de pa- 
godes hindous sont sorties de l'imprimerie photographique de 
M. Blanquard-Evrard de Lille. Une collection de vues de Con- 
stantinople , ainsi que des costumes et des types des différentes 
classes de la population byzantine, a été publiée par M. Bo- 
bertson. Plus de 800 vues de la Grimée et de Sébastopol ont 
été apportées au British Muséum par un photographe anglais. 
— M. de Szathmari a produit plus de 200 épreuves photogra- 
phiques, prises en Valachie, représentant les portraits des gé- 
néraux turcs, russes, français, anglais, ainsi que divers cos- 
tumes et des paysages. 

Kiew, Saint-Pétersbourg, Moscou et d'autres villes et sites 
de la Russie ont été explorés par M. Roger Fenton, amateur 
anglais; — la Sardaigne par M. Edouard Delessert; — l'Ita- 
lie par MM. Bresolin, Piot, Gustave Le Gray, Flacheron; — 
Naples, Pompeï et la Sicile, par M. Grillet, vues stéréoscopi- 
ques; — les merveilles de l'Espagne par M. le vicomte Vi- 
gier. Tension, M. le vicomte Dax; — les Pyrénées (sur col- 
lodion sec) par M. MaxweU Lyte, par M. Vigier; — l'Espagne, 
sous le rapport des paysages et des costumes , par M. Clif- 
ford; — la Suisse et les Alpes par M. Martens; -— les bords 
romantiques du Rhin par MM. le vicomte de Dax, MarviUe, 

(1) Rap. de M. Oppert, membre de l'expédition scientifique envoyée par le gouver- 
nement français en Babylonie; lu k l'Académie des Beaux-Arts, août 4855. 



! 



489 



Ferrier; — en France, le Berry par M. le comte Aguado; — 
l'Auvergne et la Bourgogne par M. Baldus; — les cathédrales 
de Strasbourg, de Rheims^ de Beauvais, de Chartres, de Poitiers, 
par MM. Lesecq^ Marville, Le Gray; — Téglise du cloître de Saint- 
Trophyme à Arles , le palais des papes à Avignon , la tour Ma- 
gne, la Maison carrée , les Arènes de Nîmes , par MM. Baldus 
et Nègre; — le château de Blois par MM. Bisson, Fortier et 
Ferrier; — les ruines, monuments et vues en Algérie par M. 
Moulin ; — les Vosges par M. Lesecq, etc. 

L'intérieur du palais de cristal a été reproduit par M. Dela- 
mothe. Anglais ; — des détails de la cathédrale de Cologne, par 
M. Michiels, Allemand ; — des monuments de Milan, par M. le 
D' Formosa ; — des vues de Venise , par les frères Alinari de 
Florence. 

Des vues panoramiques de grande dimension ont été produi- 
tes par M. Tension : celle de Tolède, de la grandeur d'un mè- 
tre sur 27 centimètres ; — Paris , pris du pont des Saint-Pères, 
par M. Marville ; — la vue du Pont-Neuf, par MM. Bisson frè- 
res; — celle du Mont-Blanc, par M. Martens; — celle de la ba- 
taille de l'Aima, par M. Burford. 

Des paysages de tous genres, des études d'après nature ont 
été livrés par MM. le comte Aguado, de Courmont, Baldus, A. 
Giroux, le marquis de Bérenger, Fenton; et les Anglais, MM. 
H. Withe, Matwell, C. Hurton et Thompson. 

De charmants bouquets de fleurs, artistement composés, ont 
été photographiés par M. Ad. Braun, dessinateur à Domach, 
près de Mulhouse. 

Pour la reproduction des chefs-d'œuvre de la sculpture, M. 
Baldus et M. Marville ont pubhé une série d'épreuves de pre- 
mier ordre, les plus belles œuvres sculpturales du Louvre et de 
Versailles. Par une disposition savante des lumières, M. Bayard 
est arrivé à reproduire un effet si puissant , que l'œil s'y laisse 
tromper, et qu'en examinant une de ces copies de la Vénus à 
la coquille, de Jean Goujon, et de la Vénus de Milo, ou des 
bas-reliefs de Clodion, on croit avoir sous la main le marbre ou 
le plâtre lui-même. M. Alph. Bilardeaux a adopté le même genre : 
il a reproduit la crucifixion, bas-relief d'Emile Chatrousse, et la 



440 

résniTection; mais son chef-d'œuvre est le Calyaire, d'après un 
bas-relief de Justin. 

M. Philippe Margaritis, d'Athènes, a également reproduit dans 
le même genre les frises du Parthénon, et M. Lesecq une col- 
lection de bas-reliefs byzantins appartenant à M. Depauli, gra- 
veur en médailles. 

La reproduction sur papier de gravures rares et précieuses 
avait été tentée de diverses manières et dès le commencement 
de la photographie : M. Lasseigne, en 1839, avait obtenu la co- 
pie de gravures sur papier, par la lumière, au moyen du nitrate 
d'argent. 

M. Niepce de Saint-Victor signala en 1846 (*) l'attrait singu- 
lier des vapeurs de l'iode pour la couleur noire, et une pro- 
priété de cette substance qui la dispose à se fixer de préfé- 
rence sur les corps en saillie. Cette double observation permit 
à M. Niepce de Saint- Victor de copier avec une précision re- 
marquable les gravures les plus fines, sans sacrifier l'original. H 
a reproduit des caractères du recto ou du verso, à volonté, d'une 
feuille imprimée des deux cotés ; l'image d'un tableau en expo- 
sant celui-ci à la vapeur d'iode, et même des gravures coloriés 
non gommées. M. Niepce de Saint- Victor a ainsi reproduit avec 
l'iode des figures non-seulement sur le fer, le plomb, l'étain, le 
laiton, l'argent, le verre, mais aussi sur du papier préparé de 
diverses manières. M. Niepce a trouvé à d'autres substances la 
même propriété qu'à l'iode de se porter sur les noirs et sur 
les reliefs d'une gravure et de toute espèce de dessins. D a re- 
produit avec du phosphore et du soufre, avec de Facide azo- 
tique et l'hypochlorite de chaux. 

M. Bayard avait déjà fait avec M. Kenard, son élève, des 
reproductions photographiques de gravures anciennes, telles que 
les sept sacrements de Pesme, d'après le Poussin, les planches cé- 
lèbres de Wille, d'après l'école flamande, etc. Ces épreuves 
eurent un immense succès. 

M. Fortier et M. Millet ont fait des essais dans le même 
genre ; l'un a reproduit la Cène de Léonard de Vinci, et l'autre 
les WiUis, d'après Lehmann. 

(1) L'iode UA découvert accidentellement par de Courtois en 1811 ou 1812. 



441 

M.'B6i)janiJn Delessert eut le premier l'heureuse pensée de âure 
servir la photographie à répandre auprès du public et des artis- 
tes les gravures des anciens maîtres. Celles de Marc-Antoine 
Raimondi sont, en ce genre, les plus estimées et les plus coû- 
teuses. M. Delessert, après en avoir rassemblé la collection, en 
a exécuté par la photographie des reproductions identiques, de 
telle sorte que l'on peut aujourd'hui, pour un prix minime, pos- 
séder l'œuvre tout entière du graveur bolonais. 

Cette idée remarquable a donné naissance à d'autres publi- 
cations du même genre. Des éditeurs intelligents ont livré au 
public l'œuvre de Eembrandt et celle à^ Albert Durer, photo- 
graphiées avec talent par MM. Bisson frères. MM. Baldus et 
Charles Nègre ont, de leur côté , reproduit une grande partie 
des planches de Lepaubre , enfin M. le comte Aguado a exé- 
cuté le même travail pour quelques gravures de Téniers. 

Foc-^mtZe photogrophique éPanciens mamtscrits. M. Ph. Dela- 
motte a reproduit un manuscrit de la Société royale de l'Ir- 
lande ; il a été question aussi de faire un catalogue des manu- 
scrits de la Bibliothèque impériale de Paris, en faisant photogra- 
phier leurs premières pages. 

On sait avec quelles peines infinies , même en s'aidant des 
instruments de M. Levitsky , on arrive à réduire à la main les 
grandes triangulations topograt>hiques pour le travail du gra- 
veur; M. Pissarewsky à Saint-Pétersbourg a pris pour spécia- 
lité la réduction photographique des cartes topographiques, et il 
a parÊdtement réussi 

Dans les premiers essais qui furent tentés pour reproduire 
les tableaux , les tons de l'original perdaient leur valeur , le 
modelé disparaissait: on n'obtenait que des copies plates et con- 
fuses. Heureusement les photographes modifièrent leurs procé- 
dés: ils ralentirent les opérations, afin que les parties sombres, 
auxquelles la lumière diffuse ne donne pas une transparence 
relative , comme dans la nature, eussent le temps d'être fouillées 
par l'objectifetdese dessiner complètement sur le cliché, avant 
que les parties éclairées , qui se reproduisent tout d'abord, fus- 
sent hrâUes : ce qui était la grande difficulté de ce genre de 
travail; enfin ils firent si bien, qu'aujourd'hui la reproduction 

19* 



442 

âe la peinture est nn des plus beaux attribats de la photx^s^- 
phie. 

MM. Bayard et Baldus sont les deux artistes qui excellent 
le plas dans ce genre. Les copies de plusieurs tableaux de Guet 
et d'autres peintres, par le premier, et celles de la Mort de saint 
François d'Assise, de Léon Benonville , du Buveur de bière de 
Meissonier, de quelques-unes des belles toiles de Brascassat, 
et d'un délicieux paysage de M. de Mercey, par 4e second, sont 
des œuvres qui peuvent rivaUser avec les meilleures gravures. 
Dans les publications de M. Blanquard-Ëvrard, de Lille, au 
milieu des spécimens de tous genres, on trouve aussi des co- 
pies de peintures appartenant pour la plupart à l'école fla- 
mande , et qui ont très-bien réussies. Tout récemment M. Le- 
secq vient de livrer au public une série d'épreuves dans les- 
quelles il a reproduit avec une grande habileté les tableaux les 
plus estimés de nos peintres modernes. On s'occupe actuelle- 
ment à photographier les fresques du Campo-Santo de Pise, 
pour les graver ensuite. 

MM. Gouin (élève de Girodet), Moulin et Braquehais ont re- 
produit des photographies d'académies présentant toutes les 
attitudes , tous les caractères , toutes les variétés de la nature, 
pour l'étude des artistes. £n Allemagne , M. Lœcherer excelle 
dans ce genre. H y a aujourd'hui des modèles spéciaux , hom- 
mes et femmes, pour la photographie. 

Photographie BCieiitifiqiie> La fidélité et l'exactitude 
sont les premières conditions pour la copie des objets d'histoire 
naturelle, mais les moyens employés ordinairement, le burin et 
la pierre lithographique, ne donnaient généralement que des ré- 
sultats incomplets ; la photographie , au contraire , offire des 
moyens parfaits de reproduction ; aussi s'est-on hâté de l'appli- 
quer aux besoins de la science. 

L'observatoire de Greenwich est pourvu depuis 1847 d'in- 
struments qui enregistrent eux-mêmes leurs indications des 
phénomènes météorologiques au moyen de la photographie. Le 
physicien anglais, M. Thomas Woods, a appliqué la photogra- 
phie aux observations astronomiques ^ l'éclipsé du 28 juillet 



443 

1851 a été relevée héliographiquement par MM. Vaillant çt 
Thompson, avec un objectif sténallatique de M. Pbrro. 

M. Bertsch a fait les images photographiques de la lune, prises 
à différentes phases de Téclipse du 13 octobre 1856 , avec la 
grande lunette de l'Institut technomatique. 

M. le D' Fr.-Guil. Unger, de Gœttingen, vient d'entreprendre la 
publication d'un ouvrage dans lequel il doit rassembler les ima- 
ges photographiques des principales révolutions physiques du 
globe, et celles des animaux qui ont vécu aux différentes épo- 
ques de sa formation. 

M. Descloiseaux , avec le secours de M. Duboscq, a produit 
des épreuves de cristaux de quartz , obtenues au moyen d'un 
appareil de polarisation éclairé par la lumière électrique. 

£n 1855 on montra à la Société royale de Londres une col- 
lection de fougères de la Grande-Bretagne , obtenue de gran- 
deur naturelle par M. Glaisher^ et des copies des images photo- 
graphiques des cristaux de neige. 

M. Penney a fait en 1856 une reproduction photographique 
du fond de la mer dans la baie de Weymouth , à une profon- 
deur de 10 mètres; il a obtenu une vue parfaite des roches et 
des herbes qui sont au fond de la baie. 

MM. Arnaud et Bertsch, inventeurs d'un collodion rapide, 
ont obtenu depuis longtemps des épreuves photographiques mi- 
croscopiques d'insectes et de plantes, dont les grossissements 
sont dans les proportions de 160, 200 et 300 fois leur volume, 
et au delà au microscope solaire. En Angleterre , MM. Kings- 
ley , Delves et Higley se sont hvrés avec un égal succès à des 
essais du même genre. Dans la célèbre Imprimerie impériale 
de Vienne, en Autriche , on a obtenu des photographies remar- 
quables d'objets d'histoire naturelle grossis jusqu'à 3 mille fois, 
au moyen du microscope solaire. 

Les productions distinguées de M. Louis Rousseau, prépa- 
rateur au Jardin des Plantes de Paris , sont depuis longtemps 
appréciées ; avec l'aide de deux praticiens habiles, il a repro- 
duit llconographie zoologique , pubhcation d'une valeur incal- 
culable pour la science. M. Rousseau est parvenu à surmonter 
les difficultés que présentait la reproduction des objets d'his- 



444 

toire natorelle ; an lien de conserver la sitaation horizontale 
à la lentille dans la chambre obscure, il a placé la lentille ver- 
ticalement, c'est-à-dire qu'il a disposé la chambre noire CM-des- 
8U8 de V objet à reproduire , en plaçant cet objet lui-même hori- 
zontalement à la manière ordinaire , sur une table ou sur un 
support C'est grâce à cette chambre obscure renversée , et à 
l'emploi des lentilles simples , que M. Rousseau a pu prendre 
l'impression photographique des pièces anatomiques et autres 
dans les conditions qu'exige leur reproduction ; il a pu obtenir 
ainsi des résultats d'une haute importance pour les applications 
futures de la photographie aux études scientifiques. 

Le docteur Draper en Amérique, de son côté, a publié une 
méthode pour obtenir des reproductions microscopiques. Les 
épreuves photographiques d'une grande beauté doivent servir 
à l'illustration d'un ouvrage sur la physiologie humaine , qu'il 
publie en ce moment. 

L'anthropologie est une des branches des sciences naturelles 
qui devrait le plus jouir des avantages qu'offire la photographie. 
L'artiste qui voyage dans les différents pays du monde en peut 
rapporter les spécimens des types des races humaines vivantes, 
et former ainsi des collections ethnologiques d'un grand inté- 
rêt. Les galeries du Muséum de Paris possèdent déjà un cer- 
tain nombre de ces épreuves. Quant aux races éteintes, M. Rous- 
seau a également pris soin de reproduire lui-même les crânes 
qui sont entre les mains des etiinographes. M. Hennemann, à 
Londres, a fait une collection d'épreuves prises sur nature d'un 
certain nombre de sauvages de la race cafre, et M. Claudet des 
indigènes des îles Walpole. Les différentes espèces d'animaux 
ont aussi eu leurs types reproduits : M. le comte Montizon a 
photographié les animaux vivants du jardin zoologique de Lon- 
dres, et MM. Disderi et Baldus les figures d'animaux qui se 
trouvaient à l'exposition agronomique au Champ-de-Mars. M. 
Adrien Tournachon reproduit avec talent les plus beaux types 
de bestiaux. 

Photographie Jadlolalre et mëdioale. La photogra- 
phie a eu aussi son application aux actes de la justice pour le 



445 

signalement des condamnés , et ponr imprimer les portraits des 
porteurs de passeports. Cette idée est de MM. Richemont, Yer- 
neoil et Moreau-Christophe. 

Le médecin trouvera un auxiliaire puissant pour ses recher- 
ches dans les reproductions photographiques des maladies. C'est 
ainsi que le docteur Diamond, attaché à l'asile de Surrey County 
près de Londres, a fait faire les reproductions des traits de 
femmes atteintes de folie représentant divers genres d'aliénation 
mentale. La photographie est depuis quelque temps déjà em* 
ployé dans des instituts orthopédiques de Vienne et de Ber- 
lin. Enfin il n'y a pas une branche des arts, des sciences et 'de 
l'industre, et jusqu'aux marchés et aux fêtes, que la photogra- 
phie n'ait exploitée pour les reproduire. 

Les grandes scènes populaires , les fêtes publiques ont été 
photographiées par MM. le baron Gros, Plumier, Bertsch, Le 
Gray, Millet et de Disderi* 

Les scènes du baptême du prince impérial ont été repro- 
duites par M. Plumier. Le parvis de Notre-Dame pendant ces 
cérémonies est dû à M. MarviUe, ainsi qu'à MM. Pierson et 
Mayer frères. 

MM. Bisson frères ont présenté à l'Académie des sciences, 
en août 1855 , une collection de vues photographiées des plus 
intéressantes, représentant d'une manière parfaite les traces 
qu'ont laissées les ravages du tremblement de terre du 25 au 
30 juillet de cette année , à Saint-Nicolas , à Yiége et à Stalden 
dans le haut Valais. 

M. Bàldus nous a donné l'image des inondations du Rhône, et 
M. Ferrier celle de la Loire , de 1856. M. Taubenot a exécuté 
un album de pluff de 25 épreuves qui représentent le Prytanée 
impérial militaire de La Flèche, ses bâtiments, ses jardins et 
son personnel. 

Photographie Indnstiiellea MM, Bisson frères ont eu 
l'idée d'appliquer la photographie aux affiches annonçant la 
mise en vente de terrains pour la construction , et à la repro- 
duction de modèles de pendules, de machines et d'objets d'art 

MM. le comte Aguado et Edouard Delessert ont eu l'ingénieuse 

4É 



446 

idée de remplacer les noms et les adresses que portaiait jnsqa'à 
présent les cartes de visites , par de délicieux petits portraits, 
et ont trouvé de suite une foule de corollaires à cette idée. 

Premières pablicatlons pliotograpliiqiies> N'ou- 
blions pas de mentionner ici que, dans l'exposition des épreu- 
ves photographiques ouverte à Londres au mois de janvier 1853, 
on remarquait une curieuse collection d'épreuves d'après des 
fougères, des herbes, des fleurs , exposée par le capitaine Ibbet- 
son , et intitulée : Lie premier livre imprimé par le soleil , en 
1840. Ce titre était justifié par ce fait, que la préface ainsi que 
la page frontispice elle-même étaient imprimées réellement par 
la lumière. 

Le premier ouvrage photographique publié en France est 
Paris photographié , vues et monuments , par Renard ; il est 
sorti de l'imprimerie photographiq^^e fondée à Paris en 1851 
par M. de Fonteney, et dirigée par M. de Lachevardière. Cet 
ouvrage a paru chez MM. Goubil et Vipert en janvier 1853. 

Mais le premier exemple de la photographie appliquée aux 
ouvrages imprimés a été donné en France par M. Louis-Au- 
guste Martin, sténographe de l'Assemblée ; ce sont ses Prome- 
nades poétiques et dagviernennes. Cet ouvrage, publié en 1850, 
composé de poésies descriptives sur Chantilly , Bellevue et au- 
tres, est accompagné de vues daguerréotypées et reportées sur 
papier photograpMque. 

Le premier volume du Club des photographes de Londres 
a été publié en mars 1856; il se compose des photographies 
faites par 50 artistes , auquel M. Wittingham , de Chieswich , a 
joint 50 pages de texte de la plus grande beauté typographique. 
Ce volume fait voir les progrès merveilleux qu'a faits la photo- 
graphie en Angleterre. 

Dlmemloiie des photographlesa Sous le rapport de 
la grandeur des épreuves photographiques on a également fait 
des progrès. En 1851 on en faisait déjà qui étaient de la dimeo- 
sion de 35 centimètres de longueur sur 25 de hauteur. Mainte- 
nant on a dépassé cette mesure , et il en existe de bien plus 
grandes , tant en portraits (ju'eu monuments. 



447 

MM. Heilmann et John Steewart ont soumis, le 25 juillet 
1853 , à l'Académie des sciences des empreintes photographi- 
ques directes par un procédé qui permet de les obtenir de tou- 
tes dimensions; un portrait d'homme était reproduit trois fois 
plus petit, et trois fois plus grand. 

MM. Lerebours et Salleron avaient obtenu en août 1853 
des épreuves dont la grandeur était limitée seulement par la 
dimension du papier. MM. Victor Laisné, Leblanc, Gerothwohl, 
Tamier, Adrien Toumaehon (Nadar jeune) , ainsi que les An- 
glais, MM. Thomas Sharp et MayeQ, obtenaient des portraits 
de grandeur naturelle par des procédés photographiques. 

Cependant, en 1844 déjà, M. Ch. Chevalier avait construit un 
objectif destiné à la reproduction des détails d'un monument ; 
cet appareil , qui n'était qu'une modification de celui qu'il em- 
ployait habituellement , permettait de reproduire certaines par- 
ties sculptées d'un édifice sous de plus grandes proportions; 
en allongeant les foyers , on obtenait des images de grandeur 
naturelle et même plus grandes que l'original. 

Mais le succès réel n'a été obtenu que tout récemment. M. Bis- 
deri a fait en 12 à 15 secondes des portraits de '/s de grandeur 
de nature sur des glaces collodionnées de 80 centimètres sur 
60, au moyen d'un objectif à verres combinés de 10 pouces de 
diamètre , nouveUement construit par MM. Lebruns et Maês, 
avec un diaphragme intérieur de 10 centimètres, et à 3 mè- 
tres de distance. Il a fait les portraits de l'Empereur, du comte 
Agoado, de M. Dantan et de M. Edouard Delessert, et il y avait 
peu de déformation, beaucoup de lumière et une grande finesse. 
MM. Thompson et Bingham ont également fait des portraits de 
grandeur naturelle sur des glaces de 80 centimètres avec un 
objectif de 12 pouces ; ils ont reproduit des groupes de 4, 6 et 
8 personnes ^emi-nature , qui ne laissent rien à désirer. 

MM Bisson frères ont produit des photographies de dimen- 
sions considérables. Ce sont l'Apollon du Belvédère , de gran- 
deur natureUe, d'après un plâtre ; la porte principale du Palais 
de l'Exposition, la place de la Concorde, et une vue générale 
du Pont-Neuf et de l'île Notre-Dame en deux morceaux (ces 
derniers ont chacun 75 centimètres de longeur) ; la vue du Fa- 



I 

i 



448 

^on de Horloge, cour da Loayre, a on mètre 2 
de hauteur, sur 77 centimètres de largeur. 

Les Yaes de Tarsenal de Vienne (Aatriche), fûtes dans 11m- 
primerie impériale, ont 3' de hantenr sur une largeur plus con- 
sidérable encore; elles ont été obtenues sur verre collodionné 
et offirent cela de remarquable, qu'on ait pu parvenir à séparer 
complètement du verre la couche de collodion qui y était éten- 
due. On a obtenu ainsi des surfaces de collodion de 4 pieds 
carrés de toute perfection. 

Dernièrement, à Manchester en Angleterre (*), on a exposé 
des photographies microscopiques dont l'une d'elles, de la gros- 
seur d'une tête d'épingle , a été examinée à l'aide d'un micros- 
cope qui grossissait cent fois. On trouva qu'elle représentait 
un groupe de sept portraits de la fiunille de l'artiste. On a 
exposé aussi une autre photographie microscopique de dimen- 
sion encore plus exiguë, représentant une inscription murale éri- 
gée à la mémoire de William Sturgeon, auteur de différentes 
découvertes électriques, par ses amis de Manchester, dans l'é- 
glise de Kirkby Lowedales. Cette petite inscription ne couvrait 
que la dix-neuf-centième partie d'un pouce carré superficiel et 
contenait 680 lettres , dont chacune était distinctement visible 
au microscope. 

Bëllooluroiiilea Pour la photographie sur papier, comme 
pour la daguerréotypie, on a souvent annoncé d'avoir obtenu des 
épreuves colorées; c'est ainsi qu'on lisait en 1858 qu'un artiste 
suédois, Garlemann, avait fait une nouvelle découverte, qu'il a 
nommé photo-chromographie, par laquelle il pouvait obtenir 
3 à 400 copies par jour, les divers objets étant reproduits avec 
leurs couleurs naturelles.—- M. Tardieu avait déjà pris en 1852 
un brevet pour un système d'images photographiques colorées, 
dit Tardéochromes. Cependant ces épreuves photographiques 
n'étaient pas colorées par la lumière, mais simplement coloriées 
à l'aide du pinceau. On n'est point encore parvenu à fixer 
d'une manière permanente les couleurs obtenues par la lumière^ 
ni sur plaques métalliques, ni sur papier, 

(4) Lumière, n- 4, 1856, 



449 

Le procédé de M. Tastud de Beanregard, inventé en 1855, 
au moyen duquel il obtient sur papier des épreuves photogra- 
phiques reproduisant les couleurs naturelles des objets, ne ré- 
pond nullement à son titre (*). H obtient des teintes dépendan- 
tes de la nature des substances qu'il emploie, et non de la cou- 
leur des objets représentés ; il n'y a aucune concordance entre 
les couleurs de l'épreuve et celles des objets : la preuve, c'est 
qu'un négatif d'après une gravure non coloriée donne par ce 
procédé des épreuves positives coloriées. Pour obtenir le colo- 
ris, M. Minatto applique les couleurs sous l'image d'une photo- 
graphie sur verre. M. Armengaud emploie un système de colo- 
ration pratiqué en Allemagne dès l'année 1824, et qui a été 
appliqué aux gravures et lithographies sous le nom d'o2éocaZéo- 
graphÂe et de lithochromie. Son procédé consiste à donner a cha- 
que partie de l'image la couleur qui lui est propre , en la po- 
sant vigoureusement sur l'envers de l'épreuve photographique, 
qui a été tirée sur du papier très-mince et transparent , ou sur 
des substances susceptibles de le devenir. On peut peindre à 
l'huile ou au lavis , mais il faut vernir avec un vernis incolore» 
qui se compose de 7 parties d'essence de térébenthine , 1 de 
mastic pur, 3 de térébenthine de Venise , et 10 de verre en 
poudre. 

M. Niepce de Saint- Victor (•), qui a fait de l'héliochromie 
une étude spéciale , et les recherches les plus savantes et les 
plus consciencieuses , en est aussi le juge le plus compétent 
n fait l'observation suivante sur ce sujet: c Chose remarqua- 
ble, pour obtenir les effets de coloration il Êiut absolument 
opérer sur de l'argent métallique, préparé comme je l'ai dit; 
car l'azotate, le chlorure, le cyanure et le sulfate d'argent, 
étendus sur papier ou enduits d'amidon, ne donnent que du noir 
et du blanc. Peut-être, en employant la poudre d'argent, obtien- 
drait-on quelque résultat en enduisant une feuille de papier de 
ce mélange: c'est une expérience que je me propose de faire. 
J'ai déjà essayé le papier argenté, et cela m'a donné d'assez 
bons résultats, mais inférieurs à ceux de la plaque métallique. > 

(1) C'est là r opinion exprimée dans la Lumière, n* 33. 18 août 1855, 
^ Recherches photogr. etc. p. 43. 48. 



400 

Nous ne poayons passer sons silence une invention qm^ 
si elle se réalisait, pourrait être d'one grande utilité : c'est Pim- 
pression photo-chromatique , imaginée par M. Robert Smith de 
Blackford. Voici en quoi elle consiste : un tissu végétal ou 
animal est plongé d'abord dans une solution chimique, puis 
séché dans l'obscurité, et le voilà devenu sensible à la lu- 
mière. Le tissu ainsi préparé passe sous une feuille de verre 
sur laquelle, au moyen de combinaisons de pièces opaques ou 
transparentes, des morceaux de papier, par exemple, on a 
figuré le dessin qu'on veut produire. On expose donc à la lu- 
mière, en présence du modèle à reproduire , et toute la portion 
de tissu que le carreau recouvre demeure sous ce carreau le 
temps nécessaire pour subir l'action chimique de la lumière, 
temps qui varie de 2 à 20 minutes, et le tissu reste en contact 
avec la face inférieure du verre, au moyen de ressorts. Quand 
le tissu a subi l'action actinique des rayons du soleil, on le trans- 
porte dans une solution qui doit développer les couleurs et les 
rendre permanentes, et on le lave dans une cuve d'eau. Le sel 
qui imprègne les portions sur lesquelles la lumière n'a pas réagi 
étant enlevé par les lavages, ces portions restent blanches, ou 
sont décomposées par un sel de plomb' pour former un chro- 
mate jaune de ce métal. M. Fritz Vogel, à Venise, a appliqué 
depuis 1847 la photographie, pour l'impression des étoffes de 
soie et de coton, en épreuves positives. 

Il a reproduit entre autres le portrait du célèbre Wœhler sur 
tissu de coton blanc, diverses feuilles d'ornements sur ruban de 
soie blanche, etc. 

GKAVURB HEUOORAPHIQUBa Après avoir retracé 
sommairement l'origine , le développement et les diverses ap- 
plications de la photographie sur papier, nous arrivons à une 
branche de cet art qui rentre plus directement dans notre su- 
jet comme art multiplicateur: c'est la gravure photographique. 
Les procédés photographiques permettent bien de multiplier à 
l'infini les copies directes obtenues au moyen d'épreuves inver- 
ses ; mais l'opération est longue, et les épreuves sont plus coû- 
teuses que si on les avait obtenues par l'impression d'une plan- 



451 

che gravée. Mais l'inconvément le plus grave, c'est que l'on est 
pénétré de cette idée que les épreuves photographiques n'ont 
que peu de durée, et que les plus solides, les mieux lavées, ne 
dureront pas cinquante ans. 

Si donc on pouvait arriver à transporter et à graver sur des 
planches métalliques les images obtenues par la lumière, le 
problème serait résolu, et celles-ci se conserveraient toujours. 
C'est, en effet, ce qu'on a cherché à obtenir et on y a réussi 
C'est encore à M. Niepce de Saint-Victor, à qui la photographie 
doit tant de perfectionnements, qu'est dû ce résultat. 

En nous occupant de la daguerréotypie, nous avons parlé des 
tentatives qui ont été faites par plusieurs personnes pour gra- 
ver les plaques daguerriennes, et que, vu le peu de succès, on a 
abandonnées. Nous avons aussi parlé des images reproduites 
au moyen de l'iode , découverte intéressante de M. Niepce de 
Saint-Victor. 

Procédé Poitevlii. Nous citerons ici le procédé pour gra- 
ver ces images inventé en 1848 par M. Poitevin. Le calque de 
l'objet à reproduire sur la planche d'argent , ou sur la plaque 
de cuivre argentée et polie, se fait d'après le procédé de M- 
Niepce, qui est le suivant: La gravure est plongée dans une 
dissolution d'iode et placée ensuite sur une autre feuille en- 
duite d'une couche d'amidon. Lorsqu'on serre ces feuilles l'une 
sur l'autre, l'iode se dégage des noirs et se dépose sur l'amidon ; 
et lorsqu'on presse cette feuille sur une planche de cuivre, l'iode 
se détache de l'amidon et se fixe sur le cuivre, qui reçoit toute la 
gravure. Si on la presse sur une planche d'argent, l'iode se 
combine avec la plaque métallique et forme un iode d'argent 
M. Poitevin plonge alors la plaque elle-même dans une solution 
saturée de sulfate de cuivre , où , la mettant en communication 
avec une pile voltî^que , le cuivre de cette dissolution vient se 
déposer sur les parties de la plaque non recouvertes d'iodure, 
c'est-à-dire répondant aux blancs de la gravure. On plonge en- 
suite la planche dans un bain d'hyposulfite de soude, qui dissout 
l'iodure et met à nu la surface argentée sous-jacente. L'on chauffe 
pour oxyder la partie de la plaque recouverte de cuivre, puis 



452 

• 

l'on passe une couche de mercure, en chauffant légèrement Ce 
mercure ne touche pas à l'oxyde de cuivre, mais s'amalgame 
avec Pargent, de sorte qu'à ce moment les noirs de la gravure 
se trouvent représentés par l'amalgame d'argent et de mercure, 
et les blancs par l'oxyde de cuivre. On recouvre la plaque de 
deux ou de trois feuilles d'or battu, et l'on fait évaporer le mer- 
cure en chauffant; l'or adhère à l'argent que vient de quitter 
le mercure , puis on plonge dans une dissolution de nitrate d'ar- 
gent, qui dissout l'oxyde de cuivre. La plaque d'argent se trouve 
alors presque ramenée à son état primitif: les noirs de la gra- 
vure étant seulement indiqués par une couche d'or, et les 
blancs par la surface argentée de la plaque mise à nu. 

n suffit alors de traiter par de l'acide nitrique affaiblie: les 
surfaces argentées, attaquées par l'acide, se creusent aussi pro- 
fondément que possible ; celles qui sont protégées par l'or de- 
meurent intactes , c'est-à-dire en saillie. Les planches ainsi pré- 
parées sont propres à tirer des épreuves. à la manière des gra- 
vures sur bois. 

M. Niepce de Saint- Victor a repris les travaux de son oncle, 
Nicéphore Niepce, inventeur de l'héliographie, a fait de nouvelles 
recherches, et le 25 mai 1853 il a présenté à l'Académie des 
sciences un mémoire sur un nouveau procédé de gravure photo- 
graphique. M. Fox Talbot, de son côté, avait présenté aussi un 
mémoire sur le même sujet un mois auparavant, savoir le 2 mai 
1853. Cependant M. Arago a fait valoir dans cette même séance 
l'antériorité de la découverte de M. Niepce de Saint- Victor, 
ce dernier ayant depuis longtemps confié son secret à M. Che- 
vreul, membre de l'Académie. 

Nous allons décrire successivement les deux procédés : 

Le procédé Talbot consiste à enduire une plaque d'acier 
d'une couche impressionnable, composée d'un mélange de géla- 
tine et de bichromate de potasse , après l'avoir préalablement 
plongée dans du vmaigre acidulé d'un peu d'acide sulj^irique 
et chauffée légèrement. Si l'objet à reproduire est plat, on le 
met sur la plaque ainsi préparée, et on l'expose au grand jour 
pendant 1 ou 2 minutes. Dans le cas où l'objet ne serait pas de 



m 

nature à être placé directement sur la plaque, il faudrait en pren- 
dre d'abord une image inverse par les moyens photographiques 
ordinaires, pour tirer de là une image directe sur papier ou 
verre, puis on mettrait cette dernière sur la plaque d'acier pour 
l'impression au soleil. La plaque impressionnée se plonge alors 
dans une cuvette d'eau froide pendant 2 ou 3 minutes; on voit 
aussitôt que l'eau blanchit l'image, parce qu'elle a dissous le 
sel de chrome et aussi une partie de la gélatine ; il faut alors la 
retirer de l'eau et la mettre pendant quelques instants dans 
l'alcoolf On laisse sécher spontanément à une chaleur modérée; 
l'image photographique est dès lors terminée. En versant sur 
la plaque un liquide corrosif, il doit d'abord pénétrer par là 
même où il éprouve le moins de résistance, c'est-à-dire aux en- 
droits où l'épaisseur de la couche de gélatine a été réduite par 
l'action dissolvante de l'eau; c'est le bichlorure de platine, mêlé 
d'une quantité d'eau égale au quart de son volume, qui remplit 
ces fonction». Au bout de 1 à 2 minutes on voit l'image blanche 
photographique se noicir, signe évident que le mordant a com- 
mencé à attaquer l'acier. Après 1 ou 2 minutes encore on fait 
couler la solution et" on sèche la plaque avec du papier brouil- 
lard, puis on lave avec de l'eau contenant beaucoup de sel ma- 
rin, et on frotte fortement la plaque avec une éponge humide, 
pour .détacher la couche de gélatine qui la couvrait. Alors on 
peut voir la gravure que l'on a obtenue. 

M. Talbot nous apprend qu'on peut modifier de diverses ma- 
nières ce procédé. En voici un autre : On prend une plaque 
d'acier portant une couche de gélatine sensible à la lumière , 
on la couvre d'abord d'un voile noir de crêpe ou de gaze, puis 
on l'expose au grand soleil ; on la trouve après l'exposition em- 
preinte d'un grand nombre de lignes produites par le crêpe. 
Alors on substitue à la gaze un objet quelconque , par exemple 
une feuille opaque d'une plante, et on l'expose de nouveau au 
soleil pendant quelques minutes ; on parvient facilement à une 
gravure qui représente une feuille couverte des lignes intérieu- 
res. Ces lignes se terminent au bord de la feuille et manquent ab- 
solument sur tout le reste de la plaque. Ce procédé n'a cepen- 
dant produit rien encore qui mérite d'être mentionné. 



454 



Prooédé NIepce de Salnt-Vloior ('). M. Niepce de 
Saint-Victor, conjointement avec M. Lemaître, graveur, a ap- 
porté des modifications au procédé de gravure inventé par son 
oncle, Nicéphore Niepce, et en a fait une nouvelle application. 
L'ader sur lequel on doit opérer ayant été dégraissé avec du 
blanc de craie, on verse sur la surface polie de l'eau mélangée 
d'un peu d'acide chlorhydrique, dans les proportions de 1 par- 
tie d'acide pour 20 parties d'eau. Par ce moyen le vernis adhère 
parfaitement au métal. La plaque doit être immédiatement bien 
lavée avec de l'eau et puis séchée. On étend ensuite, à l'aide 
d'un rouleau recouvert de peau, sur la surfeice polie, du bitume 
de Judée dissous dans de Vessence de lavande; on soumet le ver- 
nis ainsi appliqué à une chaleur modérée, et quand il est séché 
on préserve la plaque de l'action de la lumière et de l'humidité. 
Sur une plaque ainsi préparée, M. Niepce applique le recto 
d'une épreuve photographique directe (ou positive) sur verre 
albuminé, ou sur papier ciré, et il l'expose à la lumière pendant 
un temps plus ou moins long, suivant la iiature de l'épreuve à 
reproduire, et suivant l'intensité de la lumière. Dans tous les 
cas l'opération n'est jamais très-longue , car on peut £ûre une 
épreuve en un quart d'heure au soleil , et en une heure à la 
lumière diffuse. Il faut même éviter de prolonger l'exposition, 
car dans ce cas l'image devient visible avant l'opération du dis- 
solvant, et c'est un signe certain que l'épreuve est manquée, 
parce que le dissolvant ne produira plus d'effet 

On emploie pour dissolvant trois parties d'huile de naphte 
rectifiée et une partie de benzine (préparée par Colas): cette 
proportion a en général donné de bons résultats. Pour arrêter 
promptement l'action et enlever le dissolvant, on jette de l'eau 
sur la plaque en forme de nappe, et on enlève ainsi tout le 
dissolvant; on sèche ensuite les gouttes d'eau qui sont restées 
sur la plaque, et les opérations héliographiques sont terminées. 
Pour graver ces plaques, M. Lemaître se servait du mordant 



(1) Voyez Recherches photograph. 1855, et Traité pratique de ^vore héHogn- 
phique sur acier et sur verre, par M. Niepce de Saiot-Victor. Paris, 1856. 



tàb 

suirant : acide nitrique à BQ% en volume, 1 partie ; eau distil- 
lée, 8 parties; alcool à 36", 2 parties. 

L'action de l'acide nitrique étendu d'eau et alcoolisé dans ces 
proportions a lieu aussitôt que le mordant a été versé sur la 
plaque d'acier, préparée comme il vient d'être dit; tandis que 
les mêmes quantités d'acide nitrique et d'eau sans alcool ont 
l'inconvénient de n'agir qu'après deux minutes au moins de 
contact On laisse le mordant fort peu de temps sur la plaque , 
on l'en retire, puis on lave et sèche bien le vernis et la gravure 
afin de pouvoir continuer et creuser le métal plus profondé- 
ment sans altérer la couche héliographique. Pour cela on se 
sert de résine réduite en poudre très-fine, placée dans le fond 
d'une boîte préparée à cet effet On l'agite à l'aide d'un souf- 
flet, de manière à former une sorte de nuage de poussière 
qu'on laisse retomber sur la plaque, ainsi que cela se pratique 
pour la gravure à l'aqua-tinta. La plaque est alors chauffée ; la 
résine forme un réseau sur la totalité de la gravure ; elle con- 
solide le vernis, qui peut alors résister plus longtemps à l'action 
du mordant (acide nitrique étendu d'eau, sans addition d'alcool). 
Elle forme dans les noirs un grain fin 4ui retient l'encre d'im- 
pression et permet d'obtenir de bonnes et nombreuses épreuves, 
après que le vernis et la résine ont été enlevés à l'aide de corps 
gras chauffés et des essences. Il résulte de toutes ces opéra- 
tions que, sans le secours du dessin, on peut reproduire et 
graver sur acier toutes les épreuves photographiques, sur verre 
et sur papier, sans avoir besoin de la chambre obscure. 

Ces premiers essais n'ayant pas complètement répondu à 
l'attente, M. Niepce de Saint-Victor cherchait dans des essais 
subséquents à perfectionner le vernis et le mordant Le 30 oc- 
tobre 1853 il communiquait à l'Académie un nouveau vernis 
qui avait la fluidité de l'albumine, qui s'étendait aussi facile- 
ment que le coUodion et séchait aussi vite, ce qui permettait 
d'opérer dix minutes après avoir couvert la plaque d'acier. Il 
était composé de benzine, 100 grammes, de bitume de Judée 
pur, 5 gr. et de cire jaune pure, 1 gr. M. Niepce rendait 
ce vernis plus sensible en versant sur la plaque de l'éther 
suUurique anhydre, contenant quelques gouttes d'essence de 



4fid 

lavande rectifiée. De cette manière on pouvait opérer en dix 
minutes , un quart d^heure au plus, dans la chambre obscure, 
et quelques minutes suffisaient quand on opérait par contact 
aux rayons solaires. Le dissolvant fut également modifié et se 
composait de 5 parties d'huile de naphte et 1 partie de ben- 
zine. 

De nouvelles recherches, surtout sur les huiles volatiles, ame- 
nèrent de meilleurs résultats encore, qui furent publiés le 2 oc- 
tobre 1854; le nouveau vernis se composait de benzine, 90 gram- 
mes, d'essence de zeste de citron pure, 10 grammes, et de bitume 
de Judée pur, 2 grammes. L'essence qui donne le vernis 
le plus onctueux est celle d'aspic pure non distillée ; mais celle 
que M. Niepce préfère à toutes les essences est celle de zeste 
de citron pure (obtenue par pression), parce qu'elle donne les 
plus beaux résultats héliographiques. Le vernis qu'elle forme 
est très-homogène, plus siccatif que celui que l'on prépare avec 
l'essence d'aspic; seulement il est plus sec, et c'est ce qui fait 
qu'il donne des traits plus purs. 

Cependant ce nouveau vernis a un inconvénient, c'est celui 
de ne pas ofirir assez de résistance à l'action de l'eau-forte; 
mais au moyen d'une fumigation, que M. Niepce a imaginée, 
on peut consolider la couche de vernis la plus mince. On pro- 
cède à cette fumigation après que la plaque a subi l'action de 
la lumière et celle du dissolvant. Voici la manière d'opérer la 
fumigation. On a une boîte semblable à celle qui sert à passer 
la plaque daguerrienne au mercure, fermant hermétiquement, 
de la dimension des plus grandes plaques d'acier sur lesquelles 
on doit opérer, parce qu'au moyen de deux petites barres mo- 
biles appuyées sur des lattes placées dans l'intérieur, on éloi- 
gne ou l'on rapproche les barres, selon la dimension de la pla- 
que. Dans le fond de la boite, qui doit se trouver à une cer- 
taine hauteur du sol, on place une capsule de porcelaine dans 
l'ouverture ronde d'une feuille de zinc; ou chauffe la capsule, 
qui contient de l'essence d'aspic pur non distillée ou rectifiée, 
avec une lampe à alcool, de manière à porter la température 
de 70 à 80 degrés au plus , afin d'éviter de volatiliser une trop 
grande quantité d'huile essentielle, car alors le vernis se dissou- 



Irait «t ne présenterait pas, comme cela doit être, ane couche 
brillante et de couleur bronze, semblable au premier aspect de 
la plaque vernie, avant Texposition à la lumière. M. Niepce re- 
commande dans cette fumigation de ne chauffer l'essence que 
jusqu'à ce qu'il y ait un léger dégagement de vapeur , de pro- 
longer Fexposition de deux ou trois minutes, de chauffer de 
nouveau, et de recommencer une seconde fumigation si cela est 
nécessaire ; de laisser ensuite bien sécher la plaque, en l'expo- 
sant un instant à l'air avant de faire mordre à l'eau-forte. 

M. Niepce de Saint- Victor a composé un vernis complète- 
ment imperméable à l'acide , sans le secours des fumigations; 
Û suffit pour cela de mettre dans le vernis un gramme de caout- 
chouc, dissous préalablement dans l'essence de térébenthine, 
en forme de pâte onctueuse; mais alors il ne peut supporter 
la chaleur à laquelle on est obligé de soumettre la plaque mé- 
tallique pour appliquer le grain d'aqua-tinta nécessaire pour la 
reproduction des épreuves photographiques. M. Niepce de Saint- 
Yictôr avait obtenu de belles gravures du portrait de l'empe- 
reur Napoléon III, et de la vue du Louvre ; les opérations hé- 
fiographiques avaient été faites par M*"* Pauline Riffaut, et les 
retouches en gravure par M. Riffaut. 

M. Niepce de Saint- Victor s'est aussi occupé de recherches 
ayant pour but de remplacer Yeaihforte dans la gravure hélio- 
graphique. Voici ce qu'il communiquait le 12 mars 1835 à l'Aca- 
démie : « Les fumigations que j'ai indiquées sont certainement 
d^tm grand secours, mais elles sont d'un emploi difficile : elles 
donnent souvent trop ou pas assez de résistance au vernis ; de 
sorte qu'il était nécessaire de chercher un autre mordant que 
Peau-forte, qui pût agir sur le métal sans attaquer le vernis. 
Dans le grand nombre d'expériences que j'ai faites à ce sujet, 
je n'ai rien trouvé de mieux que l'eau iodée ou saturée d'iode, 
à une température de 10 à 15 degrés au plus, de manière 
qu'elle ait une couleur d'un jaune d'or, et n'allant pas jusqu'au 
rouge orangé. On commence la morsure en couvrant la plaque 
d'eau iodée ; puis, après dix minutes, un quart d'heure, on re- 
nouvelle Peau iodée, parce que la première essence ne doit plus 
<5(mtenif d'iode : ime partie a dû se combiner à l'acier en for- 

30 



458 

mant un iodure de fer, et l'autre s'est volatilisée, de sorte qu'il 
est important de changer deux ou trois fois l'eau iodée, c'est^ 
à-dire jusqu'à ce que l'on juge la plaque suffisamment mordue. 
La morsure se fait lentement, et, de plus, elle ne serait jamais 
assez profonde , si on ne terminait pas par l'emploi de l'eau- 
forte qui, dans ce cas, doit être très-faiblement acidulée d'acide 
azotique : elle agit alors suffisamment pour creuser le métal 
plus profondément que l'iode, et sans attaquer le vernis. L'ap- 
plication de ce procédé a donné d'excellents résultats à M. Rif- 
faut, graveur. Les Recherches photographiques et le Traité de 
gravure de M. Niepce de Saint- Victor sont ornés d'un magni- 
fique portrait de l'auteur de ces Uvres, gravé héliographique- 
ment d'après une photographie de M. Plumier , et terminé par 
M. Riffaut. C'est au moyen de ces procédés, élaborés par 
M. Niepce de Saint- Victor, que MM. Rousseau et DéTëria^ 
Bisson et Mante obtiennent maintenant leurs planches d'im- 
pression en acier pour leur publication de l'iconographie zoo- 
logique ; mais ces procédés de gravure présentaient un inconvé- 
nient regrettable, c'était de ne pouvoir se passer de l'intervention 
du burin, ou des retouches du graveur pour les terminer ; aussi 
M. Eiffaut était un auxiliaire dont on n'avait pu se passer, du 
moins pour les premières. Cependant M. Riffaut a exécuté 
des planches d'acier parfaites gravées héliographiquement, et 
sans aucune retouche ; telles sont les planches qui représentent 
les deux lézards , le polype , les scarabées, des coquillages, des 
crabes, des tortues et un tapir. U a publié dernièrement le por- 
trait de M™" Arsène Houssaye et celui de M. Niepce de Saint- 
Victor, qui ont parfaitement réussi. Il a gravé aussi au moyen 
de l'eau iodée de M. Niepce les Yaks du Jardin zoologique, et, 
en 1855, il a publié un cahier composé de six planches in-folio, 
représentant plusieurs genres de gravures et de dessins, toutes 
remarquablement bien faites. 

M. Charles Nègre s'est également distingué dans la gra- 
vure par l'action de la lumière ; les belles planches du midi de 
la France, des monuments de Paris, et de quelques tableaux de 
genre, sont remarquables de réussite. M. Benjamin Deles» 



469 

sert a commencé à remplacer les photographies sur papier par 
des gravures héliographiques, pour ses précieuses reproductions 
d'anciennes gravures. Uannondation d'Albert Durer est une 
copie identique , une vraie réimpression de l'épreuve primitive. 

Procédé FIgiiiera M. Louis Figuier, de son côté, propose 
un procédé de gravure qui n'a pas encore été essayé. Voici ce 
qu'il dit à ce sujet : < En examinant les clichés de verre et 
les épreuves positives de verre de MM. Rousseau et Dévéria, il 
nous vint à l'idée que la galvanoplastie, qui reproduit avec une 
si étonnante fidélité tout ce que l'art humain forme de plus dé- 
licat, pourrait intervenir avec profit pour reproduire ces clichés, 
et permettrait ainsi d'éviter l'emploi de l'eau-forte dont l'ac- 
tion sur le métal, souvent inégale par suite d'une certaine per- 
méabilité de l'enduit résineux , occasionne sur la planche des 
défauts que le burin du graveur est plus tard forcé de rectifier. 
Nous pensions qu'en attaquant l'épreuve photographique sur 
verre par l'acide fluorhydrique, de manière à obtenir sur verre 
une gravure en creux, et plaçant ensuite le cliché dans un 
bain galvanoplastique de cuivre , on pourrait obtenir une plan- 
che de ce métal propre au tirage typographique (*). » 

Procédé Baldusa M. Baldus, qui s'est également occupé 
avec succès de gravure photographique, vient d'imaginer un 
nouveau procédé qui a l'avantage remarquable de pouvoir se 
passer de retouches. Voici, suivant M. Louis Figuier, en quoi il 
consiste: Sur une lame de cuivre on étend une couche sensible de 
bitume de Judée, et l'on superpose une épreuve photographique 
sur papier de l'objet à graver; cette épreuve est positive, et 
doit par conséquent se traduire en négatif sur le métal par 
Faction de la lumière. Au bout d'un quart d'heure environ d'expo- 
sition au soleil, l'image est reproduite sur l'enduit résineux, mais 
elle n'y est point visible , et on la fait apparaître en lavant la 
plaque avec un dissolvant , qui enlève les parties non impres- 
sionnées par la lumière , et laisse voir une image négative re- 

(1) Revue de Paris, 15 avril 1854. d 



460 

jHrésentée ptf les traits résineux da bitame. Cependant le ém- 
wut est formé d'un voile si délicat et si nùaee, qu'A ne tarderait 
pas à disparaître en partie par le séjour de la plaqne a« aein 
du liquide. Pour lui donner une solidité et une rés»tanoe opn* 
venables, on Tabandonne pendant deux jours à Faction de la lu- 
mière diffuse. Le dessin consolidé de cette manière par son expo- 
sition au jour, on plonge la lame de métal dans un baingalmno* 
plastique de sul&te de cuivre, et voici maintenant les véritables 
merveilles du procédé. Attachez la plaque au pôle négattf 
de la pile , déposez sur les parties du métal non défendues 
par l'enduit résineux une couche de cuivre en relief; placez-la 
au pôle positif, puis creusez le métal aux mêmes points, et 
formez ainsi une gravure en creux: si bien que l'on peut à 
volonté , et selon le pôle de la pile auquel on s'adresse , obte- 
nir une gravure en creux ou à l'eau-forte pour le tirage sous k 
presse en taille-douce , ou une gravure en relief analogue à la 
gravure sur bois , pour le tirage à l'encre typographique. L'é- 
preuve photographique dont on fiait usage pour la transporter 
sur le métal n'a besoin d'aucune préparation particulière, lors- 
qu'il s'agit de reproduire une gravure ordinaire déjà exécutée 
sur papier, et c'est le cas que nous avons admis plus haut Mais 
tel n'est pas le cas général ; et, quand il s'agit de graver des 
objets d'histoire naturelle, des monuments ou des vues, l'épreuve 
photographique , dont on fait usage , doit être obtenue par un 
moyen qui diffère un peu du procédé ordinaire. 

Ce qui constitue la difficulté essentielle pour la gravure dei 
épreuves photographiques, c'est la reproduction de ce que l'on 
n(«ime dans la gravure îe grain, c'est-à-dire les éclaircies rava- 
gées par le burin dans les ombres du dessin. L'épreuve photogra- 
phique ne présente rien de semblable : les ombres sont accusées 
par un empâtement uniforme. Dans les images de MM. Rousseau, 
Dévéria et Riffaut , on le produisait après coup à l'aide du bu- 
rin ou de la roulette sur la plaque de métal gravée. M. Baldus 
forme ce grain sur l'épreuve négative, grâce à l'additioft aux 
substances chimiques impressionnables d'un composé qui, en cris- 
tallisant dans la masse du papier, y forme de petits grains cris- 
tallins et transparents. Les détails du procédé ne sont point 
encore connus. 



461 

4 liM éptewim cnf pi^yier obtenaet avee «M nowrslles ]plftii- 
ékM d'origine photogn^luque, sont tellement parfutes q«e Vùm 
peut regarder comme définitivement résolu le grand problème 
de la gravure par l'agent lumineux. » 

Procédés divenb M. Zie^er , dans un excellent article 
sor la photographie à l'Exposition universelle de 1855 ('), nom 
apprend que M. Eousseau s'occupe ai^ourd'hui d'un nonveau 
procédé de gravure , importé de Chartres. La planche est de 
laiton ; exposée d'abord aux vapeurs de l'iode , ensuite à la lu> 
mière sous un positif, l'image s'y produit par les modifioations 
foe subit l'iode sous l'inâuence des rayons lumineux. 

t A cette opération succède une application de mercure par 
frottement an moyen d'un tampon. Le mercure ne s'attaehant 
qu'aux endroits altérés par la lumière, on fait mordre avec un 
aeide qui attaque le laiton sans altérer le mercure. Aucun mé> 
tel, aucun mélange de métaux ne peut remplacer le laiton. D^à 
des résultats très-remarquables ont été obtenus, les essais con- 
tinuent ainsi que les progrès. » 

« Depuis quelque temps M. Niepce de Saint- Victor s'occupe 
de recherches pour obtenir la production directe de Vimage sur 
atiêf et dé la gravure comme opération subaéqumte. Déjà le 
2ê juin 1855 il a obtenu une réussite complète en gravant 
sans retouche une vue de Tabside du temple protestant qui se 
TOit des fenêtres du Louvre. Ce petit essais est aussi fin, aùsei 
fliedelé et aussi délicat que des essais sur plaque de Daguerre. 
L'épresve est faite sur acier, dans la chambre noire, au moyeft 
d'uft vernis de bitume et de bepxinç; partout où la lumière 
agit, le vernis sèche et devient impénétrable à l'acide ; au con- 
traire) à la place des ombres il est comme pulvérulent et sé- 
reux. L'acide agit et grave d'autant plus profondément, que la 
lumière a été moins active. 

4 Le vernis que M. Niepoe de Saint-Victor recommandait le 
2 octobre 185i (voyez page 456) , est excellent pour l'applica*» 
tien qu'il a faite de la gravure héliographique sur verre. 

(1) Dans le Journal U Patrie du 4 juillet 185$, 



452 

€.Oii Opère, dans ce cas, comme sur la plaque métaDique, 
pais on soumet la feuille de verre à l'action de la vapeur de 
l'acide fluorhydrique pour graver en mat, ou bien on couvre la 
plaque de verre de cet acide hydraté pour graver en creux. On 
obtient ainsi de très-jolis dessins photographiques gravés sur 
▼erre , et si l'on opère sur un verre rouge dont la couleur ne 
soit appliquée que d'un seul côté, on a un dessin blanc sur 
on fond rouge. On pourrait obtenir des dessins blancs sur toute 
espèce de verre de couleur. » 

Hélioplaatie* M. Poitevin, en 1855, a fait une nouvelle 
application de l'action de la lumière sur les mélanges des sels 
à acide chromique et des matières organiques gommenses, pour 
produire immédiatement des gravures en relief ou en creux. 
Le procédé que M. Poitevin nomme hélioplastie repose sur la 
propriété qu'a la gélatine sèche et imprégnée d'un chromate ou 
bichromate et soumise à l'action de la lumière , de perdre la 
propriété de se gonfler dans l'eau, et que, soustraite à cette ac» 
tion, elle y prend un volume environ six fois plus grand. 

Partant de ce principe, M. Poitevin applique une couche plus 
ou moins épaisse d'une dissolution uniforme de gélatine sur une 
planche de verre par exemple ; il la laisse sécher et la plonge 
ensuite dans une dissolution de bichromate de potasse ou de 
tout autre , pourvu que la base n'ait }>as d'action sur la géla- 
tine elle-même; il laisse sécher de nouveau et alors il impres- 
sionne, soit à travers un dessin positif, soit même au foyer de 
la chambre noire. Après l'impression, qui doit varier selon l'in- 
tensité de la lumière, il plonge dans l'eau la couche de géla- 
tine. Voici ce qui se passe : toutes les parties qui n'ont pas re- 
çu la lumière forment des reliefs , tandis que celles qui ont été 
impressionnées forment des creux. Il restait alors à transformer 
en planche métallique la surface de gélatine gravée arrivée à 
cet état; il suffit à l'auteur de la mouler en plâtre, et au moyen 
de ce moule il obtient, par les procédés connus, des planches 
métalliques, ou bien il la moule immédiatement par la galvano- 
plastie, après l'avoir préalablement métallisée. 

Par ce procédé, les dessins négatif au trait fournissent des 



468 

plantehes métaHiques en reHef pouvant servir à l'impression ty- 
pographique , tandis que les dessins positifs donnent des plan- 
ches en creux qui peuvent être imprimées comme celles en taille- 
douce. Il faut donc que les dessins qu'on peut reproduire par 
le procédé hélioplastique de M. Poitevin, soient faits par des 
hachures ou un pointillé apparent , si l'on veut obtenir des plan- 
ches propres au tirage. £n opérant sur une couche de gélatine 
d'une certaine épaisseur et en l'impressionnant à travers un des- 
sin non formé par des traits, tels que les portraits photographi- 
ques, par exemple, on obtient, après le gonflement des parties 
non modifiées par la lumière, une surface modelée dans le genre 
des reliefs sur médaille (*). 

M. Becquerel ajoute à ces détails: M. Poitevin n'est cependant 
pas le premier qui ait utilisé l'action réductrice de la lumière 
sur les sels formés par l'acide chromique avec les diverses ba- 
ses, et principalement sur le bichromate de potasse en pré- 
sence des matières organiques. M. Mungo Ponton s'en est servi 
pour le tirage des positifs sur papier, et M. Ed. Becquerel pour 
les études sur l'action chimique de la lumière et pour la repro- 
duction des images du spectre solaire. M. Testud, de Beauregard, 
l'a employé pour obtenir des images diversement coloriées , et 
M. Talbot pour la gravure chimique, ainsi que d'autres savants 
anglais pour diverses applications. L'acide chromique réduit par 
la lumière forme, dans ces différentes circonstances, le corps 
colorant qui doit produire le dessin , ou bien pour la gravure 
il transforme la matière organique en vernis impénétrable à l'a- 
gent chimique qui doit creuser l'acier dans les parties non im- 
pressionnées. 

Photogalvanog^ApUO" M. Paul Pretsch, de Vienne (Au- 
triche), a inventé un procédé au moyen duquel il obtient , soit 
sur verre , soit sur tout autre plaque , couverte de substances 
glutineuses, mélangées de matières d'un usage photographique, 
un dessin en relief ou en creux qui peut être copié par le 
procédé électrotypique de manière à produire des planches pro- 

(1) Lumière. 1856, d* S. 



464 

pTts à l'impression. L* base de son procédé 6it Fftetioii da 11 
lumière sur une couche de gin mélangée avec du bkkioiiiti 
de potasse, du nitrate d'argent et de Fiodure de potassiwtt. 
Après l'exposition de la plaque, on la la?e dans de l'eau qui 
contient une solution de borax ou de carbonate de soude ; l'irnag» 
sort alors en relief. Quand elle est suffisamment développée, 
on lave la plaque à l'esprit-de-vin , puis elle est recouverte de 
vernis copal qu'on enlève ensuite avec de l'essence de térébea- 
thine, et enfin on immerge la plaque dans une faible soittticn 
de taniu. Elle est alors toute prête k être copiée par le pré- 
cédé 'électrotypique. On produit le dessin en creux «i cbaniJHit 
légèrement après le lavage à l'esprit-dè-vin. 

Irfi méthode de graver de M. MecoPliereoA f imi^ 
ginée en 1855, ne parait être qu'une modification du procédé 
primitif de Niepce. La voici: La plaque métallique » acier oo 
cuivre , est enduite de bitume de Judée dissous dans de l'étbef 
sulfurique ; l'éther s'évapore rapidement et laisse sur la plaacbe 
une légère couche de bitume étendue très-uniformément On 
applique sur cet enduit sensible un positif sur verre ou sur pa- 
pier, et on obtient une impression par l'exposition à la lumière ; 
on plonge la plaque dans un bain d'éther pour dissoudre le bi- 
tume non modifié par la lumière; il reste sur la plaque un beau 
dessin négatif. La planche est alors plongée dans un bain gai- 
vanoplastique et dorée ; l'or adhère aux parties purement mé- 
talliques sans attaquer le bitume. On dissout alors le bitume au 
moyen d'alcool ens'aidant d'une douce chaleur. Les lignes cU 
l'image négative sont maintenant représentées par du métal pu|r, 
et le reste de la plaque est protégé par de l'or. On termine en 
attaquant la plaque par les procédés connus de la gravure à 
l'eau-forte pour graver en creux les traits de l'image négatâve, 
lesquels dans les épreuves donneront les noires en rétablissant 
la vérité du dessin («). 

Procédé Salmoii et Gamier* En profitant des pro* 
priétés de l'iode de se porter sur les noires et les reliefs, dé- 

(1) Cosmos, t. vu. p. 435. 



465 

iigaées par M. Niépce de Saint-Victor (voyes page 440) , BtîH* 
saut les avantages qu'offire la galvanoplastie , MM. Saknon et 
Garnier de Chartres ont imaginé plusieurs méthodes de gra" 
vmre photographique. Elles diffèrent de celles de M. Niepce, 
parce que tontes les opérations peuvent être exécutées à Pombre, 
c'est-à-dire par tons les temps et dans toutes les saisons. 

L'on des procédés, dit le décalque direct sur cuivre de toute 
espèce dedessin, de gravure et de lithographie, quelles que soient 
leur ancienneté et la transformation de ce décalque en une 
gravure sur métal, s'opère de la manière suivante : On prend le 
destin que l'on désire reproduire (supposons un dessin au crayon 
noir ordinaire) et on Pexpose pendant quelques secondes à l'ac- 
tion des vapeurs d'iode , dans la botte destinée à cet usage ; 
puis retirant ce dessin , on l'appUque sur la surface polie de la 
plaque de cuivre jaune : l'iode qui s'était porté sur les parties 
noires , sur les traits du dessin , se décompose sur cette plaque 
de enivre, et si l'on vient ensuite à passer sur le métal une lé- 
gère couche de mercure, le dessin apparaît sur le cuivre; le 
mercure s'est porté sur tous les endroits touchés par l'iode et 
a req>ecté , au contraire , ceux que cette dernière substance 
a laissée intacts; de telle façon que Ton a déjà le dessin re- 
produit tout entier sur la plaque de laiton, mais en blanc. Pour 
isoler ce dessin du reste de la plaque , il suffît de passer par- 
dessous , sans plus de précaution , un rouleau de lithographie 
chargé d'encre grasse, laquelle à son tour ne prenant que sur 
les endroits exempts de mercure , dans les intervalles des traits 
du dessin, l'isole complètement et le fait ressortir davantage. 
Pour renforcer la couche de corps gras et lui permettre de ré- 
sister aux opérations qui vont suivre^ on saupoudre entièrement 
la plaque de résine pulvérisée. Maintenant que le dessin se trouve 
sur le cuivre, que chacun des traits en est parfaitement isolé , et 
tout disposé à être transformé en gravure , il faut débarrasser la 
plaque du mercure formant les traits du dessin; l'huile grasse 
£ût ici l'effet du vernis isolant des graveurs. On dissout donc 
le mercure au moyen d'une solution de nitrate d'argent , addi- 
tionnée d'acide nitrique, et le métal (laiton) se trouve à nu et 
m^me légèrement creusé. Ici le trs^vail qui doit suivre change 

«0* 



466 

soivant Pnsage auquel on destine la planche et le genre de gra- 
vure que Ton veut obtenir. 

Si l'on désire graver en taille-douce, il suffit d'ajouter de Fa- 
cide et de faire mordre par les procédés ordinaires de ce genre 
de gravure. Désire-t-on, au contraire, obtenir une gravure pou- 
vant être tirée à la presse lithographique , on plonge pendant 
quelques minutes la plaque de cuivre dans un bain galvanique 
chargé de chlorhydrate de fer, et l'on fait déposer une légère 
couche de fer métallique là où se trouvait précédemment le 
mercure, c'est-à-dire sur les traits du dessin. On retrire la pla- 
que de cuivre du bain, et au moyen de l'essence de térébenthine 
on dissout l'encre grasse. On passe alors de nouveau la plaque 
tout entière à la vapeur d'iode , et on la frotte avec de l'ouate 
chargée de globules de mercure ; il en résulte que , comme la 
première fois, la plaque prend une teinte blan<^he, due à l'amal- 
game du mercure ; mais comme ce dernier métal ne s'amalgame 
pas avec le fer , il suffit de frotter légèrement la plaque pour le 
chasser des endroits où se trouve ce fer , c'est-à-dire du dessin 
lui-même. Ainsi on a un dessin dont les traits sont recouverts 
d'une légère couche de fer ; tandis que tout le reste de la pla- 
que de laiton est revêtu d'une couche de mercure. Si mainte- 
nant l'on vient à passer un rouleau chargé d'encre grasse sur 
la plaque métallique, les traits seuls du dessin prendront l'encre, 
tandis que les endroits recouverts de mercure la refuseront. 
On peut alors tirer autant d'épreuves que l'on veut, en ayant 
soin de refrotter la plaque au mercure au bout d'un certain nom- 
bre d'épreuves tirées. 

Supposons maintenant qu'au lieu d'une planche destinée à être 
imprimée sous la presse lithographique , on veuille en obtenir 
une pour la typographie, voici comment on devra procéder : Pre- 
nant la plaque au moment où elle va être plongée dans le bain 
galvanique, on se contenterait de substituer une préparation 
d'or au sel de fer et d'en laisser déposer une légère couche sur 
le trait (on prend l'or , parce qu'il résiste mieux à l'action des 
acides) ; on encre la plaque et l'on fait mordre tout autour du 
dessin; l'or préservant les traits, il n'y a que le cuivre environ- 
nant d'attaqué , de telle façon que le dessin lui-même se trouve 
en relief 



467 

L'autre procédé dé MM. Salmon et Gamier, la gravure des 
photographies, ne diffère du premier que par le point de dé- 
part : une fois l'image axée sur la plaque de cuivre , le reste 
s'exécute comme un dessin ordinaire. 

Si Ton expose pendant un certain temps à la lumière dif- 
fuse une plaque de laiton polie, soumise préalablement à Faction 
des vapeurs d'iode, et que l'on vienne ensuite à la frotter avec 
de la ouate chargée de globules de mercure, on observe le phé- 
nomène suivant : la plaque ne se mercurise pas, le mercure re- 
fuse de se fixer partout où l'iode a été influencé. Si, au lieu 
d'agir comme il vient d'être dit, on a pris soin de recouvrir une 
partie de la plaque avec un corps opaque quelconque , et que 
l'on essaie de mercuriser cette plaque comme la précédente, 
on remarque que le mercure prend parfaitement sur les en- 
droits où l'iode a été soustrait à l'action de la lumière , tandis 
qu'il refuse toujours de se fixer dans les autres parties de la 
plaque. Cette découverte, due à MM. Salmon et Garnier, suffît 
parfaitement pour faire comprendre la possibiHté de reproduire 
sur une plaque de laiton les images photographiques. 

Prenez donc un chché positif sur verre, ou bien une épreuve 
photographique sur papier, rendue transparente; appliquez ce 
cliché sur une plaque métallique iodée, laissez-la à l'ombre 
pendant un temps qui varie entre dix minutes et deux heiu'es ; 
enlevez ce cliché et mercurisez la plaque, vous verrez alors s'at- 
tacher le mercure sur toutes les parties non influencées, c'est- 
à-dire celles qui correspondent au noir du chché, aux traits réels 
du dessin, et laisser le reste de la plaque intact; si maintenant 
vous venez à passer par-dessus un rouleau d'encre grasse , les 
parties restées intactes prendront l'encre, et le dessin chargé 
ressortira en blanc sur le fond noir. 11 ne vous restera plus qu'à 
continuer l'opération comme nous l'avons dit plus haut, et vous 
aurez résolu le problème de la gravure des photographies (*) 

M. GueytonC) a trouvé un nioyen d'obtenir d'une épreuve 



(i) Cosmos, t. VI. 30 mars 1855. p. 345. 

(3) Compte rendu de l'Acad. des sciences, n* 15, U avril 1856. 



468 

plMrtogrHiilûqae sur verre oa sur métal , une gn^nfre ^ Peia- 
forte susceptible de donner des épreuves en tsille-dsoc^ 

Danuuiqiiliiiire héliograplilqiiea M. Charles Nègis^ » 
pris, sous la date du 13 aoClt 1856, un brevet pour un système 
nouveau de gravure héliographique dont il s'occupe d^uis {du* 
sieurs années. Il adressa à l'Académie, dans la séance du 3 no- 
vembre 1856, deux planches gravées au moyen de son procédé 
et des épreuves en taille-douce, ainsi qu'une planche en cuivre 
pour le tirage typographique des damcuquinwea héliograjphir 
quea sur cuivre. M. Duâresne avait pris un brevet pour le n^^e 
objet , et M. Niepce de Saint-Victor ajoute à tous ces moy#9s 
de gravure hélio^aphique ceux de la gravure sur marbre et 
sur pierre lithographique comme ornement (*}. 

UTHO-raOTOOEAPHIE* Enfin on a cherché «nasi à 
multiplier les images photographiques en les transportant sur 
pierre hthographique , afin de pouvoir les imprimer comme les 
lithographies ordinaires. 

En 1839 déjà, à peine la daguerréotypie était-elle inventée, 
que M. J.-B.-A.-M. bobard, de Bruxelles, pensait que l'appli- 
cation de la daguerréotypie à la Mthographie ne saurait tarder 
d'apparaître. Voici comment il la concevait : Une pierre cou^ 
verte d'iode, de bromure d'iode, de brome ou de la composition 
nouvelle moins sensible , que Daguerre nous fera bientôt con- 
naître, ayant reçu l'impression de la lumière, serait à l'instant 
recouverte d'un enduit de gomme noircie qu'on laisserait sé- 
cher à l'obscurité. U est évident que la gomme soulèverait aussi 
bien le mercure que la poussière d'iode décomposée , pour al- 
ler donner sa préparation à la pierre, tandis que l'iode non dé- 
composée la préserverait des atteintes de la gomme. Qu'ani- 
verait-il quand, après avoir dépouillé la pierre de toute sa 
gomme en la laissant dissoudre dans l'eau, on passerait le rou- 
leau sur cette pierre ? Evidemment le noir ne s'attacherait qu'aux 
parties entièrement préservées et n'adhérerait point à celles que 

{i) Voyez Compte rendu, t. XLIU, r 1B.- Lymière, n* 40 et 47, 1S56, 



46r) 

la goinnift amtût touchées. On pourrait donc couvrir la picm 
d^encrc grmsse et loi donner une préparation suffisante pour 
supporter un long tirage. Si la pierre ne soufirait pas ce pro* 
eédé y n'avons-nons pas la plaque de einc et Pétincelle électri> 
que? Celui qui réussira aura fait autant pour les arts que Da- 
gaerre lui-même, et aura droit à la même récompense (*). 

£n inventant, en 1852^ la Ltih(hphotographde, MM. Ibemer» 
oi«r9 Iioreboiirsy Barreawil et Dayaniie ont réalisé le voeu 
de M. Jobard, et ont créé une nouvelle branche des arts graphiques 
qui sera d'une application féconde. Ces Messieurs ont déposé 
à l'Académie des sciences de Paris, le 28 juin 18ô2, la descrip- 
tion d6 leur invention. Leur procédé consiste à préparer un né- 
gatif sur papier et à produire un positif sur pierre lithographie 
que. Le positif est obtenu par un enduit gras ou résineux, 
soluble dans un dissolvant par l'action de la lumière ; la pierre 
Hthographique imprégnée de cet enduit est recouverte du né- 
gatif et d'une feuille de verre, et polarisée; puis elle est mise à 
RU, au moyen d'un dissolvant. Ces Messieurs utilisent pour en- 
duit les propriétés du bitume de Judée indiqué par Nicéphore 
Niepce, et comme dissolvant Téther sulâirique. 

Les parties mises à nu par le dissolvant sont encrées; on en- 
lève le bitume qui reste sur les parties où l'encre grasse n'a pas 
agi, on acidulé la pierre et on traite le reste par les procédés 
ordinaires de la lithographie. 

Le premier cahier de titho-photogrs^hie a été présenté à l'Aca- 
démie des sciences le 9 janvier 1854; il contenait six planches 
in-folio, de monuments de Neuville, de Strasbourg, de Chartres, 
de Beauvats, de Saint-Loup, de Baud, etc., toutes d'une par£ute 
réussite. 

D'autres procédés Uihographiques oait été expérimentés, par 
lesquels on est arrivé au même résultat 

En 1854, M. Hermaa HaUeu a réussi à fixer sur la 
pierre hthographique les images produites dana la chambre 
obscure, et même les images des objets animés. Les procédés 
varient avec les objets à reproduire. Yoici comment il opère 

(1) Rapport sur l'expositiou d'industrie française dç 1839, 



470 

pour fixer les images des objets architectoniques : On choisit 
une pierre lithographique qu'on a soin de ne pas prendre trop 
lourde , et on la serre dans le cadre de l'exposition , puis on 
Tuse à la meule, afin de lui donner le grain exigé pour le des- 
sin au crayon ; ensuite on l'imprègne avec une dissolution fai- 
ble et neutre d'oxalate de sesquioxyde de fer, et on a soin de 
faire pénétrer le liquide aussi avant que possible. Ainsi prépa- 
rée, la pierre se conserve longtemps, pourvu qu'elle se trouve 
à l'abri de la lumière. La pierre qui doit être exposé» dans la 
chambre noire, doit être, non pas mouillée, mais humide; la 
durée de l'exposition varie. 

Au sortir de la chambre obscure, la pierre porte déjà l'i- 
mage en train; en versant dessus une dissolution de carbonate 
d'ammoniaque, l'image se fixe et devient plus nette ; un lavage à 
l'eau permet d'éloigner les sels solubles qui imprègnent la pierre 

Pour reproduire l'image au moyen de la pierre, ou commence 
à faire ronger la pierre avec un acide ^ puis on passe l'image à 
l'encre d'imprimerie et on procède comme d'habitude. Le ron- 
geant à préférer est l'acide oxalique très-étendu. (Cosmos,) 

M. Poitevin a pris , dans le mois d'août 1655 , un brevet 
pour un procédé nouveau de lithographie, qu'il a communiqué 
le 7 janvier 1856 à l'Académie des sciences. M. Poitevin, aban- 
dénnant le bitume de Judée, utilise l'action réductrice de la 
lumière sur les sels formés par l'acide chromique avec les diver- 
ses bases, et principalement sur le bichrom'ate de potasse en 
présence de matières organiques (voyez p. 462). 

Ainsi son procédé consiste à appliquer une ou plusieurs cou- 
ches d'un mélange à volumes égaux d'une dissolution concen- 
trée d'albumine ou de riz, succédassées , fibrine, gomme arabi- 
que, gélatine, etc., et d'une dissolution concenti*ée d'un chromate 
ou bichromate à base alcafine, terreuse ou métallique indiffé- 
remment, excepté toutefois ceux dont la base précipiterait la 
matière organique de la première dissolution; la dissolution 
concentrée de bichromate de potasse est celle qu'il emploie de 
préférence. 

Après la dessiccation, on place sur la couche sensible une 
épreuve négative ou on expose à la chambre noire. Quand la 



-171 

lumière a terminé son action, on lave, on enlève par consé- 
quent tout le bichromate qui n'a pas été altéré, et il reste sur 
la pierre une couche de gélatine portant, plus ou moins pro- 
fondément , une image formée par du sesquioxyde de chrome. 
Si alors on passe un tampon ou un rouleau imprégné d'encre 
grasse sur la pierre , tous les points qui auront subi l'action 
de la lumière, et dans lesquels se trouve l'oxyde de chrome, re- 
tiennent l'encre grasse, tandis que la gélatine humide la refuse. 

Le tirage des épreuves sur papier peut alors se faire par les 
mêmes procédés employés dans la lithographie (Lumière, 1856, 
n" 2 et 14). 

M. Emile Rousseau emploie les mêmes procédés pour la li- 
tho-photographie que M. Poitevin; il les a communiqué le 21 dé- 
cembre 1855 à la Société française de photographie à Paris. 

M. Ernest Conduché^ qui a étudié sérieusement ces pro- 
cédés , en signale les inconvénients dans le Journal photogra- 
phique {La Lumière, 5 août 1856, n* 14). Le résultat de ses re- 
cherches l'ayant conduit à la découverte de plusieurs procédés 
de transports des images photographiques sur pierre lithogra- 
phique d'un grand intérêt, nous en donnerons un résumé. 

M. E. Con duché a reconnu que le tirage des pierres traitées 
par les procédés Poitevin et Rousseau est extrêmement restrein- 
te. En limitant le chiffre des épreuves à soixante, il croit que 
c'est tout ce qu'on pourra obtenir sans empâtement des de- 
mi-teintes et l'invasion des blancs par l'encre grasse. Ainsi il 
doute de la possibihté pratique de tout procédé dans lequel une 
couche de matière étrangère (gélatiue, albumine, gomme, etc.) 
se trouve entre la pierre et l'oxyde de chrome ou tout autre 
oxyde métalhque qui retient l'encre lithographique. En effet, les 
principes sur lesquels sont basés les procédés de la lithographie 
servent de preuves aux observations de M. E. Conduché. On 
sait, dit-il, que toutes les fois qu'un corps gras est mis en con- 
tact avec une pierre lithographique, ce corps laisse son em- 
preinte sur la pierre ; si on fait mordre la pierre par un acide, 
le corps gras n'étant pas attaqué, il restera sur la surface de la 
pierre une couche grasse qui prendra l'encre lithographique 
toutes le? fois qu'elle lui sera présentée, tandis qu'elle sera re-^ 



472 

ftuée dans tous let points oà Padde a mordu, bL tous ces polAt» 
cooseryent un degré d'humidité eon^enablo. D ae pitfse, dans 
ce ca% une réaction chimique qui a pour résultat de laisser k la 
surface de la pierre une couche grasse formant l'image et com* 
posée tPun véritable aa/oon à bote de chaux. On sait, en outre, 
qu'il est possible de reproduire toute espèce de gravure, an- 
cienne et récente, par la lithograj^e, en mettant l'encre grasse 
qui produit l'image dans des conditions spéciales, et, en parti- 
culier, en la transformant en un véritable savon. Une presâon 
plus ou moins énergique et prolongée entre la pierre et l'image 
de nature savonneuse, formée sur le papier, laissera sur la pierre 
une empreinte glasse qui sera traitée par les procédés ordinaires 
de la lithographiç. 

Considérant qu'on forme avec toutes les bases métalliques 
des savons insolubles, soit directement, soit par double décom- 
position, M. Conduché applique directement ces principes k la 
photographie, et il prouve qu'une épreuve photographique étant 
produite sur papier par un procédé quelconque, la couche mé- 
tallique qui forme l'image peut être transformée en savon et, 
par suite, transportée sur pierre. 

Ce n'est pas par un procédé unique, mais par une série de 
procédés que M. Conduché opère, et il les résume de la manière 
suivante : 1** transformation de la couche formant l'image en un 
savon métallique insoluble ; 2* contact de ce savon avec la pierre; 
S** double décomposition produite sur la pierre laissant à sa 
surface un savon dur à base de chaux, qui est traité comme 
tout dessin sur pierre lithographique, quant à la morsure et au 
tirage. 

Ceux qui sont familiarisés avee les études photographiques 
savent qu'il est un grand nombre de composés métalliques sen- 
sibles à la lumière; or chacun de ces composés métalliques 
possède pour la matière grasse ou les acides gras une affinité 
plus ou moins marquée. Ainsi on s'çxplique ce qui se passe en- 
tre le savon métallique qui forme l'image et la pierre sur la- 
quelle on rapplique par pression et par contact Au lieu d'avoir 
sur la pierre un savon à base métallique, nous aurons un savon 
à base de chaux, produit par doublç décon^osition. Or, comme 



47a 

l6t «avons à base de ebafis: «ont beimeoiip pins durs qne l«f^M<^« 
vons à baie iitéte]li<)ue, tous d'une nature plus ou moins XQ^lte, 
on eemprendra facilement que l'image formée ainsi directemant 
sur la pierre résistera sans peine à un tirage considérable. 

M. Mac Phersoiif de Borne, dont nous avons déjà parlé 
(voyes p. 464), a employé aussi son procédé à la lithographie , 
voici comment : On dissout du bitume et l'on étend la solution 
siur une pierre lithographique ordinaire ; on applique sur cette 
couche sensible un négatif sur verre ou sur papier ciré, (m 
l'expose aux rayons directs du soleil pendant un temps plus oii 
moins long , suivant l'intensité de la lumière , et l'on obtient 8«r 
bitume une image positive. On plonge ensuite la pierre dai^s m 
bain d'éther qui dissout instantanément le bitume sur les points 
qui n'ont pas été frappés par la lumière , et laisse une image 
formée par le bitume que la lumière a modifiée. La pierre, 
lavée avec soin, peut être mise immédiatement entre les maiiM 
d'an lithographe^ qui, en la traitant à la manière ordinaire par 
la gomme et Tacide , en tire des épreuves comm« de coutume 
(Cosmos, 1855, vol. VII, p. 436). 

Voilà la photographie dans son ensemble , dans ses détails et 
dans ses applications si diverses ; depuis son apparition, il n'y a 
que dix-sept ans, la voilà répandue partout, grandissant et prçH 
gressant sans cesse. Cet art occupe maintenant un très-grand 
nombre de personnes; il y a des ateliers et des imprimeries phP" 
tograpbiques considérables, et des écoles pour former de jeunes 
photographes. L'Institut photographique du L' Schnauss à Jén^ 
fondé en 1855, le premier de ce genre, est distiné à l'enseigne- 
ment théorétique et pratique de la photographie. Les publicfk 
tions» les traités et les journaux spéciaux augmentent de jpuf 
en jour. 

Maintenant, et en considérant les belles productions photo- 
graphiques de Bisson, de Baldus, de Billardeau, et de tant d'au- 
tres, nous nous demandons, comme on l'a fait déjà mainte fois, 
quelle influence aura la photographie ■ sur les autres arts du 
dessin. Les ferM*-eUe disparaître? Faudra-t>-il, comme qjx V9k 
prétendu, que bientôt les peintres, les dessinateurs, les lithogra- 
phes , les graveurs changent de profession et se fassent photo* 



474 

•^phes poor pouroir subsister? — Notre conviction, à nims, 
est que la photographie ne remplacera jamais complètement ces 
arts, pas plus que la lithographie n'a entièrement supplanté la chal- 
cographie. La photographie est un procédé de plus, un moyen nou- 
veau et des plus précieux pour la reproduction et la multipli- 
cation, une nouvelle richesse ajoutée à celles qui existent déjà 
dans le domaine des arts graphiques. 

Mais la plus parfaite gravure photographique de MM. Niepce 
de Saint-Victor , Baldus, Rousseau, etc., n'atteindra jamais les 
belles planches dues au burin ou à la pointe des ËdeMnck, des 
Wille, des Rembrandt, des Desnoyers. La litho-photographie la 
mieux réussie de MM. Lemercier restera toujours à une grande 
distance des hthographies si suaves et si moelleuses de nos 
dessinateurs modernes. Un portrait fait par un artiste de talent, 
ne fût-ce qu'au crayon, sera toujours plus beau, plus attrayant 
qu'une photographie. 

Cependant il est vrai de dire que les arts du dessin n'ont qu'à 
gagner au concours de la photographie: en faisant mieux res- 
sortir la véritable valeur des ombres et des demi-teintes, et en 
découvrant une grande quantité de détails fins, la photographie 
est devenue précieuse aux artistes pour l'étude. De plus, cet 
art merveilleux, pratiqué par un artiste habile, tiendra lieu, dans 
certains cas, du dessin, de la gravure et de la lithographie ; pour 
les détails d'architecture et d'autres choses de cette nature, il 
est même supérieur à tous les autres genres de reproduction. 
Ainsi par la photographie l'art s'est relevé. 

On a discuté souvent la question de la place à assigner aux 
oeuvres photographiques dans les expositions d'art et d'industrie, 
et l'on s'est demandé si la photographie est une science, un art 
ou une industrie. Nous croyons qu'elle n'est ni l'un ni l'autre, 
mais qu'elle tient de chacun d'eux, et qu'elle peut parfaitement 
prendre rang parmi les arts graphiques dont nous venons de 
parler dans notre livre. En les désignant sous le nom ^arts in- 
dustriels^ ou ai arts graphiques de mviti'plicaiion , ces arts for- 
meraient un groupe particulier, intermédiaire et lien entre les 
sciences, les beaux-arts et l'industrie , auxquels ils touchent par 
bien des points. 



476 



Nous voici arrivé au bout de la tâche que nous nous étions 
imposée , et dont la limite était tout naturellement l'Exposition 
universelle de Paris de Tannée 1855 , date marquante dans les 
feistes de l'industrie et des arts. 

Connaissant à présent tous les arts graphiques de multipli- 
cation, nous pouvons mieux mesurer toute la distance qui nous 
sépare pour jamais, il faut l'espérer, des premiers essais de gra- 
vure, et apprécier, à cet égard au moins, la grande supériorité 
de notre époque ; nous pouvons aussi nous faire une idée plus 
juste et plus haute des travaux immenses de ces hommes ingé- 
nieux, actifs, pleins d'ardeur pour la science, qui nous ont fourni 
cette quantité innombrable de moyens que nous possédons ac- 
tuellement pour reproduire et propager la pensée. 

Mais quoique nous soyons au terme de nos investigations 
dans le domaine des arts graphiques qui ont pour but spécial 
la propagation par l'impression, et que la récolte soit belle, soit 
pour l'abondance, soit pour la richesse des procédés, nous som- 
mes convaincu que l'art n'a pas dit son dernier mot. La nature 
est inépuisable, et elle offre à ces travailleurs intelligents, à ces 
chercheurs infatigables, à ces opérateurs laborieux, dans les 
sciences, les arts et l'industrie, un avenir non moins magnifique, 
dont nous ne pouvons avoir que le pressentiment. 



ITK 



TABLE DES MATIÈRES 



Pafw 
DÉDICACE, contMwn^ «» Béffiup^ 4# Ja ç^Ua^ àm «rt» gra- 

ffeiqiM^ i Qeu^Yê t 

Introduction : des arts graphiques de reprodaction qj^i ser- 
vent à moliiplier Toriginal a«r im» sorlace pUqiç M( XW^yen 

de l'uBpr««siou en couleur I 

t. État de ees arts ehez rhomme pyrllpaltllt Rochw* 
sculptés: en Australie, "^ chez le« Boscbjesmaos» jçn i/rÂ- 

qctf • **w an Amérique méridionale et du Nord ^ 

Impression particulière eoaployée Qhe;E JUss ftomw 4i^ ilet 

Taîti . . 6 

Empr^ù^$ d'une main rouge en ikmérUin» .7 

II. État 4« 4t(f$« ants pIm»* le» |^eiifple# d« l'JMiltqpitét 

|P Inscriptions sur pierre , sur bois oi^ sur m#tal , dont il 

est fait mention dans la Bible ; — qui existent à Persé- 

poli3, à Babylont, à Ninive, en Egypte, en Asie Mineure; 

•»^ boustrophédones et grecques; — dans les tombeaux 

étrusques ; -i- les Runes de la Scandinavie 8 

}o parques 9t Légendes imprimées en creux et reliefs : 

briques assyriennes et égyptiennes; — briques, tuiles et 

vases romains 

Çaehets et scarabées; — contre-inarque frappée sur les 

monnaies grecques anciennes 10 

Xesser» «iguatoriœ des Romains 10 

3* Impression en couleur: lames de métal percées à jour, 
tojpc^raoïmeji de9 Grec^, laminsp interrasileç 4es Ho- 
mains. — Agésilas, roi de Sparte. — Conclusion . . f 1 



478 

Pages 

m. État de ces arts an moyen Age . 12 

Copie de manuscrits ; lettres grieea ; signe de la croix im- 
primée. ... .... ..... 13 

Monogrammes : emploi des bypogrammes dans les temps 

modernes i4 

Impression chez les Arabes d'Espagne .... .15 

Toile imprimée du Xi V^ siècle . . ..... 16 

Conclasion ; caractère de Tantiquitc et du moyen âge . . 17 

IV* État de ees arts dans les temps modernes . . 18 

^.PRÉLIMINAIRES DE LA GRAVURE ET D£ l'imprimerie ... 19 
10|IATÉRIAU.Y POUR ÉCRIRE ET POUK DESSINER 20 

a) Papier: Papyrus ; — Papier de coton, et de chiffon 20 
Papier mécanique et sans fin ; — moyens pour utiliser 

le papier vitaux et perdu par rimpression .... 21 
Recherches de nouvelles substances pour fabriquer du 

papier 22 

Fabriques de papier au moyen âge .24 

Quantité de papier fabriqué et employé maintenaint . 25 

Papier en Chine 27 

b) Plumes à écrire^ calamus ou plumes de roseau ; — plu- 

mes a écrire faites de plumes d'oiseau ; •— plumes 
métalliques, mécaniques et autres 27 

c) Encre à écrire: rouge, verte, pourpre, d'or et d'argent 

(codex argenteus d'UIphilas); — chrysographes; — 
encre noir, atramentum librarium des Romains, — 
encre de Théophile du XI 1« siècle ; — découverte de 
l'acide gallique par Scheele . • ... 28 

d) Crayons: pointes de plomb et style de fer pour tirer des 

lignes. — Véritable crayon de graphite ; Gessner, 1 565 29 
Blacklead, Potloot, Molybdène , graphite, fabrication, 

provenance; — crayon Conté. — Palette de Rubens 31 

Premiers crayons venus d'Italie; — Fusin, craie rouge, etc 32 

Moyens pour fixer les dessins au crayon, etc. ... 32 

e) Machines et instruments employés pour faciliter l'écri- 

ture et le dessin, etc. (voyez aussi 238) .... 33 

2. EMPLOI DK LA GRAVURE AU COMMËNCEHKNT DES TEMPS MODERNES: 

Médailles, camées, sceaux et cachets (v. 189) . 35 

a) Orfèvrerie^ au repoussé, opus interrasiles, opus punctile 36 



479 

b) Plaques métalliques gravées et posées sar les tombeaux ; 

tombeaux de Jean et de Blanche de France 

c) Inscriptions sur les cloches . . ... 

res 



Pagw 

37 
38 



) 



40 
41 
43 
45 
46 
48 
54 

55 
60 
63 
69 
77 
78 



3. PREMIÈRES ÉPREUVES DE GRAVURES; — peintres de let 
(briefe) . . 

4. CARTES A JOUER ... . . ■ • . 

5. TAILLEURS DE MOULES, OU graveurs sar bois (v. 141 et s 

B. IMPRIMERIE . . 

Impressions xylographiques: Images de saints 

Livres xylographiques 

Conclusion . .... 

C. TYP(»GRAPHIE, on impression en lettres mobiles 

1 . Invention 

Premier développement, caractères mobiles 
Premiers produits . . 

2. Propagation de la typographie dans le XF« siècle 
Sur le nombre de typographes dans ce siècle 
État de la librairie et de la censure dans ce siècle 
Considérations générales sur cet art : avant et après son 

invention ; vaiears des livres ; nombre des éditions, etc. 78 

Coup d'œil sur Timprimerie à Genève dans le XV^ siècle .. 80 

3. Propagation de la typographie dans le X VI^ siècle . . 82 
À, Propagation de la typographie depuis le XVl^ siècle; 

c'est-à-dire dans le XVlIe, le X.VIII» et le XIX» siècle . 87 

État actuel de la typographie et de la librairie . . 91 

Considérations sur Texcellence de cet art par divers auteurs 92 

5. Presses et machines d'imprimerie 93 

6. Caractères d'imprimerie 93 

Calligraphes et traités de calligraphie 94 

Historique des caractères, l^e époque, primitive, gothique, 

XVe siècle 97 

2« époque, XV le siècle, perfectionnement 98 

3e époque, XVI 1^ siècle, stationnaire . ... 99 

4e époque, XVIIle et XIX» siècle, renaissance, développem. 100 

7. Polytypage : Recherches pour rendre fixes le& formes com- 

posées de lettres mobiles . . • ...... 107 

MuUer à Leyde; William Ged d'Edimbourg ; Hoffmann à 

Schelestadt; CarezdeToul; FirminDidot, Stéréotypie . 109 

Héran à Paris, Stanhope à Londres, etc 110 



4do 

Logogri|^lii«delèlnif6iictWàHer, «M 111 

Poly-anatjrpe de Henri Didot 111 

DÎTerses compositions du niétil ^nr leMres . . .111 

Pre«se-t jpogène, moule ànoyâiit; mnchixs à eompos c r, te. 113 

Clichage ; éthymologie 113 

Ues divers genres de la typographie : 
8. Impréiêion polychrome : par jaxtaposiikii, XV« aièele (▼. 

170 à 172, 187 et iSâ à 235) . 115 

Impression dite à la eongrève . .*..... 116 

Le gaufrage, le guilloché, le procédé dît à Mibaaaagt • .117 
Impression polychrome par superposition . . .118 

William Savage; bazter; Kuight; Silbermanli; Haaa^et 

fils à Prague (lil) 119 

Impression irisée (Irisdrnck) lil 

Impression du texte en plusieurs couleurs . 121 

0. impression en or, en argent ou en bronae^ proeédés . . 1 22 
Produits de ia typographie polychrome 1 23 

10 /fnpreintfPKltf la miMtfiM (▼. 256) 126 

11. 7sfpom^lrte; cartes géographiques (▼. 255) 1i8 

Impressions obtenues au moyen de filets typogra(phi<|ue8 . 132 
12« EHypographie^ im impression a l'usage des aveugles. Va« 

lentin Haûy 132 

MM. Uas d'Agnen, Ch. Sarfoier, Oufaud et Victor BaUu . 133 

Orfranklin, Pingeroo, Bérard 134 

M. Julien Leroy, nitographe et cmcographe; M. Ferd. Saial- 

Léger; M. Fovcauld 135 

Cartes géographiques de M. Laas d'Agoen 136 

Ectypographie en Allemagne 136 

•• en** Angleterre et en Amériqua . . . . 1 37 

M. Minel à Lausanne, et M. Auer à Vienne 139 

J». GRAVURE EN RELIEF. Xylographie, ou gravure awr bon. 

1. histoire: 

a) Première époque, de 1360 à 1500 (v. 40, 43 et 46 à 55) 141 
Marques d'imprimeurs; gravurea dans les livres, leur 

Hofloeace 143 

Dessin et style des gravures de oette époqne . . .143 

GasEvares à fonda noirs ou cribléa 144 

topieiduboUatdnmétal 144 

Graveurs et gravures 144 



M 



» 



461 

Pagres 

b) Seconde époqfie, de 1500 à 1600. Style, manière, consi- 
dération générale j45 

Allemagne ; ouvrages exécutés par ordre de l'empereur 
Slaximilien 1er ^^g 

Représentations allégoriques; danse macabre, etc. . .149 

Alphabets de lettres ornées ^49 

Livres divers ornés de xylographies, vues, plans, etc. ISO 
Livres compilés de planches d'autres livres . . . . iSi 

Graveurs et leurs travaux . I5f 

dans les Pays-Bas 153 

en Italie et en France 154 

Laxylographie en Angleterre entre 1400 et 1700 . .155 
» en Espagne dans le XVie siècle . . .155 

c) Troisième époque^ de 1600 à 1700; état de la xylogra- 

phie languissant 1 56 

ô)Qualrième époque^ le XV Ilï® siècle ; décadence . . .157 
e) Cinquième époque, depuis 1775 jusqu'à l'Exposition 

universelle de Paris, en 1855; époque de renaissance lo8 
Th. Bewick, Anglais, le restaurateur de la xylographie, 

dans le XVIli« siècle 159 

Renaissance de cet art en France , due aux efforts de 

la Société d'encouragement 161 

Origine des éditions illustrées 164 

Graveurs en France et eu Angleterre 185 

Renaissance de cet art en France, due à Fr.-Guil. Gubitz 165 

Graveurs allemands et leurs œuvres 165 

Les plus remarquables éditions illustrées de tous les pays 166 
Considérations sur la typographie illustrée, par M. Léon 

de Laborde 167 

2. PROCÉDÉS ET GENRES DE LA XYLOGRAPHIE : 

Procédé ancien et moderne (v. 1 90) 1 67 

Tirage particulier pour la xylographie 169 

Imitation de l'aqua -tinta sur bois 169 

Divers genres employés par MM. Haase . . . . . . . 169 

Procédé camaïeu, ou clair-obscur ; son origine . , . . 1 70 

Les principaux. maîtres dans ce genre 173 

Vignettes en couleurs 172 

Imitations de gravures coloriées, sur bois (v, 115 à 123, 
187et23ià23o3 172 

21 



4SÎ> 
Fac-similé typographiques i73 

3. PROCÉDÉS POUR IMITRR OU PODR REMPLACER hk ftRAVITRR SUR 

B0IS(V. 190) 173 

Procédé de M. Hoffmann t74 

Pantoglyphie de M. Carez 174 

GraTure en relief sur métal 1 74 

- sur zinc et sur enivre 175 

Procédé de M. Jobard 17» 

Chrysoglyphiede MM. Firmin Didot 176 

Essais polytypiques de M. Jobard 177 

Chalcotypie de M. Heiras 177 

Vignettes en gatta -percha et en bitnine 1 78 

Moyen chimique pour réduire les graynres 1 78 

4. PAPIERS PEINTS ET TISSUS PEINTS ; historique (▼. 257) . .179 

Procédés de gravure, sur planches de bois 181 

Avec picots en métal implantés 182 

Planches chapeaudées, ou à tontisse 18i 

Picots soudés sur des planches de métal 183 

Machine à imprimer dit la Perrotine 183 

Procédé de gravure en relief et cliché de M. Hoffmann . 183 

Procédé du clichage par cachets 184 

Gravure des matrices au moyen de picots brûleurs . . 185 

Matrices obtenues par compression 185 

Matrices en bois, gravés au moyen du gax 185 

Alliage fusible pour clicher (v. 187) 185 

Rouleaux en bois gravées en relief 187 

Clichés en métal cloués sur les cylindres . . . .187 
Impression en relief polychrome de M. Silbermann (v. 

115 à 123; 170 à 17i; 932 à 235) 187 

Procédés d'impression des tapis et étofies à poils, de 

M. Burch ; gravures des blocs .188 

S. GRAVURE EN CREUX 189 

1. MÉTALLOGRAPHiE. Manière criblée 190 

2. NiELLURES ; auteurs et livres sur cet art 191 

Procédé et composition du nielle 192 

Graveurs-nielleurs et leurs travaux .193 

Première épreuve sur papier ; empreintes en aoufr^ . 196 
Prétentions de l'Allemagne à rinventioD de rîmpresflkm 
dts estampes r . . ♦ . 197 



483 

Pâgef 

3. histowe: l" Epoque de la chalcographie, XV* siècle; 

l'Italie, l'Allemagne, la Hollande 198 

Sœe Epoque, XVIe siècle ; les mêmes pays et la France . 20Î 

S»* Epoque, XVI|e siècle 20S 

4'n«Epoque, XVI 11 siècle .207 

5»« Epoque, XIX siècle, jusqu'à l'Exposition de 1B55 . 208 

4. LES DIVERS GENRES DE GRAVURE EN CREUX : La chalcographie: 210 

1er Genre: Gravure au burin; ses différentes manières . 211 

2'n« Genre : Gravure à Teau-forte; origine, procédé ; gra- 
veurs 213 

3me Genre: Mezzo tiuto , ou manière noire; procédé . 219 
Historique, graveurs 220 

4iue Genre : Aqua-tiuta, ou gravure au lavis ; procédé . 221 

Procédé Keller 224 

Historique 225 

5">« Genre de gravures qui procèdent par un pointillé : 

1. Opus mallei 226 

2. Gravure au pointillé 228 

3. Gravure imitant le crayon; historique (v. 290) 229 
Procédé : manière sablée ; la roulette 230 

6>u« Genre : Gravure en couleur; historique, procédés . 232 
Fac-similé, graveurs, leurs travaux . ... 235 

5. HACHiNES A graver: pantographe, diagraphe; machinée 

graver ; tour à guillocher, son histoire (v. 33) . 238 

7ino Genre de gravure ; procédé Collas .... 240 

6. SIDÉROGRAPHIE, OU gravure sur acier; invention . . . 242 

Procédés et emplois 244 

7. ziNCOGRAPHiE, gravure sur zinc 246 

8. BYALOGRAPBIE, OU gravure sur verre; antiquité, procédé, 

mécanique , 247 ; procédé chimique 248 

9. EMPLOIS DIVERS DE LA GRAVURE EN CREUX : reproductions de 

chefs-d'œuvre artistiques ; — composition d'artistes ; 
décoration d'appartements : — ouvrages ornés de gra- 
vures ; — livres entièrement gravés sur cuivre . . . 253 
Géographie, topographie , etc. (v. i28et313) .... 255 

Musique (v. 126), gravurç des lettres 256 

Modèles de broderies, etc. (v. 314) 257 

Papiers peints, tissus imprimés; historique 257 

Planches gravées; gravées au moyeu de poinçons relief. 257 



484 

Page» 

— Introduction de rouleaux; gravées de la même manière 258 

— Gravées au moyen d'une molette relief 259 

— Gravées au moyen du tour à gntUocher 260 

— Gravées à l'eau -forte; divers procédés ..... 260 
-» Procédé d'impression sur tissus imitant la broderie, 

couleur, or et argent 262 

— Transport des gravures sur porcelaine, verrerie, etc . 262 

— Transport sur papier 264 

F. DESSIN ET GRAVURE SUR PIERRE; la lithographie: 

i. INVENTION ET HiSTOHIQDE 265 

2» PROPAGATION DE LA LITHOGRAPHIE cu Allemagne . . . 272 
en Angleterre , Amérique, Chine et France ... . 277 

en Belgique 280 

3. PROCÉDÉS ET GENRES DIVERS: Théorie 281 

1er Genre. Gravure sur pierre: !<> au burin 283 

2o à l'eau-forte 285 

2"** Genre. Dessin à la plume et au pinceau; préparation 

de la pierre ; plumes ; encre 286 

Dessin à la plume et gravure; pinceau .... 288 
3»* Genre. Imitation des gravures sur bois ; procédé de 

MM. Duplat, Girardet, Tissier, etc 289 

ime Genre. Dessin au crayon ; préparation de la pierre . 290 

Crayon ; moyens pour effacer 291 

Dessinateurs et leurs travaux 293 

5"« Genre. Dessins estompés 294 

6»« Genre. Lavis lithographique ; procédés divers : Engel- 

mann, Gaillot, Jobard, Hanké 295 

Aqua-tinta par transport, M. Jobard 299 

7ne Genre. La manière noire, et lithographie au frottis et 

au grattoir 300 

8ne Genre. Fonds pointillés 302 

9me Genre. Fonds noirs avec dessin en blanc .... 303 

10"** Genre. Camaïeu; dessins rehaussés 304 

Dessins au deux crayons 307 

llB« Genre. Chromolithographie; procédés; produits . 307 

12ne Genre. Impression dorée 312 

Emploi de la chromolithographie; cartes géogra- 
phiques (v. 128, 255) 313 

Impression mosaïque (▼. 257) 314 



485 

Pages 

idiB* Genre. Autographie; procédé Engelmann , Cruzel, 

Baatz , etc 315 

Livres aatograpbiques . • 318 

Lithographie par enlèvement 318 

Diagraphie 319 

14me Genre. Reports et contre-épreuves au moyen d'épreu- 
ves fraîches, lithographiques et typographiques . . 320 
et d'épreuves tirées de planches de cuivre . . . .321 
]5ine Genre. Litho-typographie et litho- chalcographie; Se- 

nefelder 322 

MM. Dupont . 323 

M. Frémont 324 

Homéographie 325 

4. GENRES MIXTES : Litho-typographie optique 326 

Lithophanie et Steinbilder 327 

Essai sur ardoise; papier- pierre 328 

G. ZINCOGRAPHIE , ou impression chimique sur zinc. 

Senefelder; Trentsensky; Garnen; Breugnot; Kuecht . . 329 

Panéiconographie ; Gillot 331 

Impression anastatique 331 

Chimitypie 333 

U. GALVANOPLASTIE. 
1 . GALVANISME : découverte ; électricité dynamique ; Pile vol- 

taique 335 

Electrocbimie . . . • 336 

Différentes piles électriques 337 

Premiers indices de la galvanoplastie 337 

M. Daniell, M. de la Rive 338 

2. DÉCOUVKRTE DE LA GALVANOPLASTIE. MM. SpcnCCr . . . 338 

M. Jacobi, prof. — Electrodes solubles 340 

Combinaisons métalliques employées en galvanoplastie . 342 

3. SUBSTANCES DONT ON FORME LES MOULES. 

a) Substances conductrices 343 

Métal fusible ; cliché 344 

b) Substances non conductrices ; cire à cacheter ; cire 

vierge ; stéarine ; gélatine 345 

Caoutchouc; gutta- percha 346 

Colle de poisson ; soufre ; plâtre 347 

Matière plastii^ue de M. Sorçl 348 

21* 



486 

Pages 

c) JHéiallisation de» moules 349 

d) Appareils; MM. Smée, Walker, Becqaerel . . . .351 

i. ▲FPLICATION DE LA GALVANOPLASTIE 353 

a} Dépôts métalliques adhérents 354 

1. Dorage; applications à la gravure 355 

Argent; bronze; enivre; etc 356 

2 Revêtements métalliques 357 

3 Colorations des métaux 357 

b) Dépôts métalliques mm adhérents 358 

Application à la glyptique ; à la sculpture 359 

Bronzage d'objets en cuivre 362 

Application à la bijouterie; quincaillerie, etc 363 

Aux sciences ; pour Téducation des aveugles .... 364 

5* GALVANOPLASTIE APPLIQUÉE A l'aRT DE LA GRAVURE I 

tk) Elecirotypie 364 

Reproduction de planches gravées en relief et en creux 365 

Moyen d'empêcher l'adhérence 367 

Procédé du duc de Leuchtenberg 368 

Reproduction de planches lisses 368 

Reproduction de planches d'acier gravées 368 

Caractères d'imprimerie; stéréotypage 369 

Vignettes ; gravures sur bois 371 

Jdoyens pour remplacer la gravure en relief ou en 

creux : Procédé Kobell 37 1 

Glyphograpbie ; Palmer, Volmar, Walker et Finmn Didot 372 

L'autotypographie : Beslay 373 

Gravure sur savon ; Fergusson ........ 373 

Procédé Ranftl 374 

Stylographie ; Schœler 375 

Galvanographie ; Kobell, etc 3~6 

b) Eleclrographie 379 

Galvanocaustique ; Osann 381 

Zincographie galvanique ; Dumont 381 

Procédé Devincenzi 382 

Gravure électrique ; Priug 383 

Moyen de corriger les fautes de gravure ..... 383 
Application de Télectro- chimie à la télégraphie . . 386 

c) Autographie galvanoplastiquct ou impression naturelle: 387 
1. Autographie mécanique; histoire; procédés , . . 388 



•167 

Pages 

2. Autographie chimiqae ; procédés 389 

3. Âatographie galvanoplastique ; invention , procédé ; 
MM. A. Auer et Worring 390 

4. Minéralotypie et minéralographie ^ le docteur Leydolt 393 

5. Procédé autographique de M. Prey 393 

6. Procédé de Pierre Kyle 394 

d) Emploi du magnétisme à la gravure* M. W. Joues . 395 

Conclusion ; théorie de la photographie 396 

/. HÉLIOGRAPHIE. 

A. HÉLIOGRAPHIE 397 

i . Origine ; Nicéphore Niepce 397 

2. Premier procédé 398 

3. Essais de gravure ; — réflexion de l'auteur .... 398 

4. Points de vue pris dans la chambre noire 400 

3. Mémoire sur la découverte 401 

6. Rapports avec Daguerre ; traité conclus entre Niepce 

et Daguerre 403 

7. Perfectionnement du procédé 405 

Recherches faites antérieurement et postérieurement : 

Chambre obscure 405 

Chlorure d'argent; images et travaux de M.Moser,etc. 407 
B. DAGDERBÉOTYPiE ; publication de la découverte . . . 408 

1. Procédés, etc. Substances accélératrices, etc. . . . 409 

2. Gravure héliographique: Procédés de MM. Donné, Ber- 

res, Grove 412 

Procédé de M. Fizeau . 415 

Procédés de MM. Beuvière, Chevalier, Heller, etc. . .417 
Sur pierre lithographique ......... 419 

Tithonotypes ; docteur Draper 419 

3. Application de la daguerréotypie 420 

Portraits 421 

Appareil panoramique 422 

Anthropologie 422 

Objets microscopiques et astronomiques 422 

Vues et monuments 423 

Daguerréotypie au crayon 423 

Statistique de la daguerréotypie 423 

Héliochromie 424 

Images stéréoscopiques ,.,,.., ^ ., . 494 



488 

Pages 

Transport mr papier des imagei daguerriennes ... - 42$ 

C. raoTOGEAPHiE lor papier 436 

Description da procédé de Wedgewood 436 

Essais subséquents et réussite ; H. Fox Talbot .... 429 
Rectification de quelques termes employés dans la photo- 
graphie 429 

Mêmes tentatives faites par d'autres personnes pour obte- 
nir des images sur papier par l'action de la lumière . 431 

Epreuves directes par M. Bayard 432 

L'autophotographie; M. Mathieu 433 

Perfectionnements : papier ciré et gélatine. Photographie 

sur verre; enduit albumineux. ... . 433 

Moyens accélérateun; coUodion et procédé au collodion 434 
AppliecUions de la photographie : 

1. Photographie sur divenes substances 435 

Verre, porcelaine, émail, toile, etc 436 

Sur bois pour graveun 437 

2. Photographie artistique : vues et monuments .... 437 

Vues panoramiques 439 

Paysages^ fleurs 439 

Reproductions de sculptures 439 

Reproductions de gravures; propriété de lavapeur de l'iode 440 

Fac-simile photographiques 441 

Photographie topographique 441 

Reproduction de tableaux 441 

Modèles d'hommes et de femmes pour peintres .... 442 

3. Photographie scientifiques: météorologie; astronomie; 
géologie ; microtypie ; zoologie ; anthropologie .... 442 

4. Photographie judiciaire et médicale 444 

Scènes populaires ; sinistres, etc 443 

5. Photographie industrielle 445 

6. Premières publications photographiques 446 

7. Dimensions variées des photographies; grandeur natu- 

relle ; grandeur microscopique 446 

8. Béltochromie : diven procédés 448 

Gravure héliographique 450 

Procédé Poitevin 451 

. Talbot 452 

R Niepce de Saint- Victor . . , 454 



489 

Pages 

MM. Rousseau, Nègre, Delessert 458 

Procédé Figuier 459 

>. Baldus .459 

Procédés divers 461 

Hélioplastie; Poitevin 462 

Photogalvauographie ; Pretsch 463 

Procédé Mac Pherson 464 

Procédés Salmon et Garnier 464 

M. Gueyton 467 

Damasquinure héliographique 468 

MM. Nègre, Dufresne, Niepce de Saint-Victor .... 468 

Litho-photographie : procédé proposé par M. Jobard . . . 468 

Inventée par MM. Leniercier, Lerebours, Barreswil, Davanne 469 

• Procédé de M. H. Ualleux 469 

» Poitevin 470 

» Conduché , . 471 

Mac Pherson 473 



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