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\
THE LIBRARY
OF
THE UNIVERSITY
OF CALIFORNIA
PRESENTEDBY
PROF. CHARLES A. KOFOID AND
MRS. PRUDENCE W. KOFOID
^^t^-^C^
DES
ARTS GRAPHIQUES
i
(
GEIfÉVE. — IMPRIMERIE RAMBOZ ET SCHUCHARDT
{^DES )
iRTS GRAPHIQUES
UlilSTINés
A MULTIPLIER PAR L'IMPRESSION
CONSIDÉRÉS SOUS LE DOUBLE POINT DE VUE
HISTORIQUE ET PRATIQUE
\
PAU
J.-M.-HermaQ/HAMMANN )
Membre de la Classe des Beaux-Arts et de la Classe d'Industrie et de Commerce
de la Société des Arts.
Comnteut l'homme a-l-il fait pour fixer
sa pensée? Quels moyens a-t-il employés
ftour multiplier cette pensée une fois fixée
et la propager?
ta première de ces questions n'étant pas
du ressort de l'auteur, il n'a fait que l'in-
diquer; mais il a cherché à résoudre la
seconde.
GENÈVE
JOËL CHERBULIEZ, LIBRAIRE-ÉDITEUR
PAMS
MÊME MAISON, RUE DE LA MONNAIE, 10
1857
L'auteur se réserve Id droit de traduction.
DÉDIÉ //3
AUX ARTISTES ET INDUSTRIELS
DE GENÈVE
Messieurs et chers collègues,
h^^ arts graphiques, par leur nature particulière, qui
ies rend propres à la décoration et à la multiplication,
sont en rapport direct ou indirect avec toutes les in-
dustries et tous les arts. Aussi Genève les a-t-elle vus de
tout temps fleurir dans ses murs.
Très-anciennement nous y voyons établies des fabri-
ques d'armes ornées de gravures. Plus tard, aux dix-
huitième siècle , la fabrication des montres occupe un
grand nombre de graveurs décorateurs, et, comme cha-
cun le sait, Rousseau fut graveur ayant d'être philosophe.
La plupart de nos artistes distingués exercèrent cet
art au début de leur carrière, et il nous suffira de citer
Tôpffer père, Pradier, Chaponnière, MM. Hornung, Dor-
cière, Deville, etc.
La gravure des médailles faisant partie des arts plas-
iiçaes ne nous occupera pas, non plus que les médail-
leurs célèbres, tels que les Thiébaut, les Dassier et les
Bovy; mais nous parlerons particulièrement de la gra-
vure considérée comme moyen démultiplication.
Dans la première époque de la typographie genevoise
il y avait des graveurs sur bois : c'était ordinairement
les imprimeurs eux-mêmes qui embellissaient leurs livres
d'initiales, de vignettes et de sujets. Bernard Salomon,
entre autres, qui vivait vers \ 550, tantôt à Genève, tantôt
ivi351019
VI
à Lyon, futTun des plus habiles. On le nonunait le petit
Bernard, à caase du petit format de ses planches.
Le dix-septième et le dix-huitième siècle ont été ri-
ches en graveurs genevois. Les portefeuilles des ama-
teurs renferment un grand nombre de leurs estampes.
On y remarque les gravures en taille-douce de Jean Si-
monin (1633)(*) ; les vues de Chouet (1656), de Daudet
(1669), de Jean Lacroix, de François Perrière; les vues
et les portraits de François Diodati (né en 1647), de Ro-
bert Gardelle (né en 1682) ; les ornements de Jean-Louis
Durand (1673), et du serrurier Pierre Gignoux (né en
1678); les cartes géographiques et les vignettes sur bois
d'Antoine Chopy (1750); les eaux-fortes de G. Steiner
(1775); les reproductions des grands maîtres, par Mi-
chel Liotard (né en 1702, mort en 1796), frère du célè-
bre peintre au pastel; les estampes de Pierre Soubeyran
(né en 1 709) et de l'architecte Bovey ; les gravures d'a-
près Wilter de Thomas Seguin ; le livre intitulé : Fay^li-
cation dès médailles, par Jean Dassier (né en 1676^ mûct
en 1763) et par son fils Jacob-Antoine (né en 1715, mort
en 1759) représentant une suite de sujets tirés de l'his-
toire romaine, gravés par eux-mêmes et imprimés à Pa-
ris; les Plaisirs anglais, par T.-C. Portier (1787); et les
vues de Genève, par C.-G. Geissler (1777).
Beaucoup de peintres genevois de cette époque ma-
nièrent, à côté du pinceau, la pointe et le burin. Les
eaux-fortes de Jean Huber (né en 1721), honune d'esprit
autant que peintre ingénieux , et celles du paysagiste
distingué , Pierre-Louis de la Rive (né en 1 753) , jouis-
sent d'une réputation méritée.
Saint-Ours, le peintre d'histoire ; Adam Tôpffer, dont
- (<) Voyez sar ces artistes l'excellent ouvrage de M. J.-J. Rîgaud,
»ocieti syndic; tfW Mçuf-Arts â G«ï|ève, 1849,
VII
le pinceau est Pinterprète spirituel et original des scè-
nes et des sites champêtres ; Jacques Agasse, qui peint
si bien les animaux ; Ami Arlaud, célèbre par ses gra-
cieux portraits du beau sexe de Londres; Louis Bouvier,
auteur d'un traité de peinture et du portrait de M"** de
Staël, qu'il peignit et grava lui-même; Henri TEvêque,
peintre sur émail ; Antoine Linck, célèbre peintre à la
gouache, se sont tous également essayés à la gravure.
De nos jours, l'on préfère à la gravure sur cuivre la li-
thographie, cet autre art graphique qui offre tant de
facilités et de ressources , et chacun connaît ces auto-
graphies spirituelles et pleines d'humour de Rodolphe
Tôpffer qui jouissent d'une réputation européenne, et
que l'on a souvent essayé d'imiter sans jamais atteindre
à l'originalité et à la fraîcheur de l'auteur original.
L'Album de la Suisse romane , les Esquisses d'ate-
lier, publiées par une réunion d'artistes, et un grand
nonibre d'autres publications, soit en feuilles, soit en
recueils, contiennent de nombreuses planches dessinées
sur pierre dans des manières et des genres différents, par
presque tous les peintres genevois : MM. J. Coindet, Ai-
meras, Guigon, Muntzberger, M'"^ Goy, H. Mottu, Char-
les DuBois, H.-P. George, G. Castan, Fontanesie, S. De-
lapeine, L. Mennet, Humbert, Lugardon fils, traitent
le paysage et les animaux; MM. Hornung, d'Albert-Du-
rade, Deville, E. Frégevise, Grosclaude, Langlois, Hé-
bert , Elie Bovet , Abraham Bouvier , Gandon , font la
figure; et MM. Dériaz, Aymonier , Blavignac traitent
l'architecture et l'ornement.
M. Hornung a remarquablement imité en lithographie
^a vigueur des eaux-fortes ; MM. Diday, Calame et Guigon
ont les premiers produit des dessins de paysage au lavis
^tbographique ; M. Burdallet a excellé dans le dessin à
la plume sur pierre, et M. Calame, sans se tenir aux gen-
vm
res ordinaires de la lithographie , les a heureusement
mélangés pour en obtenir des effets nouveaux et plus
beaux. C'est ainsi qu'il a traité avec succès le genre du
lavis, la lithographie au pinceau et la manière noire au
grattoir, et que ses eaux-fortes sur cuivre sont ce qu'il
y a déplus remarquable en fait de gravure de paysages. M.
Diday a également exécuté de belles eaux-fortes. Il vient
de faire paraître deux magnifiques feuilles : l'Aar à la
Handeck et le Temps orageux, autographiées dans le
genre des eaux-fortes, habilement transportées sur pierre
lithographique et imprimées avec une teinte par MM.
Pilet et Cougnard, lithographes de notre ville.
Les chalcographes de profession n'ont pas manqué à
Genève, et il y en a eu de fort distingués. Remarquons
entre autres Jacob Wielandy (dans la première moitié du
dix-huitième siècle) ; Alexandre Chaponnier (né en 1 753);
F.-D. Soiron ; Grand, peintre hollandais établi à Genève;
Joseph Collart (né en 1754, mort en 1830); Charles-Si-
mon Pradier (né en 1782, mort en 1847), frère du célè-
bre sculpteur ; mais surtout Nicolas Schenker, élève du
graveur parisien Macret. Schenker (né en 1760, mort en
1848), habile à la taille et au pointillé, fut nommé direc-
teur d'une école de gravure en taille-douce projetée en
1790 et fondée en 1817 par la Société des Arts de Ge-
nève, et qui a formé plusieurs bons élèves, tels que MM.
Anspach, Deville, Verre, Millenet, ElieBovet, Bouvier. M.
Abraham Bouvier, le seul qui ait continué la gravure sur
cuivre et sur acier, a produit des planches remarquables
dans divers genres de gravure, surtout dans la gravure au
burin et dans la manière noire. Dans la première exposi-
tion des produits de l'industrie genevoise, ouverte par la
Classe d'industrie de la Société des arts en 1828(*) onre-
[^) La première expositon publique de peinture eut lieu en 1789;
mais jusqu'en 1828 on n'y Yoit point figurer de gravures.
IX
imcpi2Ai entre plusieurs produits des arts graphiques :
Je portrait de Michel Cervantes, gravé par Bouvier; un
portrait par Elie Bovet ; des planches de poissons, par
Escuyer , et de plantes par Anspach, Millenet, Heyland
et Bouvier. La Société des Amis des Arts , instituée en
1822, a puissamment contribué à Tavancement delà
gravure en taille-douce, en faisant graver de temps en
temps, pour son compte, des portraits et des sujets. N'ou-
hlions pas enfin les cartes géographiques de l'Atlas de
la Suisse, exécutées sous la direction du général Dufour,
dans le bureau topographique établi à Genève. Ces car-
tes, autant par la précision et la beauté du dessin , que
par Texcellence de la gravure , peuvent être regardées
conune un des chefs-d'œuvre dans ce genre.
Le nombre des graveurs qui s'occupent aujourd'hui
principalement de la gravure des objets de luxe et de
fantaisie relatifs aux fabriques d'horlogerie, de bijoute-
rie et d'orfèvrerie est si grand, que nous ne croyons pas
exagérer en les estimant à plus de trois cents, parmi les-
quels il y a de véritables artistes (en 1788, il y avait à
Genève 204 graveurs). Ne pouvant les nommer tous, nous
rappellerons seulement les noms de ceux qui ne sont plus
et qui jouissaient d'une certaine réputation : Jean-Nico-
las Châlon (né en 1742, mort en 1812), Joseph Collart
(né en 1754, mort en 1830), D. Detella (né en 1762, mort
en 1836), Rambaud, Pierre Gervais, Riesling, Tournier,
Lamy, Romilly père, Frédéric Bury (mort à Hanau),
Bachten, etc., et parmi les vivants nous ne citerons
que ceux qui pratiquent un genre particulier, tels
que MM. Subit et Pelaz, qui depuis 1830 ont exécuté
des gravures niellées au moyen d'un vernis-émail de
leur invention ; M. Maeule, émailleur, qui a fait de véri-
tables nielles dans toute leur perfection ; MM. Reymond
et Martin et M. Mestral, guillocheurs, qui emploient avec
habileté le procédé Collas, à la décoration des montres.
Pour exciter à la recherche du nouveau et du mieux,
et pour contribuer au perfectionnement de la gravure,
la Classe des Beaux-Arts de la Société des Arts, sur la
proposition de M. Dorcière , avait en 1845 essayé d'in-
stituer un concours de gravure et de ciselure, et destmé
la somme de 300 francs à des prix. Ce concours n'a eu
lieu qu'une fois , vu le petit nombre de graveurs qui y
ont pris part. M. Benott-Muzy obtint le prix de gravure,
et M. Gœllner celui de la ciselure.
Quant aux imprimeurs de Genève en typographie, en
lithographie et en taille-douce , ils ont aussi contribué
pour leur part aux progrès des arts graphiques.
La typographie genevoise du XV* siècle, ainsi que celle
du XVI* siècle , a produit de nombreuses et belles édi-
tions. Elle a langui pendant le XVII« et le XVIII* siècle, et
nous pouvons dire qu'elle ne s'est relevée que vers 1830
environ , par les efforts de M. Pelletier. Dès lors MM.
Fick père et fils, Ramboz et Schuchardt, et Gruaz ont
persévéré dans cette marche de progrès. Ils ont tout ré-
cemment introduit les premières machines à imprimer.
M. Fick a introduit, en 1840, la typographie poly-
chrome et l'impression à la congrève et à embossage.
Ses éditions imprimées dans le goût du XVI* siècle pour
M. Gustave Revilliod, avec des vignettes et des initiales
ornées, en partie tirées sur d'anciens types, et en par-
tie dues au burin de M. Durillon , sont très-estimées.
M. Ramboz est le premier à Genève qui a imprimé en
or, et MM. Ramboz et Schuchardt ont exécuté avec dis-
tinction les Etudes critiqties sur le Traité du sublime par
M. Louis Vaucher , les Mélanges d'histoire littéraire par
G. Favre, etc.
MM. Suardet et Tattegrain , imprimeurs en taille-
douce, ont produit en 1828 des gravures représentant
XI
des plantes , et imprimées en couleur , d'après lé pro-
cédé du célèbre peintre Redouté.
C'est vers l'année 1820 que la lithographie a été in-
troduite à Genève par M. l'ancien Syndic Necker. Les
premiers établissements lithographiques furent ceux de
M. Gallot et de M. Charton. M»« Munier-Romilly, et MM.
Deville et Auguste Bovet ont été les premiers artistes
qui aient produit des dessins sur pierre. M. Gruaz, im-
primeur, lithographe et éditeur, secondé par MM. Ca-
lame et Diday, et par M. Ledoux, lithographe, a introduit
en 1841 divers genres lithographiques, et en dernier
lieu la chromolithographie jointe à la xylographie. Les
planches de ce genre qui ornent « la Suisse historique
et pittoresque de MM. Gaullieur et Schaub, » sont d'une
bonne réussite. M. Ledoux, lithographe, a exécuté pour
les Mémoires de l'Institut Genevois des planches très-re-
marquables en chromolithographie. Dans le grand éta-
blissement graphique de M. Schmid, actuellement Pilet
et Cougnard, outre les genres de gravure et de litho-
graphie déjà nommés^ on a introduit encore le procédé
Collas sur métaux et sur pierre, exécuté avec une machine
construite par M. Sechehaye, mécanicien de notre ville.
La daguerréotypie, la photographie et la galvanoplas-
tie sont pratiquées avec succès, mais on ne s'en sert que
I fort peu pour reproduire des planches propres à être im-
primées. M. Bonijol a profité des procédés électrotypiques
pour reproduire des plaques daguerriennes, et M. Goll,
du bureau topographique, a fait plusieurs essais fort bien
réussis de reproduction électrotypique de planches gra-
vées en taille-douce. Et puisque nous parlons de procé-
dés chimiques, mentionnons encore, qu'en 1835 environ,
un nommé Meyer fit, à Genève, pendant quelques temps
des contrefaçons de grands journaux français, au moyen
d'une impression anastatique, ou d'un report chimique
i
XII
sur pierre, procédé qui lui permettait d'obtenir des re-
productions identiques. N'oublions pas non plus de re-
marquer le procédé ingénieux et utile qu'emploie H.
Dietz, pour blanchir ou pour détacher des estampes et
des imprimés typographiques vieux ou salis par le temps,
ou tachés de graisse et d'encre. Cette méthode, par la-
quelle M. Dietz rend au papier sa netteté primitive, a
cela de particulier et d'avantageux , qu'elle ne nuit en
aucune manière ni à sa force, ni à sa souplesse, malgré
les opérations successives qu'il doit subir pour redevenir
blanc. M. Dietz peut également lui donner toutes les
teintes désirables sans compromettre l'impression, chose
précieuse pour les imprimeurs, qui sont parfois obligés
de se servir de papier de différentes nuances pour la
même édition, lorsqu'ils ne se sont pas munis à temps
de la quantité nécessaire.
Il existait autrefois , à Genève , de grandes fabriques
d'indiennes dirigées par MM. Fazy, Petit, Labarthe, etc.,
qui occupaient beaucoup de graveurs et de dessinateurs.
Aujourd'hui celles de papier gaufré de MM. Mey-
lan , de faïence de M. Beylon , de papier-tenture de M.
P. Arnaud (*), et de cartes à jouer de M. Gassmann, se
servent toutes de planches gravées en creux et de gra-
vures sur bois pour leurs transports, pour le gaufrage et
pour l'impression en couleur.
Nous clorons ici nos investigations domestiques , et
nous croyons que cette revue sommaire , tout impar-
faite qu'elle est sans doute , montre cependant combien
il y a eu , et combien il y a encore d'activité dans les
arts graphiques à Genève ; et justifie la dédicace de no-
tre livre. H. Hammann.
(*) M. P. Arnaud a lu l'hiver dernier, à l'Institat genevois, un
mémoire fort intéressant sur la fabrication du papier-tentore.
INTRODUCTION
S'il est intéressant et utile de suivre le développement de la
civilisation de l'homme dans ses différentes phases, de sonder
le secret des rouages sans nombre de la politique, des actions
(le la vie civile ou des événements qui se succèdent rapidement
dans la société humaine de tous les temps ; il ne parait pas moins
attrayant ni moins instructif et profitable de pénétrer dans le cabi-
net du savant, dans l'atelier de l'artiste, dans le laboratoire de
J'industriel , pour y surprendre leurs travaux, pour y consta-
ter les progrès qu'ont faits de nos jours les arts et les métiers,
secondés par cette triple alliance de la science , des arts et de l'in-
dustrie, pour comparer enfin les progrès, en les confrontant
avec les essais primitifs, les premiers tâtonnements, et de pour-
suivre ainsi la marche successive et ascendante des diverses
inventions et des perfectionnements qu'elles ont subis.
Un tel travail est au-dessus des forces d'un seul homme; il
convient donc de le diviser. Pour notre compte nous nous som-
2
mes limité à un seul art parmi un si grand nombre , et nous
avons choisi VArt graphique, art dans lequel la science , l'art pro-
prement dit et l'industrie ont également leur part; art qui, autant
par l'antiquité de son origine que par la perfection remarqua-
ble qu'il a atteinte ; autant par l'influence qu'il a exercée sur
le goût et la civilisation, que par la grande variété de pro-
cédés et de genres concourant tous au même but; et par d'au-
tres qualités encore, présente une image des plus vives et des
plus attrayantes de l'activité et de l'esprit inventif des hommes.
Sous le nom d'arts graphiques on comprend une série d'arts
qui ont pour but la reproduction soit par l'écriture, soit par le
dessin, soit par la gravure. C'est de quelques-uns de ces arts
seulement que nous nous proposons de faire un court exposé his-
torique et pratique. Nous choisirons principalement ceux qui
ont rendu le plus de service à l'homme , en lui procurant les
moyens non-seulement de reproduire et de fixer ses pensées,
mais aussi de les propager par l'impression.
Ici il y a encore des distinctions à faire; d'abord, les arts
de reproduction sont nombreux et présentent en général deux
grandes catégories très-distinctes : ceux qui reproduisent en re-
lief, tels sont les arts plastiques, la sculpture sur pierre et sur
bois, la gravure de médailles, la fonte, le moulage et la frappe;
et ceux qui reproduisent sur une surface plane, comme le des-
sin, la gravure proprement dite, la lithographie et d'autres.
Nous ne nous occuperons que de cette dernière catégorie,
c'est-à-dire des arts qui ont pour but la reproductim d^tm obéet
quelconque sur une surface plane, nHmporte de quelle matière
elle soit, en métal ou en pierre, en hois ou en verre, mais qui est
destinée à multiplier Voriginal au moyen de Vimpression en cour
leiJffr (*).
(1) L'impression en couleur est une impression au moyen de n'importe quelle cou-
3
Quelques-uns de ces arts procèdent tout à fait mécanique-
ment par le travail des mains ; ce sont les plus anciens. Tels
sont par exemple la gravure sur bois, la gravure * au burin sur
cuivre et sur acier. — D'autres ont recours à des instruments
plus ou moins compliqués, comme dans leguillocbé, la mezzo-
tinte, l'impression à la congrève. — La chimie a été d'un puissant
secours pour beaucoup d'entre eux; surtout pour la gravure à
l'eau-forte, au lavis, pour la gravure sur verre et pour la li-
thographie. — Par l'électricité on a produit des choses remar-
quables en galvanographie , en électrotypie et en autographie
galvanoplastique. — Enfin, de la lumière même on a fait un
pinceau , et alors furent créées les merveilles de l'héliographie,
traduites ensuite en lithophotographie et en gravure héliogra-
phique.
Tel est le champ vaste, immense que nous avons à parcou-
rir; champ varié d'objets, briUant de résultats, plein d'instruc-
tion et d'attraits. Pour suivre avec précision et avec ime cer-
taine sûreté le développement successif et graduel de ces arts,
nous procéderons chronologiquement. Cette tâche, nous ne
l'entreprenons qu'avec timidité, mais sincèrement et en nous
appuyant sur les meilleures autorités.
t Divers fragments de ce Mémoire ont été lus le 17 et le 24
I mars 1848, à la Société genevoise des Amis de l'instruction;
le 2 janvier 1855 , à la Société familière ; le 12 janvier 1855 et le
7 mars 1856, à la Classe des Beaux- Arts; le 23 janvier, le 11
mars et le 2 avril 1855, et le 13 février 1856, à la Classe
leur, noire, brune, rouge, en opposition à une impression à sec. Ainsi l'empreinte
bissée par le cachet sur le papier, ou sur le pain à cacheter d'une lettre est une im-
IvessiOQ à sec, tandis que le timbre apposé au moyen d'une encre ou couleur d'im-
primeur, c'est ce que j'appelle une impression en couleur.
H. H.
4
d'Indastrie et de Commerce de la Société des Arts de Genève;
enfin, dans sept séances publiques pendant les mois de janvier et
de février 1849, et dans huit séances aux mois de novembre et
décembre 1855 , faisant partie des cours spéciaux que la Classe
dlndustrie fait donner annuellement depuis 1843.
DES
ARTS GRAPHIQUES
DKSTLNIiS
A iMIJLTlPLlKK PAR L'IMPRESSION
CUNalU^RliS SOLS LU UOliULt l'OINT UK VL'K
HISTORIQUi: ET PRATIQUE
— > > * » <-*<-^
ÉTAT DK CES ARTS
CHEZ L'HOMME PRIMITD^
L'histoire nous appreud que Finstinct de l'imitation est inné
dans l'homme. C'est à cet instinct, d'abord servile, devenu libre
ensuite, que les arts doivent leur origine.
L'homme primitif imitait les animaux dans la construction de
leurs demeures ; de là est née l'architecture ; il imitait les sons,
(le là le langage et la musique ; il copiait les objets de la nature, de
là les arts du dessin et l'écriture qui, primitivement, était figu-
rative.
Lorsqu'à sut fixer sa pensée, ses impressions, le sonvenir de
ses exploits, au moyen de quelques signes figuratife, l'homme dé-
sira les conserver, les communiquer à d'autres hommes et aux
générations futures.
A cet effet, il les traçait sur les rochers, il les creusait sur des
planches d'airain, afin que la postérité pût les lire, et admirer ces
annales particuhères de son histoire.
On voit que l'art de la gravure (* ) a été connu et pratiqué dans
les temps les plus reculés. Pour connaître l'inventeur de cet art,
il faut remonter à l'homme primitif creusant sur le rocher ou sur
des lames de métal, traçant sur des tahlettes de bois ou de cire
des figiu*es grossières ou des signes de formes singulières.
Telles sont les représentations informes qu'on a découvertes
sur les parois des cavernes de l'Australie (*), faites par le peuple le
plus inculte du genre humain; les figures moins mal faites des ro-
chers de l'Afrique australe, tracées par les Boschjesmans (^), qui
vivent encore dans les huttes de branches d'arbres ; cette immense
quantité de rochers sculptés qui s'étendent sur quelques milliers
de lieues dans ces pays, peuplés autrefois, déserts aujourd'hui, de
l'Amérique méridionale (*), entre les rivières de l'Essequibo et de
l'Orénoque ; ces rochers couverts de figures sculptées près du lac
Erie (*), dans les vallées du Mississipi et de l'Ohio, de l'Amérique
du Nord.
C'est là, dans ces signes primitifs, qu'il faut chercher la double
invention de l'écriture ou du dessin, et de la gravure.
Le sauvage de la nouvelle Galle ne se figurait certainement pas
quel rôle jouerait, à quelle perfection arriverait un jour cet art,
qu'il exerçait sans s'en rendre compte.
Les femmes des îles Taïti ou de la Société, de la mer du Sud, pra-
(1) Le mot graver vient du grec grapJuin, écrire, dessiner, comme faisaient les
anciens, en gravant les figures avec un poinçon sur des tablettes de cire. Du temps
(l'Homère le mol graphos signifiait creuser, sillonner, ritzen; l'écriture n'étant pas
encore connue.
(2) Voyage de Péron en Australie en IPOI.
(3) Barrow travels, 1707 et 1798. — Walchenaer, Coliecl. des voyages en Afrique.
(4) Flumboldt, Tableaux de la nature. - Spix et Martius, Voyage au Brésil.
(5) Information respecting the hist. etc. of the Indians tribes of the United States,
bey H. R. Schoolcrafl; Philadelphia, 4M8o2.
tiquent, selon Cook, un genre d'impression très-ingénieux et très-
simple, dans lequel la gravure ne joue aucun rôle. Outre les figures
variées qu'elles dessinent délicatement, à l'aide d'un petit roseau
fendu, sur les étoffes d'écorces d'arbres fabriquées par elles-
mêmes, les T^tiennes ornent les angles de leurs grandes pièces
de vêtements de dessins représentant un feuillage très-découpé et
très-élégant, qu'elles impriment par le moyen des feuilles d'une
jolie fougère de montagne. Elles trempent cette fougère dans une
couleur colorante toujours obtenue à froid, et elles lui font ainsi
remplir l'office de planche propre à transmettre ses découpures et
ses formes.
Des empreintes obtenues par un procédé analogue ont été re-
marquées par M. John Stephens, dans une de ces constructions
si remarquables, découvertes par lui dans le Yucatan. Ces em-
preintes représentaient des mains rouges^ faites à l'aide de la
main même d'un homme; la main, enduite préalablement d'ocre
rouge, faisait l'office d'une planche d'impression qui, apphquée
sur le mur, s'y marquait avec tous ces détails.
Cet usage ne se borne pas à cette contrée seule, mais se ren-
contre, suivant M. Schoolcraft, dans presque toute l'Amérique du
Nord, d'où il tire son origine.
Une main ainsi représentée pai*aît avoir une signification sym-
bolique; dans le système d'écriture hiéroglyphique de ce pays, elle
est le symbole de la puissance et de la force. Une main ouverte,
imprimé^ de cette façon, ou simplement peinte ou dessinée, sert
aux Indiens du Nord comme l'expression de leur prière adressée
au Grand-Esprit; et imprimée sur la poitrine ou sur l'épaule ils
lui attribuent une certaine puissance magique.
II
ANTIQUITÉ
Les peuples plus civilisés de la haute antiquité n'agissaient
point différemment pour perpétuer la mémoire des événements
t
y
remai'quables de leur histoire, mais leurs procédés et leurs outils
étaient déjà plus perfectionnés et plus variés.
INSCnUPTIONSa Lisez les saintes Ecritures, et vous trou-
verez qu'il y est souvent question de lames de plomb, de planches
d'airain et de tablettes de pierre, sur lesquelles on traçait des
inscriptions (M.
Regardez les ruines encore debout de Persépoiis, les restes à
peine mis à jour de la grande Ninive (*), dont presque toutes les
pierres sont couvertes d'innombrables inscriptions en caractères
cunéiformes, écriture particulière aux anciens Perses, aux Assy-
riens et aux Babyloniens.
Examinez les monuments si grandioses de l'Egypte et de la
Nubie, remarquablement conservés pendant plus de trente siècles,
et vous serez frappés du grand nombre de figures tracées sur les
murs, de la quantité extraordinaire d'inscriptions en écriture hié-
roglyphique et démotique. Les rochers sculptés par les anciens
Egyptiens s'étendent même au delà de la chaîne libyque, jusqu'à
Ghat, au milieu de l'Afrique centrale, suivant le rapport des der-
niers voyageurs, Richardson, Barth, Oberweg et Vogel, en 1854-
Vous ne trouverez pas moins de ces inscriptions sur les monu-
ments de l'Asie Mineure et de l'ancienne Grèce, en caractères ly-
ciens, boustrophédons (*) et grecs.
Ajoutons les inscriptions et les figures gravées sur les miroirs
métalliques, sur les vases en terre, sur les parois des tombeaux
étrusques (*), et les caractères runiques creusés sur des pierres
isolées de la Scandinavie C^).
Toutes ces gravures en creux, tous ces tracés de figures et de
lettres, opérés les uns à l'aide d'outils imparfaits en pierre, les
(1) Exode, XXXIV, i. et XXVIII, 9- 41 et 36. — Deuléroii. XXVII, 8. — 1 Macc.
8, 22. — Job. 19-34, etc.
(2) A. H. Layard. Niniveh, 1848. — W. S. W. Vaux, Ninivehand Persepolis, 1850.
(3) Charles Fellows, ein Ausflug nach Kleinasien und Entdeckuugen in Lycien;éd.
allemande. Leipz. 1853.
(4) George Dennis, die Stadte und Begràbnissplâtzc Elruriens, éd. allcinande.
Leipz. 1852, et d'autres.
(.j) Dr. Gust. Thormod Legis, Fundgruben des alleu Nordcns ; Leipz. 1829. — Ver-
zeichii. dci* Kuneusteine, etc. von R. Nyerup; Kupenhagen, 1824.
autres avec des instruments de métal, ceux-ci à traits creusés eu
biseau, quelquefois très-profondément, ceux-là simplement pi-
qués, jai&ais ou rarement en relief, sont autant de preuves de
l'antiquité de la gravure ; mais, si bien faites qu'elles ftissent, ces
gravures ne servaient point encore à multiplier l'objet qu'elles re-
présentaient.
MARQUES mPRIMpBES EN CBEUX ET EN RE«
IiIEFa Cependant il y a d'autres objets qui, par leur nature et par
la manière dont ils sont confectionnés, attestent que les anciens
n'ignoraient pas entièrement l'emploi de moyens accélérateurs et
servant à multiplier ; néanmoins, ils ne s'en servaient que rarement
Ces objets sont de différents genres. En première ligne nous
mettrons les briques de terre, séchées au soleil ou cuites au four,
qu'on a trouvées en grand nombre, soit dans les ruines de Baby-
lone et de Ninive, soit en Egypte (*), et sur lesquelles on voit des
inscriptions en caractères cunéiformes ou d'autres signes, impri-
més au moyen de formes en bois ou en métal gravées en relief.
Ces empreintes sont formées quelquefois par le moyen de lettres
mobiles, c'est-à-dire qu'elles ont été composées lettre par lettre.
D'autres fois, l'inscription a été gravée en entier sur l'estampille
ou le cachet en relief, et reproduite en creux sur la brique encore
molle. D'autres fois encore, l'inscription se détache en relief sur
l'objet (*) et alors on y rencontre aussi, outre les lettres, des figures
et des ornements. Ce dernier genre a été surtout en usage chez les
Romains, et fiit appliqué aux briques, aux tuiles et aux vases de
terre rouge. L'on opérait de deux manières différentes : tantôt les
marques ou estampilles étaient imprimées dans les moules qui
servaient à façonner la poterie et les briques, lesquelles, au sortir
du moule, portaient l'empreinte en relief; tantôt on produisait ces
reliefe pai* le moyen de cachets en bois ou en métal gravés en
creux, et qui, imprimés sur l'objet, laissaient une empreinte en
relief.
L'usage des cachets est très-ancien ('). Les Babyloniens déjà
H) Layard, Niniveb. - KiiTaut, Voy. en Egypte.
(2) Alex. Brong^niarl, Traité des Arts céramiques, 2* édit. 1854. vol. I, 424 et suiv.
(3) Exode XXVIIl, H et suiv.-Aggée, II, 24.-Ep. aux Rom. IV, ii. —1 Ép. aux
10
portaient des bagues incrustées de pierres fines gravées en creux,
et qui leur servaient pour sceller les missives, les portes des mai-
sons et les trésors. Les pierres gravées égyptiennes, conâues sous
le nom de scarabées, avaient probablement le même emploi.
Nous ne parlerons point des médailles et des monnaies que l'on
gravait, frappait et montait très-bien dans l'antiquité (*);elles^font
pcortie des arts plastiques. Mais nous remarquerons que les an-
ciens Grecs se servaient à la fois de poinçons gravés en creux et
d'autres en relief, pour la frappe de leurs monnaies. Les plus an-
ciennes, celles d'Ëgine, qui datent du huitième siècle avant Jésus-
Christ, portent d'un côté l'empreinte en relief d'une tortue, et au
revers une figure en creux de forme carrée, divisée en quatre
champs (quadratum incusum) ; les monnaies de Métaponte ont à
la face un épi en relief, et au revers une tête de taureau en creux;
celles de Crotone un trépied en relief d'un côté, et de l'autre un
aigle en creux.
La figure en relief se trouvait généralement taillée sur l'en-
clume, tandis que l'image en creux était gravée sur le marteau qui
servait à frapper la monnisde. Le procédé de marquer l'empreinte
sur les monnaies à l'aide du marteau et de l'enclume est resté en
usage jusqu'au dix-septième siècle. Ce n'est qu'en 1617 que Briot
inventa la presse mécanique pour battre monnaie.
. Pour faciliter la frappe des grandes pièces, les anciens înou-
laient préalablement les flancs dans une forme de terre ; les ma-
trices et les coins étaient alors souvent en airain durci. — Les
principales pièces ou instruments qui servaient dans l'antiquité à
la frappe des monnaies, se voient sur im dessin de Carisius (l'étau,
le marteau et la pince).
Les monnaies antiques portent souvent aussi des contre-mar-
ques (*) ; la forme des poinçons à contre-marques était ou ronde
ou ovale, ou carrée, de trois et de quatre lignes de diamètre. Ces
poinçons étaient gravés en creux et à rebours, afin que leur im-
Coriiith. IX, 2; id. 2 Ep. III, 2, 3.-2 Ep. à Timoth. II. 19.— Ezéch. IX, 2.— L'Apoca-
lypse. VII, 2. — Hérodot, Hist. VII. 69.
(i) K. 0. MuUer, Handbuch der Archéologie ; Bresl. 1830, p. 72 et 387. — Fal-
kensteiii, 112; voyez plus bas.
(S) Mém. de l'Acad. des Inscriptions, t. XIV, p. 132.
11
pression rendit en reJief et dans le sens naturel les figures et les
lettres dont ils étaient chsirgés.
Nous ne devons pas oublier de faire mention des tesserœ sigm-
toriœ, ou estampilles, reliefs en métal avec lesquels les Romains
marquaient les esclaves, le bétail et le pain; ainsi, on a trouvé dans
les ruines de Pompéi, dans la boutique d^m boulanger, un pain
dont la forme était encore intacte, et qui était marqué du nom du
boulanger. Les pharmaciens marquaient également de cette façon
leurs médicaments.
Nous laisserons de côté ce que nous disent Cicéron, Quintilieu
et saint Jérôme sur les lettres mobiles, ainsi que le procédé de
Varron, comme étant trop vagues.
COULEUR. La plupart des em-
preintes que nous avons mentionnées jusqu'à présent se faisaient à
sec, sans couleur, jamais, comme nous le pratiquons dans la typogra-
phie, en couvrant d'encre la surface des caractères pour les im-
primer en couleur sur le papier. Les anciens employaient pour-
tant aussi quelquefois la couleur pour marquer, mais différemment
que nous. A cet effet, ils se servaient de lames de métal minces,
dans lesquelles ils perçaient à jour des noms ou des signatures ;
puis, après les avoirappliquées sur l'objet qu'ils voulaient marquer,
ils passaient par-dessus un pinceau ou un tampon imprégné de cou-
leur, de manière que ceUe-ci ne marquait qu'aux places où la pla-
quette de métal était percée. Ces patrons (') étaient appelés chez
les Grecs hypogrammes; chez les Romains lamirueinterrastles, et
ils servaient à remplacer les signatures dans les actes et édits
écrits à la main ; telles sont les signatures de l'empereur Justi-
uien, celles de Théodoric, celles de Constantius du quatrième
siècle, et d'autres venues jusqu'à nous.
N'oublions pas non plus l'histoire de ce roi de Sparte, citée par
Platarque (*), fait qui à lui seul aurait pu conduire dans l'antiquité
déjà à l'invention de l'imprimerie, surtout lorsqu'on prend en con-
sidération l'état de la gravure, alors passablement avancé. « Agé-
<i)Procope, cap. V. — Tristan, Gomment, hiàt. t. III, p. 681. — Quintilien, liisl,
oral. 1, 2.
(2) Plntarque Apophth. Lacon. Agésilas, 77.
14
tout en Angleterre, Tempreinte de la sainte croix, marquée à sec
au moyen d'une bague à cacheter.
Cette espèce de signature fut ensuite dorée.
MONOGRABUHESb Les monogrammes iiirent une autre
réminiscence (*). Ce sont des espèces de chifOres qui contiennent
les lettres du nom de quelqu'un, entrelacées en un seul caractère.
Ces monogrammes, en usage pendant tout le moyen âge, em-
ployés sur les monnaies, sur les drapeaux , sur les murs et les ta-
pisseries, mais principalement dans les diplômes et édits, étaient
dans ce dernier cas appliquées de trois manières différentes. La
plus ordinaire était de les écrire avec le calamus ou la plume. On
les marquait aussi avec de la couleur à travers une feuille de métal
ou d'ivoire dans laquelle le chiffre était percé à jour; c'étaient les
hypogrammes des Grecs.
L'emploi des hypogrammes au moyen âge ne se bornait pas
seulement aux tracés des monogrammes (*) ; on s'en servait aussi
pour peindre des initiales, et on fabriquait même des livres entiers
de cette manière. Un recueil de vêpres et de vigiles reliées avec le
célèbre psautier de 1457, conservé dans le couvent de Roth près
Memmingue, en est une preuve. Ce procédé était encore en usage
dans le siècle passé ; Breitkopf a découvert , dans le chœur de
l'église des chartreux d'Erfurt, trois ouvrages grand in-folio,
peints au moyen d'hypogrammes. L'un de ces hvres est un Pro-
pnwn sanct secundum ritum s. ord. cartasiensis , de l'année 1757 ;
les deux autres sont des Oficii Temporis^ a Domiima Fctës. tisque
ad Âdventum œmcripta, avec des notes de musique, de 1758.
Dans le couvent des chartreux de Mayence, on a conservé jusqu'à
soixante alphabets découpés en patrons. Le meilleur fabricant de
ce genre de lettres, à Paris, dans les dernières années du dix-
huitième siècle , fut un nommé Malo, père et fils , qui s'appelaient
faiseurs de caractères, Malo possédait un grand nombre d'alpha-
bets en lettres capitales et en courantes, depuis la grandeur d'un
(1) J.-G. Gatterer, Diploiuatik, 1798.
(2) Fr. Tuustain et Tassin, bénédictins, Nouveau traité de diplomatique; Paris,
1750—65, 6 vol. in-4". — J. G. J. Breitkopf, Ueber dçn Ursprung der Spielkarten,
etc., etc. Leipz. 1784—4801. 2 vol. in-4'.
15
pouce et quart jusqu'au petit cicéro, ainsi qu'un assortiment
d'ornements et de vignettes très-variées.
Aujourd'hui encore on se sert de ces lames de métal percées à
jour pour paginer les livres, pour numéroter les étiquettes et pour
tracer les écriteaux.
Le dernier genre pour tracer les monogrammes (*) , au moyen
âge, consistait à les imprimer en couleur, au moyen d'une estam-
pille, sur laquelle était représenté le monogramme en relief.
Les Arabes en Espagne , si savants, si habiles dans les arts, chez
lesquels presque toute la science du moyen âge était concentré,
ne ûirent pas beaucoup plus avancés que d'autres peuples dans
les procédés d'impression et de multiplication, à en juger d'après
une remarque du célèbre orientaliste, M. Hanuner Purgstall (*),
ainsi conçue: « Vers la lin du premier volume de l'Ihathet,J'ai
'i trouvé dans la biographie du savant Aboubekr-el-Vellosi, un pas-
^ sage fort curieux sur l'art d'imprimer chez les Arabes en Es-
■< pagne. Voici le passage traduit par M. Pascual de Gayangos. TL
< composa le livre de la PerU cachée, sur les beautés A^Esthébu-
< neh (Estepone), et il composa aussi un excellent traité sur la
"■ marche du soleil et l'équilibre de la mer, et la connaissance des
' heures dans leur marche. Il écrivait en vers un Ardjouzeh, com-
• mentant les Mélaheu d'Ibn-Doreïd, et un autre Arc^ouzeh, ser-
< vaut de commentaire au livre Fassih; il dédia au vizir Aïhaquim
im livre sur les propriétés et la fabrication de l'encre et les ins-
V truments de l'imprimerie , et c'est im livre singulier par son
■< contenu. »
M. Gayangos, en envoyant cette traduction à M. Hammer, y
avait joint « l'empreinte d'une estampille arabe, un sceau en bois
qui avait été trouvé, il y a quelque temps ( 1851 ), à Almeric, et
qui, selon l'inscription , servait à la Ca/yesene de cette ville, pour
marquer les colis ou toiles qui étaient en vente, et qui sans doute
payaient im droit d'entrée. Cette estampille laisse peu de doute
qu'il ne s'agisse dans ce passage, non pas de l'art dHmprimer des
Uvres, mais bien de celui de marquer des étoffes ou d'autres ob-
jets, n serait cependant possible que dès lors l'art d'imprimer
fi) Muratorius in Anliquit. t. III, diss. 35, p. 417—118, in-8, avec figures.
(2) Journal anatiqtie, Paris, 1858; IV série, t. XX, p. 252.
10
d'uue manière stéréotype des caractères d'écriture eût été aussi
appliqué à Timpressiou de quittances d'imposition, de passeports
ou d'autres papiers oiUciels.
« Il paraît même, d'après un passage de l'ouvrage d'Ibu-al>Attar,
publié par M. Dozy ( extrait de l'ouvrage intitulé Al-HoUat-Assi-
yara, par Ibn-al-Attar, page 137), que l'impression, soit sur
étoffe, soit sui' papier, était une charge, puisqu'il en est question
dans les différentes charges dont Bedr, l'esclave de l'émir Ab-
dallah, était revêtu.
« Il écrivit les protocoles (ou bien les documents officiels) dans
« sa maison ; puis il les envoya à V impression; ils furent imprimés
« et renvoyés à lui , qui les adressa aux receveurs; ils (les papiers]
« reçurent leur validité de sa main, *
Il paraît que la gravure en bois et son emploi pour l'impression
des étoffes n'étaient point ignorés dans le quatorzième siècle.
Nous devons à M. Blavignac , archéologue et architecte de Ge-
nève, les détails fort intéressants qu'il a bien voulu nous communi-
quer sui' ce sujet. Faisant des recherches archéologiques dans le
Valais (Suisse), il trouva dans une maison de Sion un fragment de
toile de chauvi'e fort ancienne , qui porte des marques indubitables
d'une impression au moyen de planches de bois.
Cette toile , un peu jaunie par le temps, est ornée de dessins,
divisés en compartiments carrés-longs de diverses grandeurs , par
une bordure en rouge. Une partie de ces compartiments contient
l'histoire d'CEdipe , accompagnée d'inscriptions latines en capi-
tales gothiques des premiers temps. D'autres compartiments, qui
se répètent, représentent des cavahers combattants, et la plus
grande division contient une danse d'hommes et de femmes.
Le dessin de toutes ces figures humaines, des chevaux et des
chiens qui y sont représentés est bon , et offre même une certaine
grâce. Les vêtements blasomiés , les manches fendues, et le gem'e
des ornements qui se trouvent enti'e les figures , indiquent, selon
M. Blavignac, le commencement du quatorzième siècle.
Chaque compartiment, portant un numéro d'ordre, forme une
planche de bois séparée , sur laquelle les figures et les inscriptions
ont été creusées en plein, excepté les détails de l'intérieur des
figures qui ont été réseiTés de manière qu'après l'impression , les
17
•
figures sont en silhouettes blanches, formées par Pétoffe même,
tandis que les détails, Tindication du visage, les plis des vête-
ments et les fonds sont imprimés en noir.
Les divisions qui séparent les compartiments entre eux , sont
composées de deux petites bordures , entremêlées de médaillons
coatoomés , contenant diverses figures fantastiques ou des bustes ;
elles sont imprimées en blanc sur un fond rouge vermillon. Ces
bordures sont composées par des planches séparées qui se répè-
tent alternativement , et dont il y en a une qui a été imprimée , par
inattention , en sens inverse. Voilà bien la preuve d'une impres-
sion ; il y en a d'autres encore , c'est qu'en plusieurs endroits , et
surtout à une des planches de compartiment mal ajustées , le fond
noir couvre une partie de la bordure rouge.
Ainsi, en l'estimant du commencement du quatorzième siècle,
cette toile imprimée serait un objet d'un haut intérêt historique, et
elle présentera le premier exemple de gravure sur bois destinée à la
multiplication, et le plus ancien exemple d'impression sur étoffe,
si nous étions assuré de la date de sa confection.
Voilà en quoi consistaient au moyen âge les moyens qu'on avait
pour reproduire et pour imprimer. Nous ne pouvons donc pas
constater un progrès dans cette période de mille ans.
Le moment ne paraissait point encore venu de ces inventions si
belles, si nombreuses et si fertiles pour l'échange réciproque de
la pensée et de l'imagination.
Le caractère des religions de l'antiquité et les formes de gouver-
nement, l'usage de vivre hors de chez soi, de traiter les affaires
politiques et commerciales sur les places ou dans les édifices pu-
blics, de pratiquer même les sciences et les arts en commun, si
particulier aux nations de l'antiquité , sont les causes principales
pour lesquelles ces peuples pouvaient se passer de moyens de
communication plus complets, lesquels sont devenus tout à fait
indispensables aux nations modernes.
Les querelles sanglantes du moyen âge , qui ébranlèrent la so-
ciété jusqu'à ses bases, en menaçant continuellement la vie et la
propriété des individus, les débats religieux interminables et hai-
neux, la vie oisive dans les monastères qui possédaient exclusi-
vement le monopole de la culture des sciences et des arts, enfin les
18
»
ténèbres profondes qui couvraient, comme un voile, la vie intel-
lectuelle , tout cela était peu propice à l'échange mutuel et libre
des idées , échange si nécessaire pour faire éclore de nouvelles
inventions , et pour encourager les progrès et les perfectionne-
ments.
IV
TEÛIPS MODERNES
Lorsque, à la suite de l'envahissement de l'empire grec et
de la conquête de Constantinople par les Turcs , les hommes de
science et d'art, ftiyant devant ces hordes barbares et fanatiques,
transplantèrent leurs demeures et leur savoir de l'Orient en Occi-
dent, ils y trouvèrent quantité de gens avides de profiter de leurs
lumières.
Dès lors le goût des études, surtout celui de la littérature
et des langues anciennes se répandit rapidement, de nouvel-
les idées se firent jour; un besoin inquiet, ardent de s'instruire,
s^introduisit partout dans la société, la civilisation commença
à rensdtre.
Toutefois le progrès était lent; l'effet à peine sensible. On
était arrêté partout , on heurtait maintes difficultés , on rencon-
trait des obstacles à chaque pas qu'on désirait faire en avant; la
pénurie des moyens de propagation des connaissances humai-
nes ressortait en toutes choses davantage; on sentait enfin le
pressant besoin de quelque mode de communication de la pen-
sée qui pût marcher avec elle une fois devenue plus laborieuse ;
qui vînt en aide au développement rapide de l'intelligence ; qui
fût capable de reproduire, de multiplier et de répandre plus
activement les idées au moyen de l'écriture et du dessin.
Le temps de cette découverte était donc venu ; la gravure sur
bois et sur métal fut d'abord inventée, l'imprimerie vint ensuite.
L'invention de ces arts, surtout celle de l'imprimerie, fut,
19
après le christianisme et l'écriture , le plus grand bienfait pour
Hiumanité.
Ce que Pimprimerie était pour les sciences , la gravure Pé-
tait pour les arts ; toutes les deux exercèrent une influence
immense et salutaire sur la civilisation des peuples.
Les ténèbres du moyen âge diminuèrent sensiblement, en rai>
son de la plus grande rapidité avec laquelle se répandaient les
lumières de la religion et de la science. Les mœurs s'adouci-
rent; des écoles publiques, des universités, des bibliothèques
se fondèrent partout; l'enseignement et l'étude des sciences, de
la littérature, des arts, devinrent plus universels, grâce à ces
institutions , aux ouvrages imprimés et aux œuvres d'art repro-
duites par la gravure.
n ne fallait plus des années d'attente pour la copie d'un manu-
scrit. A peine conçue et écrite, la pensée tombait dans le domaine
(lu graveur. Celui-ci , en transformant cette écriture en caractè-
res d'impression , l'ornait d'initiales enjolivées , de sujets artis-
tiques qui mettaient en lumière le sens du texte; et, en le ren-
dant plus clair, le rendait aussi plus populaire; en sorte qu'en
quelques mois, en peu de semaines même, l'imprimeur avait
multiplié par des milliers d'exemplaires cette reproduction de la
pensée écrite.
On conçoit quelle panique devaient éprouver les obscurants;
quelle joie au contraire pénétrait ceux qui cherchaient à ré-
pandre le flambeau de la vraie religion et des sciences. La lutte
entre eux fut violente , longue ; elle dure encore*
Néanmoins , l'imprimerie et la gravure nous sont acquises et
ne périront point.
PRÉLIMINAmES DE LA GRAVURE ET DE
L'IMPRIMERIE
Cependant aucun de ces arts ne fut découvert tout d'un coup ;
^ ue sortirent point d'un seul jet de Pimagination.
Les préliminaires en furent nombreux, et les signes précur-
seurs de nature très-diverses. Il convient de les connaître. Exami-
20
U0U8 avant tout les matériaux qui servaient alors pour écrire et
pour dessiner, et les changements qu'ils ont subis dans la suite :
BIATÉRIAUX POUR ECRIRE ET POUR DES-
D'abord, avons-nous dit précédemment, on eut pour
écrire, et dès la plus haute antiquité, outre les tablettes de cire,
le papyrus (*) , espèce de papier fait de l'écorce et des peUicules
adhérentes d*un roseau qui croît sur les bords du Nil
Dès le huitième et le neuvième siècle, le parchemin, connu
déjà très-anciennement , lui fit concurrence (*).
Presque en même temps le papier de coton vint
augmenter cette concurrence , et l'on fixe au onzième siècle l'é-
poque où le papyrus fut remplacé tout à fait par ces deux nou-
velles productions. Toutes les trois étaient d'invention orientale.
Les procédés employés pour la fabrication du papier de coton
conduisirent bientôt à la découverte du papier de chiffon de lin
ou de chanvre, ces deux plantes étant cultivées généralement
dans l'Occident, comme le coton l'est dans le Levant.
On fait remonter au douzième siècle le premier usage du papier
de chiffon; mais le plus ancien exemple de ce papier ('), portant
la marque de la fabrique , ne date que de 1320. C'est un compte
conservé dans les archives de la ville d'Augsbourg (Bavière).
Dès cette époque le papier de chiffon, d'invention tout occi-
dentale, fut préféré à toutes les autres matières, excepté au
parchemin , qui servait toujoiurs pour les actes publics et les ou-
vrages importants.
Après qu'on eut établi des fabriques de papier de chiffon, dès
le treizième siècle , ce papier devint accessible à un plus grand
nombre de personnes, et facilita déjà la multiplication des ouvra- .
ges favoris ou recherchés.
Le papier de chiffon était toujours très-bien collé, et on l'em-
ploya dans cet état encore assez tard dans l'imprimerie. Ce ne ftit
(i) Gabriel Peiguot, Essai sur l'hisl. du parcheiiiiii, etc. Paris, 18il2, iii-8*.
(2) Pergameiius , raembrana (Pergamena), inventé par Eumenes de Pergauie. —
Plin. 13, li, 21. Isidore, VI, 12.-Pline, Hist. nat. XIII, H , 21 .—Isidore orig. VI. 12.
(3) Théod. Herberger. Augsburg's frulie Industrie, 185à, p. 17.
21
qu'au seizième siècle qu'on commença à imprimer sur du papier
non collé (*).
L'invention du papier vélin est attribuée au père de Montgol-
fier, inventeur du ballon.
Le papier mécanique ftit inventé en 1798 par un ouvrier d'Es-
sonne, nommé Robert, mais cette fabrication ne fut pratiquée en
grand que vers 1815.
On doit à un des fils de Pierre-François Didot l'exécution de la
machine à papier sans fin, dont l'idée première appartient à Ro-
bert; mais qui ne put être exécutée qu'en Angleterre , par la per-
sévérance de Didot et les énormes dépenses que MM. Foudriner
y consacrèrent pendant dix années d'essais infructueux.
L'usage d'employer le vieux papier ou les rognures pour en
fabriquer de nouveau est très-ancien; il était pratiqué à Sais, en
Egypte , et n'était probablement point un secret pour les fabri-
ques postérieures de l'Afrique et de l'Europe. On faisait à Tré-
^ise, en 1366, du nouveau papier avec des rognures.
Mais du papier sur lequel on avait écrit ou imprimé, on ne sa-
vait faire en Europe que du carton. Plus tard on a cherché aussi
à utiliser le papier perdu par l'imprimerie, en lavant ou efiiaçant
ce qui était imprimé (*).
Le professeur Elaproth, àGottingue, avait fait, en 1774, une
invention de ce genre. L'an 2, on publia à Paris ( Journal des Arts
etManufactures, n"*?) une instruction pour la refonte du papier
imprimé et manuscrit, mais les procédés n'ont pas été essayés.
Depuis 1800 il existe à Bermondsey, en Angleterre , une" fabrique
où la refonte est traitée en grand et avec beaucoup de succès;
la consommation annuelle est de 700 tonnes ( 1 million 400,000 li-
vres) de vieux papier.
En 1854 , M. C. Acher ('), en Angleterre , a découvert une mé-
thode par laquelle il peut traiter tous les papiers salis par quelque
genre d'impression que ce soit, et leur rendre leur netteté pre-
mière.
iV) Fréd. Metz. Gescb.des Bucbhandels, etc. Darinst. 484, p. iSR. — Tiraboschl,
• cp. 78. — Murr, Litteratur und Knnst, journal, 2" Theil, S. 96.
lîiiournal œcoii. 1785, 3a3.
'3) Cosmos, journal; Pans 1854.
22
Cependant, la rareté toigours croissante des matières propres
à la fabrication du papier, rendait nécessaire la découverte de
nouvelles substances propres à cet usage , surtout en considérant
que la consommation qui se fait depuis quelque temps est im-
mense , et qu'elle tend encore à augmenter.
On avait employé d'abord le coton , mais on ne se le procure
qu'avec peine ; la paille est aussi une des premières substances
que l'on a essayé de substituer aux chiffons. M. Schinz est par-
venu à faire, avec de la paille de blé, de très-beau papier blanc.
Le journal Wcekly-Times , en Angleterre , était imprimé autrefois
siu* papier de paille.
L'Allemand Schœffer épuisa presque toutes les matières qui se
trouvaient à sa portée; il publia, en 1772, un résumé de ses tra-
vaux , où l'on ne trouve pas moins de soixante échantillons de pa-
pier fabriqué avec différentes substances. U fit du papier avec
l'écorce du saule , du hêtre , du tremble , de l'aubépine , du til-
leul, du mûrier; avec le duvet des asclépiades, les chatons du
peuplier franc , les vrilles de la vigne ; avec les tiges de l'ortie , de
l'armoise commune , du genêt des teinturiers , du chardon , de la
bardane, de la bryone, de la clématite, de l'osier fleuri, du lys ;
avec des tiges de chou, des pelures de pomme de terre, de la
mousse , des copeaux de menuisier , de la sciure de bois. Il a fabri-
qué un papier d'emballage très-fort d'une substance cotonneuse
de la pomme de pin; et avec la pomme de terre elle-même un
excellent papier à dessin, lisse et doux au toucher.
On a essayé ces derniers temp^ plusieurs autres substances;
telles par exemple que la paille de froment et de riz , l'écorce de
plusieurs autres plantes filamenteuses. Les essais ont été infruc-
tueux. M. Henri Bouchet (») en faisait en 1839 avec des feuilles
de maïs. M. V. Desgrand fut patenté en 1838, à Londres , pour la
fabrication du papier de bois et de roseau. MM. Laroche , Jou-
bert et Domergue (■), en 1845, ont fait des recherches surtout sur
des plantes qui croissent dans les marais, dont la culture n'exige
pas de frais, et qui sont produites par des terrains à peu près
stériles ; tels sont les joncs et les roseaux. Les inventeurs, en se
(1) L'écho da monde savant; Paris, janvier 1839.
(2) Idem NM5, mars 1845.
23
servant de ces plantes , ont obtenu un papier plus nerveux , quoi-
qu'il n'y entre qu'une très-petite partie de chiffon.
Entre beaucoup d'autres découvertes de ce genre (*), nous men-
tionnerons encore celle de M. Andrews , de Montréal , aux Etats-
Unis, qui emploie l'immortelle à la fabrication du papier. Tout
récemment on a pu examiner en Angleterre des spécimens d'un
nouveau papier fabriqué avec des fibres du bananier des Indes
occidentales , le musa paradidaca. Les qualités en ont été re-
connues supérieures, et il peut être livré à meilleur marché que
le papier de chiffon.
On a trouvé en Algérie (*) deux substances susceptibles de four-
nir un bon papier : l'une est la feuille du palmier nain, l'autre est
l'alpha ou la sparthe , sorte d'herbe dont on se sert comme d'un
fourrage.
Dans ces derniers temps on a fondé à New- York une manufac-
ture poiu* fabriquer du papier avec de la sciure de bois et des
copeaux. Les expériences ont donné de très-beaux résultats; on
estime qu'en évaluant la sciure à environ 5 dollars la tonne de 2000
livres, le prix du papier pourra subir une diminution de 20 pour
cent Les bois employés sont le cèdre blanc ( cupressus thyoïdes),
le cotton-wood (populus), le cypriset le tamarc (parix ameri-
cana, mélèze d'Amérique). Il y a trois qualités plus ou moins
bonnes de papier Basswood ( TiUa Americana ).
On se propose de pubHer un journal d'Albany sur du papier
de cette fabrication. MM. Piette et Planche fabriquent du papier
de paille pure, qui est excellent et presque blanc. Ils ont fait
imprimer sur ce papier le Journal du fabricant de papier pour
l'exposition universelle de 1855.
APorto-San-Stefano, en Toscane , une société franco-italienne,
après avoff retiré l'alcool de l'asphodèle , fabrique du papier et du
carton des déchets de cette plante. M. d'Oliveira Pimontel, pro-
fesseur à l'école polytechnique de Lisbonne , a essayé de fabri-
(luer du papier d'agave ou de pitte (improprement appelé aloës)
à la mécanique. M. Vœlter fils, à Heidesheim, dans le Wiutem-
(<) U LuDiière, journ. héliograph. Paris, n» 44, 4854.
® Voyez La Science, journal quotidien publié sous la direction de M. Auguste
WniD, et dont le premier numéro a paru le 14 mars 1855.
24
berg , livre du papier composé de 70 pour cent de paille , de 20
de chiffon et de 10 de kaolin ; d'autres de 35 pour cent de sapin,
de 15 de coton de couleur et de 50 de coutil (lin). Son papier à
lettres, très-convenable, se compose de 20 pour cent de bois de
tremble, de 20 de coton blanc et de 60 de chiffons grossiers.
M. Frontin aîné, de Majoulany (Lot-et-Garonne), a produit un
papier nouveau qu'il appelle pen^iju/ifie, parce qu'il entre dans la
fabrication de la pâte cinq plantes différentes , dont l'une est le
topinambour. Enfin MM. Louvié et Yelii convertissent en papier
d'abord le lin , ensuite le phormium tenax, le sparthe d'Afrique,
le pin , le bananier, le jonc de France, le tilleul, l'agave et le pa-
pyrus de Syrie. M. Jobard a fait des essais pour faire du papier
de crottin de cheval.
Il paraît cependant qu'on n'est point encore parvenu à un résul-
tat assez satisfaisant; puisque les propriétaires du journal le Times,
de Londres, M. Jobard, au nom du Musée d'Industrie de Bruxel-
les, et la Société Industrielle de Mulhouse, ont offert, les uns
25,000 francs , l'autre 50,000 francs , et la dernière une médaille
d'or et une somme de 4,000 francs pour la découverte d'un pa-
pier fabriqué avec des substances peu coûteuses et pour une en-
cre indélébile.
Néanmoins, on fabrique maintenant une quautité énorme de pa-
pier, et nous sommes loin de cette pauvreté dont le quinzième siè-
cle avait à souffrir; quelques rapprochements le prouveront.
Les plus anciennes fabriques de papier (') établies en Europe da-
tent du onzième siècle; ce furent celles de Xativa, de Valence et
de Tolède en Espagne; celles de la Sicile, mais limitées à une ou
deux tout au plus; lesimes et les autres furent établies dans le
commencement du douzième siècle par les Arabes. Les moulins à
papier de Fabriano^ du marquisat d'Ancône , qui existent depuis
1340 emiron , furent les premiers moulins à pilons hydrauliques :
auparavant ou se servait de moulins à bras. On y fabriquait plu-
sieurs sortes de papier de coton et de chiffon, dont chacune avait
sa marque particulière. Les autres papeteries de l'Italie, celles de
(i) Voyez sur tout ce qui suit: J. G. E. Breitkopf, Ueber den Ursprung der Spiel-
karten, etc. Leipz. 2 vol. 1784 et iSOi.— Fr. Metz, GescJiichte des Buchbandeis,
harmst. 1834. — Mnrr, Merkwurdijçkeitpn der Stadt Nurenberg, 1778, p. 678.
25
Trévise, de Padoue et de Foligni, ne fleurirent qu'au seizième
aècle. Troyes et Essone sont les villes de France qui eiu'ent les
premières manufactures de papier, vers 1340; en Allemagne ce
fat à Nuremberg que le sénateur Ulmann-Stromer établit en
13901e premier moulin à papier, à dix-huit pilons , pour la fabri-
cation du papier de chiffon.
Maintenant il n*y a plus de fabriques en Sicile , ime seulement
dans les Etats-Romains, une dans la Toscane, et 17 marchent en
Espagne (*); mais l'Allemagne , y compris l'Autriche et le Hano-
vre, compte plus de 1400 fabriques de papier, dont 320 machi-
nes, et 1600 cuves. Ces fabriques produisent un million 60 mille
quintaux de papier et de carton, dont les trois cinquièmes sont
faits par des machines ; la Bavière seule possède 180 fabriques
de papier avec 15 machines et 250 cuves; en Prusse, il y a 20
machines qui ne sont destinées qu'à la production du papier
de paille. La Russie possède 177 moulins à papier d'un revenu de
3 millions 928,976 roubles, et qui occupent 14,942 ouvriers.
Suivant un mémoire de M. Firmin Didot , la febrication du pa-
pier en France, dans l'année 1852, s'élevait à 45 millions de kilo-
grammes, dont 30 de papier blanc, et 15 de papier-tenture,
de carton et autres. Aujourd'hui elle s'élève à 52 millions de kilo-
grammes environ, dont Paris seul absorbe 5 milhons et demi de
kilogranunes de papier à écrire ; 2 et demi pour les journaux :
2 et demi pour l'administration publique ; 4 et un tiers pour la li-
brairie; 3 millions pour carton, etc.; ce qui fait un total de 25
millions. Il y"a 210 machines et 250 cuves.
En 1843, on comptait à Paris 75 manufactures de papier, qui
occupaient des milliers d'ouvriers. En 1839, on évaluait les pro-
duits de la fabrication des papiers-tentures à 14 millions de
francs. Le papier peint se vendait en rouleaux de 9 mètres de
longueur sur 50 centimètres de largeur. Depuis l'introduction du
papier mécanique , la largeur varie de 50, 100 à 150 centimètres.
En 1851, M. Joynson, le célèbre fabricant de papier à écrire, de
Saint-Mary, MM. Cray et Spicer exposèrent un rouleau de pa-
pier de 2,500 yards de longueur, sur 1"*,16 de largeur; ils dé-
l^J AHgsburger AbendzeitUDg, octobre 1854, sur l'exposilion de Munich.
i
26
montraient ainsi la perfection du mécanisme an moyen duquel la
bouillie aqueuse , coulant sans interruption , se trouve convertie
à l'extrémité de la machine en feuille continue de large papier
écolier , sec et prêt à être employé.
La quantité de papier fabriqué dans la Grande-Bretagne , avec
322 machines et 266 cuves, dans les cinq années 1830 — 1884,
inclusivement, a été en moyenne de 70,988,181 livres par an.
Dans les cinq années 1849— 1853 elle s'est élevée à 151,284,170
livres par an. La production de l'année 1853 a été de 177,683,000
livres. Dans la seule papeterie de M. Crompton , la fabrication
annuelle dépasse 1,400,000 kilogrammes.
Cela ne par£dtra plus étonnant si l'on considère le nombre
immense de pubUcations et d'imprimés , sans parler du papier à
écrire, et en particulier que le journal VlUustraâed London
News s'imprime à 130,000 exemplaires par semaine; que le Fa-
w%-IZeraW, journal à 10 centimes, se vend jusqu'à 240,000
exemplaires par semaine , et le LondtmrJowrncd à 510,000 exem-
plaires , soit 26,000,520 feuUles par an pour ce seul journal.
Le Times tire chaque jour 50,000 exemplaires, et, dans les
occasions extraordinaires , ce chiffire s'élève à 70,000. Le papier
fourni par les trois établissements qui alimentent cette énorme
consommation, pèse 82 livres la rame. Or, 60,000 exemplaires
font 240. rames, pesant 19,680 Uvres. En supposant les feuilles
déployées et empilées les unes sur les autres, on aurait une co-
lonne de papier de 50 pieds de hauteur, et l'approvisionnement
de 8 jours s'élèverait au niveau du dôme t!e Saint-Paul (Qt«a<er2jy
Eemew).
En Australie, un seul journal de Victoria tire 12,000 exem-
plaires par jour.
Mais mille part on n'emploie autant de papier qu'aux Etats-Unis.
La France, avec 35 millions d'habitants, ne produit annuellement
que 70,000 tonnes de papier, ce qui ne donne que quatre livres
par tête ; l'Angleterre, avec ses 28 milhons, produit 66,000 tonnes,
soit quatre livres et demie par tête ; la production américaine peut
être évaluée à peu près au chiffre des productions réunies de la
France et de l'Angleterre, sans qu'il en soit rien exporté, ce qui
représente, pour 20 millions d'Américains libres, une consomma-
27
lion aonnelle de près de treize livres et demie par tête. Cette diffé*
reDce ne peut s'expliquer que par ses institutions libérales, par la
circulation des journaux, et le ^and usage de livres dans les
écoles ordinaires (*).
L'industrie du papier est une de celles que les Chinois pra-
tiquent depuis très-longtemps, et qu'ils ont le plus perfectionnée.
Ds fabriquent des papiers de bambou, du mûrier, de coton et de
moelle d'arbre ; M. Stanislas Jub'en a publié la traduction des pro-
cédés chinois. L'exportation de papier de Chine de toute espèce,
a été, en 1845 à Canton, de 150,822 kilogr. et de 199,661 francs.
Depuis 1839 on fabrique aussi en France du papier de Chine à
l'usage des imprimeurs (• ).
PLUMES A ECRnUSa Pour écrire sur le parchemin on em-
ploya, an moyen âge comme dans l'antiquité (^), le pinceau ou la plu-
me, connue sous le nom de ccdame (kalamos, chaume). Les calâmes
dltalie étaient noueux et spongieux. Les meilleurs venaient de
Gnide ou des environs du lac Anaïtique en Asie, ou de l'Egypte ;
ils étaient forts comme les grosses plumes de l'aile d'une oie,
bruns, fermes et luisants quand ils étaient secs. L'espace entre
deux nœuds avait à peu près 35 centimètres de long, et le haut
en était fendu et taillé comme nos plumes {*).
Les plumes d'oie ne remplacèrent le calame que vers le hui-
tième siècle, quoique Isidore {% évêque d'Espagne, mort en 636,
en fasse déjà mention. Ajoutons par anticipation, comme nous l'a-
îons j^t pour le papier, que les plumes métalliques furent propo-
sées en 1750 par le mécanicien français Amoux; mais l'usage ne
s'en est propagé que de nos jours. C'est au conunencement de
notre siècle, en 1801, que M. Berthelot présenta ^ l'exposition
des plumes composées d'un alliage d'argent. Depuis cette époque,
on a employé des matières très-diverses pour la fabrication: l'or,
l'argent, le cuivre, différents alliages, l'acier et le fer galvanisés.
't) Tribune de New-York, 13 oct. 4853.
lî) Voyage en Chine, etc. par M. A. Hausmann, Paris, 1848.
f3)Pline, XVI. 36,
(4) i. Winckelmann, M. der Herkulanisch. Rndeckungen» S. 46.
«Silsidor Origen. 1. VT, c 13, p. 132.
28
On a même fait des plames en corne, en écaille, en caoutchouc
durci et en gutta-percha. Ces derniers temps, on parlait de l'in-
▼ention faite en Autriche (*) d'une plume mécanique, avec laquelle
on pourrait tracer dix mille si|;nes d'écriture, sans la tremper de
nouveau dans l'encre.
L'encre employée pour écrire, au moyen âge et plus
tard, était de compositions et de couleurs variées. H y avait l'encre
rouge, qui figurait généralement aux titres des livres et chapitres:
de là le nom de rubriques (rubrica, de ruber, rouge ). H existait à
Orléans une charte de PhiUppe I*' de 1090, écrite en encre verte.
Les empereurs signaient avec de la pourpre tirée du murex.
L'encre d'or et d'argent ne fut guère employée que pour écrire
sur du parchemin coloré, du vélin pourpre, et l'ou ne rencontre
que rarement des manuscrits écrits tout à tait en or ou en argent-
Nous citerons le fameux manuscrit connu sous le nom de Codex
argentem (le manuscrit d'argent ('), soigneusement conservé dans
une boite fermée à clef à la bibliothèque d'Upsal. Il contient la
traduction en langue gothique d'une portion de la Bible ; traduc-
tion faite au quatrième siècle par un évêque arien, le Goth Ulphilas-
Ce manuscrit est écrit en lettres gothiques ( dites d'ITlphilas), or-
dinairement argentées, sur parchemin violet. Les initiales et
quelques passages sont en or.
Ceux qui écrivaient en lettres d'or, au moyen âge, ûirent dési-
gnés par le nom de Chrysographes ( du grec chrysos, or ). Leur
secret s'est perdu. Un ancien calljgraphe d'Upres en France^
annonçait en 1844 avoir retrouvé l'art de la chrysographie en
reUef ; il parait que son procédé, qui n'est pas connu, consiste à
tracer le dessin d'abord à l'aide d'une pâte fluide, qui garde son
relief en séchant, puis, à dorer en feuille cesreliefe, et à les brunir.
Mais l'encre noire était d'un usage universel pour les manu-
scrits et les chartes. Déjà les anciens, suivant Pline ('), se servaient
de l'encre à écrire (atramentum librarium), faite de noir de
fumée, tirée de la suie que donne la poix-résine, et mêlé avec de
li) Gazette de Trieste; Journal de Francrorl. if^.
(2) J. J. Ampère. Esquisses du Nord ; Paris. 4K.S8.
(3) Pline XIII, 21-27; ibid. XXVII, 28.
29
la gomme; on y ajoutait quelquefois du suc d'absinthe ponthique
pour éloigner les souris des livres écrits.
Le moine Théophile (* ) au douzième ou treizième siècle, nous
domie la recette pour la fabrication de l'encre noire employée
alors. C'est une décoction de l'écorce du bois d'épine coupé avant
la floraison, à laquelle on ajoute un tiers de vin au moment où
elle commence à s'épaissir. Ensuite on la laisse sécher au soleil après
l'avoir purifiée de la lie rouge. Lorsqu'on veut s'en servir, on la
iiût détremper dans du vin sur le charbon allumé , en ajoutant un
peu de noir (carbones).
L'encre des anciens et celle en usage au moyen âge n'étaient
pas aussi liquides que la nôtre; et appliquée sui;^le papyrus, le
parchemin ou le papier, alors très-collé , elle formait souvent un
certain relief, qui a donné lieu à la conjecture erronnée que ces
écritures étaient dues à une sorte de procédé typographique (*).
L'acide gallique, qui entre dans la composition de l'encre en
usage aujourd'hui , n'a été découvert qu'en 1736 ('), par Scheele,
et de cette époque date peut-être son emploi dans la fabrication
de l'encre.
CRAYOUSb Des lignes tirées avec des pointes de plomb se
rencontrent dans des manuscrits qui remontent au onzième siècle ;
auparavant, on les traçait avec un style en fer (*).
Mais il n'est fait mention du véritable crayon, composé d'une
baguette de graphite enchâssée dans du bois, qu'en 1565. C'est
dans l'ouvrage sur la minéralogie de Conrad Gessner (*), de Zu-
nch, que se trouve la première description et un dessin du
crayon.
lilTheophili presbyterï et iiiuiiachi Lib. 111 seu Uiversum urliuui schedula; Irad.
•"n français par le comte Gh. de l'Ëscalopier, chapitre XLV; Paris, iii-4*.
'2) Voyez par exemple, dans les esquisses do Nord de M. J. J. Ampère, sm* le co-
<^ argeoteus.
<3) Traité de chimie élémentaire par le baron L.-J. Theuard.T"* édition. Bruxelles,
-Chimie appliquée aux arts par Ghaptal, t. IV, p. fl'S.
'4) De Jorio, offlc. de papyr. pag. 38.— Le nouveau traité de diplomatique des bé-
I^IGonradi Gesneri de rerum fossilium lapidum et gemmarnm, etc. Turici, 1565.
"»-folio,pag.i04.
30
Le minéralogiste Csesalpinus , à Rome (1596), en fait également
mention. Ferrand Imperata, à Naples (1599), nomme ce minéral
grafio pwmbifio , et dit qu'on s'en servait pour en fedre des crayons
et des creusets.
Cependant, au dix-septième siècle . le crayon était encore très-
peu connu. L'Anglais Merret(*), en 1667, nommait cette substance
nigrica fdbrilis^ parce qu'elle n'avait point encore de nom latin,
et qu'elle était une nouvelle découverte; et J.. Pettus, en 1683,
nous apprend que les crayons faits de cette substance étaient en-
châssés dans du bois de sapin ou de cèdre.
Plus tard, les Anglais appelaient cette manière Bîcuik lead.
Kellow ou Killow, et Wadon Wadt, noms qui désignent sa cou-
leur noire. La qualité inférieiure est nommée PotJoot (dont les
Français ont faitPotélot) , mine de plomb, le molybdène sulfuré des
chimistes modernes.
Dans le Dictionnaire de l'industrie, Paris, 1795, il est dit que
les crayons d'Angleterre se fabriquaient avec du molybdène réduit
en poudre et reformé en pâte avec de la colle légère de poisson.
Le molybdène a été longtemps regardé comme une mine de
plomb , et souvent confondu avec le graphite , qui lui ressemble
par les caractères extérieurs. Le graphite est nommé par les mi-
néralogistes /ercar&Mré, carbone oxidtdé ferrugineux , percarbure
de fer, etc., etc., et improprement dans le commerce plombagine
ou mifie de plomb.
Les crayons se fabriquent avec du graphite scié en longs paral-
lélipipèdes à bases rectangulaires , que l'on enchâsse dans des cy-
lindres de bois de cèdre , de cypf-ès ou de genévrier.
Les débris , réduits en pâte, et mélangés de sulfure d'antimoine,
sont coulés dans de petits cj^lindres de bois, et servent de crayons
de qualité inférieure ou de crayons de menuisiers.
Eemarquons ici un fait curieux, c'est que, lorsque nous écri-
vons avec un crayon, nous avons entre les mains les parties carbo-
nisées des algues et des fucus primitifs, les premières plantes qui
couvraient les profondeurs de la mer il y a quelques milliers d'an-
(i) Merret, Piiiux reruin iiaturalium ; Loudun, 1667, in-8".— J. Pettus, Flete miuor,
1683.— Joli. Beckmaim, Beitrâgc zur Gosch. der Eriindung. Leipz. in-8*. 1790, III
vol.— Diclion. de la conversation; Paris, 1836, tom. 30, etc.
81
nées. Les fragments des algues, arrachés du fond des océans,
accumulés en masses énormes par les vagues de la mer, furent
plus tard carbonisés par les révolutions volcaniques , et forment
maintenant des gisements d'anthracite et de graphite (*).
Le graphite est, en conséquence, surtout abondant dans les
formations primitives , ainsi que dans les terrains houillers , prin-
cipalement dans le Cumberland , où gît cette belle couche de gra-
phite qui fournit les crayons anglais les plus parfaits (mines de
Boroughdale, qu'on dit épuisées maintenant).
La fabrication des crayons fut longtemps le monopole exclusif
de l'Angleterre. En 1809, elle rapportait encore à ce pays plus de
90,000 livres sterling. Mais , par suite de la concurrence que lui
font les £eibriques de France , de la Bavière et de l'Autriche , la
febrication anglaise a beaucoup diminué. En 1847 on annonçait la
découverte d'un énorme rocher de graphite de la meilleure qua-
lité, faite par M. Albert, Finlandais, dans la chaîne des monts
Sajan en Russie , près de la frontière de la Chine.
C'est en 1795 que le Français Conté , pour rivahser avec l'An-
gleterre, inventa le crayon artificiel, noir mat, composé d'un
mélange de graphite'réduite en poudre fine et d'argile. Ce crayon,
comiu sous le nom de crayons Conté, a principalement ser^i pour
W dessin, mais il est presque abandonné aujourd'hui, et remplacé
par une autre espèce de crayon appelé pierre d^ Italie ou (VEs-
pagne. C'est un schiste argileux très-doux, très-fin , imprégné na-
torellement de graphite (*). On imite cette composition naturelle
par un mélange de graphite et d'alumiue. Il y a quelque temps, on
se servait de crayons composés de graphite et de matière grasse ,
et qui étaient connus sous le nom de palette de BtibenSj probable-
ment parce que les ombres produites par ces crayons sont très-
vigoureuses, semblables en quelque sorte au coloris de ce maître:
peut-être aussi parce que le fabricant (à Paris) , a pour enseigne :
à la "palette de Bubens.
On craignait toujours que les crayons naturels allaient peu à
peu dispai'aitre , à cause de l'épuisement des mines , mais gi'âce à
H) PlV. Dr. Kleiike, die NalunvissenschalU'u dor ielztcn 50 Jahre. uiid ihr Eiiitlu!>s
aof das MciiscUenlebeii ; Leipz. 1854, iii-8».
12} Communiqué par M. Pyrame Moriu, de Gunèvc
32
l'iugéuieuse iuventiou de rAugiais Brokedone , par laquelle il re-
coustitue en comprimant dans le vide la poussière de graphite
assez fortement pour en créer de véritables pierres, et grâce à la
découverte importante de M. Brodies, qui consiste à épurer les
mines les plus grossières, l'existence des crayons naturels parmt
assurée pour longtemps encore.
Les premiers crayons paraissent être venus dltalie. Les peintres
italiens se servaient au commencement, pour leurs dessins, du
fusain ; ensuite, d'un mélange de plomb et d'étain qu'ils appelaient
sUle; puis ils employèrent de la craie rouge ou rubrique , matita'
rossa, et la craie noire, inatitanera, et finalement le véritaJ[)le
crayon, qu'ils nommaient depuis le dix-septième siècle Lapio
pùyihbino, ou simplement matita. (Le mot crayon vient de craie,
tiré du latin Creta, qui est aussi le nom de l'île de Crête, aijgour-
dliui Candie , où cette pierre se trouve en abondance.)
Les anciens maîtres en peinture, outre \estî/le depUmh ou d'ar-
gent, employaient beaucoup pour le dessin la plume et le pinceau,
avec lesquels ils exécutaient des dessins sur papier tinté, nommés
dessins en camaven, genre qui facilitait incontestablement la trans-
formation en gravure sur bois et sur cuivre, fl y a quelques années
qu'on a remis en vogue les dessins au fusain et au pastel. On se
sert aussi du crayon lithographique pour faire des dessins sur
papier.
Les dessins au pastel ou au fusain s'altérant facilement, on a
cherché à les fixer sans leur faire perdre leur fraîcheur. M. le
marquis de Yarenne a trouvé un moyen aussi simple qu'ingénieux
en vernissant ces dessins à l'envers , c'est-à-dire en étendant sur
là face postérieure-du papier une dissolution alcoohque de gomme-
laque blanche. Cette dissolution pénètre le papier et s'introduit
par la capillarité jusque dans les molécules du dessin, placé de
l'autre côté; l'alcool s'évapore rapidement, de telle sorte qu'en un
instant toute cette poussière si légère de pastel ou de ftisain est si
bien attachée, si adhérente au papier, que le dessin peut être
roulé et frotté sans s'eflfacer. Voici les proportions de la dissolu-
tion: on fait dissoudre dix grammes de gomme-laque ordinaire
dans cent grammes d'alcool; on décolore ensuite la hqueur au
moyen du charbon animal ; on peut même employer la teinture
33
toute Êûte de laque blanche au sixième, en y ajoutant deux par-
ties d'esprit-de-vin rectifié. Après avoir filtré, il suflSt d'étendre
ane couche de Tune ou de l'autre de ces dissolutions avec un pin-
ceau derrière le dessin , pour lui donner toute la solidité désirable.
C'est aussi de cette dissolution que se servait Pabbé Soula-
croûc (1839), pour fixer des dessins exécutés à lafwmèe Wwtie hou-
.^i€, sor lesquels il faisait quelques touches de sépia, en enlevant
^blancs avec un tortillon de papier, pour leur donner tout le
piqoâQt du dessin au lavis. Le véritable inventeur des dessins-
fumées nous parsdt être Mandé Daguerre; ces dessins se ven-
daient à Paris , en 1827, chez Alphonse Giroux.
Pour conserver les dessins très-déHcats , M. Sylvestre a con-
seillé, depuis 1837, l'usage de la dextrine, dans des proportions
de deux parties de dextrine, six d'eau et une d'alcool.
On peut encore se servir avantageusement du produit remar-
quable que le professeur Fuchs, de Munich, a inventé il y a plus
de vingt ans, et qu'il appelle Wcbsserglas. C'est la potasse siUcatée,
ou un verre qui se dissout dans l'eau. Ce verre se compose ordi-
nairement, suivant M. Liebig, de quinze parties de quartz, dix
dépotasse (ou neuf de soude), et une de charbon; unie par la
fusion, cette composition, à l'état sec, est claire comme l'eau,
dure et difficile à fondre ; pulvérisée , elle se dissout dans l'eau
bouUlante, et lorsqu'on a soin d'entretenir l'eau en ébuUition con-
tinuelle, on obtient, avec cinq ou six parties d'eau, un liquide de
Inconsistance d'un sirop qui, étendu sur du bois ou du papier, y
forme un vernis imperméable.
Enfin, pour fixer les dessins au crayon, un artiste de Berlin
recommande le coUodion dissous dans quatre parties d'éther
suliimque , et étendu sur le dessin au moyen d'un pinceau large
et doux.
Pour compléter cette esquisse sur les matériaux qui servaient
et qui servent encore à l'écriture et au dessin, nous mentionne-
rons sonunairementles méthodes (*), les machines et instruments
employés de tout temps , soit pour abréger la reproduction de
(f) Extrait d'aue notice chronologique sur les diverses méthodes abrégées de repru-
<lnire oo de niultipUer les dessins, par M. Rouget de Liste ; dans le Bulletin de la
Société d'encouragement pour l'indiislriç n^Uouale, H** îinnéç. i844, p. 420.
34
récriture et surtout du dessin, soit poiu* les réduire ou les am-
plifier ou pour les mettre en perspective. Déjà les anciens
Egyptiens employaient les carreaux linéaires pour faciliter la
copie des dessins. Il paraît que Bramante et plusieurs peintres
du seizième siècle ont fait usage d'une vitre ou de la gaze tendue
sur un châssis pour dessiner la perspective. Albert Durer a
donné, en 1535, la gravure sur bois de deux machines inven-
tées par lui pour dessiner les objets en perspective; c'est aussi
lui qui a imaginé le point fioce servant de point de me , objet im-
portant pour dessiner exactement les objets en perspective. Le
peintre florentin Cigoli inventa en 1600 un appareil appelé
éqtierre de OigoU par les Italiens. C'est à la même époque que le
rév. Père Scheiner , géomètre et astronome allemand , inventa
le parallélogramme linéaire , appelé depuis pantographe , pour
réduire et amplifier les dessins tracés sur le papier.
Thompson et Wren en 1664, Haies en 1710 en Angleterre,
et Langlois en 1743 en France , ont perfectionné le pantogra-
phe, ainsi que Bion en 1752, Sickes en 1778. Le mige du géo-
mètre Buchotte ( 1754) çst un instrument semblable. Nous remar-
querons encore le scénographe de Eckapt ( 1779) ; — le mégasœpe
du physicien Charles (1786); — la machine dite polychreste et
certkale^ inventée en 1787; — Y autographe de Brunnel, en 1800 ;
— lebeveau mmersél d^Allard, en 1805; — le mécanographe^^
Donnant, en 1805; — le papier à calquer, fait de paille, par Rous-
seau , en 1805; — le proportiomwmètre de Schmalcalder, en 1806 :
— la machine à profiler de Le Moyne , en 1807 ; — la poudre ré-
sineuse de MM. Revolet et Rigoudet, en 1807, propre à poncer
les dessins sur les étoiFes et fixée ensuite à l'aide de la chaleur
d'un fer à repasser, fort employée par les dessinateurs en brode-
rie ; — la règle centrale de Nicholson , en 1814; — le quarréogra-
phe de M. Aueracher, en 1820; — Vapographe de îï. Smith, en
1821 ; — Vhyalographe de Clinchamp , en 1822 ; — le métroscope
de M. Brunnelle de Varenne ; — le perspectog-raphe de M. Alas-
son, en 1825 ; — le panoragraphe de M. Puissant; — le stéréogra-
phe de M. Fevra^ de Saint-Mesmin, en 1829; — le diugraphe de
M. Gavard; — Va^athographe de M. Symian; — le inéga^graphe
de Mjf, Lefèvre et Percheron, en 1836;— -le visocalque de M.
Viennot; — l'instrument de M. Laffore, dit cmnpas ïaffiorien, en
1839; — Yhomographe de M. Brunier, en 1841 ; — le diasquiugror-
pke de M. Rougier , en 1843 ; — le cymagraphe de M. Willis , en
1843; — et enfin le ch/roinographe et le chalcograph^ , ainsi que
plusieurs autres instruments et le papier-canevas (1843) inven-
tés par M. Rouget de Lisle , de qui nous avons emprunté ces dé-
tails sur les diverses machines à dessiner. N'oublions pas que
M. CoUard a pris en 1850 un brevet pour une machine propre à
graver des lettres et des ornements en creux et en reHef sur toute
sorte de matières.
Par ce qui précède , et en déduisant ce qui regarde les temps
les plus proches de nous , Ton peut se représenter en quoi con-
sistaient, au commencement des temps modernes , les matériaux
pour écrire et les moyens dont on disposait pour reproduire et
multiplier les manuscrits et les œuvres d'art.
ERDPIiOI DE IiA GRAVURE AU COMMENCE-
MENT DES TEMPS MODERBiES. Cependant k gra-
vure était généralement pratiquée et d'une manière asseiz variée.
On gravait des coins de médailles que l'on firappait ensuite au
marteau ; on fabriquait même des bractéates ou médailles faites
de lames de métal minces et estampées en creux comme les pa-
tères de rideaux. La gravure des sceaux et des cachets était éga-
lement très-répandue.
On gravait en creux et en relief de très-beaux camées sur pier-
res fines; mais c'est surtout aux ouvrages nombreux de l'orfèvre-
rie que la gravure fut employée pour orner les croix , les ciboires,
les calices , les châsses , les candélabres , les vases sacrés , les mis-
sels et une multitude d'autres objets appartenant au culte ou au
service domestique.
Le prêtre et moine Théophile (*) , dans son Essai sur divers arts
(lu douzième ou treizième siècle , nous a parfaitement instruits sur
les genres de gravure alors en usage.
Ce furent d'abord des ouvrages en or et en argent repoussés au
moyen du marteau et des ciselés recourbés; des bordures en or,
il) Théophile, presbyler, déjà cité, cap. 70, 71, 72, 73 et 74.
36
en acgeut, en cuivre doré, destinées à être appliquées autour des
tables d'autel, des pupitres, des châsses et des livres. Ce genre
d'ornements était fait à l'aide d'empreintes en fer gravées eu
creux, semblables aux sceaux et estampes sur des lames de mé-
tal minces appliquées sur du plomb épais.
Le genre qu'il appelle opttë interrasile consiste à découper dans
des plaques de métal des ornements et des figures diverses sur
une enclume , à l'aide du ciseau et du marteau.
< De cette manière se font les tables, les lames d'argent sur les
«livres avec des images, des fleurs, des animaux; une partie en
« est dorée, savoir les couronnes des images, les cheveux et les
«r vêtements par places ; une partie reste d'argent; on fait aussi
« des lames en cuivre ; on les creuse, on les met ensuite dans un
« vase contenant de l'étain fondu pour qu'elles deviennent blan-
« ches comme si elles étaient argentées. Elles servent à consolider
« les sièges peints, les chaises, les Uts , et à orner encore les livres
« des pauvres. »
Uopus puftctile, ou travail de points ou pointillé, que Théo-
phile décrit, est le plus remarquable. Voici en quoi il consiste:
Sur une lame de cuivre on dessine des figures, des animaux ou
des fieiu's, on champlève autour, « alors, battant doucement sur
« un perloir avec un petit marteau, on remplit tous les champs
« de très-petits cercles , * de manière que les figures plus en re-
lief que les champs se détachent sur un fond mat, auquel on don-
nait une teinte jaune en plaçant la lame de cuivre sur des char-
bons ai'dents. Ces champs, lorsqu*ils n'étaient point frisés ou
pointillés, étaient souvent couverts d'un vernis d'huile de lin, en-
fumé sur des charbons ; ensuite, avec un racloir bien affilé, on ra-
clait les ornements ou les figures rehefs, de façon que les champs
restaient noirs.
Ces deux derniers genres de gravure dont Théophile parle,
c'est-à-dire l'opus interrasile et l'opus punctile, dont le premier
rappelle le travail de nos reperceuses, et le second celui des gra-
veurs en taille d'épargne pour les formes d'imprimerie , étaient
tous les deux connus déjà des anciens. Pline en fait mention dans
ses écrits.
Aux gravures tj'orfévrerie nous pouvons joindre encore les
87
plaques métalliques gravées qu'on déposait sur les tombeaux ,
et les inscriptioiis ou ornements des cloches.
PLAQUES METjiliUQUES GRAVEES. Il parait
que les plaques tumulaires métalliques (*) gravées en creux au
simple trait, sont les plus anciennes.
C'est au commencement du quatorzième siècle que l'on rap-
porte l'introduction de la gravure en relief sur les plaques. Sou-
vent les planches de métal effilent les deux manières réunies; de
sorte que les figures qui occupent la place du milieu sont exécu-
tées en gravure au trait en creux, tandis que les inscriptions qui
les encadrent le sont en relief. Le fond creusé autour des lettres
était fréquenunent rempli d'une espèce de ciment rougeâtre ou
noir.
On trouve un assez grand nombre de ces plaques métalliques
gravées, principalement dans l'Allemagne du Nord, en Finlande,
en Suède et en Danemark.
Les pierres tiunulaires qui étaient décorées de figures et d'or-
nements, tels que des haumes, des écus et des bandes d'inscrip-
tions en métal découpé ou revidé et incrusté dans la pierre même,
pandssent de la même époque que les précédentes et ne sont pas
rares, principalement en Angleterre.
La description de deux monuments du treizième siècle , très-
remarquable par le genre de travail et assez bien conservés, peut
trouver sa place ici. Ce sont les tombes de Jean et de Blanche de
France, enfants de saint Louis, dans la chapelle de ce roi à Saint-
Denis (*). « Ils sont en cuivre jaune avec figures repoussées et
< fonds en émail Le champ de la tombe de Jean se compose de
* six plaques de métal, couvertes, dans toutes leurs parties appa-
(1) Dr. Liesch . in Deulsches Kunslblalt ; Berlin, in-4», vol. II, iH51, p. 'ii ; vol. III,
iB5î, p. 366; et vol. IV, 4853, p. 43. N" 29 et 35. —Dr. Kugler, Handbach der Kunsl-
;;esch. Stuttg. 1842, in-8», p. 592, 2- éd. 1848, p. 022. — Ibid. Kleine Schriftcu,
185i, vol. II, 601-031.— C. L. Milde, Denkm. bild. Kunst in Lubeck ; Lub. 1843, i"
liv -The monumentas brasses of England, bey Rev. Cb. Boulell; London, by
l lling. 1849, in-4».— Deutsches Kunstblatt; Berlin, vol. IV, 1853, W. Lubke, n* 35,
etMandelgren eu Danemark, n" 29.
(% Monographie de l'église royale de Saint-Denis par le baron de Guilliermy; Paris,
i^, p. 105.— Montraucon, t. II. 100. — Millin, Anliquitis nationales, t. II, n* 11.
38
« rentes, d'émaux coulés entre des filets de cuhre jaune qui de-
« viennent des enroulements d'un très*bon style. Les rinceaux,
« courant sur un fond bleu , se terminent par des fleurs nuancées
« de vert, de blanc, de rouge et d'azur. La figure du jeune prince,
« en fort relief, est au milieu de la tombe... Le visage est pourvu
« de toute beauté ; les yeux sont incrustés d'émail blanc avec la
« prunelle en noir. Un petit cercle semé de points bleus comme
« des turquoises, sert de couronne Autour du champ sur
« lequel repose l'effigie , de petites bandes de cuivre disposées
« en carrés portaient l'épitaphe dont les lettres se dessinaient
« incrustées d'émail rouge sur le fond de cuivre Des mor-
« ceaux de cuivre jaune très-mince , qui ont fait partie de la bor-
« dure, portent, gravés à la pointe du ciseau, des fleurons, des
« fleurs de lis à deux étamines et des châteaux; les fonds sont
« guillochés La tombe de Blanche est en très-mauvais état,
« mais du reste assez semblable à la première. »
Remarquons dans le travail très-curieux de ces tombes en mé-
tal , en vue surtout de l'époque dans laquelle elles furent exécu-
tées, le treizième siècle, remarquons, dis- je, dans les champs
gravés, les filets épargnés, restés reliefs pour retenir l'émail;
les fonds de la bordure guillochés, probablement une espèce
d'opus punctile dont parle Théophile; et les légendes gravées en
creux et incrustées d'émail.
INBRIPTI01Î8 SUR US8 CIiOCHES. Suivant M.
Otte (') , les cloches avec inscriptions marquant le millésime ne
se rencontrent que depuis le miUeu du treizième siècle dans le
nord de l'Allemagne; mais dans le sud, et surtout en Itahe, on
en trouve de plus anciennes, celle, entre autres, qui sert pom*
la messe à la cathédrale de Sienne, portant la date de 1159 (').
Dans l'église de Buchardi, à Wurtzbourg (Bavière), il y en a
une avec la date de 1240; et la cathédrale de Fribourg enBris-
gau en possède deux, dont l'une du millésime de 1258, et l'autre
de 1281.
ii) Heiiirich Otle. Kimslai'cheologic lies Miltclallers, Lcipx. 1^4, )>, ^43. — Deiil-
sches Kunstblalt. Berlin, vol. III, 4852, p. 409.
{i) Suivaul Raïuboux, Armales archéol. de Didron. 5, 181,
89
On remarque généralement quatre procédés différents dans la
fflanière de mettre les inscriptions sur les cloches.
D'abord il y a des cloches d'un temps reculé, sur lesquelles les
inscriptions sont gravées simplement en creux et au trait; celle de
DiesbOTg, près de Magdebourg, est de ce genre.
Il y en a d'autres dont les inscriptions et les représentations en
figures au trait sont en relief très-bas. Les lignes reliefs qui for-
ment les dessins sont tranchants à leur sommet, ce qui provient
probablement de ce qu'on les a creusés dans le moule de la cloche
avec nn instrument tranchant à joues ou à biseaux.
Cette gravure devait se faire en sens contraire , si, après avoir
fondu la cloche , on voulait l'obtenir droite. Cependant on rencon-
tre souvent des cloches qui ont les figures ou les inscriptions en
sens contraire , ces dernières toujours alors en majuscules.
Les figures portent dans ce cas l'écu au bras droit; l'épée est
suspendue au côté droit, et les prêtres donnent la bénédiction
avec la main gauche.
La cloche de l'église de Saint-Blasieus, à Muhlhausen , dans la
Thuringe , de l'an 1345 , en est un exemple.
Le troisième procédé , en usage dès le quatorzième siècle , pa-
raît consister à imprimer dans le moule , au moyen de formes re-
liefs en bois, les mots ou les caractères les uns après les autres.
Les lettres , qui sont de belles majuscules , ont peu de relief;
elles sont à surface plate, richement décorées d'ornements, le
corps de la lettre étant souvent damasquiné. On remarque par-
fois le bord de la forme qui a servi à imprimer les lettres dans le
moule.
Les figures qu'on voit sur ces cloches sont encore gravées en
creux dans le moule , comme cela se pratiquait dans le procédé
précédent Cependant on rencontre déjà des exemples d'applica-
tion de cachets en cire sur la forme de la cloche , cachets qui s'im-
primaient llans le moule , et qui, lorsqu'on séchait le moule, se
tondaient en y laissant une empreinte en creux. La cloche , après
le moulage , portait le reUef du cachet.
Enfin la quatrième manière de procéder, pratiquée dès le quin-
àème siècle, encore en usage aujourd'hui, consiste à for-
mer les lettres isolées ou mobiles, en faisant passer de la cire à
40
travers une planche, dans laquelle sont percées à jonr les lettres
de l'alphabet. Les lettres ainsi obtenues se collent ensuite sur la
forme en composant l'inscription; elles s'impriment dans le moule
en creux, et se reproduisent en relief sur la cloche.
De tout ce que nous venons de dire sur l'état de la gravure et
sur les matériaux qui servaient à écrire et à dessiner au commen-
cement des temps modernes , il ressort suffisamment que les prin-
cipaux procédés de l'art de la gravure étaient connus , les genres
variés et tous les matériaux assez perfectiomiés pour qu'un esprit
inventif pût les appliquer à l'impression en couleur sur papier.
En remplissant les inscriptions gravées en creux d'une couleiu*
noire au lieu d'émail ou de ciment , et en frottant fortement sur un
morceau de papier appliqué sur cette gravure encrée , on aurait
obtenu une épreuve pareille aux estampes des graveurs sur cuivre.
Eu posant, au contraire, de la couleur au moyen du doigt
ou d'un tampon sur les inscriptions gravées en relief, et en pres-
sant un papier dessus, on aurait obtenu une épreuve semblable
à celles des imprimeurs; et on se serait d'abord aperçu qu'il
fallait graver les lettres en sens contraire, si on voulait qu'elles
ûissent droites après l'impression.
n est hors de doute qu'on avait fait des applications de ces
différents genres d'impression longtemps avant l'époque à la-
quelle on suppose appartenir les épreuves qui sont venues jus-
qu'à nous , et qu'on prend généralement pour les pre^iiers es-
sais.
La conservation de ces premières épreuves de la gravure et de
l'impression est due à l'usage des reheurs d'alors qui collaient des
images de saints ou des cartes à jouer tant recherchées à cette
époque dans l'intérieur de la couverture des manuscrits, usage
maintenu jusqu'aujourd'hui encore dans certaines parties de l'Al-
lemagne, et ce furent probablement aussi les premiers objets
auxquels on apphquait les nouveaux procédés de gravure et d'im-
pression dans l'intention de les multipher.
C'est principalement chez les peintres de lettres qu'il faut
chercher les premières traces de l'imprimerie.
Outre les manuscrits précieux et soignés, il y en avait encore
d'autres plus communs, faits par des écrivains inférieurs, et
41
qui, vendus à plus bas prix , servaient à l'usage de la maison et de
l'école. Ces ouvrages, composés souvent d'une simple feuille,
étaient écrits sur du papier ordinaire , ornés de dessins grossiers à
la plume, et coloriés (*). Le mot de brève, appliqué à ce genre d'é-
crits dérivant de la basse latinité , est synonyme de scriptum,
écrit ou lettre , et désigne généralement les écrits en feuilles vo-
lantes, ou tout écrit court; en un mot, c'est le contraire d'un
livre volumineux. De ce mot brève vient le nom allemand bnef,
qni avait alors la même signification, et on appfelait peintres de
lettres ceux qui s'occupaient de les écrire.
Ces peintres de lettres, qui étaient en même temps écrivains et
coloristes, fabriquaient, dessinaient et coloriaient souvent aussj
des cartes à jouer.
D se comprend que le besoin de moyens plus expéditifs et de
procédés plus faciles pour pouvoir livrer plus vite et à meilleur
marché ces ouvrages de moyenne étendue , dut se feire sentir de
bonne heure chez les peintres de lettres.
Quant à l'antériorité d'usage , il est probable que les images, ac-
compagnées de plus ou de moins de texte , sont postérieures aux
cartes à jouer , mais que la nécessité de procédés accélérateurs de
multiplication se faisait sentir également pour les unes et pour
les autres.
CARTES A iIOUERb 11 paraît certain que les cartes à
jouer (*) sont d'origine cliinoise, et qu'elles étaient dès 1120 en
usage chez les Arabes comme dans tout l'Orient.
Ce liit sans doute à la suite des croisades que le jeu des car-
tes ftit introduit de l'Asie en Europe; mais il s'y répandit peu
d'abord.
L'Italie et l'Espagne sont les premiers pays de l'Europe où les
cartes fussent connues sous le nom de naipes; c'était vers la fin du
quatorzième siècle ou au commencement du quinzième.
Dès cette époque , elles se répandirent en France et en AUe-
li) Voyez Sotziiiaim, déjà cilé, p. 47^.
rf)J.-G.-4. Breitkopf déjà cité. — P. L. Jacob (Paul Lacroix) bibliophile, ori$^iii^
'•««cartesk jouer, dans le Dictionnaire de la conversation, Paris, 4835.
42
magne, mais en subissant des modiâcations et des changements
notables.
Les plus anciens types connus, les types fondamentaux sont le
bâton, le denier, la coupe et l'épée. En Italie et en France , c'était
des carreaux, des trèfles, des cœurs et des piques. En Allemagne,
dans les Pays-Bas et en Angleterre, on avait les grelots, les glands
et les feuilles qui étaient vertes, et les cœurs qui étaient rouges.
Souvent aussi on employait des iigm'es emblématiques. De ce
genre sont le Chartiludium logicum, de 1507; le Chartiludium
institutionemjurisde 1518, tous les deux de Thomas Mumerde
Strasbourg, ainsi que le Giuoco de Mantégna, et la Charta lusoria
de Jobst Amman de Nui-emberg , de 1588.
Dans les commencements, les cartes à jouer furent peintes, et
on le faisait avec un grand luxe. Les plus anciennes qu'on possède
sont les cartes de Charles FJ(*); elles sont peintes avec délica-
tesse, comme les miniatures des manuscrits, sur un fond doré
rempli de points qui forment des ornements en creux ; elles sont
entourées d'une bordure argentée , dans laquelle un pointillage
semblable figure un ruban roulé en spirale. C'est probablement ce
pointillage qu'on appelle ixirée ou tarotée , espèce de gaufrure
composée de petits creux piqués et arrangés en compartiments, à
laquelle les tarots doivent leur nom, et dont les cartes ont jusqu'à
nos jours gardé le vestige , quand elles sont couvertes par der-
rière d'ornements et de dessins imprimés en noii- ou en couleur.
Ces cartes, au nombre de dix-sept, sont peintes à la détrempe
et sur un carton épais d'un millimètre.
Les cartes à jouer de 1412, attribuées à Marziano de Tor-
tone (*) et conservées à Milan, celles que possède la bibhothèque
royale de Turin, et celles de la galerie de Durazzo à Gênes (*),
sont du même genre, peintes en miniatiu^e sur du papier de
coton, et collées sur du carton; mais on n'y remai'que aucune
trace d'impression, pas même l'emploi de patrons (al traforo).
Les cartes peintes étaient très-coûteuses. Celles que Marziano,
secrétaire du duc Ph. Marie Visconti, avait peintes pour ce
(i) Paul Laciuix, déjà cilé.
(â) Decembris, Vila Ph. M. Vice-couiilis. Milan 1030. cap. LXI.
(3) Gicognora memoric spelUnti alla storia délia Ghalcogra)}hia. Prat^, 18^)1.
43
prince, coûtaient 1500 écus d'or, environ 16,000 francs. Les
trois jeux de cartes peints par Jacquemin Gringonner (*) pour
le roi Charles VI en 1392, lui furent payés 56 sols parisis, en-
viron 170 francs..
Ces prix diminuèrent sensiblement dans la suite, de manière
qu'en 1454 un jeu de cartes destiné au dauphin de France, ne
coûtait plus que 5 sous tournois, 14 à 15 francs environ de notre
monnaie.
Dans les comptes de Fargentier de la reine Marie d'Anjou, on
voit qu'il a été payé à Guyon, mercier, demeurant à Saint-Ai-
gnan, pour trois paires de cartes à jouer 5 sous tournois, et pour
deux jeux de cartes et un nûllier d'épingles , livrées à Madame
Magdelaine de France, 10 sous tournois.
On avait donc trouvé dans l'intervalle de 1392 à 1454 des
moyens de fabriquer des cartes à bon marché , et d'en faire une
marchandise. Ces moyens furent probablement d'abord l'emploi
de patrons, puis celui de l'impression par la gravure sur bois ou
sur cuivre.
Plusieurs débris de jeux de cartes, que l'on suppose exécutés
avant le milieu du quinzième siècle , nous ont été conservés dans
des rehures de manuscrits.
Ce sont deux planches (*) de cartes, l'une de 18 cartes et
l'autre de 10, portant tous les caractères du règne de Charles VU.
Elles sont gravées en bois et coloriées au patron , chaque partie
sur une seule planche. H n'y a qu'une seule planche qui porte
le nom du cartier, F. Clerc, mais sans date.
En général on a très-peu conservé de cartes à jouer, surtout
de cartes ordinaires gravées sur bois.
TAIUiBURS DE MOULES OU GRAVEURS SUR
BOISb Les peintres de cartes se transformèrent donc bientôt
ea tailleurs de moules (Formschneider), ou leur cédèrent la
place. Les tailleurs de moides sont des graveurs sur bois, qui
gravaient ces cartes soit sur des blocs ou planches de bois, soit
(1) âaint-Foix, Essai sur Paris, 1. 1, p. 280, et Breitkopf, vol. 1, p. 28 — Ménestrier
Bibl. curieuse, t. II, 174.
(2) La 1'* est de la collectiou de M. d'Heuoeviile, l'aulre de laBibl. imp. de Paris.
i
44
SOT des planches de métal, pour les multiplier au moyen de Vim-
pression en couleur.
Dans les registres municipaux et dans ceux des corporations,
on peut constater où et à quelle époque existaient les premiers
cartiers et graveurs de cartes. Dans ceux de Nuremberg, il est
&it mention de tailleurs de moules en 1449, et de cartiers depuis
1433. Dès 1473, on nomme des peintres de lettres, des caUi-
graphes, des coloristes, dont dépendaient les tailleurs de moules
et les imprimeurs. On rencontre des noms de cartiers et de
peintres de cartes à Augsbourg, en 1418; à Ulm, en 1402; mais
des tailleurs de moules seulement en 1441. A Francfort-sur-le-
Mein, on cite Henné Kruse, de Menze (Mayence), comme im-
primeur en 1440/
Dans les Pays-Bas, les imprimeurs de lettres se montrent à la
même époque. La confrérie de Saint-Luc à Anvers se composait
en 1442 de peintres, de sculpteurs sur bois, de verriers, de co-
loristes (verlichter), et d'imprimeurs (printers). Dans la confré-
rie de Saint- Jean l'évangéliste de Bruges se trouvaient, en 1454,
des écrivains , des maîtres d'école , des libraires , des imprimeurs
sur bois (printers, holzdrucker), des relieurs et des faiseurs d'i-
mages (beelden mackers); plus tard, les Néerlandais appelaient
les tailleurs de moules et les imprimeurs de cartes des Plcuxt ou
Mgiterssnyders (ta lleurs de planches ou de figures), des H&iUgen
ou Beeldehen printers (imprimeurs d'images de saints).
Sur les anciennes cartes à jouer, conservées au cabinet des
estampes de Paris, figurent les noms de diflFérents cartiers d'é-
poques diverses. Le plus ancien paraît être Jehan ValayouVolay,
qui fabriquait des cartes sous Charles Vin ou Louis Xn, de
1483 à 1498.
Mais on ne fait mention en France de tailleurs et imprimeurs
d'histoire et de figures que dans le seizième siècle. On les trouve
joints à Paris aux dominotierSy qui fabriquaient du papier bigarré
et marbré , genre de travail qui a beaucoup de rapport avec celui
qu'exécutaient auparavant les cartiers lorsqu'ils tarotaient le re-
vers des cartes.
En Italie , il n'est pas question de ces professions avant l'in-
troduction de la typographie dans ce pays , qui eut lieu en 1468
par Jean de Spire, imprimeur allemand.
45
Nous pouvons donc établir avec certitude, que les tailleurs de
moules ou graveurs sur bois, ainsi que les imprimeurs de
cartes et de lettres (briefe), étaient déjà assez répandus vers
1440, mais qu'ils ne remontent pas au delà de beaucoup plus
d'une vingtaine d'années.
IMPRESSIONS EN PLANCHES FIXES
Les genres d'ouvrages produits par les peintres et les impri-
meurs de lettres se continuèrent jusque dans le seizième siècle ,
et consistaient, après les cartes à jouer, principalement eto effi-
gies de saints.
Le culte d'hyperdulie et de dulie , ou de la Vierge et des saints,
pratiqué dans cette époque avec exaltation, et l'usage de faire
dans l'église la prière devant des images, introduit aussi dans le
culte de la maison, furent les principales causes de la fabrication
d'images à bon marché, d'images faites sur papier et d'une exé-
cution grossière en dessin et en couleur, destinées aux per-
sonnes trop pauvres pour sp procurer des peintures ou des sculp-
tures.
Ces peintures 'grossières étaient l'ouvi'age des imagiers, des
peintres de lettres, et représentaient ordinairement la vierge avec
l'enfant Jésus , l'annonciation , le Christ sur la croix ou le Christ
souffrant, accompagné des instruments du martyre, ou bien des
saints et des saintes, patrons des pays ou des villes. Souvent on
ajoutait sous l'image des légendes, des prières, des annonces
d'indulgences ou de miracles pour les pèlerins.
La vénération des images allant toujours en augmentant, on
imagina de graver les peintures sur du bois, de les imprimer sur
du papier, et de les colorier à la détrempe ou à la gouache, pour
les vendre encore à meilleur marché , et de les répandre en plus
grand nombre.
Les tailleurs de moules ou graveurs sur bois transformèrent
bientôt ces images aune seule figure en images représentant des
poupes entiers, figurant des sujets de l'histoire sainte, ou des
épisodes de la vie des samts personnages. On les réunissait quel-
quefois en formant des volumes, des livres d'images, auxquels^
M6
dans la suite, on ajouta un texte séparé, que l'on grayaitsur
une planche de bois à part. et. que Pon imprimait sur une feuille
placée en regard de l'image.
IMPRB8SIOBI8 XYIiOGRAPHIQITBB. On appelle ce
genre d'impression â?j/Zo^rajp^ii6 (du grec .ri/Zos, bois), on tabel-
laire, parce que l'image, avec quelques lignes de texte sont im-
primées sur des planches entières de bois gravées, ou des planches
de bois en caractères fixes; c'est le contraire de l'impression avec
des lettres mobiles, et peut être considéré comme la première
époque de l'imprimerie.
Les imprimés xylographiques ou tabellaires primitifs, qu'ils
consistent en livres avec texte et images, ou en hvres d'images
sans texte, qui se sont conservés jusqu'à nous, ne dépassent
guère le nombre de trente ouvrages différents.
La plupart ont le format d'un petit in-folio, et ne se composent
généralement que de cinquante pages, qui sont imprimées d'un
seul côté du papier {anopistho-graphique, le contraire dJopis^u)'
graphique y ou impression sur le côté recto ^t\e verso de la feuille).
L'impression de ces premières épreuves de l'imprimerie ne
s'opérait point par la presse typographique , alors inconnue , mais
à la manière des cartiers, qui était la suivante: Sur la planche
de bois gravée en relief et préalablement noircie avec une cou-
leur à la détrempe, on plaçait une feuille de papier, que l'on
frottait fortement au moyen du frottmi enduit d'un corps gras>
huile, savon ou autre, qui lui permit de glisser sur la feuille de
papier sans la déranger, de manière que le papier touchât par-
tout la gravure relief, et celle-ci s'y imprimait parfaitement Comme
cette manière d'imprimer au frotton empêchait l'impression des
deux côtés de la feuille, le frottement nécessaire pour opérer
l'impression sur le côté opposé de la feuille de papier aurait ef-
facé l'empreinte existante sur le recto, on était alors forcé de
coller des feuilles dos à dos par le côté resté en blanc, pour n'en
former qu'une seule. .
Examinons succinctement maintenant les produits de cette
première époque de l'imprimerie et de la xylographie. D'abord les
images isolées , ensuite les livres composés de texte seulement, et
enfin les livres d'images.
47
La gravure xylographique, que Ton suppose le plus ancien
monument de l'art d'imprimer, connue jusqu'à présent, repré-
sente un saint Christophe portant l'enfant Jésus à travers la
mer; à sa partie inférieure est une inscription latine en lettres
gothiques, avec le millésime de 1423, et dont voici la traduction*
Se jour où tit ttsax^itta» U tact tt Cbmtopbe, ce jouv-U,
tu ne mourrad pa» Vnnt mauDatAe mort.
S'jtn mil quatre cent titn^t-trots .
Cette gravure a été trouvée par M. de Heinecken au milieu
du siècle passé ; elle était collée dans l'intérieiu' de la couverture
d'un manuscrit de l'année 1417.
Quoique généralement regardée comme authentique , l'âge en
a été cependant contesté, et surtout d'ime manière convaincante
par M. Sotzmann (^); voici ses preuves: Le millésime de 142B
n'a pas rapport à l'époque dans laquelle fut exécutée la gravure,
mais plutôt à un événement extraordinaire arrivé dans le cou-
rant de cette année ; aussi l'inscription ne désigne-t-elle pas les
qualités attribuées ordinairement à ce saint, elle fait au contraire
allusion à l'événement. En effet, les dates qui se trouvent sur les
anciennes gravures xylographiques de cette époque ont ordinai-
rement une autre signification que de marquer la date de la fa-
brication; quelquefois elles ont rapport à la personne même
que la graviu-e représente; comme c'est le cas sur la gravure
d'un saint Nicolas de Tolentino avec le millésime de 1466, qui
est l'année de sa canonisation; d'autres fois, elles désignent l'é-
poque d'une fête, d'un miracle , ou l'année dans laquelle fut faite
Fimage originale dont la date passait dans la copie gravée.
Enfin , ce qui prouve encore davantage conti'e l'antiquité sup-
posée de cette graviu-e du saint Christophe, c'est qu'elle n'est
pas imprimée à la manière des temps primitifs de l'imprimerie^
c'est-à-dire avec le frotton et en couleur pâle, mais qu'elle est
imprimée avec la presse typographique et à l'encre noire.
(1) Sotzmann. p. 505-507. -J. D. Passavant, Kiinstblatt. Berlin, 4R.50, p. m.
'^•C. Palkenstein, Gesch. der Buchdnickerkunst. Leipz. 1840, in-4«.
48
Un second exemplaire xylographique du même saint Christophe,
portant également la date de 1428, existe au cabinet des es-
tampes de Paris. H est parÊùtement semblable à l'autre (*), et
c'est un fait remarquable qu'il existe deux exemplaires de cette
gravure, supposée la plus ancienne, tandis que toutes les autres
connues jusqu'à présent sont des exemplaires uniques.
On place encore, dans cette première époque de la xylogra-
phie , im grand nombre d'autres graviu*es portant également des
dates dont la pluralité cependant paraissent douteuses. Une des
plus remarquables est un saint Bernardin avec le millésime de
1454, du cabinet des estampes de Paris^, dont le travail est une
imitation d'une gravure sur métal, taillée au moyen du ciseau,
genre de gravure qui nous occupera plus tard. Cette gravure
. nous transporte déjà par sa date et son caractère aux premières
années de la typographie.
La plupart de ces gravures xylographiques mcunables se ren-
contrent dans la Franconie , les contrées rhénanes et la Sonabe.
En Flandre et dans le Brabant, ces images grossières ne pa-
raissent pas très-répandues, parce que le goût était déjà plus
épuré par la peinture des miniatures qui y florissait. Pour la
France , ce serait principalement en Bourgogne qu'on pourrait
trouver des produits de ce genre. L'Italie n'en oifre aucune trace.
Les livres xylographiques ou tabellaires (Block-books) forment
la transition entre les images xylographiques imprimées et la ty-
pographie. Ds constituent luie division particulière dans la litté-
rature et les arts du moyen âge, et oflfrent un grand mtérêtpour
l'histoire et le développement de l'art de l'imprimerie et de la
gravure sur bois.
On les divise ordinairement en deux classes: les livres conte-
nant du texte seul , et ceux qui sont composés d'images et de
texte. Les premiers sont des abécédaires , des ouvrages élémen-
taires à l'usage des écoles, et surtout des Donats ou extraits de
la grammaire d'Aelius Donatus, maître de saint Jérôme, qui vi-
vait au miUeu du quatrième siècle.
H) Ce (|ui a été prouvé par Crapelet et Waagen contre Dibdin. qui prétiîndait Taire
un exemplaire unique, do la gravure conservée dans la collection de lord Si)encer.
49
C'est à rimpressîon de ce livre, généralement estimé et exclu-
sivement en usage pendant des siècles , que l'imprimerie nais-
sante exerçait son art, essayait ses forces juvéniles et ses pro-
cédés encore imparfaits, et cela presque dans tous les pays en
même temps.
Les plus anciennes éditions cependant ont été faites en Hol-
lande (*), probablement à Harlem, avant 1440, et de là se sont
répandues dans les autres pays.
On ne possède que deux éditions complètes de ces Donata; le
reste consiste en iragments disséminés dans les bibliothèques de
Paris, de Londres, de Vienne, de Munich, du Haag, de Harlem,
de Leyde, de Trêves, de Mayence et de Halle. Us sont imprimés
sur du parchemin ou sur du papier, mais, comme ils portent tous
les signes de l'emploi d'une presse, ils ne peuvent être reculés
que jusqu'à 1440.
Lés premières éditions étaient imprimées au frotton, d'un côté
du papier seulement, et en grandes lettres gothiques. Cependant,
la manière d'imprimer avec des planches de bois sur lesquelles
le texte entier était gravé , ne peut pas toiyours être regardée
comme une particularité caractéristique des premières impres-
sions, et désignant exclusivement les préliminaires de la typogra-
phie, puisqu'on a pubhé des éditions xylographiques encore après
l'introduction de la typographie. On connaît un Donat xylogra-
phique en lettres allemandes , pubUé en 1480 par Conrad Dink-
muth, relieur et imprimeur de lettres (briefe), et de livres à Ulm;
et une bulle d'indulgences, publiée à Munich en 1482.
M. Aug. Bernard atteste que les Donats en vélin sont impri-
més à la presse et non au frotton , vu la difficulté que présentait
cet instrument pour l'impression sur vélin ; et que les donats xy-
lographiques sont postérieurs aux donats typographiques, ou en
caractères mobiles, «parce qu'on ne connaît pas un seul fragment
de Donat imprimé à la détrempe, et par conséquent au frotton,
quoiqu'on en possède beaucoup exécutés avec des planches de
bois; tous les Donats xylographiques qu'on a sont imprimés des
àeax côtés en belle encre noire, et portent des signaivres.'Enûn,
(1) Sotanaïui, tbid. p. 5S4 et saWantes.
50
pour des livres peu considérables et souvent réimprimés , il était
plus économique, une fois Fimprimerie organisée, de les faire
graver, afin de les conserver en magasin, et de pouvoir réimpri-
mer à volonté , que de les composer chaque fois en caractères
mobiles. Dans ce cas , les planches de bois faisaient l'office de
nos clichés ou stéréotypes d'aujourd'hui »
« Il existe encore un grand nombre de planches de bois prove-
nant de Donats xylographiques. La Bibliothèque impériale de Pa-
ris en possède deux qui viennent primitivement de l'Allemagne (*). »
On peut donc fixer la durée de la période des livres xylogra-
phiques (*) à plus d'un demi-siècle, environ entre 1440 et 1490.
La seconde classe des livres xylographiques ou tabellaires,
avec images et texte, embrasse une série d'environ vingt ouvrages,
tant religieux que profanes. Ce sont tous des imitations directes
de manuscrits ornés de miniatures, estimés et connus depuis
longtemps , et dont la plupart existent encore. Quelques-uns re-
montent même jusqu'au treizième siècle, comme la Bible des
pauvres et le Miroir du salut.
La Bible des pauvres (*), Biblia pauperum, ne paraît pas avoir
reçu ce nom parce que ce livre était destiné spécialement aux per-
sonnes pauvres, mais parce qu'il devait servir de guide dans la
prédication aux ecclésiastiques inférieurs et peu instruits.
Ce mot pauperes désignait au moyen âge aussi bien les pauvres
laïques que les ecclésiastiques inférieurs des couvents et des
ordres. Les chartreux et les bénédictins, qui s'en servaient le
plus , s'appelaient eux-mêmes pauperes ChrisU.
La Bible des pauvres, ainsi que le Miroir du salut ^ ouvrages
qui ont plus d'un rapport', se composaient d'une suite de repré-
sentations prises du Nouveau Testament, expliquées par des
versets tirés des prophètes, et par des sujets empruntés à
l'Ancien Testament.
Le Miroir du salut, qui est le développement de la Biblia
(1) De l'origine et des débals de l'impriinerie en Europe, par M. Auguste Bernard;
Paris, 1853, tome I. p. 103.
(2) Pour plus de détails voy. Wetler. Ottley, Sotzmann, etc.
(3) Falkeuslein, Sotzmann, etc.
61
paapemin, est pourvu d'un texte plus étendu, et contient de
plus une histoire de la rédemption du genre humain.
On connaît jusqu'à présent six éditions de la Bible des pau-
vres, dont une, qui est considérée comme la plus ancienne, est
composée de cinquante tables ou feuilles. Le seul exemplaire qui
en existât encore a été soustrait à la bibliothèque de Wolfen-
bûttel, et placé dans celle de Paris. M. de Huebsch, à Cologne,
a trouvé une des planches de bois gravées qui avaient servi à
l'impression de cette édition, que l'on suppose par conséquent
originaire de Cologne ou de son voisinage.
Les cinq autres éditions ne se composent chacune que de
quarante feuilles. L'une de ces éditions, considérée comme la
plus ancienne , paraît aussi avoir servi de type aux autres , et
est jugée d'origine néerlandaise.
Les planches de bois de toutes les éditions de la Bible des
paufores, ainsi que de presque tous les livres xylographiques, sont
imprimées au moyen du frotton et avec de l'encre à la détrempe
pâle , et seulement d'un côté du papier.
Chaque feuille est marquée d'une lettre majuscule , placée au
milieu des sujets de la partie supérieure. La première feuille
porte la première lettre de l'alphabet, et fcnsi de suite jusqu'à
la vingtième, qui est signée du Y. Les vingt feuilles suivantes
sont signées de même , mais avec cette différence que chaque
lettre est placée entre deux points. C'est là le premier emploi
des signatures de feuilles , qui maintenant sont d'un usage gé-
néral.
Dans le mois de mai 1823, M. Jacques Eoning, à Harlem, dé-
couvrit les planches gravées en bois qui avaient servi à l'impres-
sion de la Btblia pauperum , et à un autre incunable xylogra-
phique , VArt de mourir (Ars moriendi), planches que plusieurs
imprimeurs hollandais du quinzième siècle ont employées dans
dhrerses éditions postérieures.
Koning attribue ces planches à Coster.
Le Miroir du salut, jetpeculum bumanie sabattoiit» , qui sous
plusieurs rapports est semblable à la Bible des pauvres, est sur-
tout remarquable parce qu'il est en partie xylographique et en
partie typographique.
Ce livre incanable forme ainsi le passage de la première épo-
que de rimprimerie, l'époque xylographique ou tabellaire, à la
seconde époque, la typographie, ou impression en caract^es
mobiles.
On a consenré quatre éditions du Jlfiro»r du sàkU, dont deux en
latin, et deux en hollandais. Elles sont toutes in-folio, avec des
caractères gothiques (de la forme des caractères de l'écriture en
usage dans la Hollande au quinzième siècle; Otdey, 219) de la
force du sam^ugtutin (14 points typographiques) mais avec
l'œil très-compacte , équivalant à. celui du gros-romoÀn gras
(Bernard I, 13). Les sujets de ces quatre éditions sont impri-
més sur les mêmes planches, avec le frotton et de l'encre pale.
Cependant le texte de l'une des éditions latines, qui se trouve
dans les si\jets figuratif, est pour vingt de ses feuilles gravées
sur les planches de bois mêmes, tandis qu'il est imprimé sur les
autres feuilles avec des lettres mobiles et de l'encre à l'huile.
La ressemblance du style et de la gravure des sigets, ainsi
que des lettres, que l'on remarque* entre la Bible des pauvres et
le Miroir du salut, fait supposer que l'époque de leur publica-
tion est à peu près la même; elle peut être placée vers l'an
1450 , alors que la typographie commençait à naître à Mayence.
M. Bernard, s'appuyant sur l'assertion d'Hadrien Junius et sur
d'autres preuves incontestables, attribue l'impression des Spé-
culum anonymes à Laurent Coster, de Haarlem (').
Les planches de bois qui avaient servi aux éditions originales
de la Bible des pauvres , forent plus tard employées dans des
livres publiés par Peter van Os, à Zwoll (Ober-Yssel), en 1486
et 1491. L'imprimeur Veldener, de Culembourg, s'est servi des
planches originales du Miroir du salut pour une nouvelle édi-
tion du même livre en 1483; il a scié les planches et les a mêlées
avec de nouvelles, pour en former une édition in-4^. D existe
même encore deux éditions de la Bible des pauvres entièrement
xylographiques , mais dont plusieurs exemplaires sont imprimés
(4) Voyez en outre sur ce svijet Wetter, Falkenstein, Ottley. Sotzinann et surtout
EL Harzen, ftber Alter und Ursprung der friihesten Ausg. des Heilspi^peis, im Ar>
chW f. zeichn. Kttnste. Leipz. I*' Jahrg. 1855. p. 3 ff. — Il" Jahrg. 4856, p. 1 AT. — Sui-
te Spéculum salv. hum. par Gh. Rueleus. Brux. 1855, etc.
des deux côtés dn papier et par la presse typographique. Le
texte est en allemand, et les gravures plus grossières qu'aux édi-
tions antérieures. L'une de ces deux éditions porte le millésime
de 1470, et a pour éditeurs Frédéric Walther et Hans Huming,
à l^ôrdlingen; l'autre est marquée de la date 1475 , et du mono-
gramme de Hans Sporer.
On voit donc que les impressions xylographiques ou tabellai-
res existèrent encore longtemps à côté des éditions typographi-
ques, comme cela était le cas avec les Donats.
Les autres livres xylographiques avec texte et images qui nous
ont été conservés , ont plus ou moins de rapport quant aux pro-
cédés d'exécution avec les deux livres que nous venons d'exami-
ner; mais ils diffèrent entre eux par les sujets et le texte, le
format, le volume et la date. La plupart des dessins des images
de ces livres ont été coloriées par des enlumineurs avec des cou-
leurs à la détrempe.
Certaines particularités qui paraissaient propres aux livres
xylographiques, et qui ont été présentées comme des preuves
de leur antiquité, ont été écartées plus tard comme incertaines
on douteuses, comme fausses même. Telles sont principalement
les signatures marquant la suite des feuillets, qui se rencontrent
déjà sur les éditions les plus anciennes de la Bible des pauvres,
et qui cependant ne furent mises en usage qu'en 1472 par l'im-
primeur Kœlhof , à Cologne ; telles sont encore les marques de
la fabrique ou du fabricant dans le papier qui a servi à l'impres-
sion de ces livres, et sur lesquelles Koning surtout appuyait ses
arguments , ces marques , quoique existant déjà dans des livres
xylographiques néerlandais de la première moitié du quinzième
siècle, se rencontrent également encore dans les imprimés alle-
mands et hollandais du seizième siècle. L'usage d'intercaler dans
les livres tabellaites imprimés en latin des feuilles blanches sur
lesquelles on écrivait à la main la traduction allemande , usage
que les imprimeurs de lettres paraissent avoir introduit pour s'é-
pargner le travail pénible de la gravure sur bois, n'est pas re-
gardé comme une preuve infaillible de leur antiquité , pas plus
que les marques du fabricant de papier et les signatures des
feuilles pour le relieur.
54
n suit de là que les livres xylographiques embrassent une pé-
riode plus courte que les Donats, de 25 ans environ, commen-
çant à peu près vers 1460; et que, par conséquent, ils ne sont
pas les plus anciens produits de la gravure sur bois , mais qu'ils
peuvent être considérés comme contemporains des incunables
de la typographie.
n parait qu'en général l'impression avec des planches de bois
gravées a commencé à être pratiquée par les cartiers et par les
peintres de lettres dans les trente premières années du quin-
zième siècle, et cela principalement en Hollande; mais que cet
art ne se répandit et ne s'établit positivement que vers 1440,
époque des cartes à jouer et des images de saints gravées sur
bois et sur métal, et imprimées sur papier.
A l'approche du milieu du quinzième siècle , l'impression xylo-
graphique ou tabellaire produisit principalement des livres com-
posés simplement de texte, et ce fut premièrement en Hollande.
C'était l'époque des Donats et des livres d'école.
Depuis 1460 jusqu'en 1480 environ, lorsque la typographie,
c'est-à-dire l'impression avec des lettres mobiles, avait déjà été
inventée et même perfectionnée à Mayence , on publiait encore
en Hollande , et plus tard aussi en Allemagne , des livres d'ima-
ges xylographiques.
C'était à la fois l'époque des livres xylographiques à images et
de l'invention et de l'extension de la typographie.
Enfin, dès les dix dernières années du quinzième siècle, la
gravure sur bois, employée jusque-là par les imprimeurs de let-
tres pour les livres de texte et d'images , ne servait plus qu'à la
reproduction des dessins et des peintures , tandis que la typo-
graphie était exclusivement adoptée pour les livres à texte.
Ainsi ces deux arts, qui avaient marché ensemble pendant
quelque temps, s'étaient séparés pour prendre chacun une route
indépendante en se développant et se perfectionnant dans tous
les sens.
Un troisième art , la gravure sur métal , dont nous nous som-
mes peu occupés jusqu'à présent, entra également en lice , et en
même temps que les deux précédents.
Ces trois arts donc avaient été inventés dans le commence-
55
ment du quinzième siècle. La gravure sur bois et la gravure sur
métal , tous les deux destinés à la reproduction et à la multipli-
cation au moyen de l'impression, auront leur place plus loin; la
typographie nous occupera d'abord.
IMPRESSIONS EN LETTRES MOBILES
Sa Nous ne reproduirons pas la longue et
interminable discussion sur la priorité de l'invention de la typo-
graphie ('), réclamée surtout d'un côté par Harlem, et de l'autre
par Mayence. Nous adopterons pleinement l'opinion et la con-
clusion de M. Sotzmann, qui, appuyé sur des arguments irré-
cusables, a pénétré ce sujet d'une critique éclairée, saine et tout
à fyât impartiale.
Nous regardons comme probable que la typographie a été dé-
couverte également et presque en même temps à Harlem et à
Mayence.
Nous avons remarqué que l'Allemagne peut revendiquer l'hon-
neur d'avoir fourni les premiers tailleurs de moules ( graveurs
sur bois) et les imprimeurs de lettres, tandis que la première
application de l'imprimerie xylographique ou tabellaire, faite aux
Donats et aux livres d'images , appartient à la HoUande , d'où
elle fut importée et répandue en Allemagne.
Tout était donc prêt , gravure et impression ; il ne fallait plu«
qu'un pas, un esprit inventeur capable de perfectionner et de
compléter les moyens, pour passer de l'impression xylographi-
que à l'impression typographique- Le besoin de faire ce pas se
(4) Il y a plus de 20 villes, et encore un plus grand nombre de personnes à qui
rufl attribue cet honneur. Sotzmann, 53'i — Nous ne parlerons pas des Chinois,
desquels oo dérive quelquefois l'invenlion de l'imprimerie. 11 est hors de doute
qu'ils aient pratiqué dans des temps reculés l'impression xylograpbiquc auopislbo-
graphique, et qu'ils l'emploient encore sans avoir fait d'autres progrès ; mais la con-
naissance de ces faits ne s'est répandue que fort tard en Europe, et lorsque la typo-
graphie y était déjà connue depuis longtemps. Nous renvoyons [tour de plus amples
détails aux nombreux auteurs qui en ont parlé, et surtout à l'ouvrage de M. Sta-
oislas Julien, intitulé: Documents sur l'art d'imprimer à l'aide de planches en bois,
de planches en pierre, de types mobiles, inventé en Chine bien longtemps avant que
fEvrope en fit usage.
M. Auguste Bernard, dans son excellent ouvrage sur Torigine
et les débats de l'imprimerie en Europe (*), démontre avec beau-
coup de sagacité, et en s'appuyant sur de nombreux témoignages,
que la typographie avait été réalisée imparfaitement avant 1440,
par Laurent Coster à Harlem. Coster, après avoir pratiqué la
profession d'imprimeur en xylographie, eut l'idée d'abord de rem-
placer ses planches fixes par des lettres mobiles en bois, et ensuite
par des caractères en métal moulés dans le sable. De plus , il ima-
gina de substituer au frotton la presse, déjà en usage dans plu-
sieurs autres professions , et fabriqua une encre oléagineuse qui
était mieux appropriée à son nouveau procédé d'impression.
C'est ainsi que Coster aurait imprimé le Spéculum (Miroir du
salut, voyez p. 52) d'abord à l'aide de planches xylographiques, et
puis en caractères mobiles, et d'autres petits ouvrages, tels que des
Donats.
La première édition du Spéculum remonte, selon M. Bernard,
à 1430.
Le plus ancien témoignage cité par M. Aug. Bernard, et qui est
en même temps le plus ancien récit que nous ayons sur l'histoire
de l'imprimerie, est celui qui est consigné dans une chronique alle-
mande, dite de Cologne, parce qu'elle a été imprimée dans cette
ville, en 1499. Voici, dit M. Bernard, ce que porte cette chronique :
« L'art admirable (de l'imprimerie) a été inventé d'abord en Alle-
magne, à Mayence sur le Rhin, et c'est un grand honneur pour la
nation allemande qu'on y trouve des hommes aussi ingénieux. Cela
arriva environ l'an 1440, et depuis ce temps jusqu'à l'an 1450 l'art
et tout ce qui s'y rapportait fiit perfectionné. Enfin l'an 1450, qui
était l'année du jubilé, on commença à imprimer, et le premier li-
vre qui ait été imprimé fut la Bible en latin, exécutée avec de gros
caractères comme ceux qui servent aujourd'hui à imprimer Jes
missels. Quoique l'art, tel qu'on le pratique actueUement, ait été
trouvé à Mayence, comme nous l'avons dit, cependant la première
idée vint de la Hollande et des Donats qu'on imprimait dans ce
pays auparavant Ces livres ont donc été l'origine de l'art; mais
l'invention postérieure fut beaucoup plus subtile et plus pîvrfaite
il) Paris, 18^, f, 56 et s. et 139.
59
que la première, et se perfectionna de plus en plus. Un certaîa
aoteur, appelé Onmibonus, a écrit dans la préface de Quintiîien
(publié par Jenson, à Venise, en 1471) et dans d'autres livres, que
c'était on Français, nommé Nicolas Jenson, qui le premier avait
trouvé cet art Cela est faux; il reste encore beaucoup de person-
nes qui peuvent attester qu'on avait imprimé des livres à Venise
avant que Nicolas Jenson y vînt et eût commencé à y graver ses
caractères. Le premier inventeur de la typographie fut un bour-
geois de Mayence, né à Strasbourg, nommé Jean Gudenburch
(Gutenberg), chevalier. L'art fut ensuite porté de Mayence à Co-
logne, puis à Strasbourg et enfin à Venise. Je tiens ces détails
sur l'origine et les progrès de l'imprimerie d'honorable (personne)
Ulric Zell, de Hanau, qui importa cet art à Cologne, et qui y
exerce encore la profession d'imprimeur en cette année 1499. »
Les contradictions et les confusions que renferme ce passage
seront faciles à rectifier d'après le récit de l'invention de l'impri-
merie que nous avons fait plus haut.
Suivant Junius, Laurent Coster, né vers 1370, d'une famille
bourgeoise de Harlem, mourut vers 1439. « Un de ses ouvriers
profita, dit-on, du désordre inséparable d'un pareil événement
pour voler ses maîtres, et aller s'établh* ailleurs. » Outre l'impres-
sion de plusieurs livres xylographiques, on nomme encore 14 à
15 ouvrages assez remarquables cpmme ayant été imprimés par
Coster ou ses successeurs, avec des lettres mobiles, et qui furent
probablement publiés entre 1430 et 1460. On a constaté qu'il
n'avait point existé d'imprimerie en Hollande de 1460 à 1473,
mais qu'en cette dernière année on vit venir dans ce pays les
premiers imprimeurs de Mayence.
On nomme encore l'imprimerie du tailleur de moules, Albert
Poster, de Bamberg, qui donna une magnifique édition de la Bi-
ble, connue sous le nom de la Bible de 36 lignes , pareille à celle
de Gutenberg ; elle parut presque en même temps : selon M Ber-
nard, en 1460. Les types que Pfister employait dans ses publi-
cations paraissent être imités d s, grands caractères gothiques
(grosse missaltype) de Gutenberg; ce qui a fait supposer qu'il
avait été apprenti typographe à Mayence, et, après avoir acheté
les matrices et les moules des caractères de Gutenberg, il avait
60
quitté cette ville plutôt que les autres, pour transplaiiter cet
art à Bamberg, sa viUe natale.
Plusieurs auteurs, et notamment M. Bernard, citent un passage
fort curieux sur l'existence de l'imprimerie de Poster à Bambeiig,
tiré d'une encyclopédie des sciences et des arts écrite en latin,
vers l'année 1463, par un docteur en médecine et en philosophie
appelé Paul de Prague. Voici le passage : •
< Le Ompagtis est un artisan qui taille ingénieusement dans
des lames de cuivre, de fer, de bois dur, ou d'antre matière, des
images, de l'écriture, de toutes sortes de choses, pour imprimer en-
suite avec facilité sur papier, sur mur ou sur planche unie, tout
ce qu'il lui plaît: on donne aussi ce nom à l'ouvrier qui exécute
ces choses avec des patrons (tout £edts). Pendant que j'étais à
Bamberg, un homme a gravé une Bible tout entière sur lames,
et a fixé l'écriture de toute cette Bible sur vélin en quatre se-
maines. »
L'auteur ne connaissant pas encore les procédés du nouvel art,
la typographie j les bonfond avec la peinture au patron, beaucoup
employée alors. (Voyez page 14.)
Indépendamment de la Bible, déjà citée, on attribue à Pfister
douze à treize autres ouvrages tous bien remarquables, et la plupart
ornés de gravures sur bois.
Après avoir parlé en peu de mots des personnes et des lieux
qui peuvent prétendre à l'invention de la typographie, disons
succinctement en quoi consistaient les travaux des premiers ty-
pographes, et quels progrès cet art faisait dans la suite.
L'idée de faire des caractères séparés pour en former des mots,
par opposition aux planches entières à caractères fixes, gravés
sur bois, cohstitué l'invention de la typographie, ou l'art d'impri-
mer avec des lettres mobiles.
Personne ne sait quand et par qui les premiers poinçons ou
lettres reliefs pour iniprimer avec de l'encre furent inventés. M.
Herberger (*) nous apprend qu'un habitant de la ville d'Augsbourg,
maître Johamies, curé de Saint-Maurice à Augsbourg, est le pre-
mier qui (1407) se soit servi d'un poinçon relief pour imprimer
à l'encre. M. Herberger ajoute qu'il peut prouver son assertion
(1) Herberger, d^à cité, p. 38,
par ûfk documents, et que la Bibliothèque de Munich contient
beaucoup de inanuscrits anciens dans lesquels on rencontre l'em-
ploi d'un pareil poinçon.
Maître Jean d'Augsbourg fit donc le premier pas. Cependant
on attribue généralement à Gutenberg l'honneur de cette décou-
verte et son premier développement; car le premier livre connu
imprimé à Augsbourg avec des lettres mobiles n'est que de Fan
1468, tandis que le Donat de Gutenberg est estimé de Tan 1450.
Gutenberg, avant d'avoir réussi dans la fabrication des carac-
tères d'impression moulés en métal, imprimait au moyen de plan-
ches et lettres de bois. Les ouvrages supposés de cette époque
sont des abécédaires, des livres d'heures et de prières, et des
Donats.
Gutenberg devait bientôt reconnaître {*) l'insuffisance qu'ofeiient
pour l'impression les planches gravées; il les divisait donc, en les
sciant lettre par lettre, en petits blocs carrés, et se procura ainsi
des lettres mobUes en bois. £n les perçant à leur partie supé-
rieure d'un petit trou et en les plaçant les unes à côté des autres
pour en composer des lignes, il pouvait les maintenir et les fixer
par une ficelle ou un fil de fer qui traversait tous ces trous.
On conserve encore quelques-unes de ces premières lettres
mobOes; elles furent découvertes, en 1840, chez un imprimeur
de Mayence, et paraissent avoir appartenu à Fust, si quelques
notes trouvées parmi ces caractères sont exactes.
Cependant l'impression obtenue «a. moyen de ces lettres mo-
biles en bois était loin d'être satisfaisante. Gutenberg poursuivit
donc ses essais en taillant ses caractères dans des carrés de i^ômb,
pour leur donner plus de précision et une plus grande pureté de
forme. Ce travail, long et ennuyeux j où il fallait tailler chaque
lettre un grand nombre de fois , si on voulait en avoir suffisam-
ment i^our la composition même d'une seule page, ne remplit
que médiocrement son attente.
De nouvelles recherches, assidues, persévérantes et coûteuses,
forent fûtes; elles conduisirent Gutenberg à un résultai plus par-
tit et tant désiré, le moulage des lettres. En imprimant une de
(1) Joan. Tritheim. Annales monast. Hirsaugiens. Typis monasterii S. Calli, 169(^,
i vol. fol. p. 431 (écrit en 1M4}.
6â
ces lettres de bois ou de caivre, dans de Pétain fondu, il obtenait
un moule ou une matrice en creux, dans laquelle il pouvait cou-
ler du plomb, et fabriquer ainsi des caractères en relie£
Ces moules pouvaient servir à la fonte de plusieurs lettres, et
à multiplier ainsi le même caractère sans trop de peine, en ré-
pétant l'opération autant de fois que la solidité de la matrice le
permettait Nous ne connaissons pas exactement le procédé que
Gutenberg employait pour la fonte de ses caractères, ni l'époque
de son invention ; il n'en est fait mention que dans un ouvrage
dont l'impression est attribué à Gutenberg parlesuns,àBechter-
muntze par d'autres, et dont nous parlerons bientôt.
Tout ce qui vient d'être dit sur la febrication primitive des ca-
ractères mobiles de Gutenberg est très- contesté par plusieurs
auteurs ; mais cette marche nous parait cependant la' plus natu-
relle. M. Auguste Bernard, juge très-compétent dans cette ques-
tion, est d'avis que Gutenberg apporta avec lui à Mayence les
ustensiles fabriqués à Strasbourg. Une fois à Mayence, il se mit
en mesure de réaliser son plan. Mais ses instruments, encore im-
parfaits; ses caractères en plomb, si faciles à détériorer; son
manque d'argent, ne lui permirent pas d'exploiter de suite sa
nouvelle industrie. Mais après avoir perfectionné sa presse, conçu
l'idée pour frapper des matrices en cuivre, et avoir trouvé un
alliage convenable pour donner plus de consistance à ces carac-
tères fondus jusque-là en plomb, dans des matrices de même
métal, et sûr dès lors du succès de son entreprise, il songe à im-
primer un des ouvrages les plus considérables qu'on connût alors,
la Bible 0).
Ainsi, M. Bernard attribue à Gutenberg l'invention des outils
nécessaires pour pouvoir fondre ensemble l'œil et le corps de la
lettre, le perfectionnement du métal pour les caractères, et celui
de l'encre et de la presse ; en effet, en examinant la beauté des
impressions de Gutenberg, on se range volontiers à cette opinion.
Cependant la composition du métal pour le moulage des let-
très, employée alors, n'est point connue , et nous ignorons s'il y
entrait de l'antimoine comme aujourd'hui.
(4) A. Bernard, De l'origine, I, p. 157.
63
I/époque de la découverte de ce métal n'est pas bien déterminée ;
tout ce qu'on sait à cet égard (*), c'est que Basile Valentin paraît
être le premier qui ait décrit, dans un ouvrage publié à la fin du
XV""* siècle, la manière d'obtenir de l'antimoine.
Suivant le Strasbourgeois Specklin (* ) , les presses typogra-
phiques, au milieu du XVI"* siècle, où il les vit, ressemblaient
aux pressoirs pour exprimer le jus. Sébastien Munster, dans sa
Cosmographie ('), a reproduit le dessin d'une presse à imprimer
fort simple, mais plus compliquée cependant qu'un pressoir ; un
ouvrier fait tourner d'une main et à l'aide d'une barre, la vis de
pression qui aboutit à un plateau, tandis que de l'autre main, au
moyen d'une manivelle, il met en mouvement la forme qui paraît
couverte d'un tympan. Un autre ouvrier prépare les balles pour
encrer.
L'encre d'imprimerie subissait. aussi des modifications impor-
tantes : l'encre en usage jusque-là n'était composée que de noir
de fumée et de coUe, et n'avait par conséquent ni lustre, ni soli-
dité ; elle s'écaillait ou se dissolvait à la moindre humidité ; on
obviait à ces défauts en mêlant au noir de fumée de l'huile au lieu
d'eau.
On rapporte à l'époque de ces perfectionnements importants
la publication de plusieurs ouvrages sortis de l'imprimerie de
Gutenberg et Fust.
De ce nombre est entre autres le Donat de 33 lignes , c'est-à-
dire dont chaque page se compose de ce nombre de lignes d'im-
pression. Ce Donat est de format petit in-folio, probablement im-
primé en 1450, avec des types mobiles de la Bible de 42 lignes ;
fl n'en existe plus que deux feuillets, qui sont conservés à la Bi-
bliothèque impériale de Paris.
Mais le produit le plus important est la Bible en langue latine,
(lite à 42 lignes, qui contient, dans deux volumes grand in-folio,
(1) Théiiard, Traité de Chimie, I, p. 345. —Basile Valentin, Gurros Iriomphalis
autimonii, du XV"" siècle.
(2) Léon de Laborde, Débuts de rimpriinerie à Strasbourg, i». o!?.— Aut. Berjfhell,
dans son poème au vers LXVII. — Speclin in nol. ad Kœnigshoven, pag. 442.
(3) Cosmographie de Sébastien Munster; édition allemande, Bâle, 1592, I. III.
—Ce livre a été commencé en 1532; la première éd. allem. parut en 1544, et la
pr. éd. latine en i550 ; toutes les deux imprimées à Bâle.
64 •
641 feuillets à deux colonnes (*). Elle n'a ni pagination, ni Intitalé
de livres, ni signatures, ni initiales; elle n'est pas non plus signée
du nom de l'imprimeur, ni marquée du lieu de la publication, et
ne porte aucune date.
On ne connaît jusqu'à présent que quinze exemplaires encore
existants de ce monument précieux de l'art typographique; six
sont impriméasur vélin, et neuf sur papier blanc et fort. Un de
ces derniers, conservé à la Bibliothèque impériale de Paris, porte
la souscription manuscrite indiquant que cette Bible a été enlu-
minée et reliée l'an 1456 par Henri Albech, autrement dît Cre-
mer, vicaire de l'église collégiale de Saint-Etienne de Mayence ; elle
a donc été imprimée avant 1456, ou cette année même.
Gutenberg publiait encore d'autres ouvrages pendant son as-
sociation avec Fnst, et après sa séparation il continua à imprimer
jusqu'à 1465 environ. C'est à cette époque qu'il reçut un diplôme
de gentilhomme de la cour de l'électeur Adolphe de Nassau,
archevêque de Mayence. Nous avons déjà dit que Gutenberg
mourut en 1468, dans un âge fort avancé.
Parmi les ouvrages imprimés pendant cette première époque
de la typographie, il y en a plusieurs dont on ne connaît pas
l'imprimeur, ni le lieU de l'impression, et sur lesquels on n'est
pas d*accord, s'ils sont xylographiqùes ou typographiques.
De ce nombre sont, par exemple, leDonat^ dit de 1451 ; V Ap-
pel contre les Turcs, imprimé en 1455; les Lettres é^indidgences,
dé 1454 et 1455; le Catkolicon, de 1460, etc.
(1) Cette Bible se compose de 641 feuillets ou 1282 pages in-folio. Chaque page a
deux colonnes de 42 lignes chacune; le caractère gothique, a environ 18 points ty-
pographiques. On a réservé des espaces en blanc pour les rnbriquèl^, et pour les ini-
tiales. L'ouvrage est généralement divisé en 66 cahiers de 5 fettHtes, l'enfermant 90
pages. Chaque ligne contient environ 32 lettres : Ce nombre, multiplié par 42 lignes
donne 1344 lettres par colonne et 2688 par page. 10,752 par feuillet, 53.7C0 par cahier,
c'est-à-dire 60,000 lettres au moins, car il faut bien compter les lettres super-
flues, et il y en avait alors plus qu'aujourd'hui, parce qu'il y avait beaucoup plus
de types, à cause des abbréviations et des ligatures. Cela suppose une fonte de 120,000
lettres au moins, attendu qu'il fallait avoir de quoi composer un second cahier pen-
dant qu'on tirait le premier. Le nombre de poinçons devait être très-grand, à cause de
la variété des types alors en usage. Chaque lettre en demandait au moins trois ou
quatre différents, à cause de li jwtilication. On peut juger par là des frais immenses
de cette première et colossale entreprise (Bernard I, p. 164 et 221),
65
Les deux premiers sont reconnus être imprimés en lettres
mobiles, par Pfister de Bamberg, Les lettres d'indulgences, dont
on connaît dix-huit exemplaires des 5 ou 6 éditions publiées, sont
toutes imprimées en caractères mobiles sur vélin et d'un seul côté,
ou en blanc, par deux pages à la fois, autrement dit par forme-
Deux éditions sont attribuées à Gutenberg, les autres paraissent
sorties de différentes imprimeries, dont une avait probablement
existé à Mayence, à côté de celle de Gutenberg.
Quelques auteurs attribuent à Gutenberg l'impression du Caiha-
licon de Joannis Baïbis de Jarma, de 1460, mais M. Bernard prouve
qu'elle est due à Bechtermuntze. En effet, il paraît certain qu'il
existait à Mayence, vers 1460, trois imprimeries distinctes: ce
furent ceDe de Fust et Schœffer, ^elle de Gutenberg et celle de
Bechtermuntze.
Selon M. Bernard (^), Henri Bechtermuntze était un des élèves
de Gutenberg, qui s'établit de fort bonne heure à Mayence, d'où
il transporta ensuite son imprimerie à Eltvil ^Altavilla) près de
Mayence (1467). C'est en 1460 qu'il imprima le célèbre Cadio-
Hcon.
Cet ouvrage est une compilation lexico-grammaticale du moine
dominicain Jean de Balbis de Gênes, livre très-répandu et estimé
dans ce temps. Il est de format grand in-folio , composé de 370
feuillets à deux colonnes, chacune de 66 Hgnes de 40 lettres en-
viron, imprimé sur parchemin blanc, et avec des caractères semi-
gothiques, les plus petits qu'on eût encore vus, n'ayant que six
points et demi environ. Il est sans signatures ni pagination. Les
initiales ont été peintes ensuite en or et en pourpre.
Ce livre commence au recto du premier feuiDet par le som-
maire suivant , qui est imprimé en rouge dans quelques exem-
plaires et manuscrit dans d'autres :
iiidptt tSumma t^ut tiocatttv Catboltcott, tWa a txattt âobanne
be Sftitiia: oTbintiB ftattum prebicalotum.
Le premier sonunaire, qui seul est imprimé en rouge, se relie
(1) 1, 207, II, 4 et suîv.
66
à des ornements assez gracieux qui remplissent toute la marge
gauche de la première page.
Ce livre contient sur le recto de la dernière feuille une sous-
cription imprimée, dont nous citerons le passage remarquable
qui a trait à l'invention des lettres mobiles. Le voici : Cet excel-
lent livre le Catholicon a été imprimé en Van 1460, dans la ville de
Mayence, et n^apas été eocécuté au moyen du calame, du style ou
de la plume, mmspar V ajustement merveilleux, la proportion et la
symétrie efes patrons (poinçons reliefs) et des formes (matrices).
Henri Bechtermuntze imprimait avec le même caractère un
ouvrage connu sous le nom de Vocàbularium ex que (Eltvil,
1467), mais que son frère Nicolas parait avoir achevé, comme le
Mt voir l'apostille.
Munis d'un attirail d'imprimerie, sinon parfait, du moins
considérablement perfectionné, que Gutenberg avait été forcé
d'abandonner, Fust et Schœffer purent entreprendre, déjà dix-
huit mois après leur rupture avec Gutenberg , et mettre à exé-
cution le célèbre Psautier de 1457. Le Psalterium est regardé
comme le plus émineut produit de la typographie, comme un
monument précieux de cet art nouveau, un chef-d'œuvre typo-
graphique, n est remarquable par la beauté des caractères , dus
à Gutenberg (O, la pureté et la précision de l'impression. On y
remarque des rubriques imprimées en rouge, la première intro-
duction d'initiales ornées et imprimées en couleur, la signature
de l'imprimeur, le nom du heu et la date de sa pubUcation. H est
imprimé sur parchemin blanc, quoique le papier de chiffon f(it déjà
généralement répandu. On a probablement préféré cette substance
plus solide à cause de l'usage journalier du Psautier dans l'office
de l'éghse.
L'encre est très-belle et préparée à l'huile. Les caractères, de
deux grandeurs différentes (l'un de 30 points typographiques.
(i) M. Bernard attribue à Gutenberg les beaux caractères du Psautier ; la raison
est d'abord la ressemblance des nouveaux caractères avec ceux de la Bible de 42
lignes, et ensuite la convictiun que Schœffer, à qui l'on en fait honneur, n'aurait pu
les faire graver et fondre, et imprimer son livre dans les 18 mois qui s'écoulèrent
entre la date du jugement qui dépouillait Gutenberg (tî nov. 1455) et celle de l'impres-
sion du livre (14 août 1457). Le tirage surtout dut prendre un temps considérable à
cause des différents tirages que demandait chaque feuille.
67
Paatre de 37), sont une imitation exacte' des lettres en usage alors
dans les missels manuscrits.
Ce liyre contient 306 grandes initiales, toutes gravées sur bois
et imprimées en plusieurs couleurs. La lettre B , qui commence
la première j^age du livre, a 6 pouces 5 lignes de France de haut,
snr 4 ponces de large; c'est la plus grande. La couleur des or-
nements varie avec celle de la lettre même : si celle-ci est rouge,
l'ornement est bleu , ou le contraire ; de manière qu'il a fallu
graver pour chaque initiale deux planches de bois, une pour cha-
que couleur. C'est ici le premier usage de Vimpression en œuleur
(Ut moyen de pltmews planches emboîtées les unes dans les autres.
A la fin du Psautier se trouve une apostille , imprimée en plus
petits caractères, en couleur rouge ; en voici la traduction : « Le
présent Psautier, orné de belles initiales, suffisamment divisé
par des rubriques, a été imprimé à l'aide de l'ingénieuse inven-
tion de l'imprimerie et de l'art de former des caractères sans aucun
secours de la plume ; il a été exécuté pour la gloire de Dieu, par
Jean Fust, citoyen de Mayence, et Pierre Schœflferde Gemsheim,
en l'an du Seigneur 1457, la veille de l'Assomption (14 août). »
De cette première édition du Psautier il n'existe plus que six
exemplaires, qui, à cause de leur rareré, sont d'un prix fort élevé.
Paris en possède deux, dont celui de la Bibliothèque impériale
M payé 12,000 francs, quoiqu'il y manque plusieurs feuillets.
En 1459 il paraissait une seconde édition du Psalterium aussi
belle que la première, et dont il existe encore douze exemplaires.
Cette édition oifre cette^ particularité , qu'elle est signée Pierre
Schoiffer, clerc, au lieu de Schœffer. Le même en publiait en
W90une troisième édition; en 1502 une quatrième; et son fils
Jean, une cinquième en 1516.
Toutes ces éditions ont été imprimées avec les caractères de la
première.
Dans cette dernière édition la lettre B orné, est imprimée en
one seule couleur.
Le second ouvrage qui sortit des presses de Fust etSchœfier fiit
le^ttiUelmi llPuiran^i rationale ^it^tnorum ofitciovutn, imprimé en
1459, avec les mêmes caractères du Psalterium. Une partie des
lïutiales sont imprimées en couleur, d'autres sont peintes en or
M
et en x>otirpre ^ dans le genre de celles des mannscritB. Il existe
encore 50 exemplaires de ce livre. Les trois plus beaux se trou-
vent dans les bibliothèques Sainte-Geneviève à Paris, du Vatican
à Rome et impériale à Vienne.
Le 14 août 1462, cinq ans après le Psalterium et phuienrs
autres ouvrages, parut la première Bible portant une datç; elle
est connue sous le nom de Bible de Mayence.
C'est la KtblU jScera Utina ««Ij^ata etiittoneit, ex ti:«iislcttome et
cum pv«(«ttone IS. fiietontmt, deux volumes grand in-folio, impri-
més avec des caractères tout neufs, partie sur parchemin, partie sur
papier, en 481 feuillets à deux colonnes et à 48 lignes. Comme les
imprimés antérieurs, cette Bible est dépourvue de signatures de
feuillets, de pagination et de réclames. Les initiales manquent, on
sont peintes en bleu et rouge, ou en or et pourpre. L'apostille de
la fin et les armoiries de Fust et de Schœfier sont imprimées en
rouge. Les caractères qui ont servi à l'impression de cet ouvrage
ont été gravés exprès, et sont estimés comme les plus beaux qu^
8ch(Bffer ait âdts. Il existe encore de cette Bible soixante exem-
plaires, disséminés dans différentes bibliothèques.
A peine ce bel ouvrage étajt-il terminé qu'eut lieu le sac de
Mayence, le 27 et le 28 octobre 1462; l'établissement de Fust et
Schœffer ne fut pas épargné. Nous avons déjà remarqué que cet
événement fiit une des principales causes de la dispersion de la
typographie. Les ouvriers employés dans cette imprimerie, ainsi
que ceux de Gutenberg, avaient prêté serment de tenir secret cet
art nouveau; mais forcés, en partie du moins, par la catastrophe de
Mayence , de quitter cette ville , ils profitèrent de cette occasion
pour se dégager de leur serment, et émigrèrent, en transportant
l'art d'imprimer les livres dans d'autres villes de l'Allemagne, et
dans les pays étrangers. D'ailleurs, l'attention du public lettré
avait été vivement excitée déjà auparavant, et dirigée directement
sur cet art nouveau, par la souscription très-significative que
Schœffer avait mis à la fin du Psautier de 1457.
On peut admettre deux périodes pour la propagation de la ty-
pographie. La première eut lieu à l'occasion de la séparation de
Gutenberg et Fust ; on ne connaît cependant authentiquement
qu'Albert Pfister de Bamberg qui ait établi une imprimerie hors
de Mayence à cette époque. La seconde période est celle de 1462.
e9
PROPAGATION DE IiA TYPOGBAPHIB DAMS
XV* nsCSiEa En nous occupant de la propagation de
l'imprimerie, nous ne prétendoijLS pas épuiser le Sïget, nous ne
ferons que signaler les principaux typographes, en même temps
que nous indiquerons les progrès qu'elle a faits et les innovations
introduites peu à peu dans la pratique de cet art.
Nous continuerons de nous occuper de Fust et de Schœffer
qui, quoique interrompus dans leurs travaux par le désastre de
Mayenee, les recommencèrent cependant bientôt après avec un
nouveau zèle.
Déjà en 1463 paraissaient de nouvelles publications, et en
1465 ils imprimaient la première édition d'un auteur classique ,
Cicéron.
Ce livre, encore dépourvu de signatures, de réclame et de
pagination, contient cependant le point. On y remarque aussi les
premiers caractères grecs imprimés.
Après la mort de Fust, en 1466, Pierre Schœfifer continua à
imprimer et se distingua connue graveur et fondeur de carac-
tères autant que comme typographe. H peut être regardé comme
le premier libraire, c'est-à-dire comme le premier qui ait fait
commerce de ïïvres imprimés. H avait des dépôts à Paris, à
Mayenee et à Francfort-sur-le-MeiQ. On lui attribue l'invention
d'un genre de caractères connu sous le nom de Schwahacher;
c'est un caractère allemand dont on se sert partiellement encore
aujourd'hui.
Les fils de Schœffer, Jean et Pierre, et son petit-fils, Ivo
Schœffer, continuèrent successivement son imprimerie jusqu'en
1552; époque où la famille Schœffer s'éteignit à Mayenee.
Un de ces derniers livres est la preuve évidente que c'est à
Gutenberg seul qu'est dû l'invention de la typographie, et non
pas à Fust et à Schœffer. Le passage suivant se lit dans une dé-
dicace en vers allemands d'un Tite-Live, imprimé, en 1505, par
Jean Schœffer :
* Que Votre Majesté (l'empereur Maximilien) daigne accepter
«ce livre, imprimé à Mayenee, ville dans laquelle l'art admi*
< rable de la typographie fiit inventé, l'an 1450, par l'ingénieux
70
« Gutenberg, et ensuite perfectionné aux frais et par le travail
« de Jean Fust et de Pierre Schœffer. »
Les inventeurs de Fimprimerie étaient encore en pleine acti-
vité, que la typographie avait déjà pris racine hors de Mayence ,
et cela en plusieurs endroits à la fois. Elle se propageait avec
une rapidité merveilleuse et de jour en jour davantage ; de sorte
qu'au bout de quelques années, déjà vers la fin daXV siècle,
dans toute l'Europe, chaque ville d'une certaine importance pos-
sédait son imprimerie, et même plusieurs. Quelques-uns de ces
établissements étaient très-considérables : l'imprimerie d'Antoine
Koberger, à Nuremberg, en 1473, mettait joumeUement vingt-
quatre presses en mouvement, et occupait plus de cent ouvriers.
Le même Koberger faisait aussi le commerce de livres imprimés»
et avait des succursales dans toutes les principales villes du con-
tinent
Beaucoup de typographes à cette époque étaient nomades,
allant d'une ville à l'autre , transportant avec eux leurs outils et
le secret de l'art nouveau. Cet art magique était reçu par les uns
avec joie, et vu par les autres avec crainte. Cela n'empêchait
cependant pas ces ouvriers nomades d'imprimer partout, et de
contribuer ainsi considérablement à la propagation de cette belle
invention.
En s'éloignant de Mayence, la typographie se développait
graduellement dans ses procédés : le goût devenait plus épuré,
changeant suivant les exigences et les besoins de chaque pays, et
variant en proportion de l'intelligence et de l'habileté de l'ou-
vrier. Des perfectionnements sensibles s'introduisaient : on aban-
donnait peu à peu les vieux types, qui étaient remplacés par des
caractères nouveaux et plus beaux. On imitait les lettres de tou-
tes les langues connues alors. On complétait la ponctuation, très-
négligée ou tout à fait ignorée dans les imprimés primitifs; on
corrigeait mieux les épreuves. L'encre et le papier subissaient
des améliorations. Enfin, tout marchait au progrès, et chaque
imprimeur regardait comme un devoir d'avancer son art.
Ainsi Conrad Sweynheim et Arnold Pannartz, les premiers
imprimeurs de toute l'Italie, introduisirent à Subiaco, en 1464,
le caractère romain ( antiqua), en imitant les petites lettres lati-
71
nés employées dans les manuscrits du Vin* et du IX* siècle. Ce
caractère, perfectionné depuis à Venise, en 1469, par le premier
imprimeur de cette ville, Jean de Spire, et en 1470 par Nicolas
Jenson de Tours, habile graveur de lettres, d'après les belles
écritures florentines des manuscrits faits sous les Médicis , reçut
une si belle forme de Jean de Cologne, aussi à Venise, en 1474,
qu'on nomma ces types caractères Veneti,
Ce même typographe diminua la grandeur. des initiales, qui
prenaient une si grande place dans les livres imprimés antérieu-
rement
En 1472, Gunther Zainer, à Cologne, introduisit le caractère
romain en Allemagne.
Aldo Pio Manutio, dit Aldus (l'aîné), chef d'une célèbre fa-
mille d'imprimeurs de Venise, bannit de l'imprimerie, vers 1494,
le caractère gothique (Mœnchsschrift) , et inventa un nouveau
type, le caractère italique, qui diffère du romain parce qu'il est
un peu couché. Aldus possédait les différents caractères romains,
et trois hébreux.
Peter Schœffer avait déjà employé les lettres grecques dans
son édition de Cicéron de 1465, mais elles étaient encore informes;
Sweynheim, à Rome, les perfectionna, ainsi qu'Antonio Zaroto,
àMilan, enl469.
Cependant le premier livre entièrement imprimé avec des ca-
ractères grecs, la grammaire de Constantin Lascaris, n'a été
publié qu'en 1476, à Milan, par Dionysius Paravisinus. Bernar-
<iinNerlius, à Florence, imprima en 1488 tout Homère en grec;
et, vers la fin du siècle, Gilles Gourmond pubb'a, à Paris, Hé-
siode, dans la même langue. Dierk Martens, à Aalst, le premier
typographe nommé dans les Pays-Bas après Coster, employait
déjà des caractères grecs en 1473. Martens se servait au com-
mencement de caractères gothiques hollandais d'une forme par-
ticulière: ils ont des pointes et des angles, et sont imités parfai-
tement des lettres employées dans les manuscrits de son époque.
Le premier essai avec des caractères héhrevtx, ftit fait à Esslin-
gen en 1475, par Conrad Fyner, dans son Tractatus contra per-
fides Judeos, du dominicain Pierre Schwartz; mais l'édition
entière de cet ouvrage, imprimée avec des lettres hébraïques,
1
72
parut à Maotoue par les soins d'Abraham Konath, en 1476.
Rabbi Zorba et Baban Ëlizer imprimaient en 1489, à Lisbonne,
le Commentaire du Pentateuque du rabbin Mosis Nachamanidis.
A Constantinople, des Juifs imprimèrent secrètement, en 1490,
l'histoire hébrs^que de Josephus Ben Gorion. L'imprimerie y
était déjà connue avant 1483, mais le sultan Bajazet II l'avait
défendue sous peine de mort, conune une magie noire.
Des lettres gothiques d'une forme particulière régnèrent pen-
dant ce siècle dans la plupart des impressions françaises. Dans
Gyron le Courtois et dans les prophéties de Merlin, imprimés en
1498 à Paris, par Antoine Yérard, on remarque surtout des ini-
tiales grotesques, quelquefois d'une grande dimension, et qui
sont composées de paraphés d'écrivain, d'enroulements, de rubans,
de nœuds , tout cela entrelacé de figures feintastiques humaines
et animales. Les lettres capitales de quelques imprimés de Jean
deVingle, à Lyon, surtout celles des Quatre fils Aimon de 1498,
sont dans le même genre.
Le caractère gothique que William Gaston, le premier typo-
graphe de l'Angleterre , depuis 1474, a employé dans ses publi-
cations est également grotesque et surchargé d'enroulements.
Le titre de l'Apocalypsis cum figuris, imprimé à Nuremberg
vers 1498, ofire un autre genre de caractères : se sont de gran-
des et belles lettres en gothique allemande, richement ornées
de paraphes qu'on attribue à Albert Durer. Ces lettres, très-
répandues en Allemagne, furent appelées FroK^rschrifly et ont
probablement été nûses en vogue par les calligraphes ( en alle-
mand, Modisten), surtout par Paul Fischer, à Nuremberg. Albert
Durer avait donné les règles et indiqué les proportions qu'il
fallait employer pour tracer ces lettres gothiques àUemandes, au
moyen de l'équerre et du compas.
Le premier imprimeur de Bruges, Collard Mansion, en 1476
employait pour la plupart de ses impressions un caractère parti-
culier, en usage alors dans les manuscrits français, et qu'on
appelait écritures grosse'bâtarde. Voir surtout son édition des
métamorphoses d'Ovide.
Schœffer avait déjà transporté dans l'imprimerie le goût pour
les initiales ornées des manuscrits. Citons encore Erard Batdolt|
fi
o
à Venise , à qui les bibliographes Marchand et Maittaire attri-
buent l'invention des initiales composées de fleurs et de festons,
nommées Florente littera. Dans son Ars niemoraUva de Jac.
Publicino, imprimé en 1485, Radolt a introduit des lettres capi-
tales, composées de divers objets de la vie pratique, des emblè-
mes de l'art mnémonique, ressortant en blanc sur un fond noir.
Jean Zainer (Tzainer, Czeyner\ à Ulm, contribuait beaucoup,
en 1473, au perfectionnement de la typographie ; il publiait le
premier livre orné ou iïlmtré, iîomme on dit aujourd'hui.
La première page de la traduction allemande de Boccace est
décorée d'un entourage ou cadre orné, gravé sur bois, ainsi que
les initiales. Le Fasdcuhtë Temporum, imprimé à Utrecht en
1479 par Jean Yeldener , *est également embelli d'entourages et
d'ornements. On a donné dans la suite en France à ce genre de
décoration le nom de vignette , parce qu'il se composait primiti-
vement de branches de vigne. En Allemagne, on nommait les
graveurs sur bois qui exécutaient ce genre d'ornements, des gra-
veurs de cadres (Rahmenschneider).
Jean Froben, depuis 1491, le second typographe de Bâle,
embellissait aussi les titres et le texte de ses livres avec des en-
tourages des initiales ornées et des vignettes. Ces ornements
avaient été gravés par les meilleurs artistes, surtout par Hans
Holbein.
n n'était pas rare non plus de voir déjà dans le XV' siècle
mie quantité de livres imprimés qui étaient ornés d'images et de
figures, genre qui a eu tant de vogue dans le siècle suivant. La
plus belle de toutes les Bibles allemandes, celle de 1483, impri-
mée par Ant, Koberger à Nuremberg, est décorée d'un grand
nombre de remarquables gravures sur bois. Ces mêmes planches
avaient déjà servi à l'impression de la Bible que Quentell avait
publiée à Cologne en 1480.
On estime aussi beaucoup le Schatzbehalter, de 1491, orné de
95 belles gravures xylographiques de Michel Wohlgemuth, le
maître d'Albert Durer; et le Kvre des Chromk und Historien du
ly Hartmann Schedel, 1493, contenant beaucoup de gravures de
Woh]gemuth et Pleydenwurf , tous les deux imprimés par Ko-
berger.
.4
74
La plupart des livres imprimés par J. Gruninger, à Stras-
bourg, surtout son Térence, de 1496, et son Horace, de 1499, sont
de même décorés de gravures sur bois très-caractéristiques. Le
Epitoma Hist. ac Chronic. dictum : Budimentum Noviciorum,
magnifique produit typographique, publié en 1475, par Lucas
Brandis, dit de Schass, le premier imprimeur de Lubec, est
également orné d'excellentes gra\aires sur bois. Les publications
d'Antoine Vérard, de Paris, qui avait imprimé plus de cent vo-
lumes de romans français , se distinguent aussi par une grande
richesse de gravures en bois. H eh est de même des Heures que
Philippe Pigouchet a imprimées en 1484, et embellies d'entou-
rages composés de figures spirituellement dessinées. La Danse
macabre, pour la première fois imprijnée en France par Guyot
Marchant, en 1486, est encore de ce genre d'ouvrages illustrés.
Le plus ancien ouvrage imprimé qui contienne des gravures
sur bois représentant des plantes (*) est le Puch der Natur,
imprimé à Augsbourg sans millésime; il est, suivant Séguier, de
1475 et 1478. Puis en 1480 paraissait Pet de Crescentiis in corn-
modum ruralium cum figuris libri duodedm, qui n'a point de
lettres capitales, ni de pagination.
De 1480 à 1490, on voit les premières éditions latines de
Ortus sanitaUs, sans date et pagmation, mais avec des lettres
capitales.
Dans ces ouvrages , on ne peut reconnaître les plantes , tant
les gravures sont mal faites. Dans les deux suivants elles sont
déjà mieux : Herbanm , imprimé avec des gravures de plantes
sur bois, par Johann Alakraw de Passau, en 1485, in-4", avec pagi-
nation et date. — Il en existe un exemplaire dans la bibliothèque
de M. de Caiidolle, à Genève. C'est la seconde édition d'un même
ouvrage pubhé à Mayence en 1484.
Macerfloridus, de viribus herbarum, avec des gravures de
plantes dont quelques-unes sont reconnaissables; orné de trois
gravures xylographiques, qui sont identiquement les mêmes
(probablement clichées). Il est sans pagination, mais il a des si-
(1) Ueber Pflanzenabbilduiigen durch deu Holzschnitt, des Dr. L. C. Treviranos;
in den Denkschrirten der kôuigl bayr. bot. Gescllschart in Retrensburg, 1841. not.
3. p. 33.
75
gnatures de a — g. On le dit imprimé à y«nifie , par Beraurdtim
Venetum de Vitallben, en 1506, in-8'. — M. de Candolle en
possède an exemplaire. H en existe plasienrs éditions.
C'est à Augsbourg, en 1483, qu'a été imprimé le premier Iwre
^armoiries, le Concilium geschehen zu Eostencz (Constance),
par Antoine Sorg , lequel contient 1,200 armoiries et effigies
des personnesqui ont assisté à ce concile.
Le Collect super magnificiat de J. Gerson, imprimé à Ësslin-
genpar Conrad Fyner, en 1475, est le premier livre, après le
Psautier de Schœffer, qui contienne des notes de musiqm impHr
mées.
Le plus beau produit de la typographie du XV" siècle est un
Euclide publié à Venise en 1482, par Erard Ratdolt La dédi-
cace au doge Giovanni Mocenigo est imprimée en or, premier
exemple de ce genre d'impression. H est, en outre, le premier
livre typographique qui contienne des figures géométriqms et
f^Mnatiques,
La cosmographie de Ptolémée, imprimée à Ulm en 1482, par
Lienhard Holl, avec des caractères romains et des initiales
ornées d'arabesques, oifre le premier exemple de cartes géo-
graphiques swr bois. Toutes les planches de ce curieux ouvrage
ont été gravées par Jean Schnitzer d'Amsheim, ,qui a employé
pour les cartes un procédé particulier. Au lieu de graver les
légendes ou nom de villes, etc., comme les autres ^ures sur
la planche de bois, il a percé des trous à la place qu'ils doivent
occuper, et il a mis des lettres mobiles formant ces noms; de
manière que les lettres et les figures s'imprimaient à la fois,
d'un seul coup de presse. Sweynheim, à Rome, avait déjà en
U78 publié le même ouvrage; mais, au lieu de graver les car-
tes géographiques sur du bois, il les gravait en creux sur du
cuivre ; et comme il n'était pas assez habile pour graver égale-
nient la lettre, il les imprimait dans la planche en creux au
moyen d'un poinçon eu relief.
Une année avant cette pubHcation, c'est-à-dire en 1477, pa-
raissait à Florence le premier Uvre imprimé orné de gravures
«r cidvre. E a pour titre : Il monte sancto di Dio, d'Antonio
Bettini, chez Nicole di Lorenzo délia Magna.
i
7Û
Cependant J.-C. Volta nous parle d'un livre imprimé à Mantoue
en 1472, dont le premier feuillet est décoré de plusieurs initiales
gravées sur cuivre. C'est le Petrus de Abano de Venenis.
Le Breviarum Diocer. Herbipolensis, imprimé à Wurtzbourg
en 1479, par George Reyser, offre le premier exemple de l'emploi
de la chalcographie dans les livres imprimés en Allemagne.
Pierre Schœffer avait introduit le point dans la typographie ;
Aide Manuce, en 1494, mit la virgule et le point-virgtde, et Kœlhof
à Cologne employa pour la première fois en 1472 les signatures
des feuilles; Zarota à Parme les introduisit en Italie vers 1476; et
Bartholomée Rembold à Paris se servait à cet effet de lettres nu-
mérales, en ajoutant à la lettre alphabétique un chiffre arabe.
Le premier Uvre imprimé en Suisse , et le premier aussi dans
lequel on a emplové des chififres arabes , qui n'avaient pas encore
figuré parmi les si^es typographiques, quoique depuis longtemps
en usage dans l'écriture, est le Mammotrecttis , imprimé à
Munster, en Argovie, par Hélie de Lauffen, en 1470.
Rot, à Rome, se servait en 1471 des diphthongues pour les
sons composés.
La plupart des imprimeurs du XV* siècle cherchaient surtout à
reproduire et à multiplier les œuvres des auteurs classiques de
l'antiquité, et ils mettaient à ces éditions princeps un soin tout
particulier. On doit à Manuce I vingt-huit éditions premières de
classiques grecs , et de beaucoup d'auteurs romains. Ses éditions
se distinguent principalement par la simplicité et la correction, et
par la belle forme des caractères; l'encre et le papier en sont par-
faits. Aldus fut le premier qui imprima séparément quelques exem-
plaires d'une édition sur du papier plus fin et plus solide , et quel-
ques-uns même sur du papier bleu pour les distinguer des autres.
Les impressions sur parchemin, dont l'usage devenait toujours
plus rare dans l'imprimerie, sont surtout estimées. Les éditions
de Philippe Giunta de Florence, depuis 1497, sont aussi célèbres
que ceUes des Aides , et reçurent des bibliophiles le nom d^édi-
tions Juntines.
On imprimait dans le XV' siècle déjà en un grand nombre
d'idiomes, et l'on posait ainsi la base de l'imprimerie polyglotte,
qui s'est tant augmentée de nos jours. Outre le latin, par lequel on
77
commençait généralement, on imprimait en allemand et en ses
diyers dialectes; en français et en italien. Le plus ancien livre
imprimé en anglais l'a été chez le premier imprimeur de Cologne,
Ulric Zell de Hanau, par Willam Caxton, en 1471. Caxton intro-
duisit, en 1474, l'imprimerie en Angleten'e. A Valence, en Es-
pagne, en 1474, on imprimait un recueil de poésies en Fhonneur
de la Vierge, en castillan, eu italien et en limousin, idiomes
alors en usage à Valence. Pedro Posa publiait en 1477, à Bar-
celone, la traduction en espagnol de Curzio Ruffo. A Pilsen, en
Bohême, on imprimait en 1475 le Nouveau Testament; à Prague,
en 1487, les Psaumes et en 1488 la Bible de J. Pithck et Severin
Kramarz, en langue bohème.
Dans cette dernière ville on publiait, en 1487, les fables
d'Esope en idiome slavon. A Copenhague paraissait, en 1495,
le premier livre en langue danoise : Den Bcméke Eûm Krôncke,
imprimé par Got de Ghemen. La traduction en polonais du
Octoechos de Jean de Damaskus fut imprimée à Cracovie en
1491, par Swaybold Frank. C'est là aussi que s'imprimèrent
plus tard les premiers livres russes. A Tschernigow, en Russie,
siège d'un métropolitain grec, on imprimait déjà en 1493 le
même livre de Jean Damasque en iUyrien, mais avec des ca-
ractères cyrilliques par George Czernœwic.
On imprimait dans toutes ces langues avec des caractères
gothiques jusqu'à ce qu'on eût introduit des caractères romains,
puis peu à peu ceux qui étaient propres à chaque nation. Avec
des caractères grecs et hébreux on imprimait presque partout,
mais, pour ce dernier, c'était surtout des typographes juife
établis à Soncino, dans le Crémonais, de 1485 à 1490, connus
sous le nom Hebraei Sonciuates.
Enfin, à la fin du siècle, c'est-à-dire en l'an 1500, il y avait
plus de mille typographes répandus dans toutes les parties de
l'Europe, dont les noms et les œuvres sont parfaitement con-
nus et constatés, sans compter les ouvriers inférieurs et ceux
qui sont inconnus.
L'invention de l'imprimerie exerça une grande influence sur le
commerce des livres; elle lui donna une forme nouvelle ; elle s'a-
grandit et s'étendit en lui ouvrant un champ plus vaste pour la
spéculation.
78
Au moyen à/ge^ les marchands de livres écrits, qui étaient en
même temps aussi écrivains et copistes, furent appelés B^Uor
tores ou sUiUonarii^ et, s'ils avaient fait des études, clerid. Le
libraire qui vend des livres imprimés est nommé dans les imprimés
de Ferrare de 1474 et de 1475, et dans ceux de Junte de 1500)
Bibliopola; et Librarius dans les éditions de Bologne de 1477, et
de Trévise de 1480. Les imprimeurs étaient alors aussi souvent
libraires. Fust faisait déjà le commerce de livres imprimés à Paris.
Pierre Schœffer, après la mort du précédent, continua l'établis-
sement à Paris, et en fonda un autre à Francfort-sur-le-Mein.
Ant. Koberger à Nuremberg avait, en 1473, des dépôts de livres
dans 17 villes différentes: même à Venise, à Lyon et à Amster-
dam. Mais en 1480 nous rencontrons à Ulm de véritables libraires,
qui ne faisaient que le commerce des livres imprimés : c'est Jean
Harscher, Erhart Ruwinger et Bertibold Ofener. A Francfort-sur-
le-Mein se tenait déjà depuis 1479 un marché ou foire de livres
imprimés , qui était très-fiorissant. Il y a encore aujourd'hui dans
cette ville une rue qui porte le nom de rue des Livres (Bnchgasse).
Jean Bsemler à Augsbourg en 1472, et J. Mentellin à Strasbourg
en 1470, avaient publié les premiers catalogues ou listes de livres
de fonds. D'autre part, les annonces de livres imprimés du cou-
vent de Saiiit-Ulric et Afra à Augsbourg, paraissent être les pré-
curseurs et les premiers modèles des listes de souscriptions, des
prospectus et des programmes si pompeusement répandus dans
le public de nos jours. Avec la grande extension de l'imprimerie
naissaient aussi des lois prohibitives et restrictives et la censure.
La> plus ancienne loi de ce genre est celle de l'archevêque et
électeur Bertihold de Mayence, de l'année 1486, sans parler de
celles qui existaient déjà depuis longtemps à Rome.
Si maintenant nous jetons un coup d'oeil général dans le do-
maine de la typographie, sur les travaux des 36 années écoulées
depuis la première apparition d'une imprimerie hors de Mayence, à
Bamberg en 1462, jusqu'au déclin du siècle , on est frappé d'éton-
nement et d'admiration à la vue de l'activité et de la vie qui ré-
gnèrent dans cet art à peine inventé. Si nous comparons ce court
espace de temps aux siècles qui ont précédé cette glorieuse dé-
7Ô
couverte, quel contraste : Ici un spectacle magnifique , du mouve-
ment, de l'enthousiasme; l'industrie, Part et l'étude en pleine
activité , et pour résultats , le commerce et le bien-être. Là, au
contraire, l'inertie, les ténèbres, l'ignorance , un malaise général.
Du ¥• siècle à l'an mil on savait à peine écrire, par conséquent il
n'y avait point de littérature. Même quelques siècles plus tard le
papier et les livres étaient extrêmement rares ; « il n'y avait que
«les princes et les grands seigneurs qui puissent former des
«bibliothèques et récompenser la peine des écrivains, » nous
dit l'historien de Charles VI. Le prix moyen d'un livre simple,
tenant le milieu entre les simples opuscules ou manuels et les
volumes surchargés de peintures et d'ornements, pouvait, sui-
vant M. Daunon, équivalo.r au XIIP siècle à ce qui coûterait au-
jourd'hui 4 à 5,000 francs. Villaret nous dit qu'au XIV* siè-
cle un seul livre d'heures, sans fermoir d'or, sans pierreries,
de la bibliothèque du duc de Berry, frère de Charles V, monta
à la somme de 875 livres, représentant une valeiu* d'environ
6,250 francs de notre monnaie. Et au XV* siècle encore, avant
la découverte de l'imprimerie, un roi de France, Louis XI,
voulant emprunter un hvre à la Faculté de médecine pour le
ûiire transcrire, fut obligé de se soumettre à des conditions de
garantie, et de donner pour caution cent écus d'or et douze
marcs de vaisselle d'argent « qu'il nous a baillés en sûreté de
< nous le rendre , ainsi que selon les statuts de notre Faculté
« faire le doit. j>
Les livres avaient une telle valeur, qu'on les regardait comme
la plus belle partie de la propriété : on en disposait dans les
legs, et il n'était pas rare qu'on prescrivît dans les testaments
l'obligation de les conserver enfermés dans une armoire à part
et fixés par une chaîne, de ne jamais les prêter ni les vendre.
Mais déjà la presse était en mouvement : imprimit ille die
^ntum non scribitur in anno; et Jehan Molinet(*), dans sa
Jtecollecii<m des merveilles advenues en nostre siècle, pouvait
s'écrier :
(i) Mémoires de la Société royale des antiquaires de France, volume XJII, 1838.
do
J'ai veu ip^nt oultiUide
De livres imprimez,
Pour tirer en estudes
Povers mal argentez
Par ces nouvelles modes/
Aura maint escoUier
Décret, Bibles et Godes,
Sans grant argent bailler.
Il n'y avait pas 60 ans que le premier livre avait été im-
primé à Mayence, que déjà toutes les grandes villes de l'Eu-
rope possédaient des établissements typographiques; et à la fin
du XY* siècle la propagation des livres imprimés était géné-
rale.
Suivant M. Taillandier le nombre des exemplaires de chaque
édition des premiers imprimeurs était de 275; après 1472 les
tirages dépassaient ordinairement ce nombre et même celui de
300. Les calculs les plus modérés établissent que l'imprimerie
avant 1501, c'est-à-dire dans le premier demi-siècle de son
existence, avait exécuté plus 1,300 éditions (*), et répandu en
Europe plus de 4 millions de volumes.
Nous ne quitterons pas le XY* siècle, époque de la naissance
de l'imprimerie, sans dire quelques mots sur l'état de cet art
à Genève (•).
Genève, qui, suivant Senebier, avait reçu l'imprimerie en
1478, ai Adam Steimchawer de Schweinfourt, a pris une part
active dans ce mouvement général On connaît trente-six édi-
tions imprimées dans cette ville depuis cette époque jusqu'à
1500; et les noms de cinq imprimeurs qui y ont travaillé.
M. Favre-Bertrand, dans une excellente notice sur les livres
imprimés à Genève pendant cette époque, nous apprend que le
(i) On appelle Incunables, les éditions qui ont paru dans le XV* siècle; du latin
incunabulum, berceau (temps où l'imprimerie était enrx)re à son berceau).
(2) Mémoires de la Société d'histoire et d'archéologie de Genève, 1. 1»'. — Hist. et
description de la Bibliothèque publique de Genève, par M. E.-H. Gaullieur. profes-
seur; Neuchâtel, 1853. — Études sur la typographie genevoise par M. Gaullieur; Ge-
nève, 1855. — Mémoire sur l'état matériel de Genève pendant la seconde moitié do
XV*" siècle par M. le doct. Chaponnière, 1853.— Guerbin de Cruse demeurait dans
la rue de la Cité ou des Cordonniers (de Civitate seu Sutorum), au coin de la rue de
la Tour de Bnel.
81
premier Ëvre sorti des presses genevoises était: I.(^) Le Livre
des Saints Anges, imprimé en 1478 en langue française, et
avec des caractères gothiques. Cette première publication fut
suivie de près de plusieurs autres, savoir : II. Le Bonum de
Mëmne,BYec des gravures sur bois; m. Le livre de Sapience,
IV. Le Roman de Fierabras le Géant; tous les trois du même
imprimeur que le premier; le livre intitulé : Le noubU roy
PonOms (XXIX) ^ qui est sans nom d'imprimeur et sans date, est
supposé de 1479, et attribué à Steinschawer. Viennent ensuite :
V. Le Liber qui Manipuius Ouratorum, etc., etc., de 1480, et
VI Legendœ sanctorum, de la même année; tous les deux si-
gnés du nom d'Adam Steynschauwer de Suinfordia.
Depuis 1481 apparaît un imprimeur du pays, Lovys Ontse,
qui se nomme aussi Ludomcum Oruse alias GarUni, Ga/rhin
ou GwrUn, fils d'un docteur en médecine. On connaît de
lui:VIL Thomas de AquinOy Tract de 1481, avec des initiales
ornées; IX. Le doctrinal de Sapience, imprimé à Promentour
en 1482; XI. Le Boman de lïeràbras, de 1483; XII. Un vo-
caMaire loMn-français , de 1487; XXII. Les fleurs et les ma-
nières des temps passés, etc., de 1495, orné de gravures sur bois.
On lui attribue encore l'impression de XXXYI. La danse des
Aveugles, et XXXV. Le Livre des bonnes imeurs (entre 1488 et
1489).
En 1490 parurent les deux seuls livres que Jacques Arnollet,
ait imprimé à Genève : XTV. PassionaJe ChrisU, avec figures
et XV. Les sept sages de Bœne,
Jean Fabri de Langres publia, en 1491, XVI. Le Missale ad
^i^m Gébennensis dyocesis , orné d'une vignette.
XXIV. Le Kàlendrier des Bergiers porte la date de 1497,
et la marque de l'imprimeur, J, B., surmonté d'un B., qui est
•Jean Belot, originaire de Rouen. XXXIV. Le Missale ad usum
^hennensis de 1498 et Le Missale ad tisum Lausannem de
1500, sont également imprimé par lui.
D'autres livres imprimés à Genève pendant le XV* siècle,
mais dépourvus ou du nom de l'imprimeur, ou de la date, sont :
(1) Les chUfres romaios sont les auméros d'ordre de M. Fjivre.
4*
82
Vm. UUsUÂre éPŒivier de CasUOe, de 1482. X. Le livre dès
sept sages de Borne, de 1483, et Xm. Le même de 1492.
XVin. GonstUutiones sytwdales, etc., de 1493, avec quelques
capitales gravées sur bois. XX. Le Doctrinale de Sapience, de
1493. XXI. Encore une édition des Sept sages de Borne (la
4"* depuis 1483), de 1494, ornée de figures sur bois. XXIU.
Fasciculus Tennporum en françoys ( c'est le Fardelet historical).
de 1495, orné de gravures. XXXIII. PrognosUcon de Comète,
qui anno M.CCCCC, etc., qu'on suppose être imprimé en
1500. XIX. Statuta ecclesiœ Gehennensis, sans date, paraît être
de 1493. XXXn. Le roman de Fierabras le Gréant, dépourvu
de date, mais signé Simon du Jardin, à Genève, parait, selon
M. Gaullieur, être dû à Louis 6arl»n, du Jardin n'étant pas
connu comme imprimeur. XXXI. Une seconde édition de l'his-
toire d'Olivier de Castille, sans date , mais signée de Louis Garbin.
XXVni. Qvtattwr novissimarum Liber, etc. (connu sous le nom
de Cordiale), sans date, ni nom d'imprimeur. XXX. La chro-
nique et Vhysioire de ApoUin de Thyr, imprimée par Garbin
(entre 1481-1490). XXXIV. Manucik ad usum Qeh, porte les
lettres J. B., Jean Belot, mais point de date ni lieu d'impres-
sion. — Du XYI' siècle , ilftôsa2e ad usum eccles, Laus., sans date
ni lieu d'impression. La grande Danse Macabre des hommes et
des femmes, de 1503, avec des gravures sur bois. — HoreBte Marie
Virginis secundum eccles, Geben, (*). Xm. Breviarum ad uswn Oe-
ben. avec gravures sur bois , et des caractères rouges et noires .
est imprimé par Louis Garbin, en 1487.
Ce sont là les éditions connues qui furent imprimées en
caractères gothiques à (jenève dans le XV* siècle.
Au commencement du XVI» siècle, il y avait à Genève,
entre autres imprimeurs, Jacques Vivier (1517), et Wigand
Kohi (1523).
PROPAGATION DB IiA TYPOGRAPHIE DANS
IiB XVI* SIBCIiEa L'imprimerie au moyen de lettres mo-
biles, ou la typographie, inventée dans la seconde moitié du XV*
(1) Dont M, le professeur Adert possède an Tra^ment. Voyez iM. Gaullieur. Études,
etc. p. 54,
83
siècle, s'était donc solidement établie, et florissait déjà chez pres-
que toutes les nations de l'Europe à la fin de ce même siècle. H
nous reste à dire ses progrès dans les temps postérieurs jusqu'à
nos jours, à faire ressortir surtout ses perfectionnements dans la
pratique, et ses diverses applications aux arts et aux sciences.
Dès le conmiencement du XVP siècle nous voyons l'imprimerie
se répandre aussi dans les parties extrêmes de l'Europe, et sur
les continents et les iles dii reste de la terre. En Islande nous
rencontrons déjà en 1531 une imprimerie, et en 1584 on y impri-
mait la première Bible en islandais. Bible dont lés gravures sur
bois avaient été faites par l'évêque Jens Areson lui-même.
Ostrogue, en Volhynie, est le lieu où fut imprimée en 1581 la
première Bible en ancien russe; les caractères sont exactement
imités de ceux des manuscrits slavons. La première imprimerie en
Russie fut celle de Moscou, établie en 1553; St-Pétersbourg n'en
eut une qu'en 1711. On imprimait depuis 1794 en Arménie. Cons-
tantinople n'eut une imprimerie publique qu'en 1726, et la Grèce
tte l'eut qu'après avoir recouvré son indépendance, vers 1822.
LaCliine,le Japonet les divers pays de l'Inde orientale con-
naissaient depuis des siècles déjà l'art d'imprimer au moyen de
planches de bois; mais ils ne paraissent pas avoir fait jusqu'ici des
progrès sensibles dans l'imprimerie. Les missionnaires ont in-
troduit dans le XVI* siècle la typographie à Goa, sur la côte nord-
ouest du Décan. La Perse n'en a été doté qu'en 1820. Les moines
du mont Liban imprimaient déjà en 1610.
L'art de Gutenberg fut introduit à Batavia depuis 1707; à
Ceylanen 1737; mais dans les îles Philippines ce fiit déjà en
1570.
Les pays qui les premiers eurent une imprimerie dans les
deux Amériques, furent le Mexique, en 1549, et Lima en 1586.
Mais les Massachusets de l'Amérique du Nord n'en eurent une
qu'en 1639; la Pensylvanie qu'en 1686, florissante surtout sous
Franklin en 1726; et New- York qu'en 1693.
L'Egypte reçut l'imprimerie par l'expédition française eu
1799;leCapenl806.
Les îles Sandwich possèdent cet art depuis 1821, et ou y
pîblie même un journal depuis 1885,
84
La réformation, considérablement préparée et secondée, sinon
provoquée par l'imprimerie, fournit à son tour dans le XVr
siècle de nouvelles et abondantes matières à cet art encore nou-
veau. Une quantité de presses et de bras étaient en mouvement
pour alimenter et soutenir le zèle du nouvel enseignement. Ce
fut surtout Wittemberg, le berceau de la réforme, qui con-
tribua le plus à la propagation de l'Evangile. Outre Melchior
Lotther, qui y imprimait en 1519 la traduction du Nouveau Tes-
tament de Luther, avec des caractères de Froben à Bâle; et
Georges Rhaw, qui publiait entre 1520 et 1548 les petits écrits et
le catéchisme de Luther, ainsi que les œuvres de Melanchthon;
il y avait principalement Hans Lu£ft, imprimeur ambulant, qui,
s'étant fixé dans cette ville depuis 1526 jusqu'à 1584, y impri-
mait spécialement la Bible de Luther. Les deux presses qu'il pos-
sédait étaient continuellement en activité, et l'on porte à 100,000
le nombre des exemplaires de la Bible qu'il a imprimés dans l'es-
pace de 50 ans; aussi l'appelait-on l'imprimeur de la Bible.
Urach et Tubingue, dans le Wurtemberg, ne sont pas moins
célèbres que Wittemberg. Le zélé luthérien Primus Truber de
Carinthie, réfugié, fondait dans ce pays, en 1550, une typo-
graphie avec laquelle on imprimait des ouvrages religieux en
idiomes croate, vandale (wendisch) etdalmatien, avec des carac-
tères glagoliques ou croates , et cyrilliques (Cyruliza). Les poin-
çoins-reliefs pour faire ces caractères fiirent exécutés en 1560
par l'habile graveur de lettres Jean Hartwach, et moulées ensuite
par Simon Auer, fondeur en caractères; tous les deux à Nurem-
berg. Mais en 1564, après la bataille de Nôrdlingue, ces carac-
tères furent soustraits par les troupes impériales et devinrent
plus tard la possession du collège de la propagande à Rome.
A Paris florissaient principalement dans le XVI* siècle les
Etienne (ou Stephanus, en traduisant le nom en latin, suivant
l'usage de l'époque), célèbre famille de typographes, qui prati-
quèrent pendant l'espace de 170 ans, de 1519 à 1674.
Robert Stephanus I, le plus distingué, homme très -savant,
s'était fait protestant Pour se soustraire aux difficultés qu'on lui
suscitait, il se rendit en 1552 à Genève, oti il fut reçu gratuite-
ment bourgeois, et y publia un Nouveau Testament en français.
â5
Ses éditions sont très-estimées , surtout à cause de leur correction,
n avait l'habitude d'exposer à la vue du public les épreuves des
livres qu'il imprimait, et de donner une récompense à quicon-
que lui signalait des fautes.
Les Wechel, excellents typographes de Paris, étaient aussi
protestants, et furent obligés de quitter cette ville; ils s'établirent
entre 1622 et 1600, à Francfort-sur-le-Mein et à Hanau.
Nous devons mentionner encore comme typographes distin-
gués en France dans le XVI* siècle, les Badius à Paris, de 1498 à
1549; Michel Vascason, de 1530 à 1576 (il est un des premiers
qui employèrent de préférence le caractère romain au heu du
gothique, alors généralement en Usage; on connaît de lui plus
de 297 éditions); Guillaume Morel,àParis, de 1547 à 1564; et
une autre famille Morel, de 1571 à 1630. Les Morel fleurirent à
Paris pendant près d'un siècle. Une femme aussi s'est distinguée
dans l'imprimerie, Charlotte Gvillard, qui exerçait cet art à
Paris en 1538.
L'art tjrpographique continua à être pratiqué avec succès en
Itahe pendant le XV" siècle. Outre les Aide et les Giunta, qui
mipiimèrent, les uns jusqu'à 1538, les autres jusqu'à 1597, il y
en avait encore un grand nombre d'autres, parmi lesquels nous
ne remarquerons que Paganini de Brescia. Il publia en 1518 à
Venise l'édition princeps du Coran en arabe. On imprima dans
la même viUe, pendant ce siècle, plusieurs ouvrages en slavon,
en russe et en croate.
Le plus ancien produit de la typographie de Zurich est une
annonce d'un tir à l'arbalète, du 6 janvier 1504. Les premiers
imprimeurs connus de cette ville sont Hans Amwasen , en 1508,
et Hans.Hager, qui imprima de 1520 à 1530 plusieurs ouvrages
de Zwingle; mais son plus célèbre typographe était Christo-
phe Froschawer, qui de 1519 à 1564 publia, outre beaucoup
d'autres ouvrages, jusqu'à 21 éditions diverses de la Bible. H im-
prima aussi en 1535 la première Bible anglaise, ornée de gravures
mur bois par Sebald Beham.
La Bible connue sous le nom de Bible de Serrières reçut
cette désignation parce qu'elle fut imprimée dans le village de
ce nom du canton de Neuchâtel, par Pierre de Vincle dict
Pirotpicart, en 1635,
86
Bâie possédait dans ce siècle entre autres, on imprimeur de
réputation, Jean Oporinus (Herbst), dont le principal ouvrage,
Andrese Vesalii de humani corporis fabrica, lib. Vin, 1554, est
imprimé avec de beaux caractères, des initiales giavées en bois
spécialement pour ce livre, et orné de beaux dessins anatomi-
ques. Oporinus avait écrit lui-même plusieurs ouvrages , et fait
les traductions et annotations des classiques grecs qu'il impri-
mait
L'Allemagne possédait dans ce siècle un grand nombre de
typographes renommés, dont quelques-unfe nous sont déjà con-
nus. Nous n'ajouterons que J. Petrejus à Nuremberg, de 1526
à 1560; André Wingler à Breslau, de 1538 à 1555; Ernest
Voegelin à Constance, de 1559 à 1578; et H. Commelinus à Hei-
delberg, de 1587 à 1597, duquel les éditions des classiques grecs
et romains sont très-estimées.
Ce que les Aide et les Giunta étaient pour l'Italie , les Etienne
pour la France, Christophe Plantin l'était pour les Pays-Bas ; il
florissait à Anvers de 1555 à 1589. Ses nombreuses éditions
sont encore aujourd'hui regardées comme des chefs-d'œuvre de
typographie, et se distinguent surtout par l'élégance des types et
de l'impression, et par la plus parfaite exactitude. Plantin avait,
comme Robert Etienne, l'habitude de récompenser ceux qui
trouvaient des fautes dans ses livres imprimés.
L'Angleterre n'est pas restée eu airière dans le XVP siècle,
et offre également des imprimeurs de mérite. Wynkin de Worde
perfectionna, de 1491 à 1534, les caractères; il les faisait de
grandeur diverses et graduées. John Day fut le premier qui im-
prima avec le caractère appelé caractère saxon. H ornait ses Uvres
de belles figures mathématiques et de cartes géographiques, sur-
tout remarquables dans ses Acts and monuments, ou Fox's Book
of Martyrs. H exerçait son art de 1544 à 1583.
Richard Grafkon imprima en 1540 la Bible de Cranmer, avec
de remarquables initiales, richement ornées. Cependant un des
plus singuliers produits de la typographie de cette époque est le
Genealogy of the kings of England, imprimé en 1560 par Gylles
Godet, n est composé des effigies des rois fabuleux de la blanche
Albion, depuis Brutus jusqu'à Elisabeth; lés figures^ ont six
87
pouces de haut et soïit grarées sur bois. Le tout, fait en forme
de tapisserie, fut conservé jadis dans un étui sur un rouleau
mouvant et paraît avoir servi à décorer les murs de quelque
château en guise de tenture.
PROPAGATION DE IkA TYPOGRAPHIE DE-
PUIS IiE XVI« SIECIiE. Le XYII' siècle , temps de guer>
res, de désordres et de calamités de tout genre, avait produit
cependant de grands hommes et vu éclore de précieuses décou-
vertes; mais il n'était pas propice pour l'art tjrpographique ; au
contraire, cette époque agitée était un obstacle aux progrès de
l'imprimerie ; elle comprimait son essor et la conduisait presque
à sa décadence. Ce ralentissement s'étendit plus ou moins sur
tous les pays, et se prolongea dans quelques-uns jusqu'à la
moitié du XVIII' siècle. Dès lors il se manifesta dans la typo-
graphie une nouvelle activité, et, malgré les troubles de la révo-
lution française et les longues guerres qui la suivirent, elle n'a
cessé de faire des progrès et de se perfectionner.
La Hollande est peut-être l'unique pays où l'ancien lustre de
l'imprimerie ne s'était pas tout à fait éteint. Les Elzévir, non
moins célèbres que les Aide et les Etienne, florissaient à Amster-
dam de 1592 à 1680, et imprimaient un grand nombre d'ouvrages
placés parmi les plus parfaits , et recherchés encore aujourd'hui.
Janson Blseu, ami de Tycho Brahé, et ses ills sont aussi célèbres
que les précédents. On remarque surtout son Atlas en 12 vol.
gr. in-fol, et son Novum Theat urb. Belgicse regiœ, de 1649,
avec des cartes et des gravures. — Le plus remarquable ouvrage
de la typographie hollandaise de cette époque est la Bible de
Dordrecht, imprimée in-folio en 1686.
Jean Andrese avait fondé en 1667, à Francfort-sur-le-Mein
un établissement typographique qui existe encore aujourd'hui.
Stockholm avait dans le XVII* siècle un habile graveur sur bois
et sur cuivre (Formschnidare och Kopparstichare), Henri Keyser,
qui était aussi typographe. Il avait servi sous Gustave- Adolphe, et
reçut de Itti un appareil d'imprimeur pris sur l'ennemi.
Lltalie vit paraître dans le XYTH" siècle un des premiers res-
taurateurs de l'art typographique, Giainbatti3ta Bodoni, le plus
90
Dans le plus grand sont trente fondeurs de caractères, six
fondeurs de stéréotypie, cent soixante compositeurs et autant
d'imprimeurs, sept ouvriers pour humecter le papier. Deux
machines à vapeur mettent en mouvement dix-neuf presses accé-
lérée?, dont chacune imprime 700 à 1,000 feuilles par heure; fl
y a eh outre cinq presses hydrauliques du poids de 260 tonnes
chacune, pour préparer le ppp'er; quinze presses en fonte de
fer pour les éditions de luxe. On emploie dans cet établissement
2000 rames de papier par semaine. La stéréotypie produit plus de
mille ouvrages, dont 72 Bibles; les planches stéréotypiques qui
Servent à ces impressions ont une valeur de 400,000 livres ster-
ling.
Cette imprimerie possède plus de 50,000 planches gravées
en bois, dont on expédie les clichés dans toutes les parties de
l'Europe et de l'Amérique.
L'imprimerie du journal the Times ofire également un exem-
ple du grandiose des entreprises anglaises dans ce genre ; l'im-
pression des 24 colonnes dont est composé ce journal, un des
plus grands dfe l'Europe, occupe environ 100 ouvriers, dont 50
compositeurs ^mettent en œuvre le travail de 12 sténographes
des séances du parlement; des presses mécaniques de grandeur
énorme impriment 4,000 épreuves par heure et 12,000' en six
heures de temps; de manière qu'à Londres on peut lire le
matin, et dans les pro^ânces avant midi, ce qui se débattait au
parlement encore à minuit.
Le plus remarquable exemple de célérité dans l'imprimerie a
été fourni ces demjères années par l'Angleterre. Il s'agissait de
l'impressioii" des voyages en Afrique de Damberger. Les éditeurs
(MM. Dartoii et Clarkes) reçurent le volume original, écrit en alle-
mand, un mercredi à 11 heures du matin. L'ouvrage en 36 feuilles
de texte, a été traduit en anglais, accompagné d'une préface cri-
tique, de trois gravures et d'une carte coloriée , ensuite imprimé,
broché, expédié aux libraires, et le samedi soir à 6 heures et
demie, il ne restait plus un seul exemplaire à l'éditeur.
Un des premiers restaurateurs de Fart typographique en France
ftit Charles Crapelet le père, qui imprimait de 1789 à 1809. D
chercha à bannir de l'imprimerie les ornements de mauvais goût
91
qui surchargeaient les imprimés de ce temps , et îl s'efforça d'unir
l'élégance à la plus grande simplicité. Ses éditions sont aussi cor-
rectes que belles. On possède de lui un magn'fique ouvrage,
l'Histoire naturelle des oiseaux de paradis , in-folio , imprimé en
yr. Le fils, A.-G. Crapelet, surpasse encore le père: son édition
de La Fontaine de 1814, celles de Montesquieu, de Rousseau, de
Voltaire et d'autres, sont de véritables éditions de luxe et jouis-
sent d'une grande réputation.
Les Dîdot ont acquis une célébrité universelle méritée, et qui
leur restera toujours. Le principal mérite de François- Ambroise
Didot(né en 1730, mort en 1804) consiste dans la gravure des
lettres; son caractère romain est magnifique. H inventa la typo-
métrie, et il fut le premier qui imprimât sur du papier vélin,
fabriqué d'après ses conseils à Amionay. Son frère Pierre-Fran-
çois s'est également distingué.
Pierre Didot, fils de François- Ambroise, né en 1761, eut le
courage d'entreprendre, au milieu des désordres de la révolu-
tion, l'impression des classiques anciens et modernes; son Vir-
gile de 1798, son Horace de 1799, et surtout ses œuvres de Racine
de 1801 à 1805 furent déclarés par un jury spécial les plus beaux
produits de l'art typographique dé tous les temps et de tous les
pays. On lui doit dix-huit genres de caractères.
Firmin Didot, fi*ère du précédent, s'était surtout distingué dans
la gravure et le moulage des lettres , dans la stéréotypie et la typo-
raétrie;maisil était aussi habile imprimeur. Il mourut en 1836,
généralement regretté.
Henri Didot, fils de Pierre-François, est l'inventeur de la
fonderie polyamatype ; il a imprimé le De imitaUone Ckristi en
1816.
Jules Didot, fils de Pierre, est principalement célèbre par ses
éditions de luxe , connues partout.
Parmi les imprimeurs moderne, Duverger est celui dont l'établis-
sement grandiose peut le mieux rivaliser avec ceux d'Angleterre;
Ëvrart, dont les éditions illustrées ont une grande réputation.
L'imprimerie impériale est le plus grand et le plus remarquable
établissement de ce genre.
Enfin, et conmie résumé, en janvier 1854 il y avait à Paris
92
plus de quatre mille ouvriers imprimeurs (dont 67 femmes com-
positeurs) qui étaient occupés à 572 presses et 276 machines.
Le nombre des imprimeries dans toute la France était alors de
1,024. On y publiait 1^14 journaux, et l'on porte à 7,992, dont
4,700 à Paris, le nombre des ouvrages nouveaux qui ont paru
dans l'année 1853; en 1817 ce nombre n'avait été que de 2,126.
En Angleterre , à Londres , il n'avait été publié en 1828 que
842 ouvrages nouveaux; mais, en 1850, ce nombre était arrivé
à 4,400. D'après un rapport officiel du 9 juin 1851, il a été im-
primé pendant les trois dernières années, entre Londres, Oxford
et Cambridge, 3,927,750 exemplaires des Saintes Ecritures,
En Allemagne, le mouvement de la librairie et de l'imprimerie
est encore plus remarquable. En 1546, année où il existait déjà
un catalogue de la foire de Leipzig, il s'était publié 256 nouveau-
tés Uttéraires;— en 1601 déjà 1,137; — en 1830, 5,920; — en
1841 ce chifir'e montait à il,090;— en 1850, il était de 8,737.
Ily avait alors dans ce pays 2,000 libraires, parmi lesquels 400
éditeurs et 1200 teneurs d'assortiments.
L'Amérique du Nord, qui n'avait en 1655 que deux ou trois
imprimeries, en compte aujourd'hui 4,000.
Ces quelques indications et rapprochements suivent sans
doute pour montrer quelle extension prodigieuse a prise dans
notre siècle l'art typographique.
L'excellence et l'utilité de la typographie, le bien et les avan-
tages qu'elle procure, étaient reconnus généralement, et dès
les premiers temps un grand nombre d'auteurs s'empressaient de
faire valoir ses qualités.
Le Fa/rdekt fdstoncdl, de l'an 1554, contient le passage sui-
vant sur l'imprimerie : « La impression des liures qui est une
« science tressubtile et ung art qui iamais navoyt este veu fiit
« trouve enuiron ce temps en la cite de Magonce(*). Ceste science
« est art des arts, science des sciences , la quelle pour la célérité
{i) L'ouvrage latinintitulé : Fascicuius temporum anctore qaodem devoto Carthii-
sieasi, imprimé pour la première fois à Cologne, en 1474, in-folio, a été traduit en
français par Pierre Farget (Ferget, Sarget) et il est connu sous le nom du Fardelet
historical. Il y a une édition de Lyon, 1483, une de Genève, 1485, etc. (M. Favre-
Bertrand, Notice, etc.)
< de son exercîte est ung trésor désirable de sapience.... Car la
« verta infinie des liures... a maintenant este manifestée aux
* poures indigens estudians, escoliers : ceste multitude est
c diuulgee entre tous peuples langues et nations tellement que
« vrayement nous pouvons regarder et dire ce qui est escript
« au premier chapitre des proverbes. Sabientia foris prsedi-
€ cat..... »
Un écrivain trace ainsi, dans le journal La Presse du 25 février
1837, les diverses phases de Pimprimerie : « Durant le premier
siècle qui en a suivi la découverte, Timprimerie apparaît sous
la forme d'un missel; sous la forme d'un pamphlet le siècle sui-
vant ; plus tard, elle a été petit livre bien libertin, et in-folio bien
lourd ; un journal à cette heure en est le symbole. * M. Crapelet
ajoute : « Ne pourrait-on pas dire aussi, avec plus de justesse
peut-être, que l'imprimerie a été religieuse à sa naissance ; reli-
gieuse et littéraire dans sa jeunesse; littéraire et politique dans
sa maturité; et que, politique et industrielle maintenant, elle est
parvenue à sa décrépitude , jusqu'à ce que les lettres, reprenant
force et vigueur, lui rendent à leur tour une vie nouvelle. >
Enfin, M. de Lamartine s'exprime de la sorte : « L'imprimerie
est le télescope de l'âme. De même que cet instrument d'optique,
appelé ièlesccype, rapproche de l'œil, en les grossissant, tous les
objets de la création, les atomes et les astres mêmes de l'uni-
vers visible, de même l'imprimerie rapproche et met en com-
munication immédiate, continue, perpétuelle, la pensée de
l'homme isolé avec toutes les pensées du monde invisible, dans
le passé, dans le présent et dans l'avenir.
< On a dit que les chemins de fer et la vapeur supprimaient la
distance; on peut dire aussi que l'imprimerie a supprimé le
temps; grâce à elle, nous sommes tous contemporains. »
PBE8SES ET mACHOfES DIMPRIMBRIB. On
se rappelle que la presse à tirer des épreuves dont se servait Gu-
tenbei^ avait à peu près la forme d'un pressoir. La presse ainsi
construite, peut-être un peu modifiée, est restée en usage pendant
pins d'un siècle. Léonard Danner à Nuremberg, vers le milieu du
XVI» siècle, fut un des premiers qui y introduisirent quelque per-.
fectionnement; il remplaça les vis de bois par des vis de laiton. £n
1620, W. Janson Blaeu avait essayé de construire plusieurs pres-
ses de différents systèmes, qui furent alors adoptées dans les Pays-
Bas et plus tard aussi à l'étranger. Mais ce n'est que vers la fin du
XVni' siècle que l'on commença à s'occuper sérieusement d'amé-
liorer le mécanisme des presses typographiques. W. Haas père,
à Bâle, en 1772, et J.-G. Freitag, à Géra, en 1795, donnèrent la pre-
mière impulsion. Dès lors les inventions se succédèrent avec une
telle rapidité et une telle abondance, qu'il nous est impossible de les
sui\Te en détail. Nous ne mentionnerons que les changements les
plus saillants et les inventeurs les plus renommés. Ce sont d'abord
Franc.- Ambr. Didot, Anisson, Gaveaux, Thonnelier, Villebois,
Frapié en France ; les Anglais Roworth, Medhurst, Hope, Rus-
sel, StafiFord, Hoe, Rowland Hill, Prôner, Brown. Les presses à
cylindre de Schuttleworth à Londres, Strauss à Vienne, et Burks
à Paris, ont eu des succès. Dans les presses en fer, nous remar-
querons celles de Stanhope et Walker, de 1816; celle de John
Ruthen, de 1813. Georges Clymer à Philadelphie inventa,
en 1818, la célèbre Columhian' Press. En même temps, il y avait
celle de Moore en Angleterre, et celle de Ruggle à Philadelphie.
On remarque encore les presses de Daniel Treadwell ; la Botary
standard press de Barcley; la Albion press deDunne, celles de
Cope, de Well, de Hawking; celle de Hagar à New- York, celle de
Koch, perfectionnée par Stieber et Gross. Dans les presses méca-
niques se distinguent les suivantes : La presse de Hinsley du
Connecticut, inventée au commencement du siècle, a l'avantage
de poser et d'encrer 2 feuilles à la fois, ce qui lui permet de livrer
deux mille épreuves en une heure. La presse remarquable, mue
parla vapeur, de Frédéric Konig d'Eisleben, associé en 1812 avec
Bauer, produisait le 28 novembre 1814 la première épreuve t3^po-
graphique imprimée au moyen de la vapeur. C'était le journal the
Times, Elle livre mille exemplaires par heure imprimés des deux
côtés de la feuille. La presse accélérée de l'ingénieur Applegath,
à cylindres verticaux imprime par heure et avec une admira-
ble perfection dix mille exemplaires de l'immense journal, the Ti-
mes. Thomas French en Amérique a établi une presse qui est en
rapport avec une papeterie dont les feuilles, à peine fabriquées.
95
sont amenées d'elles-mêmes sous la presse, imprimées des deux
côtés à la fois et séchées. On y a imprimé le Juver^il BeadeTj ou-
vrage composé de 216 pages, sur une seule feuille de soixante
et dix pieds de longueur.
Thuvien à Paris a inventé une presse colossale pour imprimer
des affiches de 8 pieds de haut sur 10 de large. MM. Hoe de New-
York ont exécuté une immense presse pour imprimer le journal
New-Tork-Sun, qui est tiré à cinquante mille exemplaires. Son
format est de soixante-cinq centimètres de hauteur, sur quarante-
cinq de largeur; chaque page est composée de huit colonnes de
deux cents lignes, ayant quarante lettres chacune. Le diamètre du
cylindre, auquel s'applique la forme contenant les c^actères, est
d'environ six mètres. Huit autres cylindres, se chargeant succes-
sivement du papier, prennent l'impression en huit endroits diffé-
rents, de sorte qu'on obtient de seize à vingt mille épreuves par
heure. L'appareil après de quatorze mètres de long, et la ma-
chine a deux étages de hauteur. En une heure, et à l'aide de seize
personnes, cette presse exécute ce qui, dans un même espace de
temps, aurait exigé le travail de trois à quatre cents pressiers.
Les anciennes presses à bras, presque complètement en bois, né-
cessitaient pour la plupart deux coups de barreau pour imprimer
une feuille ; l'encre se posait avec des halles faites de peau de
chien on de veau. Les nouvelles presses à bras n'ont que le pied en
bois; le corps de la presse et les autres parties sont en fonte ou en
fer forgé; l'encre se distribue avec le rouleau. MM. Firmin Didot
nous apprennent que l'invention des rouleaux dits gélatineux est
due à M. Gannal; il les composa en 1819 d'une combinaison de
sucre et de gélatine ou colle forte. Les rouleaux élastiques rem-
placèrent aussitôt avec avantage, pour l'impression, les rouleaux
en peau de veau. L'usage en devint général en France, en Angle-
terre et dans les autres pays.
CABA€?TBRES D'IMPRIBIERIEa L'immense diver-
sité de genres et de formes des caractères qui furent employés
^ l'art typographique, ou qui sont encore en usage. () Le
(1) Encyclopédie moderne, publiée par Firmin Didot frères, Paris in-S» 4851, t. 26.
irlicle Typographie.— La Typographie, poëme par M. L. Pelletier, Genève 183â, in-8.
96
grand nombre de graveurs et de fondeurs en lettres qui ont
existé, et qui, presque tous^ ont apporté quelque innovation, nous
forcent à borner nos observations, et de les resserrer dans un ca-
dre plus étroit que ne mériterait un tel sujet. La calligraphie a
puissamment contribué au perfectionnement des lettres d'impri-
merie. Les premiers typographes imitaient exactement l'écriture
des manuscrits de leur époque. Plus tard, les maîtres d'écriture
publièrent des modèles de lettres dans des recueils spéciaux. Au
commencement, c'était principalement les peintres qui s'occu-
paient de la calligraphie, ensuite ce furent les Modisten^ nom
donné en Allemagne aux calligraphes.
Albert Durer fut un des premiers qui publièrent des règles de
construction pour les lettres majuscules et minuscules. E fut bien-
tôt suivi de beaucoup d'autres en divers pays; nous ne mention-
nerons que ceux qui ont joui de plus de vogue. C'étaient, à Nu-
remberg, Jean Neudôrffer l'aîné, en 1538; Henri Vogthers de
Strasbourg, en 1546; Urbain Wyss à Zurich, en 1549; Théodore
de Bry à Francfort-sur-le-Mein, en 1570, et 1596; Jacques Jaco-
belle à Heidelberg, en 1575 ; Sigismondo Fante à Florence, en
1529; Giov.-Batt Palantino à Rome, eu 1540; Giov.-Ant Ta-
gliente à Venise, en 1545; Giov. Cresci. Milanese, en 1575 ; Juan
Yciar, VizcaynOyEscHptor de lïbros, en 1529 ; Pedro de Madaria
de Valence, en 1565; Francisco Lucas, Vezino de Levilla, en
1580; Geofroy Tory de Bourges, en 1529; Jean Richard à An-
vers, en 1549; Clem. Parrati à Bruxelles, en 1596; et beaucoup
d'autres.
Ce genre de publications, commencé dans le XVI* siècle, conti-
nué dans les siècles suivants, est devenu de nos jours extrême-
ment nombreux. Ces recueils d'écriture, composés d'alphabets de
lettres de tous'genres, servaient, au XVP et au XVII* siècle surtout,
de modèles aux graveurs en lettres, et exerçaient ainsi une grande
influence sur la tournure et la forme des caractères d'imprimerie.
•^ Falkenstein, déjà cité, p. 360 cl suiv.— Précis hist. sur rîniprimerie royale par
F. A.Duprat; Paris, 1848, in-8*— Gutenberguder Geschichte der Buchdruckerkunst,
Ot. Aug. Schulz ; Leipz. 1840, in-8'. — Études pratiques et littéraires sur la Typo-
graphie, par G.-A. Crapelet ; Paris, 1837, in-8». — Histoire de l'Imprimerie, etc.,
par Paul Lacroix (Bibliophile Jacob), Ed. Fournier et Ferd. Seré; Paris. 1858.
grand in^.
97
Nous y pouvons remarquer quatre époques différentes et suc-
cessives qui, pour être exactes, ne doivent cependant pas être re-
gardées comme absolument indépendantes, mais comme s'enchai-
nant: l'une servant de complément à l'autre.
La première époque nous la connaissons déjà, c'est celle du XV*
siècle, celle de l'invention première. Nous pouvons l'appeler aussi
l'époque gothique, parce que le caractère gothique y dominait.
< On ne saurait se figurer, nous dit M. Bernard, jusqu'où alla, à
un certain moment, l'engouçpient du public pour le caractère go-
thique. Quelques auteurs, dans leur enthousiasme, le qualifient
même de divin. »
Cette époque commence avec Gutenberg, qui avait introduit
diverses grandeiu's de lettres imitées des missels manuscrits. Ces
lettres, que les Allemands appellent Myssaltype , les Anglais
Bkuik'lettres , les Flamands lettres Saint-Pierre, et les impri-
meurs plus modernes lettres howrgeoisesy servirent, siu-tout en
France, à l'impression des livres scolastiques, entre autres à la
Somme de Saint-ThoTnas, ce qui leur fit donner, selon Fournier, le
nom de lettres de somme. (*) Pierre Schœffer les a perfectionnées
et variées ; il y a ajouté le caractère dit SchwcbbacheTf et les let-
tres grecques.
Sweynheim et Pannartz à Rome introduisirent, en 1465, le ca-
ractère romain, imité de l'écriture du pays ; il est encore un peu
gothique, et a 15 points typographiques. Ce caractère fut perfec-
tionné par Ulric Han, Jean de Spire, Gunther Zainer, et Mente-
lin. Ulric Han imprima en 1468, à Rome, les Epîtres familières de
Oicéronj in-folio; et le caractère qu'il employa retint le nom du
prince des orateurs de l'ancienne Rome. Ce caractère, appelé Ci-
céron, n'avait que 12 points. Dans la même année, le même impri-
meur publia le livre de La Cité de Dieu de saint Augustin, et le
nom de l'auteur resta également attaché aux lettres qui avaient
servi à l'ippression de ce volume. Le Saint- Augmtm correspond
à 13 points. Le caractère romain de Jenson à Venise, 1471, a en-
H) Les expressions de lettre* moulées, jeter en moule, mettre en mole ou molle,
que l'on rencontre si souvent dans les anciens auteurs, ne désignent autre chose que
l'impression typographique, c'est-à-dire des caractères coulés dans un moule. (Ber-
nard, 1. p. m.)
5
9P
viron 14 points et demi. La forme de ces caractères, appelés alors
(Jaractertlmg Venetiis, est celle que noas avons encore a^joard'hui,
sauf de légers changements introduits par la mode, mais qni ne
touchent pas au fond (*).
Pendant que Zarotus et Dionysius Paravissinufi à Milan (*),
Bernardin Nerlius etLorenzo Francesco de Alopa à Florence,
amélioraient les lettres grecques, Conrad Fyner à Esslingue, et
Abraham Konath à Mantoue créèrent le caractère hébreu.
Le XYP siècle nous introduit dans une nouvelle époque de la
gravure de lettres ; les perfectionnements se multiplient ;«le gothi-
que est encore en grand usage, mais il est peu à peu remplacé par
le romain, et surtout par le ciiractère cursif ou itoligiie, inventé par
Aide Manuce, et fondu par Francesco de Bologne.
Ce que les Aide et les Giunta étaient pour l'Italie, les Plantin,
les Ëbsévir et les Bleau Tétaient pour les Pays-Bas; les Auerbach
et les Frobenpour la Suisse, les Ëgenolph, lesPetrejus, Peypus,
et Fuhrmann à Nuremberg pour l'Allemagne. Sabon, àFrancfort-
sur-le-Mein avait créé en 1550 un caractère qui porte soanom
(Sàbon, ou grobe Fraktur), Albert Durer, à Faide de figures qua-
drangulaires, avait posé les règles de la forme fondamentale du
caractère allemand (Deutsche Fraktur), que Hieronymus Hœlzel
avait gravé, et dont le prototype se voit dans l'Apocalypse de
1498. Hieronymus Rœsch a gravé et fondu des caractères d'après
le manuscrit le IheuercUmk, écrit suivant la méthode de Durer
par Vincent Rockner, secrétaire de l'empereur Maximilien I".
Mais le perfectionnement de ce caractère est dû à Johann Neu-
dorfer, l'aîné, célèbre calligraphe de Nuremberg; il introduisit en
1557 et mit en usage les lettres curaives allemandes (Camlei-
schrift).
(i) Od appelait antique, \e raraclèro romain, ei gothique, le caractère modernr .
quoique ce dernier ait précédé le romain eu typographie. L'écriture en lettres go-
thiques est en effet plus moderne que l'écriture romaine.
(3) Son édition de la Grammaire grecque de Lascaris, in- 4*. 1476. est le premier
livre entièrement exécuté en caractéi'es grecs. Avant cette époque, et à cause de<
accents, on laissait souvent en blanc les mots de cette langue. Le Lactance de Sweyn-
heim, i465, offre déjà l'exemple de caractères grecs mobiles et fondus; ce sont los
premiers de ce genre, car ceux de Schœffer, dans l'édition des Offices de Gicéron,
imprimés la même année, furent simplement gravés.
Koufi a¥€ai6 déjà «EKvnttionné le mérite des Etienne et de6 Ho-
relli en France. Vers 1620, Claude Garamond, renonçant au ca-
ractère gothique et semi-gothique, grava d'après les belles formes
vénitiennes de Jenson et de Manuce, les caractères romains et
italiques qui furent généralement adoptés. Ces lettres se propa-
gèrent dans les pays étrangers, soit par les fontes qu'il y envoyait,
soit par les matrices qu'il y vendait. Ses élèves, Jacques Sanlecque
et Guillaume le Bé 1" suivirent son exemple. Ce dernier a été
chargé, en 1523, par François P*", de graver les caractères en lan-
gue orientale dont se servait Robert Etienne. Robert Granjon,
élève de Garamond, appelé en 1578 par le pape Grégoire XIQ,
établit une fonderie de caractères à Rome, dans le Vatican, où il
travailla, sous les ordres du cardinal de Médicis, à plusieurs carac-
tères romains, droits, latins, arabes, syriaques, arméniens, illyriens
et moscovites. Il est l'inventeur d'un caractère cursif particulier,
et des lettres &«<ar(?^ qu'on appelle lettres de règles de Milité,
nom qu'elles reçurent d'un petit ouvrage très-estimé alors, inti-
tulé € La dvilité puérile et homaette pour Vinstrv/cUon des en-
fants. »
En 1528 se distinguaient comme habiles graveurs et fondeurs
en lettres, François et Sébastien Gryphe, d'origine allemande,
l'un à Paris, l'antre à Lyon. Les principales preuves de ce que les
arts de la gravure et de la fonte des caractères savaient produire
dans le XVI* siècle, en France, se trouvent réunies dans l'ouvrage
de Godefroy Tory, publié à Paris en 1528, in-4", sous le titre
(hmp Fleury, auquel est contenu Loûrt et Science de la deue et
vraye proportion des lettres antiques et proportionnées selon le
<^orp8 et visage hmnmn.
Le XVII* siècle offre une époque, sinon de décadence, du moins
stationnaire. Il y avait à Paris Samuel Thiboust en 1612, Ubraire,
imprimeur, graveur et fondeur, Guillaume le BélI, en 1625, et
Jacques Langlois, en 1633. Pierre Moreau, maître écrivain, puis
en 1640 imprimeur, présenta à Louis yïTT des épreuves d'un ca-
ractère qu'il avait fait graver, et qui imitait l'écriture ronde. Il exé-
cuta ensuite ujie bâta/rde brisée, et plusieurs autres caractères qui
sont connus sous le nom àe financiers. Jean Jannon à Sedan avait
^quis une certaine réputation à cause des petits caractères qu'il
lÔO
employait dans ses impressions, et qui reçurent le nom de lettres
sédanoises.
Pierre Lepetit était fondeur en lettres en 1643. Claude-Louis
Thiboust, en 1694, graveur et fondeur, avait composé et imprimé
un poëme latin, de Typographiae Excellentia.
Joseph Maxton, de 1659 à 1683, ftit le premier en Angleterre
qui exerça l'art suivant certaines règles mathématiques. Walton
publia en 1667 sa Polyglotte. Ce fiit le premier livre publié par
souscription. En Allemagne, il y avait "Wolfgang Endter mort en
1659, Lowinger et Baumann.
Dans le XVIII* siècle commence l'époque que Ton pourrait ap-
peler le temps de la renaissance, et qui s'est prolongé jusqu'à nos
jours. C'est l'époque des Bodoni, des Fournier, des Didot, des Bas-
kerville, des Breitkopf, des Tauchnitz et des Haenel.
Bodoni en Italie, parmi les typographes duXVUI' siècle, était le
plus habile et le plus dévoué de son art ; il réunissait tous les talents
d'un véritable typographe ; son Manuah tipografico contient la
plus riche variété de caractères que l'on connaisse. On y trouve
d'abord les alphabets de toutes les langues vivantes de l'Europe,
291 latins, 102 grecs, 8 hébreux, 3 rabbiniques, 6 syriaques, 71
russes, 3 samaritains, 2 arabes, 2 cophtes, 2 phéniciens, 2 armé-
niens et 2 thibétains. En Angleterre fleurirent William Gaston de
1755 à 1765, et surtout John Baskerville. Ce dernier, peu satisfait
du mauvais goût des caractères d'alors, résolut d'en graver de nou-
veaux, et il y réussit à force de patience et d'habileté. Ses carac-
tères sont élégants, quoique un peu maigres. Son Virgile, publié eu
1757, excita l'enthousiasme général, et fiit regardé comme un chef-
d'œuvre. Après Baskerville vinrent Figgins, Barton, Fry, Harvey,
Jackson, Livremoore, Towkins, Martin, Thorne, Ashby, Wilson,
Pouché, Wood et Charwood. Thorowgood inventa le caractère
Egyptien de nos jours. Le célèbre Bulmer avait déjà en 1795 pu-
blié ses éditions miniatures, parmi lesquelles on remarque surtout
les œuvres de Shakspeare ; ce chef-d'œuvre fit donner à son
imprimerie le nom de Shakspeare Press, L'Ecosse possédait à
cette époque comme graveurs et fondeurs Miller, Mathewson,
Bower et Barcon. *
La France ne pouvait non plus rester en arrière du progrès
101
imiversel qui s'opérait alors dans l'art typographique, ce puis-
sant auxiliaire des lettres. Louis XIY, nous dit M. Duprat('), or-
donna en 1692 qu'une typographie spéciale fût gravée pour le
service de son imprimerie. L'Académie des sciences, consultée
sur la forme qu'il conviendrait de donner aux nouveaux types ,
désigna à cet effet MM. Jaugeon(*), Filleau des Billettes, et le P.
Séb. Truchet, qui composèrent à cette occasion un traité de ty-
pographie, dans lequel ils réunirent, indépendamment des modè-
les de gravure des caractères romains , les alphabets de toutes
les langues ou idiomes connus , expliqués par de savantes notices
sur leur origine. Ce traité contient des règles sur la grandeur,
les contours, les pleins et les déliés, les empâtements et les
espaces des caractères. Ces règles consistent en un carré divisé
en soixante-quatre parties , subdivisées chacune en trente-six
autres; ce qui forme une quantité de deux mille trois cent
quatre petits carrés pour les capitales romaines. Les lettres ita-
liques sont figurées par un autre carré oblong et penché ou
parallélogranmie , qui comporte encore plus de subdivision. Il
faut ajoutei: à tous ces détails les cercles faits au compas, poui*
former les parties rondes des lettres et leur empâtements. Phi-
lippe Grandjean, premier graveiu: du roi depuis 1694, fut
chaîné de la gravure des nouveaux types. En 1702 l'Impri-
merie royale fit paraître les premiers corps des types gravés
sous Louis XrV. C'est le SainirAttgustin gravé par Grandjean.
Jean-Alexandre, son élève, lui succéda en 1723. Le troisième
graveur du roi fut Louis Luce, gendre d'Alex^dre, qui lui
avait succédé en 1740. Luce avait exécuté des lettres si pe-
tites que l'on ne pouvait les lire sans microscope , . et il les
appelait le premier alphabet Plus tard il fit encore un autre
alphabet en italique, plus petit que le premier. Il avait aussi
exécuté une ronde et une bâtarde dite du Louvre; mais ses
caractères ne sont pas estimés, excepté un caractère d'écri-
tare bâtarde gravé sur 96 points.
(Ij Précis historique sur l'Imprimerie nationale, etc., [>ai- M. F.-A. Dupral. Paris,
1848, grand in-8«. •
(2) Des arts de construire les caractères, de graver les poinçons de lettres, de fondre
les lettres, d'imprimer les lettres, etc., formant le 1" vol. des Descriptions et perfec-
lious des arts et métiers, par Jaugeon (1704).
102
C'Cpendant Pierre-Simon Foumier est eelni qui peut être re-
gardé à ju8<je titre eomme le restaorateur de la typographie en
France. J\ fut d'abord excellent graveur sur bois; il s'oeeupa
enssite de la gravure des poinçons et de la fonte des carac-
tères. C'est de lui que date la régularité des types, et il montra
la route à suivre pour la taille des lettres agréables à l'œiL II
a composé plusieurs ouvrages d'un grand intérêt sur la gravure
en bois et sur celle des caractères; H était né en 1712, il mou-
rut en 1768.
François- Ambroise Didot n'avait pas moins de mérite. II lit
graver et fondre chez lui par Waflard, dont il forma le goût,
les premiers types de son imprimerie. Son fils, Firmia Didot,
surpassa bientôt Waflard, et grava la plupart des caractères de
l'imprimerie de son père. François-Ambroise Didot imagina les
garnitures en fonte, inventa la presse à un seul coup, ainsi
que Féchelle dies points typographiques, en divisant la ligne de
pied de roi en six points ; système qui fut généralement adopté,
et qui mit un terme à la confusion qui était devenue telle , que
les corps de caractères dans aucune impnmerie n'étaient en rap-
port les uns avec les autres. Hjenri Didot était habile graveur
et fondeur en lettres ; il inventa le moule polyamatype.
De 1715 à 1742, on avait essayé dans l'Imprimerie royale de
graver un corps de caractères chinois ou idéographiques, mais
la gravure fot suspendue en 1742. On ignore le nom du graveur
qui commença ces caractères , dont les poinçons sont en bois ;
ce sont les prqjniers types chinois gravés en Europe. YiUeneuve
gr&va en 1722 quatre corps de types hébraïques, pour l'Impri-
merie royale. Quant à la collection des ornements, de cet éta-
blissement, elle fut augmentée de culs>de-lampe et autres vi-
gnettes, gravés par le célèbre Papillon. Mais, quel que fût le
talent de cet artiste , l'art de la xylographie était encore à son
berceau sous Louis XV, et tous ces ornements , ainsi que ceux
de Luce, laissent en outre trop apercevoir dans le dessin la
sécheresse et le peu d'élégance du style qui dominait alors (^).
(1) FupilluH a cxpusc dans uu li'uité hist. el |U'uli(|uedelai;:i*uvuresurbuis le;> prin-
cipes de cet art; Paris, 17(î6.
108
Sons Ul^ répttt^tte on trouve Fagnion , grayeur, et Launier,
fondeur esa caractères, attachés à rimprimerie nationale.
Pierre Didot l'aîné, fils de François- Ambroise, consacra toute
sa irie à l'amélioration des types. H avait gravé de très-beaux
caractères au commencement de notre siècle ; plus tard il se
£u8ait aider par Vibert. Firmin Didot , son frère , s'est distingué
comme graveur et fondeur. Il fit paraître en 1806 des carac-
tères imitant l'écriture cursive, gravés par lui d'après un pro-
cédé dont il était l'inventeur ; on appelle ces lettres anglaises.
De 1812 à 1815 il grava pour l'Imprimerie impériale, d'après
le système métrique, une typographie dite millimétrique, com-
posée de treize corps de caractères. Le système millimétrique
fiit abandonné en 1814. En 1818, Jacquemin grava plusieurs
coips de caractères d'après des modèles empruntés à l'Angle-
terre.
En 1819, Ambroise-Firmin Didot et Hyacinthe Didot, fils
de Firmin, se distinguèrent également dans la gravure et la
tonte des caractères. MoUé, habile fondeur, a coopéré à la ré-
novation de la typographie. Il publia en 1819 ime série consi-
dérable de caractères- gravés par lui. £n 1834 il exposa des
essais d'un caractère chinois, dont il avait le courage d'entre-
prendre la gravure à lui seul; pour éviter la confection de
30,000 iTpes, il les décomposa en 9,000 poinçons nécessaires.
En 1822, Pinard publiait ses lettres ombrées, et Lombardat
ses italiques. Jules Didot, en 1823, imprimait sur .satin une
édition in-folio des Fables de Phèd/re avec de nouveaux ca-
ractères.
En 1825, Mareellin Legrand, graveur en titre de l'Imprimerie
royale, était chargé de la gravure d'une nouvelle typographie
composée de seize corps de caractères. En 1827 paraissaient,
poor la première fois, dans l'édition des Maximes de La Bo-
(^ommddy în-64^ les caractères appelés microscopiques ou
^myopes, gravés et fondus par Henri Didot, à l'âge de 70 ans.
Jamais, dans aucun pays, rien de semblable n'avait été exécuté,
à beaucoup pores. C'est un dief-d'csuvre de gravure, et la per-
fection de la fonte de ce caractère, qui n'a que deux points et
demiv' est due an moule polyamatype de l'invention de Henri
Didot
104
Depuis 1830 environ, MarceUin Legrand a gravé pour l'Im-
primerie impériale une série de corps de caractères, dont
voici les noms: anglo-saxon, arabe d'Afrique ou maghrébin,
bougui, deux corps de grec archaïque, guzurati, trois corps
d'hébreu, himyarite, javanais, pehlvi, deux corps de persépo-
litain, ninivite ou assyrien, tamoul, télinga, deux corps de
tibétains, et deux de zend.
M. Delafond a gravé pour la même imprimerie : quatre corps
de caractères d'arménien, un barman, un chinois, quatre géor-
giens, un magadha, un pâlé, deux de sanscrits, et un corps
d'hiéroglyphes qui est le premier caractère égyptien gravé sur
acier, et le seul aussi complet; il se compose de deux mille
poinçons, représentant un nombre égal de signes.
M. Ramé a gravé quatre corps de grec, un de phénicien
et un de punique. M. Lœuillet de son côté, trois corps de
slavon et de russe. Enfin, l'Imprimerie royale , pour compléter
la collection des caractères de langues étrangères, a fait venir
de la Chine elle-même deux corps complets de ses caractères.
De plus, eUe a fait l'acquisition de deux corps de caractères
étrusques, de trois de grec archaïque, gravés par M. Léger-
Didot, et de huit corps ^e caractères allemands, gravés par
MM. Dressler et Rost-Fingerhn de Francfort. MM. Laurent
et de Berny ont livré des frappes de quatre corps de carac-
tères gothiques.
En 1849, MM. Laurent et de Berny publièrent une char-
mante édition, dite miniature, des Fables de La Fontaine. Le
caractère, fondu sur deux points et demi, comme celui de
Henri Didot, est un peu plus gros d'œil; la gravmre en est
très-nette. L'établissement de ces Messieurs est surtout re-
nommé pour les lettres ornées, les lettres allongées et raccour-
cies , et les lettres d'affiches , qui augmentent jusqu'à la gran-
deur de seize pouces. Il occupe dix fours pour la fonte et pos-
sède une grande collection de caractères, qui se compose de
plus de cent genres différents.
Nous devons remarquer encore la Fonderie générale formée
par la réunion des fonderies de Firmin Didot, celles ^e Mole
et E. Tarbé, celles de Crosnier et Everat, celle de Lion et
106
Laboulaye frères, et qui, sous la direction de MM. Biesta,
Laboulaye et Comp. était en 1843 la plus considérable après
celle de riraprimerie royale. Nous citerons encore les gra-
veurs et fondeurs de caractères suivants: MM. Levrault, Ri-
gnoux, ComouaQles, Gillé, Cranier, Delalain, Thuvier, Douiller,
Gando, Gallay,Gromort, Aubert, Chevalier, Audier et Judas, Bara
et Gérard, Deschamps, Beaujoint, Dubout et Renault, Lebè-
gue, Ch. Derriey, Gonel , Léger, Perlot , Saumier, Lacoste père
et fils, H. Porret, Dacheur, Dupuy-Dumont , F. Locquin, etc.
Depuis 1820 environ se répandit 'de nouveau dans la typo-
graphie le goût, déjà dominant dans le XVP siècle, de décorer
les livres de vignettes, de fleurons, de filets, de culs-de-lampe;
d'orner les initiales, les capitales et même les lettres qui ser-
vaient pour les titres et les annonces. M. Crapelet blâme le mau-
vais goût qui s'est introduit dans la typographie par l'imitation
des caractères qui viennent des artistes d'outre-mer. On copie
tout le baroque et le singulier de leurs travaux. Les lettres go-
thiques dominaient surtout. On voyait alors les vignettes et les
caractères ornés inventés par MM. Deschamps et Petitbon,
imitant les dessins variés du kaléidoscope, que l'on dit d'ori-
gine anglaise. On se servait de lettres de fantaisie sous des noms
très-divers, et souvent peu en harmonie avec leur origine ou
leur forme; ainsi il y avait des lettres égyptiennes, italiennes,
toscanes, vénitiennes, milanaises, lombardes, génoises, italian-
hand, lyonnaises, normandes, bretonnes, écossaises, algériennes,
mauresques, polonaises, druidiques, pompadour, gothiques or-
nées et perlées, gothiques renaissance, express, initiales mai-
gres et demi-maigres, grasses ou demi-grasses, capillaires,
noires ou blanches, ombrées ou éclairées, grises, azurées,
rayées, ossuaires, perspectives, penchées,* écrasé es, originales,
allongées , raccourcies , fleuronnées , renversées, serrées, ornées
fond noir, ou fond prismatique, vignettes géométriques, alle-
mandes, et beaucoup d'autres.
Cependant, depuis dix ans à peu près, on cherche à ramener
dans la typographie l'antique simplicité et c'est elle qui prédo-
mine maintenant, surtout dans les ouvrages classiques, quoique
le goût pour les lettres de fantaisie ne soit pas totalement passé.
5*
106
Aux éditions miniatures, microscopiques ou myopes , suocédè-
rent eu Aiigleterre, et aussi dans d'autres pays, les livises d'une
dimension colossale. On ût à Londres, en 1^32^ un livre inti-
tulé le Panthéon des héros ongMs, dont chaque page avait
quatre toises de hauteur sur deux de largeur, le» lettres étanfc
de la grandeur d'un demi-pied. U avait fallu confectionner une
. mécanique exprès pour la fabrication du papier. L'impression
de cette œuvre gigantesque s'est faite au moyen d'une machine
à vapeur, et, au lieu d'encre noire, on employa un vernis d'or.
On n-en a tiré que oant exemplaires destinés h serfvir d'orne-'
ment aux principales bibliothèques d'Angleterre.
L'AUemag^e, le berceau de la typographie, le pays de la pen-
sée et du labeur, a également produit des hommes distingués
dans la gravure et la fonte des caractères d'imprimerie. On
remarque parmi eux Meyer et Fleischmann à Nuremberg. Le
premier qui s'occupa de la gravure de lettres à Leipzig fut
J.-Gaspard Muller. Zinc acquit une réputation par les can^-
tères qu'il ipiitait des types hollandais. Hans {Lichter âorissait
à Wittemberg. Mais Breitkopf les surpassa tous.
Jean-Grottlieb-Immanuel Breitkopf, né à Leipzig en 171j^,
mourut en 1794. Ce fut un vrai restaurateur de l'art. Son
érudition se porta toute sur la typographie, qu'il explora sous
toutes les faces. Il corrigea et régularisa l'œil des types, en
donnant à sa fonte une dureté que les autres n'avaient pas.
L'habileté de Breitkopf se montra dans la gravure des carac-
tères chinois pour imprimer des livres. Avant lui on se servait
de tables de bois , sur lesquelles on gravait les caractères. La
cour de Rome le féUcita de cette invention , et l'Académie des
Inscriptions lui en témoigna sa satisfaction et lui en demanda
une épreuve. L'établissement de Breitkopf, dans lequel tra-
vaillaient les habiles artistes, Artopseus , Schmidt, Knauxdorf
et Bankow, était un vaste musée, où l'on voyait les poinçons et
les matrices de plus de quatre cents caractères qu'il avait
gravés. L'infatigable Bodoni pouvait seul rivaliser avec une
telle richesse.
Après Breitkopf, c'est siu'tout K.-Chr.-T. Tauchnitz qui s'est
rendu célèbre dans cette branche de la typographie. Son ÛU
107
Churles Taachiûtz le suit, avec succès. De nos jours se distin-
guent MM. Schelter, Giesecke et G.-B. Teubner à Leipzig.
Frédéric Nies est le pi'emier de PAlleinagne qui ait gravé
des caractères hiéroglyphiques, en 1840.
A. Francfort-sur-le-Mein existaient, vers le milieu du siècle
pasfié, les fonderies de Luther et de Wust, et maintenant il y
a Andrese, Bauer, Brœnner, Nies, Dressler et Kost-Fingerlin
A. Berlin on remarque Unger, Decker, Lehmann, Mohr, Manns-
feld, et surtout Hasnel, qui jouit maintenant d'une grande ré-,
putation. £n 1851^ M. Auguste Beyerhans a perfectionné le
caractère chinois et égyptien, ce dernier d'après les conseils
de M» Bunsen* A Bàle, ce sont MM. Haas, père et fils; à
Weimar, Walbaum père et fils, et maintenant Brockhaus,
Tœpfer et Eahle ; à Prague, G. Haase fils ; Pfaorr à Darmstadt ;
Riess à Magdebourg; Schmitz, Blender et Hilgers à Cologne ^
Grass^, Barth et Comp., à Breslau. Ce dernier a employé des
caractères allemands et latins de cinq pouces de grandeur,
dans le Monumentum paces et dans God save the Eing. A Er-
liirth il y a MM. Lossius et Seyfarth; M. Kupferberg àMayence ;
Graberg à Zurich; MM. Metzler, Cotta et Eienzle à Stuttgard;
Lorentz à Munich; Gebauer ou Schwetschke et fils à Halle; à
Vienne il y a Schade, Strauss, Sollinger, Schiel, De Haykul, et
surtout l'Imprimerie impériale sous la savante et habile direc-
tion de M. le conseiller Aloïs Auer. Elle occupe un grand
nombre d'artistes dans toutes les branches des arts graphiques,
et possède plus de huit cents genres et grandeurs de carac-
tères, dont 122 alphabets et 14,000 poinçons de caractères
appartenant aux langues étrangères. Le nombre des matrices
est de 80,000.
PO&TTTPAOB, STEaEOTTPnS, CUOBDBS.
L'invention si ingénieuse et si éminemment utQe des types
mobiles <*)» ^^^ P^ Gutenberg, perfectionnée par Schœffer et
par bien d^autres, à travers des siècles, et encore de nos jours,
(i; Baron van Wcstrecnea van Tillandt. Verslajs van de uasporingen ointreni de
oorsproabelyke uitvinding en het vroegste gebraik der stereotypische drukwyse,
S'-Gravenhage, <833, in-8* - Brevets d'Inventions publiés, t. Il, p. iW et suiv.
108
cette invention, dis-je, ne satisfaisait cependant pas entièrement
au besoin toujours croissant de moyens plus expéditifs dans Tim-
primerie. On cherchait depuis longtemps, principalement pour
les productions littéraires d'un emploi général, comme les dic-
tionnaires , les livres encyclopédiques, ou les œuvres d'auteurs
en vogue, enfin pour tout ouvrage demandant un grand nombre
d'éditions, un moyen de multipUcation plus accéléré et surtout
meilleur marché que ceux qu'on avait pratiqués jusqu'alors. Pour
arriver à ce résultat, on a cherché à transformer en planches
solides les formes composées de caractères mobiles. Jean Muller,
pasteur de l'église évangélique allemande de Leide, eut le pre-
mier l'idée de lier ou de fixer ensemble les colonnes de carac-
tères mobiles, en les soudant les uns aux autres à leurs parties
inférieures pour en former une planche solide. Il exécuta cette
idée de compagnie avec son fils et un certain Van der May, entre
1700 et 1711. Ils se servirent d'abord de mastic, et ensuite de
plâtre. Le premier livre imprimé avec des formes soUdes fut
la Bible hollandaise. Ce procédé, bien impar&it encore, n'eut
pas de suite et ne paraît pas avoir été perfectionné davantage
par l'inventeur, quoique Westareenen van Tillandt prétend que
Jean van der May a connu la stéréotypie comme elle est pra-
tiquée aujoiu:d'hui.
C'est à l'orfèvre William Ged,Jà Edimbourg, que revient l'hon-
neur d'avoir le premier fondu des. planches solides sur des
moules obtenus de formes composées de lettres mobiles. Ged
s'associa Fenuer et James à Londres , et ils publièrent ensem-
ble des éditions stéréotypes de la Bible et de livres de prières,
rde 1729 à 1730. Cependant le Salluste, imprimé par Ged seul,
en 1744, sur des planches fondues en cuivre, « non typis mobi-
libus, ut vulgo fieri dolet, sed tabellis seu laminis fiisis, > conune
il est dit à la fin de cette édition, n'offi:e que des caractères
dont l'œil manque de netteté. Gabriel Valleyre, hbraire et im-
primeiu: à' Paris, fit paraître en 1735 un calendrier imprimé
sur un relief en cuivre qu'il avait obtenu d'un moule en plâtre
ou en sable, dans lequel il avait enfoncé les pages de caractères
mobiles. Ces planches , qui se sont conservées jusque dans ces
derniers temps , démontrent que ce procédé, pas plus que celui
109
à peu près semblable de l'Écossais jGred, n'avait pu donner encore
de bons résultats. Beaucoup d'autres essais furent faits : Benja-
min Mecom à Philadelphie, en 1770, en fit plusieurs , mais sans
réuBshr. Alexandre Tîlloch à Glasgow, en 1780, fut plus heureux;
il imprima, en compagnie de l'imprimeur Foulis, l'Anabasis de
Xéuophon au moyen de planches solides. Une invention fute
en 1780 par Fr.-Joseph-Ig. Hoffinann à Schélestadt faisait alors
grand bruit : ce procédé, appelé par son auteur Polytypie et Lo-
gotypie, consistait à prendre l'empreinte d'une page, de carac-
tères dans une p&te composée de plâtre et d'une coUe gélati-
neuse, formée de gomme et de fécules de pommes de terre; dans
ce moule il faisait pénétrer un alliage métallique très-iusible, au
moment où ce mélange était sur le point de se figer. C'est sur des
relieâ obtenus ainsi qu'il a imprimé les Recherches historiques
8w les Maures^ de Chénier, 3 vol. in-8*.
Mais la pratique montra bientôt l'imperfection de ce procédé,
qai fîit abandonné, ainsi que celui que Carez de Toul avait in-
venté en 1785. Carez faisait ses moules en terre de porcelaine et
appelait son procédé homotypie.
Enfin, en 1795, FirminDidot inventa un procédé de stéréoty-
page qu'il appliqua aux Tables des logarithmes de CaUet, pour
éviter les chances de fautes que les réimpressions occasionnent.
Ce procédé avait beaucoup de rapport avec celui de Jean Muller
de Leyde, c'est que les pages composées de caractères mobiles
étaient soudées à leur revers. En 1796, Firmin Didot eut l'idée
de fondre en un alliage très-dur, composé de plomb, de cuivre et
d'étain, des lettres moins hautes que celles qui sont ordinaire-
ment en usage, puis à enfoncer au balancier les pages composées
avec ces caractères dans une plaque de plomb, d'où l'on tirait
un cliché sur lequel on imprimait. Il nomma son procédé stéréo-
typie (de stéréos, solide, et types, type, caractère), nom qui a
été généralement adopté.
Dans la même année, Héran à Paris imagina, au lieu de compo-
ser les lettres, de se servir de matrices en cuivre parfaitement jus-
tifiées et mises d'approche, en sorte que la page se trouvait com-
posée par la réunion de ces matrices ou lettres en creux, d'où l'on
retirait, au moyen du clichage, une page entière sur laquelle on
110
ïïa^tuasàuhe pi»iieq>al(meoiiTéDiGiit dâ g* procédé diapeadiettx^
qui exigeait un matériel considérable en matrices justifiées) d'est
que, malgré le soin apporté à lagustifiostion de ces matrices^ les
interstices, aux poiats de jonction, laissent pénétrer la matière en
fusion lors du ciiohage, d'o£i résultaient des barbes qu'il fallait
enlever entre les lettres. Les matnces étaient fûtes par Ërrand et
Kenouard) secondés des conseils du comte de Schlabrendorf, Hé-
ran appelait son procédé Monotypie.
Cependant ce ne fut qu'en 1S04 qfie la stéréotypie reçat son
plus grand perfectionnement de lord Gbarles Stanhope, qui, con-
jointement avec les imprimeurs Tilloch et Wilson, se servit du
moulage en plâtra Ce procédé, qui n'a rien de supérieur, pour la
netteté des empreintes, à. ceux de Firmin Didot et de Héran, est
cependant moins dispendieux et d'un usage plus £a.cile, avanta^s
très-appréciables qui l'ont. £adt généralement adopter. On l'intro-
duisit en France en 1818. John et William Watto le propagèrent
à Vienne; Falka en, fit autant à PesUi; Tauchnitz à Leipzig;
Broenner. à Frankfbrt, etc. H se répandit aussi très-vite en Amé-
rique. Dans les derniers temps, ce sont MM. Genoux, Daulé et
Bauerkeller à Paris, Watson en Angleterre, et Edouard Ueajuel à
Magdebourg, qui se sont le plus appliqués à. perfectionner les
procédés du stéréotypage.
En 1846, on a tenté de substituer au plâtre des moules compo-
sés de deux feuilles de papier entre lesquelles est étendue une
couche de blanc d'Espagne. Ces moules ou flancs s'enfoncent sui'
l'œil des lettres, d'une page au moyen d'un frappage avec une
brosse. Lorsque ces flancs ont été séchés sur la page même dont
ils ont pris l'empreinte, ils sont placés dans nm boite que l'on
plonge ensuite dans une chaudière où le métal est en fusion. Mais
le cliché qu'on en retire est moins parfait que par le moulage en
plâtre.
Cependant le résultat le plus parfait, à côtS de cenx que donne
la galvanoplastie, dont nous parlerons en son lieu, sont les
planches stéréotypes sorties de la fonderie ducale de Rubelaade
en Thuringe, où le phosphate de fer est d'une telle pureté qu'il
permet d'obtenir en fonte de fer la reproduction des déliés des
lettres, ainsi que le prouvent les pa^es et l'exemplaire de la hui*
111
tième édition de la Bible imprimée à Nordhausen en 1S48 par
MM. MiiUer.
Quant à la stéréol^ie éleotrotypique, nous en parlerons en
traitant des applications de la galvanoplastie.
L'imprimerie est donc revenu, après plusieurs siècles, à son
point de départ, et la stéréotypie en est l'alpha et l'oméga. £n
effet, cet art, commençant avec des planches de bois gravées,
plus tard les divisant en lettres mobiles,* a adopté de nouveau
les planches solides, mais composées cette fds de lettres mobiles,
fixées entre elles en forme compacte.
Pendant que plusieurs typographes Êdsaient des essais de sté-
réotypage, d'autres recherchaient des moyens plus facile» pour la
composition, ou des procédés de gravure en relief sur métal^ ou
des matières plus solides pour la fonte des caractènes. C'est ainsi
que l'on vit apparaître successivement ou simultanément la logo-
graphie de Henri Johnson et Walter, en 1778, qui consiste à fon-
dre des syllabes ou des mots entiers au lieu de lettres mobiles,
système ayant quelque rapport avec celui qu'avait inventé en
1774 Madame de Barletti de Saint-Paul, mais qui n'avait jamais
été pratiqué ; l'amapoli-grammatique inventée par Yinçard en
1804; les totypes de Guillaume et Lamarre en 1805, et: la stéréo -
caDi-typogr£^hie de Boileau et Duplat en 1807, qui n'eurent pas
non plus d'emploi général.
M. Henri Didot inventa en 1806 son moule à refouloir, qui, ap-
pliqué ensuite au procédé de fonderie polyamatype (polus, plu-
sieurs, et ama, ensemble, types, type, caractère) de son invention,
lui permit d'obtenir cent soixante lettres à la fois: procédé avan-
tageux et employé avec succès.
M. Firmin Didot père avait remplacé l'ancien alliage du métal
de lettres, composé de 50 kilogrammes de plomb et de 18 de ré-
gule d'antimoine , par un nouveau contenant 20 kilogrammes de
cuivre, 30 d'étain et 50 de régule d'antimoine. Quoique ces carac-
tères avaient déjà une grande dureté , M. Cokon de Clermont,
en 1839, tripla leur dureté par l'addition du fer à l'alUage.
Mais en 1849, M. Petyt exposa à Paris une machine destinée
à fabriquer des caractères en cuivre, étirés et estampés à froid,
au lieu d'être coulés. Cette machine pouvait façoiu^ertrentérm
112
raille lettres par jour et remplacer le travail de dix ouvriers, en
sorte que les caractères, dits apyrotypes, coûteraient moins de
main-d'œuvre que ceux qui sont fondus à la main.
En 1850, M. Vander Van-Newton, eu -Amérique, imagina de
recouvrir de cuivre les caractères mobiles, en se servant de la gal-
vanoplastie ; et en 1855 on vit à l'Exposition de Paris des carac-
tères galvanoplastiques dus à M. Sirasse, dont l'œU est entière-
ment en cuivre, la tige'seulement est en plomb.
La même année, M. Cardon, de Troyes, inventa la Presse typo-
gène, par laquelle il fabrique des caractères mixtes à corps en al-
liage fusible et à œil en cuivre.
N'oublions pas non plus de mentionner le Matde mtdtipUccUeur
de M. Marcellin Legrand, au moyen duquel on peut fondre 120 à
160 lettres d'un seul coup, ce qui porte le travail de deux ouvriers
à 48,000 par jour.
On a cherché aussi à faciliter le travail des compositeurs en les
remplaçant par des Machines à composer. A l'exposition de 1855
on en vit figurer trois : le Piano-type de M. Adrien Delcambre,
de Paris, devant opérer 60,000 levés en un jour ; la machine à
composer de M. H. Delcambre de Bruxelles, basée sur le même
système de la précédente, et celle de M. Sorensen, de Co-
penhague, dont la distribution et la composition se font en même
temps, mais qui cTemande un caractère de forme spéciale.
Nous ferons remarquer encore une invention due à M. Derriey,
graveur habile à Paris. Il exposa en 1849 des vignettes remarqua-
bles obtenues par le procédé ingénieux de Moules à noyaux adap-
tés à la matrice; ce qui permet d'insérer des textes dans ces vignet-
tes, en suivant les courbures et les inclinaisons des traits de
plume, qu'elles représentent avec une grande perfection.
Nous avons déjà dit que les initiales ornées du Psautier de
Schœffer étaient gravées sur bois ; cet usage s'est maintenu : on
emploie encore aujourd'hui la gravure sur bois pour les grandes
lettres d'affiches et d'annonces; on fût même des caractères tail-
lés en argile, qu'on dit d'un bon service.
Pour ce qui concerne les tentatives faites pour la gravure en re-
lief sur métaux, nous nous en occuperons en parlant de la Xylo-
graphie, qu'elle devait remplacer,
113
En 1806, M. Jean-Pierre- Joseph Darcet (*), préposé à la mon-
naie de Paris, a grandement contribué à l'avancement de l'impri-
merie en inventant la Polyij^, ou art de tirer avec du spath d'Al-
lemagne, du plâtre ou d'autres substances analogues, l'empreinte
d'une forme d'imprimerie composée de lettres, ou l'empreinte
d'une vignette, pour en former une matrice, dans laquelle on
coule ou on presse de la matière qui répète et multiplie la même
empreinte et donne par conséquent des planches solides. On ap-
pelle cette opération le clichage, et les planches métalliques ob-
tenues des clichés.
Cette méthode, suivant M. A.-G. Camus (*), ne devint d'un usage
un pea général que depuis la fabrication des assignats ; auparavant
elle était peu connue. Ce mot dérive probablement de l'allemand
kîatschen, qui a la même signification, c'est-à-dire qu'il désigne
l'action de faire tomber perpendiculairement et avec force une
matrice sur du métal en fusion, pour retirer une empreinte de
la matrice. Le clichage , soit qu'il ait été exécuté suivant la mé-
thode de Darcet , soit suivant un autre procédé inconnu à nous,
était déjà pratiqué dans les premiers temps de l'imprimerie; il
était employé au moulage des caractères, des ornements typo-
graphiques et des vignettes.
L'examen attentif qu'a fait M.Firmin Didot(*) des deux exem-
plaires du Psautier de 1457, appartenant l'un à la Bibliothèque
impénale, l'autre au British Muséum, lui a donné lieu de croire
que l'exécution de ce livre, le premier imprimé avec date , est
due au procédé inventé par Gutenberg après son association avec
Dritzehen, et dont M. Firmin Didot lui-même a fait souvent usage.
Ce procédé consiste à enfoncer des caractères gravés en bois
dans du plomb au moment où, liquéfié par la chaleur, il est prêt
à se figer. Ces matrices en plomb sont régularisées ensuite poui-
l'aUgnement et la hauteur comme les matrices ordinaires; puis?
au moyen du cUchage à la main , on retire de la matrice une
{{) Mémoire sur le moyen d'obtenir des clichés avec des moules en plâtre, souffre
et cire à cacheter, par M. Darcet; Paris 4806, grand in-4'. — Bulletin de la Société
d'encouragement pour l'Industrie nationale, n* XX. p. 203 et suiv.
(î) Mémoires de l'Académie de l'Institut national ; Paris, an IX, grand in-4«, p. 491.
(3) Encyclopédie moderne, Firmin Didot déjà cité, p. 607.
114
eBlpreifité en métal, laquelle, après avoir été dégagfée des bavu-
res, est replacée dans la matière en plomb que Von adapte à un
moule. Le métal en ftision versé ensuite dans ce moule, tout en
formant le coips de la lettre , se soude au cliché qui en forme
l'œiL On retire ainsi de la matrice en plomb une lettre aussi paiv
fkite que celle que nous obtenons par le procédé ordinaire.
« Mais ces matrices en plomb ne peuvent produire qu'un nom-
bre limité de clichés, ce qui explique pourquoi, dans le Psautier de
Mayence; les capitales, par exemple, sont toujours parfaitement!
identiques; en effet, l'emploi n'en étant pas fréquent, la même
matrice pouvait sans s'altérer en produire le nombre nécessaire.
Si l'on a soin de laisser refroidir de temps en temps une ma^
trice en plomb, on peut obtenir aisément soixante à quatre-vingts
lettres, sans être obligé de renfoncer le poinçon en bois dans la
matrice, ou de faire une nouvelle matrice avec le même poinçon
de bois. Mais pour les voyelles et les lettres qui reviennent fré-
quemment, il fallait nécessairement multiplier les matrices. Or,
chaque fois qu'on était obligé de renfoncer les poinçons de bois
dans lés matrices, ou d'en faire de nouvelles, la forme du poinçon
s'altérait par l'effet de la pression et de la chaleur; souventfmème
il était brûlé, pour peu que le métal fût trop chaud. JDfîdlait
donc regraver souvent de nouveaux poinçons de bois ; de là ces
différences que l'on i-emarque dan» les lettres dont l'usage est
fréquent. »
« La page 141 du Psautier nous prouve que les ornements qui
accompagnent les grandes lettres (voyez page 67), et qui sont
évidemment gravés sur bois, ont été aussi fondus dans une seule
et même matrice et multipliés par le clichage et la fonte , ainsi
qu'il vient d'être dit. Dans cette page se trouvent deux ® ornés
et deux 9 également ornés. Or on remarque dans l'ornement de
l'un des <9 quelques cassures et écrasements qui n'existent pas
dans l'autre : preuve évidente que ce ne peut être le même or-
nement qui, ayant d'abord servi pour l'impression en rouge , au-
rait ensuite été repris pour servir à l'impression en bleu. D'ail-
leurs, dans cette même page, Tun des 9 est imprimé en roufe et
l'ornement en bleu; tandis que l'autre est imprimé en bleu et
l'ornement en rouge. Il en est de même pour la lettre 9. »
115
M. ûe Rmnohr {*) constate également des traces ]iii]lti{>liée6^
(le clîcliage dans un autre implrimé de Schœffer, le ^PusjBe- %va-
tttU tttt &a»Btu^ de Pan 1482 ou 1402. H indique en outre un
grand nombre d'ouvrages imprimés dans le XV** et le XVP siè-
de , oà il a remarié un em^^oi fréquent du dichage pour mvl^
tipfier les caractères et les gravures. Les plus anciens livres dont
les gravures soient imprimées au moyen de clichés sont, suivant
M. Falkenstein, le Bttdimentum noviciorum; Lubecque 1475 ; —
Dk MibUe mit vUUgher mhtùnge; Lub. 1494; — Barhar&saa;
Strasbourg, 1615; — Die Oromfke vanMoUandt; Leyde, 1517;
— Passionel ; Lub. 1507 ; — Der Bitter von Sachsenheim ; Worms,,
1538;— TïmcyMdes de Stayner de 1538, etc.
Le livre de botanique, Macerfleridits , de mriims herharum^
qu'on dit imprimé en 1506, par Bernardum Venetum de Vitell-
ben, à Venise, contient, outre des gravures xylographiques de
plantes assez inconnaissables, trois gravures de sujets qui sont
identiquement les mêmes, et qui paraissent multipliées par le
dichage. Cet ouvrage est conservé 4ans la Bibliothèque de M. le.
professeuv de CandoHe à Genève.
Les rentrées si parfaitement exactes des deux couleurs dont
sont imprimées les initiales du Psautier de Schœffer, noua con*-
duisent à parler de plusieurs genres d'impressions qui n'ont
trouvé leuBS applications générales que de nos jours, quoique
existant déjà dans le plus ancien monument de la typographie :
c'est l'impression polychrome, l'impression en camoMu et l'im-
pression à la congrève, auxquelles nous joindrons l'impression
en or, en ai|^uteten bronze.
IMPRESSION. POIiYCHROME. L'impression poly-
chrome , suivant l'étymologie de ce dernier mot ( du grec polus,
plusieurs , et chroma couleur) , consiste à imprimer en plusieui'S
couleurs. C'est une imitation des anciens manuscrits ornés de
peintures dont Pierre SchœlFer a livré le premier exemple.
Dans l'édition de Ptolémée publiée par J. Schott à Strasbourg,
eu 1513 , on remarque la carte de la Lorraine imprimée en troi&
(1) Zur Gesctiiclile uii(lTheuriedei*Foiriuschneidbkuust;C. Fr. v. Kujnotu*. Leipzig-,
u»-»-, 1837. p. 96 à 126.
116
couleurs différentes, ainsi que le blason qui a ses couleurs héral-
diques.
Dans le XYP siècle surtout, aussi bien en Allemagne qu'eu
Italie et dans les Pays-Bas, l'impression polychrome fut princi-
palement employée pour les sujets artistiques, sous le nom de
chiaro-oscuro , clair-obscur, et de camMeu. C'est une imitation
des dessins faits sur papier teinté rehaussé de blanc, dont nous
parlerons plus loin.
Dans la polychromie on procède généralement de deux ma-
nières différentes: ou ]^slc juûctapasition des couleurs, ou par su-
perposition,
La juxtaposition des couleurs au moyen de planches de bois,
dont chacune sert à l'impression d'une couleur différente , était
le procédé employé par Schoeffer pour les initiales du Psautier
de 1457. Ces rentrées des deux couleurs sont faites avec une ré-
gularité qui surprend, nous dit M. Firmin Didot, surtout lors-
qu'on songe que l'impression se faisait sur parchemin , matière
qui doit être fortement humectée avant de pouvoir être mise sous
presse. Or le degré d'humidité, variant nécessairement pendant le
cours des trois tirages successifs, noir, rouge et bleu, devait pro-
duire un reiTrait dans le parchemin et accroître les difficultés,
auxquelles s'ajoutaient sans doute les imperfections de la presse.
Cette régularité si merveilleuse a occasionné de nos jours la
découverte du procédé d'impression à plusieurs couleurs qui
porte le nom de congrève.
« Le célèbre imprimeur, M. Bensley, montrait un jour à M. Con-
grève comme im phénomène typographique la granâe lettre B.
qui est la première du Psautier , et dont les ornements en bleu
et en rouge rentrent si parfaitement les uns dans les autres;
l'examen attentif qu'en fit M. Congrève lui fit découvrir qu'une
pareille régularité ne pouvait être obtenue par des impressions
successives, et que le tout avait dû être imprimé d'un seul coup
de presse au moyen de deux parties gravées séparément et s'a-
daptant l'une dans l'autre après avoir été couvertes séparément,
l'une de l'encre bleue , l'autre de l'encre rouge. C'est aussi de
cette manière qu'on procède maintenant dans l'impression à la
congrève. Ainsi ce procédé, employé il y a quatre siècles pai*
11?
Schœ£fer, ne fut deviné que de nos jours et devint l'objet
d'un brevet d'invention , dont l'importance fut jugée telle par le
gouvernement anglais , qu'il confia à M. Congrève des impres-
sions en nombre considérable et qui exigeaient une garantie con-
tre la contrefaçon , ce qu'on crut pouvoir obtenir par la perfec-
tion de ce procédé. »
Le gaufrage et le guilloché sont des auxiliaires de l'impression
à la congrève. Le gaufrage, employé déjà par les relieurs du XVI*
siècle à la décoration des couvertures des livres en peau ou en par-
chemin, consiste à graver en creux des lettres, des ornements et
même des figures, dans une planche de bois ou de métal ; à encrer
ensuite la surface plane de la planche, de manière qu'après l'im-
pression les sujets ou les ornements se détachent en relief et en
blanc sur un fond de couleur. Dans les impressions à la congrève
à gaufinres, on obtient des fonds polychromes sur lesquels les or-
nements ressortent en rehef et en blanc , ce qui fait un très-bel
effet. Les Anglais ont été les premiers à remettre en vogue le
gaufrage. Les frères Bauerkeller à Carlsruhe l'ont appliqué en
1834 à la typographie. Plus tard, ils se sont fixés à Paris, où ils
l'ont introduit en y établissant, de compagnie avec M. Gutsch, une
fabrique de gaufrages en couleur. Ils ont livré dans le commerce
un grand nombre d'impressions de ce genre, telles que des cache-
pots, des abat-jour, des couvertures de carnets, des étuis de ciga-
res et d'autres objets de luxe. Us ont imprimé entre autres la
belle couverture pour Paul et Virginie d'Everat.
Le relief de ces gaufrures, dit embossa^e sur carton ou sur
papier s'opère, selon M. Jobert (*), au moyen d'une certaine quan-
tité de dre, fixée su tympan de la presse typographique et recou-
verte d'un léger papier. L'art des Emhossers a longtemps été tenu
secret en Angleterre, quoique rien ne fût plus simple.
Le guilloché (voyez plus loin, Chalcographie), qui était déjà en
usage dans le XVIII* siècle pour décorer les tabatières en or et
d'autres bijoux, ftit appliqué plus tard à l'impression à la congrève,
pour rompre la monotonie des fonds de coleur unis. A l'aide du
tour à guillocher, augmenté de la Ligne-droite, de Vovale, de la
(1) Rapport sur l'exposition française de 1839, p. 321 .
11«
madUne épieycleUde, du «0Mr à parerait, on trace sur k snr^GKîf
des planches des lii^es droites ou eourbes, très-deliées, se erci-
sant et sWtrelaçant de mille manières, formant ainsi des dessins
délicats et d'une grande variété , lesquels restent blancs sur un
fond de couleur, lorsqu'on a encré la surface de la planche et
qu'on l'a imprimée sur la presse typographique. On se sert à cet
efiet généralement de planches de métal, au heu de bois, à cause
de la supériorité du métal pour l'ajustement des différentes plan-
ches les unes dans les autres.
L'impression à la congrève, complétée par les gaufrures et les
guillochés, a été apphquée, d'abord en Angleterre, surtovititrim-
{Hression des bank-notes, des étiquettes de marchandises, des an-
nonces et des couvertures de hvres. On s'en est cependant aussi
servi pour des objets plus considérables: telle a été, entre autres,
la grande planche de l'Oraison dominicale pubUéff par M. Schsefier
à Francfort
Après les Anglais, ce furent principalement les Allemands,
MM. Naumann à Francfort; Haenel à Magdebourg; Haase et fils
à Prague ; Teubner et Hirschfeld à Leipzig ; Hasper à Carisruhe,
et Zabern à Mayence, qui ont hvré les meilleures impressions.
A Paris, MM. Didot frères, et Gauchard sont les premiers qui
aient établi une imprimerie polychrome ; mais, ainsi que les au-
tres typographes de cette ville, ils faisaient venir de l'Allemagne
leurs planches et ornements pour l'impression h la congrève.
Elle a été importée en Belgique en 1838 environ.
Quant à l'impression polychrome par superposition des cou-
leurs, elle consiste à imprimer successivement avec plusieurs
planches, couvertes chacune d'une couleur dilEéeMite, de manière
que l'une couvre l'autre, ou totalement, ou en partie, en formant
de nouvelles teintes, des gradations, des lumières et des ombres
du dessin que l'on veut imprimer. Ce procédé exige une con-
naissance exacte de la palette , c'est-ànlire du mélange des cou-
leurs et de leur transparence ou de leur opacité, pour obtenir
par superposition les nuances voulues. Pour pouvoir remettre la
feuille à imprimer toigours à la même place pendant le cours des
divers tirages, on se sert d'un système d'ajustement par des ca-
dres, des repères ou des pointures.
Williarik Savage est un de ceux à. qui Timpression polychrome
par superposition doit le plus ; il a publié sur la pratique de cet
art un magnifique ouvrage intitulé : Praiical hints of Becoror
tive Frinlmg, with illustrations engraved on Wood, and prînted
in colours at the type press ; London, 1823, grand in-folio.
Savage a étendu les limites de ce procédé jusqu'à la reproduc-
tion de sujets peints, et a surpassé ainsi Edward Kirkell, John Ba-
tiste Jackson et George Skippe, qui l'avaient déjà perfectionné
en 1783. Il a produit dans son livre des impressions en couleurs
très-diverses et parfaitement réussies. On y voit des titres ornés,
des fac-similé ; le Einaldo et l'Armide par Nesbit d'après Thur-
ston, en huit couleurs; plusieurs antiques, tels que statues, bus-
tes, vases étrusques, moss^'ques ; des armoiries ; des objets d'his-
toire naturelle, dont deux œillets, un papillon sur une tige, un
perroquet, un tigre qui s'élance sur un renard; des paysages et
des mannes. Tout cela gravé sur bois, présente la plus grande
vérité pour la forme, comme pour les nuances.
Mais George Baxter, dans son Pictorcd Album, or cabinet of
paintings, London, 1837, in 4", adonné par un procédé nouveau,
des reproductions de peintures qui les imitent si parfaitement
qu'on a de la peine à les distinguer de l'original Nous donnerons
plus bas le procédé de M. Baxter, en parlant de la gravure, parce
qu'il n'est pas exclusivement typographique.
Comme il fout, pour le tirage des épreuves en couleurs, sou-
vent dix à douzes planches et autant d'impressions successives,
M. Enight, le fondateur et l'éditeur iu Penny Magazine , a ima-
giné une machine à imprimer qui offi-e au moins l'avantage du
bon marché. Jl wige toutes les planches qui servent à l'impres-
sion d'une feuille sur un disque tournant, le papier sur lequel on
veut imprimer est fixe , et il y a autant de feuilles que de plan-
ches, de manière qu'en imprimant, et lorsqu'on tourne le disque,
il y a toujours quatre feuilles de terminées à la fois.
Le repérage dans l'impression polychrome, ainsi que le mé-
lange convenable des couleurs offrent de grandes difficultés et
ont été le sujet de recherches nombreuses. M. Silbermann , ha-
bile typographe à Strasbourg, avait fait en 1839 divers essais
d'impression en couleurs. En 1844 il présenta des épreuves à
122
seal, on a employé encore le bleu, le vert, le bran, le rose, et Ton
voit depuis plusieurs années des affiches, des circulaires, des car-
tes de commerce ou d^adresse , des prospectus , des almanachs^
des calendriers, et même des livres dont les lettres et les ornements
sont imprimés en couleurs variées.
Ce genre d'impression offre toujours une certaine difficulté
d'exécution, tant pour Pencrage que pour le tirage, aussi la ma-
chine que M.Dutartre, de Paris, a exposé en 1855 est-elle venue
à propos , puisqu'elle résout un problème intéressant pour l'im-
primerie, celui du tirage simultané de deux couleurs différentes.
A l'exposition de 1855, M. Hanicq, deMalines, réputé pour
ses livres de liturgie, a produit des impressions en rouge et en
noir, qui forment sa spécialité. M. Toovey, de Londres, avait pré-
senté le Brevarium Aberdonense, imprimé en deux couleurs,
rouge et noir, etc.
A ces différents genres d'impression polychrome se lie natu-
rellement l'impression en or^ en argent ou en bronze^
par laquelle on cherche à imiter le travail précieux des chryso-
graphes du moyen âge , dont le procédé d'écrire en or n'a pas
encore été retrouvé. Pour imprimer en or on procède de diffé-
rentes manières ; les plus répandues sont les suivantes : Sur pa-
pier lisse et sur peau, on emploie du blanc d'œuf réduit en pou-
dre, que l'on répand sur l'objet à imprimer , et sur lequel on
pose une feuille d'or ou d'argent; le tout est placé sur une feuille
de papier humectée ; la forme ou la planche gravée , légèrement
chauffée , est ensuite pressée dessus ; après quoi on ôte le sur-
plus de l'or avec du coton non filé ou avec un pinceau de blai-
reau. Pour imprimer sur satin , sur velours , sur papier glacé ou
sablé, on se sert d'une encre composée d'ocre brûlée ou de jaune
de chrome broyé avec de la térébenthine double. Lorsqu'on a
imprimé avec cette encre, on pose la feuille d'or dessus, ou, sj
l'on veut obtenir de l'or mat, on saupoudre au moyen de la pou-
dre d'or, d'argent ou de bronze, on laisse sécher, et l'on ôte le
reste comme on l'a déjà indiqué.
Le plus ancien exemple de ce genre d'impression de luxe se
trouve dans l'Euclide , imprimé à Venise par Radolt en 1482,
123
dont Je titre et les initiales sont en or , dans quelques exemplai-
res du moins. En 1507 on imprimait à Augsbourg en or et en ar-
gent sur parchemin avec des planches xylographiques , comme il
est clairement exprimé dans une lettre écrite à l'empereur Ma-
ximilien par le Dr. Peutinger, et que M. Théodore Herberger(*)
a trouvée dans les archives de cette ville. Il paraît que ce procédé
avait été apporté de Wittenberg à Augsbourg, car il existait à
cette époque un commerce très-actif entre ces deux villes. Du
reste on trouve assez souvent dans les éditions du XVI* siècle,
et plus tard, des grandes lettres, des noms, des titres ou des sus-
criptions imprimés en or ou en argent, comme c'est le. cas, par
eiemple, dans VExplicaUon des Evangiles de J. Brontzen, tra-
duite en allemand par Jacobum Grettem , imprimée à Francfort
par Pierre Braubach, en 1556, in-foKo, et dont le titre, les ini-
tiales et les capitales sont les unes en or, les autres en argent;
mais on trouve rarement des livres entièrement imprimés de
cette manière. Un exemple de ces derniers est le Amerlesene
wf^dvoU8tandig€ Cresanghuch, imprimé à Dresde chez J. Nicolas
Gerlachen, en 1734, in-8*; 11 se compose de 920 pages totale-
ment imprimées en or. Le typographe Hirschfeld à Leipzig a pu-
blié en 1839 un ouvrage remarquable tout imprimé en or, intitulé
Dux, dos ewige Versôhnungsopfer; c'est le plus beau produit de
la presse allemande.
Il serait intéressant de connaître au moins quelques-uns des
ouvrages les plus remarquables réunissant à la fois, ou en partie,
les différents procédés et genres de luxe dont dispose la typo-
graphie. Nous mettrons à la tête de cette petite liste un vérita-
ble chef-dœuvre sorti des presses de M. Crapelet, sous le titre
général: des Oiseaux dorés, qui a paru à Paris en 1802, in-folio,
et dont douze exemplaires ont été richement imprimés en or,
MM. Bossange , Masson et Besson imprimèrent en 1809 la
traductionfrançaise(΀PI7wMfe, par Ch.- Frédéric Lebrun, qui con-
tenait 34 planches in-folio et un titre en or.
L'édition de Inxe de l'Album de l'Imprimerie royale de Paris,
(1) Conrad Peutinger in seinera Verhâltnisse zum Kaiser Maximilian, etc. von Théo-
*>r Herbcrger, Archiviste derStadt Augshurg ; in-4-, 1851.— Deutsches Kunstblatt,
1»1, ii« 51
publiée pour ilumée 1830, outre kigianée i|uaiiitilé et mnétéiie
caractères dont le fonds de rétablissement se «MinpMe (1/6,060
poinçons en relief et âO,000 matrices) , «e distiiigQe -eoeore {nb*
de magnifiques impressions en or , «n angeiit, en bronze et en
couleurs di^rses. Le plus beau produit de cette imprimerie dans
ce genre est la CoUection wimhUej dent on a imprimé quelques
exemplaires pour le roi XiOuàs-Pbilippe en 1836 et en 1840. €es
exemplaires sont décorés de cadres et d'entoura^s dans le goAt
oriental, gravés sur bois par firevière d'après les dessins de€fae-
juavard, et imprimés en or , en camnn et «n outremer, dans le^
nuances les plus variées.
n a fallu imprima à sec ces ornements, parce que la plupact des
Veuilles durent supporter huit i dix impressions sueeesaives.
Les Français rivalisent dignement avec les Anglais dans les im-
pressions de luxe. M. Ëvrat a publié des éditiens d'un grand boa
goûl;, ainsi que M. Lacrampe et Comp. On remarqoe surtout les
^nenaents du Paradis perdu, édité par Opigez ; â y a en tète
du quatrième chant une feuille merreiUeuse : elle «et imprimée m
Sfept couleurs nuancées par vingt-quatre teintes obtenues seule-
ment par deux planches.
Des livres arabes, ornés dans le goût oriental d'araibesques im-
primes en or et en couleurs, ont été publiés par M. Bastide, d'Al-
ger, en 1855.
M. Ernest Meyer, de Paris, a exposé des modèles de tapisserie,
avec toutes leurs couleurs, imprimés typographiqu^meat, ainsi
que des blasons de villes, en or, argent' et couleurs, etc.
La Hollande s'est aussi distinguée dans ce genre. De 1707 à
1 710, on a publié à Amsterdam, par ordre du somptueux Frédé-
ric-Auguste P% roi de Pologne et électeur de Saxe, le &meux
Atlas Royal en dix-neuf volumes in-folio. Cet ouvrage, pour lequel
le monarque a dépens^ la somme de 19,000 thalers, a été exécuté
par les plus habiles géographes , peintres , dessinateurs et gra-
veurs. Chacun des dix-neuf volumes est décoré de trois magnifi-
q^ues titres et d'une table des matières dorée. Les iascr^^tioHS des
cartes géographiques sont imprimées en or. Le tout est orné en
profusion avec de l'or et les couleurs les plus brillantes, dans le
Ijoût du siècle de Louis XIV.
PS»
is t^^liogDapbcr 61. BkmendMf âB'Rottetdaui dt égatekneiilt j^«^
blié plusieurs ouvrages impriméS'enfor; un^ eiita*€i aotares stu* le
vmgMiifQiènro ttoaiiVerBaive dn règne d» mv deHoUflnde, en
L«1iabilëtèd88 Anglaâ» dansi ce genre d^impression est générai
leouHit>con&a6;^ et nous avonsid^'àvcité plusieurs' de leurë beaux
produits. Nous devons en indiquer encore' d'auteesi En 1616, le>
Fdieur et tji^c^aphd John Whittaker, à Londres, pabtia unel ma-
gDJfi(jue' édildcm princeps de la Mâgna Gharta Beffie^ JoHa/h/im
K¥, die Jun« Anno Begni L7. A. D; M. CXY, dont l'osiginad esti
conservé au Musée Bntftmûqaiie. Lesi exempkdres* sont tiré» sov
satin pourpre et sur parchemin. Whittaker a employé un procédé
Qoaveau de son invention, pour donner à-Toi^ tm lustiiepai^t, tel
qw le»' caractères ont Papparence de lames' d'or découpées et
poliesi Une antre publication du mémeimprimeur n'est pas moins
«aaarquable, c'est The august œmnonkd of the coronaMem cf
(^^&r^ IF, de 1820. Letexte de ce livre est imprimé etkot, Le
titre représente <le trône royal ridiement'ornéj Le tout' est tiré sur
(iQ'sadnbteno, &a velours et du parchemin.
he^oal^Mlrier pour Pannée 1628' fttt> imprimé par lestypogra^
phes Howlath et Brimmer sous le titre d^ N^stMonai-goîcùm^Mma'-
^Jofc, sur une feuille de papier vernie en blanc, avec des lettres
fl'op et r««ge Iniliant. Le libraire Haais à Londres avait d^à^ pn-
l)tié'tt&recaeâ de poésies en -quatre- langues, en anglais, en sdle-
«Midi en français et en italien, sous le titre àé The gùldèn Lyre",
't qui' était imprimé sur du papier- blanc glacé, avec des lettres'
tl'or et des encadrements du même genre.
MiMurgo YoMBg^ Pimprimeur du journal llieSim, apnWiéponr
le^jwff du-cenroanement de la reine, le 28 juin 1838, une férafiié
<iê fomat colossid tout ift^rimée en or. Cette* fettiHe contient la
ilescriptiendes' couronnements de tous les souverains nie l'Angle-
terre depuis Ouiltaume le Conquérant jusqu'à Guillaume IV et la
•^e Adélaïde ; lé portrait de la reine Victoria; les armoiries bri-
^^'WB^Bs; les- insignes dtt couronnement, et plusieurs poésies. Le
^^ThsSim est imprimé avec deff caractères gothiques moder-
nesdWpouce-de hatti
Mi i^tôtin , d'Hert^d^ exposa- en 1«©5 u» magniUque livre-:
126
SaJcooniaia or the loat ring, imprimé avec an grand loxe de doru-
res, de couleurs et d'illustrations.
L'ouvrage le plus remarquable publié en Allemagne est le Ssaf-
fieddifd Heîlenensis ad SulUmum Elmelik, etc.; Carmen arabicum,
etc., imprimé à Leipzig, in-folio, en 1816, par Tauchnitz. Cette édi-
tion de luxe est imprimée sur du papier vélin anglais lissé, avec de
l'or et des filets en couleur.
L'Imprimerie impériale de Vienne a exposé, en 1855, le Re-
cueil des documents pour l'histoire du couvent de Saint-Benoit, à
Kreutzmunster, ouvrage fort curieux par la richesse des lettres
ornées et des impressions en couleur qu'il renferme.
Le système de la mobilité des lettres n'est pas seulement em-
ployé pour la composition du texte, mais il a plusieurs autres ap-
plications très-remarquables dans les arts et les sciences, quoique
comparativement peu pratiquées. Nous avons déjà mentionné les
signes figuratifs de certains idiomes, comme les hiéroglyphes, les
lettres chinoises, les figures de la passigraphie, dont les caractères
sont composés d'un certain nombre de types mobiles. Il nous
reste à parler de l'impression des notes de musique, de la typomé-
trie et de l'ectypographie.
niIPBBSSION DE IiA MU8IQUB. Les signes musi-
caux qu'on rencontre dans les plus anciens incunables n'étaient
point faits au moyen de types mobiles, mais on les écrivait à la
plume, comme c'est le cas dans le Psaltérion de Schœffer, ce pro-
totype de presque toutes les branches de la typographie. Dans le
Lilium Musicœ Pîanœ de Michel Kiensbeck, imprimé à Augs-
bourg par J. Froschawer, en 1500, les notes de musique étaient
gravées séparément sur des blocs de bois et intercalées dans le
texte composé de caractères mobiles. Les planches xylographi-
ques furent bientôt remplacées par des planches de métal, sur les-
quelles on gravait en creux, surtout en Italie. Les Italiens préten-
dent même que ce fut dans leur pays, et déjà pendant les premiè-
res années du XVP siècle, qu'on s'est servi de types mobiles fon-
dus pour l'impression de la musique, et ils nomment Octavio Pe-
trucci comme en étant l'inventeur. D'un autre côté, M, Herber-
127
N
ger (*) nous apprend que le typographe impérial Erhard Oeglin
(Ocellus) à Augsbourg , au commencement du XVP siècle, avait
inventé les types mobiles pour imprimer les notes de musique, et
que, grâce à cette invention, le docteur Sigismund Grimm et
Marx Wirsœng, qui possédaient une grande imprimerie dans cette
ville, purent publier un des plus beaux et des plus considérables
ouvrages en musique.
Le typographe Ulhard de cette ville imprima de cette manière
les cantiques de Salminger, qui étaient dédiés à la reine Marie de
Hongrie, et aux célèbres Fugger.
Les Français au contraire attribuent l'honneur de cette inven-
tion à leur compatriote Pierre Hautin,. qui vivait vers 1525. Sui-
vant M. Finnin Didot, ce fiit lui qui inventa les notes à forme lo-
zange. Il grava d'une seule pièce chaque note avec les cinq portées
adhérentes à chaque côté. Ottavio Petrucci, à Venise, en 1503,
imprima pour la première fois dans ce système un recueil de chan-
sons françaises. Plus tard, en 1530, Pierre Attaignant, à Paris,
employa ces notes à l'impression de 29 chansons en quatre par-
ties.
Guillaume Lebé grava séparément les portées et les notes; la
musique imprimée en 1552, par Adrien Leroy et Robert Ballard,
est exécutée de cette manière.
On attribue au Français Robert Granjon, célèbre graveur de
lettres, en 1559, les notes de forme arrondie. Depuis 1639, Jac-
ques de Sanlecque (né en 1558, mort en 1648), élève de Lebé,
obtint des lettres patentes de Louis XIII pour imprimer seul,
pendant dix ans , le plain-chant , au moyen d'un nouveau mé-
canisme de son invention. Ses types restèrent en usage pendant
quelques siècles sans subir de modifications notables.
Enfin, vers 1754, le célèbre imprimeur et libraire J.-G.- J. Breit-
kopf à Leipzig, qui avait déjà tant mérité de la typographie, tra-
vaillait à améliorer aussi les types des notes de musique. Après
plusieurs essais, il réussit enfin à établir un système de types mo-
'jfles, propres à tous les genres de musique et qui a servi de base
*Qx travaux de ses successeurs. Les types de Breitkopf étaient
(i) Augsbar; und seine frtthere Industrie, von Th. Herber^er. Augsb. 1852, p. 38.
129
meilleur» et <yuue plus bell^ ipunB (j^ue ceu^ à^ Fourrer ^i %
Gaodo. ^n France, on s'est beaucou]^ occupa de cette briifaicjl^e
particulière de la typographie : surtout M^ C. Duverger, l'habile
imprimeur qui a publié en 1826 dans la Revue niu^cale les pre;
miers résultats de ses laborieuses recherches. En 182^, il exppsa
ses, premiers essais du. polytjpage ap{)ljqué à, l'exéçutipii de la.
musique. Ce procédé nouveau consiste à mouler dai^ le. pl^a If^s
p^ges composées en, caractères mobiles qui ne contiennent que
le^ notes et les portées. Le tracé des lignes est, fait ensuite dfuis
ce moule en plâtre par un procéd|ê mécanique, en sorte qi^^.l^
cliché qu'on retire dfi. moule a^lsi complété doniie à la, fois^ réunis
les notes, les portées et les lignes exemptes d^ la brisure qui se fait
toujours remarquer, dans la musique imprimée par les anciens
procédés. Après M. Diiverger méritent d'être mentionnés ses
élèves, Tantenstpin et Cordel, et Mf^. Brun, Sainclfôr, d'Ëdim-
bourg; Derriey, de. Paris.
Pourl'AlJenMkgne, c'est toujours la maison ifreitkopf et Hfeytel
àLeip^dg qui se distingue le plus à cet égard. M, W, Tauchnitz est
le premier qui ait applique avec succès dans ce pays la stéréoty-
pée à l'impression de la^musique.
TYPOMETRIE. Ou comprend sous le nom collectif et
générique de typométrie l'art de composer et d'imprimer, au
moyen de types mobiles, les cartes géogrjaphi^ues, les dessins
mathémati(j[ues et géométriques, ceux de plans de machines
et, de constructions, d'objets d'histoire naturelle, et même des
portraits.
Les plus anciennes cartes géographiques étaient gravées sui*
métal ou sur bois pour être multipliées au moyen de l'impression.
Ainsi celles qui figuraient dans la cosmographie latine de Ptolé-
mée^ iiçiprimée en 1478 par Conrad Sweyn^ieim à Rome, avaient été
gravées en creux sur des planches de métal, sauf les lettres et les
noms qui avaient été frappés au moyen de poinçons en relief et
-du marteau.
Les cartes qu'on voit dans l'édition allemande du même ou-
vrage, imprimée par Léonard Hol à Ulm, en 1482, avaient été
gravées sur bois par Johann Schnitzer d'Arnsheim. Pour les let-
129
très, cependant, on avait ménagé des ^ous, dans lesquelles on
plaçait des caractères mobiles à la même hauteur que la surface
de la planche, de manière qu'on pouvait tirer des épreuves d*un
seul coup de presse. L'édition de Ptolémée, publiée à Venise en
1511 par Jacques-Pierre de Lencho, contient des cartes du même
genre.
La gravure sur bois, principalement dans leXVI* siècle, et
la gravure sur métal, sont restées d'un usage général et exclu-
sif pendant plus de deux siècles. Dès lors on a cherché à y sub-
stituer d'autres procédés plus ou moins cgnvenables; néanmoins
n'y a que la lithographie et la gravure sur métal qui aient pré-
valu jusqu'à présent.
Les premiers essais pour imprimer les caites géographiques
au moyen de types mobiles furent faits de 1770 à 1775 par deux
Allemands, et à deux endroits différents à lafois(<): Wilhelm
Haas, l'habile fondeur de caractères à Bàle, à qui le diacre
Preuschen de Carlsruhe en avait suggéré l'idée, publia le pre-
mier le résultat de ses recherches. Mais J.-G.-J. Breitkopf^ de
Leipzig, ce typographe savant et distingué, a prouvé qu'il s'était
déjà occupé depuis plusieurs années de ce genre d'impression,
mais qu'il n'avait pas rencfu publics ses essais, n'étant pas en-
core assez satisfait des résultats. Haas avait imprimé la carte du
canton de B^e avec des types mobiles, et Breitkopf avait choisi
les environs de Leipzig ; cependant ni l'une ni l'autre de ces car-
tes , ni les procédés employés ne paraissaient remphr les condi-
tions désirées, de manière que cette méthode d'imprimer n'eut
pas de suite alors. C'est le diacre Preuschen qui a donné le
nom de typométrie à ce procédé, qu'il avait appelé premièrement
Ingénieurie d'estampes.
Les essais faits par le célèbre imprimeur Firmin Didot, entre
1818 et 1830, pour les cartes imprimées typographiquement, et
1.1) Grundriss der typometrischeii Geschichte vod Âug. GotUieb Preuschen ; Bascl.
1778, in-8*— Ueber den Druck geogr. Karten, J -G.-J. Breitkopf. Leip. 1774, in-4».
-Beschreibung des Reiches der Liebe. 1777, et Queil der Wttnschc,1779, du même-
~A. G. Camus, Mémoire sur l'impression des cartes géographiques, dans les mé-
moires de l'Institut, p. 416. — Ritschel de Hartenbach, Neues System geogr. Karten
mit ibrem CloJorit durob die Bucbdrnckerpresse herzustellen; Leipz. 1840, in-8*.
phnt, qaoiqa^il y ait dépensé plus de 50,000 franoa. Quelques
eiBàis typo*niétriques furent faits aussi par le typographe We-
gêner cadet, k Berlin, mais sans beaucoup plus de bonheur.
£n£n, dans Tannée 1839, parut à Vienne la carte postale de
l'empire d'Autriche, imprimée avec des types mobiles par Kaf-
felsp^er, qui depuis longtemps, et sans c<Hinaître les travaux
de ses devanciers, était à la recherche d'un procédé typ(»aé-
trique pour l'impression des cartes. Il avait complètement réussi,
et à un tel point qu'on Ini décerna la grande médsûlle d'or, lors
de l'exposition industrielle qui eut lieu cette année-là à Vienne.
Le système typométrique de Baffelsperger se compose de
types mobiles qui , établis comme les autres caractères par les
moyens les plus simples et à peu de frais, permettent d'imiter tou-
tes les courbes et sinuosités des montagnes, des lacs, des fleu-
ves, des routes, des frontières; tous les tracés topographiques,
mathématiques, géométriques, mécaniques, stéréométriques et
architectoniques, et toutes les formes d'animaux, de minéraux
et de végétaux. y a joint des signes particuliers pour désigner
les villes, les villages, les forts, les forêts, les parcs et les ma-
rais; et il a fait graver ei fondre pour ses cartes typométriques
cinq corps de caractères différents, ou alphabets géographiques,
qui se distinguent par leur délicatesse et leur forme moelleuse et
facile à lire. Il les a fait exécuter en allemand, en français, eu
italien, en anglais, en hongrois, en polonais, en russe et en
grec moderne.
Raffelsberger a lié à son procédé typonétrique la polychromie :
il imprime par conséquent tous les objets avec leur cdloris pro-
pre ; ainsi , dans les cartes géographiques, tout ce qui représente
l'eau est imprimé en bleu; les routes, les habitations, les li-
mites sont en rouge ; les extrêmes frontières en brun ; les bois,
les marais, les parcs en vert; les montagnes en gris, et les
inscriptions en noir. Dans les dessins mathématiques ou de
constructions on fait les murs rouge-tuile ou bruns ; les fers gris ,
le laiton jaune; le bois brun jaunâtre; et dans les objets d'his-
toire naturelle toutes les parties reçoivent leurs eouleurs et
nuances particulières,
m
d^béM le bon marché, ce qm est précieux pour le6 ouvritgeè
èm|)loyés dans les écoles; ensuite de pouvoir donirer aux plan-
ches le éoloris voulu, et le texte dans les langues désirées; en-
ûh, ce qui est très-important, de pouvoir diminuer ou augmen-
ter la grandeur de ces planches à volonté , et faire les cdrrec-
fîons nécessaires sans de trop grandes difficultés.
Ttfwt satisfaire aux demandes universeDes et réitérées qui im
étaient faites, Raffelsberger avait établi en 1840, à Vienne, un^
imprimerie typométrique , qui a livré au public un grand nom-
bre d'ouvrages remarquables : entre autres la carte générale des
postes de l'empire d'Autriche en quatre langues et en quatre
couleurs; les cartes de la Bohême, de la Stjrrie, de l'Illyrie,
pou^ l'enseignement dans les écoles; les environs de Paris, de
Varsovie, de Bade, de Peste et de Vienne, en six langues; et
plusieurs planches de dessins de mécaniques et de mathéma-
tiques.
En 1823, M. Fnmain Didot (*) exposa des cartes géographiques
d'une exécution parfaite , d'après un système nouveau. Au mo-
yen de sept planches gravées en relief, et qui chacune apportait
successivement une couleur différente sur le papier, il établit des
distinctions dont la vue fut frappée par ces sept couleurs, affec-
tées à l'indication de divers ordres de choses. La planche des
noms de ville était seule composée en caractères mobiles et im-
primée en noir.
Le procédé d'impression typographique des cartes géographi-
ques inventé par M. E. Duverger , de Paris , et qui hii a fait ob-
tenir la médaille d'or à l'exposition de 1844, consiste à incruster
dans une table de plomb des filets très-minces en cuivre , avec
lesquels on dessine les contours des rivages et des fleuves; puis à
appliquer là où il convient de petites pièces clichées et décom-
posées, portant les noms des villes et des pays. Ces mots, qu'on
peut ployer, ne tienufent pas p\m de place qu'ils n'en occupe-
raient sur la planche en taille-douce. On les soude ensuite sur
ces tables de plomb, qui peuvent s'imprimer à la presse méca-
iwioe.
<i) BapporV de M. FinniD Oidol, déjà cité, p. 41,
182
Quoiqu'il soit connu que les impressions obtenues au moyen
de filets typographiques, diversement i^ustés, n'offirent rien de
pratique, et que le seul mérite de ce travail git dans la difficulté
vaincue de l'assemblage , néanmoins il y a des imprimeurs qui
ne craignent point d'entreprendre des ouvrages de ce genre.
L'Exposition de 1855 présentait plusieurs exemples {*): M. Vic-
tor Moulinet, compositeur, avait reproduit la statue de Guten-
berg, d'après David d'Angers ; M. Montpied, prote, avait exposé
tout un Album de gravures en filets typographiques ; et MM.
Castro frères, de Lisbonne, au moyen de lames de zinc, avaient
exécuté avec adresse des figures géométriques et des dessins d'or-
nements.
ECTTPOORAPHIE9 ou Impression à l'usage des
aveuglesa Le genre d'impression qu'on appelle EctypograpkU
(du grec ek , en dehors , relief) produit des épreuves sur les-
quelles les caractères sont imprimés en relief, ou en saillie, au
lieu d'être imprimés avec de la couleur. H a pour but de per-
mettre aux personnes privées de la vue de lire au moyen du
toucher.
L'inventeur des caractères mobiles particuliers à l'Ectypogra-
phie est Valentin Haûy, né à Paris en 1745 (•) et mort en 1822,
frère du célèbre minéralogiste de ce nom. L'idée de cette inven-
tion lui est venue en voyant une personne aveugle faire fonction-
ner une petite imprimerie. Marie-Thérèse Paradies, à Vienne,
devenue aveugle par accident , habile musicienne et même com-
positeur, entretenait une correspondance avec Wolfgang von
Kempelen de Presbourg, le célèbre inventeur de l'automate joueur
d'échecs, de la machine parlante, et l'auteur de l'ouvrage renom>
mé sur le mécanisme du langage humain. Elle imprimait elle>
même ses lettres avec des caractères mobiles et avec de l'encre.
(i) Notes sur les principaux produits exposés de rimprimerie, par Henri Madinier ;
Paris i8&5.
(2) V. Haûy, Essai sur l'éducation des aveugles; Paris. 1786. in-8.— Notice histo-
rique sur l'instruction des jeunes aveugles, par Guillé; Paris 18i9.in-4*.--Lehrback des
Blindenunterriclits ; Leipz. 1819 etGeschichte des Biindenuntcrrichts von Kleln^i897.
in-8'.— Freisauff von Neudegg, Bescbreib. der Ektypograpbie fttr Blinde, etc. Wieii
1837, in-4',
133
Haûy , ayantageusement connu déjà par les soins qu'il donnait à
Féducation des enfants aveugles, introduisit en 1784 à l'institution
des aveugles de Paris , fondée par des philanthropes , une nou-
velle méthode d'apprendre à lire. A cet effet il employait des ca-
ractères particuliers, en les imprimant en relief sur le papier: ce
qui permettait à ses élèves atteints de cécité de lire à l'aide du
toucher les livres ainsi imprimés. H réussit encore à les faire
composer par les élèves eux-mêmes.
Plus tard, cette méthode fut perfectionnée par Guillé, succes-
seur de Hatty comme directeur général de cet établissement,
devenu une institution royale depuis 1815.
La méthode de Haûy ftit suivie en France jusqu'en 1838. Ce
système d'impression donnait 365 lettres pour une surface de
cinquante pouces carrés.
Depm's lors des perfectionnements et des innovations ont été in-
troduits dans ce genre d'impression, entre autres par MM. Dufaud,
Barbier, et surtout par M. Laas d'Aguen(*), surveillante l'institu-
tion des Jeunes Aveugles de Paris. Déjà un élève de Haûy, M. Four-
nier, avait tenté, mais sans succès, un essai analogue à celui de M.
Laas d'Aguen. Voici le procédé de ce dernier : Il se sert de feuil-
les de cuivre très-minces , sur lesquelles il perce de petits trous
ou enfoncements coniques à l'aide d'un simple stylet ; il remplit
ensuite les cavités avec de l'étain , puis on imprime avec ce nou-
veau cliché; ces petits trous représentent autant de points, et par
conséquent de lettres suivant le système de l'écriture ponctuée
de M. Barbier , amélioré par M. Braille.
M. Charles Barbier (•) avait proposé en 1831 une notation for-
mée de points ayant une valeur de position ; chaque son de la
langue était représenté par un nombre de points en rapport avec
le rang qu'il occupait dans un tableau à double entrée. L'aveu-
gle pouvait écrire tous les mots (d'après leur prononciation) à
l'aide d'une planchette en bois, d'une plaque en fer-blanc et d'un
poinçon arrondi. En 1849, M. Braille, jeune professeur de l'in-
stitution de Paris, aveugle lui-même, a conservé l'idée de la no-
fl) Bulletin de la société d'encouragement pour l'industrie nationale ; Paris, iu-4»,
y(A. 48. 1840, p. 137, 209, vol. 49, 1850, p. <m,
(2) BuUetiD, etc. vol. 48, p. 210.
m
«Mmi ponctuée, naift £ a donaé aux cogne» la valeur 4e ietttmm
non de mm, afin de conserver Torthographe. H n'y a jaaaîsfins
de six points pour exprimer une lettre, tandis qu'il en fi^Qait
douze dans la méthode Barbier, et le procédé s'appli^e à la
ponctuation, aux cbiffires et à récriture musicale. Déjà plusieurs
lîf res ont été imprimés ainsi , de même que les étiKles de inaao
de Kalkbrenner.
M. Victor Ballu(<), élève de l'institution des Jeunes Aveugles de
Paris, a a^uté en 1851 enc(H*e un avantage au mode qui vient
d'être décrit H a imaginé un petit mécanisme consistant en ou
double châssis, un chariot ou porte-poinçon, et un levier «ff^janf.
sur des crémaillères. La feuille de cuivre est placée entre les
deux châssis dans toute sa longueur pour recevoir la marque des
points significatifs.
Longtemps auparavant on s'était préoccupé de venir au secours
des aveugles par différents systèmes d'écriture. En 1775, le Dr.
Franklin!*) se servait de feuilles d'ivoire particulièrement dispo-
sées, pour écrire sans lumière pendant la nuit.
M. Pingeron a publié vers 1780 un instrument dont k con-
ducteur des lignes se fixait dans diverses échancrures pratiquées
à droite et à gauche d'un châssis. On lit dans la Bibliothèque
physico-économique, de 1784, la description d'une machine à
peu près semblable à la précédente, et de l'invention de M. Lher-
mina de Paris.
M. Bérard, devenu aveugle à l'âge de 23 ans, proposa en 1:901
deux moyens pour écrire. Le premier consiste dans l'^nploi d'un
stylet de fer ; avec lequel on obtient une écriture noire, en po-
sant sur le pai»er à écrire une feuille enduite d'un mélange de
saindoux et de noir d'ivoire , et recouverte par une autre sur
laqaelto on trace les lettres. Le second moyen consiste dans une
planche ayant dans le sens de sa longueur une coulisse oùsem^ut
une règle conductrice des li^es à écrire»^ lignes qui sont égale-
ment espacées à l'aide de crans que l'on reconnaît par le tact
(Ij Bulletin, etc. vol, 50. 1851. p. iSA.
(2) BttUetin, etc. vol. 16. 1817. p. 975 et sHiv.
>a5
On pvtmà ée Teacre à la fia de eh^qm ligne, âaha un rase laJt^^è
et i^t, avec «me plume de métal taillée à rordiaaiare.
M. Julien Leroy, en 1817, a imaginé une machine qu'il a nom-
mée mto§fraiphe. Elle se compose principalement de deux cor-
dons de soie, fortement tendus au-dessus d'une feuille de papi^ en-<
cadrée, et sur laquelle on écrit avec un crayon que l'on fait passer
dans l'intervalle des fils. Ceux-ci forment un assemblage mobâe^
qui monte et descend par le moyen de la pression que la maiu
opère sur une tringle liée au dit assemblage à l'aide d'un ressort
caché, ainsi que la crémaillère sur laquelle il agit, dans le cadre
de la machine. Cette machine fut plus tard modifiée par son au-
teur, d'après une observation de M. de Bataille, affligé de la perte
de la vue, lequel s'en était servi avec avantage. Il pensait qu'il se-
rait plus commode de rendre la règle fixe, et de placer le papier
sur un cadre qui serait mû par le moyen d'une roue dentée , qui
le ferait avancer graduellement La machine ainsi modifiée fut
appelée Cacographe.
M. Ferdinand Saint*Léger (*) inventa en mars 1838 des tablettes
à l'usage des aveugles, pour faciliter l'écriture. Ulesperfectienna
en 1851, et reçut l'approbatic» de la Société d'encouragement de
l'industrie nationale.
M. Foucauld ('), aveugle-né, membre des Quinze-Vingts, est fau-
teor (1843) d'une machine à écrire qui est généralement en usage.
ËBe eonsiste en dix touches soutenues par des ressorts en spi-
rale , portant chacune à son extrémité un poinçon terminé ou
par une pointe ou par un crayon. On joue sur ces dix touches
comme sur un clavier. Ainsi, pour faire un E, on pose les doigts
sur les touches 1. 7, puis on fait au moyen d'une vis reculer le
papier à une certaine distance ; on place les doigts sur les tou-
ches 1. 2. 3. 4. 5. 6. 7, puis on lait de nouveau, au moyen de la
vis, reculer le papier à la même distance que précédemment;
et ainsi de suite pour les divises lettres qui doiv^it successive-
ment entrer dans la ligne. Un aveugle qui est exercé peut écrire
cinquante vars alexandrins dans ime heure et demie. Far c^tte
machine ingénieuse on produit des lettres de petite dimension,
\i) Bollelin, etc. vol. 37, p. 3i0, et vol. 50, p. 690.
lî) Balletin, etc. vol. 48, p.^KÔ, 349, vq1.4», p. 410,
iS6
de la grandeur du caractère cicêro; mais cette écriture n'est li-
sible que pour les voyants , et ne peut pas être corrigée par les
aveugles. Pour obvier à cet inconvénient, M.Foucauld a imaginé
une machine très-compliquée et qui s'adapte à la première, avec
laqueUe l'aveugle imprime en même temps les mêmes lettres com-
me avec un pantographe, mais en relief. Ces deux machines ont
été construites par un aveugle-né , M. Jackarie , à qui M. Fou-
cauld avait communiqué son plan.
M. Laas d'Aguen (*) s'est attaché en 1849 à réaliser un vœu que
M. Dufaud avait émis dix ans auparavant. En parlant de l'en-
seignement de la géographie aux aveugles, M. Dufaud disait qu'il
ne serait pas impossible de produire des cartes qui serviraient
à la fois pour les yeux des voyants et pour les doigts des aveugles.
Après plusieurs essais, M.Laas d'Aguen s'est arrêté à un pro-
cédé que lui ont suggéré les planches en relief de M.Bauerkeller.
Ce procédé consiste à graver en creux sur métal les différentes
parties de la carte, savoir les méridiens et les parallèles exprimés
par des filets très-fins , les frontières par des points , les fleuves
et les rivières par des points moitié moins forts , les chaînes de
montagnes par des points ovales ou par de fortes ondulations,
les mers et les lacs par des stries légères, mais sensibles pour le
tact si délicat des aveugles; enfin la nomenclature par le système
de points en usage dans l'institution. Après la gravure, la plan-
che est recouverte d'une feuille de papier trempé , puis placée
sous une presse en taille-douce et garnie de 12 à 15 molletons.
Quand on a pressé, on place une seconde feuille sur la première,
et l'on presse de nouveau , et ainsi de suite jusqu'à ce qu'on ait
formé un carton assez consistant pour l'usage. Ces cartes ont le
grand avantage de pouvoir être multipliées indéfiniment.
En 1849, il avait ainsi exécuté cinq cartes: la mappemonde.
l'Europe, l'Asie, la France et la Palestine.
En Allemagne aussi plusieurs personnes ont fait des essais heu-
reux dans l'ectypographie : MM. Klein à Leipzig ; François Mul-
1er à Frybourg; Stuber à Freising, et Zeune à Berlin; M. le Dr.
W. Lachmann, directeur de l'institution des aveugles à Bruns-
H) Bulletin, etc. vol. 47, 4t0. yoI. 40, 964,
Î37
wick , &b le capitaine £V«i84iMff âk Neudeg^ à Yieniie , onli beau-
coup contribué: ai» perifectioniiei&ent de rinvention de Ha&y> Le
premier ne s^estpas. seulement tena aux caraotères^alphabétiques,
mai» il a imaginé une écriture figurative, composée d^étûiles, de
points, de lignes et de fractions de cercles. Le second a: étendu
remploi des types mobiles pour pouToir en composer toutes sor*
tes de figures et de dessins.
Ml Gall à Edimbourg se servait en 1627 des capitaiesidu ca-
ractère romain ordinaire pour imprimer sur du papier fort, etajs-
âez profondément pour, donner un relief suffisant. Le pnesûer
livre imprimé de cette sorte fut l'Évangile selon saint Jean^ M.
Alstoui àGlaagow a. beaucoup simplifié et perfectionné le procédé
Gall. Les caractères de Glasgow sont une modificationdes^ ca^
ractères employés en 1840 dans Pinstitution des Jeunes Aveu-
gles de Pans- et créés par M.Dtt£Btud; ils donnent 526 lettres sm*
cinquante pouces carrés^
En. novembre 1640, le gouvernement anglais (*) promettait la
somme de 10,000 â*. pour la^ puJ)lication d'une Bible, complète
à Tosage des aveugles; elle devait se composer, de 15 volumes
en format atlantique, et contenir 2,470 fauillets. L'impression, et
la distribution en étaient placées, sous les auspices de la Société-
biUiqae de Glasgow.
Toi^tefois ce sont les Américains qui ont le plus avancé l'ait
d'imprimer en relie£M«Uirzel(*), directeur de l'asile des aveugles
(le Lausanne (Suisse) nous apprend que c'e8t;principalementM. le
Or. Howe à Boston, qui a tenté de réaliser la pensée de IJaUy
sur une grande échelle, c Le Dr. Howe, en 1831 , fit imprimer
en relief sur papier une carte de la Nouvelle-HoUande. Ce tra-
vail , imparâût encore , est curieux comme premier essai de ce
genre, et important comme point de départ d'une série d'essais
et d'expériences typographiques qui ont conduit dans l'impres-
sion en relief à de superbes résultats. »
« En 18BS et 1834, Philadelphie et Boston commencèr^int à
\i) L'Echo du inonde savant, -I2 Dec. 1840.
<i) Rapport sur l'asile des aveugles de Lausanne, par le diiecteur H. HL. Hirzel.
ii«-8M852; duquel est extrait tout ce qui regarde l'Amérique et Lausanne. — Des?
auii«e6 IbôO, Ibôl el 185:2.
1S8
s'occuper de l'impression en relie! Le système suivi par Phila-
delphie ne donna que 290 lettres et fut abandonné.
< La méthode Howe de Boston donna 702 lettres sur cinquante
pouces carrés. Avec ce type vingt et une éditions d'ouvrages fu-
rent imprimées dans l'espace de quatre ans, avec une dépense
de 42,000 francs, que M. Howe avait collectés lui-même dans
ce but.
« En 1836 et 1837, Philadelphie et Glasgow firent de nou-
veaux efforts. Pour cette fois , l'impression de Philadelphie ren-
fermait 826 lettres dansées cinquante pouces carrés; celle de
Glasgow, 891.
« En 1838, Boston réduisit de nouveau le type et obtint 1067
lettres sur 50 pouces carrés.
c Enfin, en 1839, l'institution de Philadelphie produisit un
type de musique, et elle atteignit dans l'imprimerie en général
une perfection qu'on ne se lasse d'admirer.
« La France a suivi l'impulsion donnée par l'Amérique et
l'Angleterre, et a cherché à diminuer encore la dimension des
lettres; mais, pour les doigts comme pour l'œil, il y a des li-
mites qui ne doivent pas être dépassées, et l'on paraît avoir at-
teint le dernier degré de réduction.
« Le type inventé par le directeur de l'Asile de Massachu-
sets, appelé type de Boston , est basé sur ce principe , que la
lettre destinée à l'aveugle doit offirir la plus grande variété de
formes, et cependant être dépouillée de tout ce qui est inutile
au tact M. Friedlaender, premier directeur de l'Asile des aveu-
gles de Philadelphie, de son côté, maintenait en théorie et en
pratique qu'on devait s'en tenir à la lettre romaine simplifiée.
Quoi qu'il en soit, l'impression américaine est en somme supé-
rieure à ce que l'Allemagne, la France et l'Angleterre ont pro-
duit de meilleur jusqu'à présent dans ce genre. La Société bi-
bUque des Etats-Unis a fait imprimer une belle édition de la
Bible en six volumes à l'Asile des aveugles de Sud-Boston. L'in-
stitut de Philadelphie a publié pendant quelque temps une revue
périodique en reUef. Outre ces deux presses , on en a étabh une
troisième à Staunton dans la Virginie. New- York fait des essais
dans le même but L'institution de Perkins possède de magni-
isé
fiques éditions stéréol^pes de la Bible, d'ouvrages historiques et
géographiques, de géométrie et de chimie avec des figures tan-
gibles dans le texte même, d'excellents atlas en relief, une en-
cyclopédie, et beaucoup d'autres. »
Pour l'enseignement de la géographie, les instituts d'aveugles
de Berlin, de Glasgow, de Boston, d'Indianopolis et d'autres,
possèdent des globes terrestres en relief de trois à quatre pieds
de diamètre.
D'après une notice publiée en 1842, Glasgow avait jusqu'à
cette époque imprimé en caractères reliefs 13,460 exemplaires
d'ouvrages divers.
M. H. Hirzel, l'intelligent et zélé directeur de l'Asile des
îiveugles de Lausanne, s'est acquis un nouveau mérite en inven-
tant deux machines très-ingénieuses et pratiques pour l'impres-
sion en relief. Sur l'une, qui date de 1844, l'aveugle peut im-
primer environ vingt-trois lettres par minute. Les lettres ne font
pas partie de' la presse. Près de cent volumes sont sortis de
cette petite presse, sans que. l'usure nuise à la régularité de
sa marche. L'autre presse, inventée en 18450, est beaucoup plus
compliquée : elle contient toutes les lettres de l'alphabet fixées
sur un disque qui tourne à mesiure qu'on en a imprimé une.
Un aveugle exercé peut imprimer en relief jusqu'à trente-sept
lettres par minute. Pour l'écriture au crayon, M. Hirzel a
introduit dans l'Asile un carton gaufré marqué de lignes et
d'entrelignes, et qui, placé sous la feuille de papier, guide le
crayon. Ce carton sort de l'Asile des aveugles de Boston. Pour
marquer les lettres en relief, on a fait graver un alphabet de
cachets, lesquels produisent un caractère dont la saillie est en
biseau, affectant promptement le doigt, sans cependant s'é-
mousser, caractère par conséquent facile à lire. La substance la
meilleure à tous égards pour former ces lettres, est la gomme
laque , parce qu'elle est à la fois dure et agréable au toucher.
Le directeur actuel de l'Imprimerie impériale de Vienne,
M. Aloîs Auer (*), a montré aussi un grand mérite dans cette
(1) Et construite avec le secours de M. Louis Hichard, habile horloger au Locle
(Snisse).
(9 Der polygraphiscbe Apparat der K. K. Hof- und Staatsdruckerei zu Wien.von
t4«
êranobe cK»- fa» typographie, eiv fiyflant giwet et'^iuii^ éto» oame-
tères ectypographiques pei^ctiDiuié» pour tonte» les lttDgajE«*86p'
tentrionaleB^t orientaies, tant vivantes que morte», aâisi qaepow
la musique. Cet admirable étabUsseoient emploie, depuÉs^l^fiO
^iTÎron, deux gemmes de caractères différents- dans les impres-
sions eç^ographiques. L'un de ces caractères ( les letferes-ro*
maines), que M. Auer appelle le caractère- bérissomié, estr formé*
de petites bosses en relief et sert aux aveugles pour éetip» o»
pour composer leur correis^ondance de la manière saivaate : au
fond d'nne petite boite carrée, divisée en compardmentg trans-
versaux par des fils de laiton, semblablement à une feuille ré>
glée, on place une feuille de papier sur une espèoe de coussinet
en papier mou, et Fon pose, Pune après Pautre, les lettre» en-
tre- les- fils d'alignement, de manière qu'en appuyant lég^^ment
dessus, on in^rime les pointea saillantes des lettres* dans le
papier, ce qui^ a pour effet de les fixer et- de les empêcher de
tomber avant qu'on ait placé une autre lettre à la* suite 'de la.
précédente. L'autre genre de caractère, également' ronain, est
à surfiuîe' en- biseau et sert à l'impression ordinaire. Ibugâ le»
dm» sont'paoûdts et ne laissent rien k désirer* De cetétabliBBe^
meut est sorti aussi let OcUendriar d» Aoetêf^^ par Doleaalelci
Les autres procédés typographiques, où pfatsieurst arts- con-
courent simultanément on successiTOment à lamisoeniceuvre) et
qui ne se composent pas seulementde la gravure- ty]Mtgrapliii|ii6
et de l^in^ression, mais. dans lesquels il y a^mélange d'actsian^
ciens et d'arta récemment inventés, tels que la chaleographie,
la lithogv(qihie, l'électrotypie et la> photographie ^ ces procédé»
difiHJe^ d'un g^nr& mixte, trouveront lenr. pla«e dons les ariioies
qui :<)Qa<;ement ces arts.
Nous pouvons- donc clore, ici cet aperçu sur l'imprimerie et 1»
typo^ntphie, qui, quoique plu» étendu que nous ne Icdésirioiks^
ne doime cependant qjue l'essentiel. L'art de. l'imprimerie étant
le pltts.importantdes arts d» repiroductiein et de .multipUeatioiv
dmt 0. M. AlDi&Atter, Direct, der ^naneteii Anstalt in dcm- Sttevngsfoericbte derK.
Académie der Wissenscbaflen. Mathem. Naturwiss. Classe, B. IX, Jahrg.4852t; H<$ft
oeU «im^el iom les inatres 4l«ive»t tiieeour^, il éik^ât 'convena-
Hlede JiH«iéBagtfflr une plaee |»ro|)ovtioiiaée ^ gon dm|K>]:tMtfce.
HyaJHte briuida^'de U iiypo^aphie doBt nous n'avonspaB
parlé spécialement, c'est 'la xylotypographie, ainsi nommée panDW
qoe la xylographie joue un grand rôle dans les publications de
ce genre. Cette iNranche trouvera naturellement sa place dans la
xylographie dont nous allons nous occuper.
GRAVURE EN RELIEF.
LA 2tY]LOGRAPHIE {*) (du grec xylon, bois) ou jgra-
Yure sur bois, est Part de graver des planches de bois desti-
nées à multiplier jon dessin au moyen de rimpresaion. On
l'ai^eille aussi gravure en taille d'épargne, parce qu'on épar-
gne les parties du bois qui doivent représenter le dessin, e'est-
à-dire qu'en gravant on conserve en relief tous les traits , toutes
les ombres, toutes les parties noires d'un dessin, tandis qu'on
creuse, qu'on enlève toutes les parties blanches , les lumières ,
qû représentent le papier blanc. C'est par conséquent soi les
parties épargnées ou laissées en relief, qu'on dépose l'encre
d'inaprimeur, lorsqu'on veut tirer les épreuves. On nomme encore
cet art, gravure en relief, ou en taille de relief, en ne considé-
rant que la manière de graver, et non la matière qui sert à cet
effet; celle-ci alors peut être du métal, du bois ou de la pierre.
En recherchant l'origine de l'imprimerie, nous avons vu celle
de la xylographie, qui y est si intimement liée , et nous en con-
naissons aussi les premiers produits, savoir les cartes à jouer,
les images de saints, les livres à images et les livres xilograplii-
qnes.
Cest là la première <^oqiie die cet art (de idOO
• 1500) $ nous n'avons plus à y ajouter que quelques consi-
dérations générales.
(1) Voyas sur tout ce qui retarde la Xylj[]«raphie : Sotzmaon. Passavaat, F^Jkeo-
^. Bomohr, déjà cités. — J. Heller, Geschichte der Holzschneideicunst; Bamherg, j
m ele. ^
142
L^invention de l'imprimerie exerça dès Pabord une grande
influence sur la gravure sur bois , ces deux arts se servant mu-
tuellement d'auxiliaire ; et quoiqu'il parût exister au commence-
ment quelques obstacles à leur union , néanmoins nous les ver-
rons presque toujours marcher ensemble.
Les premiers typographes , désirant vendre leurs impressions
pour des manuscrits , cherchaient à éviter tout ce qui aurait pu
y donner l'apparence d'une impression ou d'un travail de tàO-
leurs de moules, en les rendant autant que possible semblables
aux livres écrits. De là le manque de gravures sur bois dans la
plupart des impressions de Mayence des premiers temps, et leur
aspect sévère et simple.
Cependant l'embellissement des livres par des images et des
ornements peints était tellement goûté et répandu, la gravure
sur bois ressemblait si bien à l'impression des livres par le pro-
cédé employé, répondant en cela aux exigences de l'époque, que
la gravure sur bois fut bientôt adoptée et pratiquée assez géné-
ralement.
n arriva donc pendant quelque temps que la gravure sur
bois et l'imprimerie furent à peu près confondues; mais elles
se séparèrent dans les dix dernières années du XV' siècle. Dès
lors la xylographie , pouvant être considérée comme un art in-
dépendant , se développa librement en tous sens , et fut pratiquée
par des artistes spéciaux. H convient par conséquent d'en suivre
le développement et les applications diverses depuis ce moment.
Bientôt toutes les publications en furent envahies : les livres
sérieux et savants, même ceux qui n'offraient pas de sujets à
représenter, furent ornés au moins d'entourages ou d'encadre-
ments, d'initiales décorées de figures, de rinceaux et de feuilla-
ges dans le genre des manuscrits peints. Les titres, qui man-
quaient presque toujours aux livres des premiers temps de l'im-
primerie, furent introduits vers la fin du XV' siècle et reçurent,
gravés sur bois, des enjolivements représentant souvent des
sujets empruntés au texte, ou figurant l'auteur lui-même écrivant
ou enseignant. La première page du texte était ornée parfois d'un
entourage ou d'un cadre, imité des beaux manuscrits français ,
surtout dans les Heu/res de l'imprimerie parisienne. On les gra-
148
vait alors sur métal avec une grande délicatesse. Ces ornements
se trouvaient presque autour de chaque page du texte, et repré-
sentaient ordinairement des danses macabres ou des sujets ana-
logues. Souvent aussi la dédicace était ornée et gravée sur bois.
L'usage de placer dans les livres les gravures d'armoiries,
des emblèmes, des monogrammes ou des noms en rébus des
imprimeurs, usage qui venait originairement de l'habitude des
notaires de signer les diplômes et autres actes de leur profession
du monogramme de leur nom ou d'une marque particulière,
pour les légitimer, était alors très-répandu, et s'est même con-
servé jusqu'à nos jours.
Les marques particulières des imprimeurs français et néer-
landais du XY* siècle se distinguaient principalement par la
richesse et la variété. Elles ofirent en petit le tableau des varia-
tions qu'a soulevées le goût dans la gravure sur bois pendant
les périodes de progrès , de perfection et 40 décadence ; fait his-
torique d'autant plus intéressant, que ces objets ne laissent au-
cmi doute sur leur véritable origine, du moins quant au lieu et
an temps ou à l'époque.
Les images gravées sur bois dans les livres imprimés du XY*
siècle, servaient plutôt à l'explication du texte qu'à Tomemen-
tation. Elles se trouvaient plus particulièrement dans les ou-
vrages destinés au peuple, dans les livres d'heures, de prières,
dans les traductions de la Bible et des classiques , dans les œu-
vres de poésie, les romans , les chroniques. Le nombre des livres
et des gravures est considérable, nous en avons cité une grande
quantité en parlant de l'imprimerie.
Ces gravures quoique dépourvues généralement de mérite
artistique et offi*ant plutôt des compositions idéales, convention-
nelles, que des copies fidèles, exercèrent néanmoins une iniluence
salutaire sur la vie intellectuelle de cette époque, et favorisèrent
l'exercice des beaux-arts et leur perfectionnement Ils nous pré-
sentent une image instructive et intéressante de la vie et des
mœurs de toutes les conditions de l'honmie de ces temps.
Le dessin jusqu'à Albert Durer consistait en simples traits
ou contours, à ombres maigres obtenues par des lignes parallèles,
rarement par des hachures croisées. En général on mettait peu
144
d'ombre, pnee "fue les gtÂTÉres «ur boas étâMt tabn dektiliées
À être coloriées par kfi peintres de lettres. Les plaiiehefi pin^
prédeines, celles des livres de JÂtui^ et de poésie, fiarest im-
primées sur part^oniii, peintes à la ^uache «t rehaussées é^et.
comme les immattires.
On voit souvent dans cette ^oque des -gravures xylograpiiiq^
avec des fonds, c'est-à-dire avec certaines parties épargnées.
et par conséquent imprimées en noir. Parfois ces fonds sont
pointillés en blanc, surtout dans les gravures françaises sur mé-
tal On leur donne le nom de fonds criblés ('). On en rencentrp
aussi quelques-unes avec des fonds à ornements semblaèles fa&
tapisseries. Un Samt^Bemardm de 1454 conservé à Paris, ainsi
qu'un Eece bomo qui se trouve dans un confessiomial, décrit
par Heller et Falkenstein, sont dans ce g&xtet Les figiures et
les di^eries de cette époque sont roides, les proportÎMUS né-
gligées; la composition est pauvre; la perspective manqtte géné-
ralement. Le style est en rapport daiis cliaque pays avec le
de^^é de perfection qu'y ont atteint la peinture et les autres
arts.
Dans les dessins italiens, quoique gravés en grande pâi^ V^
des Allemands, on reconnaît l'influence des bonnes écoles de Ve-
nise et de Florence, les formes nobles et élégantes des peintures
de ce temps. Les gravures françaises tralûssent souvent le style
de l'école de Van £yck, celui qui s'était maintenu lex^os long-
temps dans les peintures et ndniatures. Dans les pays où la gra-
viy;e sur bois avait été le plus anciennement pratiquée, et avec
le plus d'activité, en Hollande et en AUanagne, cet art était 1^
moins perfectionné , et ne pouvait se défaire d'une certaine roi-
deur, même dans les bonnes pages.
On gravait généralement sur bois ; mais on se servait aussi de
métal, surtout en France. Dans la premi^e moitié du XV* siècle
les gravures u'étaient imprimées que d'un côté du papier, et au
moyen de la brosse et du frotton. Plus tard on les imprima ^^^
des deux côtés, du moins dans les livres.
Nous ne connaissons que peu de n^ns de ^wvenrs dur bois.
(1) Voyez Chalcographie.
un
qiiiiqii>'â y en eât un trèB-grand nombre ; mais ils ne signaient
qne rarement de leur nom leurs produits ; ils n'ajoutaient que le
m(»Mgramme de leur nom , ou des marques le plus souvent in-
décbiffîrabies. Ces grareurs, pour la plupart étaient des peintres
de lettres, les imprimeurs eux-mêmes, ou des tailleurs de. moules.
Les plus renommés d'entre eux étaient Nicolas Yink à Nurem-
berg, entre 1478 et 1482 ; Jean Schnitzer d'Amsheim en 1482 ;
Georg Gtock^ton, eolonste et graveur, qui mourut en 1514 à
Nïïreaiberg; Woi^^ang Haraer de la même ville; Michel Wohl-
gemuth et Jean Pleydenwurf , tous les deux de Nuremberg, qui
jouissaient d'o&e grande renommée, et à qui Ton attribue les gra-
vures de la BMe de 1483, et celles de la Chronique de Hartmann
Schedel, puisée parKoberger. Ces deux ouvrages ne contenaient
pas mmB de 2,357 gravures sur bois, dont quelques-unes à
double.
9% t59# à IHOO* On le voit le besoin existait, l'avan-
tage de la gravure sur bois était reconnu, l'élan était donné ; sa
rivale, la chalcographie n'était pmnt encore en état de l'écar-
ter. Les phis habiles peintres eux-mêmes commencèrent à prati-
qier cet art tant recherché , et contribuèrent ainsi à son perlec-
tionnement et à ses progrès. Ajoutons encore l'iniuence mani-
feste du goùl éclairé de l'empereur Maxirailien I", qui, guidé par
les conseils intelligents du célèbre Conrad Peutinger^ favorisa et
protégea géttérensettent les arts. Aussi le XYI' siècle est^il l'épo-
qie à )aqu<^ la xylographie atteignait son plus haut degré de
perfectionnement, et cela dans tous les pays. Ëlleâorissait dans
lapfeMère moitié de ce siècle surtout en Allemagne et en Hol-
Ittule. Les Italiens commencèrent aussi à cette époque à cultiver
eux-mêmes cet art, qui leur avait été apporté ^L'Allemagne. Qs
ynKtlaient tout le goût artistîqiue qui Iqs distingue; ils employaient
iwiitt souvent lee hachures croisées que les Allemands, ils cher-
àaâaa^ préfévabtenfeent à imiter plus directement les dessins. La
biographie n'eat pas itn développement aussi heureux en France
QQe dans les pays que nous venons de nommer. On ne s'en ser-
vait génâ*alMKBt que pour décorer les hvres. Les artistes fran-
Çûs cependant excellaient dans la finesse et la déhcatesse des
tailles, ce qui provenait sans doute de ce qu'ils gravaient beau-
7
146
coup sur métal. Nous verrons plus loin que le métal a générale-
ment prévalu en France. '
Le style et la manière des gravures sur bois s'était considé-
rablement améliorés; le dessin en était devenu plus correct, la
composition mieux ordonnée ; les lumières et les ombres étaient
plus convenablement disposées et dégradées. On j employait
plus souvent la perspective, mais on continuait encore à les colo-
rier. La quantité des gravures qu'on exécutait alors était innom-
brable ; on en décorait non-seulement les livres, mais encore on
en tirait un grand nombre sur des feuilles à part
Malheureusement la an du siècle ne répondit pas à un com-
mencement aussi brillant Des éditeurs avides profitèrent du goût
du jour pour lancer dans le commerce une profusion de gravures
médiocres ; il en parut une quantité d'autres à sujets satiriques,
provoquées par les querelles religieuses qui suivirent la réforma-
tion; d'un autre côté la gravure sur cuivre, plus &cileà exécuter,
commençant à se répandre davantage, les artistes abandonnaient
peu à peu la xylographie, et ne se chargeaient plus que de livrer
les dessins, qui étaient souvent mal exécutés par les graveurs in-
expérimentés ; enfin tous les signes d'une décadence prochaine
se manifestaient dans les dernières années du XVI* siècla
Citons les principaux graveurs et les plus remarquables de leurs
travaux, la plupart nous étant connus.
A la tête de tous les graveurs de l'Allemagne nous devons
mettre Albert Durer (né en 1471, mort en 1528), élève de son père,
qui était orfèvre, et de Michel Wohlgemuth, qui lui enseigna les se-
crets de la gravure sur bois. On lui attribue un très-grand nom-
bre de gravures, qui probablement n'ont pas été toutes exécutées
par lui-même, mais par d'autres d'après ses dessins.
Les plus remarquables sont les planches de l'Apocalypse, pu*
bMéesen 1498 ; les trois grandes et belles séries àe La vie de Mc^
rie, de la grande et de la petite Passion de noire Seigneur; la
Scdnte-Trinité de 1511 ; et plusieurs Samtes FamUles. Le portrait
d'Ulric Yambuler, exécuté en 1522, est un des chefs-d'œuvre de
gravure sur bois de ce maître ; il a 16 pouces de haut sur 12 de
large.
La plupart des gravures d'Albert Durer servirent de modèles
aux graveurs qui désiraient se former à cette bonne école.
147
C'est dans ce siècle que parurent ou furent conunencés des
ouvrages remarquables qui, par le nombre et surtout la bonté
des planches qui les ornent, permettent de juger à quelle per-
fection la gravure sur bois était parvenue.
Les œuwes xylographiques les plus distinguées sont celles des
écoles de Nuremberg, d'Augsbourg, de Wittemberg et de Bàle,
exécutées sous Pinfluence directe ou indirecte de l'empereur Ma-
ximilien I", protecteur éclairé des arts et des lettres, et des' sa-
vaots distingués tels que Peutinger , Wilibald Pirckheimer, Cel-
tes, Stabius et d'autres. Ces œuvres sont principalement: les Pa-
trons de la maison impériale d'Autriche, la Généalogie de l'em-
pereur, le Weisskunig , le Theuerdanck , le Triomphe , la Porte
triomphale et le Livre de prières de Maximihen I".
Tous ces ouvrages avaient été commandés par l'empereur, qui
en confia la direction à Peutinger, et l'impression àJeanSchcens-
perger d'Augsbourg.
Us devaient être décorés d'un grand nombre de xylographies ;
Albert Durer, Burgkmair et Scheuflin fturent choisis pour en
faire les dessins, et Josse Dienecker, secondé de douze graveurs,
pour exécuter les planches de bois.
Mais, malheureusement, l'exécution a été partiellement inter-
rompue par la mort de l'empereur, survenue en 1519. Cepen-
dant ce qui en a été terminé et ce qui existe encore mérite d'être
mentionné.
L'œuvre dit hes Patrons de la maison impériaJe éP Autriche,
composée de 150 planches de bois, dont 122 sont encore conser-
rés à la Bibliothèque impériale de Vienne (*), est due au peintre
Hans Burgkmair d'Augsbourg, secondé d'autres graveurs desquels
nous parlerons plus bas.
Le Weiskunig (le roi blanc) contient l'histoire romanesque et
les exploits de Maximihen P', dictés par lui-même et mis en ordre
par son secrétaire Max.Treitzsaurwein, en 1514. Ce Uvre est orné
de 237 planches par Burgkmair, toutes conservées encore (•).
Les Greuerliehkeitenj etc. des Helds Herm Temordanncks \^
(1) 449 de CCS planches furent réimprimées en 4799.
(8) Réimprimées en 4775.
(3) Teuerdanck est le nom qu'on donne au héros qui n'est autre que l'empereur lui-
fli^, par allusion à ses pensées ayentureuses (abentheuerlich).
I4d
poème trèe-médiocre de MelohiorPfinring, dont le sajet princi-
pal est composé des obstacles que rencontrait Femperenr dans sa
demande en mariage de Marie de Bourgogne, obstacles qui tous
sont représentés allégoriquement en 118 planches par le peintre
Hans Scheuflin^ ce livre fut publié à Nuremberg, en 1517.
La Génmiogie de Femperetnr Maximilien I* est ornée de 77
planches par H. Burgkmair.
Le même artiste a décoré encore le Triomphe, ou le Cbar de
triomphe de cet empereur. Les 135 planches, encore existaiites,
ne paraissent cependant former que les deux tiers de TouTrage
entier. Les originaux peints en miniature sur yélîn en 109 feBi^
les, chacune 34 pouces de large, sont également conservés à
Vienne.
Bur^nnair a représenté dans ce livre tout ce qui avait rapport
à la cour et la vie chevaleresque de cet empereur : la noble véne-
rie, les tournois, la musique, les mascarades, les noces, les ban-
quetSy et les scènes de la vie telle qu'eUe existait alors.
Dans la Porte triompJuUe, qui ne devait former qu'une seide
feuille de 11 pied et demi de haut, sur 9 de large, composée de
92 grandes planches, Albert Durer, son auteur, la composa d^ar^
ehitectore et d'ornements entremêlés de la monographie figurée de
Maximilien, par laquelle ont été représentés ses exploits guerriers,
sa vie privée et publique; elle contenait en outre des âgures bla-
sonnées des princes alliés ou voisins , enfin tout ce qui pouvait il-
Ittstrer et faire ressortir la pompe et la grandeur de ce monarque.
Les graveurs qui ont exécutés les ouvrages que nous venons de
nommer, et dont les noms se trouvent gravés sur les planches ou
écrits sur leurs revers, sont Hans (Luetzelburger)dlt Frank, Corné-
lius Liefrink, Alexis Lindt, Johann von Bonn, Hieironyrans André,
S. German, Yincenz P&rbecher, Jacob Rupp, Jacob Taberilh,
Wolfgang Resch, Fosse Negker d'Augsbourg, et surtout les pein-
tres célèbres Albert Durer, Hans Scheuilin, Hans Burgkmair, et le
graveur Joseph ( Josse) Dienecker d'Augsbourg.
Enfin, pour clore cette série d'ouvrages, mentionnons encore
Le Uvre de prières ^ourlsk composition duquel Maximilien avait fait
lui-même le choix du Psaume qu'il devait contenir, et qui est orné
de 45 planches de st^ets et d'encadrements des plus gracieaxfiakits
149
p«rO«irer, et de 8plaa<;hes de Lucas Cranadi. fl pofte la date
de 1515, mais n'a pas été terminé.
La xylographie ofiQrait un moyen très-convenable, et dont on
avait été dépourvu jusqu'alors, pour multiplier cette foule de re-
présentations allégoriques tant répandues et estimées, qui, depuis
le XIV* siècle, et surtout dans le XVI% se trouvaient tant en prose
qu'en v^rs dans les livres, peintes en miniature dans les manuscrits,
ou en fresque sur les murs, et même sculptés en pierre et en bois.
La dame macabre était on des sujets allégoriques favoris, re-
présentant la mort dans des accoutrements et des poses très-va-
riées, jouant un instrument, menant le branle, ou dansant avec
des personnes de tous les rangs. Cette danse est ainsi nommée du
poète allemand Exemius Macabre, qui, un des premiers, traita ce
sujet bizarre en vers allemands, que P. Desrey, de Troyes, a tra-
duits en latin en 1460.
Presque tous les bons peintres de ce temps traitaient ce siget,
et après eux les graveurs sur bois ; aussi connait-on un grand
nombre de ces danses macabres dont celle de Hans Holbein de
Baie est la plus célèbre. Elle était recherchée au point qu'on en
publia jusqu'à 8 éditions différentes seulement dans le XVI* siè-
cle, la première étant de l'année 1530. Ai\jourd'hui ce nombre
s'est accru à dO, en comptant les différentes copies.
JeanLutzelburger de Bâle, un des plus habiles xylographes de
cette époque, a également produit une danse des morts ; celle de
Josse Dienecker fut publié en 1544.
Ce sujet se rencontre souvent aussi comme ornement acconqya-
gnant les lettres de l'alphabet, des initiales grecques et latines.
Outre la danse macabre, on se servait encore d'autres sujets pour
décorer les grands caractères d'impression ; ainsi il y en avait qui
étaient entourés d'enfants (KinderaJphabete), de paysans dansant
ou s'amusant (Bauemalphabete, alphabets rustiques), ou de su-
jets religieux, mythologiques et scientifiques.
Holbein a livré trois alphabets latins et un grec, dont deux à
danse macabre, un rustique et un avec des enfants. Le plus re-
nommé est l'alphabet rustique de Lutzelburger.
Dans le Methodus exhtbeusper varios i/nd. et clos. suh. quorum-
Uhet îihrorum, cmttëlibet Bibliot, irmUMem ordUnem^ imprimé
1
160
en 1560, chez Ph. Ulhard à Augsbourg, on voit des lettres ornées
de fleurs.
Pour les sciences et les arts, sortant de l'enfance, mais cultivés
avidement et répandus en profusion par l'imprimerie, la xylogra-
phie était un auxiliaire précieux, et les traités de tout genre, tels
que ceux sur l'anatomie, la zoologie, la botanique, les mathéma-
tiques, etc., ofiraient à la gravure sur bois un vaste champ d'occu-
pation qui ne restait pas stérile (*).
L'ouvrage le plus recherché dans ce siècle et qui formait
comme une espèce d'encyclopédie, la Cosmographie de Sébastien
Munster, était orné d'une très-grande quantité de gravures sur
bois de tout genre, des vues de presque toutes les villes remarqua-
bles; de portraits ; de costumes et de coutumes; d'armoiries et de
batailles^ d'objets d'histoire naturelle, etc.
Beaucoup de graveurs furent occupés à exécuter les planches
de ce livre, dont la première édition parut à Bàle en 1544, et qui a
eu successivement 17 éditions allemandes dans le XVI* siècle,
plusieurs éditions latines, une française (1575), une itah'enne, et
une en bohémien, en 1554. Chaque nouvelle édition était augmen-
tée de gravures.
Des vues et des plans de villes, de camps et de batailles, for-
maient aussi une branche exploitée par la xylographie. La plupart
de ces gravures sont d'un format ti'ès-grand, et composées sou-
vent de plusieurs planches ; telles sont, par exemple, la vue de
Ratisbonne, de la largeur de 80 pouces sur 22 et quart de hau-
teur; celle de la ville d'Âugsbourg, gravée d'après le dessin de l'or-
fèvre Georges Seld ; celle de Lubeck ; celle de Fraucfort-sur-
Mein de 1572, en 10 feuilles ; celle de Venise, dessinée à vue d'oi-
seau; celle de Cologne, de 1513, en 9 planches gravées par An-
toine Wœnsam de Worms ; et le Camp de V empereur Charles V
{{) Voyez sur ce sujet les ouvrages suivants: sur raoatomie; Geschichte und Bi-
bliographie der anatomiscben Abbildungen. etc. von Dr L. GhoulaDt, avec 43 xylogr.
et 3 chromolitb. Leipz. 4854, graud in>4*. Pour la zoologie: Blnmenbach, iu Gœt-
ling. Magazin, etc. Jahrg. II, St. 4. Pour la botanique: Die Anwendang des Holz-
schnittes zur bild. Darstellung von Pflanzen, etc. von Dr. L. G. Treviranus, Leipz.
4855. in-8*. Pour les mathématiques: Gesch. der Mathematik von A.-G. Kaestner.
i7&5. etc.
151
devant Ingoîstadt, de Vannée 1546, 10 grandes feuilles gravées
d'après les dessins du peintre H. Mulich de Munich, en 1549.
n n'était point rare dans cette époque, pas plus que dans la nô-
tre, de trouver des livres compilés de planches achetées séparé-
ment avec lesquelles les libraires-spéculateurs formaient un tout
en y mettant un titre pompeux et attrayant ; voici un exemple :
Menx littetijttlUbe , moblflevtBAene ^nti %n £ol) stnhnitttnt
Éiiuttn, bernUtchen «iemablen iieBeben iDOtrben. Von ben tutx-
trefClidisten , ItttetijvtltcbBteti Dnb hexuthtattBttn URableTit, Vitin-
sent tnîb ittxmsichntïtitxn ^ «b nebmltcb, Whxttht 9uxtx , ^.
^olbein, H. iSebalb IS9bm, #. jSfebeufltn , i^nb ambent Cevt-
Mbef nation tutxtxMtthfittn Wiutnutitxn mthx,
ftlUn Mablent, ^uptftx»ttthtxn , foxmstthntïttxm fHudf «l-
Us ^un%twxM&tnttistn f tmb htxtttlhtn Xiebbaber, êtt ^hxtn
nUt ^^efalUn) 9ie aticb "ttx an^ebenlieii kunittUebetibeit Un-
itn'bt lu VLnti rmtt UtUitxtttxnuQ in ^xvLtk ^eben.
9thxuttt }tt fxAnMuxt am J9eyn, 3n ^evle^ttiid Vincentii
%ttinmtiftx», ftnno Itt. 3P€'. XX. Qutx C^na^to.
Ce livre, précédé d'une surface intéressante pour l'histoire ar-
tistique de cette époque, contient 316 gravures, parmi lesquelles
plusieurs très-bonnes, mais Durer et Holbein manquent, quoique
mentionnés sur le titre (*).
Tels sont, en somme, les groupes variés, les formes diverses,
dans lesqueUes la xylographie du XYI* siècle a développé une ac-
tivité extraordinaire, secondant ainsi les efforts des sciences "et
des arts pour répandre et étendre les connaissances, et aidant par
sa coopération aux progrès des lumières et de la civilisation.
Le nombre des graveurs sur bois étant considérable, nous bor-
nerons nos citations aux principaux d'entre eux.
Nicolas-Emmanuel Deutsch, de Berne, homme remarquable et
universel, s'est aussi distingué dans la xylographie, entre autres
par dix gravures représentant les vierges sages et les vierges fol-
les, 1618. -— Albert Altorfer (né en 1488, mort en 1538) est célèbre
comme peintre et comme graveur. Ses petites planches de bois
figurant des sujets de la Bible sont inimitables. On lui attribue
(i) Arcbiv. ftir zeichoeade Kunst. Leipz. II. Jahr|^. 1856, HefUl. p. 63.
152
ri&veatioa de plusèeurs nouveMX procédés de graynre, txàxe an-
tres celui qui coasîBte à abaisser eerUines jMrties de ses {datiehes
de bois, pour donner à ces parties plus de foite, et par conséqiient
plus de gradations dans les ombres. Son saint Jérôme est «urtout
remarquable d'effet obtenu par ce moyen. — HansBakkuig Gnm,
de Gmund, était bon peintre et habile graveur. On cite snrteiit les
planches d'Adaa et d'ÈYe ; celles du Christ et des û.Ç9*e iip^es,
de 1514; use feuille avec des chevaux, de 1534. — Luo^Ora-
nach, le célèbre peintre, ^tait aussi graveur sur bois. — liaBS
Springinldee, de Nuremberg, élèye de Purer^ a lut de 4r^-<hoi]^
nés gravures, généralement de petit fonmat. D avait exécuté, de
compagnie avecËrhard Schœn, ks belles planchçsderHortulus
animae, dont la première édition parut à Nuremberg en lél^ Ce
dernier a aussi gravé un livre de dessins trèfr-estiiiié, ^t qui a eu
trois éditions dans ce siècle ; la première e^t de 1538. — l^ms
Baldung Beheim se forma sous Albert Durer ; on lui aittribue près
de 200 gravures. — Henri Lautensaok de Bamberg, 1 5^, ç^t l'au-
teur d'un livre de dessins gravés sur bois. — Jâucob Kerver, $k de
Thielmann Eerver, imprimeur à Paris, connu par ses Heures, a
gravé les 15 planches qui ornent le Jocmtds Boccatiiy et& ; Berne,
1539, in-foL Les 144 gravures der Wappen des heil ronu Sei-
ches Teutscher Nation, etc. sont de Jacob Kobel ; Frankâirt, 1545,
in-fol. On lui attribue en partie les 128 planches de Hypnero-
tomacMe, ou discours du songe dePoîvphik, etc.; Paris, 1546,
in-foL; les petites gravures d'un Testammtum Vet et Nav.; PariS}
1560, in-8% et plusieurs autres gravures séparées.
Les différentes et nombreuses éditions de la Bible de Luther,
dont la première, en allemand et complète, a paru à Wittemberg
chez Hans Lufb, 1534, étaient généralement ornées de gravures.
— Hans Brosamer de Fulda, peintre et graveur, fit plusieurs
planches de l'édition de 1558. — Hans-Budolph Emmanuel, dit
Deutsch, de Berne, fils de Nicolas dont nous avons d^à parlé,
était peintre et préfet de Morges (canton de Yaud). On lui attri-
bue les dessins de la plupart des villes de la cosmographie. On
ignore s'il les a gravées. Le livre Affricola de re metatticOf etc.,
Bâle, 1558, est orné de ses gravures. — Aucun graveur de ce siè-
cle, parmi tous ceux que nous venons de citer, n'a produit une
153
aussi grande ^oantilé ée f ravutes sur bois que les deux suivants :
VlrgSe Solis de Nuremberg (né en 1514, mort en. 1562), qui à
exécuté {^s de mUle planches xylographiques, dont celles de la
Bible de Francfort, 1500, et celles des métamorphoses d'Ovide,
i" éd. 1563, Francfort, sont les plus estimées; — et Jost Am-
Biann de Zurich (né en 1539, mort à Nuremberg en 1591), d'une
grande facilité d'invention et l'artiste le plus productif de son
iempé^ Ses gravures sur bois seules sont au nombre de plus de
mille, parmi lesquelles on distingue surtout le Paradis, un Tour-
Boia, une Troupe de soldats, la place Saint-Marc de Venise et sou
livre d'armoiries. — Nous devons mentionner encore Tobie Stim-
mer de Sdiaffhouse (né 1534), peintre de fresques et graveur re^
nonmié; — C3uistophe Maurer de Zurich (né 1558, m. 1614) ; —
Christ von Sichem, qui grava à Bâle les 13 lieux de la Confédé-
ration, 1573, et beaucoup d'autres planches; — Lucas Meyer,
qui fit en 1592 un Tir en 13 grandes planches, Nuremberg; —
Hans Weigel, de la même ville, qui édita un livre de costumes en
1577, des cartes géographiques et des ornements de titres de li-
vres; — Jean Bocksperger l'aîné, de Sabsboui^, qui grava les
planches de la Bible de Francfort, 1565 ; — enfin Marc- Antoine
Hauaas, àAugsbourg, vers la fin du siècle.
Nous bornerons ici la nomenclature des xyiographes allemands,
du XVI* siècle, pour citer ceux des Pays-Bas qui se sont distin-
gués. Le {^us anden parait être Phillery d'Anvers. On ne con*
naît de liii qu'une gravure, représentant des soldats et des femmes.
— Walth^ van Assen, au commencement du siècle, a gravé la
Passion de Jésus-Christ — On attribue à Lucas de Leyden 24 gra-
vures. — Peter Cœck, peintre et architecte d'Alost (né en 1490,
mœrt en 1553), a gravé une vue remarquable et rare représentant
Confltantinople et les mœurs des Turcs, composée de 7 planches et
pubhéeen 1533. — Cornélius Teunissen d'Amsterdam a gravé en
1544 une vue de cette ville en 12 grandes planches. On le suppose fils
d'Antoine de Worms, qui avait gravé la vue de la ville de Cologne
en 1531 , composée de 9 feuilles grand in-foMo, d'une longueur
d'ensemble de 10 pieds, 9 pouces, sur une hauteur d'une aune. £n
1851, M. Alo£s Weber a dessiné sur pierre une copie de cette vue
de la graïuteiur de Forigiiial, ^ Antoine Sylvius a gravé les mon*
r
154
naies, dans Ëmblemata, etc., de Joan. Sambuci, Anvers, Plantm^
1564. — Jean ou Hans Stephanus van Calcar grava en 1538 les
planches anatoniiques du livre de Yesalius à Venise, in-folio. —
Hubert Golzius de Yanloo (né en 1526, mort en 1583), célèbre an-
tiquaire, était aussi xylographe , ainsi que Henri Golzius (né en
1554, mort en 1617). Ce fameux chalcographe a fait une vingtaine
de gravures sur bois.
La xylographie italienne regardée comme la plus ancienne,
portant une date, a été gravée par un Allemand, Jacob de Stras-
bourg, c'est le triomphe de Jules-César, en douze planches avec
la date de 1503. On cite comme graveurs sur bois italiens : Jérôme
Mocetus, né en 1454 à Vérone; — le célèbre Titien; — Matheus
Pagani, connu par ses cartes géographiques, Venise 1555; —
François Marcolini, né en 1500 à Forli, imprimeur à Venise,
architecte et graveur, dont les meilleurs travaux se trouvent
dans l'ouvrage de' Giardino de Pensieri. — Hucque de Capri; —
Antoine de Trente, né en 1508, de qui on connaît vingt-cinq
planches; — le Parmesan; — Jean Gallus;— Nicolas Boldnni;
— Christophe Coriolan (Lederer), Allemand, né en 1540, mort en
1600, mais qui vivait à Venise, et qui a gravé beaucoup de por-
traits dans l'œuvre de Vasari, et des planches d'his);oire naturelle
dans le hvre d'Ulysse Aldrovandini ; — Vecellio, frère du Titien,
qui a fait en 1590 un livre de costumes; — Jérôme Porro, qui
grava les planches dans le Funerali degli Andchi, etc., de Th.
Portachi, Venise, 1591.— On connaît d'André Andreani de
Mantoue, né en 1540, mort en 1623, une trentaine de gravures
sur bois, dont les plus remarquables sont le Triomphe de César,
Jésus- Christ d'après le Titien, et l'enlèvement des Sabines.
Parmi les graveurs français on nomme JoUat, qui travailla
à Paris de 1502 à 1550; — Jacques Peressin; — Jean Tortorel,
qui a gravé des scènes de la guerre des Huguenots, de 1564
à 1570; — Pierre Bochienne, né à Paris, 1520, qui a gravé des
livres de prières, la Légende dorée, Paris, 1557, et 109 plan-
ches pour une Bible ; — Bernard Salomon, dit le petit Bernard,
à cause du petit format de ses planches, était de Genève et
vivait aussi à Lyon de 1512 à 1550; il travaillait pour de Tournes
et Kouville; ses planches de la Bible et des métamorphoses
156
d'Onde sont fEÔtes avec une exquise finesse; — Jean Monni
vivait à Lyon vers 1540; il copia les gravures de Salomon-
Léonard Odet, Lyon 1580; — Balthasar Amoullet a gravé des
vues de villes, principalement celle de Poitiers. — On connaît
aussi une gravure sur bois, représentant un buste de fenune,
qui a été exécutée par Marie de Médicis, fenune de Henri IV,
en 1587.
Disons maintenant quelques mots sur la xylographie en An-
gleterre, entre 1400 et 1700.
William Caxton (1474-1491), qui avait introduit la typographie
dans ce pays, publia plusieurs ouvrages ornés de gravures sur
bois; ainsi que le fit plus tard Wynkyn de Worde (1500-1534).
John Rastell (1517-1536) publia un livre orné des effigies des
rois d'Angleterre. La chronique de Richard Grafton contient un
grand nombre de xylographies.
John Balgrave, mathématicien, dans son ouvrage : Astrolabi'um
wramami ufdvermle de 1585, grava lui-même les figures. Ralph
Aggar grava entre 1578 et 1589 une vue de Londres sur bois.
John Day orna le livre intitulé : Foafs \BooJc of Mwrtyra (entre
1544-1582) de très-belles cartes et de figures mathématiques.
Dans l'histoire de la typographie nous avons déjà fût mention
de la Genealoffy of Kmg of England, de Gille Grodet, en 1550,
et qui contient les portraits des rois et des reines d'Angleterre,
Nous ne connaissons que peu de gravures sur bois espagnoles
du XVI* siècle, quoiqu'il existât en Espagne dès le XV' siècle
des typographes, et avant eux des cartiers, qui pratiquaient
certainement la xylographie. Le recueil de modèles d'écriture
de Juan de Yciar Vizcaino, publié chez Petro Bemutz à Sara-
gosse, en 1529, contient différentes espèces de lettres qui ont
été gravées sur bois par Jean de Vingles. H y a des lettres
richement ornées, et des letra hîanca, c'est-à-dire des lettres
gravées en creux, de sorte qu'elles s'impriment en blanc sur fond
noir. Ce livre eut plusieurs éditions: celle de 1550 contient le por-
trait du calligraphe, sur fond noir pointillé en blanc (ou manière
criblée), plusieurs entourages à figures et ornements, un alpha-
bet dont les lettres sont formées de rubans entrelacés, et d'au-
tres grandes lettres accompagnées d'enfants, de guerriers, de
sujets de chasse , etc«
156
Le même impiimeor publia, eja 1559, une nouvelle éâi^hon
d'un livre de prières, précédé d'un calendrier avec gmvarefi, et
ornée d'initiales et de sujets religieux gravés sur bois. Ces xy-
lographies, dépourvues de hachures croisées, suivant M. C-
Becker, rappellent le style de l'école padoue-vénitienne {*}.
De IGOO à IVOOa Le mouvement et l'activité qui régnè-
rent dans l'art de la xylographie durant le XYI* siècle, et dont
nous venons de donner une esquisse bien raccourcie , étaient
considérables; mais déjà vers le déclin de ce siècle la gravure
sur bois, comme nous l'avons dit, perdait énormément de son
importance. La chalcographie s'était développée à un tel point,
qu'elle surpassa bientôt la gravure en relief, et finit par la
supplanter presque complètement dans le XVII* siècle. Un effet,
le goût du pubhc pour les tailles de bois diminua peu à peu;
on préférait les gravures sur cuivre, et, malgré les efforts des
graveurs et des éditeurs pour soutenir la xylographie^ celle-ci
tomba en décadence.
En Allemagne, il n'y a dans ce siècle que peu d'artistes dont
il vaille la peine de citer les noms : — George Straub grava en
1609 un livre de costumes; — Wilhelm Hofinann publia en
1610 le diarium du couronnement; — Conrad Schram avait
décoré un livre d'Evangiles qui fut publié à Munich en 1620;
— Paul Creutzberger de Nuremberg jouit d'une certaine répu-
tation, il mourut en 1660; — Jost Spœrl de la même ville, né
en 1583, mort en 1665, avait fait plusieiu's gravures du Opis
pictus. — Philippe Witteln publia en 1625 une carte de la Thu-
ringe en seize feuilles in-folio ; — J.-Paul Eyb n'est connu que
par son portrait, qu'il avait gravé en 1667. — Les Pays-Bas
sont mieux représentés: on y trouve encore de bonnes pages;
— Christophe Jegher, né en Allemagne en 1578, vivait à An-
vers et gravait d'après Rubens; — Abraham Blœmsert de
Gorkum, né en 1564 et mort en 1644, et Paul Moreesen avaient
de la réputation; — Edouard Eckmann, mort en 1610 à Mecheln,
avait fait de très-belles gravures, entre autres le Feu d'artifice
(i) Sur ces deux livres voyez : Breitkopf déjà cité, U, page 38, et Archiv. fUr zeichn
Kiinste. Ërster Jahrg. 1855, lleft. U, page 196.
157
d'ftprèi Caliot; — Théodore, ou Dirck de Bray, de Haarlem, mort
ea 1680^ a £ût en 1664 un excellent portrait de son père. —
Litalie, où cet art n'a jamais été goûté généralement, n'offire
rien de remarquable dans le XYII" siècle. Nous ne citerons que
le Milanais César Bassano et les deux sœurs Isabella et Hie-
ronyma Parasole à Rome. Isabella avait gravé un livre avec des
modèles de broderies; et la seconde, une Bataille de centaures,
mire 1600 et 1650.
La France était le seul pays où la xylographie fleurit encore.
— Ludwig Bussink, All^nand, était associé avec le peintre
6e<Nrge Lallemand, et gravait d'après ses dessins vers 1640 ;
— Jean Le Clerc, travaillait vers 1620 à Paris, sous le nom de
Marchand tailleur d'histoires; — Béni Baudry et Nicolas Cal-
mat, vess 1622; tous les deux reçurent le privilège àHmpn-
meurs du Mojf e» libres et dcnnmoiiera en figu/rœ et histavres, en
1622; — Jean Blanchin travaillait en 1630; — Guillaume le Be,
vers 1643, gravait 272 planches pour une Bible; — Du Bellay vivait
vers 1680 à Paris; il fut le maître de Le Sueur et de Papillon;
— Pî^re Gramier, père et fils, exerçaient à Troie, en 1650;—
François Beauplet grava le portrait de Richelieu sur son lit
de parade; — Antoine Boucquet, né en 1661, grava les saints de
l'année; — Graffort et Roulière vivaient vers 1650. — On con-
naît de Jean Gelée, frère du pemtre, 24 gravures sur bois.
lie JLViu* siècle ne vit paraître aucune nouveauté, au-
cun perfectionnement dans l'art de la xylographie , ni pour la
pratique, ni pour la manière, ni pour le style, ni pour le nom-
bre des œuvres. L'activité et le progrès qui distinguaient le
iVl* siècle, au lieu de croître, diminuèrent de telle sorte, que
Fart devint métier et fut abandonné de tous ceux qui, par
leurs talents et leur goût, auraient pu le relever. Le XYIII* siè-
cle hérita de cet état de choses ; le savoir, l'amour de l'art et
l'intérêt manquèrent aux artistes comme au public pour la xylo*
graphie. La gravure sur cuivre l'avait, en Allemagne surtout,
complètement bannie des livres. Cet art, si florissant dans le
XVI* siècle , n'était plus représenté au XVlll* siècle que par
quelques vignettes, fleurons, filets et culs-de-lampes, ornés avec
158
un goût baroque , ou ne servait plus qu'à l'impression des pa-
piers et des étoffes. Çà et là seulement on voyait apparaître
quelques gravures de mérite, mais faites plutôt par des amateurs
que par des artistes.
En Allemagne, où la xylographie avait le plus dégénéré parmi
un grand nombre de graveurs médiocres, nous n'en pouvons
citer que deux qui se soient distingués comme artistes : Jean-
Georges Unger, né à Gos en 1715, et mort à Berlin en 1788,
qui grava avec goût divers objets, entre autres les 50 vignettes
du Spéculum Naturœ, publié à Berlin de 1761 à 1765, in-é^
et 5 paysages avec figures d'après les dessins de Meil , Berlin,
1779, in-4*; — et Jean-Frédéric Unger, fils du précédent, né
en 1753, qui a fait de très-belles gravures sur bois, dont les
meilleures sont les planches de figures, publiées à Berlin en
1779, in-4*; — Unger cadet fut nommé professeur de l'art xylo-
graphique à Berlin, et mourut en 1804.
Parmi le peu de graveurs sur bois qui existaient alors dans
les Pays-Bas, nous citerons Cornélius van Noorde, né en 1731,
mort en 1795, qui travallait à Amsterdam; et Gonzàles vanHeylenj
mort en 1720, de qui on connaît un alphabet Orné de saints; il
vivait à Anvers. — En Italie, il y avait Joseph et Gabriel Ric-
ciardellià Naples; J. Bapt. Canossa à Bologne (mort en 1747),
dont les xylographies se distinguent par une grande délicatesse.
Mais le plus célèbre était le comte Antoine-Maria Zanetti l'aîné,
dont nous parlerons plus bas.
Depuis lt95 Ja8qii*à PEaqposition unlvenelle de
Paris en 1 S55a Quoique la gravure sur bois ait été beaucoup
plus favorisée en France que dans les autres pays, il y a cepen-
dant aussi pénurie de bons graveurs dans ce siècle. Ceux qui
eurent un véritable mérite furent : — Jean Papillon l'aîné, né à
Rouen en 1639, mort à Paris en 1710; et son frère cadet, Jean-
Nicolas, né à St-Quentin en 1655, qui était moins habile. — Jean
Papillon, né en 1661, mort en 1723, fils du frère aîné, est
connu par des portraits, par un livre de messe d'après Le
Clerc, et par des vignettes surchargées d'ornements, mais bien
dessinées. -^ J^an-Baptiste-Michel Papillon, fils de Jean-Nicolas,
159 •
né en 1720, mort en 1746, a fait des gravures pour une Bible. —
Mais le plus célèbre de toute la famille fut Jean -Baptiste Pa-
pillon, frère du précédent. H naquit à Paris en 1698 et mourut
en 1776. Son traité historique et pratique de la gravure sur
bois, Paris, 1772, in-8", est le premier ouvrage qui ait paru sur
cet art. Ses gravures sont très-estimées , surtout les culs-de-
lampes et les fleurons qu'il avait faits pour une édition des Fa.
bles de La Fontaine. Son épouse Marie- Anne, née Bouillon,
gravait également — Pierre Le Sueur, l'aîné , né à Rouen en
1636, mort en 1716, gravait très-bien. On remarque de lui une
Judith, d'après Sichem. Ses trois fils , Pierre, Vincent et Pierre
le cadet, furent de très-bons graveurs. Vincent, né en 1668,
mort en 1743, était l'élève de Papillon; il le surpassait dans
les hachures croisées. Le plus distingué de *la famille fut Nico-
las Le Sueur, né à Paris en 1690, mort en 1764, il était très-
productif, on fEdt monter à mille le nombre de ses planches ,
dont beaucoup sont remarquables.
Mais les efforts que firent Unger, Canossa, Papillon, Le Sueur,
et leurs élèves, restèrent sans effet ; la xylographie ne disparut
pas, il est vrai, complètement^ mais elle fut reléguée dans l'im-
primerie des livres et des étoffes. Cependant le XVill* siècle
ne se termina pas sans fournir au moins les germes d'une re-
naissance prochaine de cet art Rien ne usât tout achevé; cha-
que invention qui doit Voir le jour se prépare longtemps d'a-
vance, et ne se développe que graduellement, et plus ou moins
vite, suivant que les circonstances sont favorables ou non. Ainsi
la xylographie commença à renaître dans le XVIII* siècle, et
cela en Angleterre, dans le pays où elle avait été le moins pra-
tiquée, mais elle ne reçut son entier perfectionnement et ses
applications générales que de nos jours.
Thomas Bewick, né en 1753, mort en 1828, Anglais, est le
restaurateur de la xylographie. H gagna en 1775 le prix que
la Société des Arts de Londres avait destiné à la meilleure
gravure sur bois. Le sujet choisi par Bewick était un chien de
chasse; le dessin excellait par une grande vérité, et la gravure
par beaucoup de finesse. Cette planche fiit placée dans l'édition
des Fables de Gay^ imprimée par Th. Saint, de Newcastle, et
160
dont les autres gravures avaient été exécutées par Thomas
Bewick et son frère John. Ce dernier était moins habile e4
mourut en 1795.
Le célèbre imprimeur W.Buhuer, de Londres, avait publié
en 1795 les Pœms of Goldsmith and FumeU, ornés de gra-
vures sur bois de Bewick, qui jouissent d'une grande répiUa-
tion. En 1790 paraissait à Newcastle,et en 1811 à Londres »
A General hdstory of quadrupeda, dont Bewick avait fût les
gravures d'après ses propres dessins. Les figures d'animaux
sont très-correctement dessinées, et la gravure en est délicate.
Outre un grand nombre d'excellentes vignettes, on connaît de
lui encore des gravures d'oiseaux, faites pour le Hiskory of
briUsh hirds, publié à Londres en 1809.
Cet artiste distingué a ausâ renouvelé un perfectionnement
dans la partie technique de son art, moyen qu'avaient déjà
employé Albert Aldorfer dans le XYl* siècle et Papillon dans
le XYin*. n consiste à varier la hauteur des tailles-reliefs de la
planche de bois, pour obtenir des teintes plus graduées.
Avec Thomas Bewick commence donc l'époque moderne de
la xylographie, la renaissance de cet art Les travaux de ce
graveur habile eurent du succès, et ses efforts une suite. Du
temps de Bewick, ou peu après, il y avait encore en An^eterre
quelques autres artistes de talent: Alexandre Anderson a gravé
de très-belles cartes géographiques, des dessins anatomiques
et d'histoire naturelle. Lee exécuta en 1805, d'après les dessius
de Creig, une vingtaine de planches destinées à orner des livres
pour la jeunesse. —Nesbit, Branston, Clennel et Hoole ont
gravé sur bois, d'après les dessins de J. Thurston, £sq., les
magnifiques planches qui décorent l'ouvrage publié par Acker-
man sous le titre Beligous einblems, London, 1808. — Les belles
gravures sur bois du Bibliographicaî Decameron, etc., du cé-
lèbre bibliogr^e Th. Frognall Dibdin (3 vol. Lond. 1808),
ont été gravées par Austin, Thomson, Ëbenezer Byfield, son
frère John et sa sœur Marie Byfield, et W. Huges. — Le ca-
talogue des livres de fonds de MM. Wittingham et Arliss à
Londres, publié en 1817, était enrichi de vignettes et de culs-
de-lampes excellents, ainsi qu'un grand nombre de produits
de la typographie anglaise du commencement du XTX* siècle.
161
Le goûl ans Anglais pour ce genre de décorations typogra-
phiques, imitant les éditions iacuaables, qui sont ordinaire-
ment embellies de tailles de bois, et qui étaient tant recher-
cbées par les .antiquaires; l'avantage qu'ofiâraient les gravures
xylograpbiques à la typographie par la modicité du prix de
Timpressioa , provenaiit de ce qu'on pouvait intercaler dans le
texte les vignettes gravées et les imprimer en même temps que
la lettre; tous ces motifs contribuèrent puissamment à fedre re-
vivre en Angleterre l'art de la xylographie, et engagèrent les
autres nations à imiter les Anglais à cet égard.
Excitée par les belles gravures d'Andersen et de Bewick,
la Société d'encouragement pour l'industrie nationale de Paris
pris l'initiative et proposa, en ventôse de l'an XIII (*), un prix
de 2,000 francs afin d'encourager ce genre de gravure en France.
Mais la xylographie n'existât plus , et pour preuve nous don-
nerons on extrait du rapport de M. de Mérimée sur le résultat
de ce concours (^*) :
« Vous devez être surpris, Messieurs, que dans un pays où
tous les arts du dessin sont cultivés avec plus de succès que
partout ailleurs, il ne se soit présenté qu'un seul artiste au
concours pour le perfectionnement de la gravure en bois.
« La disette de concurrents prouve du moins que votre sol-
hcitude n'a pas été mal dirigée, lorsque vous avez entrepris
de relever un art infiniment utile, qui languit parmi nous, tan-
dis que nos voisins Vont porté à un très-hatU degré de perfec-
tion.
« Ce genre de gravure, qu'on devrait plutôt «appeler gra/&ure en
taille de relief, ou en traits saillants, puisque la forme seule et non
la matière en détermine l'emploi; ce genre, dis-je, présente dans
i\) B«41etiH, N* IX, vol. 3. 1<^. — La Société d'encouragement pour rimluslric
utioBale. foBdée en 1802, recouuue comme établissement d'otililé publique par or-
ilunnance royale du 2» avril 1834, est certainement une des iustitutious les plus
distinguées, les plus utiles, et les plus libérales qu'on connaisse ; elle a puissamment
contribué aux progrès des sciences, des arts et des industries, par des encoarageineBis
de toute nature. Les bulletins que publie fréquemment cette société nous ont été d'un
!>ecoars précieux, pour nos recherches sur l'origine et le perfectionnement des arts et
des industries, dont il est question dans cet ouvrage.
(i) Bull. XX. vol. IV. fé\r. 180d.
162
son exécation des difficultés particulières, auxquelles on doit
rapporter sa décadence parmi nous.
« Ainsi , en supposant que nous eussions les plus habiles gra-
veurs en bois, ils seraient moins employés que les autres, parce
qu'il n'y a pas en France un grand nombre d'ouvrages dont on soit
sûr de débiter assez d'exemplaires pour dédommager des dépen-
ses plus considérables que cette gravure occasionnerait —
« Les estampes envoyées au concours sont sans doute inférieu-
res à celles que vous avez indiquées pour modèles; mais elles n'en
sont pas tellement éloignées, que M. Duplat (qui en est l'auteur)
ne puisse un jour les égaler
« Le but n'est pas atteint; mais vous devez voir un pas vers ce
but daiislepoh/t^pcige des planches. Cette application d'une des
découvertes les plus utiles à l'imprimerie donne non-seulement le
moyen de multiplier à l'infini les épreuves d'une gravure, mais
encore celui d'avoir en un instant des types particuliers des diver-
ses parties d'une figure dont il est important de représenter les
détails
« Sous ce rapport l'on peut dire que M. Duplat a contribué à
l'avancement de l'art. > ,
En conséquence M. Duplat reçut une récompense à titre d'en-
couragement. Le prix, n'ayant pas été gagné, fut maintenu. L'an-
née après, même résultat: il n'y avait qu'un seul concurrent M..Bes-
nard, graveur en relief, à Paris, envoyait un mémoire dans lequel il
exposait sa manière de graver, et un grand nombre de planches
gravées en relief sur cuivre jaune et sur hois, qui furent jugées
inférieures aux modèles anglais ('). M. Besnard reçut une récom-
pense, et le prix de gravure fut prorogé.
£n 1808, le rapport disait: < différents essais ont été envoyés à
la Société, et un seul artiste s'est présenté dans l'intention de con-
coiuir. Sur cinq plaques, une seule planche était exécutée en hois,
représentant le Père étemel créant le monde, d'après Raphaël ; les
autres gravures étaient exécutées sur des matières métalliques
Le tout est fort éloigné de la perfection que l'on désire. » Le prix,
ne pouvant être accordé, fut prorogé de nouveau.
(1) Bull. 0* XXXIII. 1807.
168
•
M. Gillé, fondeur en caractères à Paris, présenta plusieurs gra-
vures sur bois, dont une exécutée par Louis Bougon de Beauvais,
représentant différents fragments d'histoire naturelle copiés d'a-
près une gravure d'Anderson.
M. de Bizemont, d'Orléans, envoyait six gravures sur bois, qu'il
avait essayé de travailler sur hais debout
M. Renouard, libraire à Paris, présentait 65 pièces en bois gra-
vées , représentant des animaux , et destinées à la 2« édition des
morceaux choisis de Buffon. Ces figures avaient été gravées par
M. Godard le jeune à Alençon. M. Boileau avait fait parvenir à la
Société des figures géométriques , fondues en planches mobiles.
L'avantage qu'offre la gravure des figures géométriques en taille
de relief, c'est qu'on peut les multiplier à volonté au moyen du po-
lytypage, et les placer dans le texte (*)
Enfin, dans l'année 1810, deux concurrents s'étaient présentés.
L'un était M. Bougon ; il avait fait des gravures que l'on croirait
au premier coup d'œil exécutées à l'eau-forte, aussi « ce sont des
eaua>forte8 qt^iî a décalquées swr hois, et découpées avec beaucoup
d'adresse. *
L'autre concurrent était M. Duplat. Il a présenté « des gravu-
res parûtes, et exécutées par un procédé aussi prompt et aussi
facile que la gravure en taille-douce la plus expéditive. Ces plan-
ches sont destinées à une édition des Fables de La Fontaine en-
treprise par M. Renouard. Il a pris un brevet d'invention pour son
procédé, qui abrège considérablement l'opération de la gravure
en taille de relief; et , si ce n'est pas le moyen employé par les
Anglais, il est supérieur à celui dont ils se servent >
M. Duplat reçut le prix de 2,000 frs., et M. Bougon une récom-
pense à titre d'encouragement (*).
Par ces faits, la gravure sur bois était de nouveau introduite en
France, et l'impulsion donnée. Ces encouragements réitirés avaient
provoqué des tentatives nouvelles pour le progrès de l'art On vit
peu à peu la xylographie se répandre, et s'augmenter le nombre
des artistes qui s'y vouaient
(i) Bulletin, u* L. 4808.
(î) BnUeUn, n- LXXIV, 1810.
En 1807 , M. Duplat avait gravé les figures dans les œirares
d'Archimède, traduites par Peyrard; ixl-4^
M. Andrieux, graveur en médailles, avait d^ ùàt en 1810quel-
ques planches en acier, gravées en taille de relief, qui ne laissaient
rien à désirer.
MM. Galle, Andrieux et Duchesne aine, gravaient alors sur
acier des vignettes, des billets de banque et des timbres.
Vers l'année 1820, M. Thomson, habile graveur sur bois, de
Londres, exécutait à Paris des vignettes supérieures à ce qui
avait été fait jusqu'alors en France. Dès ce moment la gravure sur
bois fut employée de plus en plus à la décoration des livres. En
1823 paraissait le Magasin Pittoresque, excellente publication
mensuelle, qui continue encore, et qui est enrichie d'un grand
nombre de bonnes xylographies. Le Musée des Familles, publica-
tion semblabe à la précédente, parut en 1832 et continue égale-
ment encore. En 1834, M. Everait à Paris, en publiant une nou-
vdle édition de Paul et Virginie, ornée de magnifiques gravures
sur bois, ouvrit avec éclat le nouveau genre de xylotypographie,
ou de livres dits illastrésa La renaissance de la gravure était
dès lors accomplie. Tout fut Uîmtréj depuis les livres d'A-B-C jus-
qu'aux livres de sciences ; le XYI*" siècle paraissait être revenu.
L'Angleterre avait précédé les autres nations dans ce genre. L'é-
dition illustrée des (Euvres de Shakspeare, le Livre des prières,
les Mille et une nuits, le Penny-Magazine, le Sarturday-Magazine,
le journal l'Illustrea London-New , le Art- Journal , et un grand
nombre d'autres ouvrages dans ce genre furent imités en France
et en Allemagne , et donnèrent naissance à d'autres publications
pareilles. Souvent même on se servait dans ces deux derniers pays
des clichés tirés sur les planches originales anglaises.
De la grande quantité des éditions illustrées en France, nous
ne citerons qu'une petite partie de celles qui se distinguent le
plus par la bonté des gravures sur bois : tels sont les œuvres de
Molière, publiées en 1835 ; les Mille et une nuits ; les Evangiles ; le
Don Quichotte, de 1837 ; la Vie de Napoléon ; les Messéniennes
deDelavigne, de 1840; le Jardin des Plantes de Paris, de 1842;
Jérôme Paturot, par Louis Eeybaud , en 1845 ; La Fontaine , Bé-
ranger et autres ouvrages ornés des dessins spirituels de Gran-
Tille. Mais la plus remarquable publication de ce genre est l^s-
toire des peintres de toutes les écoles, imprimée en 1849 par
Claye. C'est un véritable monimient typographique. Jamais un
ouvrage aussi distingué par le grand nombre et le mérite des vi-
gnettes gravées sur bois, ainsi que par la beauté de l'impression,
n'avait été exécuté. Les illustrations ont été gravées par MM. L.
Dujardin, Pannemacker, Lavieille, Pisan, Verdeil, Ch. Jardin,
Piand, Cabasson, E.Sotain,Tamisier, Carbonneau, Montigneuil. —
Les vignettes de l'ouvrage intitulé les Edifices de Rome moderne,
imprimé en 1850 par Claye, ne le cèdent en rien aux précédentes.
Outre les graveurs sur bois déjà mentionnés, nous citerons encore
pour la France, MM. Brevière, Porret, Lacoste, Sears, Suzemihl,
Allansson, Relier, Hotelin, J. Gaucbard, Brugnot, Gérardet,
Chemer, Barbant, Dabiel, C.-D. Lang, et beaucoup d'autres dont
MM. Andrew, Best et Leloir sont ceux qui ont le plus produit.
Pour l'Angleterre nous nommerons encore MM. Beneworth,
Brown, C. Grey, R. Hart, J.-L. Williams, Orrin Smith, Horace Har-
ral, W.-J. Linton, Edmund Evens, Mason Jackson, John Thomp-
son, Green, Whymper, Cooper, etc., etc.
En Allemagne la xylographie a aussi progressé ; elle y a retrou-
vé son ancienne splendeur, et on l'exerce avec talent et bonheur.
Frédéric-Guillaume Gubitz, né à Leipzig en 1786, fat nommé
en 1804 professeur de xylographie à Berlin, à la mort de Unger,
qui occupait cette place. M. Gubitz, habile graveur et homme de
lettres, a continué glorieusement la marche progressive de la re-
naissance de la xylographie que les Unger avaient inaugurée en
Allemagne. Le nombre des gravures exécutées par lui-même ou
avec l'aide de ses élèves est considérable; on en connaît plusieurs
niifliers dont beaucoup sont très-distinguées. Outre la publication
d'une grande collection d'ornements typographiques, il a com-
mencé en 1834 et il continue encore aujourd'hui à faire paraître
annuellement un almanach populaire, illustré de plus de 100 gra-
des sur bois.
Les livres illustrés ne manquent point non plus en Allemagne,
^ elle rivalise avantageusement avec les autres pays dans ce genre
de publications. Les plus remarquables sont les Niebehmgen, le
Oidde Herder, le Reînecke Puchs de Gœthe, la Vie du grand Fré-
166
déric, un grand nombre d^almanachs et de journaux illustrés^
parmi lesquels le Faust et le Gutenberg, journaux polygraphiques
publiés à Vienne; — un certsdn nombre de livres xylographiques,
tels que des danses macabres, des reproductions d'anciens maîtres,
etc. Les graveurs allemands les plus distingués de notre époque
sont MM. Unzelmann , Otto et Albert Vogel à Berlin j Eduard
Kretschmar, Bergmann, W. Georgy, Hermari Krieger à Leipzig;
W. Pfiior, Kitschel de Hartenbach , J. George et Xavier FlegeL
Kaspard Braun à Munich; Hugo Bruckner, A. Gaber, F.B^usche,
Steiner, AiméRichter, Schmidt, à Dresde; Blasius Hœfel, Exter,
à Vienne; Scbwerdtflehner, E. Grseff, Obermuller, C. Deis, dans
d'autres villes.
Ajoutons les éditions illustrées les plus récemment publiées dans
divers pays, et dont la plupart a figuré à l'Exposition de Londres
de 1851, et à celle de Paris en 1855. Tels sont plusieurs ouvrages
sur l'architecture du moyen âge , ornés de belles xylographies,
imprimés chez M. Parker, d'Oxford, depuis 1851. — L'Histoire
de l'abbaye d'Altacomba, imprimé chez MM. Chirio et Mina, à
Turin; chaque page est entourée d'ornements imités des manu-
scrits du XV" siècle ; les gravures sur bois sont multipHées par la
galvanoplastie. — Parmi les ouvrages imprimés en 1851, en arabe,
en turc et en persan, au Caire (l'ancienne Memphis), il y en a
quelques-uns qui sont ornés d'arabesques exécutées typographi-
quement. Ceux-là sont imprimés sur un papier particulier, fabri-
qué à Boulac (faubourg du Caire) par l'ancien procédé des cuves, et
qui rappelle le papier Chinois. — Le Catalogue ojficiel descriptif
et illustré de l'Exposition de 1851, publié chezM.Clowes de Lon-
dres, et le Catalogue illustré de l'Exposition de New- York en Amé-
rique. — Les traités scientifiques illustrés qui font une spécialité
dans laqueUe se distinguent honorablement MM. Frédéric Vie-
weg, à Brunswick, M. Victor Masson et MM. Claye et Lahure, à
Paris. — L'architecture militaire du moyen âge de M. Viollet-Le-
Duc, avec 153 gravures sur bois, et le Dictionnaire raisonné du
Mobilier français de l'époque carlovingienne à la renaissance, du
même auteur, orné de gravures sur acier et sur bois et de chro-
molithographies ; tous les deux imprimés chez MM. Bonnaventure
çt Ducessois. — Les musées de Rome chez M. Claye ; — les trois
167
règnes de la nature, édition illustrée par M. Curmer ; — PHistoire
de llmprimerie, deux volumes avec texte encadré , spécimen de gra-
vures sur bois, tirés en noir et en couleur à la mécanique, par M*
Paul Dupont — Mais surtout La Touraine historique et pitto-
resque, magnifique volume dans lequel sont représentés en perfec-
tion la typographie, la gravure sur bois et sur acier, et la litiio-
chromie, a été imprimé chez M. Mame, à Paris.
Maintenant il ne sera peut-être point déplacé de citer quelques
réflexions de M. Léon de Laborde sur la typographie illustrée (<) ;
les voici: «H pense que l'introduction des gravures sur bois dans les
livres n'a point renchéri les éditions nouvelles ; et, ajoute-il, pour
la première fois depuis trois siècles elles ont offert l'exemple du
luxe réuni àla modicité du prix. Tel livre qui, tiré à 1200 exem-
plaires, dans les conditions où se trouvait l'imprimerie il y a 20
ans, aurait présenté à l'éditeur un prix de revient de 3,000 fr. à
côté d'un bénéfice possible de 2,000 fi:., a été imprimé avec tant
de richesse, sur un papier si beau et avec une telle profiision de
gravures, que les firais d'éditeur se sont élevés à 200,000 fi*. Tiré
à 1200 exemplaires il n'aurait pu se vendre, car chaque exemplaire
aurait valu plus de 200 fr. ; mais imprimé à 15,000, il entrait dans
le commerce à raison de 20 fir. l'exemplaire, et l'édition rendait au
libraire 100,000 fir.de béné&ce.
« C'est d'après ces bases qu'est devenue possible et qu'a été faite
la publication du Testament, des Evangiles, de Gil-Blas, de l'Imi-
tation, de Paul et Virginie, de Mohère, de Don Quichotte, de Ma-
non Lescaut, de l'Histoire de Napoléon, de Béranger, de La Fon-
taine, et celle de tant de beaux livres. »
Tel est, en général l'état florissant de la renaissance de l'artxy-
lographique, état qui rappelle celui du XYI* siècle, où il avait pris
sa plus grande extension. Cependant la xylographie de notre épo-
que n'est plus la même que celle du temps des Durer et des Hol-
bein, sous le rapport des procédés et de la manière.
Procédés et genres de la xylographie* C'est dans
la seconde moitié du XYIH* siècle que se manifesta un change-
{\} Rapport snr PExpositton de 1^99.
ment dans la gravure snr boig, opéré surtout par un autre procédé
introduit dans k partie technique de cet art; procédé qui sépare
probablement pour toujours la nouvelle méthode de graver de
l'ancienne, tant pour le travail que pour Temploi.
Les anciens graveurs se servaient pour leurs planches de pln-
sienrs espèces de bois, telles que le comier, le pommier, le hêtre,
le poirier et le buis. On conserve dans la Bibliothèque de la ville
de Bàle une planche de buis contenant une magnifique gravure de
Lutzelburger , représentant Erasme appuyé sur un terme, et des-
siné par Holbein le jeune. Cette planche est encore si bien conser-
vée, qu'elle donne des épreuves supérieures en pureté à celles qui
ftirent tirées alors, ce qui provient, de ce qu'on imprime mainte-
nant avec plus de soin.
L*on se sert aujourd'hui généralement de Inds, dont fe grain est
plus compact et plus serré.
Autrefois, quel que fllt le bois employé, on gravait sur une des
feces dans le sens dnfil du bois ; aujourd'hui on ne grave que sur
le bois debout, pressé et préparé convenablement Tt en résulte que
le bois conserve toute sa force, et que ses fibres ne sont pas sujet-
tes à s'égrener sous Feifort des outils, comme cela arrivait souvent
lorsqu'on gravait sur le bois de fil.
Cet important perfectionnement est dû à Thomas Bewick, qui
paraît aussi avoir introduit l'emploi du burin dont on se sert
maintenant. Les burins et les échoppes ont remplacé les pointes
faites de ressorts de pendules et d'autres outils en usage autrefois,
pour faire les tailles, les entre-tMlles, les coupes et les recoupes.
Lorsque la surface à graver est bien dressée et parfaitement unie,
elle reçoit le dessin, soit directement par la main du dessinateur,
soit au moyen du décalque d'un dessin fait sur papier, ou
d'une épreuve de la vignette qu'on veut reproduire. Le dessin ou
le calque étant terminé sur la planche, on recouvre ceBè-ci d'une
feuille de papier coDé par les bords, et dont on déchire successi-
vement de petits morceaux, à mesure que la gravure avance, ce qui
reste de papier servant à inrotéger le dessin, que le frottement de
la main pourrait effiicer. On grave le corps des figures, avant de
graver le dehors de leurs contours. Lorsque tous les détails sont
faits, on marque fortement le bord des contoors, ell'on dégage en-
i69
tièrement la gravure, c'est-à-dire qu'on creuse profondément les
vides qui n'ont pas de dessin. Tous les genres de tailles sont em-
ployées, les hachures parallèles et les hachures croisées, simples
ou doubles, dans tous les sens.
Quelques artistes habiles produisent des e£fets admirables par
des hachures parallèles, renflées ou amaigries à propos ; d'autres
se contentent d'un seul croisement de traits et l'emploient avec
bonheur ; d'autres enfin, surtout en Allemagne, imitent parfaite-
ment la manière des anciens maîtres de l'école allemande. Au
moyeu de noirs pleins et de lumières habilement ménagées, on
produit en taille d'épargne un effet prodigieux et une grande fraî-
cheur de tons; mais malheureusement on ne réussit pas aussi bien
à reproduire la finesse et l'harmonie des demi-teintes.
Ce qui contribue encore à distinguer la xylographie moderne,
c'est le tirage. «Au commencement du siècle, dit M. Firmin Didot (*),
M. Charles Wittingham fit par^tre ces charmantes éditions, édi-
tées par M. Pickering, qui ont rendu célèbre la Chistoick-press.
Personne jusqu'alors n'avait imprimé aussi parfaitement les gravu-
res sur bois, en appliquant avec avantage les hamses et les décou-
pages pour obtenir les gradations dans les teintes. Ce succès en-
couragea les graveurs à donner aux tailles sur le bois une finesse
inconnue au temps où Albert Durer était forcé d'employer de lar^
ges tailles nécessitées par la rugosité du papier et l'imperfection
des presses. »
En général, on cherche à rendre aussi bien que possible le des-
sin à la plume, la gravure à l'eau-forte, et celle au burin. On a fait
aussi quelques essais pour imiter Vaqua tinta. Dans le Musée des
Familles de 1845, il y a deux planches très-remarquables dans ce
genre: l'une de ces planches représente des artilleurs à cheval,
l'autre un petit garçon couché dans la neige au pied d'un arbre et
à côté d'une cage contenant un hibou ; cette planche porte pour
souscription « un futur milhonnaire. » Ces deux dessins sont de
l'invention de Charlet , qui les avait faits peu de jours avant sa
mort
MM.Haase,àPrague, ont parfaitement réussi â reproduire par
[i] Rapport sur l'Exposition 1854.— L'imprimerie, la librairie et la papeterie; Paris,
4854, iii-8*. page 46.
170
la presse typographique les genres suivants : les desfttHs au Uf¥lj^ii
lithographique, les différentes manières de gravwre en todUe^ddUôe,
les gravures faites au moyen du tour à guiUoeher , et dn procédé
Collas, tous propres à être intercalés dans le texte, ou à être im-
primés séparément
Un genre particulier de xylographie très-répandti, snrtottt dans
le XVI' siècle, c'est celui qu'on nomme camaïev (corrupticu de
caméhuitty nom que les Orientaux donnent à l'onyx, pierre à e<«i-
ches de différentes couleurs). Ce genre de gravure sert à imiter
les dessins faits sur papier teinté et rehaussé au crayon blanc. Les
Italiens le nomment clair-obscur. On l'appelle aussi ^avnre à
plusieurs taflles, ou gravure à taille d'épargne et à rentrées, par
opposition à la gravure xylographique ordinaire à une set^ taille,
c'est-à-dire à une seule planche, tandis que pour le genre e amiideu
on se sert de plusieurs planches qu'on appelle taflles.
Lorsqu'on veut exécuter un dessin dans ce -genre de gfavtire, on
trace d'abord sur une des planches le contour du dessin, et on
th-e plusieurs épreuves sur papier, que l'on décalque toutes fraî-
ches sur les autres planches qui doivent être de la même grattïdeur
que la première. Sur chacune de ces épreuves on marque au pin-
ceau les masses des dégradations de teintes qui composent ïe des-
•isin, de manière que la première planche représentant le ton gé-
néral et les lumières, la seconde planche doit rendre les demi-
teintes, la troisiènje les ombres ordinaires, et la quatrième, s*B y a
lieu, les ombres les plus prononcées. On peut se servir de deux
planches seulement, ou de trois, ou de quatre et même d'un pins
grand nombre, suivant le caractère du dessin. Lorsque îes masses
dessinées sur chacune de ces planches sont évidées et dégagées,
on les détaille par des hachures, mais moins délicatement que
d ans la graviu-e sur bois ordinaire, en prenant soin toutefois que
les rentrées d'une planche à l'autre soient bien exactes, Tune de-
vant compléter l'autre. En tirant les épreuves sur papier, les plan-
ches se placent successivement, et en suivant le même ordre que
nous avions indiqué pour la gravure, dans un châssis de bois cor-
respondant au cadre qui soutient le papier, on bien eny adaptant
des points de repère.
Ce genre de gravure sur bois est très-ancien et a été probable-
\1\
îhfent pratiqué dàhs le XV sièclte, à èà jùgèf d*aprè's queîqMâ li-
vres qui èontienne'nt des imprêsâîons obtenues par plusieurâ plan-
ches; mais l'inventeur n'en est point connu. Vasàrî l'âttribùe àÏÏgo
de Capri, qui vivait vers 1500. « Ce peintre médiocre, dit-il (Îmis
la vie de Marc- Antoine, mais homme d'un génie subtil, découvrît la
manière de ^àVer en bois des estampes qui paraissent colôrîë'e^
en clair-obécur. Son procédé consistait à employer deux planches
dont l'iule servait à marquer lés contours et les ombres, et l'autre
à appliquer la couleur. Les lumières étaient obtenues au moyen
du blanc du papier que les tailles laissaient intact. Ugo exécuta de
cette façon, d'après un dessin de Raphaël, ime Sybîlle assise èVli-
sant àlâ Itieur d'une torche tenue par un enfant. Encourag'é par te
Sûccèâ , tJgo imagina de faire des estampés avec trois planches :
la première produisait les ombres, la seconde les demi-teîntes, et
la troisième les lumières. Ugo, ayant réussi dans son nouVèl ëséaîs,
grava Enée portèbtson père Anchise pour le sauver de l'èmteàse-
meAt de Troie, uùe Descente de croix, et l'Histoire de Simon le ma-
gicien, désignée par Raphaël. Il publia également la mort de Crdiath
et la faite des Philistins d'après un dessin de Raiphaël, tïné Vé-
nus joaant £tvec des Amours , un Dîogèrie , et une foule d'àùttes
pstàimpes en clàir-obscur. »
Cependant les plus anciennes épreuves en camaïeu, pot^t
une date, qui soient venues jusqu'à nous, sont deux gravures
de Lacas Cranàch , représentant l'une un saint Chrîstôpbe , et
Tantre l'Amour et Vénus, toutes les deux marquées du milléfeîWe
de 1506. La plus ancienne gravure en clair-obscur d'Ûgô rfé
Capri porte la date de 1518 ; elle est par conséquent de beau-
coup postérieure aux deux précédentes. On cite même dès ba-
vures en cam^'eu d'un graveur allemand, Jean-Ulrich Fiîgrîïft,
qui vivait dans le XV* siècle , et que les Français nomment le
maître aux bourdons croisés.
On possède encore d'autres estampes en canialeu de Lucas
Cranach : ce sont le Martyre des Apôtres , saint Antoine , une
sainte Famille, le Repos en Egypte^ Adam et Ève, samt Jérôme,
toutes de 1509; — un saint Christop(Ke et un saint Jérôme de
1516, et 4 feuilles de tournois. Parmi les autres graveurs alle-
mands du XVI* siècle qui ont exécuté des gravures en clair-
l?2
obscur, nous nommerons principalement Burgkmair, Dienecker,
George Matheus, Laurent Stœr, Albert Aldorfer. En Hollande,
il y a Henri Golzius, Christophe Jegher, Abraham Blœmsert,
P. Moreelsen.
Mais ce fut surtout en Italie que ce genre de gravure pros-
péra, et Ugo eut de nombreux imitateurs : André Andreani,
Balthasar Peruzzi, Francesco Mazzuoli, Antoine de Trente,
Domenico Beccafumi; Vecelli dit le Titien, Jean Gallus, Do-
menico Falcini, Peuozzi, Christophe et Bartolomi Coriolan, etc.
Le comte Antoine Maria Zanotti (florissait de 1720 à 1740), à
Venise, remit dans le XVIH" siècle de nouveau en vogue ce
genre qui avait été abandonné presque totalement dans le XYH*
siècle. Ses gravures en clair-obscur, au nombre de 70, sont
généralement faites d'après Baphaël et le Parmesan. Le camaïeu
ftit aussi cultivé dans ce siècle, en France par Bussink, Matthieu,
Papillon, Lesueur ; en Angleterre par Jean-Baptiste Jackson et
Edouard Eirkall ; en Allemagne principalement par F. -G. Gu-
bitz , qui a exécuté en camaïeu quelques belles estampes dont
une principalement en couleur.
Le genre camsû'eu ou clair-obscur a trouvé son appUcation plus
tard à l'impression polychrome , dont nous avons parlé plus
haut.
Dans l'ouvrage publié à Saint-Pétersbourg, en 1854, sous le
titre < Les Antiquités du Bosphore cimérien, > chef-d'œuvre
typographique (') , il y a deux vignettes gravées sur bois, cou-
ronnant le texte du second volume, qui sont d'un genre d'im-
pression particulier. L'une de ces vignettes représente la vue de
Kertsch , l'autre le mont Mithritade ; les premiers plans de ces
^ sites sont imprimés en noir, les lointains le sont en brun, et le
ciel et les cimes neigeuses des montagnes en bleu clair, agen-
cement de couleurs très-heureux, et qui fait un bel effet.
Déjà avant 1823 , le célèbre Applegath , en Angleterre, pour
imiter les gravures coloriées ordinaires , procédait par juxtapo-
sition, en se servant de plusieurs planches de bois, intercalées
les unes dans les autres, et imprimées d'un seul coup à la presse
(1) On trouvera les détails dans l'article sur la lithographie.
173
typographique ; genre d'impression qu'on appelle en Angleterre
œmpound prinUtu/j ou impression composée, et qui a du rapport
avec le procédé dit à la congrève , inventé plus tard. Applegath
publia, au moyen de sa méthode, des feuilles couvertes d'ima-
ges pour les enfants.
On ne s'est pas arrêté à la reproduction exacte des dessins
de maîtres, on a aussi imité typographiquement le texte d'an-
ciens et précieux manuscrits. A cet effet , on copiait les lettres
trait par trait en les gravant en acier pour les mouler ensuite,
et on appelait ces impressions, obtenues avec ces lettres, impres-
sions fac-similé (Facsimiledruck). Le premier produit de ce genre
fut fait en Italie, par le graveur et fondeur de lettres Manni, en
1741 ; c'est le Virgile dit des Médicis ; Florence, petit in-4", dont
quelques exemplaires sont imprimés sur vélin. Les Anglais s'oc-
cupaient particuHèrement de la reproduction de manuscrits rares ;
le premier ouvrage important qui fut publié en Angleterre était le
Dmnesday Book , qui avait été écrit en deux volumes par or-
dre de Guillaume !•', et que la Chambre des lords fit copier eu
1783 par Farley, et imprimer par Nichols. Bientôt après parut
le Nouveau Testament tiré du Codex Alexandrinus , du Brittish
Muséum, publié sous la direction du docteur Woyde, et im-
primé sur vélin en 10 exemplaires seulement Les quatre Évan-
giles et les Actes des Apôtres d'après le manuscrit de Béza, que
le docteur Kipling publia à Cambridge en 1793, sont un chef-
d'œuvre typographique. Les mêmes types servaient à une édition
des Psaumes, qu'un des bibliothécaires de ce Musée publia en
1812 (*). La lithographie , l'impression anastatique et d'autres
procédés dont nous parlerons dans la suite , ont été substitués à
ce genre de reproduction difficile et dispendieux.
Procédé pour imiter on pour remplacer la gra«
▼are sur bois* En considérant la fragilité de la matière em-
ployée dans la xylographie , les planches de bois si faciles à se
fendre, les traits reliefs si délicats, qui ne supportent pas indé-
finiment le travail de l'impression sans s'altérer, on comprend
(1) Dr. Falkenstein, déjà cité, page 372.
174
^u'oç aî^ c]^fTcihfi depps loqg^mps des moyens de cqn^çiry^
les pl^çl^eç ori^ales, ou de les remplacer par une matière
plus solide. Aussi a-t-on de bomie heure beaucoup gravjé sur
méta^ su];i;out en France et en Italie , et on a cherché à repro-
duire les planches de bois gravées, au moye|i du polyt]^age et
par des clichés de toute nature. Quelques, procédés ont été dé-
crits plus haut; nous en indiquerons encore plusieurs autres.
M. F.-J. Holfinann de Schelestadt, en 1792, prit un brexet
pour une invention qui avait pour but la gravure en relief des
cartes géo^aphiques. Son procédé consiste à recouvrir une
planche de cuivre d'une couche terreuse de l'épaisseur d'une
li^e; cette couche est composée d'ocre, de sel de tartre et
d'une bonne dose de gomme arabique , le tout délayé dans du
vinaigre ; on forme la couche en plusieurs fois , en fusant sé-
cher chaque fois la planche dans une étuve, après quoi on
trace sur cet enduit, devenu très-dur, la carte ou tout au-
tre dessin dont on veut avoir le plan en relief. Le tracé fini,
on met la planche pendant 24 heures dans une cave un peu
humide. Le sel de tartre , tombant en déliquescence , ramol-
lit la terre et la rend propre à être coupée avec de petits
instruments fsdiriqués pour ce travail. On a soin de creuser jus-
qu'au cuivre, et, la gravure terminée , on laisse de nouveau sé-
cher la couche. On obtient par ce moyen un creux, une matrice
dç la gravure , dont on prend des clichés par le procédé poly-
typique ou stéréotypique ordinaire. M. Carez, imprimeur à
Toul, ignorant ce procédé, a pris en 1827 un brevet pour un
procédé de gravure en relief qu'il nomme pantoglyphie , et qui
ne djb^re de celui de Hoffinann que par la couche dont il re-
couvre la planche.
Depuis longtemps de nombreuses tentatives ont été fai-
te% i^>ur obtenir des gxAvures en relief sur métal par l'em-
ploi des mordants. Les anciens maîtres y avaient songé, et
quelques vignettes, dont les épreuves existent dans les cabinets
de§ çudeux, ^mblent ne laisser aucun doute à cet égard. A
Parii^ les frères LaïQJbert et M. Girardet paraissent avoir eu re-
cours à ce moyen au commencement de notre siècle. M. Carez
de Toul élève les mêmes prétentions , qu'il fut remonter à
176
18ÛiL II procédait de la même manière q[ue le graveur à Peau-
f^rte; maia ce procédé a rincouvément que la morsure se fait
laténtewent aussi bien qu'en profondeur. H. Dembours à Metz
perfiMStionna en 1834 ce procédé : il dessinait avec du vernis et
un pinceau et faisait mordre avec l'acide nitrique à 18* , s'il fai-
sait chaud, et avec 20", s'il faisait froid. M. Deleschamps recom-
mande hglyphogène suivant : 2 onces d'acide nitreux à 30®, 6 gros
d'acétate d'argent et 16 onces d'éther nitreux hydraté. MM. Collas
et Boqoillon ont ég^ement fait des essais dans la gravure re-
lief pour la rendre aussi parfaite et aussi économique que la taille-
douce. M. Eberhard à Darmstadt a substitué le zinc au cuivre. M.
DuQ«at-Karat a publié en 1842 un procédé pour fournir des plan-
ches imitant la gravure sur bois: il consiste à recouvrir une plan-
che de cuivre de vei^jds de graveui* , à la graver à la manière
ordioaire, après quoi on la fait mordre avec l'acide nitrique.
XjvjX ensuite enlevé le vernis et nettoyé complètement la plan-
che^ onPeacre àl'aide d'ua tampon employé par les graveurs sur
boi&f puis on la saupoudre avec diverses substances en poudre qui
adhèrent au vernis et forment déjà un relief sensible; des appo-
sitions successives d'encre grasse et de la substance en poudre Re-
lèvent au degré voulu. Quand la planche est ainsi préparée, on la
cliché^ et au moyen du brunissoir ou du charbon, on peut dimi-
wmt ou aiig^iienter les vigueurs. M. Dunant-Narat a appliqué son
procédé à Viîltisiration de plusieurs ouvrages , où l'on a pu multi-
plier beaueoug? lès figures, vu le prix peu élevé auquel on peut ob-
tenir les gravure& La diâerence de prix est généralement de 40%
pour certaines gravures, eUe s'élève même à 50%.
M. Jobard, de Bruxelles, décrit en 1839 un procédé (*) assez
semblable au précédent, pour imiter sur cuivre la gravure sur bois.
Voici en q^voi il consiste : on dessine sur du cuivre avec une plume
métallique très-fine et une encre composée de vernis de graveui*
(iisaous dans de l'essence de lavande à consistance de «crème. Il
to avoir soin d'essuyer le cuivre avec de l'essence de térében- ^
thine ou de l'eau de savon pour empêcher l'encre de s'étajer; ou
obtient de cette sorte des traits comparables par leur finesse à ceux
(1) Rapport sur ^E\pu^ition iVaiiçaise du ]S;-t9.
I
J
u_^
176
de la taille-douce. Il s'agit ensuite de faire mordre lentement,
mais profondément, le cuivre. On obtient alors un relief qui peut
se polytyper ou s'intercaler lui-même dans le texte. Le pointillé,
l'entrecroisement des tailles et la facilité des corrections sont le
propre de cette méthode. M. Jobard a fait de cette manière, le
portrait en pied de David, et un cul-de-lampe très-fini.
Un avantage qu'offire cette méthode pour les dessins qu'on veut
multiplier à Tinfini , c'est de graver de la sorte le dessin en ques-
tion, de couvrir un rouleau de bois avec la planche de cuivre plo-
yée sur la circonférence, de l'encrer avec un autre cylindre ju-
meau, et de l'imprimer sur un papier continu. Une gravure de
ce genre s'imprimera d'autant mieux, qu'elle sera plus générale-
ment couverte de tailles pressées, sans espaces entièrement blancs,
n y a plus, c'est qu'après l'avoir fait mordre à l'acide, il n'y aurait
qu'à la préparer lithographiquement, afin de donner aux creux de
l'antipathie pour l'encre grasse, de sorte que, si la planche venait à
s'empâter, un peu d'eau et d'essence de térébenthine suffirait pour
la nettoyer, comme cela se fait pour la pierre et le zinc lithogra-
phiques.
Ce sont surtout MM. Andrew, Best, Leloir, à Paris, qui em-
ploient le cuivre pour la gravure en relief, et qui reproduisent sur
ce métal, moitié à l'eau-forte, moitié au burin, mais toujours en re-
lief, des sujets d'histoire naturelle, des détails anatomiques avec
une grande habileté (*).
Voici un autre procédé auquel les inventeurs, MM. Firmin Di-
dot frères ('), ont donné le nom de Chrysoglyphlea Sur une
planche en cuivre recouverte du vernis ordinaire des graveurs, on
fait mordre, au moyen d'une eau acidulée, le dessin qu'on y a tracé
& la pointe; on ne fait mordre qu'une fois, afin que la profondeur
des tailles soit la même partout, puis on enlève le vernis qui re-
couvre les parties non mordues; cela fait, on revêt la planche d'une
couche d'or, soit par l'action de la galvanoplastie, soit en employant
la dorure au feu. On recouvre alors d'un mastic inattaquable aux
acides toute la surface de la planche, que l'on chauffe en des-
(1) M. Léon de Laborde, Rapport sur l'Exposition de 1839.
(2) Brevet d'invention du mois d'avril, 1854. Voyez l'imprimerie, la librairie et la
papeterie de M. A.-Firmin Didot, 1854, p. 3S.
177
S0U8 pour que le mastic pénètre bien dans toutes les parties
creusées ; puis, avec un grattoir à graveur, on enlève à h^ surface
de la planche le mastic, qui ne reste que dans les parties gravées.
On frotte ensuite avec une pierre ponce ou un charbon la sur-
face de la planche, pour enlever l'or, en sorte que le cuivre est
mis à nu partout où le dessin n'est pas préservé par l'or et le
mastic qui recouvrent les traits. Alors, au moyen de morsures
réitérées, on attaque le cuivre à des profondeurs diverses, selon
le besoin, et on emploie l'échoppe ou la scie à repercer là où il est
nécessaire.
Essais polytjpiques de M. Jobcurd ('): Il suffit de se
procurer une plaque de fonte, que l'on fait border de quatre peti-
tes règles de métal dépassant la surface de la table d'un demi-milli-
mètre environ; sur cette plaque on coule une composition de cire,
de savon, de suif, et peut-être de plâtre moulu; onrégalej com-
me on dit, cette composition à l'aide d'une règle en fer chaufiFée
qui, appuyée sur les rebords, n'en laisse qu'un demi-miUimètre
d'épaisseur sur toute la plaque. Sur ce magma refroidi on n'a
qu'à écrire ou à dessiner avec une pointe de fer tenue per-
pendiculairement et pénétrant jusqu'au métal; il faut que la
composition se coupe net comme du savon de Marseille. Quant
la gravure est terminée, on remonte les règles latérales de deux
centimètres, à l'aide de vis, et on coule sur cette planche une
composition de plâtre et d'alun calcinée ; on fait pénétrer à l'aide
d'un blaireau dans les traits de la cire, et on la laisse prendre ;
le plâtre acquiert la dureté de la pierre. On aura de la sorte
une forme en relief inverse, qui donnera autant d'épreuves que
l'on voudra, par la méthode d'impression suivante: Encrez la
forme à l'aide d'un rouleau de gélatine et une encre convenable,
posez la feuille de papier, et passez par-dessus un autre rouleau
propre de même composition ou une brosse.
La CHtalcotypte^ autre procédé dé gravure en relief, inventé
en 1851 par M. H. Heims, de Berlin, consiste à recouvrir une plan-
(i) Rapport de 1839. p. 322.
8*
178
elle de cuivre d'i^ç^couche. mince de vernis orfl^mâi'e, sur Laçtuelle
op, dçi^siûg. avec i^ç çijinte comm^ 8|W'Upapier ; puis, par les mo-
yens que fournit la chimie la plus élémentaire, le djç^fijin de la
pj^che est reproduit en relief, propice au tirage sou^ la presse ty-
pographique. Les dessins les plus délicats, faits par. les artistes
eux-n^êmes, peuvent être reproduits de cette manière, sans
perdre la, fidélité, ou la pureté de l'original; ils imitent parfaite-
ment le travail à la plume ou à l'eau-forte. M. B. Bçhr, éditeur à
Berlin et à Paris, a publié en 1856 un Album faç-^rniie des
Artistes contemporains, exécuté en chalcotypie et impç^é à la
presse typographique.
Pour le clichagei on a employé avec avantage la gi^tt^pe;rcha
dansla confi^ction des matrices. On est allé plus loin encore, et on
s'est ^^^ de la gutta-percha pour former les vignettes elles-mêmes
qui doivent servir à l'impression. C'est de cette substance qu'on a
tait de grai^des lettres pour affiches et pour des litres de livres,
ainsi q^e des fleurons et des vignettes. Dans le manuel de l'im-
primerie de M. C.-A. Franke, publié à Weimar en 1855, on voit
figurer un portrait de Gutenberg , imprimé très-nettement av^
une vignette en gutta-percha, qui a supporté le tirage d'une forte
édition sans s'altérer.
Dès 1832, M. Michel, à Paris, avait exécuté des clichés en bi-
tume qui reproduisaient parfaitement les types originajgi^, MM.
Mauchin et Moret, de, Londres, en 1851, ont également rj^pduit
des vignettes semblables^
JJji, ouvrier e^ stéréotypie attaché à l'Imprimerie impériale de
Vienne, vient de faire une remarque intéressante : c'est que les
moules faits en plâtre préalablement dissous dans l'eau,^ o,u mieux
encore dans l'esprit-de-vin, se rétrécissent uniformément Basant
sur ce fait son procédé, il est parvenu à livrer des réductions de
typographie, de xylographie et de médailles^, en les d^inuanl; 4Çi
grandeur par douze degrés, ou à peu près 3 sur 1" de diamètre,
et sans que les proportions ni la netteté en souffrent
Npus papfberons sous silence d'autre? méthçdç^ qui nou^j^^-
sefljt .moins, pratique^, Les procédés chimiques sur pierre li^<?gra-
phique, et les procédés électrotypiques pour remplacer les gravu-
res sur bois, seront mentionnés plus loin. Parlons encore, de quej^
ques emplois particuliers de la xylographie.
17«
L^t^pograpisetetlesitieMux-aol» profitent largement de Ia.|^-
mre stir Ikos, nads^iSQnieinploi s'étend encore plus loin, hicois^?
meroe etl'indastrie en^ lusent également. Outre les différentoaina*-
pressions- plus ou- moins: ornées de gravures dont se serventies.
c«9i^agmes.commerciales de tous genres, il y a encore les cai^tiea:^,.
leer^retieurs, les fabricants de papiers de fantaisie, mais surtout .ks
mannfjâctures de papiers-tenture et de tissus peints qui fon^ ua
usage très-grand de lagravure en relief sur bois et sur métal
Fapttevd pjBiIntfti 0t. tl««u8 peints. L'art du papier peint
nous est venu de Chine, et il parait que les Anglais furent les pre-
miers qui Fimperàèrent en Elurope. La fabrication du jxapier-
tenture commença, dans ce dernier pays, par le papier velouiié,
fonnant- ainsi une suite naturelle des étoffes précieuses qui ser-
vaient autrefois de tapisserie et de garniture de meubles. Ce ftit
un sieur. Lefrançois (*}, établi à Rouen en 1620, qui fit la décou-
verte du ps^ier velouté, découverte que les Anglais attribuent à
Jérôme Lanyer, qui obtint sous le règne de Charles I*' une pa-
tente datée du l""' mai 1634.
A Augsbourg il y avait Abraham Mieser (*) (né en 1676, mort
en 1742) qui le premier «fabriqua du papier impriméen couleur, en
or et en argent^ au moy^n de formes gravées en relief sur boi&,ou
sur cuivre jaune.
Au XVIII' siècle on vendait en France une sorte de papier sur
lequel, au moyen de planches de bois et de patrons découpés, ou
avait impcimé et peint avec des couleurs, différents dessins de per-
sonnage^ de fleurs et. d'ornements; ce papier se nommait do-
mino, et ceux qui le fabriquaient dominoUers ('). Il ne servait qu'à
couvrir les coffres et coffrets en carton.
Le papier peint proprement dit était à peine connu e& 1 760 , en .
France (*); on se servait ordinairement du papier anglais.
(i) Dictionoaîre de comuot^rce et de marchandise, Paris 1839. — Rapport sur les
papiers de tentures, de l'Exposition de Londres de 1851, Paris 1855.
(2) Kunst- und Handwerk-Geschichte der Stadt Augsburg, vonPanl von Stetteu.
1779, page 258.
(3) Dictionnaire portatif des arts et métiers, Yverdon, iTÔI*.— DictionwuirotocliBQ^
lo^ue, Paris 43^
(I) DictàoimatffisdQ l'IndJUA^ie, Paris, au U^
180
Lorsqu'on commença, en Angleterre, la fabrication du papier
peint, le procédé chinois fut d'abord appliqué, c'est-à-dire l'im-
pression préalable des contours, puis quelques teintes plates, dites
géométrales. Ce ne fiit que vers 1785 que Béveillon {% de Paris,
porta cette fabrication à un assez haut degré de perfection. Dès
cette époque on fit des progrès rapides, et maintenant, grâce au
concours d'artistes et de fabricants intelligents, on imite à s'y mé-
prendre tous les genres de peintures, en se servant quelquefois
Jusqu'à cent planches, suivant le mélange et la variété des couleurs.
Les papiers peints ont été précédés par les tissus peints , qui
sont également d'origine orientale.
Les Portugais, qui découvrirent les Indes, n'en firent connaître
en Europe que les produits; il était réservé à un peuple plus in-
dustrieux, les Hollandais, d'y importer les procédés de leur fabri-
cation. Ces toiles, connues sous le nom de perses ou indiennes, n'a-
vaient d'imprimé que le trait; les sujets étaient coloriés au pinceau.
A la suite des troubles religieux, les Français réfugiés en Hol-
lande (*) s'appliquèrent avec succès à la toile peinte, et paraissent
l'avoir exportée de ce pays dans la Suisse et en Allemagne. Selon
M. Thompson, c'est un réfiigié français qui établit la première fia-
brique à Richemont, sur la Tamise, en 1690. Ce fut aussi un réfu-
gié français qui introduisit cette industrie à Neuchâtel en Suisse,
en 1689; c'était Jacques Deluze, natif de Saintonge. Sa fabrique
prit un tel développement, qu'en 1750 son fils se vit à la tète d'un
des établissements les plus considérables du continent.
Dès ce moment la concurrence se créait, et de nouveaux fabri-
cants s'établirent à peu de distance, ou passèrent en Allemagne,
en Portugal, en France même. Mais les fabriques en Alsace ne
firent de véritables progrès qu'à partir du moment (1746) où ils
s'entourèrent d'imprimeurs et de graveurs de Neuchâtel et de
Genève.
Dans cette dernière ville, les Fazy et leurs successeurs, les Petit
et les Labarthe, possédèrent des fabriques très-florissantes. Le
Genevois Frey (1740) élevait la première fabrique d'indiennes
(1) Dictionnaire de l'industrie, an IX.
(2) Voyez pour tous les détails de cette fabrication l'ouvrage classique, le Traité
théorique et pratique de l'impression des tissus, par J. Persoz, prof. Paris, 1846.
181
que la Normandie ait possédée. Cependant en Allemagne, à
Augsbourg(*), on avait déjà imité sur futaine, en 1523, les pro-
duits de l'Inde; mais il est probable que ce n'étaient que .des
peintures à l'huile. Ce n'est qu'en 1698 que ftit accordé à
George Neudorfer, de cette ville, le privilège de teindre en ga-
rance les tissus imprimés, n y avait aussi dans ce temps un fa-
bricant Jean-François Gignoux, natif de Genève (1692) qui se
distinguait surtout dans la connaissance des couleurs.
Jean Henri baron de SchtQe est généralement regardé comme
le créateur de cette industrie en Allemagne : il obtint l'autorisa-
tion d'établir une fabrique à Augsbourg en 1750.
L'art d'imprimer les tissus se perfectionna peu à peu dans le
courant du XVlll® siècle, et continua de progresser d'une ma-
nière remarquable jusqu'à nos jours, où il n'a point encore trouvé
ses limites.
Les procédés de l'impression du papier-tenture et ceux des
tissus ont entre eux beaucoup de ressemblance sous le rap-
port de la gravure et de l'emploi des planches, tandis qu'ils
diffèrent essentiellement sous celui de l'apphcatîon des couleurs
et des autres manipulations. Ce n'est que de l'emploi de la gravure
en relief que nous allons donner quelques détails.
Les bois dont on se sert pour la gravure des planches sont
les mêmes qu'on a désignés plus haut pour la xylographie, mais
on préfère le poirier pour les petites planches, le noyer pour les
grandes. Après avoir bien aplani les surfaces, les planches
passent entre les mains du metteur su/r hais, qui trace sur chacune
d'elles les traits de la couleur qu'elle devra imprimer. Ce tracé
fait, le graveur se met à l'œuvre, et nous rencontrons là les
mêmes outils que les xylographes en illustratiom ont relégués
depuis l'époque de Bewik, c'est-à-dire différentes espèces de
gouges, de pointes tranchantes, de bouts-avants, et le drille.
La gravure sur bois avait peu à peu remplacé le pinceau; à
(4) Stetten, page 254. Dans le mobilier appartenant à l'église métropolitaine d'Augs-
lH)urg da XV* siècle, il est fait mention d'étoffes imprimées, et les registres du fisc
de 1480 à 1495 contiennent le nom d'un imprimeur de toiles. Puis en 1523 il y est
qoesUon d'un imprimeur de futaine, Jœrig Hofman.— VoyezaussITh. Herberger's
friihere Industrie Augsburg's, 1852, p. 46.
182
celle-ci s'associa bientôt la gravure en creux sur cuivre, et plus
tard' la lithographie; mais la xylographie, relativement modifiée,
resta le plus généralement employée.
La nature fragile du bois ne permettant point d'arriver à pro-
duire des traits aussi déliés que les picots ou engrélures d'une
dentelle, sans risquer de les détruire >au premier coup de presse,
on pensa de substituer des picots en métal aux picots en bois.
« Ces picots en métal sont des fils de cuivre rouge ou jaune,
d'une longueur égale à deux fois la profondeur de la gravure, et
amincis en pointe à l'une de leurs extrémités. Le graveur^ muni
d'une petite matrice dans laquelle s'enchaîne le picot, l'enfonce
dans le bois jusqu'à la moitié de sa longueur au moyen d'un mar-
teau. L'heureux parti que l'on a tiré de l'emploi des picots a
bientôt conduit le fabricant à faire laminer des lames de cuivre
jaune de différentes épaisseurs, à les découper et à les enfoncer
dans le bois, en leur donnant la forme d'un ovale, d'un rond^ d'une
feuille, d'une arabesque, etc. On est arrivé ainsi à. produire sur
bois des lignes continues ou brisées aussi déliées que possible
et qui résistent aux chocs de l'impression sans se déranger.
« Ensuite on est allé plus loin : au laoyen de filières de l^iai-
noirs et de machines à gaufrer, on est parvenu à donner aux fils
et aux lames de cuivre des formes tellement variées qu'il suffit
de les implanter dans le bois, convenablement assemblés, poui*
former un dessin quelconque.
« On ne s'arrêta pas à cette amélioration. On avait remarqué
que, lorsqu'on imprimait des parties massives, les contours n'en
étaient pas nets, et que la couleur n'était pas répartie uniformé-
ment sur l'étoffe. Pour remédier à ces inconvénients, on implanta
dans le bois des lames de cuivre disposées de manière à former
le contour, de ces masses, et l'on remplit Je vide de feutre ou de
vieux châ.peaux, d'où est venu l'expression de planches, cha*
peaiidéeSfi
« Quelque temps après ce procédé dispendieux, on en a Bub-
stitué UAp^^8.,siTOle.: la pioche une^fois gravée on en imprègne
les parties .destinées à transporter sur l'étoffe des masses de cou-
leur, d'huile de lin bien épaissie, sur laquelle on répand, au mo-
ment où elle va se solidifier, de la tQnfme^ qu'on, tamponne avec
183
un chiffon. Voici la composition de l'enduit: 1 kiL huile de lin
siccative, 1 kH carbonate ploinblique, 0^,160 oxyde plombir
que , 01^)062 essence de t^ébenthine.
« M. Lefèvre, de OhaQijUy, ima^a, en 1827, une méthode dif-
férente et plus avantageuse. Au lieu d'implanter les formes eu
cuivre dans le bois, il les soudait à l'étain sur une plaque de cui-
vre fixée par des vis à une planche de bois ordinaire. Quand un
dessin ainsi établi avait cessé de tr(maiUer, on en dessoudait les
formes, dont on se servait, ainsi que de la plaque, pour de nou-
veaux sujets.
« Depuis la préparation des planches chapeaudées, la gravure
en relief était restée stationnaire ; on imprimait au rouleau tout ce
que les sujets représentaient de plus délicat; mais, en 1834, M.
Perrot inventa une machiue à l'aide de laquelle on réalisa méca'
niquement toutes les impressions que, jusque-là, la main seule de
l'homme avait pu produire. Cette machine ftit appellée la perro-
Une ('). »
Dès l'introduction de cette machine, la gravure en relief subit
une révolution : aux bois à dimensions réduites ou a fait succéd?x
les planches à grandes dimensions, car la perrotine devait donner
des coups de planche qui couvrissent lapièce dans toute sa.lon-
gueur. Cette méthode entraînait à des frais de gravure considé-
rables: une seule planche nécessite souvent plus de 80,000 picots
de cuivre, à raison de 1 fr. 25 c. le mille, et le même bois ne peut
guère produire, avec des contours suffisamment nets, au delà de
100 pièces de cent mètres. On faisait donc des recherches pour
remplacer la gravure en bois par un autre procédé, le cliché.
«Hofinann (*), de Strasbourg, en 1783, est le premjier qui avait
fait des tentatives dans ce genre. Comme il avait observé, }a. len-
teur de tout alliage fusible, surtout dç l'étain et du bismuth, à se
solidi^ej lorsqu'il a étç liqi^fié par la chaleui:, il eut l'idée deifoj^^
H) Cettç machine, d'aborijl iacumplète, a reçu successivemeiil, des perfcctu)impuii«iil;» .
Introduits par son in^nleur, de sorte qu'elle est parfaite aujourd'hui. M. Pcrrol, en
i^, a inventé une machine à imprimer quatre couleurs à la fois : le principe est le
Bièiuequ'à la perrotine.
(2) Voye% sur les procédés du clichage ce qui a été dit plus haut, Pt 174 pt sm>;4tite$.
-Persoz, II. 250-254. Le travail manuscrit de Hoffmann est déposé à la hibl. de la
ville de Slrostiourfr sous la date de i783; en 1792 il sollicita uii brevet d'Inventioq.
184
dre de cet alliage sur une plaque en fer et d'y appliquer, au mo-
ment où il allait se solidifier, une autre plaque gravée en creux,
dans les cavités de laquelle, moyennant une pression convenable,
il forçait cet alliage à pénétrer pour reproduire en relief le même
sujet Pour obtenir, par le même procédé, une gravure en creux,
il dessinait son sujet sur une planche en cuivre avecdeTocre
épaissie à l'argile, puis, fondant l'alliage au degré où il est possible
d'y plonger une carte sans la jaunir, il y appliquait cette plaque,
et par la pression reproduisait en creux dans la plaque d'alliage
fusible tous les traits dessinés à l'ocre.
« Plus tard, s'étant convaincu qu'il suffisait d'un petit nombre
de formes répétées et différemment combinées pour produire les
nombreux dessins, fleurs ou ornements adoptés dans l'impression
des tissus, il pensa que le nombre de ces formes n'était pas telle-
ment considérable qu'on ne pût s'en procurer des collections sem-
blables à celles des caractères d'imprimerie, à l'aide desquelles on
fût à même d'imprimer une grande variété de dessins, comme avec
les 24 lettres de l'alphabet on imprime tous les mots. Il se procura
donc lès formes primitives en cuivre et en bois, puis, formant une
pâte terreuse d'un mélange d'argile et de plâtre, ramollie par un
peu de gélatine, de fécule et de sirop de gommé, il l'étendait en
lame sur une plaque de fonte, y imprimait le dessin voulu au mo-
yen de ces formes primitives, et obtenait de la sorte une matrice
gravée en creux, dans laquelle il coulait, lorsqu'elle était bien
sèche, son alliage de bismuth, d'étain et de plomb. H parvint à
graver ainsi des dessins mouchoirs qui pouvaient s'imprimer d'un
seul coup. »
«Ce procédé est resté longtemps sans recevoir d'application en
grand ; les fabricants anglais ont été les premiers à en tirer parti.
Et malgré que M. Fries, de Guebwiller, ait apporté en 1827, de la
maison Dufay, de DubHn, des cachets en alliage iîisible, ce n'est
que vingt années après qu'on a porté la gravure en relief métal-
lique au degré de perfection qu'elle a atteint depuis sous le rap-
port de l'exécution et sous celui du prix de revient. »
Lorsque le dessin qui est destiné à une planche peut être dé-
composé en plusieurs groupes qui se répètent dans le même or-
dre, un seul de ces groupes est gravé en relief sur bois et forme ce
1Ô5
qu'on appelle le ccuihet Pour le multiplier, on en fait d'abord un
moule en plâtre, après l'avoir imprégné d'un mélange dfe deux par-
ties d'huile et d'une de suif à une température assez élevée. Ensuite
on prend de ces moules ou matrices des clichés en alliage fusible,
par des procédés ordinaires, plus ou moins durs suivant la résis-
tance qu'ils doivent offrir (*).
Comme la surface de ces clichés, opposée à la gravure, n'est ja-
mais bien égale, il convient de la planer ; à cet effet, on dispose
tous les cachets en deux rangées sur une machine à planer, en
coulant sur les côtés, pour les consolider, un mastic formé de trois
parties colophane et une de cire, et lorsque celui-ci est bien sec,
on réduit les cachets au même degré d'épaisseur à l'aide du rabot
à planer. Après quoi, on les fixe, au moyen de vis ou de clous, sur
des planches en bois.
Ce moyen de clichage, quoique très-avantageux, présentait
encore quelques inconvénients qu'on cherchait à corriger en em-
ployant le procédé suivant : Après avoir fortement desséché des
planches de bois pris de pointe ou perpendiculairement à l'axe, on
y implante, à une certaine profondeur, des lames ou des pointes
de cuivre jaune, représentant le sujet à graver, on les entoure d'un
cercle et l'on recouvre les parties en relief d'alliage. Ce métal, en
enveloppant les pointes de cuivre qui sont en saiUie, leur transmet
assez de chaleur pour que la partie enfoncée dans le bois le car-
bonise, et il suffit alors de retirer l'alliage métallique auquel se
trouvent soudées toutes les pointes, pour avoir une matrice au
moyen de laquelle on coule autant de cachets qu'on peut en dé-
sirer. M. E. Witz, de Cemay, a modifié quelque peu ce procédé
par lequel on est arrivé à diminuer sensiblement le prix de la
gravure.
On avait aussi fait des essais de produire des matrices en bois
dont le dessin en creux était comprimé par une série d'outils dif-
férents mus à la main, chacun d'eux représentant un détail de des-
sin à reproduire. Ces matrices servaient de moule pour en obtenir
des clichés ou cachets rehefs métalliques.
(i) L'alliage le plufr convenable pour la dureté, et pour résister le mieux aux cou-
leurs corrosives, selon M. J. Schlumberger , de Thann, est le suivant : 16 plomb,
S4.0 étain, 8 bismuth. Il est fusible à 150*. très-dur et très-malléable.
186
£q XQ^, m nouveau p^çlut fait, h bulletin de la Société d'en-
couragement (*) va nous le faire connaître: «L'art de la gravure
des planches d'impression des tissus était arrivé à ce point lors-
que, vers 1849, M. Schultz, dessinateur à Paris, importa en France
ridée d'origine anglaise de la machine dont nous allons donner la
description.
« L'appareil fut construit à Paris et fonctionna à Puteux chez
MM» Ber4oviUe, Larsonnier et Chenet
« On doit croire que les essais furent peu heureux, ou tout au
moins que la machine construite sur les indications de M. Schultz
était bien imparfaite, car le procédé de gravure qu'elle réalise ne
fut pas apprécié à Mulhouse dans les quelques ateliers où ou
tenta de l'introduire.
« MM. Heilmann frères, à Muhlhouse, ont repris les essais, et
c'est à leur constante persévérance, à leur étude approfondie du
procédé, qu'on doit la réalisation d'un système dont les résultats
spnt extrêmement remarquables. Voici en quoi il consiste :
« Unemon'taiseuse à jJcdaZedonne le mouvement à un outil tran-
chant de forme quelconque, mais répondant à un détail du dessin
vQ,ulu. Les dimensions de cette mortaiseuse sont plus réduites en-
Qpre que celles de la plus petite des machines analogues usitées
dans les ateliers de constructions ; cependant les dispositions es-
sentielles sont les mêmes. Un tube à deux branches lance constam-
ment deux jets de gaz convergents dans la direction de l'outil qui,
sous l'action de la flamme, s'échauflfe rapidement pendant sa
marche. Le bois dessiné qu'il s'agit de graver en creux est conduit
à la maÎQ et reçoit l'action de l'outil. Echauffé à une température
déterminée, celui-ci pénètre le bois à un;e profondeur constante
en le brûlant, et produit ainsi un creux dont les contours ont une
netteté et une régularité remarquables. On arrive de la sorte à
produire, en deux ou trois jours au plus, une planche ou une ma-
trice qui exigeait souvent un mois dans le système des bois avec
cuivres implantés en relief, et une semaine au moins avec la mé-
thode de gravure en creux par compression du bois.
« Le bois soumis . au travail de mortaiseuse doit être préparé
(1) BuUeliu de la Société d'eucouragement, etc. t. III, deuMième séckt , ii* 43*
JuiUet 1856. p. ki^
187
d'une ^9^^ ^f^ji,9^e, daus le but d'empêcher Ips fei^dillemem;^
»ous r^,(^ de l'outil brûleur et de la âamme de gaz. On prend
ordinairement dii tilleul de choix, et la préparation consiste da^^
une mise au foi^* conduite avec le plus grand soin.
< Les matrices obtenues à la mortaiseuse servent à la prodi^ction
de clichés en alliage, dont voici la composition : 7s plomb, Vs bis-
muth, Vs ziûc, */«o du tout antimoine ; cet aUiage, qui doit à l'anti-
moine une dureté très-convenable, donne des empreintes d'iyie
grande finesse.
< Outre les planches planes, gravées en relief, on se servait
aussi de rouleaux en bois, gravés en relief, pour l'impression de^
tissus. Les machines combinées avec des cylindres de ce genre
s'appelaient phmhines, et servaient à imprimer d'une manière
continue. Un nommé Ebinger, de Saint-Denis près Paris (*), a
établi en 1800 les premières de ces machines à Jouy et à Beau-
vais. £n 1805, James Burton, ingénieur dans la maison Peel, à
Church, appliqua également }e rouleau en relief à l'impression
des tissuS] mais dans le but de le faire concourir à l'impression de
plusieurs couleurs avec les rouleaux gravés en creux qu'on n'a-
vait pas, eiicore l'habitude d'employer à cet usage.
« Pour arriver à une diminution des frais de la gravure de ces
rouleaux, et pour obtenir une plus grande pureté de dessin, les
.\nglaLs remplaçaient la gravure sur bois par des cachets en al-
liage fusible qu'on clouait sur les cylindres en bois vernis. »
En 1855, M. Laboulaye, chef de la Fonderie générale à Paris,
avait exposé un rouleau formé de 800 vignettes, se composant et
se décomposant à volonté, destiné à l'impression des étoffes.
ijouto^ encore quelques mots sur l'impression en relief in-
ventée pa^r M. Silbermann, de Strasbourg, qui peut trouver son
24)plication à l'impression des tissus {*).
Dans ce procédé on ne se sert plus d'une planche gravée en re-
lief pour prendre de la couleur sur le châssis et l'imprimer sur le
tissu, mais seulement du reUef de la figure que l'on veut obtenii*
pour presser l'étoffe, par derrière, contre une planche plate et
garnie uniformén^tç^i^l; de coiileur, où les portions aii^i pressées
,
.- •, f
rt) Persoz. Il, 337.
(2) Persoz. II. 340.
188
par derrière sont les seules qui prennent cette couleur, tandis que
les autres sont réservées par \a frisquette, qui refoule l'étoffe dans
les creux.
Qu'il s'agisse, par exemple, d'imprimer un dessin représentant
des pois 0, 0, 0, 0, on découpe, au moyen d'un emporte-pièce, des
ronds en carton fin, de la dimension qui convient; ces ronds sont
fixés à la colle-forte contre une planche en bois; alors on place l'é-
toffe entre cette dernière planche, sur laquelle elle est tendue, et
une autre planche chargée de couleur; on soumet le tout à une
pression convenable, et la couleur ne prend que sur les parties de
l'étoffe qui on,t été mises en relief par les hausses de carton.
M. Silbermann est arrivé par ce procédé à un haut degré de
perfection : il a imprimé entre autres un bouquet de fleurs de fan-
taisie, dans lequel sept couleurs ont été appliquées avec la même
planche et rapportées avec la plus grande exactitude, à l'aide de
simples fragments de carton découpé, collés aux points où le re-
lief devait être produit.
L'impression des tapis a été améliorée ces derniers temps pai-
l'invention d'un appareil ingénieux dû à M. J. Burch, Anglais,
appareil au moyen duquel on parvient à imprimer des dessins de
très-grandes dimensions sur les tissus à poil.
Les blocs employés dans l'impression des tapis ont des dimen-
sions un peu supérieures à celles des blocs ordinaires. Les plus
grands dont on ait fait usage jusqu'à présent ont de 1",40 de
longueur sur 0"*,685 de largeur. Avec dix-huit blocs, M. Burch
parvient à produire des dessins très-riches et assez compliqués.
Ces blocs se préparent de la manière suivante :
« Le dessin est d'abord transporté sur papier quadrillé comme
les dessins pour le tissage. La surface des blocs d'impression est
préparée d'une manière analogue, c'est-à-dire qu'on y découpe
des lignes profondes sur la longueur et des lignes semblables
sur la largeur , qui se coupent à angle droit , afin de former
sur toute la surface des carrés dont le nombre correspond à
ceux qui couvrent le papier. Chacun de ces blocs présente,
sous ce rapport, un fac-similé exact des autres , et cette pré-
paration des blocs a lieu quel que soit le dessin et indépendam-
ment de ses contours. Dans cet état on marque sur chaque bloc les
i8d
carrés qui sont colorés sur le dessin avec la couleur particulière
que le bloc doit imprimer, puis on enlève tous les autres carrés
de la sur&ce, en laissant en relief ceux qui doivent être chargés
de cette couleur. On voit ainsi que chaque bloc porte à sa surface
une certaine portion du dessin, tous les points colorés du papier
quadrillé se trouvant représentés par des carrés correspondants
sur l'un ou l'autre de ces blocs.
«Ensuite on les soumet à l'action de l'appareil qui se compose
d'une série de machines à imprimer au bloc, assemblées fermement
entre elles au moyen d'arbres de communication et d'engrenage, de
manière à ce que les efforts combinés de toutes les machines dans
la série soient apphqués au même moment sur une pièce de tapis
et sur le même dessin, chacune d'elles imprimant une couleur dif-
férente. La couleur est fournie par un système de rouleaux colo-
reurs. La machine, avec l'appareil sécheur qui en fait partie, pèse
72 tonnes, et imprime 1,400 mètres de tapis en douze heures de
travail (•).>
Ayant donné, dans ce qui précède, ce qu'il y a de plus essentiel
dans l'histoire et la pratique de la gravure en relief en général,
et de la xylographie en particulier, nous devons nous occuper
maintenant de la gravure en creux et de ses divers genres.
GRAVURE EN CREUi.
La BIBTAIiIiOGRAPHIE ou la gravure en creux sur mé-
tdlj un des plus anciens modes de reproduction^ a été pratiquée de
tout temps, mais on ne sait pas précisément à quelle époque et par
quelle personne l'impression des planches gravées a été essayée la
première fois. Les opinions sont fort divisées à cet égard.
Vasari attribue cette invention à Masso Finiguerra de Florence,
dont les premiers essais sont de 1450 ; tandis que Samuel Palmer,
Sandrart, Murr, Rumohr, Bartsch et d'autres décrivent un certain
nombre d'estampes allemandes portant des dates fort antérieures.
MM. Meermann, de Heinecke, J.-D. Passavant et d'autres pen-
sent que, dans le même temps et sans le secours les uns des au-
(i) Monitenr industriel, Paris. 19 octobre 18SH, n* 2101.
très, les Allemands et les Italiens trouvèrent là AiètHode A'hhpti-
mér snr papier les planches métalliques gravées en (îf'eiix.
Les Allemands ont jotii néanmoins de l'avantage de èbnnaStre
avant les Italiens Vimpression des livres et des gravui'èfe xylogra-
phiqnes. H y avait un genre de gravure en relief sur liiÊtàl qui se
pratiquait principalement en Allemagne dans îe XV^ sîèc^, et
qui peut être considéré comme tenant le milieu entf e là x^fogra-
pbîe et la chalcographie ; nous voulons parler de la ^âthre au
ciseau et au poinçon que les Allemands nomment geàdïïî'btlSïië
Arbéfi on ttëtâlteolmltt, et les Français ttiéèUhre Y^iWiëë.
Ce genre de travail, oU ce procédé dfe gra\Tire, a beaucoup de rap-
port avec Vapm inteifoMle dont nous avons parlé plus haut, et pa-
raît plutôt être le résultat d'un travail de pointes et de cîsesfiix^ue
d'échoppes et de burins. L'ouvrage est plusflii, plus net et plus
tranchant, et le dessift en est meilleur que dans les ancienheS gra-
vtii'es sur bois. Par la manière dont sont traités les fonds et lès om-
bres, il imite les peintures en miniatures à fond d'or. Ce^ la Bi-
bliothèque royale de î^funich qui en possède le plus gt*and noAAro
d'épreuves sur papier. Elles sont sans date ni monogfattimes, et,
suivant M. Sotzmann, les plus anciennes ne paralssetit pas remon-
ter à 1440, tandis que M. J.-D. Passavant les esthiie beaucoup
plus âgées. Après l'invention de l'imprimerie on les rencontre
aussi dans des livres ; tels sont par exemple : Les sept joies de
Marie, petit ouvrage .en allemand, sans titre selon l'usage, dont
l'impression est attribué à Pfister. Les 8 gravures qùî ornent ce
livre ont été gravées sur métal dans le genre dit criblé ; leur des-
sin annonce un artiste assez habile, quoiqu'il y manque la per-
ception. Les contours sont grossiers, ont peu d'ombre et i^^sem-
blent à des silhouettes blanches. Des fleurs et des arabesques rem-
plissent les intervalles laissés entre les figures, intervalles qùî, au-
trement, seraient tout noirs.
La Passion de Jés^ts, en allemand, orné de 20 imagés gra^vées
en creux sur métal, sur im fond noir^ et une autre édition de la
Passion de Jésus, également en allemand, qui n'a que 8 gravures
sur métal en manière criblée. Ces trois ouvrages paraissent du
même graveur, qui était allemand et probablement de Munich :
ils sont imprimés en lettres mobiles, et M. F&Utenstein les estime
entre 1460 et 1460.
191
Les gj^Bituren de ce genre sont certàinéiftent les phin anciens
exemples de la gravtire sur cuivre destinée à l*împress(ion ; Pu-
sage paraît en avoir duré jusque dans la première moitié du XVI*
siècle, époque dans laquelle on ne s'en servit plus que pour l'im-
pression des reliures de livres en peau ou en vélin.
NIBUiUREb Outre les procédés de gravure en usage au
moyen âge et au commencement des temps modernes, dont
nous avons parlé plus haut, il y avait surtout deux manières i^-
tinctes de graver des ornements sur des objets métallique?!. L'ttfte
s'opérait au moyen d'un acide qui creusait autour du dessin en
le laissant intact en r^ef et pOM, sur un fond mat, qui le pins
souvent était doré. L'autre manière était celle des crustàvU
romains , ou la damasquinure : on creusait les dessins an burin,
et on remplissait les traits avec d'autres toétaux.
C'est ce dernier genre surtout, pratiqué avec quelques chan-
gements dans le XV* et le XVI* siècle, qui conduisit ^ dit^n,
à la gravure sur cuivte pour otrtenir des estampes. On l'a^-
pelait alors de divers noms: niellum, niello en latin; lavoro di
niello , et nigeilo en italien ; nellure , niellure , niellée , noellez
et noïelez en français. Tous ces mots dérivent du latin mgeTy
noir(*), parce qpe le dessin gravé en creux est reffipli d'une
matière noire.
Nous trouvons décrit dans plusieurs auteurs d'épines très-
différentes les procédés de cet art si réputé alors, procédés
mi peu variés dans l'exécution, mais les mêmes quant au fond.
La première description, et la plus ancienne, se trouve dans
te traité sur divers arts de Theophilus Presbyter, moine à St-
Gall dans le XII* ou le XHI* siècle. Une autre est contenue
dans le traité de l'orfèvrerie de Benvenuto Cellini (•), aussi fa-
meux par ses extravagances que par ses travaux remarquables
en sculpture, en ciselure et en fente. Il vivait dans le XVP
siècle à Florence. Le savant commentaire sur les tableaux de
Philostrade, dû à la plume de Biaise de Vigenère ('), contient
(i) Voyez Lessing's Analecten.
(2) Fiorema, 4569, in-4", trad. en français par M, Ledanché, Paris 4847.
(3) Paris, 4545, fol.
Id2
aussi des données sur le nielle. Vigenère vivait en Italie à l'é-
poque où florissaient le plus les beaux-arts, et était lié d'amitié
avec Michel- Ange et d'autres grands maîtres.
Enfin, plusieurs ouvrages modernes traitent aussi spéciale-
ment du nielle , surtout ceux de Pietro Zani (*), du professeur
Fiorillo (*), de M. Duchesne ('), et du comte Léopold Cigo-
gnare (*). Dans ce dernier on désigne un procédé pour dis.
soudre le nielle, afin de pouvoir se servir des planches pour
l'impression. A cet effet, on place la plaque niellée dans un
creuset rempli de potasse caustique, et on chauffe jusqu'à ce
que le nielle soit entièrement dissous. Par ce moyen on fait
complètement disparfidtre l'émail sans nuire à la gravure, qui
apparaît aussi fraîche que si elle sortait de la main du graveur.
Nous donnerons le procédé de Benvenuto Cellini en résumé :
Sur une planche en or ou en argent ( d'autres métaux ne ser-
vent pas au nielle ) qui soit lisse et polie, on dessine au moyen
d'une pointe (Jes figures, des ornements ou autres objets, dont
onéreuse ensuite les contours, les hachures et les fonds d'une
certaine profondeur avec des burins. Alors on prépare le
nielle, substance qui se compose d'argent très-fin, de cuivre
épuré et de plomb; lorsque ces métaux sont bien fondus en-
semble, on ajoute encore du borax et du soufre vierge, le plus
noir qu'on puisse trouver. Avec cette composition, concassée
en petits morceaux, on couvre entièrement la planche gravée,
et on l'expose au feu jusqu'à ce que tous les traits de la gra-
vure soient remplis. Après cela on ôte d'abord le plus gros de
la composition avec le grattoir et on fait disparaître le reste
en frottant avec la pierre-ponce et du charbon, jusqu'à ce que
le dessin soit tout à fait à découvert Lorsque la planche est
poUe avec soin , on voit la surface d'or ou d'argent ornée d'un
dessin qui paraît être fait avec la plume, dont les traits sont
remplis du plus bel émail noir, et qui est d'une grande solidité.
D'après Théophile Presbyter (^), les proportions de la com-
(i) Parme, 1802. - (2) Sluttgardt 4825.
(3) Paris, 1826. - (4) Venise, 4827.
(5) Théophile, prêtre et moine, Essai sur divers arts, publié par M. le comte Ch.
de L'Escalopier. Paris et Leipz. 1843, in-4«. Chap. XXVII, p. 252.
19^
position du nielle sont*/s d'argent, 7$ de cm7re;on scoute %
de plomb. CeUes de Benvenato Cellini', ainsi que celles de
Biaise de Yigenère, sont : une once d'argent, deux onces de
cuivre et trois onces de plomb.
L'argent et le cuivre se fondent d'abord avec le borax, on
ajoute ensuite le plomb , et l'on verse le tout dans le soufre
vierge, qui lui donne la belle couleur noire. Cette composition
forme alors une masse friable qui se réduit facilement en une
espèce de poudre à gros grains, dont l'on couvre la planche
de métal que l'on veut nieller.
Les orfèvres niellaient de cette manière les plaqjaes d'or et
d'argent qui se plaçaient sur les couvertures des Evangéliaîres,
ainsi que les calices, les vases, les casques, les étriers et une
foule d'objets se prêtant à recevoir ce genre d'ornementation,
mais surtout les pad ou paix. Ce sont de petites plaques de
métal, de trois à quatre pouces de hauteur sur une moindre
largeur, qui servaient à couvrir le calice. Ces paix sont cou-
vertes de bas-reliefs ou de peintures en émail, ou gravées et
niellées. Leur nom de paix vient de ce que le célébrant, après
les avoir baisées pendant qu'on chante VAgnus Dei^ les pré-
sente ensuite à chacun des prêtres qiii assistent à l'ofiicj^, en
disant Fax Tecum!
Parmi le grand nombre de nielleurs du XV' siècle en Italie,
Maso (Thomasso) Finiguerra, de Florence , jouissait d'une ré-
putation éclatante et méritée ; c'était un bon dessinateur. H avait
travaillé aux fameuses portes de bronze du baptistère de Lo-
renzoGhiberti,[et il passait surtout pour maître dans le lamro
di meUo.
Vasari nous dit que Finiguerra avait l'habitude de remplir
les traits de ses gravures d'huile mêlée de noir avant d'y met-
tre le nielle, pour pouvoir mieux juger de l'effet de son travail.
Or, un jour qu'il avait laissé sur la table une de ses planches
ainsi préparées, couverte d'un morceau de papier pour la ga*
rantir contre la poussière, il arriva qu'une lingère survint, appor-
tant un paquet de linge encore un peu mouillé, qu'elle posa sur
cette planche sans l'apercevoir. L'humidité du linge qui se com-
muniqua au papier le rendit propre à l'impression , et le poids^
9
104
aocrn par le temps pendant leqnel le paquet reposa sur la plan-
che, produisit l'effet d'une presse; de manière que, lorsque
Finiguerra chercha le lendemain sa gravure, il la trouva impri-
mée sur le papier, aussi nettement que si elle eût été exécutée
à la plume.
C'est de cette manière, ou d'une autre tout au moins sembla-
ble, gti'a pris naissance Vimpressian des planches de méUU gra-
vies en creux.
Maso Finigneira, ainsi que les autres orfévres-nielleurs, tou-
tes les fois qu'ils gravaient des plaques d'argent, avaient soin,
avant de les nieUer, d'en prendre une empreinte sur une terre
très-fine, sur laquelle ils tiraient une seconde épreuve en sou-
fre. Finiguerra a fait en 1452 ( suivant les documents officiels)
une petite planche d'argent ou padx, représentant l'assomption
de la Vierge pour l'église de Saint-Jean de Florence, et qui est
encore conservée dans le musée de cette ville. Il en existe aussi
deux moules en soufre: l'un dans la collection Durazzo à Gênes,
l'autre dans celle du duc Buckingham Chândos en Angleterre.
Ces moules sont en effet, comme nous l'apprend Yasari ('), la
reproduction parfaite de la planche d'argent, représentant comme
elle l'inscription et le sujet direct et non à rebours.
Vingt-deux autres épreuves en soufre de divers auteurs, qui
se trouvaient dans un couvent à Florence, et qui sont mainte-
nant en Angleterre, sont les seuls restes de ce genre.
On conserve dans différents musées publics et particuliers
une assez grande quantité de paix ou d'autres planches niellées;
Duchesne, dans son Essai sur les nielles, £ait la descriptioii de
la plupart D cite huit morceaux exécutés par Finiguerra, et il
donne les noms des meilleurs graveurs-nielleurs de l'Italie au
XV* siècle. Le plus célèbre après Finiguerra, et celui qui a
produit le plus grand nombre de beaux nielles, c'est Stephanus
Pelegrini de Césène; les autres orfévres-nielleurs dpnt les noms
sont parvenus jusqu'à nous sont, panpi les Florentins, Ameri-
ghi, Michel-Ange Bandinelli, Philippe Bruneleschi; — à Bolo-
gne, Fr. Fumio, BartL Gesso, Geminiano Rossi et Fr. Raibo-
(1) Vie des peintres, première éditioo, 1650. cap. 33.
id5
lini, connu sous le nom de François Francia; — à Milan, BaSoiel
Arcioni et Caradona. On connaît encore comme nielleurs Am-
broise Froppa, de Pavie; Forzone Spinelli, d'Arezzo; Jacques
Tagliacame, de Gênes; Tencro fils d'Antoine et Jean Turino, de
Sienne; Antonio, Danti, Pierre Dini dit Arcolano, Gavardino^
Léon- Jean-Baptiste Alberti , Antoine Pollajuolo, Nicolas Eosex,
de Modène, et Marc- Antoine Baimondi.
L'usage des nielles, après avoir contioué depuis le Vil* jus-
qu'au Xn*' siècle, avait été négligé pendant un long espace de
temps (Duchesne, Bartsch). Il fut repris et fréquemment em-
ployé dans le XV* siècle; mais il ne tarda pas à être aban-
donné de nouveau; et, si l'on retrouve plusieurs objets d'orfè-
vrerie gravés avec richesse vers ce temps en Allemagne , on
observe que ces gravures étaient généralement remplies d'un
ciment de diverses couleurs, mais rarement niellées. On en ren-
contre quelquefois que l'on croit fait à Augsbourg, dans le
milieu du XVin*' siècle. Il y avait alors une femme , nommée
EosenOfiier, fille du graveur-orfèvre Mettel, de Nuremberg, qui
exécutait des niellures (*). Ce genre de travail a été repris
vers 1823 en France ; mais il ne faut pas le confondre avec les
bijoux ornés d'émail noir, qui sont très-différents du nielle. Les
objets d'orfèvrerie niellés qui se fabriquent depuis bien des an-
nées en Russie jouissent d'une grand réputation. Ce n'est qu'en
1830 que M. Wagner et Mention ont introduit en France.ce genre
de travail, qui constituait en 1840 une industrie très-étendue. Selon
M. Pelouze {*\ le nielle est composé de 38 parties d'argent, 72 de *
cuivre, 50 de plomb, 36 de borax et de 384 de soufre. On fond
le soufre dans une cornue, l'argent et le cuivre dans un creu-
set, et on introduit le tout dans la cornue que l'on boucbe exac-
tement pour éviter l'infiammation du soufre, et on ajoute le
borax; quand il ne se dégage plus de vapeur dans le col de la
cornue , on verse la matière dans un creuset de fer , on la pul-
vérise et on lave d'abord avec de l'eau contenant un peu de sel
ammoniac, et ensuite avec de l'eau légèrement gommée.
(4) Mnrr. p. 630.
Ci) Pdooze, Secrets modernes des arts et métiers, vol. ni; Paris, 1840.
tour nieller l'argent, M. Levol (*) recommande beaucoup la
galène ou plomb sulfiiré.
Depuis longtemps on avait cherché à se procurer une épreuve
sur papier d'un de ces nielles du XV* siècle, jusqu'à ce qu'enfin
l'abbé Zani découvrit, en 1797, dans le cabinet des estampes
de Pans , où Mariette avait déjà scrupuleusement mais vaine-
ment cherché , une épreuve qui paraît être tirée de la célèbre
paix que Finiguerra avait gravée en 1452, pour l'église de Saint-
Jean de Florence. Cette épreuve porte les traces de l'emploi
d'une presse d'imprimeur parfaite, et a été tirée de la planche
originale avant d'être niellée, car elle a l'inscription à rebours.
On a prétendu, et Vasari l'a dit dans la 2* édition de son ou-
vrage de 1568 (il n'en est pas question dans la première de
1550), que l'épreuve sur papier avait été tirée sur l'empreinte
en soufre : ce qui nous parait tout à fait invraisemblable. On ne
considère poîut la fragilité du soufre, et puis on n'a pas pensé
qu'en prenant un moule en terre (c'est probablement du plâtre
appliqué à l'état liquide) , ce moule a dû se rétrécir en séchant,
et qu'il est presque impossible que ce moule, lors de l'enlève-
ment de dessus la planche , ne se fût pas déchiré par places,
dans les tailles fines, serrées et profondes, munies plus ou
moins de rebarbes ; enfin que l'empreinte en ^soufre , prise sur
ce moule, ne contint pas toutes les imperfections de celui-ci,
mais à rebours, et que le soufre, en se refroidissant, ne se fdt
^ pas rétréci également Donc, si l'on comparait l'épreuve sur
papier prise sur le soufre avec la planche originale (ce qui n'a
jamais eu lieu , quant à la paix de Finiguerra) , le dessin de
l'épreuve se serait trouvé plus petit que celui de la planche
niellée; et si même elle avait été prise sur la planche avant
sa niellure, ce dessin offrirait encore une différence dans la
finesse des tailles et dans la grandeur des blancs, qui auraient
changé de forme, changement causé par l'usure provenant du
pollissage de la planche après la niellure.
Quelques savants regardent cette épreuve de la paix de
Finiguerra comme douteuse , tandis que Duchesne et d'autres
(1) L'Écho du monde savant, n* 35, 2^' semestre 1844.
197
la considèrent au contraire conune la première épreuve sur par
pier^ absolument unique, d'une gravure sur métal, et ils regar-
dent par conséquent Maso Finigaerra comme l'inventeur de
l'impression des gravures en creux sur métal.
On rencontre encore quplques-unes de ces épreuves, mais on
n'en tirait jaSnais un grand nombre d'exemplaires du même
nielle.
La manière de graver les planches destinées à être niellées
diffère de celle des gravures ordinaires. Les tailles sont plus pro-
fondes, très-fines, droites et extrêmement serrées, sans régula-
rité, et ordinairement dans la même direction sur toute l'éten-
due de la planche ; parce que ces tailles sur les planches d'ar-
gent n'étant qu'un moyen mécanique pour fixer le nielle et
l'empêcher d'éclater, U était peu important qu'elles fiissent ré-
gulières dans un sens ou dans un autre, le nielle noir et non
transparent, dont elles étaient recouvertes, ne laissant d'ailleurs
apercevoir aucune de ces imperfections. L'impression s'opérait
au moyen d'un rouleau poussé à la main , ou d'un frotton^ la
presse d'imprimeur n'étant pas encore connue en Italie à cette
époque. Cette impression était assez facile , vu le peu de dimen-
sion qu'avaient en général ces planches , leur grandeur n'excé-
daut pas quatre pouces. L'encre qui a servi à l'impression des
nielles est souvent un peu bleuâtre, quelquefois bistrée, ordinai-
rement d'un ton gris.
Avant d'entrer plus avant dans le sujet, nous devons faire con-
naître sommairement les prétentions que l'Allemagne peut avoir
pour l'invention de l'impression des estampes. Benvenuto Cel-
lini, nielleur lui-même, compétent dans la question des gravu-
res, connaissant parfaitement les quaUtés brillantes de Fini-
gnerra, puisqu'il se proposait de suivre « avec le plus grand
soin les traces de ce grand maître, » ignorait cependant complète-
ment que Yasari attribuât exclusivement à Finiguerra l'invention
de l'impression des estampes. Dans l'iutroduction de son traité
de l'orfèvrerie (qui parut une année après la deuxième édition
de l'ouvrage de Yasari en 1569) il dit au contraire, en parlant
de gravure : « Nos éloges sont dus à quelques orfèvres ultra-
montains dont les travaux dénotent une extrême habileté, en-
198
tre autres à Martin de Flandre, qui, tout en suivant la ma-
nière de son pays, fit avec un talent remarquable des nielles et
des gravures sur cuivre. > Or, ce Martin de Flandre n'est au-
tre que l'habile graveur connu sous le nom de maître Martin
Schœn ou Schongatier dont le nom se trouve inscrit dans les
archives de la viUe d'Ulm sous la date de 1441 , et à qui l'on
attribue aussi Pinvention de l'impression des estampes (*).
Schongauer, qui paraît être né en 1420, était peintre et or-
fèvre , et avait travaillé dans les Pays-Bas sous Roger de Bru-
ges. On connaît de lui quelques belles gravures. Il mourut à
Colmar en 1488. M. J.-D. Passavant (*) nous communique à cet
égard une circonstance très-intéressante : « Facius, dit-il, nous ap-
prend que Rogier (nommé aussi Rogier von der Weyde, ou Roger
de Bruges), élève de Jean van Eyck, avait fait en 1450 un voyage
à Rome. Ce célèbre peintre néerlandais, pendant son séjour à Flo-
rence, peignit pour Jean et Pierre de Médicis un petit tableau qui
est maintenant au Musée de Francfort Roger se trouvait par
conséquent à Florence juste au moment où Finiguerra était
occupé à graver sa célèbre paix. Il est impossible que Roger
n'ait pas cherché à faire la connaissance du graveur florentin ;
mais on ignore si Finiguerra fit part à l'étranger de son pro-
cédé d'impression, ou, au contraire, si c'est le peintre flamand
qui le lui apprit. Cette dernière supposition paraît à M. Passa-
vant la plus vraisemblable, puisque le peintre néeriandaîs con-
naissait indubitablement les procédés de l'impression des gra-
vures xylographiqùes et métaUiques pratiqués généralement
dans son pays, et que ces procédés n'étaient point encore con-
nus dans la Toscane à cette époque.
On voit que l'Allemagne et l'Italie ont d'égales prétentions à
l'honneur de cette invention.
^* siècle* Cependant la gravure des nielles n'avait pas
pour but l'impression ; mais, profitant de la découverte de Fi-
(1) Wimpheting, 1505, et Jobin de Strasboarg 1573.
(2) Deutsches Kunstbiatt, 1850. p. 163.— Voyez aussi : Untersuchong der Gruode
fttr die Annahme : dass Fiuiguerra Erfinder des Haudgriffes sel, gestoch. Metali(^.
auf genetzt. Papier abzudrucken. V. G. Fr. V. Rumohr. Leip. 1841.
199
Qjgaerra, d'autres graveurs s'en emparèrent et l'employèrent
bientôt pour multiplier leurs gravures. Dès ce moment , nous
entrons dans la première époque de la chaleograpMe ( du grec
chaikos, airain, cuivre), ou art de graver en creux sur cuivre,
pour multiplier les dessins au moyen de l'impression. On ap-
pelle aussi cet art gravtire en taUle-chuce , en opposition à
taille de bois , parce que l'épreuve qu'on tire de celle-là parait
à l'œil d'un eflfet plus doux que celui des épreuves sur bois
(Duchesne).
Les gravures de cette époque, c'est-à-dire des cinquante der-
nières années du XV* siècle, ont été exécutées principalement
parles orfèvres-graveurs.
Quelques-uns de ces graveurs avaient fait des nielles, et leur
manière de graver le cuivre rappela assez longtemps encore
celle des graveurs-nielleurs, c'est-à-dire un travail fin et serré,
mais dont les tailles étaient arrangées avec un peu plus de soin.
Yasari nous apprend que Maso Finiguerra fiit suivi immédia-
tement de Baecio BaMini, de Florence. Cet orfèvre liabile, qtd
travailla de 1460 à 1490, était un faible dessinateur et gravait
beaucoup d'après les compositions de Sandro BoticellL Les gra-
vures de Baldini, les plus anciens monuments chalcographiques
de l'Italie, sont principalement celles du calendrier de 1465, ac-
compagné de la mite des planètes; celles du Monte-Santo di
BU), imprimé à Florence en 1474 ; et celles du poëme du Dmte,
publié à' Florence en 1481. La suite des planètes , qui va de
1465 à 1517 , contient à chaque planète la représentation des
penchants et des actions des hommes nés sous cette constella-
tion. Il en existe encore une autre édition avec des planches
plus grandes et mieux gravées. Ce qu'il y a de remarquable,
c'est qu'il existe un càlenâ/rier xylographique de Vannée 1468,
dont les représentations qui accompagnent les planètes sont de
composition et de dessin hollandais , mais dont le texte et les
vers dérivent d'une description latine en prose, dont quelques
fragments précèdent le calendrier ; que, d'un autre côté, le texte
italien du calendrier gravé sur cuivre est une traduction exacte
de ce texte latin. Ce calendrier ooyhgraphique est celui qid a
été écrit en 1489 par Johann de Gamundia, et le calendrier ita-
200
lien n'en est qu'un résumé. Il parait donc prob«^ble qu'une éditioD
antérieure du calendrier xylographique a été apportée de l'Al-
lemagne en Italie , qu'on l'a transformée en italien , et que
Baccio Baldioi l'a gravée sous cette nouvelle forme (Sotzmann).
L'école florentine du XV* siècle a produit peu de gravures
sur cuivre. Outre les planches de Baldini , on cite encore quel-
ques estampes de Pollsyuolo, d'André Verrochio (n. 1432, m.
1488), de Baccio Bandinelli (n. 1488), du mosaïste et miniatu-
riste Gherando, et de l'orfèvre Robetta (de 1490 à 1520X ainsi
qu'un certain nombre de feuilles sans nom de graveurs, exé-
cutées d'après Fiesole, Boselli, Lippi, Luca Signorelli et d'au-
tres.
Les œuvres chalcograpbiques des écoles de Padoue et de Ve-
nise sont plus nombreuses et plus répandues. Le peintre André
Mantegna, de Padoue (n. 1430, m. 1506), en était le fondateur,
et maniait le burin avec une grande habileté. Marcello Figolino,
Zuan Andréa, Nicoletto de Modène, Giovanni Maria et son frère
Giovanni Antonio, de Brescia, et Girolamo Mozetta se formè-
rent en partie d'après Mantegna. S'ils surpassent ce msdtre
dans la tendance générale, ils lui sont inférieures sous les autres
rapports. Ils florissaient vers la fin du XV* siècle et au com-
mencement du XVI*. Jacobo de Barbary de Venise, dit le maître
au caducée, était im excellent graveur. Girolamo, Giulio, et
Domenico Campagnuolo, peintres de l'école lombardo-vénitienne,
ont livré de très-belles gravures. Giulio Campagnuolo est surtout
remarquable par sa manière particulière de graver; ses gravures,
très-délicatement traitées, sont faites dans là manière poinUUée ,
au moyen d'une pointe ou d'un oiselet et du marteau, n parait
être né en 1481. Les chefs-d'œuvre de Mantegna sont le Christ
au Tombeau, la Sainte Famille, le Triomphe de Jtdes-César, en
trois femlles.
Benedetto Montagna, qui travaillait à Vicence à la fin du
XV* siècle et au commencement du XVI*, est un graveur origi-
nal, qui imitait dans ses œuvres le style de l'école, de Jean
BeUini, et celui d'Albert Durer.
Les chalcographes allemands du XV* siècle se distinguent
des graveurs italiens de cette même époque par le nombre beau-
201
coup plus considérable de leurs estampes, par le maniement
plus artistique du burin, et par Tinfluence que leur manière de
graver exerçait sur Fart italien; car les gravures de Martin
Schongauer ftu-ent déjà imitées par Gherardo de Florence. La
plus grande partie de ces graveurs étaient encore des orfèvres ,
et leurs noms ne sont point venus jusqu'à nous. Les dates con-
sidérées comme les plus anciennes qui figurent sur des gra-
vures, se trouvent sur des estampes allemandes; ce sont celles
du maître désigné par les lettres ^, IS. et les millésimes de
1461, 1466 et 1467. C'était un excellent graveur qui possédait
parfaitement la pratique de son art ; il travaillait avec beaucoup
de régularité les hachures dans les ombres, et avait une manière
large et franche pour reproduire les draperies. On connait de
lui un grand nombre de belles estampes , et beaucoup d'autres
qui paraissent être faites par ses élèves ou par des maîtres qui
imitaient sa manière.
Martin Schongauer ou Schœn, qui âorissait presque en même
temps que lui, était un des graveurs les plus distlugués de cette
époque, et avait aussi de nombreux élèves et imitateurs. Ses
frères Gaspard, Louis et Paul pratiquaient à Colmar l'art de
la gravure avec succès. Son neveu Barthélémy Schœn, peiotre
et graveur, vivait à Ulm en 1471. Un des bons maîtres de son
école est Albert Glockenton, à Nuremberg (n. 1432).
Wenzel, d'Olmutz, a fait en 1481 plusieurs copies d'après
Schongauer. Le msdtre de 1464, que les Français nomment le
Maître aux banderoUes, a fait entre autres un alphabet d'ini-
tiales latines avec des figures et des ornements, dont un exem-
plaire complet est conservé à Bàle. Ses estampes sont assez
estimées, mais l'encre en est encore pâle, et elles paraissent
imprimées au frotton, tandis que celles des graveurs dont les
noms précèdent sont imprimées d'un noir bnllant et au moyen
de la presse.
François de Bocholt, qui âorissait de 1458 à 1480, était un
graveur doué d'une grande originahté ; il travaillait dans le goût
de l'école de Van Eyck. Israël de Mecken, mort en 1503, de
qui on connsUt plus de 250 planches, a copié beaucoup d'estam-
pes de ses contemporains* A Nuremberg il y avait principale-
r
202
ment Yeit Stoss, en 1486, qui était aussi habile sculpteur, Math.
Zasinger, Louis Krug et Maître Mair vers la fin du siècle.
Les noms des graveurs néerlandais de cette époque ne sont
point connus ; mais on conserve un grand nombre de leurs es-
tampes, qui portent toutes le caractère de Pécole de VanEyck,
et qui se distinguent généralement par la douceur des tailles,
par des ombres moelleuses et par un dessin excellent.
[* 8lècle« Le XYI* siècle, si remarquable sous le rap-
port du progrès et de l'activité des arts en général , le fut en
particulier pour la chalcographie; il a été illustré, en Allemagne
et en Italie, par les deux plus grands maîtres de cet art, par Al-
bert Durer et par Marc- Antoine.
Albert Durer avait poussé le maniement des outils, le pro-
cédé et le mécanisme de l'art de la gravure à un "haut degré de
perfection; il transporta dans la gravure toutes les particularités
de son talent de peintre : l'imitation de la nature dans toute
son originalité et sa naïveté.
Parmi ses productions chalcographiques , les plus remarqua-
bles sont mrtovLt: Adam et Eve de 1504, St Jérôme de 1514,
et la Conoermn de saint EtMtache, une de ses estampes les
plus considérables et les plus parfûtes ; elle est gravée à Feau-
forte sur fer.
Albert Durer eut beaucoup d'élèves, et l'excellence de ses
gravures excitait un grand nombre d'artistes à les copier ou
à imiter sa manière. Nous ne citerons que A. Hubert, W. de
Haen^ J. Goossen, Zuan Andréa, Jacques Binck (1490 à 1504),
J. de Mecken, J.-C. Wisscher, Jean, Jérôme et Antoine Wierx,
J. Hopfer, Wenzeslas d'Olmutz. Ces derniers sont les plus har
bUes.
L'Allemagne se glorifie encore de Geoi^e Penz (n. Nurem-
berg 1500), excellent graveur, distingué par la correction et
l'élégance de la forme et la vigueur du burin. Ses travaux les
plus importants sont la Prise de Carthage, et les six planches
des Triomphes de V Amour, de la Charité, etc.
Bariholomé Beham (n. Nuremberg 1496) s'est formé surtout
diaprés Marc- Antoine ; ce fut lui qui initia par ses œuvres les
203
artistes allemands aux merveilles et aux beautés de Tart qui
florissait aa delà des Alpes. H possédait un dessin correct rem-
pli de grâce, et un burin doux et moelleux joint à une fLaesse
admirable. Beaucoup de ses estampes ont passé pour Fouvra^^e
de Marc- Antoine. On distingue parmi ses travaux ses Vierges ,
les Combats d'hommes nus, les Tritons et les Néréides.
Hans Sebald Bcham (n. 1500, m. 1560), neveu du précédent,
était un des plus éminents artistes de cette époque. Il Lûtait
avec talent Albert Durer, ^tout en fondant la manière de cet
artiste avec celle du maître italien. Son plus bel ouvrage est
V Histoire de V Enfant prodigtie , en 4 feuilles. Il possédait à un
haut degré le sentiment du beau. Après Beham viennent les pe-
tits maîtres allemands, qui se sont principalement appliqués à
produire un* grand nombre d'ouvrages. Il y avait cependant
d'assez bons graveurs parmi eux ; on y compte Lucas Kranach,
J.-S. Lautensack, 1559; Lucas Kruger, Virgil Solis, Jobst Am-
man, Théodore de Brie, Vendelin Dieterlein, 1598, et d'autres.
Marcantonio Baimondi, dit Marc-Antoine, de Bologne (n. en-
tre 1475 et 1488, m. 1527), se distingue surtout par la correc-
tion de son dessin et la netteté des contours. Sa maa'ère est
extrêmement simple, sans affectation, et la technique paraît n'ê-
tre qu'un objet secondaire ; néanmoins son burin avait une grande
puissance à reproduire dans toute leur beauté et dans tout leur
caractère les œuvres des plus grands maîtres. Contemporain de
Raphaël, Marc- Antoine nous a principalement conservé les ou-
vrages de ce grand artiste. Ses premiers travaux rappellent le
style de son maître Raibolini, dit le Francia de Bologne (de
1490 à 1535). La première planche qu'il ait signée est datée
de 1505: c'est une Mort de Pyrame. Entre 1506 et 1510, il
copia sur cuivre 65 xylographies d'Albert Durer; la première en
1506, est St Jean et St Jérôme. Marc- Antoine eut beaucoup
d'imitateurs et d'élèves; parmi ces derniers Agostino, de Venise,
et Marco, de Ravenne, sont les plus célèbres. Parmi les contem-
porains ou les successeurs de Marc-Antoine qui continuèrent
plus ou moins heureusement sa manière, on distingue le Maître
au dé, dont le nom n'est point connu, mais qu'on appelle quel-
quefois Beatricius;— Enea Vico, et la famille nombreuse des
2
^
204
Ghisi, dont le plus remarquable est Giorgio Ghisi. Ce dernier est
un de ceux dont les gravures approchent le plus des meilleurs
de Marc- Antoine; il a reproduit les grandes compositions de
Michel- Ange, de Raphaël et de Jules Romain.
D'autres artistes s'efforcèrent de pousser la gravure dans une
autre voie ; ce furent surtout Giulio Bonasone et Francesco Moz-
auoli, dit le Parmesan.
Mais déjà vers le milieu du siècle la gravure italienne chemi-
nait vers une déplorable décadence, que ne pouvaient arrêter ni les
talents de Battista Franco de Venise (mort en 1561), ni les tra-
vaux d'Agostino Carracci de Bologne, de Martin Rota de Selemico
en Dalmatie (de 1538 à 1586), et de Francesco Yillamena d'Assisi
(né en 1566, mort à Rome en 1626).
Parmi les graveurs hollandais du XYI* siècle, on distingue sur-
tout Lucas Dammerz, dit Lucas de Leiden (né àLeyde 1494, mort
en 1533). Ses estampes ont plus de franchise et plus de précision
que celles de ses contemporains ; elles sont encore estimées au-
jourd'hui. Cornélius Cort (n. 1536àHorn, m. 1578 à Rome) est
un des plus célèbres chalcographes hollandais , ainsi que Henri
Goltzius (né à Malbrecht en 1558, mort à Harlem en 1617); ce
dernier était réputé surtout pour la perfection des hachures et
des tailles. Les peintres hollandais Paul Rembrandt, Adrien Os-
tade, Nicolas Berghem, Paul Potter, Waterloo, Jacques Ruysdal,
et d'autres ont tous produit des gravures à Feau-forte très-re-
cherchées encore.
La première apparition de la gravure en taille-douce en France,
suivant Huber, ne remonte pas plus haut qu'à 1488.
Le livre orné de gravures sur cuivre qui porte cette date a pour
auteur Nicolas le Huen, religieux du mont Carmel et professeur
en théologie. Ce livre est en grande partie une compilation de 11-
tinéraire de Bernard de Breitenbach et a pour titre : ^ert^rt nation
^e onltxtmtt en terve saintt mpxïmi & Syon pax i)onne0te<
k^mmt» micbeUt Co|)ie be pymont tt 3aque0 berembreck balemai^ne
Remontant au bit If on, San be notre setirne. mille CCCC quatre
^inflti 5 bttitj et le XXVIH not^embre. On trouve dans l'ouvrage
français les vues des mêmes villes qu'on voit dans les éditions lati-
nes et allemandes de l'Itinéraire de Breitenbach, publié à Mayence
205
m 1486 par Erhard Bewich, à cette diiférence près que les plan-
ches sont en cuivre dans la ti'aduction , et qu'elles sont en bois
dans les originaux.
A partir de l'époque de François I", au commencement du XVP
siècle, la gravure et la peinture italiennes s'unirent intimement
avec l'école française, dite de Fontainebleau, mais les graveurs
restèrent inférieurs aux peintres. C'était en général des graveurs
àl'eau-forte et des orfèvres. On y remarque Jean Duvet ouDa-
net, dit le maitre à la licorne ; né en 1485, il travaillait encore eu
1550. n était orfèvre et maniait le burin avec habileté. Sa plan-
che capitale est l'Allégorie sur Henri n et Diane de Poitiers.
Etienne de Laulne dit Stephanus (né à Orléans en 1518) travaillait
principalement pour les damasquineurs, les orfèvres et les niel-
leurs, ainsi que les graveurs Jean Yovert, Morien, Stephanus Car-
teron, de Chàtillon, Jean Toutin et d'autres dont on possède les
gravures. Vers la fin du siècle il y avait Philippe Thomassin, élève
de Corneille Cort, natif de Troyes, travaillant à Rome ; Léonard
Gaulthier et Melchior Tavernier.
[« alède* Avec Callot commence une nouvelle ère dans
la gravure. Jacques Callot (né à Nancy en 1593, mort en 1635)?
le premier d'une série de bons graveurs, était peintre médiocre»
mais il se distinguait principalement par ses gravures nombreuses
et très-variées , qui portent toutes le cachet de l'originaUté , et
d'une fraîcheur d'imagination remarquable. Par ses compositions
et par son genre de vie singulier, il a beaucoup de rapport avec
le peintre napolitain Salvatore Rosa (de 1615 à 1673), que ses ta-
bleaux et ses eaux-fortes, autant que ses extravagances, ont rendu
célèbre. En même temps que Callot, ou peu après, vivaient Claude
Mellan (né à Abbeville en 1601, mort en 1688), graveur original,
qui, entre autres, a produit une grande estampe représentant la
tête du Christ, avec une seule ligne allant en spirale et dont le
commencement était au bout du nez ; — Antoine Masson (né eu
1636), distingué par ses portraits et par la souplesse de son bu-
rin; — les graveurs laborieux Jean le Pautre ou lePotre (né à
Paris en 1617, mort en 1682), Jean-Baptiste Marot au milieu du
siècle, et son fils Michel ; — Israël Silvestre (né à Nancy en 1621,
206
mort en 1691), Susanne Silvestre; — Nicolas Gochinr (né à
Troyes) ; — la famille des de Poilly, dont le plos célèbre est Fran-
çois de Poilly (né à Abbeville en 1622, mort en 1693) ; — Robert
Nanteuil (né à Reims en 1630, mort en 1678) ; — Claudine-Bonr-
donnet Stella (né à Lyon en 1636, mort à Paris en 1697), qui est
au premier rang des femmes-graveurs. Enfin les graveurs les plus
distingués sont Gérard Audran (n. Lyon 1640, m. Paris 1703)
qui gravait les grands maîtres français, et Nicolas Dorigny (n. Pa-
ris 1657, m. 1746); —Pierre Drevet le fils (n. Lyon 1664, m.
1739), habile surtout dans l'imitation des étoffes ; — Sébastian
LeClerc (n. Metz 1637, m. 1714), distingué par la fécondité et la
noblesse de son style ; — Etienne Picard, dit le Romain (n. Paris
1631, m. 1721), et son fils BemardPicard (n. 1668, m. 1730), qui
copiait avec fadlité les estampes d'autres graveurs; — Simon -
Henri Thomassin (n. Paris 1688, m. 1741), qui avait une manière
libre et pittoresque ; — Antoine Coypel (n. Paris 1661 hl 1722),
bon graveur à Peau-forte; — Jean-Louis Roulett (n. Arles 1645,
m. 1693).
L'influence de l'école de Goltzius produisit de bons résul-
tats dans le XYU* siècle en Hollande. Les principaux gra-
veurs d'alors étaient Corneille Blœmœrt (n. Utrecht 1603, m.
Rome 1680); — Henri Hondius (n. Brabant 1573, m. Leyde
1645); — Pierre Soutman de Harlem (vers 1630); et ses élèves
Jonas Suyderhœf, vers 1630, et Cornélius Yischer, vers 1660; —
Lucas Yorstermann d'Anvers ; — Rembrandt van Rhin (n. Leyde
1609, m. 1668), le plus célèbre des graveurs à l'eau-forte; —
Paul Pontius à Anvers , en 1645 ; Schelte à Bolswert en Frise,
1645; — et Gérard Edelinck d'Anvers, qui s'établit à Paris en
1666, et y mourut en 1707. Ce graveur mariait la manière hol-
landaise à la manière française.
La chalcographie du XYH* siècle en Allemagne était représen-
tée par les graveurs Mathias Mérian (n. Bàle 1593, m. Schwal-
bach, 1651) ; — Adrien van Ostade (n. Lubecque 1610, m. Ams-
terdam 1685) ; — les familles des Eusell et des Kilian, à Aogs-
bourg; Jacques de Sandrart (n. Francfort 1630, m. 1708); —
Jean-Jacques Thurneisen (n. Bâle 1636, m. 1718); — mais sur-
tout Yenceslas HoUar (n. Prague 1607, m. Londres 1677). Les
207
graveurs italiens de cette époque étaient Stephanus délia Bella
(n. Florence 1610, m. 1664); — Jean-Benoît Castiglioni, dit le
Benedette (n. Gênes 1616, m. 1670) ; — Jean-Baptiste Falda de
Milan , en 1665 ; — Pierre-Sante Bartoli (n. Perouse 1635, m.
1700). Le premier et le seul graveur natif d'Angleterre (*) qui
ait exercé son art avec distinction pendant le XYII'' siècle est
Williams Faithorn (n. Londres, m. 1691). H gravait au burin des
portraits et des frontispices de livres; ses plus remarquables
planches sont Marie Stûart, princesse d'Orange, et Marguerite
Smith^ d'après des peintures de Van Dyck.
[* siècle. Chez les artistes italiens jdu XYin* siècle
la chsJcographie a gardé son éclat et sa consciencieuse gravité, du
moins chez les principaux graveurs, tels que Domenico Cunego
de 1727 à 1794; — Pietro Longhi (n. Venise 1702), auteur d'un
excellent traité historique et pratique de la gravure ; — Giov.
Volpato (n. Bassano 1730, m. Borne 1803) ; — Ch.-Ant Porporati
(n. Turin 1741, m. 1816), un des meilleurs graveurs italiens, très-
distingué aussi dans la manière noire ; — Fr. Bartolozzi (n. Flo-
rence 1730, m. Lisbonne 1813), qui avait travaillé longtemps
en Angleterre , et y avait introduit la manière au pointillé, tant
cultivée dans la suite par les graveurs anglais ; — Pietro Ander-
loni (n. à St-Eufémia 1784); — ■ Raphaël Morghen (n. 1758, m-
1833) ; — Jean-Marc Pitteri (n. Venise 1703, m. 1767), qui avait
une manière toute particulière, consistant en hachures paral-
lèles ; — Giambatiste Piranesi, distingué par ses monuments an-
ciens et modernes, ses candélabres et vases antiques, gravés à
l'eau-forte avec une admirable habileté et une grande vigueur.
En France , la gravure prenait de plus en plus une tendance
vers le maniéré. H y avait cependant d'excellents graveurs :
Jean-Jacques Balechou (n. à Arles 1715, m. 1764); -— Philippe-
Claude de Tubières, comte de Caylus (n. à Paris 1692, m. 1754);
— Jacques Beauvarlet (n. à Abbeville 1731); — Etienne Fi-
gnet (n. à Paria 1731, m. 1794) ; -- Charles-Clément Bervic
(1) Catalogue of engravers which bave )>een born or resided in Ëngland, by Ho^
nceWalpole, etc.
208
(u. à Paris 1756, m. 1822); — Jean- Jacques Boîssieu, à Lyon
depuis 1794, célèbre par ses eaux-fortes; — Ant-Fr. Tardieu,
dit de l'Estrapade (n. à Paris, 1757, m. 1822), habile graveur de
géographie; — Jean-Georges WUle (n. à Grosleiden près de
Giesen, 1715, m. à Paris 1808), qui, quoique Allemand, tra-
vailla toujours en France. Les Allemands de cette époque sont
Jacques Frey (n. à Luceme 1681, m. à Rome 1752); — Jean-
Elie Ridinger (n. à Ulm, 1698, m. 1769); — George-Frédéric
Schmidt (n. à Berlin 1712, m. 1775) ; — Jacques Schmutzer
(n. à Vienne 1773, m, 1808) ; — Frédéric Muller (n. à Stutt-
gard 1782, m. à Paris 1816) ; ~ Salomon Gessner (n. à Zurich,
1730, m. en 17^8) ; Daniel CodowiM (n. à Dantzig en 1726).
Les Anglais développèrent aussi dans le XVlil* siècle une
grande activité dans l'art de la gravure sur cuivre : Robert
Strange (n. 1723, m. 1795); — Richard Earlow (n. 128); ~
William Weyne Ryland (n. 1732, m. 1783); — William Woolet
(n. 1735, m. 1785); — William Sharp (n. 1746, m. 1824); —
Charles Vownly (n. 1746) , se distinguaient en diverses maniè-
res.
[* fllèolea Dans les dernières années du siècle passé
et dans les dix premières du dix-neuvième , la gravure a subi
un abandon assez sensible. Le genre pointillé dominait généra-
lement; la lithographie commença à prendre pied, ainsi que la
sidérographie, toutes deux rivalisant pour détrôner leur aînée-
Depuis 1820 environ se répandit une mode qui contribua
encore à fausser le goût, en introduisant dans la gravure un
genre maniéré, léché, et ne visant qu'à l'eifet; nous voulons par-
ler de la mode des Keepsàkes (souvenirs), espèces de livres,
d'origine anglaise, magnifiquement reliés et ornés d'un grand
nombre de gravures de tous genres : portraits, vues et monu-
ments, exécutés avec une grande routine, mais adoucis à excès.
M. A.-G.-L. Boucher, baron Desnoyers (n. à Paris 1779) est
regardé comme le rénovoteur de la gravure dans notre siècle.
Elève de Tardieu^ il débuta en 1806 par une magnifique plan-
che représentant la madone de Raphaël, connu sous le nom de
la Belle Jardinière. Il a livré une série de chefe-d'œuvre dont
le dernier est la Traoïsfiguration. En 1852 il était à Rome.
209
Depuis 1810, la gravure reprit peu à peu son ancien éclat;
notre époque est riche en bons graveurs. Chaque pays en a
fourni beaucoup d'excellents, qui ont produit des œuvres admi-
rables dans tous les genres et dans toutes les manières. Us sont
trop nombreux pour que nous puissions les nommer tous, nous
ne citerons que les plus saillants. En France ce sont : Blot;
Morel; L. Calamatta qui, bien que né en Italie, a toujours exercé
la gravure en France. — Henriquet Dupont (m. le 4 nov. 1856),
dont l'Hémicycle des beaux-arts, d'après Paul Delaroche est un
chef-d'œuvre. — Ses élèves sont Alphonse et Jules François. —
J.-M. Leroux, Bridoux, Laugier, Lecomte, Lorichon, Z. Prévost
gravent d'après les grands maîtres. — Les Vierges de Raphaël
exécutées par Pannier, Dien, Pelée, Metzmacher, Lévy , Saint-
Ève (m. 1866). — A. Burdet, graveur de la Bataille de Fonte-
noy et de la Smala. — Paul Girardet, de Neuchâtel (Suisse), gra-
veur de la Bataille d'Isly, et de Washington traversant le Dela-
ware. — Le Triomphe de la Beligion dans les arts, d'après Over-
beck, la plus belle planche de notre époque, gravée par Samuel
Amsler de Zurich (m. 1849). — T.-V. Desclaux a fait usage de
deux procédés : la manière noire et la retouche au burin , que
M. Prévost a également employés dans ses quatre gravures d'a-
près Léopold Ex)bert — MM. Jazet, père et fils , sont les plus
célèbres graveurs en mezzo-tinto. — Les Moissonneurs de L.
Robert, et la Sainte Famille d'après P. Delaroche, gravés par
Mercuri pour l'éditeur Goupil , sont ce qu'il y a de mieux en
gravures artistiques. — M. Gaucherel a gravé à l'eau-forte des
sujets d'architecture. — A.-L. Martinet, F. Forster, A.- A. Caron,
J.-G. Levasseur, F. Girard exécutent des sujets divers, — Les
fac-similé d'après les grands maîtres gravés par AL Leroy, Bo-
sotte, Bein, Wacquez. — M.-A.-F. Lemaltre est l'un des derniers
qui se soit livré à la gravure au burin.
Les meilleurs graveurs anglais au burin sont S.-H. Robinson,
J. Bumet (les Pensionnaires de Chelsa lisant le bulletin d'une
^ctoire , d'après Wiskie) , Stoks Lump (la Maîtresse d'école , la
Partie de carte de Webster, et l'Enfant en prière, d'après Frith),
C. Rolls (portrait de West d'après Lawrence; Catherine et Pa-
trucchio, d'après Leslie), G. Doo (l'Ecce Homo du Corrége, et
210
Combat de deux hommes nas, d'après Etty); — Brandard, E.
Goodall, W. Miller, T.-À. Prior, J. Pye, C. Tumer, H. Wallis,
J.-T. Willemore , graveurs au burin d'après feu Tumer. — C.
Lewis, J. Outrine, Th. Landseer, J.-H. Watt exécutent en ma-
nière noire les compositions de Landseer. Cette manière est
encore représentée par W. HoU, T. Holl, Humphreys, S. Cou-
sins, etc.
L'Allemagne possède E. Mertz (Ruines de Jérusalem, d'après
Kaulbach), E. Mandel, de Berlin. — E. Eichens, L. Jacoby,
A. Hoffinann, graveurs de la galerie de Shakspeare , publiée à
Berlin. — Nordlinger, de Stuttgard (portrait de Raphaël jeune),
E. Willmann, de Bade; Steinla, de Saxe (Vierge au poisson);
Schmidt, F. Stœber et T. Benedetti, de PAutriche.
J. de Mare, à Amsterdam, Kaiser, Lange, Stuyter, Steelinck,
Taurel et Wehmeyer, sont des graveurs habiles dans les Pays-
Bas.
En Espagne se distingue B. Martinez, de Valence, élève de
Calamatta.
Les diverses estampes pubhées de nos jours peuvent être pla-
cées honorablement à côté de tout ce qu'on a fait de mieux
dans les siècles précédents ; et tous les peuples , les Anglais
comme les Français , les Allemands comme les Italiens, luttent
à l'envie pour atteindre la plus grande perfection dans l'art de
la gravure.
Les divers genres de gravure* La gravure en creux
se compose de plusieurs genres différents, qui s'exécutent cha-
cun dans des manières et par des procédés très- variés , et qu'il
importe de connaître. Suivant la matière qu'on emploie pour la
gravure en creux, cet art prend des noms divers ; ainsi la chako-
graphie est l'art de graver sur cuivre ; la sidérogr aphte, celui de
graver sur acier ou sur fer ; la zincographie, celui de graver sur
zinc, et la hyaîographie, celui de graver sur verre.
LA CnALOOGRAPHIEy qui est pratiquée depuis le
milieu du XV* siècle, comme nous l'avons dit plus haut, se di-
vise en plusieurs genres, qui diffèrent par leurs procédés et leurs
résultats.
211
Gravure au bariiia Le premier geure , et en même
temps le plus ancien , c'est la gravure au burin. Ce genre con-
siste à reproduire le dessin ou le tableau qu'on veut copier, par
des tailles ou des hachures creusées sur la planche de métal au
moyen de burins de différentes grosseurs. H est rare cependant
d'employer le burin seul: généralement il sert pour terminer le
travail fait à l'eau-forte. Ce genre se subdivise en autant de
manières de graver qu'il y a de combinaisons de tailles et de
points pour obtenir l'effet et le ton du coloris. C'est ainsi qu'on
distingue la manière fine, ou celle dans laquelle les contours sont ^
bien marqués, les hachures serrées, irrégulières, triplement
croisées dans les ombres, quelquefois même quadruplement, et
finissant vers les lumières par de petits traits courbes; C'est dans
cette manière que travaillaient les anciens maitres allemands :
Schongauer, Israïl von Mecken, François de Bocholt.
La manière lancéolaire a toujours les contours fortement tracés,
les hachures simples, peu serrées, avec des traits fins entre deux,
placés diagonalement. Les tailles se fondent dans les lumières
par des bouts très-déUés. C'est la manière de graver de presque
tous les anciens maitres italiens: Mantegna, PoUeguola^ Joan
Andréa, etc.
La Trumvère brillante présente les contours du dessin solide-
ment marqués par des traits fins. Les hachures sont serrées, dou-
blement croisées dans les ombres; pures et brillantes c'est la
manière d'Albert Durer, de Lucas de Leyde, de Léonard Gau-
tier, d'Etienne de Laulne, de Wierix, etc.
La manière facile ne diffère des autres que par la légèreté du
travail, par des hachures serrées à deux ou trois rangs et entre-
mêlées de points. Elle a été employée par Marc- Antoine, par les
Ghisi, Bonasone , le Maître au dé , etc. Cette manière perfec-
tionnée a été appelée la manière franche^ et fiit pratiquée par Cor-
nélius Cort, Augustin Caraccio, Villamena, Alberti, etc. Dans la
manière dite ha/rdie, les contours sont produits par des hachures;
les muscles et les plis des draperies sont franchement accusés ;
les hachures se perdent finement dans les lumières en suivant
les reliefs et les creux, au moyen d'une rangée de taiUes; dans
212
les parties les plus ombrées, il y a deux rangs de taîDes , comme
le montrent des estampes de Henri Golzios, de Jocob de Gheyn,
Jac. Matham, J. MuUer, J. Saenredam^ Lucas Eilian et d'autres.
Dans la fnanière à hachures paraUèîes on ne se sert que d'un
seul rang de tailles placées parallèlement et reproduisant le mo~
delé suivant le sens des objets qu'elles doivent représenter. C'est
la manière de Mellan, de François Spierre, de Thumeisen. H y
a une manière particulière et bizarre à hachures parallèles, in-
ventée par Jean-Marc Pitteri, dans laquelle toutes les tailles sont
dirigées perpendiculairement ou diagonalement Pour décider
le contour et les demi-teintes, les tailles, généralement légères,
sont rentrées à petits coups de burin en manière de poires al-
longées plus ou moins marquées. François Piranesi, J.-Ant. Pas-
quali, J.-A. Fàldoni et Jean Cattini travaillaient aussi au moyen
de hachures parallèles traversant directement les formes, en ne
les modelant que par le renflement et le rétrécissement des tailles.
La manière frettée ou treUîèe dans laquelle les taiDes moel-
leuses se croisent en forme de treillis avec d'entre-tailles com-
posées de points réguliers faits au burin, a été pratiquée par
Corn. Bloemaert, Michel Natalis, Fr. Spierre, Guil. YàQet, Et
Baudet, Fr. de Poilly, Gr. Ëdelink, R. Nanteuil et d'autres.
Toutes ces manières sont ou demi-ombrées ou ombrées en-
tièrement suivant le plus ou le moins de hachures. Elles sont
employées dans tous les genres de gravures, et toutes celles que
nous avons nommées ont cela de commun, que toutes les parties
du dessin sont traitées de la même manière sans distinction.
Mais il y a une autre manière dans laquelle on distingue par
un travail particulier les chairs, les étoffes, les terrains, etc. Cette
manière peut être considérée comme la plus parfaite. Les gra-
veurs suivants s'y sont distingués : G.Edelink, Aut. Manon, Corn.
Vischer, J.-J. Balechou, C.-Fr. Schmidt, J.-G. "Wîlle, Jacques
Schmutzer , Bartolozzi, J.-G. MuUer, Jean Hall, J.-C. Scherwin,
W. Sharp et d'autres.
Nous devons mentionner encore une manière toute particu-
lière dont l'invention est due à Jean Boulanger (1660), c'est la
mamère pomtiUée. Elle s'exécute au moyen de points et de petits
traits faits au burin, et ne sert généralement que pour traiter les
m
chairs. Morin (1660), Schenker (né à Genèye) et quelques autres
graveurs, surtout les Anglais, ont travaillé dans cette manière,
sur laquelle nous reviendrons plus bas.
Gravure à reanaforte. Le second genre de chalcogra-
phie, la gravure à l'eau-forte , est le genre le plus généralement
employé ; il of&e de grands avantages sous le rapport du temps
et de la facilité d'exécution.
On n'est point d'accord sur l'origine et la date de sa décou-
verte. B'un côté on l'attribue à François Mazzuoh, dit le Parme-
san, qui s'occupait beaucoup de chimie; d'un autre côté on fait
valoir l'antériorité des gravures de ce genre faites par Albert
Durer. M. Duchesne aîné pense que cette question peut être
maintenant résolue , mais d'une manière assez singulière : « Car,
dit-il, au lieu de laisser cette invention à l'un de ceux à qui on
avait voulu en faire honneur, on peut assurer qu'elle est due à
Wenceslas d'Olmutz, dont il existe au BriUéh Muséum une gra-
vure extrêmement curieuse, représentant une figure allégorique
et satirique, avec la date de 1496. Elle est relative aux discus-
sions qui eurent lieu à cette époque entre quelques princes d'Al-
lemagne et la cour de Rome. Cette pièce que l'on croit unique,
et qui a échappé aux recherches de MM. de Heinecke, de Murr
et de Bartsch , est extrêmement curieuse , puisque par sa date
elle montre une antériorité de 19 ans sur les gravures d'Albert
Durer, dont la plus ancienne porte la date de 1515, et que celles
du Parmesan sont encore plus récentes , ce peintre n'étant né
qu'en 1503. »
Le procédé de la gravure à l'eau-forte consiste en trois opé-
rations principales; l** à vernir laplanche.de cuivre; 2** à décal-
quer et à tracer sur cette planche le dessin qu'on veut multiplier ;
3* à la fedre mordre par un acide.
Après avoir bien dégraissé et nettoyé avec du blanc d'Espagne
la planche de cuivre rouge, on la place sur im réchaud conte-
nant un feu de charbon très-doux ; on fixe à l'un ou à plusieurs
des angles de la planche des étaux à main, afin de pouvoir la
manier convenablement Si la planche est petite, on peut la chauf-
fer avec du papier roulé en corde, que l'on promène dessous tout
Ô14
allumé. Mais, si celle-ci est de grande dimension, on la suspend
au-dessus du réchaud au moyen de cordes à une poulie fixée au
plafond. Lorsque la planche a atteint le degré de chaleur voulu,
on passe la boule de vernis enveloppée dans du taffetas neuf^ jus-
qu'à ce que toute la surface en soit couverte, et on frappe en-
suite le vernis avec un tampon en soie, afin de Fégaliser. La
meilleure méthode et la plus nouvelle pour vernir la planchei
c'est de se servir d'un petit rouleau en bois recouvert de peau
dégraissée, se mouvant dans un manche fourchu, avec lequel on
étend le vernis qu'on a fait fondre sur le bord de la planche.
Le vernis dont on se sert est de différente composition, suivant
le travail qu'on veut exécuter. Celui qu'on trouve chez les mar-
chands n'est pas toujours excellent ; il est donc utile d'en con-
naître la composition, afin de pouvoir en faire au besoin. Le ver-
nis dont se servait Rembrandt se compose d'une partie d'asphal-
te, d'une de mastic en larmes et de deux de cire vierge; celui
d'Abraham Bosse , d'une partie d'asphalte , deux de mastic en
larmes et trois de cire vierge ; celui de Callot, dit vernis de Flo-
rence, de quatre onces d'huile de lin pure et d'autant de mastic
en larmes. Le vernis anglais a une partie d'ambre jaune, deux
d'asphalte et quatre de cire vierge, ou quatre parties d'asphalte,
deux de poix noire de Suède, et une partie de poix de Bourgogne.
M. Henri Felsing, de Darmstadt, fabrique un excellent vernis dans
lequel il fait entrer six onces (loth) de cire , quatre de gomme
laque, trois de colophane et cinq d'asphalte.
Après avoir verni la planche, et avant son refroidissement, on
la tourne, le vernis dessous, et on promène la flamme d'un flam-
beau composé de plusieurs bougies allumées, la mèche restant à
un pouce au plus de distance, jusqu'à ce que la flamme toujours
en mouvement ait communiqué au vernis une teinte noire bien
égale. Cette opération s'appelle y^m&er îaplanchej et sert adon-
ner au vernis une couleur noire , afin de facihter le décalque du
dessin.
Le calque du dessin qu'on se propose de graver peut se £ure
sur du papier transparent, dit papier à calquer (ou papier végé-
tal), sur lequel on trace, au moyen d'un crayon ou d'une plume,
les contours et les détails de l'original Pour le décalquer sur la
âi5
planche, on le renverse sur le vernis, le dessin en dessous, puis
on interpose entre la planche et le calque un papier fin recou-
vert d'une couche de sanguine, et Ton passe sur tous les traits
une pointe bien arrondie pour les marquer sur le vernis. C'est la
manière la plus ordinaire pour transporter le dessin sur la plan-
che vernie, mais il y en a encore d'autres, qu'il importe de con-
naître. Un calque fait sur un papier d'une épaisseur moyenne
avec un crayon de mine de plomb mou se décalque très-bien sur
le vernis lorsqu'on humecte légèrement la feuille, qu'on la pose
sur la planche du côté du dessin , et qu'on la fait passer sous la
presse de l'imprimeur, qui fait adhérer le crayon au vernis. Au
lieu du crayon on peut se servir «de vermillon mélangé d'un peu
de fiel de bœuf.
Le papier-glace, qui n'est autre chose qu'une feuille de géla-
tine très-mince et aussi transparente que du verre, sert très-avan-
tageusement pour le calque et pour le décalque. Le dessin
s'exécute avec une pointe tranchante, très-soigneusement
aiguisée pour qu'elle ne forme pas de rebarbes, qui pourraient
endommager le vernis. On remplit de poudre rouge les traits
creusés dans le papier-glace , et on décalque sur le vernis en
frottant le revers avec un brunissoir, ou l'on opère par im-
pression comme à la méthode précédente. Pour décalquer sur
cuivre nu, on remplit les traits du dessin fait sur papier-glace
avec du soufre pulvérisé, on le renverse sur la planche préala-
blement enduite de suif, puis avec l'aide du brunissoir on opère
comme nous l'avons indiqué ; le suif, combiné avec le soufre, laisse
sur la planche des traces noires très-prononcées, qui ne tarde-
raient pas à creuser le cuivre si l'on ne se hâtait de les laver
avec de l'essence de térébenthine.
Lorsque le décalque est terminé, on préserve le vernis de toute
écorchure en recouvrant la planche de linges très-fins, et en se
servant d'une espèce de petit banc en bois, dont les pieds posent
snr la table , et dont le, dessus recouvre la planche sans la tou-
cher, ou bien l'on entoure la planche d'un cadre dont l'épaisseur
dépasse un peu celle du cuivre , et sur lequel repose une plan-
chette de bois pour soutenir la main pendant le travail.
Les pointes dont on se sert pour tracer le dessin sur la plan*
2U
che à travers le vernis doivent être de bon acier trempé et de
différentes grosseurs, suivant le genre de dessin qu'on veut re-
produire. Les fines aiguiUes anglaises et les équarrtssoirs dont se
servent les horlogers , fixés dans un porte-pointe ou dans des
manches, sont les meilleures pointes. H faut avoir soin de les ai-
guiser convenablement pour qu'elles glissent sur le cuivre dans
tous les sens avec facilité, qu'elles tracent un trait pur, brillanti
sans aucune égratignure, et qu'elles n'attaquent le cuivre que lé-
gèrement
Le tracé à la pointe terminé, on soumet la planche à l'action
du mordant pour creuser les traits. A cet effet on entoure la plan-
che entière, ou la partie seulement qu'on veut faire mordre, d'un
bord en cire molle de 2 à 3 centimètres de haut, en ménageant
dans un de ses angles une petite goulotte pour pouvoir se débar-
rasser commodément de l'acide restant après la morsure. L'eau-
forte ou l'acide nitrique que l'on verse sur la planche à la hau-
teur de 2 centimètres au moins, doit avoir 15, 20 ou 25 degrés,
suivant le travail qu'on veut exécuter. En y mêlant un peu de
sel ammoniac, »on empêche l'eau-forte d'élargir les traits. La
force de l'acide et la durée de la morsure ne sont soumises à
aucune règle fixe ; la pratique seule guidera l'artiste. Il £ftut ce-
pendant avoir soin de ne pas laisser l'eau-forte en repos, mais
de l'agiter souvent avec la barbe d'une plume de pigeon , pour
ôter les bulles qui se forment sur les traits. Lorsqu'on juge que
les parties légères ont acquis le ton convenable, il faut suspendre
l'action du mordant. On retire l'eau-forte, on lave la planche à
plusieurs eaux, sans ôter la bordure de cire ; et on la sèche, en
appliquant dessus du papier brouillard ou du papier Joseph. En-
suite on recouvre toutes les parties suffisamment mordues de
petit vernis ou de vernis à couvrir , composé d'une dissolution
d'asphalte dans de l'essence de térébenthine mélangée d'un peu
de noir de filmée, avec mi pinceau. Après l'entière dessiccation
du vernis, on remet l'eau-forte pour opérer la seconde morsure,
et pour donner à d'autres parties le degré de force convenable.
On continue ainsi jusqu'à ce que tous les tons aient acquis le de-
gré de vigueur convenable, en ayant soin de retirer chaque
fois l'eau-forte de la planche, de laver celle-ci et de la sécher.
217
Lorsque le travail de la morsure est terminé, on ôte la bordure
en cire, on passe la planche àPessence de térébenthine légère-
ment chauffée, et on ébarbe le cuivre avec un charbon doux et
de lliuile, pour enlever les saillies résultant du foulage de la
pointe. Pour vider complètement les tailles on se sert de lessive
caustique. M. Beleschamps recommande le sous-carbonate de po-
tasse réduit en poudre fine, sur lequel on jette quelques gouttes
d'eau. Pour cela on se servira d'une brosse rude, afin de faire
entrer de ce sel alcalin dans les tailles.
Si l'on s'aperçoit, après le tirage des épreuves, qu'il y a des
places où la morsure n'a pas assez agi , ou auxquelles on voudrait
donner plus de force, on pourra faire remordre la planche. A cet
effet on la nettoie bien, comme nous l'avons indiqué, et on la
revemit en ayant soin de ne pas trop la chauffer, pour que le
vernis ne coule pas dans les tailles lorsqu'on passe dessus le
rouleau à vernir. On peut alors remettre l'acide, et creuser les
parties qui en ont besoin, sans retoucher à la pointe ; ou bien
on peut tracer à la pointe de nouvelles rangées de hachures
par-dessus les autres, pour augmenter la vigueur. Pour empê-
cher le vernis d'entrer dans les traits, on n'a qu'à y introduire
de la gomme arabique à laquelle on mêle un peu de blanc pour
la rendre visible ; la gomme repoussant le vernis, il faut avoir
soin de bien essuyer les places où l'on veut qu'il prenne.
Telles sont en général les diverses opérations du procédé de
la gravure à l'eau-forte. Nous n'entrerons pas dans plus de
détails, le praticien les touvera dans les traités spéciaux aux-
quels nous le renvoyons.
On distingue ordinairement deux genres de gravure à l'eau-
forte : celui qui est connu sous le nom d^eau-forte des peintres,
et celui dit eavrforte des gravewrs. Ce dernier genre n'est des-
tiné qu'à préparer le travail, qui doit être terminé au burin; ce
n'est qu'une ébauche d'estampe plus ou moins avancée. Quel-
quefois l'eau-forte domine dans les tailles faites au burin, d'au-
tres fois elle n'occupe que des places secondaires, suivant le
goût et l'habileté de l'artiste ou les exigences de l'original.
On joint souvent à ce genre mixte, et aussi au genre pure-
ment eau-forte, un autre travail , celui dit à ^ pointe ûche. Ce
10
218
genre s'exécute snr cuivre nu, c'est-à-dire non verni, au moyen
de pointes aiguisées en tranchants de diverses formes, qui enta-
ment le cuivre à peu près comme le burin, mais dont les tailles
ne sont ni aussi profondes, ni aussi nourries que celles qui
sont faites au burin. On exécute rarement des planches entiè-
rement à la pointe sèche; on n'use guère de ce procédé que
pour les petites figures et pour harmoniser et lier les tons. La
pointe sèche permet de faire des dessins avec une extrême
finesse, et les épreuves, vues à distance, ont l'apparence de
lavis, parce qu'en général on n'ébarbe pas les tailles; le refou-
lement produit par le travail de la pointe retient l'encre d'im-
primeur et communique à l'œuvre ce velouté qui distingue ce
genre. Mais cette espèce de gravure a aussi l'inconvénient de
s'user très-promptement et de ne fournir qu'un petit nombre de
bonnes épreuves, tsmdis que les planches gravées totalement
au burin en donnent une grande quantité. On estime à 1,500
le nombre des épreuves parfaites, et de 3 à 4,000 celui des
épreuves passables qu'on peut obtenir d'une planche gravée au
burin.
L'eau-forte des peintres , pratiquée par les dessinateurs et les
peintres, est un genre tout à fait libre, qui n'est soumis à aucune
règle, et qui dépend entièrement du goût, du sentiment et du
caprice de l'artiste. Celui-ci se sert de la pointe comme il manie
le crayon, et il peut produire dans ce genre des choses char-
mantes, tantôt vigoureuses et brillantes, tantôt douces et fines.
Les artistes les plus distingués dans la gravure à l'eau-forte
sont : Albert Durer, Antoine de Trente , Salvator Rosa , Guido
Reni^ Dieterlein, de Strasbourg, Jacques Callot, Stephano Della
Bella, Ab. Bosse, Rembrandt, Ant Tempesta, Daniel Chodo-
wiecki, Potter, Claude Lorrain, Piranesi, Salomon Gessner; —
Angélique Kaufinann (n. Coire en Grisons, 1741, m. en Itahej
1807), pendant son séjour en Italie, en 1766, grava à l'eau-forte,
mêlée de lavis, trente planches de différentes grandeurs, tant
d'après des sujets de sa composition que d'après divers maîtres
italiens. Nous nommons encore Eolbe, Boissieu, Biedermann,
Mercuri; Jean Huber et Calame, de Genève.
A Londres il existe une société d'artistes, connue sous le
219
nom de Etchmg-Club, qui publie de temps en temps des collec-
tions d'eaux-fortes; celle de 1844, éditée sous le titre Etched
Thoughts hy the memhers of the Etchmg-Club, contient soixante
planches exécutées par J. Bell , C.-W. Cop, Th. Creswich, T.
Fearnly, J.-R. Herbert, F.-C. Knight, J. Calcoth-Horsley, R.
Redgrave, J. Stone, F. Severn, C. Stonhouse, F. Webster, Fr.
Taylor, N.-.T. Townsend, etc.
0IezzO"tintOa Le troisième genre de gravure est très-
différent des deux précédents. Au lieu de réserver sur la plan-
che les lumières et de creuser par divers moyens les demi-
teintes et les ombres , on fait justement le contraire : on com-
mence par les tons les plus foncés, et on use le cuivre jusqu'à
ce qu'on ait atteint les diverses teintes de la lumière. Aussi ap-
pelle-t-on ce genre Mezzo-tinto, ou manière noire.
Le procédé, qui est purement mécanique, consiste d'abord à
produire sur toute la planche un grain égal et serré qui donne
une épreuve d'une teinte noire uniforme et bien veloutée. On se
sert pour graver la planche d'un outil d'acier nommé berceau
qui , pareil à un ciseau plat dont le tranchant décrit un arc de
cercle d'environ 6 pouces de rayon, est armé de dentelures
très-rapprochées et très-fines. Pour obtenir le grain convenable,
on tient le berceau par son manche aussi fermement que pos-
sible, et dans une direction perpendiculaire à la planche; puis,
balançant le berceau de droite à gauche, et de gauche à droite,
on lui fait imprimer ses dents dans le métal, de manière que
chaque oscillation du berceau forme une ligne parallèle aux
lignes déjà produites. Lorsqu'on a ainsi couvert toute la plan-
che de lignes paralèlles, on en produit d'autres à angle droit
avec les premières, puis une troisième et une quatrième série
de lignes formant des diagonales avec les deux précédentes,
puis d'autres se croisant sous différents angles , jusqu'à ce que
la planche soit recouverte d'un grain très-serré et parfaitement
identique dans toutes les parties. L'opération du berçage est
très-longue et très-fatigante, car les quatre opérations doivent
se répéter une vingtaine de fois.
Quand la planche est ainsi préparée, on décalque le dessin
220
qu'on veut graver en se servant d'un papier enduit de sanguine.
Pour que les traits ne s'effacent pas pendant le travail, on les
repasse avec un pinceau et l'encre de Chine, ou avec de la
couleur à l'huile. C'est avec des racloirs , des grattoirs et des
brunissoirs de formes et de forces variées, qu'on enlève ou qu'on
écrase tout ce qui doit devenir blanc à l'épreuve, ou seulement
d'un ton moins foncé que le grain primitif. C'est de cette ma-
nière qu'on arrive à produire les dégradations de teintes les
plus déhcates du clair-obscur, depuis le noir le plus vigoureux
jusqu'au blanc le plus brillant.
Lorsqu'on a trop enlevé le grain dans certaines parties, on
peut y remédier en les repassant avec de petits berceaux.
Ce genre se rapproche des dessins au lavis ou des dessins
à l'estompe, et il est particulièrement propre pour les chairs et
les draperies, pour la reproduction des fleurs, des fruits et des
ornements brillants; mais les planches gravées à la manière
noire sont difficiles à imprimer et ne fournissent que 150 ou
tout au plus 300 bonnes épreuves. Le grenage des planches
offre aussi de grandes difficultés et demande un temps consi-
dérable. Une planche de 2 pieds de long sur 18 pouces de
large exige près d'un mois de travail pour produire un grain
convenable. Aussi on trouve maintenant en Angleterre des plan-
ches toutes préparées, et en France on a remplacé le grenage
des planches fait à la main, par le grenage mécanique, dont
l'invention est due à MM. Collas et Saulmier aîné.
La gravure à la manière noire a été inventée en 1643 par un
officier hessois, Louis de Sieghen. Son premier essai fut le
portrait de la landgrave de Hesse , Amalie-Elisabeth. Le prince
palatin Robert (*), à qui l'inventeur avait communiqué son pro-
cédé, le fit connaître en Angleterre, où ce genre de gravure
fut adopté et où il atteignit bientôt le plus haut degré de per-
fection.
C'est surtout Richard Earlom (n. comté Sommerset, 1728,
m. Londres, 1794) qui a pratiqué la manière noire avec grand
succès. Parmi le grand nombre de planches qu'il a gravées dans
(1) 11 y a dans la galerie de Dresde des gravures dans ce genre, exécotées par le
prince Rubrecht.
221
ce genre, on distingue an Iron Forge, d'après J. Wright
(1773), the royal Académie of Arts, et the Porter and hare,
d'après Zoffani ; le portrait du général Elliot , d'après Beinolds
(1782); le portrait de Rembrandt (1767); Galathea, d'après
Giordano (1779); a Fruit-Piece, et a Flower-Piece , d'après
Huysum (1781 et 1778); une Lionne avec ses petits, d'après
Northcote (1780); la femme de Rubens (1783), etc., etc. Les
graveurs qui se sont le plus distingués dans la manière noire
sont: John Dixon, John Smith (n. 1660, m. Bristol, 1721),
Inigo Wright, Robert Dunkarton, W. Dickinson, John Murphi,
J. Finlayson, PhiUppe Daw, John Saunders, Thomas Parc , Ri-
chard Houston, George White, et de Bapt. Smith, les Haid et
Rugendas, d'Augsbourg; Vogel, de Nuremberg, qui sont tous
du XVin* siècle. Plus modernes sont Jacob Pichler, Franz
Wrenk, André Geiger, J.-François Clerc, Jean et Jacques-Léon,
Porporati, de Turin; Jazet, père et fils, de Paris. *
Aqna^tinta* Le quatrième genre de gravure, c'est l'aqua-
tinta, ou la gravure imitant, au moyen de teintes variées et
grenées, le lavis à l'encre de Chine ou à la sépia sur pa-
pier. Pour reproduire ce grené et ces différentes teintes , on
a plusieurs procédés, et chaque artiste a encore des moyens
particuliers plus ou moins avantageux. Nous allons donner les
plus généralement employés.
D'abord il faut transporter le dessin sur la planche : ce qui
se fait de la même manière que nous l'avons décrit à l'eau-
forte y à cette différence près , que le trait doit être très-fin
et très-faiblement creusé. Après quoi on enlève le vernis , on
nettoie bien la planche , et on lui donne le grain de la ma-
nière suivante.
Dans une boîte de bois léger, de la capacité d'un mètre
enifiron, on soulève au moyen d'un soufflet de la poudre de
résine très-fine qu'on y a préalablement placée, et on la laisse
reposer pendant quelques instants ; ensuite on pose la planche
dans le fond de la boite sur des tasseaux: les grains de ré-
sine sont d'autant plus fins, qu'on aura attendu plus long-
temps pour placer la planche dans la boite. Au bout d'un
222
certain temps la planche est recouverte d'une poussière blan-
che, dont on peut augmenter la quantité en renouvelant l'o-
pération. Lorsque la planche est suffisamment recouverte de
résine, on la chauffe avec précaution an-dessus d'une lampe
à l'esprit-de-vin, ou au moyen d'un papier enflammé, pour
faire agglomérer les grains de la poussière de résine , et les
faire adhérer au cuivre. On couvre alors avec du petit vernis
les parties qui doivent rester blanches, on borde la planche , et
on fait mordre le reste; on couvre les parties qui sont assez
mordues, on fait mordre de nouveau celles qui demandent plus
de vigueur, et on continue cette double opération jusqu'à ce
qu'on ait obtenu la dégradation des teintes et les forces qu'on
désire. Pour produire un grain plus parfeit qu'avec la résine or-
dinaire, M. Deleschamps recommande de prendre 4 parties de
résine ordinaire sans ordures , et 12 parties d'arcanson noirci,
le tout réduit en poudre, et de les passer plusieurs fois à tra-
vers un tamis de soie le plus fin possible.
On obtient encore le grain par d'autres procédés. Ainsi on fait
dissoudre dans de l'alcool très-rectifié de la résine, de la poix de
Bourgogne, ou du mastic en larmes, et quelquefois ces trois sub-
stances à la fois, selon l'espèce de grain qu'on veut obtenir, chacune
donnant un grain différent On verse de cette dissolution , plus
ou moins chargée , sur la planche maintenue dans une position
inclinée pour faire écouler le Kquide superflu , puis on la laisse
se sécher. La couche résineuse laissée sur la planche, par l'éva-
poration de l'alcool , ne tarde pas à se crevasser en tous sens,
tout en restant fortement adhérente au métal, et produit des ré-
seaux différents de forme pour chacune des substances résineu-
ses employées. Plus cette couche est épaisse, plus le retrait de la
matière est considérable , et plus les lignes qui forment les ré-
seaux sont larges. La position inclinée qu'on donne à la planche
pour faire écouler le liquide superflu fait déposer au bas de cette
planche une plus grande quantité de résine que dans les au-
tres parties. Aussi faut-il avoir soin de placer en bas les pacties
qui doivent avoir le plus de vigueur.
Une autre méthode consiste à couvrir de petit vernis toutes
les parties blanches, et de faire mordre toutes les autres par-
223
tîes avec de Fesprit de mtre affaibli; en pratiquant ainsi plu-
sieurs morsures, en ayant soin de couvrir chaque fois les pla-
ces assez mordues, on peut obtenir deux ou trois teintes dif-
férentes, mais légères et d'un grain mat. Pour donner plus
de vigueur, on enlève le petit vernis, et on recouvre la plan-
che entière d'un vernis transparent d'une partie de poix de
Bourgogne et de deux de cire; puis, pendant que le vernis
est encore liquide, on le saupoudre, au moyen d'un tamis fin,
de sel gemme ou de sel marin purifié réduit en poussière. On
remet la planche sur le feu jusqu'à ce que le sel ait pénétré
à travers le vernis jusqu'au nu du cuivre ; puis on la laisse re-
froidir et on la met tremper dans l'eau pour dissoudre le sel,
qui laisse à la place qu'il occupait un nombre considérable de
petits trous qu'on ne peut distinguer qu'avec la loupe. On
opère alors comme ci-dessus, après avoir couvert de vernis les
parties blanches et les parties mordues.
Cette méthode donne un résultat absolument contraire aux
précédents, c'est-à-dire qu'au lieu d'un réseau de lignes noires,
on obtient à l'épreuve Un réseau de lignes blanches sur un
fond noir. On attribue ce procédé à Peter Floding.
On peut se servir avantageusement de la méthode suivante
pour imiter parfaitement les dessins faits au pinceau. Après
avoir tracé le dessin sur la planche, on la vernit de nouveau ,
et on peint les ombres les plus foncées avec un pinceau trempé
dans une dissolution composée d'huile d'olive , d'essence de té-
rébenthine et de noir de fiimée. Ce mélange a pour effet la
dissolution du vernis, qu'on enlève ensuite facilement, mais
avec précaution, au moyen d'un linge légèrement trempé d'acide.
Lorsque les places ainsi peiutes sont bien nettoyées , on leur
donne le grain, en exposant la planche à la boîte à grener ; on
m mordre , et on continue ainsi en découvrant, en grenant et
en creusant toutes les autres teintes du dessin , en les dégra-
dant jusqu'aux tons les plus légers.
n y a encore une méthode , semblable à la précédente , qui
consiste à faire les retouches et les parties fortes avec un pin-
ceau et un mélange de blanc ordinaire, de thériaque et de
sucre fondu, mélange qu'on apphque comme on pose les tou-
224
che8 à l'encre de Chine sur du papier. Le reste de la planche sera
de nouveau verni et soumis à Faction de l'acide, qui agira seu-
lement sur les parties retouchées avec le mélange, et leur don-
nera la vigueur désirée.
Quelques artistes emploient une composition de sel marin, de
sel gemme ,,de sel ammoniac et de sirop de vieux miel pour
l'appliquer avec le pinceau sur le cuivre nu.
On obtient encore un assez bon résultat, et sans être obligé
de grener la planche, en se servant pour mordant d'eau-forte
affaiblie à 12** , mélangée de 12 parties d'eau distillée , et de
3 d'alcool rectifié; ce mordant produit une teinte égale et lé-
gère , qu'on rend successivement plus foncée en ayant soin de
recouvrir les places qui sont assez creusées , et en faisant re-
mordre les autres.
Le procédé de gravure au lavis que M.Keller a inventé en 1817,
diffère totalement de ceux dont nous venons de parler : il a pour
but de substituer à la méthode de l'aqua-tinta par l'eau-forte, un
moyen mécanique d'incruster le cuivre sans le secours de cet
acide. Voici en quoi il consiste : après a^ir tracé les contours du
dessin, on vernit et on flambe la planche, et on recouvre les parties
qui doivent être ombrées avec du fiel de bœuf à l'aide d'un pin-
ceau. On verse du sable dessus, on enlève tout le sable qui n'adhère
pas au fiel, on recouvre d'une feuille de papier, et l'on applique
fortement pour que le sable découvre le cuivre ; enfin on enlève
le sable avec un pinceau, et on fait mordre à l'eau-forte. Cette
opération terminée, on nettoie le cuivre et on y passe de l'huile ;
les autres opérations n'exigent plus d'eau-forte, et c'est ici, à
proprement parler, que commence le procédé de M. Keller.
Pour produire le premier grain, on couvre les parties de la
planche qui ne doivent point être attaquées d'un vernis dur et
sec, auquel le sable ne puisse s'attacher; on étend de gros sable
sur la planche, bien également, de l'épaisseur d'un quart de ligne ;
on fait agir une roulette d'acier trempé, montée dans une chape,
d'abord doucement pour que le sable ne coule pas, et ensuite
plus fortement, en longueur et en largeur, jusqu'à ce que la plan-
che soit également attaquée et qu'il n'y ait plus de parties bril-
lantes. L'opération terminée, on replace le calque sur le cuivre,
226
on décalque sur le fond grené les lointains et la perspective ; on
passe le brunissoir avec de l'huile sur les parties brillantes du
ciel, afin de former les nuages, et sur les parties qui doivent être
détachées les unes des autres, et on passe sur les plans éloignés
un bouton d'acier poli, auquel on donne un mouvement circulaire.
Si l'on veut obtenir des parties plus foncées, on couvre tout le
reste de vernis dur , on agit sur les parties découvertes comme
précédemment, et en se servant d'un plus petit rouleau d'acier.
Pour produire un second grain, on mélange avec du vernis de
la couleur composée d'une partie de mastic, des deux parties d'huile
de térébenthine, et de la couleur brune broyée avec de l'huile ;
on en couvre toutes les parties plates du second plan, quelque lé-
gères qu'elles soient; on verse alors le sable sur la planche, et on
rejette tout ce qui n'est point attaché à la peinture. Pour les gran-
des surfaces on se servira de la roulette que l'on promènera forte-
ment sur le sable ; pour les petites parties on se servira d'un plus
petit instrument en acier. On s'assure par une épreuve des diffé-
rents tons et de l'effet général de la gravure. Pour le troisième
grain, les mêmes moyens sont mis en usage que dans la formation
des teintes du premier plan; seulement on prend le sable le plus
gros, on l'imprime le plus fortement possible, et on passe le bru-
nissoir sur les endroits où l'on veut rappeler les clairs. Il faut,
pour obtenir les tons convenables, souvent renouveler l'ensable-
ment» et avoir soin de se procurer du sable fin, bien pur et conte-
nant beaucoup de quartz. M. Eeller prétend que les planches trai-
tées de cette manière ne donnent que 200 épreuves, mais qu'on
peut reconmiencer à sabler tant que les contours sont encore vi-
sibles. Les épreuves tirées de ces planches tiennent, quant à l'ap-
parence, le milieu entre la manière noire et l'aqua-tinta à l'eau-
forte ; elles présentent un certain velouté provenant des aspérités
du cuivre produites par le refoulement du sable.
On attribue à Jean- Adam Schweikard(*) (n. Nuremberg 1722,
m. 1787) les premiers essais de gravure au lavis : c'était à Florence,
en 1750, qu'il grava des dessins de msdtres à l'aqua-tmta.
Schweikard communiqua son invention à André Scacciati (m.
(1) Miirr, 710, et Meusers Muséum, 1787,
10*
226
1771) qui publia en 1766, à Florence, vingt gravures dans ce
genre, d'après les plus célèbres peintres de la galerie de cette
ville.
Jean-Baptiste Le Prince (n. Paris 1733) s'était aussi occupé
du lavis, et avec un succès parfait; mais son procédé n'a été di-
vulgué qu'après sa mort, en 1781, par son ami l'abbé Saint-Non,
à qui il parait avoir révélé son secret L'abbé Jean-Claude-Ri-
chard de Saint-Non (n. 1727, m. 1791), auteur du voyage pitto-
resque de Naples et de Sicile, dessiné par Fragonard et Robert (*),
avait exécuté, de 1766 à 1767, trente-deux gravures au lavis, et
vingt-quatre eaux-fortes, de 1753 à 1765.
L'Allemagne a eue connaissance de ce genre de gravure par
une brochure de Stappart, traduite en allemand et publiée à Nu-
remberg en 1780.
Parmi les graveurs qui se sont le plus distingués dans l'aqua-
tinta, nous citerons : P.-L. Debucourt (•) (1757) : il a laissé des
ouvrages de sa composition pleins d'esprit et de finesse. — Ph.-
L. Parizeau (1779), qui a traité de petits sujets. — Jean-Gottlieb
Prestel (n. Grunebach 1739), qui grava d'après les dessins des
grands maîtres du musée Praun à Nuremberg; son épouse Marie-
Catherine grava dans le même genre, en 1784. — Ambroise Ga-
bier (né 1762), de Nuremberg. — J.-Fr. Bause (1786), excellent
graveur en portraits. — Richard Earlom s'est également distin-
gué au lavis. — Kunze (n. 1770), de Mannhéim. — Frey a publié
les vues du château de Marienbourg. — C. Haldenwang (n. Dur-
lach 1770m. 1881). — Falkenstein, graveur d'animaux, d'après
Fielding. — Aimely et d'autres. Les artistes suisses ont surtout
adopté ce genre pour graver les vues de leur pays.
lEtonres de gravure qui procèdent par im poin^
tilléa Nous avons à parler maintenant de quelques genres de
gravure qui, quoique distincts les uns des autres, se ressemblent
cependant plus ou moins, et ont été souvent confondus. Il s'agit
de la gravure au pointillé, de celle qui imite le crayon, et de ceUe
(1) 4 vol. gr. fol. Paris, chez Lafosse; voyez Meusel's Muséum, 1792.
(i) Les beaux-arts dans les deux mondes en 1855, par M. Deléduze, Paris.
227
qui imite les peintures. Dans toutes ces gravures on procède par
un pointillé quelconque, produit par une méthode variée.
Opus mallela Commençons par la gravure au pointillé
proprement dite. Ce genre s'exécute de différentes manières.
Nous avons parlé plus haut d'une espèce de gravure appelée
opus punctile, pratiquée par les orfèvres du moyen âge, et
dont l'usage parait avoir été maintenu encore longtemps après.
Les orfèvres du XYI' et du XVII* siècle la connaissaient sous
le nom de opus mallei ou de travail au maillet, parce quelle
s'opérait au moyen de pointes ou de oiselets et avec le marteau.
On conserve encore dans le Grune Gewôîbe à Dresde, entre
autres objets d'orfèvrerie, des gravures au maillet dues à Conrad-
Jean et David Kellerdaler («), de la Saxe (du XVI» et du XVII» siè-
cle). On y remarque surtout un Banquet de divinités païennes, l'En-
lèvement des Sabines, avec la date de 1613, et l'Électeur Jean-
George n, à cheval. Il y a encore im saint Jérôme, copié d'après
Durer par Mat Strœbel, de Nuremberg, en 1567. De cette époque
sont aussi des portraits en opus mallei, dont les chairs sont d'ar-
gent, et les cheveux et les draperies dorées. On les attribue à
George Jaeger, de qui on connaît encore des copiés faites dans
le même genre, d'après des gravures de sujets bibliques de Me-
rlan, et qui portent la date de 1667. Ces planches gravées au
maillet, en argent ou en cuivre doré, ne servaient qu'à la décora-
tion de coffrets, d'armoires ou d'autires meubles, mais nullement à
l'impression; on en gravait cependant aussi sur cuivre , qui furent
employés à ce dernier usage.
Les plus anciennes estampes en opus maUei qui me soient con-
nues offirent le monogramme t$.Z. (Bernard Zan ?) et la date de
1581. Ce sont des modèles d'orfèvrerie accompagnés de vues et
d'allégories, dont les contours et les ombres sont gravés avec la
pointe et le marteau. Du même genre sont encore les dessins d'or-
fèvrerie publiés en 1592 par Paul Flynt (n. Nuremberg 1570, m.
1620). En 1601 furent publiées à Augsbourg 14 estampes traitées
en opus mallei, représentant le Christ et les Apôtres, avec la sous-
(1) Keysler, Reiseo, lettre 36.
228
cription suivante: « . . .. effig.novo hoc iiî aère typi génère effbr :
m. os. observ. ergo D. D. Franciscus Aspruck. B. 1601. >
Aspruck était un orfèvre néerlandais qui travaillait à Augsbourg,
et qui croyait avoir inventé un nouveau genre de gravure (Stetten).
C'est surtout le célèbre orfèvre Janus ou Jean Lutma (n, Grœ-
ning 1584, m. 1669), qui a excellé dans Topus mallei; il en a
même été regardé longtemps comme Tinventeur. Son fils Jacques
Lutma avait gravé en 1681 le portrait de son père et le sien. Entre
autres graveurs d' Augsbourg du XVIII* siècle, on nomme J.-Er-
hard Heigle, qui grava en 1721 une douzaine d'estampes au mail-
let, contenant des modèles d'orfèvrerie , ainsi que Jean-George
Klinger, de Nuremberg (1788).
Gravure au pointUlé* Ce travail au marteau et au ciselet
a probablement donné naissance au genre de gravure dit au poin-
tillé, qui n'est qu'un assemblage de points et de petits traits, ou
de points seuls, produits, ou par la pointe tranchante et triangu-
laire du burin, ou par la pointe sèche.
On attribue cette manière de graver à Jean Boulanger (n,
Amiens 1607 ou 1613, et mort très-âgé à Paris). C'est le premier
qui ait traité de grands sujets; mais il ne pointillait que les chairs,
pour obtenir plus de douceur ; les draperies étaient gravées au
burin. Ses meilleurs planches sont la Vierge à l'œillet, d'après
Eaphaël; la Vierge et l'enfant Jésus, d'après le Guide, etc., etc.
Jean Morin (n. Paris, m. vera 1660), travaillait dans le même
genre, mais il faisait son pointillé à l'eau-forte. En Allemagne
Bartholomé Kilian (n. Augsbourg 1628, m. 1693) gravait de très-
beaux portraits au pointillé; ainsi que J.-A. Bœner et J.-F. Léo-
nard, qui vivaient au milieu du XVII* siècle.
Marie-Angélique Kaufmann (n. Coire en Suisse 1742) a aussi
produit quelques planches dans le genre au pointillé. En Angle-
terre, où la gravure au pointillé a eu le plus de partisans, il y avait
William- Wynne Ryland (n. Londres 1732, m. 1783), mais prin-
cipalement le Florentin Francesco Bartolozzi (n. Florence 1730,
m. Lisbonne 1813) , qui a vécu quelque temps en Angleterre, et
a produit de très-belles estampes, dont les plus remarquables sont
Clytie, et la Femme adultère, toutes les deux d'après An. Car-
329
rache; la Mort de lord Chatam, d'après Copley ; le Triomphe de
la vertu, d'après Peters ; Jupiter et lo, d'après le Corrége, etc.
C'est surtout au commencement de notre siècle que ce genre
a été pratiqué, et il l'est encore de nos jours.
On l'emploie généralement pour les gravures des journaux de
modes, des almanachs, pour vignettes et petites estampes qui or^
nent les ouvrages typographiques ; on s'en sert aussi pour des
planches plus considérables gravées d'après les grands msdtres,
ou d'après des œuvres de la sculpture, ou bien encore pour pro-
duire des modèles destinées aux écoles de dessin.
Les meilleurs graveurs dans le genre du pointillé sont Daniel
Berger (n. Berlin 1774, m. 1824), Fleischmann (n, Nuremberg
1791, m. 1834), Feller, Schmidt, Sinzenich, John, à Vienne ; Gé-
rard, Perrot, Ruotte, Noël, Bertrand, M™' Marchand, Alexandre
Chapponier (n. Genève 1753), Nicolas Schenker (n. Genève 1760,
m. 1848), Charles-Simon Pradier (n. 1782, m. 1847), frère du
célèbre sculpteur de Genève, William Roflfe, H.-T. Ryall, J.
Thomson, W.-H.Mote, J.Wagstaff, C. Knight, T.-W. Knight, J.-
H. Baker, G. Virtue, B. Holl, et un grand nombre d'autres.
Gravure imitant le crayon* Dans le siècle dernier les
dessinateurs et les peintres se servaient généralement de la san*
guine pour dessiner leurs figures, et les graveurs qui désiraient
les multiplier par la gravure cherchaient à imiter le grené du
crayon par divers moyens. De là l'invention d'un nouveau genre
de gravure appelé gravwre dans le genre du crayon , ou manière
BcibUe, ou encore gravv/re à la roulette, suivant le procédé employé.
L'invention en est due à J.-C. François, gyaveur à Paris. Ses re-
cherches avaient pour but de substituer aux gravures en taille-
douce des gravures imitant le maniement large du crayon, et par
cela même plus propres à servir de modèles dans les écoles de
dessin que les gravures au burin. Son premier essai (en 1740) ne
réussit point; mais en 1753 il réussit mieux, et publia en 1756 six
feuilles avec un succès complet, ce qui lui valut le titre de graveur
des dessins du Cabinet du roi (*). H gravait les dessins au lavis
(1) Reg. de l'Ac. roy. de peint, et sculp. Î6 nov. 1757,
230
et ceux au crayon noir et blanc sur papier gris ou bleu; enfin il
joignait la planche du crayon rouge à celle du crayon noir et
blanc pour imiter les trois crayons. Après 1760, François a exé-
cuté le portrait du médecin Quesnay, dans un genre qui, comme
il le dit lui-même, « permettait de réunir toutes les différentes
gravures sur une même planche ; ainsi la tête de ce portrait est
comme une manière noire rengraissée; l'habit est au burin; le
cadre et le fond sont d'un crayon simple, les livres qui l'accom-
pagnent contiennent des dessins lavés, et le piédestal est un crayon
noir et blanc; les différents crayons qui s'y trouvent sont travaillés
de la manière simple, sans mécanique. »
D'autres graveurs se sont approprié ce nouveau genre de gra-
vure, principalement Gilles Demarteau (n. Liège 1729 ou 1732,
m. Paris 1776), qui l'a poussé à un haut degré de perfection. On
connaît de lui plus de 560 estampes dans ce genre, gravées d'a-
près Raphaël, Pierre de Cordone, Rubens, Bouchardon, Boucher,
Huet, etc. H est nommé l'aîné pour le distinguer de son neveu et
élève Gilles- Antoine Demarteau (n. Liège, m. Paris 1806), qui a
gravé dans la même manière. On remarque surtout ses têtes d'a-
près le Dominiquin. De cette époque sont encore les graveurs
français Louis Bonnet, Paris 1760, Magny, J.-B. Richard, Obelle,
Petit, Mlle Liothier la jeune, Carrée, J.-Fr. Janinet , Roubillac,
J.-Baptiste Lucien, Gillberg, J.-C. Franco. Duruisseau a publié
les cinq ordres d'architecture en employant un pointillé assez
fin pour imiter le lavis.
En Hollande il y avait Ploos van Amstel, Cortryk, van Noorden,
G. Saint, Jean-Jacques Bylaert. Ce dernier a publié un traité sur
ce genre de gravure (Amsterdam 1770).
Jean-Henri Tischbein le cadet (n. Heyna en Hesse 1742, m.
1808), a publié en 1790 à Cassel une collection de gravures re-
marquables en 84 feuilles, gravées dans différentes manières,
pour imiter le crayon. Nous allons décrire ses procédés. Celui de
la manière dite sablée consiste à vernir la planche comme d'habi-
tude, et de la flamber ; on la saupoudre alors de sable très-fin,
que l'on Mi adhérer au vernis en chauffant légèrement, et l'on
enlève tout le superflu; puis on place sur la planche le dessin
même qu'on veut reproduire, après l'avoir enduit de sanguine
231
par-dessous , et on repasse tous les traits et toutes les hachures
avec des pointes variées de grosseur, mais obtuses, et appuyant
plus ou moins fortement pour faire pénétrer le sable jusqu'au
cuivre. Après avoir terminé le décalque complet de toutes les par-
ties du dessin, on fait mordre la planche comme nous Pavons in-
diqué plus haut. Au lieu de sable, on peut prendre aussi des cris-
taux de tartre (bi-tartrate de potasse) pur et finement pulvérisé,
qui se dissolvent plus facilement par l'acide. Il faut avoir soin, en
posant son dessin sur la planche, de marquer des repères, afin de
pouvoir le remettre à la même place s'il y avait des corrections
à faire. Lorsqu'on aura enlevé le yernis, on pourra faire des re-
touches au moyen de pointes faites avec de la pierre ponce, ou
avec du grès feuilleté (pierre à aiguiser) ; qu'on aura soin de tenir
humides ; et, pour donner plus de vigueur aux ombres ainsi re-
touchées, on se servira d'un mélange de 25 à 30 gouttes d'acide
hydrochlorique (esprit de sel fumant) et d'une demi-once d'eau
régale, qu'on posera avec un pinceau de poil de loutre. Le bru-
nissoir servira pour adoucir les parties trop fortes. Les planches
gravées de cette manière et imprimées en rouge, imitent parfaite-
ment les dessins faits à la sanguine, ou le crayon si elles sont im-
primées en noir.
La manière sablée peut être employée aussi conjointement
avec les genres à l'eau-forte et au lavis ordinaire ; elle ressem-
ble surtout à ce dernier lorsqu'on évite de faire des hachures,
pour ne faire que des teintes fondues.
Une autre gravure au pointillé pour imiter le crayon, s'exé-
cute au moyen de pointes d'acier trempé, divisées en parties
inégales, avec lesquelles on frappe ou on imprime dans le vernis
qui couvre la planche, pour obtenir un grené uni , serré ou es-
pacé, suivant les teintes de l'original. La morsure s'opère comme
à l'aqua-tinta; et, pour harmoniser les nuances, on emploie la
pointe sèche. Beaucoup de gravures au pointillé s'exécutent au
moyen de la pointe du burin, qui est affilée ou arrondie pour
produire des points de grosseurs différentes.
On obtient encore un pointillé parfait avec l'instrument qu'on
nomme la roulette. C'est une rondelle d'acier trempé de deux
millimètres de diamètre au plus, d'épaisseur variée, et sur la-
l .
. \> »'V
'r-
282
quelle sont ménagées de petites aspérités inégales. Ce petit cy-
lindre est percé dans son milieu, et monté sur un axe rivé
autour duquel il tourne facilement Les dents de la roulette en-
lèvent le vernis sur les points qu'elles touchent; on fait ensuite
creuser à l'eau-forte et l'on termine , avec des roulettes seule-
ment, sur le cuivre nu.
Les deux derniers procédés se rencontrent souvent mélangés
sur la même planche, et sont encore en usage aujourd'hui, tan-
dis que la manière sablée a été remplacée de nos jours par la
lithographie, comme nous le verrons plus bas.
Plusieurs graveurs ont employé la manière sablée pour re-
produire les dessins faits avec deux crayons, un rouge et un
noir. A cet effet il fallait deux planches parfaitement égales de
grandeur ; sur l'une on gravait les parties du dessin qui étaient
en rouge, sur l'autre celles qui étaient en noir ; imprimées suc-
cessivement sur une même feuille de papier, elles produisaient
une épreuve identique du dessin original.
Gravure en cooleura On a fait un emploi semblable des
procédés de l'aqua-tinta et de la manière noire, mais pour re-
produire les dessins sur papier tinté, ou en camîû'eu, les dessins
coloriés et les tableaux; c'est ce qu'on appelle la gravure en
couleur, qui n'est pas, à proprement parler, une manière de gra-
ver, mais plutôt un procédé particuher d'impression polychrome.
Nous avons déjà parlé d'estampes pareilles produites par des
procédés typographiques et xylographiques ; décrivons mainte-
nant les procédés chalcographiques ; plus tard nous en indique-
rons d'autres.
On nomme Lastmann, peintre hollandais, qui vivait vers 1626,
Peter Schenk, graveur, à Amsterdam, vers 1680, et Taylor,
ingénieur anglais au service de Frédéric le Grand, comme les
premiers qui aient fait des essais de gravure en couleur. Mais
ces artistes ne se servaient que d'une seule planche gravée dans
la manière ordinaire à l'eau-forte, et sur laquelle ils peignaient
les diverses nuances de couleur qui devaient entrer dans le co-
loris du dessin ; il n'y avait par conséquent qu'une seule impres-
sion.
233
Un peintre de Francfort, Jacques-Christophe Leblond, élève
de Carlo Maratte, qui avait séjourné vers 1704 en Hollande,-
et qui s'était établi à Paris vers 1720, eut J'idée d'employer la
manière noire, alors totalement abandonnée en France, pour
imiter la peinture. Il a décrit ses procédés dans un traité qui a
été réimprimé sous le titre de Y Art dHmprirmr les tableaux,
Paris, 1757.
< C'est en cherchant les règles du coloris, dit Leblond, que
j'ai trouvé la façon d'imprimer les objets avec leurs cou-
leurs , savoir le jaune, le rouge, le bleu. Les diflFérents mélanges
des trois couleurs primitives produisent toutes les nuances ima-
ginables, autant de teintes qu'il en puisse naître de la palette
du plus habile peintre; mais on ne saurait, en les imprimant
l'une après l'autre, les fondre comme le pinceau les fond sur la
toile ; il faut donc que ces couleurs soient employées de façon
que la première perce à travers la seconde, et la seconde à tra-
vers la troisième , afin que la transparence puisse suppléer à
reflfet du pinceau. Chacune de ces couleurs sera distribuée par
le secours d'une planche particuhère : ainsi trois planches sont
nécessaires pour imprimer une estampe à l'imitation de la pein-
ture.
« Ces planches doivent être de même grandeur, et pourvues
chacune aux quatre coins de trous de repère. Sur chacune on
calque le contour du dessin, et l'on traite les parties qui doivent
être gravées à la manière noire sans trop approcher du contour ;
les ombres les plus fortes sont faites par des hachures au burin.
« La première planche sert pour la couleur bleue , la seconde
pour le jaune et la troisième pour le rouge ; les lumières vives
ou le blanc sont représentées par le papier. On ajoute quel-
quefois une quatrième planche, avec laquelle on imprime les
noirs du tableau; et pour rendre les brillants plus apparents
on se sert d'une planche dans laquelle on creuse les traits qui
doivent rendre en blanc sur les autres couleurs la transparence
de l'original. Les planches ainsi préparées tireront au plus 600
à 800 épreuves sans altération sensible (*). »
(1) Encyclopédie, t. VU. 1757. p. 899.
284
Un élève de Leblond, nommé Robert, imagina une autre
méthode, en employant seulement la gravure en taille-douce.
Deux planches suffisent à ce genre de gravure: elles sont gra-
vées à Peau-forte et au burin; la première imprime le noir, la
seconde le rouge, et l'épreuve sort de la presse comme un des-
sin à deux crayons. Les planches d'un Traité d'anatomie du
médecin Pierre Tarin, imprimé à Paris, sont gravées dans ce
genre.
Gautier, de l'Académie de Dyon, arriva vers cette époque
à Paris avec un procédé semblable à celui de Leblond. Il suc-
céda, à la mort de ce dernier, à son privilège, et vit ses pro-
cédés adoptés et pratiqués. Nous empruntons à une lettre de
Gautier la description de sa méthode: « Je me sers, dit-il, de
quatre couleurs pour imiter tous les tableaux peints à l'huile,
savoir, du noir, du bleu, du jaune et du rouge ; ces quatre cou-
leurs et le blanc du papier forment toutes les autres nuances
possibles; c'est pourquoi je grave quatre planches, sur lesquelles
j'applique ces quatre couleurs qui doivent, par leurs différentes
nuances, former le tableau...
« Ma première planche ne porte que le noir. Elle est gravée
pour tous les tons de cette couleur dans le tableau; elle sert
encore à produire toutes les teintes grises, qui ne peuvent
être faites que par cette seule couleur avec le blanc du papier.
Je passe d'abord sous la presse cette première planche, qui
fait sur le papier une espèce de lavis à l'encre de Chine; en-
suite je passe ma planche bleue qui , avec le secours de la pré-
cédente, fait un camaïeu noir et bleu, et dans lequel on trouve
une grande quantité de teintes composées de ces couleurs.
« Je passe sous la même feuille la planche jaune, qui fût
avec les teintes précédentes le jaune, le vert clair, etc. ; elle fidt
encore, avec le secours des teintes noires primitives, les terres
brunes, etc. Après, je passe ma planche rouge, laquelle produit
le rouge et avec les teintes des trois autres, les pourpres, les
oranges, etc. (*) » »
Gautier a gravé de cette manière des planches anatomiques
et autres qui ne sont pas sans mérite.
(1) Réc. d'obs. sur la peint, et sur les tableaux par M. de Boze, 1753.
235
FaC"8imilea Ces procédés de gravure dite en couleur, qui
imitent le crayon , le lavis ou la manière noire , et qui ser-
vent à imprimer soit en deux teintes, soit en plusieurs couleurs,
ces procédés, dis-je, ont servi principalement à reproduire les
dessins originaux d'artistes distingués. L'un des premiers re-
eueUs de ce genre, et l'un des plus remarquables, est celui que
Cornélius Ploos van Amstel a publié en 1765 à Amsterdam;
ce recueil donne en 45 feuilles une imitation parfaite des des-
sins d'un grand nombre de peintres néerlandais. En 1821 , cet
ouvrage fut continué à Londres par C. Josi, sous le titre « Col-
lection d'imitations des dessins d'après les principaux maîtres
hollandais et flamands. » G. Cootwyk, J. Kœrnlein, B. Schreu-
der, J. de Bruyn, F. Dietrich, Charles Lewis, C. Josi et d'au-
tres en ont gravé les plus belles planches. J. Cootwyk a égale-
ment publié un ouvrage dans ce genre d'après des dessins de
peintres flamands et français. Les planches sont gravées dans
le genre crayon rouge, bistre, noir et au lavis.
L'ouvrage publié à Londres en 1777, par Bichard Earlom, con-
tient deux cents fac-similé remarquables, gravées au lavis et retou-
chés à la pointe, d'après les dessins de Claude Gelée, le Lorrain.
En 1778 parut à Londres « A Collection of Prints in imitation
ofDrawings,» composée de 112 magnifiques gravures d'après
des msdtres italiens , néerlandais et français , gravées par Fr.
Bartolozzi, W. Wynne, J. Basire, J. Watts, J. Deacon, etc.
J.-Th. Prestel a gravé une collection de dessins des meilleurs
peintres des Pays-Bas, de l'Allemagne et de l'Italie (Tienne
1779), et plus tard encore deux autres (Nuremberg, 1780 et
1782). Nous nommerons encore : Celeberrimi Francisi Mazzolœ
Parmesanis graphides per Lud. Inig. Bonoise coll. edit. an.
1788, 25 feuilles en manière de crayon, gravées par Francesco
Rosaspina. — Designi originali d'excell. Pittori, incisi ed imi-
tati nell' loro grandezza et colore; 4 part. Lond. 1794, gra-
vées par un amateur , Etienne Bourgevin Vialart , comte de
Saint-Morys. — Suite d'Estampes d'après les dessins de Fr.
Barbieri dit Guercino, par A. Bartsch, 40 planches publiées à
Maaheim en 1803-1817. — Original Designs of the most ce-
236
leb. Mast of the Bolognese, Eoman,. Florentine and YenetiaD
Schools^ 74 planches gravées par Bartolozzi, Tomkîns, Schia-
vonetti, Lewis; Lond. 1812; — et en 1823, The Italian School
of design , 84 fac-similé gravés par l'éditeur même , W.-Y.
Ottley, et par F.-C. Lewis, L. Schiavonetti, T. et J. Vivares.
Outre ces recueils, on possède encore un grand nombre de
planches indépendantes gravées dans le genre en couleur , par
Edouard Dagottî, Keating, Nutter, W. Ward, Thomas Burke,
Arthur Pond, Knapton. — C. Knight, Bartolozzi et Parker ont
exécuté à Londres en 1787, entre autres planches en couleur,
des sujets tirés de Werther.
Le peintre hollandais Abraham Blœmaert (n. Gorricum 1564,
m. 1647), a traité Pimpression à plusieurs teintes ou en camaïeu
d'une manière particulière, en se servant de la gravure sur cuivre
conjointement avec celle sur bois. Il traça d'abord les contours
de son dessin à l'eau-forte sur une planche de cuivre et tailla
ensuite les ombres sur deux planches en bois. La plupart de ses
estampes sont faites d'après les compositions du Parmesan. La
même méthode, mais augmentée du lavis, avait été employée par
Vincent Lesueur (n. Rouen 1568, m. 1743), par Nicolas Lesueur
(n. 1669, m. 1750), et par Nicolas Cochin, pour reproduire les
dessins de maître. Cochin grava ordinairement les planches de
cuivre, et les deux autres exécutaient les planches de bois. Adam
de Bartsch (Vienne, n. 1757, m. 1812) se servait du cuivre et de
Paqua-tinta.
G. Baxter, de Londres, après avoir publié en 1837, des repro-
ductions typographiques des dessins en camaïeu et de peintures
à l'huile, prit en France, 185*0, un brevet pour un perfectionne-
ment qu'il avait introduit dans l'impression ou les gravures colo-
riées tirées sur des planches d'acier ou de cuivre (printed in oil
colours). H reproduisait avec succès toutes sortes de peintures,
et il eut plusieurs imitateurs, tant en Angleterre qu'en Allemagne.
Cependant aucun n'est arrivé au même degré de perfection que M.
Desjardins.Il y a trois ans, en 1853, que M. J. Desjardins, de Paris,
est parvenu à résoudre le problème, en apparence insoluble, de
la reproduction des aquarelles,, des sépias et des mines de plomb
avec l'exactitude du fac-similé. Il arriva à reproduire les aqua-
237
relies au moyen de quatre planches d'acier, dont trois seulement
sont consacrées à la coloration proprement dite; la quatrième
peut être considérée comme réservée presque exclusivement à
mettre les ombres dans le dessin. Les trois autres planches ser-
vent l'une à la couleur jawie, une seconde à la couleur rouge, et
la dernière à la couleur bleue. Ces trois couleurs sont, en effet,
les génératrices de toutes les autres. M. Desjardins n'emploie pas
de noir pour ces reproductions, il encre sa quatrième planche
avec du bistre, ce qui fournit un moyen de coloration secondaire,
en même temps que cela sert à dessiner les ombres. Si l'on a be-
soin de noir, on peut s'en procurer par la superposition du bleu
sur le bistre.
M. Desjardins fait un décalque de l'aquarelle; non un décalque
ayant pour but unique de reproduire les contours des figures et
des objets, mais un calque des teintes diverses de l'aquarelle. H
décalque tous ces co^itours sur une planche de cuivre ; les grave
en traits légers, et en tire une épreuve. Il transporte, au moyen
de trous de repère, sur quatre planches d'acier, les traits déliés
indiquant les contours des espaces occupés par les couleurs par-
ticuHères afférentes spécialement à chacune des planches. Puis
û traite chacune des quatre plaques en particulier en les gravant
à l'aqua-tinta. Par une série d'opérations répétées, en recouvrant
les parties qu'il juge assez creusées par l'acide, ou en faisant
mordre de nouveau celles qui n'ont pas encore assez de vigueur.
M. Desjardins amène chacune des planches au degré d'intensité
et de dégradation de teintes convenable. La réflexion et l'expé-
rience ont indiqué à M. Desjardins dans quel ordre de superpo-
sition doit se faire l'impression des épreuves : le jaune d'abord,
puis le bleu; le bistre et le rouge en dernier lieu. Des trous de re-
père permettent à l'imprimeur de reporter les épreuves sur les
planches dans des rapports exacts de superposition. M. Des-
jardins ne reproduit pas seulement des aquarelles, mais aussi
des sépias, des crayons^ et même des peintures à l'huile, et avec
une perfection telle, qu'il est difficile de les distinguer des origi*
naux. (Voir aussi pour ce qui concerne le camajieu pages 170 à
17.% et Lithographie).
238
Machines à graver* Dans les divers genres de gravore
que nous venons de décrire, il a été question, à plusieurs reprises,
de remploi de certains instruments, ou de moyens mécaniques
propres à faciliter ou à remplacer le travail de la main. î^ous de-
vons en ajouter d'autres qui sont d'un usage général: tels sont
le pantographe (du grec panta, tout, et grapho, j'écris), appelé
aussi le singe, Vautographe, etc., inventé en 1611 par Chris-
tophe Schreiner, et perfectionné successivement par Macelius,
Langlois, Sikes, Erull, Muller, Stegmann, Kapier et d'autres;
il sert à reproduire identiquement un dessin, ou de même gran-
deur, ou réduit, ou augmenté, et on l'emploie avantageusement
pour décalquer directement sur la planche un dessin destiné à la
gravure. — Un autre iustrument^ le diagraphe^ remplit à peu
près les mêmes fonctions, mais seulement pour le dessin; il
permet de suivre des contours, et de transporter sur le papier
la représentation d'un ohjet quelconque , sans qu'on ait aucune
connaissance du dessin et de la perspective, on s'en sert encore
pour dessiner les objets dans leur projection géométrique, des
peiutures de plafond au moyen d'un miroir réflecteur, des pa-
norama , et des dessins microscopiques. Cet instrument a été
inventé en 1834 par M. Gavard, capitaine d'état-major, à Paris.
La gravure de Jazet , d'après Horace Vernet, représentant des
Arabes en repos, a été copiée d'après la peinture au moyen du
diagraphe, et les contours ont été gravées au moyen du panto-
graphe.
La règle à parallèles, dont le nom indique suffisamment les
fonctions, et qui est en usage dans la gravure, a conduit à l'inven-
tion de la machine à grayer^ avec laquelle on obtient non-seu-
lement des lignes rigoureusement parallèles entre elles, mais dont
on peut varier la distance dans toutes les proportions désirées,
ainsi que la profondeur. La première machine de ce genre a été
inventée en 1803 par Conté, pour la gravure des planches du grand
ouvrage de la Commission d'Egypte. Au moyen de cette machine,
on obtient tous les effets de gravure qui peuvent résulter des
lignes parallèles; elle est précieuse surtout pour les ciels, et les
dessins d'architecture ou autres de ce genre, pour produire les
239
tons plats et les teintes générales et unies. La machine à graver
a été diversement modifié et perfectionnée par Turret, Petitpierre,
Gallet, et principalement par Collas ; ce dernier a inventé aussi
une machine pour produire des dessins irisés siu* métaux (*).
Nous bornerons là nos citations d'instruments mécaniques
employés dans la gravure, en y ajoutant toutefois encore le
tour à gidUocher, qui mériterait, avant tout autre, le nom de
machine à graver.
Cet instrument, avec ses divers ajustements et compléments,
ne sert pas seulement à graver tous les genres de lignes et
courbes, mais aussi toutes les combinaisons de lignes, pour
en former un dessin; et, dans les mains habiles de M. Collas,
il est devenu une machine de reproduction très-remarquable,
avec laquelle il a créé un nouveau genre de gravure. Mais,
avant d'en parler, disons quelques mots sur les diverses mo-
difications qu'a subies le tour à guillocher. Suivant M. P. Ha-
melin Bergeron (*), l'art de guillocher sur le tour ne remonte
guère au delà de l'an 1650. Cette invention parut si ingé-
nieuse, que tous les bijoux de ce temps, et siu^out les taba-
tières, étaient guillochés.
On ne s'en servait point encore pour la gravure des plan-
ches à imprimer. L'an XI (1803) le tour à guillocher fut in-
troduit en France par Lambert pour la fabrication des terres
à pâte de couleurs, pour la poterie.
Le tour à guillocher paraît tirer son origine de l'Angleterre,
et sa construction, actuellement tant perfectionnée, ne provient
que de modifications successivement introduites dans celles du
tour du tourneur ordinaire. Après avoir adapté au tour du
tourneur toutes les machines ingénieuses, telles que l'ovale,
l'épicycloïde, l'excentrique, on a inventé le tour à guillocher.
Enfin on est parvenu à obtenir, par le moyen du toiu*, la
copie réduite d'une médaille, d'un portrait L'invention de la
machine carrée est due k De la Hire ,» de la Candamine et
(1) Sur toutes ces machiues, voy. Bulletins de la Société d'encouragement, t. <22,
97 et 28.
(2) Manuel du tourneur, par L.-E. Ber^reron, 2"*édit.par Hamelin-Bergeron. Paris.
1816, t. II. p. 357.
240
Bufay, savants français. C'est au moyen de la machine carrée,
appelée maintenant ligne droite^ que l'on guilloche les clefs
de montre, les boîtes carrées, et tous les byoux de ce genre.
Dans VArt de tourner^ par le Père Plumier (*) , de la Conda-
mine donne le moyen de réduire un profil, moyen qui a d'a-
bord conduit à la découverte des rosettes à profil employées
pour le tour à guillocher, et qui ont vraisemblablement con-
duit à l'invention du tour à portrait
Dans l'origine, le tour à portrait rendait creux pour relief,
et relief pour creux. Après diverses modifications apportées à
cet instrument, feu Hulot, fils du célèbre Hulot, auteur de l'art
du tourneur mécanicien, en a changé entièrement la construc-
tion, et l'a simplifié dans son exécution et dans les moyens em-
ployés pour lui faire produire des effets plus précis et plus sûrs.
La copie doit représenter exactement l'original. Les originaux
dont on se sert sur le tour à portrait sont des médailles en cuivre,
en bronze ou en un autre métal.
Le manuel du tourneur (*) contient des essais exécutés sur la
machine carrée ou sur le tour à guillocher, directement sur la
planche destinée à l'impression , au lieu d'être gravés à la mahi.
Ces essais sont dus à l'habile guillocheur M. Achille Collas, et
représentent entre autres la façade du Palais de Justice; ce qui
prouve que l'art du guillocheur consiste à disposer des lignes en
tous sens , et quHl peut imiter la gravure sur cuivre. Un autre
essai représente un portrait copié en taille-douce sur la nMchine
carrée, qui a V avantage de figurer le bas-relief par VillMsion des
reflets de la lumière.
Procédé Collas* Ce dernier genre de gravure, mis en
pratique en 1816 par Achille Collas de Paris, reçut le nom de
Procédé Collas. H consiste à reproduire , au moyen du tour à
guillocher , disposé à cet effet, des objets en bas-relief, sur les-
quels glisse une pointe fine et émoussée, en suivant toutes les
sinuosités de l'original en lignes droites et parallèles ; tandis
qu'une autre pointe, mais celle-ci tranchante et fixée à une autre
(1) Paris, chez Jombert, 1749.
(2) 2- éd. par Hamelin Bergeron, t. II. fol. 51. Paris, 1816.
241
place du tour, trace sur une planche de cuivre vernie les mêmes
lignes plus ou moins ondulées et non droites , serrées ou espacées
et non parallèles;- suivant les reliefs variés de l'original, ce qui
reproduit sur la surface plane du cuivre une copie qui simule
parfaitement un relief. La planche ainsi tracée est ensuite sou-
mise à Faction d'un mordant , comme on le pratique dans la gra-
vure à l'eau-forte.
Le premier ouvrage publié avec des planches gravées par le
procédé Collas fiit le Trésor de numismatique et de glyptique.
C'est un recueil général des médailles, des pierres gravées, et des
bas-reliefe les plus intéressants sous le rapport de l'art, tant an-
ciens que modernes, gravé par les procédés de M. Achille Collas,
sous la direction de M. Paul Delaroche , peintre , de M. Henri-
quet Dupont, graveur, et de M. Ch. Lenormand, conservateur du
robinet des médailles (Paris, gr. fol. 1834).
Quelque temps après, en 1836, un opticien berlinois, M. F.-G.
Wagner, cadet, inventa une machine à copier les objets reliefs
sur une surface plane , au moyen de lignes parallèles que l'ou ap-
profondit à l'aide d'un corrosif pour pouvoir imprimer cette
gravure sur la presse chalcographique. M. Wagner opère sur les
modèles les plus tendres, comme le plâtre, etc., sans détériora-
tion. D a publié un recueil de médailles et de pierres gravées
d'une réussite parfaite.
Ce procédé, comme on voit, est pareil à celui de M. Collas, qui
n'avait point été publié encore. M. Collas prit en 1837 un brevet
de 15 ans , pour les procédés mécaniques propres à la reproduc-
tion de toute espèce de sculpture.
Ce genre de gravure mécanique a été adopté généralement,
et il a un emploi très-varié , il sert surtout à tracer sur des
billets de banque des dessins inimitables ; et aussi à des notes,
des cartes de visites , principalement pour reproduire toutes sor-
tes d'objets en relief.
Jusqu'ici nous n'avons parlé que de la gravure sur cuivre , ou
de la chalcographie ; cependant tous les genres de gravure et
toutes les différentes manières de graver que nous venons de pas-
ser en revue, sont exécutés aussi sur d'autres métaux , et en par-
li
244
dégradation des teintes pour faire disparaître la sécheresse que
présentent souvent les hachures sur acier. Ce qui distingue sur-
tout la gravure sur acier de la gravure sur cuivre , c'est la grande
solidité des traits gravés ou tracés sur ce métal; les tailles les
plus délicates ne s'effacent que difficilement, par conséquent le
travail du grattoir et du brunissoir est plus difficile, mais aussi
cette particularité ofi^e l'immense avantage qu'une planche d'a-
cier supporte le tirage d'un nombre considérable d'épreuves, 40
à 50 nulle, sans que la gravure en soit altérée, et sans avoir be-
soin de retoucher, tandis qu'une planche de enivre, si fortement
gravé qu'elle soit, n'en donne que 5 à 6 mille.
Les procédés de la gravure au burin sur planche d'acier sout
les mêmes que sur cuivre, mais les opérations à l'eau-forte sont
différentes. Le vernisage est encore le même, mais on emploie
d'autres mordants. Celui que M^Turret recommande se compose
de 4 parties d'acide pyroligneux très-concentré (vinaigre de bois),
de 1 partie d'alcool, et 1 partie d'acide nitrique pur. Ce mor-
dant agit pour les parties faibles en 1 minute, et pour les par-
ties les plus fortes, il ne faut que 10 à 15 minutes. M. Warren
compose un corrosif excellent, en faisant dissoudre une demi-
once de nitrate de cuivre cristallin dans une peinte et demie d'ean
distillée, et y ajoutant quelques gouttes d'acide nitrique. — Le Dic-
tionnaire d'Industrie contient entre autres la recette suivante : 15
parties d'eau distillée, 2 d'alcool, 1 d'acide nitrique, et 18 grains
de nitrate d'argent par litre du mordant; on peut y s^outer quel-
ques gouttes d'acide nitreux, on en accrq^a la force en augmen-
tant la dose de l'acide nitrique ou celle du nitrate d'argent. Le
mordant pour l'acier, auquel M. Deleschamps donne le nom de
glyphogène, se compose de 8 grammes d'acétate d'argent, 500
d'alcool rectifié, 500 d'eau distillée, 260 d'acide nitrique pur, 64
d'éther nitreux, et 5 d'acide oxalique. M. C. Barth, graveur, con-
seille de ne pas employer de mordant dans lequel il y a de l'al-
cool, parce que cplui-ci attaque le vernis; il se sert.de 1 partie
d'acide acétique mélangé à 5 d'acide nitrique , et il obtient une
morsure pure et profonde.
Par le seul moyen des mordants et sans le secours d'instru-
ments tranchants, on peut produire sur acier des gravures d'un
245
eWetp&Mty ayant les teintes bien dégradées et les ombres d^oÀe
grande vigueur. Les traits obtenus par ces procédés sur acier
sont plus purs et plus francs que sur cuivre , et lorsqu'on les
repasse légèrement avec la pointe de diamant un peu arrondie)
on peut leur donner l'apparence des tailles brillantes faites au
burin. La manière noire, le lavis, la gravure au pointillé, à la
rotdette et en couleur, sont également pratiqués sur acier, et Ton
possède maintenant de magnifiques estampes dans tous ces gen-
res de gravure. Ce sont les Anglais qui ont donné la première
impulsion à la gravure sur acier, et qui en ont répandu la pra-
tique et le goût qu'on retrouve partout depuis plusieurs années.
La gravure sur acier a été employée avtotageusement pour
multiplier une planche gravée , en former un certain nombre
d'autres identiquement semblables, et en tirer une quantité con-
sidérable d'épreuves sans craindre aucun changement dans le
dessin, ce qui arrive toiyours lorsqu'il faut regraver une planche
usée. Ce procédé, inventé par Perlons, a pour but spécial d'em-
pêcher la contrefaçon des billets de banque ou autres objets de
ce genre, et s'opère de la manière suivante : Après avoir gravé
une planche d'acier doux , on la trempe soigneusement pour la
durcir. Lorsqu'elle est en cet état, on promène dessus, au moyen
d'un appareil à forte pression , un rouleau d'acier décarbonisé,
qui reçoit en relief l'empreinte des traits gravés de la planche;
on trempe ensuite le rouleau, et au moyen de la même machine
à pression on imprime sur d'autres planches d'acier amolli, ou
seulement de cuivre, les traits de la gravure originale. On obtient
ainsi un certain nombre de planches identiques entre elles. M.
Charles Martin, de Genève, a eu l'obligeance de nous communi-
quer les faits suivants, qui nous permettent de fixer avec plus de
sûreté l'époque de l'invention de M. Perkins. C'est à Londres,
en 1817, que M. Charles Martin entra en rapport avec M. Perkins
pour lui faire graver et reproduire, au moyen de son procédé, des
étiquettes relatives à son commerce , et il estime que c'est peu
avant cette époque que M. Perkins avait introduit ce procédé à
Londres. M. Charles Martin avait joint à sa lettre l'épreuve d'une
de ces étiquettes reproduites, qui est -d'une exécution parâdte. U
parait cependant qu'un artiste français, M. Gingembre, a eu en
246
1800 le premier Fidée de transporter sur le cuivre , au moyen
d'une presse à vis, la gravure à très-bas relief exécutée sur
acier (*).
Il y a maintenant beaucoup d'établissements industriels dans
lesquels le procédé Perkins est employé en grand, l)ar exemple
dans la fabrique d'indienne de M. Dannenberger à Berlin, etc. (^)
M. Perkins, pour accélérer l'impression des planches multi-
pliées, a inventé une machine au moyen de laquelle il peut pro-
duire, avec 36 planches et le travail de 4 hommes, 108 épreuves
dans une minute, 6 mille dans une heure, et 60 mille dans une jour-
née entière. La machine consiste en une roue de 4 pieds de dia-
mètre, sur la périphérie de laquelle les 86 planches se trouvent
fixées; l'encre est portée sur les planches d'après le procédé de
M. Cowper, et un rouleau de papier d'une longueur indéfinie
passe entre les planches et le rouleau.
KINCOGRAPHIEa Outre le cuivre et l'acier, on emploie
encore le zinc dans la gravure en creux^ surtout à cause du prix
inférieur de ce métal. Cependant on ne s'en sert point pour les
gravures soignées, ni pour la reproduction des chefs-d'œuvre-
On l'a employé d'abord pour la gravure des notes de musique,
et je crois que ce sont MM. André à Offenbach-sur-Main qui les
premiers l'ont mis en usage. On s'en est servi ensuite pour la gra-
vure de dessins d'architecture et de monuments. M. H.-W. Eber-
hardt, architecte allemand , a publié en 1822 une brochure sur
l'emploi du zinc dans la gravure en creux, au lieu du cuivre et
de la pierre ; cet ouvrage était accompagné de 10 planches. £n
1828, il a pubhé une édition allemande des Antiquités athénien-
nes et ioniennes de Stuart et Revett ('j, dont les gravures sont
exécutées avec beaucoup de soin sur zinc.
L'exemple de M. Eberhardt a été suivi par d'autres artistes,
et la gravure sur zinc est toujours en usage, mais principale-
ment pour des ouvrages qu'on désire livrer à bas prix. Les
(1) Voyez Hist. et procéd. du polytypage. etc. par M. Camus; dans les mémoires
de l'Institut natioiial. t. III; Paris, Yva IX.
(â) Voyez plus loin sur l'Impression des tissus.
(3) Darmstadt. chez C.-K. Leske. in-fol. 1828.
247
genres de gravure employés sont surtout celui à Teau-forte et
celui au burin, dont les procédés sont les mêmes que sur cui-
vre. Les autres genres se pratiquent différemment et font partie
d'une catégorie particulière des arts graphiques dont nous par-
lerons plus loin(>).
HTAIiOORAFBDQB- li y a encore une autre matière,
tout à fait différente des précédentes, mise en usage dans la
gravure en creux, c'est le verre. Les gravures exécutées sur
verre sont d'une grande finesse, mais la fragilité des planches,
pour le tirage des épreuves surtout , fait qu'on ne se sert que
rarement de cette substance.
Lliyalographie (du grec hyalos, verre) ou l'art de graver sur
verre se pratique de deux manières différentes : l'une est mé-
canique, l'autre chimique.
Les peuples de l'antiquité connaissaient très-bien ce genre de
gravure, et, suivant Plitfe (1. XXXVII, c. 15), ils tournaient le
verre à la roue et le gravaient aussi facilement que l'argent.
Laurent Natter, le plus habile glyphographe des temps modernes,
suppose que les anciens se servaient à peu près des mêmes
outils que ceux qui sont encore en usage aujourd'hui , savoir :
du sable et de l'émeri appliqués sur une petite roue qui, en
tournant, trace des dessins d'une légère profondeur. On croit
même qu'ils ont connu l'usage du diamant (*).
Cependant cet art s'était perdu comme tant d'auti*es dans les
ténèbres du moyen âge , et on ne l'a repris ou de nouveau in-
venté dans le XV* siècle, que lorsque Louis Berquen, de Paris ,
eut en 1476 découvert le moyen de tailler et de polir le dia-
mant. Dès ce moment on se servit non-seulement des frag-
ments tranchants du diamant , mais aussi de sa poussière, pour
mater, tailler et graver un grand nombre d'objets en verre, en
cristal et en pierre fine. Tout le monde connaît les célèbres
produits en verrerie, ornés de gravures de fleurs et d'arabes-
ques , qui virent le jour dans le XVP siècle à Venise.
Ce genre de gravure s'est répandu et s'est maintenu jusqu'à
(i) Voyez Lithographie el Galvanoplastie,
(i) Wiiikelinaiiu. llisl. de l'art. 11, 314.
246
présent surtout en Bokême, où il est exécuté avec goût et habi-
leté, n a rarement serTi à la représentation de sujets sur des
surfaces planes ; on conserve cependant, entre autres au Musée
de Berlin, quelques feuilles de verre du XVIP siècle, sur les-
quelles sont gravés les portraits des ducs de Nassau et de Bran-
debourg. On s'en servait encore moins pour l'impression; cela
ne se fit que lorsqu'on eut découvert un procédé chimique.
Sandrart (*) et Murr (*) nomment Henri Schwanhard, de Nu-
remberg, comme le premier qui ait gravé sur verre des dessins
en ^reux et en relief au moyen d'un corrosif; mais on ignore
son procédé.
En 1725 ftit publié par le docteur Weygand, en Courlande,
un procédé de l'invention du docteur Math. Pauli , de Dresde,
pour graver le verre. U consiste à verser de l'acide nitrique
dans un vase, en y mêlant de l'émeraude verte de Bohême pul-
vérisée, et à poser ce vase pendant 24 heures dans du sable
chaud. Lorsqu'on a dessiné avec un vernis les ornements que
l'on veut obtenir sur une feuille tle verre bien dégraissée, on
l'entoure d'un bord de cire pour empêcher l'écoulement, et on
la couvre de cet acide; en le laissant mordre quelque temps, on
obtient des dessins anaglyptiques ou relief sur un fond mat.
L'émeraude ou Hesper (pierre qui, pulvérisée et chauffée,
brille d'une lumière verte) dont il est fait mention ici, et qui a
été ainsi nommée par les anciens physiciens, n'est autre chose
que le fluate de chaux; il doit son nom de fluor à Agricola,
1561. Cette substance, mise en contact avec l'acide nitrique,
développe l'acide fluorique.
Mais ce ne fut que lorsque le chimiste Scheele, en 1771,
eut découvert réellement dans le fluate de chaux (spatii-fluor)
l'acide fluorique ou l'acide spathique, et sa propriété, qui est de
dissoudre le verre, qu'on put penser à entreprendre efficacement
la gravure sur verre par ce procédé chimique.
Elindworth, à Leipzig, et Renard, à Strasbourg, l'employaient
déjà eu 1790 à divers usages; le dernier surtout s'en servait
H) Deutsche Académie, II, 1. III, c. â4.
(i) Beschreib. Nuremb. 1801, p. 707.
249
pour tracer les degrés et les chiffres sur les échelles ea verre
des thermomètres.
En 1810, le peintre Landelle grava des glaces par le moyen
de l'adde fluorique. C'était l'usage alors de composer les ca-
dres des glaces, de lames de miroir, ornées de gravures, d'a-
rabesques et de figures mates ou pohes.
M. Bourdier fils paraît être le premier qui ait inventé (l'an
VUE) un procédé aussi expéditif pour graver sur verre que
sur cuivre, et ofirant l'avantage de fournir jusqu'à 10 mille
épreuves sans altération de traits (*).
Cependant ce procédé ne faisait pas beaucoup de progjrès:
il restait toujours la difficulté de la préparation de l'acide fluo-
rique. Mais, depuis que MM. Gray-Lussac et Thénard en 1810,
et M. Berzélius en 1835, ont donné sur ce point des instruc-
tions précises, on s'en est occupé davantage.
Ce furent généralement des amateurs qui exécutèrent ce genre
de gravure, notamment M. de Fuymaurin, ancien directeui* de
la monnaie de Paris. Il opérait de la manière suivante : La
planche de verre, vernie sur toutes ses faces et sur laquelle
on découvre tous les traits qu'on veut faire mordre , se place dans
une caisse de plomb, fermée par un couvercle de même métal ;
celle-ci communique par un tube, aussi en plomb, avec un bal-
lon contenant une partie de fluate de chaux pur, et deux par-
ties d'acide sulfin-ique à ôQ''; enfin un tube en S, contenant une
petite quantité de mercure, est également adapté à la caisse,
pour permettre aux vapeurs en excès de se dégager sans rompre
les parois de la caisse. Ensuite on chauffe le ballon, l'acide
sulftirique agissant sur le fluate de chaux, s'empare de la chaux
et met en tiberté l'acide fluorique, qui , pénétrant dans la caisse
à l'état de vapeur, creuse le verre de toutes les parties mises
à nu par la pointe.
Beaucoup d'autres essais ont été faits par MM. O'Reilly,
Desvignes, Jeanson, Hugues Baer^ et en 1844 par le docteur
Bœttger de Francfort et le docteur Bromeis de Hanau. Ces
deux derniers firent surtout des efforts pour obtenir des gra-<
(1) Mooitear, l'au VU, p. 1387,
11^
260
vures destinées à Fimpression , et ont produit de très-belles
épreuves sur papier, lesquelles ont paru dans le Journal des
imprimeurs (*).
M. C. Piil, attaché à rimprimerie impériale de Vienne, est
l'artiste qui a le plus perfectionné, de nos jours, le procédé
de la gravure sur verre à l'aide de l'acide fluorique, et qui a
indiqué les meilleurs moyens pour parer au danger que pré-
sente ce genre de travail. Nous empruntons de son Traité de
l'Hyalographie (*) quelques détails pratiques, qui nous parais-
sent très-utiles.
L'acide fluorique étant extrêmement pernicieux pour les or-
ganes respiratoires et pour la peau , il convient de prendre
toutes les précautions possibles lorsqu'on en fait usage à l'état
concentré. On fera bien d'avoir toujours à sa portée un vase
contenant une dissolution de potasse dans de l'eau, pour se
laver les mains, dans le cas où l'on n'opère pas avec des
gants huilés , et de se couvrir le nez et la bouche pour n'en
pas respirer les vapeurs. Heureusement qu'on n'a pas besoin,
pour la gravure sm* verre , de l'acide concentré, mais étendu
d'eau, ce qui diminue le danger.
Tous les vernis ne sont pas également bons pour la gravure
sur verre. M. Piil conseille un mélange d'une partie d'adipocire
(spermacéti ou blanc de baleine) avec deux parties d'asphalte
de Syrie pur. On n'a qu'à dissoudre ce même vernis avec de
l'essence de térébenthine rectifiée , pour se procurer un vernis
qu'on peut étendre au moyen d'un pinceau.
Le petit vernis se compose de parties égales d'asphalte et
de colophane dissoutes dans de l'essence chauffée.
Pour vernir le verre, on a une caisse quadrangulaire en fer
blanc, munie de pieds et d'un couvercle de tôle forte sur le-
quel on place la planche ; on remplit la caisse d'eau, qu'on met
en ébuUition au moyen d'une lampe à esprit-de-vin placée sous
la caisse, et lorsque la planche de verre est suffisamment chauffée,
on la couvre de vernis et on la flamte comme à l'ordinaire. Si
l'on désire donner au vernis une couleur blanche ; on étend
i\) De C.-A. Franke; Weimar, 4844, N* 5,
ii'} Vienne, 4853, in-Sv
251
dessus une légère couche de térébenthine de Venise dissoute
dans dé l'alcool, et sur cette couche, avant son entière dessi>
cation, on frotte de la poudre d'argent
Le décalque s'opère comme sur les planches de cuivre; mais
le tracé à la pointe demande beaucoup plus de soin, parce
qu'on ne peut pas attaquer le verre comme le métal avec le
tranchant de la pointe. Pour que la morsure soit pure et égale,
il faut s'efforcer d'enlever aussi complètement que possible le
vernis dans les traits. Le verre étant transparent, on mettra
sous la planche vernie en noir une feuille de papier blanc , et
sous la planche à vernis blanc une feuille noire , pour mieux
voir le tracé?
L'opération de la morsure offre beaucoup de difficultés,
parce que l'acide fluorique, plus encore que les mordants siu-
métaux, tend toujours à élargir les traits, et à s'introduire sous
le vernis en le détériorant ou en le faisant éclater. Les bons
vernis de M. Piil paraissent triompher de ces inconvénients.
Il y a plusieurs méthodes pour faire mordre une planche
de verre ou des objets de verrerie. La plus généralement en
usage jusqu'ici est la méthode employée par M. de Puymau-
rin. Elle consiste à se servir de l'acide fluorique à l'état de
vapeur. On peut aussi se servir d'une feuille de papier brouil-
lard imbibée d'acide fluorique et qu'on place sur la planche
tracée à la pointe; sur cette feuille on en met encore plu-
sieurs autres sèches; puis on serre fortement le. tout sur le
tracé, de manière à obtenir au bout de quelques minutes une
morsure passable.
Ce procédé est très-commode pour de petits objets ; mais la
meilleure méthode selon M. Piil est la suivante : On verse sur
la planche, un peu chauffée et entourée d'un bord en cire,
l'acide fluorique étendu d'eau, dans les proportions d'une d'a-
cide sur deux d'eau, en ne laissant agir qu'un quart de minute :
après quoi on ôte l'acide , en le versant dans un flacon , et on
lave, aussi promptement que possible, à plusieurs eaux, pour
faire disparaître complètement l'acide ; on sèche ensuite à l'aide
d'un soufflet. Dans le cas que le vernis ne soit pas altéré , on
peut couvrir les parties assez creusées et opérer une seconde
252
fois de la même manière» On répète cette opération aussi loJîg-
temps que le vernis le permet, et aussi longtemps qu'il le fie^Qt
pour atteindre le degré d.e force voulu. Mais, lorsque le vernis
est endommagé, il faut l'enlever et nettoyer la planche, d'abord
avec de l'essence , et ensuite avec de la craie bien fine ; on
chaufie légèrement et on couvre la planche de vernis^ en ayant
soin qu'il ne coule pas dans les traits. De cette manière on
peut faire mordre de nouveau. Dans toutes ces opérations il est
important d'agir avec la plus grande vitesse. Les hachures dans
les parties ombrées, qui demandent plus de force, se creusent
facilement au moyen d'une pointe tranchante de diamant.
Pour obtenir des tons unis et dégradés, comme au lavis, on
s'y prend de la manière suivante: On remplit les traits gra-
vés avec un mélange de térébenthine de Venise, de gomme
laque, et de noir de fumée; on chauffe la planche; lorsqu'elle
est froide, on enlève le superflu de dessus la surface au moyen
d'un linge humecté de térébenthine; ensuite on couvre légère-
ment la planche avec du baume de copahu mêlé d'im peu d'en-
cre d'imprimeur, et on frotte dessus de la poudre d'argent très-
également et partout. Après avoir couvert de petit vernis les
parties qui ne doivent pas être matées, on expose la planche
à l'action de l'acide fluorique à l'état de vapeur pendant 10
ou 12 minutes ; on obtient ainsi un ton mat assez uniforme,
mais faible, que l'on pourra bien encore creuser en répétant
plusieurs fois l'opération, mais sans lui donner plus de vigueur.
Pour arriver à cela , il faut procéder comme sur le cuivre pour le
lavis, et saupoudrer la planche de résine. Pour lier les tons
fins , et pour ôter les contours entre les teintes , on se ser-
vira d'une pointe en buis, avec de la pierre ponce pulvérisée
très-finement et de l'eau.
Pour imprimer les planches de verre, il faut prendre la pré-
caution de les incruster dans une forte planche de bois dur,
et de les cimenter au moyen de plâtre mêlé de colle forte, ou
d'un ciment composé de 3 parties de poix, 1 de bol et Vi de
brique pulvérisée, le tout fondu ensemble.
La planche de verre sera encrée comme une gravure en taille-
douce, et imprimée sous la presse lithographique.
253
L'imprimerie impériale de Vienne a produit au moyen des
procédé» de M» Piil de très-belles épreuves liyalograpliiqjuefr;
mais comme les planches de verre présentent toujours Tin-
convénient de se briser facilement à l'impression, on a pris
le parti de les reproduire par Pélectrotypie , comme nous le
verrons plus loin.
Emplois de la gravure en creux* Pour terminer ce
que nous avions à dire sur la gravure en creux, nous sgou-
terons encore quelques mots concernant ses emplois divers.
La reproduction des cheis-d'œuvre de sculpture et de pein-
ture, ainsi que des autres arts de tous les temps , et leur mul-
tiplication par la chalcographie^ ont eu pour conséquence na-
turelle de les faire connaître partout , de les rendre accessibles
à tous, et de contribuer puissamment à l'avancement des arts.
La facilité qu'offi*e la gravure à Feau-forte, en comparaison
de la gravure sur bois, l'a bientôt fait substituer à cette der-
nière ; et nous lui devons ces nombreuses et magnifiques eaux-
fortes des peintres. Ces précieux monuments de leur inven-
tion du premier jet auraient probablement été perdus, s'ils les
avaient dessinés seulement sur du papier, en exemplaires
uniques.
L'usage de décorer les appartements de gravuies en taille-
douce, à la place des peintures plus coûteuses mises en vogue
dans le siècle passé, a contribué à étendre encore davantage
le goût pour la gravure sur cuivre, et l'on vit de plus en plus
se répandre ce genre pour la décoration des livres typogra-
phiques. '
Les premiers indices de la chalcogiaphie dans les hvres sont
du XY* siècle, et se trouvent dans Petrus de Abno , de Venenis,
imprimé à Mantoue en 1472, avec des initiales gravées sur cuivre.
Le XV* siècle et le XVP n'étaient pas encore bien riches en ce
genre. Nous ne citerons queles belles gravures des ouvrages nu-
mismatiques, publiés par Hubert Golzius de Vanloo (n. 1526, m.
, 1583). Dans le XVXI" siècle et dans les suivants il y en avait déjà
davantage: par exemple la Bible dite de Bicher, de 1622. —
Les livres publiés par Langlois, depuis 1634, et ceux de Denys
254
Mariette, depuis 1693.-— Le Vitruve de Perrault, en 1713.—
L'histoire générale des voyages, imprimée par François Dîdot,
en 1713. — Le Traité des pierres gravées par P.- Jean Mariette,
fils de Denys, en 1714. — Les Amours postorsdes de Daphnis
et Chloé , traduits par Amiot et ornées de 24 gravures de
Baudran, d'après les dessins du régent, 1718. — Le Traité de
diplomatique par Toustaiii et Tassin, de 1750 à 1765. — L'En-
cyclopédie des sciences et des arts, par Diderot, avec 11 vo-
lumes in-fol. de planches, 1751. — La Rodogune de Corneille,
précédée d'une estampe gravée par Madame de Pompadour.
d'après Boucher, et imprimée par elle en 1760 dans l'impri-
merie qu'elle avait établie dans son appartement ^ au Nord.
— L'Encyclopédie méthodique par Panckouke, commencée
en 1781 et terminée 50 ans après, 167 volumes in 4", renfer-
mant 6,439 planches. — Les œuvres de Voltaire, 70 volumes,
publiées à Kehl par Beaumarchais, avec des gravures de Mo-
reau, 1784 à 1789. — Les Fables de La Fontaine, avec des
gravures d'après Oudry. — Racine , in-folio, par Pierre Didot.
avec 57 gravures, 1801 — 1805. — Le Musée français, publié
par Robillard Péronville, 1808—1811, avec 334 planches. —
Le Musée, publié par Laurent, 1816 — 1822, avec de magni-
fiques gravures. — La Louisiade, et la Henriade, imprimées
par Firmin-Didot, ornées de belles gravures, par les meilleurs
artistes de Paris. — Le magnifique ouvrage , la Description
de l'Egypte, publié par ordre de Napoléon T", continué par
Louis XVlll , et terminé sous Charles X , avec plus de 900
planches de très-grand format. — Die deutsche Académie, par
Joachim de Sandrart, Nuremberg, in-fol. 1773, avec beaucoup
de planches de toutes les branches de l'art. — L'édition de
luxe des œuvres de Virgile, publiée par Wagner à Leipzig
en 1834, avec 400 gravures et 40 vignettes; — enfin un des
plus beaux livres qui aient paru de nos jours, les Chansons
de Béranger, illustrées de 52 gi*avures sur acier, exécutées
par MM. Gamier, Prudhomme, Darodes, Frilley, Moret, Ch.
Lalaisse, Vallot, de Mare, Mauduit, Massard, Willman, Colin,
M"** L.Pannier, Normand, etc., d'après les dessins de Charlet,
T. Johannot, Grenier, De Leraud, Raffet, Sandoz, etc. Paris,
256
chez Perrotin, 1848, 2 vol. gr. m-8. Sans compter les almaiiachs,
les journaux de modes, les livres pour Tadolescence et la jeu-
nesse, et un grand nombre d'autres éditions de luxe publiées en
France, en Angleterre, en Italie, et en Allemagne. Dans le siècle
passé on a poussé si loin le goût pour la chalcographie, qu'on
lie s'est pas contenté d'oraer les livres de gravures, mais qu'on
en a même fait dont le texte et les planches étaient entiè-
rement gravés sur cuivre. De ce genre est enti*e autres une
édition de Tirgile, qui a pai'u à Rotterdam sous le titre : Vir-
gulii opéra ex antiquis monumentis illustrata cura et sump-
tibus Henrici Justice Armigeri Ruthfortii Toporchi.
Dans le XVI% le XVn« et le XVm» siècle on avait l'usage
de coller dans l'intérieur de la couverture des livres une ar-
moirie, ou une étiquette aUégorique ou symbohque de la fa-
mille ou de la personne qui était propriétaire du livre. Dans
le XrV* siècle, et dans une partie du XV*, ces objets étaient
gravés sur bois , plus tard on les grava sur cuivre, et aujour-
d'hui ils sont généralement remplacés par un timbre humide,
c'est-à-dire, par un timbre gravé en relief et imprimé avec de
l'encre d'imprimeur.
La chalcographie et la sidérographie sont spécialement em-
ployées pour la reproduction des dessins géographiques et to-
pographiques. Les premières cartes géographiques gravées sur
cuivre datent du XV* siècle. L'édition latine de la cosmographie
de Ptolémée, commencée par le typographe Conrad Schweinheim
à Rome, terminée par le graveur Arnold Bucking en 1478, con-
tient 37 cartes sur cuivre, sur lesquelles les légendes et les
noms ont été frappés à l'aide de poinçons en relief, au Heu
d'être gravées. En 1482 fut publiée une autre édition du Pto-
lémée par Doménique de Lapis à Bologne, édition qui conte-
nait également des cartes géographiques gravées sur cuivre.
Nous l'avons déjà dit , la chalcographie rivalisait avec la xy-
lographie pendant le XVP siècle, époque dans laquelle il y avait
encore peu de graveurs de cartes sur cuivre : Les principaux fu-
rent Ortellus et Tavernier en Hollande; François de la Guil-
lotière en France, Meyer à Bâle, etc. — Dans le XVII* siècle,
et depuis cette époque, on ne vit presque plus que des cartes
256
gravées sur cuivre , et le nombre des graveurs était aussi plus
considérable : Il y avait entre autres Mercator, Paul Merula,
JudocuB Hondius, Janson, Delapointe; — et dans le XVIU*
siècle, Homann, Riolet, l'abbé de la Grive, Chalmandrier, Dela-
haye, Perrier, Bourgoins, Dupuis, Le Monieu.
Jusque-là les cartes géographiques n'offraient pas une image
suffisante de l'objet qu'elles devaient représenter, bien qu'il y
en eût de très-bonnes. La gravure en était généralement dure
et aride, n'imitant qu'imparfaitement les sinuosités du terrain,
les pentes des montagnes ; enfin on n'avait point de système
fixe et convenable pour le dessin topographique. Vers la fin du
siècle passé cet état de choses change , et depuis il est allé
toigours en se perfectionnant. Grâce aux travaux des Anglais
Arrowsmith, Carey, etc., des Français Haxo, Puisant, Lapie,
Brué, etc., des Allemands Charles Jœck, Gerstenbergh, J.-G.
Lehmann, Mufding, etc., des Italiens Manzini, Legnani, Momo.
On introduisait alors un système de hachures plus régulier, des
dégradations plus naturelles se basant sur une échelle en rap-
port avec les hauteurs, les pentes, les accidents et les formes du
pays qu'on voulait représenter; ce système permettait aux gra-
veurs de produire de magnifiques résultats par des effets de
lumière et de perspective , tout en Uant au moelleux, à la sua-
vité une exactitude presque mathématique des proportions. Beau-
coup de graveurs se sont distingués dans ce genre, entre autres
Bouclet, Doudan, Tardieu, PeUicier, Piquet à Paris; — Bach
à Dresde, Hampe, Kolbe à Berlin, Mare à Kônigsberg, P.
Schmidt et fils, W. Jseck, C. Jaetting et fils , Richter, Kliewer,
Bimbé, Muller, Stein à Vienne; — Seitz, Schleich à Munich,
Bruck à Leipzig, Knittel à Nuremberg et un grand nombre d'au-
tres en Angleterre, en Italie, etc.
La gravure de la musique est aussi un des emplois les plus
considérables de la chalcographie, de la sidérographie et de
la gravure sur zinc et sur étain. On se sert dans ce genre de
gravure de plusieurs instruments et outils pour faciliter et abré-
ger le travail que l'on trouve décrit dans des manuels spéciaux.
M. Richome père l'a beaucoup perfectionné.
A ces deux genres se lie la gravure de la lettre , employée
â57
encore pour les biUeta d« baaque, le papier-monnaie, les carte»
de visite et d'adresse, etc.
La gravure en creux a été employée aussi, au commence-
ment de notre siècle surtout , à la reproduction de dessins de
tricotage et de broderie ; elle est remplacée aujourd'hui par la
lithographie, avec le secours de machines à pointiUer, et par le
décalque.
Dans les manufactures d'indienne, on se sert de cylindres en
cuivre gravés pour imprimer les étoifes. On grave d'abord les
planches planes, que l'on transforme ensuite en cylindre en les
roulant et en les soudant solidement aux jointures.
C'est à la fin du XVII* siècle,, ou vers le premier tiers du
XVin% que fut importé en Europe l'art de £Ed;riquer les toiles
peintes, connues sous le nom de perses ou indiennes, noms de
leurs pays d'origine. Les sujets étaient coloriés au pinceau,
opération longue et dispendieuse qu'on remplaça en Europe par
l'impression à l'aide de planches gravées.
Dans la fabrication du papier-tenture on. se sert également
de la chalcographie. On a déjà décrit (p. 179 et suiv.) les procé-
dés de gravure en relief des planches et des rouleaux em-
ployés dahs ces deux fabrications, nous donnerons maintenant
ceux de la gravure en creux.
Selon M. Persoz (0 que nous suivrons encore ici, ce genre
de gravure s'exécute généi*alement sur les métaux, et parti-
culièrement sur le cuivre jaune ou rouge, rarement sur pierre
et sur verre.
< Lorsque, dans le cours du siècle dernier, les fabricants d'in-
diennes empruntèrent aux graveurs et aux imprimeurs en
taille-douce les moyens de reproduire des dessins et des im-
pressions sur l'étoffe, ces artistes employèrent déjà la gravure
au burin et à l'eau-forte. Le grand développement qu'a reçu
l'impression des tissus et surtout la découverte du rouleau,
ont fait de la gravure pour cette impression un art pour ainsi
dire distinct de celui qui lui a donné naissance.
« Pour faire comprendre toutes les modifications que les
il; Traité théur. et pral. de nmpr. des tissus. Paris, i84(i, li, p. Wi et suiv.
258
procédés ont subies, nous jetterons un coup d*œS rapide sur
leurs perfectionnements successifs.
c On se sert des mêmes moyens pour graver les plaques
et les cylindres en cuivre; les machines employées dans l'im-
pression en taille douce ont été les premières appliquées 'à
l'impression des tissus ; c'est donc la gravure des planches pla-
tes qui a subi les premières améliorations. Dans le principe,
la gravure de ces planches ne différait en rien de celles des
planches qui servent à l'impression du papier : on gravait au
burin et à l'eau-forte, mais d'une manière beaucoup plus pro-
noncée. Les ombres s'obtenaient au moyen de légères cour-
bes qu'on serrait et croisait., suivant la nature de ces om-
bres, pour produire la teinte nécessaire à l'effet du dessin.
« La presse dont on se servait ne permettant pas de rap-
porter, chaque sujet était renfermé dans une planche et ne
pouvait être répété ; on ne tarda pas à perfectionner la presse
au point que les rapports devinrent possibles mécaniquement
et de la manière la plus exacte. On grava alors en relief de
petits dessins qui devaient se répéter sur un poinçon d'acier
doux qu'on durcissait après. Moyennant ce poinçon qu'on en-
fonçait à coups de marteau dans la plaque métaUique, et sur
des points déterminés à l'avance par des lignes, on compo-
sait le dessin et l'on employait le burin pour terminer la gra-
vure. Plus tard, le poinçon, au lieu d'être enfoncé à coups de
marteau, le fut par une presse à vis, et aux distances mar-
quées par des diviseurs qui dépendaient de cette presse et
faisaient marcher la planche eu long et en large.
« Les choses en étaient là lorsque s'opéra une grande ré-
volution dans l'impression par l'introduction du rouleau (eu
1800 environ). Ceux-ci furent d'abord gravés à la main; mais
la lenteur de ce genre de gravure, et surtout la dépense à
laquelle il entraînait (*), le firent bientôt abandonner; il fut
{i) Selon M. DoUfus-Gontbard, il y a des de^siu&dont les rouleaux gravés à la main
avaient demandés 6, 8, 10 mois et plus.— Les frais de gravure au poinçon s'élevaient
de 1000 à 1500 fr.— Les cylindres, guillochés en moins d'un jour, se vendaient 12U0 fr.
—Maintenant que les graveurs de fabriques empruntent à la mécanique et à la chimir
toute leur puissance, ils fout eu un jour presque le travail d'un an; de la vient qu'on
259
remplacé par deux procédés distincts , employés , INin en
France, l'autre en Angleterre.
«M. Lefèvre, de Paris, dans le premier de ces pays, ap-
pliqua à la gravure au rouleau tous les procédés de la gra-
vure à la planche plate , et grava des poinçons qui , au lieu
d'avoir une surface plane, comme ceux de ce dernier genre
de gravure, avaient une surface concave qui correspondait à
la concavité des cylindres; pm*s bientôt, au moyen d'un tour
à graver qu'il avait imaginé, il enfonça le poinçon à une pro-
fondeur donnée et égale sur toute la surface des cylindres.
< En Angleterre , on eut l'heureuse idée de graver en
creux un petit cylindre miniature en acier doux, appelé mo-
lette, qu'on trempait ensuite et pressait fortement contre une
autre molette également en acier doux, à laquelle il trans-
mettait^ mais en relief (>)) le sujet qu'on y avait gravé en
creux ; ce transport opéré, on procédait à la trempe de cette
seconde molette pour réaliser ensuite, moyennant une pres-
sion suffisante , un nouveau transport , mais cette fois sur le
cylindre en cuivre, qui était ainsi bientôt gravé en creux sur
toute sa surface. C'est aux graveurs anglais Perkins; Fairman,
Heat, Loquet, qu'est due cette belle découverte, qui ne fut
connue et adopté en France que beaucoup plus tard. Après
bien des essais infructueux, £ûts d'abord par un Anglais dans
la maison Hartmann, de Munster, puis, en 1820, chez M.
Hausmann, au Logelbach, le fils de ce dernier fabricant triom-
pha enfin de toutes les difficultés, et en 1822 tous les rou-
leaux de leur établissement étaient gravés à la molette. La
même année, MM. Kôchlin frères importèrent d'Angletc^rre
ce procédé que chacun s'empressa d'adopter.
« Tous ces perfectionnements portent , comme on le voit,
sur l'emploi du poinçon qui, primitivement employé comme
un cachet, et sur un point limité, a fini par être appliqué
d'une manière continue.
peut douuer pour 50 à 80 francs ce qui eu coûtait 1500 il y a uue quarantaiue d'années.
—Une gravure qui aulrefojs se payait 200 francs, n'est pas estimée aujourd'hui plus
de 20 francs. ( M . Persoz .)
(1) La première de ces molettes (en creux) s'apitelle molette-mère, et la seconde
■relief) molelle-màle.
260
«Lebnriii, «t moy«ii duquel on donne des traits ai nets
et si vigoureux, devait aussi recevoir ses perfeetioânemeats,
et en efiet, de 1823 à 1824, en Angleterre et en Suisse, on
parvint à le fiûre mouvoir mécaniquement, ainsi que le rou-
leau, de manière à produire sur ce dernier tous les contours
que depuis longtemps les graveurs de boites de montres ob-
tenaient à l'aide de tours dits à gmUocher, Mais pendant qu'en
Angleterre le burin ne servait qu'à produire des traits sur
la couche du vernis dont la surface du rouleau était recou-
verte, et à mettre en liberté le métal que devait ronger en-
suite un acide, en Suisse on attaquait directement la matière
du rouleau par la pointe du burin. C'est un nommé Stramm.
guillocheur de montres à la Chaux-de^Fonds (Suisse) qui, sur
les indications de MM. Yerdan père et fils, à Neuebàtel, a
gravé le premier, au commencement de l'année 1824, les cy-
lindres guillochés. »
Au moyen de ces divers genres de gravure employés sépa-
rément ou coigointement, quelquefois tous ensemble, on peut
produire des dessins infiniment variéS) et dont chacun se distingue
par un nom particulier.
La gravure à l'eau-forte des rouleaux s'opère de la manière
ordinaire, décrite plus haut. Cependant on remplace quelque-
fois la pointe par un des moyens ci-après: < Veut-on, par
exemple, obtenir un dessin blanc sur un fond couvert; ou l'on
trace ce dessin au pinceau avec le vernis même sur le cylin-
dre» ou on le grave d'abord sur un cachet, à l'aide duquel
on imprime ensuite le vernis sur une feuille de papier gommé
qu'on applique sur le rouleau , puis, lorsque le vernis est sec, on
humecte le papier pour le détacher, et le dessin imprimé en vernis
gras se trouve transporté sur le cylindre. Quand, au contraire,
le fond doit rester blanc et le dessin être gravé en creux,
on imprime avec le cachet, au lieu de vernis, une solution
concentrée de gomme, sur un papier imprégné de gaUpoi, q^u'on
transporte immédiatement sur le cylindre, où on le laisse sé-
cher, et il suffit alors d'humecter le papier d'alcool chargé
d'essence de térébenthine pour le détacher de la gomme, puis
de recouvrir le cylindre de vernis, de le dessécher et de le
plonger dans mie eau acidulée de vinaigre, qui, agissant sur
les parties gommées, met à nu le métal réservé par elle.
« On (obtient aussi des ligures irrégulières, des sablés, des
marbrures, par des procédés qui ne sont que des imitations
de ceux qu'on emploie pour produire quelques desdns sur le
papier de reliure, sur la toile cirée, etc., dans lesquels les
substances hétérogènes incorporées et maintenues en suspennon
Pane par l'autre, puis abandonnées à elles-mêmes ou traitées
à la brosse, reprennent chacune leur position respective et
donnent les formes les plus bizarres. C'est ainsi qu'en incorpo-
rant du goudron à des dissolutitms salines et en étendant uni-
èmement ce mélange sur un cylindre, le plus léger coup
d'une brosse a pour résultat d'accumuler le goudron sur cer-
tains points et la solution saline sur d'autres , de sorte qu'en
desséchant le premier et en passant le cylindre dans l'acide,
les parties où le sel s'est accumulé sont les seules rongées.
On réalise encore des figures d'un autre genre, dits famUifi
édàboussés on gidéa , en aspei^eant le rouleau de vernis avec
on pinceau ou avec une brosse. Toutes les parties couvertes
de vernis sont respectées par l'acide, et les autres, an con-
traire, attaquées.
< Ce genre de gravure est susceptible d'être varié à l'infini ;
car rien n'empêcherait, par exemple, d'enrouler d'une £aiçon
irrégulière, de manière à produire des contours ou figures plus
ou moins bizarres, des fils imprégnés de vernis; ce vernis
faisant fonction de réserve, les parties du métal qui n'en se-
raient pas recouvertes seraient les seules attaquées. Il serait
facile de reproduire par ce moyen les dessins des mailles du
tricot ou du filet. Enfin, rien ne s'opposerait à ce qu'on fit
<ni8taUi80r des dissolutions salines sur la surface dn rouleau^
et, ces cristallisations accomplies, à ce qu'on recouvrit le tout
de vernis ; ce dernier ne prenant que sur les surfaces nues
du métal, on obtiendrait encore des figures de cristaux en
relief. >
Outre les vernis de graveur employés ordinairement, M. Persoe
reconunande encore une dissolution du copaldans l'essence de. la-
vande, lorsqu'il s'agit de tracer un dessin au trait sur le vemiSr
â66
par Alols Senefelder (né à Prague en 1772, et mort àMunick
le 26 février 1834). Fils d'un comédien, Senefelder se voua lui-
même au théâtre , contre la volonté de son père qui l'avait des-
tiné à l'étude du droit. Ne pouvant réussir comme acteur, Sene-
felder se fit auteur, et publia en 1793 une petite pièce de théâtre.
Ce premier ouvrage fut suivi d'autres ; mais'voyant tout son gain
absorbé par les frais d'impression, il chercha un moyen d'obtenir
ses imprimés à meilleur marché. Il essaya d'abord une espèce de
stéréotypage sur la cire et sur le bois ; mais l'exécution en grand
exigeait des capitaux au-dessus de ses moyens. Il se servit en-
suite de planches de cuivre , et il procéda comme les graveurs
à l'eau-forte, c'est-à-dire qu'il vernissait sa planche, dessinait son
écriture dessus, et la creusait au moyen de l'acide nitrique^
Le^ difficultés qu'il avait à surmonter étaient surtout l'imita-
tion des caractères d'imprimeur et l'écriture à rebours. Un autre
obstacle était la correction des fautes qu'il faisait en écrivant. Ne
connaissant point le petit vernis qui sert à cet effet aux graveurs,
il imagina de dissoudre dans de l'eau de pluie des quantités éga-
les de cire et de savon , avec un peu de noir de fumée, mélange ,
qui plus tard servit d'encre chimique pour la lithographie.
Pour tirer à l'économie, Senefelder voulut se servir de la
même planche pour un second essai, mais il lui fallut employer
plusieurs heures pour eifacer les traces que l'eau-forte y avajlt
laissées. Cette circonstance lui fit penser qu'on pouvait aussi
bien graver à l'eau-forte sur la pierre que sur le cuivre, et il ré-
solut de faire des gravures en creux sur pierre ('). Ces premiers es-
sais se firent sur une espèce de pierre calcaire qu'on nonune
pierre de Solet^fen, du nom d'un village bavarois, où l'on trou-
vait la meilleure espèce, et qu'on employait à Munich pour le
carrelage des appartements. C'est cette même espèce de pierre
qui sert encore aujourd'hui spécialeïnent aux lithographes. Se-
(i) Quelques auteurs attribuent à l'abbé Schmidt, professeur à l'école des cadets à
Munich, la première idée d'employer les pierres à l'impression. L'abbé Schmidt avait,
avant Senerelder. gravé en relief sur pierre, des feuilles de diverses plantes, dont il
se servait dans un cours de botanique. Cependant, et longtemps avant l'abbé Schmidt,
on grava en relief sur pierre calcaire au moyen d'un corrosif. Il existe à Munich, au
musée de l'écele gratuite de dessin, un astrolabe fait par ce procédé, et portaat la
4df
uefelder couvrit la pierre du même vernis que pour le cuivre^
et il dessina ses lettres à l'aide d'une plume d'acier d'une forme
particulière.
Le plus grand obstacle qu'il rencontra fut de donner à la
pierre le poli convenable, pour pouvoir enlever facilement l'encre.
Après de nombreux essais, Senefelder trouva enfin qu'en jetant
sur la pierre bien débrutiè un mélange d'une petite partie
d'huile de vitriol concentrée avec 4 ou 5 parties d'eau, et frot-
tant de suite avec un Unge on obtient un poli parfait Mais
malheureusement ce poli n'est pas très-solide, et sa durée est si
courte, qu'on ne peut guère tirer avec une pierre ainsi préparée
qa'one cinquantaine d'exemplaires nets ; après quoi il faut em-
ployer de nouveau le même procédé, ce qui nuit toujours un
peu au dessin.
Une autre difficulté était de trouver un noir qu'on pût enle-
ver facilement « Tous les essais que je fis , nous dit l'inventeur,
me prouvèrent que rien ne convenait mieux à une pierre sans
préparation d'huile de vitriol, qu'un vernis huileux mêlé de noir
fin de Francfort, qu'on enlevait de dessus la pierre avec une
fiuble dissolution de potasse et de sel de cuisine. »
Senefelder avoue qu'il n'avait rien trouvé de neuf jus-
qu'alors, ni Mt autre chose , pour la préparation de ses pierres,
que ce que font les graveurs en taille-douce.
Ce fut en 1796 qu'il passa de la méthode creuse dont nous
venons de parler à une nouvelle manière, qu'il appelle gra-
vure en relief, en se servant de l'encre qu'il avait inventée
quelque temps auparavant Voici comment il raconte lui-même
le hasard qui lui a fait découvrir ce nouveau procédé : € Je ve-
nais de dégrossir une pierre poiu* y passer ensuite le vernis
et continuer mes essais d'écriture à rebours, lorsque ma mère
date de 1580. On voit aussi dans le cabinet royal des antiquités de la même ville, une
grande table ronde, Taite d'une pierre de Solcnhoren, sur laquelle sont gravés en re-
lief, et par le même moyen, les portraits des anciens durs de Bavière, avec plusieurs
inscriptions et une chanson accompagnée de notes (Engelmann, p. 7). A la biblio-
tbèqve de Genève il y a une pierre calcaire, âgée de quelques siècles, dont l'inscrip-
Uon paraît être faite au moyen d'un corrosif (M. Blavignac. architecte).— Du reste,
Senefelder ignorait complètement le procédé de l'abbé Schmidt, et l'existence de
«es pierres gravées à Munich.
2«d
vint me prier de lui écrire le mémoire da linge qu'elle àÛait
faire laver; la blanchisseuse attendait impatiemment, tandis
que nous cherchions inutilement un morceau de papier blanc.
Le hasard voulut que ma provision se trouvât épuisée par mes
épreuves, et mon encre ordinaire desséchée. Comme il n'y
avait alors personne à la maison qui pût aller quérir ce qui
nous était nécessaire , je pris mon parti , et j'écrivis le mé-
moire sur la pierre que je venais de débrutir, en me servant
à cet effet de mon encre composée de cire, de savon et de
noir de fumée, dans l'intention de le copier lorsqu'on m'au-
rait apporté du papier. Quand je voulus essuyer ce que je ve-
nais d'écrire, il me vint tout à coup l'idée de voir ce que de-
viendraient les lettres que j'avais tracées avec mon encre à la
cire, en enduisant la pierre d'eau-forte, et aussi d'essayer si je
ne pourrais pas les noircir comme l'on encre les caractères
d'imprimeur ou la taille de bois, pour ensuite les imprimer.
Les essais que j'avais df jà faits pour graver à l'eau-forte m'a-
vaient fait connaître l'action de ce mordant relativement à la
profondeur et à l'épaisseur des traits, ce qui me fit présumer
que je ne pourrais pas donner beaucoup de relief à ces let-
tres.
« Cependant, comme j'avais écrit assez gros pour que l'eau-
forte ne rongeât pas à l'instant les caractères, je me mis vite
à l'essai. Je mêlai une partie d'eau-forte avec dix parties d'eau,
et je versai ce mélange sur la pierre écrite ; il y resta 5 mi-
nutes à la hauteur de deux pouces.
« J'examinai alors l'effet opéré par l'eau-forte , et je trou-
vai que les lettres avaient acquis un relief à peu «près d'un
quart de ligne , de manière qu'elles avaient l'épaisseur ^'une
carte. Quelques traits, qui sans doute avaient été écrits trop
fins, ou qui n'avaient pas pris assez d'encre, étaient endomma-
gés en plusieurs endroits. Les autres n'avaient perdu qu'une
partie imperceptible de leur largeur en comparaison de le;ir
relief, ce qui me donna l'espérance fondée qu'une écriture
bien tracée, et surtout en caractères moulés comme ceux de
l'imprimerie, pourrait encore avoir plus de relief.
« Je m'occupai ensuite des moyens d'encrer ma pierre : je
269
pris pour cela une petite plaque de bois qui avait servi de
couvercle à une boîte fort unie, je la recouvris de drap très-ôn
de l'épaisseur d'un pouce, et je la frottai fortement avec une
couleur faite de vernis d'huile de lin très-épais et de noir de
fumée; je passai ensuite ce tampon sur les caractères écrits;
ils prirent fort bien la couleur et je réussis si bien, qu'il ne
me resta plus rien à désirer. »
Cette découverte de Senefelder, qui consiste à travailler
en relief, et à imprimer à la manière de la taille de bois,
peut être considérée comme le commencement de la litho*
graphie.
Tous les essais que Senefelder fit ensuite pour les écri-
tures sur pierre s'exécutaient de cette manière ; il employa
même ce moyen avec succès à l'impression des notes de mu-
sique, et forma en 1796 un établissement d'imprimerie musi-
cale, en compagnie avec M. Gleissner, musicien de la cour à
Munich.
En même temps il inventa une nouvelle presse à impri-
mer qu'il appela presse à branches, et il employa sa méthode
d'impression à faire des adresses et des cartes de visites.
Un air mis en musique que Senefelder avait imprimé , et
au-dessus duquel se trouvait une petite vignette , engagea le
conseiller Steiner, à Munich, à lui faire dessiner de petites
images pour un Catéchisme. Quoique les dessins Aissent fort
médiocres, on acquit cependant la certitude de pouvoir faire
toutes sortes de dessins sur pierre ; et M. Steiner , qui était
directeur du dépôt des livres destinés aux écoles, procura à,
Senefelder l'occasion de s'exercer à différents travaux de ce
genre.
Restait toujours la plus grande difficulté, l'écriture à rebours.
D fallait donc trouver un moyen pour surmonter cet obsta-
cle. Ayant remarqué pendant ses diverses opérations que, lors-
qu'on écrivait sur du papier avec un bon crayon anglais,
qu'on le mouillait, qu'on l'appliquait ensuite sur une pierre
bien pohe, puis qu'on le soumettait à l'action d'une presse
bien tendue, les caractères écrits au crayon restaient distinc*
tement marqués sur la pierre, et qu'il n'avait alors qu'à re-
270
passer les traits de crayon avec son encre lithographique. 11
essaya plusieurs compositions pour transporter son écriture
sur la pierre. La sanguine fine, broyée avec de l*eau gommée,
et même Fencre commune faite de noix de galle et de vi-
triol vert, pouvaient être utilement employées à cet effet. Il
employa également un mélange d'huile de lin, de savon et de
noir de fumée; mais il lui fallait toujours repasser avec son
encre lithographique le dessin transporté sur la pierre pour
pouvoir l'imprimer; opération double, qui lui fit désirer de
trouver une encre qui, en se détachant du papier, se trans-
portât entièrement sur la pierre, et lui épargnât la peine de
copier. Senefelder avoue que cette recherche lui a coûté
pour le moins un millier d'essais , mais il en a été ample-
ment récompensé, car il leur doit la découverte du secret de
la lithographie chimique.
Parmi tous ces essais, celui qui lui réussit le mieux fiit le
suivant : il passa sur le papier une eau gommée dans laquelle
était dissous du \itriol martial (sulfate de fer) ; lorsque ce pa-
pier fut sec, il écrivit dessus avec son encre lithographique,
rendue plus collante en y mêlant de la colophane, du vernis
huileux épais, de la gomme élastique, de la térébenthine, du
mastic et d'autres matières pareilles, et le laissa sécher de non*
veau, n mouilla ensuite le papier, et il l'imprima sur une pierre
qui avait été enduite légèrement d'une dissolution de vernis
huileux dans l'essence de térébenthine, laquelle ne laissait
qu'une couche grasse très-mince. Cet essai, comme je l'ai dit,
réussit fort bien ; l'autographie venait d'être inventée.
En transportant ses dessins sur la pierre, Senefelder avait
remarqué que l'humidité, surtout l'humilité visqueuse, comme
par exemple une dissolution de gomme, s'opposait à ce que
l'encre lithographique s'attachât à la pierre ; de manière qu'im
papier, écrit avec de l'encre lithographique qui. a bien séché»
trempé dans de l'eau où il y a quelques gouttes d'une huile
quelconque, prend cette huile sur toutes les parties écrites,
et que le reste du papier, surtout lorsqu'il a été trempé dans
de Peau gommée ou dans de la colle d'amidon très-déliée, ne
prend pas d'huile. Il pouvait donc supposer qu'un papier im-
271
primé avec Fencre noire ordinairç de Pimprimerie donnerait
le même résultat. Pour s'en convaincre, il arracha une feuille
d'un vieux livre imprimé, la passa dans une dissolution de gomme
très-claire, il la mit ensuite sur une pierre, et prenant une éponge
trempée dans une couleur huileuse et claire, il la passa partout
sur le papier. Le résultat fut que les caractères imprimés
prirent la couleur , tandis que le papier restait blanc. Il 'ap-
pliqua alors un papier blanc, sur le côté imprimé du premier,
les mit tous les deux sous la presse , et il th'a une très-belle
copie de la feuille imprimée, quoique en sens renversé.
Ainsi chaque feuille de papier devenait à Senefelder une
planche à imprimer, et il pouvait en tirer une cinquantaine
d'exemplaires, en se servant d'une encre plus compacte et
composée de colophane, de Htharge ou oxyde de plomb vitreux,
broyée en poudre , de noir de famée , de vernis huileux et de
potasse délayés dans de l'eau. En employant cette méthode , et
seulement avec du papier et sans pierre, il aurait pu réimprimer
de vieux livres et faire même des éditions de livres nouveaux.
Cependant le peu de solidité du papier décida Senefelder à
se servir pour ce travail des pierres calcaires de Solenhofen.
Cette espèce de pierre a une attraction très-forte pour les corps
gras, lesquelles la pénètrent si profondément, que souvent il
est impossible, même en l'usant beaucoup, d'en faire disparaî-
tre les traces.
H prit donc une de ces pierres bien débrutie, y, dessina quel-
que objet avec un petit morceau de savon, jeta dessus une fai-
ble dissolution de gomme , et y passa une éponge ou un tam-
pon trempé dans de la couleur huileuse ; alors toutes les places
marquées par le corps gras devinrent noires à l'instant , tandis
que les autres restèrent blanches. Une pierre ainsi préparée
pouvait produire autant d'épreuves que l'on en voulait.
Toutefois il était aisé de prévoir qu'un dessin auquel on au-
rait donné un peu de relief au moyen du mordant serait plus
fiwîile à imprimer, et qu'une pierre préparée de la nouvelle ma-
nière était bien plus facile à dégrossir pour s'en servir de nou-
veau.
Senefelder croyait au commencement qu'il pouvait se pas- j
272
ser de gomme , mais il fut bientôt convaincu qu'elle avait une
sorte de liaison chimique avec la pierre, dont elle ferme un peu
les pores aux corps gras , tandis qu'elle les dispose de plus en
plus à recevoir l'eau, qualité que l'eau-forte et la gomme ne
peuvent donner que réunies.
Les essais faits de cette manière réussirent parfaitement, tant
en creux qu'en relief.
Si, en suivant une marche inverse, au lieu de mouiUer la
pierre avec de l'eau , on prenait de l'huile et une couleur pré-
parée avec de l'eau gommée, alors il n'y avait plus que les en-
droits humides qui prissent la couleur , les endroits gras la lais-
sant, et on pouvait imprimer par ce moyen avec toutes sortes
de couleurs à l'eau.
En faisant usage de savon sec pour tracer le dessin, le genre
des dessins au crayon était trouvé tout naturellement , car ce
n'est pas seulement à l'état fluide que l'encre chimique pénètre
dans la pierre et rend les places dessinées par son moyen pro-
pres à recevoir la couleur , mais on peut aussi s'en servir lors-
qu'elle est desséchée.
Voilà donc la méthode chimique à voie humide trouvée, c'est-
à-dire la lithographie dans toute son extension et avec tous ses
genres.
Elle consiste en somme dans les conditions suivantes : « H
importe peu que le dessin soit en relief ou en creux ; l'essentiel
est qu'il se trouve sur les lignes et les points de la plaque à im-
primer une matière à laquelle s'attache ensuite la couleur par
son affinité chimique, couleur qui doit donc être composée d'une
substance semblable à celle du dessin. Il faut encore que les par-
ties de la planche qui doivent rester blanches aient la propriété
de ne point prendre et même de repousser la couleur, afin
qu'elle ne puisse s'y attacher. »
PROPAGATION DE IiA UTHOGRAPHIE.
Après ces divers essais et ses réussites successives, Senefelder
s'associa ses deux frères Thiébaud et Georges et agrandit ainsi
l'établissement qu'il avait fondé avec son ami Gleissner. Us re-
çurent en 1799 de Maximilien-Joseph un privilège exclusif pour
273
15 ans. Ce fat à cette époque aussi que l'éditeur en musique,
M. André d'Offenbach , convint avec Senefelder que celui-ci
lai enseignerait son art dans toute son étendue moyennant une
somme proportionnée à son importance ; il lui proposa en outre
nne association avec lui et ses trois frères pour former cinq
établissements dans les différentes capitales de l'Europe. Sene-
felder accepta et monta d'abord une imprimerie lithographique
à Offenbach. Il alla ensuite à Londres pour obtenir avec M,
Philippe André un privilège et fonder une lithographie; mais
ils ne s'entendirent pas. En 1802, il envoya son frère à Paris
dans le même but; et en 1803 il obtint un privilège en Autri-
che. C'est alors qu'il s'associa avec M Hartl, et qu'il établit une
imprimerie de musique à Vienne; cet établissement ne réussis-
sant pas, il le remit à M. Steiner , et il se hvra à l'impression
des toiles de coton au moyen des procédés lithographiques ; mais
rencontra tant de difficultés qu'il fallut bientôt renoncer à ce
système. Il imagina alors une machine à imprimer , composée
de deux cylindres en fer, dont l'un était gravé à l'eau-forte. De
nouveaux obstacles firent aussi tomber cette entreprise.
En 1806, Senefelder et Gleissner s'associèrent avec le baron
d'Aretin à Munich , et y fondèrent un grand atelier lithogra-
phique. Plusieurs presses furent mises en mouvement et tra-
vaillèrent aux productions musicales , à des écritures pour le
gouvernement et à des objets dart. L'association dura 3 ans,
pendant lesquelles ils firent un grand nombre d'ouvrages qui
fixèrent l'attention publique sur cet établissement.
Les premières productions lithographiques sorties de ces
presses furent les dessins d'Albert Durer poiu* le bréviaire de
l'empereur Maximilien, dessinés sur pierre par Nepomuc Strix-
ner et imprimés en différentes couleurs. Ils annoncèrent en-
suite un spécimen de 40 feuilles des divers genres de des-
sin que la lithographie pouvait produire; mais il n'en a paru
que la première livraison de 10 feuilles. Malheureusement les
associés retirèrent de si faibles bénéfices de leur entreprise,
qu'ils se décidèrent à céder une partie de leur établissement à
M. Mannlich , directeur de la galerie des tableaux à Munich ;
Vmtrç fût achetée par M. Zeller,
«8*
274
M. Mannlich 8e distingua par Tezécutioii d'un grund ouvrage,
dans lequel, sous le titre de (Euvres Uihographiqtêes de Strix-
ner et Pilotti, il reproduisit des fac-similé de dessins des an-
ciens maîtres qui se trouvent dans le cabinet du roi de Bavière.
U y fit usage pour la première fois de planches à teintes pla-
tes , imitant le dessin sur papier teinté , rehaussé de lumières
blanches. C'est le genre cams^'eu reproduit par la lithographie.
Nommé en 1809 inspecteur de la lithographie royale à Munich,
et se voyant une position assurée, Senefelder se Youa dès
lors au perfectionnement de son art.
C'est ainsi qu'il inventa en 1817 un papier-pierre, espèce de
composition destinée à imiter la pierre de Solenhofen. £n 1819,
Senefelder s'occupa de mettre en ordre ses divers procédés,
et il les publia sous le titre de VArt de la lithographie.
Ces deux objets l'amenèrent à Paris, où il se rendit en jan-
vier 1819 avec M. Knecht, et où ils imprimèrent les plandies
qui devaient accompagner son ouvrage. Senefelder voulut aussi
introduire ses pierres factices; après bien des essais de fabrica-
tion, et après avoir quitté Paris à plusieurs reprises, il y revint
une troisième fois en 1820, et ce fut alors qu'il substitua des
feuilles de zinc au carton trop fragile sur lequel il étendait la
couche qui représentait la pierre. Malgré ce changement, il ne
réussit point et il céda son établissement à M Knecht, qui le
continua sous la raison Senefelder et Comp.
Ayant échoué à Paris, Senefelder essaya de former des litho-
graphies à Strasbourg et à Vienne, mais les procédés de son
art étaient alors si répandus, qu'on pouvait se passer de son
secours. Voyant toutes ses offres repoussées, il se retira en
Bavière où il vécut, de 1825 à 1834 (époque de sa mort), du
revenu de sa place d'inspecteur de la lithographie au bureau
du cadastre. Pendant ce temps il fit une dernière inyentioni
qui consista à multiplier les tableaux à l'huile par l'impression,
invention qu'il appela impression à la inosaïqucy et qui est
nommée actuellement lithographie polychrome. Il composa à
cet effet une certaine quantité de petits cylindres de toutes cou-
leurs, et dont la base était une matière grasse. Il les juxtaposa
verticalement les unes à côté des autres, à la manière d'une
275
mosaïque ; lorsque tout le tableau fat réunit et serré dans une
forme, il en humecta la surface avec de la lessive caustique,
qui en dissolvait une légère portion, et y appliqua une toile ou
an papier. D pouvait tirer ainsi un nombre d'exemplaires qui
dépendait de la matière colorante que pouvait céder l'épais-
seur de la mosaïque. Il se proposait de publier son procédé
dès qu'il l'aurait porté à un certain degré de perfection, mais
la mort l'en a empêché.
A peine l'art nouveau de la tithographie était-il inventé, au
commencement de notre siècle, qu'il se répandit partout. En
peu de temps tm grand nombre d'établissements lithographiques
furent créés dans tous les pays de l'Europe, et de toutes parts
on demandait des ouvriers de Munich pour ces ateliers; sou*
vent même les entrepreneurs venaient dans cette ville pour
faire leurs études dans l'art lithographique.
Senefelder lui-même contribua à la propagation de son art,
directement d'abord, indirectement aussi par son caractère ex-
pansif et mobile, par son inconstance dans ses entreprises , et
son inhabileté dans les affaires commerciales. Ses nombreux as-
sociés et ses frères mêmes n'y contribuèrent pas moins.
Un jeune étudiant de Strasbourg , nommé Niedermayer, lié
d'amitié avec les frères de Senefelder, et ayant souvent visité
leurs ateliers à Munich, fit des tentatives pour monter une litho-
graphie à Ratisbonne. M. Pleyel, éditeur de musique, l'appela à
Paris en 1800 et fit quelques essais d'impression tant en dessin
qu'en musique, mais le transport des pierres de Solenhofen à
Paris étant trop onéreux, il ne fut pas donné suite à ces essais.
Dès lors Niedermayer se mit à courir le monde pour y vendre
ce qu'il devait à la confiance des frères Senefelder. N'ayant pu
réussir à Vienne, il se rendit à Munich pendant l'absence de
Senefelder, et vendit ses procédés à la Direction de l'école
gratuite de dessin. Mais les directeurs ayant bientôt reconnu
l'incapacité de Niedermayer dans cet art, prirent des arrange-
ments en 1804 avec Thiébaud et George Senefelder, qui leur
lin-èrent tous les procédés lithographiques connus alors, moyen-
nant une pension annuelle,
La direction de la nouvelle imprimerie fut confiée à M. Mi^
276
terer, professeur de dessin. A partir de cette époque, la litho-
graphie reçut une nouvelle impulsion, et on la vit s'occuper
principalement des arts du dessin, auxquels elle est éminemment
propre. Comme on attribuait à Mitterer l'invention de la manière
du crayon, cet habile artiste déclara que l'idée première de des-
siner sur pierre au moyen d'une matière grasse solide, ainsi que
tous les autres procédés lithographiques, était le fruit des labo-
rieuses recherches de l'ingénieux Senefelder, que son rôle à lui
s'était borné à perfectionner ce procédé, et à exécuter les pre-
miers travaux importants dus à l'emploi du crayon lithographi-
que. Puissamment secondé par MM. Steiner et Weichselbaum,
attachés à l'école, M. Mitterer fit faire de rapides progrès à
cet art, qui lui doit un grand nombre de perfectionnements.
Les chefs de l'école se réunissaient souvent pour se concerter
entre eux sur de nouvelles expériences à faire. Bs se trouvaient
pour cela dans une position très-favorable : l'école possédait un
laboratoire de chimie et un atelier de mécanicien qui furent d'un
puissant secours dans ces recherches. C'est dans une de ces
conférences qu'ils donnèrent le nom de lithographie à l'art
qu'avait inventé Senefelder, appelé jusqu'alors impression sur
pierre, ou impression chimique.
M. Mitterer remplaça en 1805 la presse-gibet de Senefelder
par une autre de son invention, appelée presse à moulinet Cette
presse, qui n'a subi que quelques légères modifications , est en-
core en usage aujourd'hui.
Grâce à tant d'éléments favorables, l'établissement dirigé par
M. Mitterer réussit parfaitement, et on en vit sortir une grande
quantité d'études de dessin et d'autres objets d'art
Un nommé Strohofer, qui avait été apprenti d'un des frères
de Senefelder, voulut en 1806 fonder une hthographieà Munich;
empêché par le privilège de l'inventeur, il se rendit à Stuttgard,
où il communiqua cet art à M. le baron de Cotta, qui fonda de
suite un établissement lithographique, dont il confia la direction
à M. Bapp. Cette imprimerie fut, après celles de Munich, celle
oii la hthographle fut pratiquée avec le plus de succès. On s'y
occupait principalement de la gravure sur pierre et on lui doit
le premier traité de lithographie qui ait paru^ il fut publié en
277
1810 sous le titre de : Le secret de V impression sur pierre, etc.,
Tubiugen. La première production lithographique de cet éta-
bHssement fut une édition de luxe d'une chanson célèbre de
Schiller, publiée en 1807, gr. in-folio ; le titre et le texte étaient
gravés au burin sur pierre; deux airs, musique et paroles, écrits
à la plume, et une scène de la tragédie de Wallenstein, dessinée
au crayon par M. Seele. A cette époque il s'établissait encore
d'autres lithographies à Munich : celle de M. Siedler; celle pour
les travaux administratif, dirigée par Thiébaud Senefelder;
deux autres sous les ordres de M. Hemle et Hoth; une pour
l'établissement royal des pauvres , et celle de M. Dietrich, em-
ployé au trésor.
Enfin, d'autres villes de l'Allemagne, Berlin, Manheîm, Carls-
ruhe, Heidelberg, etc., eurent des imprimeries lithographiques
avapt 1817.
MM. Aruz et Comp. à Dusseldorf publièrent des cartes géo-
graphiques des objets d'histoire naturelle en 1818.
M. Dall'Armi, de Munich, dès 1818 fit connaître la lithogra-
phie à Milan, à Kome, à Venise.
En 1801, un an après la tentative manquée de Senefelder et
de Philippe André, cet art iut introduit définitivement en An-
gleterre par Volwieler. H a pubUé en 1807 un spécimen of po-
h/autography. En 1818, M. Akcrmann formait un établissement
Uthographique à Londres. Mais cet art n'y fit des progrès réels
qu'en 1821 , lorsque M. HuUmandel y créa un établissement,
à son retour de Paris , où il avait recueilli ses connaissances en
lithographie chez M. Engelmann. Ce dernier communiqua aussi
ses procédés à M. Madrazo, peintre du roi d'Espagne, qui avait
l'intention de fonder , en 1825, une imprimerie lithographique
à Madrid, pour publier un ouvrage sur les galeries de tableaux
de la couronne.
La lithographie ne fiit introduite aux Etats-Unis d'Amérique
qu'en 1828, par M. Barnett, qui fonda une imprimerie à New-
York, sous la raison sociale de Barnett et Doolittle. La lithogra-
phie a été portée en Chine par le missionnaire Impert (Jobard).
Nous avons déjà remarqué que les premières tentatives faites
pour introduire la lithographie en France furent celles de la
278
m»80ii Pleyel et de Niedermayer en 1800. Cet essai n'eat
pas de suite. Deux aimées après, M. André d'Offenbach et Se^
nefelder établirent une lithographie à Paris, et publièrent de la
musique et quelques dessins d'animaux du Jardin des Plantes.
Quoique M. André ne réussit qu'imparfaitement dans cette en-
treprise, il peut néanmoins être regardé comme le premier qui
ait introduit les procédés lithographiques en France ; aussi a-t-il
reçu comme tel une médaille d'argent de la Société d'encoura-
gement (*).
Peu satisfait de ces résultats médiocres , M. André quitta Pa-
ris en 1806, après avoir vendu ses procédés à MM. Choron, Bal-
tard et quelques autres artistes. M. Choron s'occupa de l'impres-
sion de la musique. M. Whit publia en 1808 un recueil de ta-
bleaux de mécanique appliquée et d'éléments généraux de ma-
chines, dessiné sur pierre. M. Guyot Desmarais, peintre de Pa-
ris, produisit en 1809 12 planches lithographiées, représentant
divers animaux. D'autres personnes s'occupèrent encore de h-
thographie à Paris; en particulier M. Denon, directeur des mu-
sées impériaux , le général Lejeune et M. Lomet depuis 180&;
M. Marcel de Serres en 1809 et 1810; M. Duplat en 1811; M.
le comt« de Lasteyrie en 1812 et 1814. Ce dernier avait même
fait des voyages à Munich pour y étudier la lithographie, et avait
engagé des ouvriers pour fonder une imprimerie dans la capitale
de la France. Mais, malgré toutes ces tentatives, il n'existait
aucun établissement hthographique à Paris, en 1814, et M. Mar-
cel de Serres pouvait alors très-bien dire « que toutes les gra-
« vures lithographiques obtenues jusqu'alors à Paris ne pouvaient
<r être considérées que comme des essais plus ou moins impar-
« faits. Nous pouvons même ajouter que cet art, quoique connu
« de quelques artistes habiles, n'y a jamais été pratiqué par des
« hommes qui aient apprécié toutes les ressources de ce genre
« de gravure (*). »
Celui qui, après M. le comte de Lasteyrie, a le plus fait pour
l'avancement de la Uthographie, qui a le plus contribué au dé-
veloppement de tous ses genres et de ses procédés divers, et qui
(S) Bulletin, LVII, 1809, et octobre 1816.— Brevets publiés, t. IV, p. 94.
(i) Essai sur les arts, etc. de l'empire d'Autriche, i8U.
279
loi a assigné la place qu'il mérite d'occuper dans les arts, c'est
sans contredit M. G. Engelmann de Mulhouse.
M. Engelmann reçut les premières notions de la lithographie
par Tentremise d'un de ses amis, M. Ed. Eœchlin, notions qui le
mirent à mêmç de faire quelques expériences pendant l'hiver de.
1813 à 1814. En 1814 il fit un voyage à Munich pour y étudier
les ouvrages lithographiques de MM. Strixner et Filloty, et il
obtint la communication des procédés de M. Stuntz. Revenu à
Mulhouse , il y établit une imprimerie et , en octobre 1815 , il
pouvait déjà présenter une collection de ses produits lithogra-
phiques à la Société d'encouragement de Paris. Le rapport fait
sur ces objets par M. de Lasteyrie , qui s'occupait lui-même
de cet art, fut très-favorable à M. Engelmann, et se termine
par ces paroles: < Vous êtes le premier en France qui ait
approché aussi près de la perfection en ce genre. > L'année
après, M. Engelmann adressa à l'Académie des beaux-arts de
l'Institut de France un certain nombre de lithographies au crayon,
dessinées par MM. Regnault, Girodet, Carie Yernet et Mongin.
En juin de cette même année (1816) il fonda, conjointement
avec son beau-frère M. Pierre Thierry , une imprimerie litho-
graphique à Paris. Les premières publications de cette Société
furent un Cosaque à cheval par Vemet , unç Tête d'étude de
Regnault, et le Chien de l'aveugle par Mongin. Ces premières es-
tampes furent bientôt suivies d'une série de publications, telles
que le Cours complet d! études de dessin , etc. Parmi les artistes
français de cette époque, qui ont le plus contribué aux progrès
de cet art par le fini de leur dessin, il faut principalement citer
MM. Isabey, Robert de Sèvres et le baron AthaJin.
M. le comte de Lasteyrie avait fondé en 1817 une lithogra-
phie à Paris, et publié un recueil de différents genres d'impres-
sions lithographiques. C'est lui qui a fait le plus pour la pro-
pagation de cet art en France, en formant des élèves, tels que
MM. Vilain, Langlumé, Motte, Brégéant, Paulmier, etc. M.
Enecht, qui avait continué la lithographie de Senefelder à Pa-
ris, publiait entre autres, en 1820, un ouvrage important, la
Flore du Brésil Dans cette même année parut le premier vo-
lume du Voyage pittoresque et romantique dans l'ancienne France,
280
par MM. Nodier, Taylor et Cailleux. Cet ouvrage, imprimé chez
Didot aîné, est orné de planches lithographiques, et se compose
de 40 volumes.
On vit paraître en 1822 la Galerie des peintres et dessins de
peintres de toutes les écoles, dessinée sur pierre par Isabey,
Hesse, etc. ; les Vues pittoresques de la Vendée par J.-B. Mé-
liaud ; — en 1825^ la Galerie des peintres et Plconographie des
contemporains dessinées par Maugaisse , Grévedon ; — en 1829,
les Monuments des arts du dessin chez les peuples anciens et
modernes, publiés par Vivant Denon , imprimés par Firmin Di-
dot, et ornés de 315 planches dessinées par Franquinet, Bosio,
Vigneron, Brunet, Boilly, Heim, Muret, Moitte, Louis Bouteiller
et Denon.
Enfin la lithographie avait alors pris à Paris un tel accrois-
sement, qu'on comptait en 1828, dans le seul département de la
Seine, 24 établissements lithographiques, avec 180 presses, em-
ployant en matières premières pour 395,640 fr., outre 1,565,640
fr. de capital et de frais généraux. Ces établissements occupaient
jusqu'à 420 personnes (950,200 fr.) , produisant pour 2 miUions
45 mille ir. de dessins de tous genres , d'écritures et d'autogra-
phies, somme qui peut être portée dans le commerce pour 8 mil-
lions 540 mille £r.
Ainsi la tithographie faisait des progrès rapides; mais, chose
curieuse , tandis qu'elle arrivait dès 1830 en France et en An-
gleterre à un si haut point de perfection , elle était demeurée
à peu près stationnaire en Allemagne. Une nouvelle impulsion
devait venir du dehors ; et l'on vit à leur tour les artistes aUe>
mands, entre autres MM. Bodmer et Hanfstengel, aller à Paris,
pour se familiariser avec la manière remarquable des meilleurs
artistes français , et pour faire connaître à leur pays toutes les
améliorations qu'avait reçues à l'étranger un art dont un de leurs
compatriotes avait doté le monde.
Les Pays-Bas, au contraire, qui avaient reçu la lithographie
en 1817 par M. J.-B.-A.-M. Jobard, à Bruxelles, virent bientôt
prospérer cet art, grâce aux travaux intelligents et persévérants
de cet homme distingué. Un des frères de Senefelder avait
communiqué des procédés très-imparfaits à plusieurs personnes
281
de Bruxelles, savoir à M. le duc d'Aremberg, le savant biblio-
thécaire Marchai, à l'ingénieur Craen , et à Benjamin Mary, qui
ne purent en retirer absolument aucune utilité. M. Jobard, sans
avoir eu un enseignement spécial de la lithographie, se sentant une
vocation bien décidée pour cet art, donna sa démission de géo-
mètre du cadastre de Maestricht, et commença sa carrière li-
thographique en 1817 avec un capital de 32 fr.
« Suivant l'axiome qui veut peut, il est parvenu en 14 ans à éle-
ver son capital de fondation à la somme de deux millions. »
Les Annales d'histoire naturelle publiées par M. Drapiez , Van
Mons et Bory de Saint-Yincent, dont M. Jobard avait dessiné et
imprimé les planches, furent la première publication régulière
due à la lithographie belge ; elle fut suivie du Voyage pittores-
que , de la Vie de Napoléon ; — les Voyages de Dupin dans la
Grande-Bretagne , et plusieurs belles cartes de Corse et de l'île
d'Elbe par Collon, sont ce qu'on peut livrer de mieux en gra-
vure sur pierre. C'est à M. Jobard, que les principaux lithogra-
phes de la Belgique doivent leur instruction dans cet art; tels
sont MM. Vanderhaert, Madou, Kreins, Sturm, Vanhemelryk,
Collon, Labergé, Maureau, KierdorflF, Desguerrois, Benoît, Gé-
rard, Bopall et Labarière, etc.
liS Société d'encouragement de Paris ayant ouvert, en 1828,
un concours entre les lithographes de tous pays pour récompen-
ser ceux qui avaient fait faire les progrès les plus réels à leur
art, M. Jobard remporta la grande médaille d'or (*). •
La lithographie a continué jusqu'à présent sa marche progres-
sive, et elle est devenue une rivale formidable pour ses sœurs
aînées, la gravure en rehef et la gravure en creux, dont elle imite
parfaitement tous les genres et toutes les manières.
PKOCHBDES ET GENRES DIVERS. Nous avons déjà
dit sur quoi reposent les procédés de la lithographie, et nous
connaissons les principaux points de son histoire, examinons
maintenant les divers genres de cet art, et tgoutons encore
quelques mots sur sa théorie. *
(i) Rapport sur rExposition française de 1839, par M. Jobard.
282
Voici comment M. Engelmann définit Faction du crayon et
de l'encre lithographiques, ainsi que de la gomme et de IV
cide sur la pierre (*). « Ces deux premiers corps , le crayon
et l'encre , ont pour base essentielle du savon ordinaire , et
des substances grasses. Après les avoir appliqués sur la pierre,
on acidulé légèrement L'acide s'empare de la soude du savon,
et forme ainsi de l'hydrochlorate de soude (•) soluble, qui dis-
parait par le lavage même.
« Les acides gras seuls , insolubles dans l'eau et dans l'a-
cide faible, restent sur la pierre. Alors ils agissent chimique-
ment sur le carbonate de chaux, le. décomposent, et forment
un véritable savon calcaire, insoluble à l'essence de térében-
thine et à l'alcool. Aussi le dessin jouit de toutes les proprié-
tés de ce savon. 11 se forme, quand on dessine directement
avec des acides gras; quand on passe sur l'encre ouïe crayon,
de la gomme, qui décompose le savon comme un acide, en
isolant les acides gras; ou bien encore., lorsqu'on passe de
l'hydrochlorate neutre de chaux sur le dessin; l'effet produit
est le même que si on avait employé de l'acide.
c Un dessin ne peut tenir que sur du carbonate de chaux,
ou sur un métal capable de former un savon avec le crayon
ou l'encre lithographique. Mais dans ce dernier cas, à cause
de la solubilité du nouveau savon métallique dans l'essence,
Û faut bien se garder de frotter la planche avec ce liquide;
le dessin serait enlevé.
«Un acide, marquant 8 à 10» à l'aréomètre, pouvant dé-
composer le savon calcaire, enlève aussi le dessin fait sur une
pierre. Dans ce cas, une partie de l'acide carbonique qui se
dégage se combine avec les acides gras devenus libres, et
forme avec eux une matière d'un blanc mat, lorsqu'on momlle
la pierre; mais qui n'attire plus le noir d'impression.
< Les alcalis assez forts pour décomposer le savon de chaux
enlèvent aussi le dessin. Un mélange d'acide Mhle et d'es-
sence, pouvant décomposer le savon calcaire et dissoudre les
(1) Traité de lithographie, pages 105 à 117.
(2) Si on se sert d'acide hydrochlorique. Si on prend de l'acide nitrique, il se forme
du nitrate de soude, également soluble.
088
acides gras, détruit aussi le dessin. Le dessin, comme le sa-
von de chaux, perd la propriété d'attirer les corps gras, lors-
que, par un long contact avec l'air, quand il n'a pas été re-
couvert d'une couche d'encre de conservation (voyez plus loin),
il s'est combiné avec une partie de l'acide carbonique de l'at-
mosphère. Les traces faites avec des résines qui ne sont pas
saponifiables (qui ne peuvent pas former de savon, comme
font les corps gras^, disparaissent lorsqu'on les lave à l'es-
sence de térébenthine.
«De tous les sels de chaux, le carbonate est le plus faci-
lement décomposable. Voilà pourquoi on obtient de bons ré-
sultats avec la pierre lithographique ordinaire, tandis que cel-
les qui sont d'une composition chimique différente, même
lorsqu'elles ont la chaux pour base, comme le sulfate de chaux,
se refusent à ce genre de travail.
«La gomme, ayant beaucoup de tendance à se combiner
avec différents sels, et notamment avec ceux de chaux , forme
alors avec eux un composé insoluble dans l'eau. C'est ce com-
posé qui recouvre la surface de la pierre, et qui, n'ayant
point d'affînité pour les corps gras, surtout lorsque la pierre
est humectée , s'oppose à la fixation de l'encre d'impression.
« Quant 'à l'action de l'acide qu'on emploie avant le gom-
mage, ou en même temps, ce qui revient au même, elle se
borne à décaper la pierre, c'est-à-dire à la débarrasser de
tous les corps gras qui s'opposeraient au contact immédiat
de la gomme et de la pierre, et par conséquent à leur com-
binaison. >
Ces détafls théoriques ressortiront encore davantage dans
la description qui va suivre des procédés des différents genres.
Orttvure sur pierre» Pour substituer à l'impression ty-
pographique, trop coûteuse, un moyen plus simple, Senefel-
der inventa en 1795 la gravure chimique sur pierre. C'est là
le premier et le plus ancien genre de la lithographie.
n y a trois genres de gravure sur pierre, savoir celui qui
est équivalent à la gravure au burin sur cuivre, le genre à
l'ean-forte , et la gravure en rehef. Tous les trois diffèrent
dans les procédés.
284
jPour le premier genre , on polit d'abord la pierre à la
pierre ponce, on l'acidulé pour bien la décaper, et on la cou-,
vre d'une légère couche de noir de fumée broyé avec de l'eau
très-peu gommée. On étend cette couche aussi mince que pos-,
sible avec un pinceau, et on l'égalise au moyen d'un blai-
reau. Quelques lithographes remplacent le noir par une cou-
leur verte ou de la poudre de sanguine. On fait le décalque
en noir sur les pierres passées en rouge, ou en rouge sur
celles qui sont noircies ou vertes, et on trace ensuite le des-
sin avec des pointes d'acier semblables à celles dont se ser-
vent les graveurs sur cuivre.
Mais, au lieu de creuser comme au burin ou avec la pointe
sèche, il suffît de traverser la gomme et de mettre à nu la
pierre, afin qu'elle puisse retenir la graisse à ces endroits.
Quand le tracé est fini, on graisse la pierre avec la cou-
leur lithographique, qui s'y fixe en formant, avec elle, un sa-
von métalHque insoluble.
Ici, comme dans tous les autres genres de lithographie, il
faxA avoir grand soin, pendant qu'on dessine, de ne pas hu-
mecter la pierre par la condensation de l'haleine , car la gomme
se dissoudrait alors, coulerait dans les tailles, et empêcherait la
graisse de s'y fixer. Pour appuyer la main , on se sert d'un
morceau de drap épais et bien feutré.
Lorsqu'on a des traits bien fins à tracer, on peut employer
la pointe de diamant enchâssée dans une tige de fer , ou re-
tenue dans une pince, comme celle qu'ont imaginée MM. Neu-
bert frères. C'est à M. Dondorf, à Francfort-sur-Main , qu'on
doit l'usage du diamant dans la gravure sur pierre. En 1839,
M. Alex. Zakozewski, Polonais, à Paris, employait la pointe de
diamant à la gravure de la topographie sur pierre.
Pour corriger les parties qui sont mal faites, on enlève les
traits au moyen du grattoir ou de la pierre-ponce, et on passe
ensuite de la gomme et de l'acide. MM. Knecht et Girardet
ont découvert en 1830 que l'adde phosphorique enlève par-
faitement le dessin, et n'attaque point le grain de la pierre,
mais il faut que la pierre soit préalablement mise à l'encre
grasse. La gravure sur pierre offre l'avantage de pouvoir ajouter
m
de nouTeiles parties à celles qui sont déjà gravées et impri-
mées; il suffit pour cela de recouvrir la pierre d'une légère
couche de gomme.
On peut se servir du pantographe pour décalquer et pour
tracer directement son dessin sur la pierre , en y adaptant
une pointe d'acier au lieu d'un crayon. La machine à graver
dont nous avons déjà parlé à propos de la gravure sur métal,
est aussi avantageusement et fréquemment employée dans la gra-
vure sur pierre. En y adaptant la pointe de diamant, cet instru-
ment produit des teintes aussi unes et aussi égales que dans la
gravure sur acier. M. Engelmann recommande, lorsqu'il s'agit
d'arrêter les lignes au contour d'un dessin, de couvrir les
places qui doivent rester blanches d'une couche épaisse de
gomme colorée de vermillon et mélangée de fiel de bœuf.
On peut aussi faire à la machine des dessins blancs sur un
fond de couleur , surtout en guilloché. A cet effet on couvre
la pierre d'un vernis gras et résineux , composé de 100 par-
ties d'asphalte à cassure brillante , 30 de cire vierge , 25 de
mastic en larmes^ 25 de gomme élastique, 25 de savon, 500
d'essence de térébenthine et 60 d'essence de lavande.
Ce vernis se pose à l'aide d'un pinceau et, lorsqu'il est sec,
on procède à la gravure; celle-ci terminée, on acidulé assez
fortement
Pour le tirage des épreuves des pierres gravées, on encre
avec le rouleau, ou l'on fait pénétrer la couleur dans les traits au
moyen d'un chiffon ou d'une brosse.
La gravure à VeaurforU sur pierre s'exécute de la même ma-
nière que sur cuivre, seulement il faut aciduler et gommer très-
légèrement la pierre avant d'y poser le vernis des graveurs sur
cuivre. Pour cette dAnière opération, il faut chauffer la pierre
avec beaucoup de précaution dans un four de boulanger. Le
mordant se compose d'une partie d'acide nitrique sur 40 d'eau.
On laisse mordre suffisamment, on graisse ensuite, et on tire
les épreuves comme d'habitude.
On peut citer les cartes géographiques exécutées pour le dé-
pôt de la guerre d'après le procédé de la gravure sur pierre
par MM. Pesmadril, Bouffard et Avril, comme de véritables
I
â8é
chefs-d'œuvre topographiques, et comme pouvant lutter avan^
tageusement avec la gravure sur cuivre et sur acier. La carte
du canton de Saint-Gall en 16 feuilles, de M. Ziegler, gravée
sur pierre chez MM. Wurster, à Winterthour, est réellement
magnifique.
Dessin à la plume et aa pinceaaa La gravure sur
pierre a été et est encore fréquemment employée pour tou-
tes sortes de dessins, mais on lui préfère souvent le dessin, à la
plume.
Le genre du dessin à la plume sur pierre est un des plus
répandus, mais il offre des difficultés que la pratique seule peut
surmonter. Senefelder s'était d^à servi de la plume en 1796.
Depuis cette époque on a beaucoup perfectionné ce genre.
Pour le dessin à l'encre, les pierres doivent être polies à la
pierre ponce , et graissées légèrement pour que l'encre ne s'é-
tende point Mais ce graissage doit être bien égal , et offirir le
moins de résistance possible à l'acidulation. A cet effet, on fait
dissoudre dans l'eau du savon blanc de Marseille (il est impor-
tant que ce soit du savon à l'huile , le savon de suif résisterait
trop à l'acide). Ou en met im peu sur la pierre et on l'étend
en le frottant avec la main sur toute la surface; on essuie en-
suite avec un linge ; on y jette quelques gouttes d'eau de pluie,
et on essuie de nouveau. On continue ainsi jusqu'à ce que la
pierre repousse bien l'eau sur tous les points ; puis on y verse
un peu d'essence de térébenthine et on enlève, en frottant avec
un linge, tout l'excès de graisse qui pourrait encore s'y trou-
ver. La pierre séchée ensuite pendant quelques instants est
bien préparée, et on peut commencer le travail.
La fabrication de la plume pour l'usage du lithographe est
très- importante. Les plumes d'oie ne peuvent pas se tailler assez
fines, s'émoussent trop vite, et seraient attaquées par l'alcali de
l'encre ; on les a donc remplacées par des plumes d'acier. Pen-
dant longtemps on les fabriquait de ressorts de montre , qu'on
faisait ronger par l'acide nitrique pour les réduire à l'épaisseur
d'un papier à écrire. Mais depuis 1830 environ on fabrique à
Genève des lames d'acier qui sont assez minces pour en fa-
207
çonner directement des plumes sans aucune autre préparation.
Ces lames d'acier se coupent en bandes de la largeur d'environ
deux lignes sur une longueur d'un pouce , et on leur donne
la courbure convenable en les frappant à plat dans le sens de
leur longueur avec un marteau arrondi sur un morceau de bois
m peu creusé , jusqu'à ce qu'elles forment une portion de cy-
lindre ; on les fixe ensuite dans un manche en roseau ou un
porte-plnme , et on les taille avec de petits ciseaux bien trem-
pés; enfin on les ébarbe en passant la pointe légèrement sur
une pierre à aiguiser. L'habitude apprendra à les tailler conve-
m
nablement
L'encre dont on se sert pour le dessin sur pierre se compose,
suivant la recette de M. Desmadryll aîné, de 40 parties de cire
vierge pure, 10 de mastic en larmes, 28 de gomme laque, et
9 de noir de fiimée.
Avec la recette suivante , également de M. Desmadryll , on
obtient une encre qui coule bien et permet de faire des traits
déliés, parce qu'elle ne sèche pas autant que la précédente ; \
mm aussi elle s'efface plus facilement C'est un mélange de ;
16 parties de suif, 10 de cire, 16 de savon, 14 de gomme la-
que et 5 de noir de fîimée. La composition de l'encre de M. ;
Lemercier, qui lui a valu un prix en 1833, est la suivante : 2 \
parties de cire jaune, 1 7s de suif, 6 Va de savon blanc de Mar-
seille, 3 de gomme laque et 1 Vt de noir de fumée.
Après avoir fondu et brûlé convenablement toutes ces ma-
tières ensemble, on en forme des bâtons que l'on fait dissoudre
pour l'usage, en en frottant d'abord à sec un godet, jusqu'à ce
que le fond en soit couvert , ensuite en y ajoutant de l'eau de
pluie , jusqu'à ce que l'encre ait le degré d'épaisseur qu'on dé-
sire. L'encre a deux conditions à remplir : d'abord elle doit
pénétrer la pierre jusqu'à une certaine profondeur, et y former
avec la chaux un savon métallique insoluble , capable d'attirer
l'encre d'impression; puis elle doit résister à l'action de l'acide
qu'on passe sur la pierre pour la préparer au tirage.
n faut, pour dessiner ou pour écrire, que cette encre soit
assez liquide pour permettre à la plume de faire les traits les
plus délicats ; ces traits peuvent être aussi fins qu'il est possible
\
m
de les £Etire, pourvu qu'ils soient noirs et suffisamment fournis
d'encre. Ce sont là les conditions principales du dessin à la
plume sur pierre, et c'est là aussi le secret du dessinateur litho-
graphe. La plume d'acier est un instrument fort difficile à ma-
nier, et ce n'est qu'après un long exercice qu'on se familiarise
avec son usage ; mais cet usage une fois acquis, on avance vite,
et on peut produire des ouvrages qui imitent parfaitement la
gravure. Le dessin à la plume est alors généralement préféré à
la gravure, parce qu'il permet d'obtenir des résultats plus
purs, que le tirage s'en fait vite, et que,, pratiqué avec les pré-
cautions convenables, il fournit un nombre d'épreuves considé-
rable. On l'emploie généralement pour les écritures de tous
genres, pour les travaux courants du commerce et des bureaux ;
et aussi pour la reproduction d'objets d'art; mais, pour les des-
sins qui demandent une très-grande finesse, la gravure est pré-
î férable, surtout lorsqu'il s'agit d'exécuter des détails de dessins
topographiques.
Enfin, on a souvent allié la gravure à la plume, et cette com-
binaison a eu sa première application dans les ateliers de
MM. Engelmann. On l'emploie pour les lettres de change et
autres objets de ce genre ; l'écriture étant faite à la plume et le
fond gravé. On s'en sert également dans des dessins artistiques?
comme, par exemple, dans les paysages dont les arbres et tous
les détails de végétation et les terrains sont faits à la plume, et
les ciels , les lointains et les accessoires d'architecture gravés à
la machine.
Les personnes qui n'ont pas une grande habitude de manier
la plume lui substituent souvent le pinceau, avec lequel le tra-
vail paraît plus facile. A cet effet on se sert d'une encre plus vis-
queuse, dont voici la composition : 6 parties de cire, 6 de savon,
I 3 de suif et 2 de noir de fumée. On la laisse moins longtemps
brûler que l'autre. L'encre tend toujours à écarter les poils du
pinceau et à empêcher la formation d'une pointe ; pour parer à
cet inconvénient, on prend un pinceau de martre bien effilé, et
on en coupe les poils extérieurs de manière à n'en laisser au
milieu qu'une petite mèche très-fine et pointue. Cependant le
pinceau ne fournit pas l'encre aussi bien que la plume, et il
â69
faut par conséquent avoir soin que les traits soient noirs et bien
nourris. Le travail au pinceau n'est pas aussi ferme que le tra-
vafl à la plume, surtout pour l'écriture , aussi préfère-t-on cette
dernière ; mais le pinceau est avantageusement employé dans
d'autres genres dont nous parlerons plus loin.
Imitation des gravurtm sur bois- On a essayé aussi
d'imiter en lithographie la manière des gravures sur bois , c'est-
à-dire la gravure en relief. A cet effet la pierre est couverte
du même vernis qui sert à la gravure sur pierre à la machine ;
lorsqu'O est sec, on y creuse avec une pointe d'acier émoussée
tontes les parties qui doivent rester blanches. C'est un travail
plus fàcûe que la gravure sur bois, et cette méthode offre l'a-
vantage de n'avoir pas à enlever les grandes parties blanches ,
car on peut ne couvrir de vernis que les places où il y a de la
gravure à exécuter.
On est libre de faire aussi à la plume une partie du dessin,
et de terminer à la pointe les détails des autres, qu'on a préa-
lablement couvertes de vernis au pinceau. Si une pierre exécutée
de cette &çon doit être imprimée à la presse lithographique ,
on n'a besoin de l'aciduler que comme une pierre dessinée à la
plume, aucun relief n'étant nécessaire dans ce cas. Mais, si on
veut imprimer ces pierres à la presse typographique, ou les
utiliser pour en relever des clichés, il faut aciduler plus forte-
ment pour obtenir un relief passable. On se sert à cet effet d'un
mélange d'acide nitrique ou muriatique et d'eau, qu'on laisse
mordre plus ou moins de temps, suivant le relief qu'on veut
obtenir.
Ce procédé a été imaginé en 1810 par M. Duplat, graveur :
SOT bois de Paris. Une édition des Fables de La Fontaine, pu-
bliée en 1811 par M. Auguste Renouard, et les Lettres à Emilie
sur la Mythologie, publiées en 1812 par le même éditeur, sont
ornées de planches exécutées par M. Duplat au moyen de ce
procédé.
M. Girardet a inventé en 1828 une autre méthode pour arri-
ver au même résultat. Il dessine à la plume sur la pierre des
lettres, des cartes géographiques, ou tout autre objet, avec nn
290
vernis de sa composition, qoi adhère si fortement à la pierre,
qu'il peut supporter sans se détacher Faction d'un acide assez
fort. Ce vernis se compose de deux parties de cire vierge, demi
de poix noire, demi de poix de Bourgogne, auxquelles on ajoute
peu à peu deux parties de poix grecque ou d'asphalte réduit
en poudre. On en fait de petites boules qu'on dissout au feu
dans de l'essence de lavande au fur et à mesure du besoin.
Lorsque le dessin à la plume est achevé, on fait mordre la
pierre avec de l'acide nitrique étendu d'eau. Au bout de quel-
ques minutes la liqueur ayant été retirée et la pierre lavée, on
la laisse sécher et on passe le rouleau imprégné du même ver-
nis, de manièi;e à bien garnir les caractères ou les traits du
dessin, et on acidulé une seconde fois pendant trois à quatre
minutes. Par cette seconde application, le vernis, qui adhère
fortement aux traits, forme un relief assez considérable pour
que l'on puisse tirer des épreuves avec la presse typographique.
Les traits excessivement déliés peuvent acquérir par ce moyen
un relief de plus d'une demi-ligne sans rien perdre de leur pu-
reté.
On peut aussi écrire ou dessiner sur papier autographique
(voyez plus loin) et faire le transport sur pierre, et donner en-
suite aux traits une saillie qui permette de mouler le tout , et de
le clicher avec la plus grande facilité. En 1841 , M. Tissier(*)
a employé ce procédé avec avantage, et lui a donné le nom
de lithosiérêotypie.
Dessin aacrayoïu Le genre le plus important, qui ofire les
plus nombreuses applications, qui représente le mieux la lithogra-
phie comme un art, et qui par la facilité de son exécution, office
les plus grands avantages pour la reproduction des objets d'art,
c'est le dessin au crayon. Les pierres destinées au dessin au
crayon doivent être grenées; c'est-à-dire que la surface, au lieu
d'en être lisse comme pour la. gravure et le dessin à la plume,
doit être rude^ pour râper le crayon et pour représenter le grené
du papier. Il est important que le grain soit égal, qu'il soit aigu
(i) L'Écho du inonde savant, H mars 184i,
291
et mordant, et qae les aspérités qui le forment ne soient ni trop
grosses, ni trop fines. Cependant le grain doit être plus ou
moins fin suivant la nature du dessin qu'on a en vue.
Lorsqu'on veut donner le grain à une pierre, on la place sur
la table à polir: on la saupoudre de sablon, qu'on fait passer
par un tamis, et on y verse un peu d'eau. On pose par-dessus
une petitie pierre de six à huit pouces, qu'on y firotte en décri-
vant continuellement de petits cercles qui se croisent en tous
sens. L'opération doit être faite légèrement, bien également
sur toute la pierre, eï sans appuyer. On ajoutera du sablon à
plusieurs reprises, pour que les deux pierres ne viennent pas
en contact. Lorsqu'on croit avoir assez frotté, on lave la pierre
lithographique à grande eau, 'en ayant bien soin d'enlever jus-
qu'à la dernière trace du limon formé pendant le grainage.
C'est là la méthode, généralement suivie, de MM. Engelmann.
On a essayé aussi de produire un grain sur pierre au moyen
d'instruments. MM. François et Benoit, mécaniciens à Troyes,
ont établi en 1835 une machine pour le grenage des pierres,
mais elle a été abandonnée.
Le crayon lithographique se compose de 32 parties de cire,
24 de savon blanc de MsCTseille , 4 de suif, 1 de sel de nitre , 7
d'eau, et 7 de noir de fumée (Engelmann), on fond et brûle con-
venablement le tout, et on coule dans un moule en cuivre fait
de deux parties cannelées, pour en former des bâtons semblables
aux crayons ordinaires. Ainsi le crayon hthographique se com-
pose d'une partie savonneuse propre à former avec la pierre un
savon calcaire , d'une substance compacte, qui lui donne du liant
et le rend assez ferme pour qu'il puisse être taillé d'une grande
finesse , et résister à la pression de la main ; et d'une partie co-
lorante qui ne sert qu'à faire juger au dessinateur de l'eifet de
son travail. Par conséquent le crayon déposé sur la pierre doit
y laisser pénétrer une partie de la graisse qui le compose , afin
de former avec elle un savon calcaire présentant une grande
fixité, et capable d'attirer l'encre d'impression lorsque la partie
restant à sa surface a été enlevée ; il doit en outre garantir son
point de contact de l'influence de l'acide qu'on a l'habitude d'y
passer avant l'impression.
m
Le dessm sur pierre n'est pas plus difficile que sur papier,
mais il est nécessaire que le dessinateur mette une attention
particulière à faire un travail ferme et bien adhérent à la pierre;
il attaquera hardiment les parties vigoureuses en premier lieu,
et il fondra et harmonisera les demi-teintes après, par un tra-
vail plus léger. Plus, la pointe du crayon est déliée, plus elle
pénètre dans les parties les moins saillantes du grain, pour dé-
poser sur chacune d'elles une portion égale de crayon gras.
Plus encore le travail est franchement et régidièrement exé-
cuté, plus on a soin d'appuyer également sur chaque trait, pour
obtenir un ton uni, plus aussi on peut compter sur un résultat
satisfaisant. En général les demi-teintes légères perdent un peu
de leur intensité par les opérations du tirage, et se reprodui-
sent plus claires sur l'épreuve qu'elles n'étaient sur la pierre ;
il est donc convenable de les tenir un peu plus fermes qu'on
ne veut les obtenir sur le papier. Pour enlever les lumières vi-
ves dans un dessia au crayon on se sert du grattoir ou de la
pointe sèche, mais il âtut tenir ces instruments toujours bien
tranchants, afin qu'ils enlèvent une petite portion de la pierre
en même temps que le crayon. En divisant , avec une pointe
très-fine, en plusieurs parties les points dont se composent les
traits faits au crayon, on obtient des teintes très-fines dans les
demi-teintes. On peut aussi renforcer à la plume bu au pinceau,
avec de l'encre lithographique , les parties vigoureuses d'un
dessin.
Si l'on veut effacer une partie d'un dessin au crayon, pour y
fiûre des corrections , ou pour dessiner autre chose à la même
place, on a plusieurs moyens. Avec le grattoir on détruit le grain
de la pierre, et on ne s'en sert que. pour les places qui doivent
rester blanches; mais si on pique vivement et perpendiculaire-
ment avec la pointe d'un crayon les parties chargées de travail,
le noir qui est sur la pierre adhère à la pointe du crayon , qui
l'arrache. Cette méthode est bonne pour effacer les parties qui
doivent être redessinées , parce qu'il reste toujours une légère
trace grtâsseuse sur la pierre. On peut aussi éclaircir au moyen
d'une plume d'acier, en promenant ses pointes flexibles en tout
sens. Lorsque la place à enlever est grande , on peut se servir
2dd
d'une molette en pierre lithographique et de sable, qu'on frotte
jusqu'à ce que le crayon soit entièrement effacé. L'essence de
térébenthine enlève très-bien avant l'acidulation, mais H faut
que la partie à effacer soit isolée, et avoir soin de bien laver
après. M. Engelmann recommande encore un autre moyen : il
met pendant quelque temps un mélange d'acide hydrochlo-
rique faible et d'essence de térébenthine en contact avec une
pierre lithographique, ce qui enlève le dessin. On peut épais-
sir ce mélange avec un peu de terre de pipe réduite en pou-
dre très-fine, pour l'empêcher de couler, on le pose avec une
plume ou un pinceau , on laisse sécher , on lave à l'eau , et
le dessin a disparu.
MM. ChevaUer et Langlumé ont inventé en 1828 un autre
procédé pour effacer un dessin, même après le tirage. D con-
siste en une lessive caustique concentrée, composée de trois
parties d'eau sur une de potasse caustique, que l'on laisse sé-
journer pendant deux à trois heures, afin de la laisser bien péné-
trer dans les pores de la pierre, et de convertir le savon cal-
caire insoluble en savon alcalin soluble. Ensuite on lave la pierre
à grande eau. La partie couverte de cette lessive est entière-
ment nettoyée et devient propre à recevoir un nouveau dessin.
Mais la lessive a l'inconvénient de couler et de s'étendre au
delà des parties à efiacer. M. Hanhart, élève de M.. Engel-
mann, usant de la propriété qu'a la gomme d'arrêter cette ex-
tension, propose, avant de passer la lessive sur la partie du dessin
qu'on veut enlever, de la circonscrire par une couche de gomme
assez épaisse qu'on laisse sécher ; on y passe ensuite la lessive,
en ayant soin qu'elle ne coule pas, mais que la place soit seule-
ment mouillée.
Depuis que Senefelder inventa le dessin au crayon sur pierre,
en 1796, ce genre de hthographie a été considérablement per-
fectionné et a pris une extension extraordinaire. Sans parler de
l'immense quantité de feuilles isolées de toutes dimensions, de
reproductions des peintures anciennes et modernes, de la statuaire
et de l'architecture, de dessins d'inventions, de modèles de des-
sins, de dessins de tous genres destinés aux publications scien-
tifiques, artistiques et industrielles, que la lithographie a répandus
2d4
dans tous les pays; parmi des milliers d*œuyres collectifis en li-
thographie, nous n'en citerons que quelques-uns : Tels sont le
Recueil de lithographies, d'après des tableaux des galeries roya-
les de Munich; 200 feuilles publiées de 1822 à 1830, et des-
sinées par Piloty, Strixner et Flachenecker. — Caprices des
peintres de Sèvres par Constans, Paris, 1823. — La Galerie de
Saint-Bruno, par Langlumé, Paris. — Les Cathédrales de France,
par Chapuy, Paris, 1823. —La Galerie du duc de Leuchten-
berg, lithographiée en 1830 par A. Borum, Hohe, Leiter, etc.
— La Galerie de Dresde, publiée en 1833 par Wunder, et
dessinée par des lithographes de Dresde et de Paris, parmi
lesquels M. Léon Noël. — Une seconde publication de la Galerie
de Dresde, publiée en 1855 par Weigel, imprimée par Pohl et
lithographiée par Hanfstangel, Fr. Hohe, Yalentin Schertle,K.
Straub, F. Pecht, etc. — Une collection de vues des résidences roya-
les en Espagne, de l'Escurial, d'Aranjuez et de St-Yldefonse ,
publiée à Madrid en 1832, et lithographiée par J. Brambilla et Âs-
selineau. — La Pinacothèque de Munich, de 1834 à 1837. — Les
peintures de l'école allemande de MM. Boisserée, lithographiées
en 1834 par Strixner. — Souvenirs de Grenade et de l'Alhambra
par M. Girault de Prangey, publié à Paris en 1836. — La collec-
tion magnifique de lithographies d'après des tableaux des pein-
tres modernes, publiée à Paris, sous le titre : Les Artistes
contemparcdm , dans laquelle figurent la plupart des noms d'ar-
tistes français, qui se sont le plus distingués dans le dessin
lithographique depuis dix ans. Tels que MM. Mouilleron, Fran-
çois, Anastasi, Delaforge, Lemoine, Laroche, Fischer, Loutrel,
Rewbel, Siroux, Lamy, Le Roux, Laurens,Dufourmontel, Far-
jans, Soulange-Tessier, Cuisinier, J. Didier, Therry, et surtout
Colette, Sudre, Léon Noël, J.-H. Flandrin, etc., etc.
On a cherché aussi à imiter les dessiiis estompés en U-
thographie. En firottant fortement avec un chiffon de laine les
dessins au crayon lorsqu'ils sont près d'être terminés, quelques
dessinateurs ont estompé le crayon et chargé le^ intervalles res-
tés blancs dans les grains du travail ; de sorte que celui-ci en
devient plus doux et plus harmonieux. Toute la pierre se trou-
295
vant couverte d'une teinte plus ou moins foncée, suivant la ma-
nière dont on a frotté, il faut enlever au grattoir les lumières
vives, et retoucher les vigueurs, qui ont été en partie enlevées
par le frottement. D'autres artistes ont même essayé de faire
dans leurs dessins des tons estompés, en se servant d'une es-
pèce d'estompé en laine qu'ils frottaient d'abord sur un papier
avec du crayon lithographique, et en terminant ensuite ces des-
sins au crayon et au grattoir. Ce dernier procédé n'a rien pro-
duit de satisfaisant. La première méthode a eu plus de succès,
parce que le travail principal est fait au crayon, et que la teinte
estompée n'en remplit que les intervalles; de sorte qu'elle se
produit plus ferme au tirage. M. Devéria a obtenu par ce frot-
tement des effets très-piquants. ,
Outre la gravure en creux et celle en relief, on imite aussi
par la lithographie les autres genres de gravure sur métal. Le
dessin au crayon sur pierre que nous venons de décrire rem-
place avantageusement le genre sablé et la gravure au poin-
tillé, destinés tous deux à imiter les dessins au crayon sur pa-
pier. On reproduit encore sur pierre l'aqua-tinta, le camaïeu,
la manière noire et la gravure en couleur, genres dont nous
allons parler successivement.
Iiavis lithographique* Comme U l'avait fait pour pres-
que tous les genres de la lithographie, Senefelder a inventé
aussi les premiers principes du lavis lithographique ; à d'autres
était réservé de le perfectionner. Senefelder, dans son traité de
1819, avait indiqué plusieurs procédés d'aqua-tinta sur pierre;
mais ils furent abandonnés, ainsi que ceux de plusieurs autres
personnes , parce qu'ils ne donnaient pas un résultat satisfaisant.
M. Engelmann indique, dans son Manml du dessinateur litho-
graphe de 1822, ime méthode du lavis qui a eu plus de succès
et que nous allons décrire.
Pour le lavis, on prépare la pierre comme pour le dessin
au crayon, c'est-à-dire qu'on lui donne un grain et qu'on dé-
calque son dessin un peu fortement. Si le trait doit se repro-
duire sur l'épreuve, il faut se servir d'encre lithographique
délayée à l'essence de térébenthine ; si on se servait de l'encre
296
dissoute dans de l'eau, elle serait enlevée par les lavages de
la pierre. Ce trait doit être fait avec peu d'encre et au pinceau,
pour présenter le moins de relief possible.
Le premier tracé étant terminé, on couvre la marge du des-
sin et toutes les parties qui doivent rester blanches avec de
la réserve ou couleur gommeuse, composée de gomme, qtd est
imperméable aux corps gras, de vermillon pour la colorer, et
de fiel de bœuf pour lui donner plus de coulant et l'empêcher
de se retirer sur les parties déjà graissées. On l'apph'que au
pinceau en couche assez nourrie, mais sans trop d'épaisseur.
Pour obtenir des teintes composées d'un grain très-fin et
égal , on se sert de tampons de peau de différentes grandeurs.
La peau, fortement tendue sur le tampon, ne pouvant atteindre
le fond de la pierre entre les petites aspérités du grain, elle
ne dépose l'encre qu'à leur sommet, et, à mesure qu'on augmente
l'épaisseur de la couche d'encre sur le tampon, ces aspérités
s'y enfoncent davantage, se chargent de plus de couleur et
permettent ainsi d'obtenir une vigueur progressive. On peut
aussi faire des tampons avec la matière élastique dont on fait
les rouleaux des typographes.
Comme on le voit, M. Engelmann a substitué au lavis avec le
pinceau et l'encre à l'eau, un tamponnage qui s'opère de la ma-
nière suivante : Après avoir versé sur une pierre quelques
gouttes d'un mélange de quantités égales d'essence dé térében-
thine et de lavande , on y frotte le bâton d'encre jusqu'à ce
qu'on obtienne une dissolution de la consistance d'un sirop. On
en charge alors très-légèrement l'un des tampons que l'on ap-
puie contre un autre à plusieurs reprises, et en tout sens, jus-
qu'à ce que l'encre y soit également déposée. On essuie le tam-
pon ainsi chargé sur un coin de la pierre à encre pour qu'il
ne laisse qu'une marque légère lorsqu'on veut faire les premiers
tons sur la pierre préparée comme nous l'avons dit plus haut.
Lorsqu'on a produit ainsi les tons les plus légers du dessin,
on les couvre de réserve. Dès qu'elle est sèche, on continue le
tamponnage pour arriver au second ton; on couvre de nou-
veau , et on continue ainsi à monter progressivement les tons,
jusqu'au degré de vigueur qu'on désire obtenir. Après cela on
297
plonge la pieCTe daus l'eau, on Vy laisse pendant qu^uea mi-
Qujtes, jusqu'à ce qi^e la réserve soit dissoute,** puis avec ime
.époage on essuie, d'abord légèrement, ensuite plus fortement,
pour enlever la réserve et l'encre qui la couvre. Lorsque celles-
ci ont complètement disparu, on rince l'éponge et on relave de
nouveau la pierre avec soin , aûn de n'y laisser aucun vestige
de gomme. Du moment où la pierre est sèche, on peut recou-
vrir de réserve les parties qui sont à leur ton, et retamponner
celles qui demandent plus de force. H est possible de revenir
sur son dessin autant de fois qu'on le juge utile , de passer des
glacis sur certaines parties, d'ajouter des détails, enân de ^e
toutes les retouches nécessaires. Après avoir fait du tampon
l'usage que l'on a voulu ^ on a la faculté de se servir du crayon
lithographique ou de la plume, et on peut dégager les lumières
au grattoir, pour terminer son dessin.
M. Gaillot, dans un ouvrage publié par Senefelder et Comp.
(Paris 1824) , sous le titre « Aqua-tinta lithographique , > indi-
que un moyen ingénieux pour faire des parties fines et légères
au pinceau même, et de manière qu'elles se détachent en H-
gueur sur le fond. L'auteur propose de composer une couleur
résineuse, en mêlant du noir de fumée , du blanc de céruse et
de la térébenthine de Venise , et en délayant ces substances à
l'essence de térébenthine. On peint avec cette couleur sur la
pierre toutes les parties qu'on veut obtenir d'un ton plus ou
moins v^oureux sur un fond clair, en ayant soin que les traits
qu'on forme soient bien noirs et chargés de couleur. Lorsque
celle-ci est sèche, on passe la réserve sur toute la pierre, et
quand la réserve est sèche à son tour, on y répand un peu
d'essence de térébenthine qu'on frotte légèrement sur la pierre»
en se servant d'un morceau d'étoffe de laine. La couleur rési*
neuse se dissoudra , emportera avec elle la réserve qui la re-
couvrait, et mettra la pierre à découvert Lorsque celle-ci aura
été bien nettoyée, on commencera l'opération du tamponnage
comme on l'a décrit précédemment. Il est nécessaire , en em*
ployant cette méthode , de commencer un dessin par les parties
vigoureuses ; car , si on l'employait après un premier travail,
celui-ci pourrait être endommagé par Iç lavage à l'essence.
13*
298
En réunissant les deux procédés, on pourrait produire des
planches qui auraient une grande ressemblance ayec le lavis.
On nomme aussi la méthode de M. Engelmann la Lithogrch
phie au tampon.
Au lieu de tamponner les teintes, M. Jobard de Bruxelles
(1828) les produit par le ifrottement d'une pincée de laine gar-
nie de noir , en la frottant sur une pierre déjà chargée d'une
légère couche d'encre de la composition suivante : 1 partie
de cire, 2 de saindoux, 3 de sperma ceti et 1 de savon; on y
mêle avec la molette le plus possible de noir calciné, car ce
noir doit être en excès plutôt qu'en quantité insuffisante > sans
' cela le travail paraîtrait roux et à l'impression il deviendrait plus
noir qu'on ne voudrait. M. Jobard couvre de réserve et opère
du reste comme M. Engelmann. La préparation est la même
que celle du crayon, mais moins forte.
La collection des Souvenirs pittoresques du général Bâcler
d'Albe, à qui M. Engelmann avait communiqué ses procédés^
oflfre le premier exemple de ce genre de lithographie ; 150 plan-
ches de cet ouvrage sont exécutées avec un succès remarquable
au moyen du lavis lithographique. Les Vues pittoresques de la
Vendée (1822) ont été faites dans le même genre par M. J.-B.
MéUand de Paris. MM. Rénoud, Paris, Faure, de Paris, ont
également pubUé, à cette époque, des planches au lavis.
Ce genre de hthographie avait été abandonné pendant long-
temps; M. Charles Hanké l'a repris de nouveau en 1842. Son
procédé , qui ressemble beaucoup à celui de M. Jobard, con-
siste à étendre sur une palette l'encre composée de 1 partie
de cire , 2 de saindoux , 3 de blanc de baleine , 2 de savon,
et de noir de famée ; on la délaie avec de l'eau distillée, en la
frottant avec le doigt. Pour poser les tons, on doit s'appliquer
à étendre la couleur dans le même sens, et non en allant et
en venant; on ne doit prendre dans le pinceau que la quan-
tité d'encre nécessaire pour mouiller légèrement la surface de
la pierre, car, si on applique l'encre en grande quantité, elle
tarde trop à sécher, et on n'obtient pas des tons fins et
unis. Le tracé du trait se fait avec un pinceau fin sur un décal-
que à la sanguine, Avec un crayon de même, nature que l'en-
299
cre, maïs dans lequel on a remplacé le savon par la gomme
laque , on peut faire son esquisse sans qu'elle s'eflface au
lavis. Après cela on commence par un ton général, bien léger
et bien uni. On ne doit point repasser sur les tons déjà mis
avant qu'As soient bien secs. Ces précautions ne sont indis-
pensables que pour les premiers tons ; on travaille ensuite plus
librement. Lorsqu'on est parvenu à l'effet désiré, et que les
tons sont bien secs, on passe légèrement sur le dessin, et sans
frotter, un linge ou un morceau de flanelle pour enlever la
poussière. Le dessin terminé, on le prépare comme un des-
sin au crayon et on le laisse pendant deux beures au moins
sous la gomme; on enlève à l'essence avant de tirer une épreuve;
mais on ne doit encrer, principalement lorsqu'il y a des teintes
fixes , qu'après avoir frotté avec un morceau de laine imbibé
d'huile de lin (<).
M. Jobard a publié un procédé d'aqua^tinta par trans*
port (*) qui s'opère de la manière suivante : Enduisez un car-
ton de Bristol d'une composition grasse, de manière à ce qu'il
n'offre qu'une surface noire bien unie et d'une égale épais-
seur; dessinez avec de petites spatules de bois dur ou des es-
tompes , et découvrez les blancs purs avec la pointe de votre
canif. Votre dessin achevé, humectez légèrement le papier et
transportez-le d'un coup de presse sur la pierre polie. Si l'o-
pération est bien conduite, ce dessin s'imprimera tel qu'il était
sur le papier. Ce moyen est excellent pour forcer les artistes
qui ne veulent pas mettre la main à la pierre à faire de la li-
thographie sans qu'ils s'en doutent. On rend le transport plus
complet en passant à l'avance quelques couches d'eau gom-
mée sur le carton de Bristol.
Le même (') nous apprend qu'un amateur très-habile , le
lieutenant-colonel Wittert, de Liège , a imaginé de faire des
dessins à plusieurs teintes plates de différents tons , sur une
même pierre. Ainsi il prenait , sur un dessin au lavis ou une
(i) L'Écho du monde savant, 1*' sept. 1849,
(2) Jobard, rapport. 1839.
(3) Jobard, rapport. 1839.
300
gravure, les quatre ou oiaq tons principaux qui suffisent sur les
papiers à tenture pour exprimer la rondeur des formes ; il les
disposait sur la même pierre quand le dessin était petit, ou sur
plusieurs pierres quand il était grand ; il remplissait d'encre Tin^
térieur des contours et préparait le tout à l'acide , comme à
l'ordinaire; après avoir enlevé l'encre à l'essence de térében-
thine, U encrait chacune de ces teintes avec un rouleau chargé
des encres préparées d'avance au ton désiré. Au moyen de
points de repère, il obtenait, par la superposition de toutes ses
teintes, des estampes qui semblaient faites à l'encre de Chine
ou à la sépia.
lia manière noire a été exécutée sur pierre par des
moyens différents. M. d'Orschwiller, dans un recueil de vues in-
térieures, a produit des planches remarquables, et dans lesquel-
les il y a une grande vigueur. Le grain a une telle finesse,
qu'il ressemble à une teinte au lavis fait au pinceau. Tout ce
qui est coloré est parfaitement rendu dans ces dessins; les
ciels et autres teintes claires seules présentent un aspect un
peu dépouillé.
M. d'Orschwiller a imaginé un moyen fort ingénieux de pro-
duire des demi-teintes et des lumières sur des dessins foncés,
dessinés sur pierre. Il consiste à tendre par-dessus le dessin un
papier à calquer, sur lequel on trace soit avec une pointe émous-
sée, soit avec un crayon dur, les détails qu'on veut enlever en
clair sur les parties foncées. Par cette opération, le papier
s'applique fortement sur le crayon, s'y attache et l'enlève
avec lui lorsqu'on l'ôte. Si une seule opération ne suffit pas
pour obtenir les teintes claires, on la répète. Ce travail n'altère
en rien le grain de la pierre, et l'on redessine sans inconvénient
sur les places ainsi enlevées.
M. Tudot a publié en 1831 un procédé de manière noire:
il consiste à couvrir d'abord de crayon, en formant des hachu-
res en tous sens, la partie de la pierre destinée au dessin. Quand
la surface est noircie, on prend un ébauchoir de sculpteur, on
pose l'extrémité plate sur un bord de la pierre, puis, tenant
cet instrument penché sur la partie noircie et appuyant forte^
801
ment, on le conduit d'un bord de la pierre au bord opposé. On
Mt cette opération dans divers sens, de manière à faire entrer
le crayon dans le fond des intervallee du grain. C'est ce que
M. Tudot appelle faire le frottis.
On fait ensuite le décalque à la sanguine , et on commence
à enlever les lumières au moyen de Végrainair. Pour faire des
égrainoirs on prend du fil d'acier dit corde de Nuremberg m
1^, on en fait entrer un certain nombre dans un tuyau de fer
blanc d'une grosseur et d'une longueur convenables, on laisse
dépasser les fils de 8 à 10 millimètres ; on aiguise le faisceau
sur une pierre du Levant, en lui donnant une forme conique^
ou bien, au moyen d'un marteau, on aplatit le bout du tube, et
on aiguise les fils en biseau. Pour se servir de cet instrument,
on le tient penché dans la m^n, et on le pousse en avant afin
d'enlever le crayon ; on l'essuie de temps en temps , et on ébau-
che ainsi son dessin. Lorsqu'il ne reste plus sur la pierre que
le noir nécessaire, on s'occupe d'unir les teintes et de les mo-
deler davantage, en se servant d'égrainoirs plus petits et plus
fins. Pour faire les détails minutieux et achever d'égaliser les
teintes, on se sert d'une plume d'acier un peu dure et non
fendue. Pour tracer nettement les parties qui se détachent en
clair sur une teinte foncée, on se sert de pointes carrées de buis
ou d'ivoire. On réussit encore à dess-ner en blanc sur une teinte
claire, en traçant avec une plume trempée dans l'eau pure les
traits qu'on veut détacher en clair. Au moment oti l'eau a suf-
fisamment amolli le crayon, on l'essuie légèrement avec un hnge.
Enfin on termine en enlevant au grattoir les lumières les plus
vives.
Rien n'empêche de retoucher ces dessins au crayon , ou de
les terminer en donnant à l'encre des touches vigoureuses. Le
crayon employé dans ce procédé pour faire le fond, doit être
sec et friable, afin que l'égrainoir puisse l'enlever facilement.
Il convient de le composer de la manière suivante: 29 par-
ties de cire jaune, 9 de savon de cire à la soude, 18 de savon
de suif à la soude , 1 de sel de nitre , dissous dans 7 parties
d'eau ; on y jyoute 7 parties de noir de fumée calciné.
Le genre de manière noire, dit lithographie au grattoir, iu'
302
venté en 1820 par M. Plumier, se traite de la manière suivante:
On peut préparer la pierre de deux manières , ou on la polit
à la ponce comme pour la gravure, ou on la frotte avec du sa-
ble comme pour le genre crayon, suivant le dessin qu'on veut
exécuter. Ensuite on la lave avec une partie d'acide nitrique
affaiblie par 20 parties d'eau. On lui donne une couche de colle
de Flandre , ou de colle d'amidon très-légère, et on la couvre
de sanguine pulvérisée ou de noir de fiimée. Là-dessus on tra-
vaille son dessin au moyen du grattoir et des pointes, sans creu-
ser la pierre. Le résultat sera un dessin blanc sur un fond de cou-
leur. Alors on couvre entièrement le dessin avec du vernis adhé-
rent, de la consistance d'une gelée; il doit être composé de 5
onces de cire blanche pure, 5 de savon blanc de suif, 5 de
laque en tablettes, 2 de mastic en larmes, et 4 d'huile fine ; on
le délaie avec de l'huile fine.
Après le tirage le dessin sera noir, de blanc qu'il était sur
la pierre.
Plusieurs artistes ont fait des essais fort heureux dans la
manière noire sur pierre, mais chacun a suivi une méthode
différente. Ces procédés sont pour la plupart inconnus. M. Zép.
Gingembre entre autres a fait, en 1831 et 1832, des dessins de
chevaux d'une finesse de grain remarquable, et d'un moelleux
de mezzo-tinto. M. Calame, de Genève, a produit depuis 1841
des paysages d'un effet charmant, en réunissant différents gen-
res Hthographiques, tels que le travail au crayon, au pinceau,
à la plume et au grattoir. En 1851, M. Adolphe Menzel, pein-
tre de Berlin , a publié un cahier d'essais très- variés, exécutés
d'une manière fort distinguée au moyen du pinceau et du grattoir.
Nous pouvons joindre ici deux autres genres de lithogra-
phie, qui ont quelque rapport avec la manière noire.
C'est d'abord une méthode de faire des fonds pointil*
lés en teinte plate et égale. Ce travail ressemble absolument à
celui des relieurs lorsqu'ils veulent moucheter les tranches de
leurs livres. Il s'opère en plongeant une petite brosse à dents, un
peu dure, dans l'encre lithographique, en la tenant au-des-
sous de la pierre, les soies en l'air, et en y passant à plu^
303
sieurs reprises une petite règle pour la décharger de l'encre
qu'elle contient, on obtiendra des éclaboussures très-fines et
passablement égales. U faut avoir soin de couvrir les parties
qui doivent rester blanches, avec de la gomme, ou avec de
la réserve. En couvrant ainsi les parties assez pointillées , et
en continuant à charger les autres, on produira plusieurs tein-
tes. Pour donner une forme à de grandes masses, on peut aussi
découper simplement un patron en papier, qu'on pose sur la
pierre, et qu'on y fixe par quelques petits poids. On peut
même employer successivement plusieurs patrons de formes
et de grandeurs différentes, pour produire des teintes de for-
ces variées.
^
L'autre genre en question a pur but de produire des fonds
noirs avec dessin en blanc* Pour cela, il suffit de dessiner
sur pierre des figures , des ornements ou d'autres objets avec
une couleur gommeuse telle que la réserve. On couvre de
même les marges de la pierre, et on y passe le rouleau à la
couleur grasse , jusqu'à ce que la pierre en soit entièrement
couverte. On la mouille alors, et on continue à y passer le
rouleau avec rapidité, afin d'arracher l'encre qui couvre le
dessin à mesure que la réserve se dissout On laisse sécher
la couleur grasse, et ensuite on acidulé la planche comme un
dessin à l'encre (*).
Le dessin blanc sur noir, selon M. Jobard, s'exécute comme
suit : Couvrez une pierre polie, non préparée , d'une couche
mince et égale d'encre lithographique ou de vernis mou, et
tracez les blancs à la pointe sèche. Cela va très- vite, en ce
qu'il n'y a ni crayon à tailler, ni burin à aiguiser , et que la
lame d'un canif peut suffire à tout. Préparez la pierre à l'a-
cide gommé, un peu plus fort qu'à l'ordinaire, et vous tire-
rez des milliers d'épreuves d'une pierre de ce genre. M. Ca-
simir Périer, visitant l'ateher de M. Jobard au moment où ce
dernier venait de faire cette découverte, dessina en quelques
heures, et pour son coup d'essai, une scène de marché qui
îDEngeUnann, 308-310.
804
(vit tirée et vendae & un grand nombre d'ezemplsires. Lesenl
artiste qui ait fait des chefs-d'œuvre dans ce genre lithogra-
phique est M. Girardet; ses Batailles d'Alexandre resteront
pour glorifier l'artiste.
DeMins rehaaméta La lithographie, dans les premiers
temps de son existence, ne produisait pas les teintes fines et
légères aussi &cilement qu'aigourd'hui Pour suppléer k ce
dé&ut, Senefelder imagina de se servir de plusieurs pierres,
dont l'une recevait le dessin et les ombres en noir, et la se-
' conde une teinte claire et unie dans laquelle étaient réservées
les lumières les plus vives. Quelquefois aussi c'étaient seule-
ment les parties vigoureuses du dessin qu'on chargeait d'une
teinte colorée, ressemblant à des touches à l'encre de Chine,
tandis que les masses lumineuses restaient blanches. Souveat
on réunissait ces deux moyens, et on produisait des im-
pressions à trois pierres et à beaucoup d'effet Le dessin au
crayon, celui à la plume et celui au pinceau servaient égale-
ment; mais l'essentiel pour l'impression est le repérage. Ce
genre, qu'on pourrait nommer le camaïeu litliograplii"
quOf a été surtout employé pour imiter les dessins rehaus-
sés de blanc. Senefelder avait employé ce moyen, et publia
en 1813 plusieurs essais; M. Yillain l'imita avec bonheur en
1820. Depuis plusieurs années les lithographies teintées étaient
abandonnées, lorsqu'il est venu à l'idée de quelques lithogra-
phes anglais de ressusciter ce genre. Dès lors on s'en est
beaucoup servi.
n y a différentes manières de préparer les pierres pour ces
teintes. M. Engelmann va nous les indiquer. Dans tous les
cas on commence comme de coutume par faire un dessin au
crayon, en laissant les lumières plus larges. On fait ensuite
de cette première pierre une contre-épreuve , sur une pierre
grenée; on ïes tire de préférence sur une feuille de papier
sec, pour qu'elle reste exactement de la même dimension que
la pierre originale. On passe ensuite de l'essence de térében-
thine sur la pierre qui doit recevoir la contre-épreuve, on y
pose l'épreuve sens dessus dessous, et on la passe sous le
râteau,
305
Si on veut colorer seulement quelques parties du dessin, et ,
y donner des touches vigoureuses, on les peint sur la contre-
épreuve avec de l'encre lithographique. Si on veut couvrir
tout le dessin d'un ton uni, en n'y réservant que les lumières
les plus vives, on peint ces lumières avec de la réserve sur
la pierre qui a reçu la contre-épreuve. Lorsque ce travail est
sec, on y passe le rouleau à la couleur grasse, a£n de noir-
cir toute la pierre; on laisse sécher la couleur grasse pen-
dant un jour, et on examine si toutes les touches sont bien
reproduites. S'il manque quelque chose, on reprend au grat-
toir, ou bien on couvre à l'encre les parties qui sont dépouil-
lées par accident. On acidulé ensuite la pierre très-fortement,
afin de donner un creux notable aux touches blanches. Le
papier s'y enfonce par la pression du râteau, et les lumières
paraissent alors en relief, comme si elles avaient été posées
avec du blanc au pinceau.
Dans l'application que les Anglais ont faite des planches
teintées, ils ne se sont pas contentés de rehausser leurs dessins
par des lumières vives et coupées nettes; ils les ont en même
temps dégradées et amenées par de douces transitions, du ton
le plus vigoureux de la teinte jusqu'au blanc. C'est le procédé
qu'employait M. Hullmandel de Londres, et que M. Letronne
a importé en France. M. Ëngelmann propose deux moyens
pour arriver à cet effet. Le premier consiste à faire d'abord
une contre-épreuve sur une pierre grenée de grain un peu
fort. Au moyen d'un crayon , on y dessine les teintes dégra-
dées, en appuyant très-fortement, et en se rappelant que le
noir pur ne rendra au tirage que la teinte claire qu'on em-
ploie pour l'impression de ces planches, et qu'une demi-teinte
sera par conséquent la moitié de ce ton. Lorsque les tons
dégradés sont faits au crayon, on couvre avec de l'encre
toute la partie de la pierre qui doit produire au tirage un ton
oui On acidulé cette pierre comme une pierre au crayon. Le
grené du crayon, peu apparent, puisqu'on ne l'imprime qu'avec
nue couleur très-claire, produit des tons lavés.
Le second moyen est destiné à produire des épreuves qui
rendent l'effet de dessins rehaussés au crayon blanc, avec
306
toute la liberté qu'un artiste mettrait à ytraceravecle crayon
même. On compose à cet effet un vernis mou et gluant de
7 parties de cire vierge, 2 de mastic, 1 d'asphalte, 2 de co-
lophane, et 4 de suif; on divise toutes les substances en pe-
tits morceaux, et on les met dans une bouteille avec 50
parties d'essence de térébenthine. On expose cette bouteille
à une douce chaleur jusqu'à ce que le tout soit dissous. On
prend alors une pierre grenée à gros grain, et on la couvre
de ce vernis, auquel on peut ajouter un peu de noir pour le
colorer davantage. On emploie pour cela une brosse ou un
pinceau dont se servent les peintres à l'huile , et on égalise
la teinte, soit en la tamponnant avec un tampon de taffetas,
soit en y passant légèrement un blaireau , et on la laisse sé-
cher pendant deux ou trois jours.
On tire une épreuve de la pierre noire primitive sur une
feuille de papier sec, en la chargeant autant que possible. On
prend ensuite une feuille de papier, de couleur pas trop fon-
cée, on l'humecte avec de l'essence de térébenthine, et on la
pose sur cette épreuve. On place ensuite l'une et l'autre sur
la pierre, et on les fait passer sous le râteau, en les pressant
fortement, afin d'obtenir une contre-épreuve très-nette. On tend
la contre-épreuve ainsi obtenue sur la pierre couverte de ver-
nis, en la fixant sur les bords. Alors on dessine sur cette
épreuve, avec un crayon blanc dur, les lumières qu'on désire
et qui sont très-visibles, puisque la contre-épreuve est tirée
sur du papier de couleur. Suivant qu'on appuie plus ou moins
fortement ces touches, on attache plus ou moins le revers de
la feuille au vernis appliqué sur la pierre. Lorsqu'on a fini le
dessin, on enlève la feuille , qui détache avec elle les parties
du vernis sur lesquelles elle a été appuyée par le crayon, on
met ces places à nu en formant un grené, produit tant par
les aspérités du papier que par le grain de la pierre, et qui
ressemblera parfaitement à des touches faites au crayon blanc.
Si on veut obtenir des lumières vives, on les enlève au grat-
toir. On acidulé ensuite les pierres comme les dessins à la
plume. Les Anglais MM. Harding, Robert, Prout, Lewis, Han-
field, Vivian se sont principalement distingués dans ce genre
307
de dessins rehaussés. Le Voyage en Orient, imprimé par Ch.
Letronne en 1839, pour le compte de la librairie Didot, atteint
à la supériorité des artistes anglais.
En 1848 environ, on a introduit en lithographie un genre
qu'on appelle dessin aux deux crayons^ c'est-à-dire, des-
sin qui ressemble à celui qui est fait avec le crayon noir et le
crayon blanc sur du papier teinté. Ce genre n'est autre chose
que celui des dessins rehaussés obtenu par un nouveau procé-
dé, dont l'invention est attribuée à M. Julien de Paris. Le voici :
On étend sur une pierre grenée une couche de vernis com-
posé de 4 onces d'asphalte pur, dissous dans l'essence de té-
rébenthine rectifiée, et auquel on ajoute un peu de térébenthine
de Venise; si on le veut plus dur, on ajoute du copal. Sur ce
vernis on transporte la contre-épreuve de la pierre dessinée en
noir. Pour les lumières les plus vives, on enlève le vernis avec
un couteau ou un grattoir ; pour les lumières moins claires et
moins tranchées on le fait au moyen de l'os de sèche, dont on
se sert comme d'un crayon, en faisant des hachures qui dé-
couvrent plus ou moins le grain de la pierre. Pour l'air ou les
ciels dans le paysage, on emploie avec avantage l'os de sèche
en poudre , que l'on frotte à l'aide du doigt sur le vernis de
la pierre. Ensuite on acidulé la pierre comme toujours.
La lithographie of&ait trop de facilités et des avantages trop
nombreux , pour ne pas passer bientôt du genre cam^'eu , des
dessins rehaussés et des dessins à deux crayons, à l'impres-
sion en plusieurs couleurs, ou, comme on l'appelle aujourd'hui,
à la Chromolithographie.
Chromolithographie. (Du grec chroma, couleur.) Sene-
felder avait déjà fait avant 1819 des essais pour reproduire des
dessins coloriés, ou des gravures imprimées en couleur ou en-
luminées, en prédisant à ce genre un avenir brillant. Il ne s'est
pas trompé.
Son procédé consistait à se servir de plusieurs pierres. Sur
la première il dessinait les parties les plus foncées , celles qui
308
le sont moins sur la seconde, et ainsi de snite, josqn^à ce que
tont le dessin fût achevé ; à cet effet il se serrait de la plume
ou du crayon, ou encore du pinceau. Pour Fimpression il choi-
sissait la couleur convenahle à chaque pierre, et il feûsaît passer
les omhres claires à travers les foncées. Plus tard Senefelder
inventa encore une autre méthode, qu'il nomma à la mosaïque^
et dont nous avons parlé à la page 274.
Déjà en 1819 le colonel Raucourt, de Charleville, donnait à
ce siget quelques indications (Toulon 1819) théoriques, de na-
ture à conduire à de bons résultats dans ce genre d'impresrâon.
M. Malapeau à Paris, en 1823, inventa une méthode de pein-
dre sur pierre avec des couleurs à l'huile, et d'imprimer ensuite
ces peintures sur toile. H a exécuté dans ce genre la Madone
de San Sîsta de Raphaël; le portrait de Louis XVlll d'après Gé-
rard ; un Rendez-vous de chasse , et quelques tableaux d'Ho-
race Yernet, tels que l'Aumônier du soldat, la Pelisse, le Chien
du régiment et le Cheval du trompette. Cependant ces Uiho-
ckromies, quoique retouchées, n'atteignirent point les plus fai-
bles copies de tableaux.
Ce fut principalement depuis 1830 que les pensées et les
travaux des lithographes se dirigèrent vers les moyens de repro-
duire non-seulement les dessins à l'aquarelle, mais aussi les
tableaux à l'huile, enfin toutes sortes de dessins multicolores.
Vers 1831 M. Hildebrand, à Berlin, voua tous ses soins à la
recherche de procédés propres à imprimer en couleurs. Grâce à
son adresse, il parvint à produire de fort beaux ouvrages, notam-
ment une collection des armoiries des divers États, et plusieurs
planches d'ornements, qui font partie de la belle collection
que le gouvernement prussien faisait exécuter pour l'usage des
écoles d'arts et métiers. Dans toutes ces lithographies les cou-
leurs sont appliquées avec un art et une précision d'autant plus
admirables, que M. Hildebrand a dû souvent imprimer dix, douze
et jusqu'à quinze pierres pour une même épreuve. Cet habOe
lithographe emploie autant de planches qu'il y a de nuances à
produire ; il ne se sert d'aucun moyen mécanique, et son procédé
est entièrement fondé sur l'adresse des mains.
M. Storch, aussi de Berlin, a produit également des chromo-
Mt^raphiee très-beilcs. C'est alors aussi que parurent ces ma-
gnifiqnes ouvrages de M. W. Zahn : les Ornementa de toutes les
Époques, et leB plus remarquables peintures et ornements de
Pompéi, d'Herculanum et de Stabite (Berlin, lS32àl856); —
[es Ornements arabes et de l'Italie aucieime, de M. F.-M. Hea-
semer (Berlin 1837) ; — des Ornements pour décoration, par C-
BœtticheF (Berlin 1834), etc., etc. En Angleterre aussi on avait
dit des essais heureux. M. Owen Jones publiait un fort bel
ouvrage sur l'AIhambra, esécuté par l'impression à teintes plates
de diverses couleurs. En Belgique, le lieutenant colonel Wittert,
de Liège, avait exécuté des fleurs d'une rare perfection en cou-
leurs.
MU. Ei^lmann et Graft à Paris avaient, de leur cdté, fait de-
puis ploeieurs années des essais de lithographies en couleur,
lorsqu'eu 1837 leurs efforts furent couronnés de succès, et ce
fet alors que M. Godfroy Engelmann prit un brevet pour le pro-
cédé nouveau qu'il venait d'inventer ; il donna le nom de chro-
nalUhogrt^hie à cet art, à l'aide duquel tout artiste qui sut
niamer le, crayon lithographique, et qui a le sentiment des c'oo-
Itars, peut à volonté produire , en couleurs variées, ce que jus-
qa'iJors on n'avait pu rendre qu'en noir. Au moyen d'une com-
binaigon nouvelle des couleurs, il peut avec facilité dégrader
les teintes, foudre les nuances les unes dans les autres, et enfin
oïteoir tous les effets d'un dessin en couleur , quel qu'il soiL
Diierses pierres venant successivement apporter les teintes par-
tiimlièrea qu'elles sont destinées à fournir, le procédé ne peut
F^er les effets désirés que par un repérage exact; celui au-
inel M. Engelmann est parvenu par un moyen extrêmement
^tnple, qui offre de grands avantages, et permettra d'exécuter
des dessins très- délicats. Les épreuves n'exigent aucune re-
Woehe. Le tirage est saas difSculté, susceptible de procurer
de! épreuves toujours comparables à elles-mêmes, et c'est
plusieurs milliers qu'il peut être fait.
A. l'Exposition de Paris de 1837 il y avait de nombreux
dniis de M. Engelmann , parmi lesquels on remarquait sur
U Tue d'un moulin, au pied des Pyrénées. Ce petit tableau
produisait avec nne merveilleuse fidélité les t»na briUants et
SIO
•
de Paquarelle qui avait servi de modèle. En 1888, plusieurs ar-
tistes de Paris, MM. Grenier, Villeneuve, Viennot, Fechner et
d'autres faisaient d'importantes applications de la chromolitho-
graphie ; M. Hittorf produisait de beaux ornements ; on publiait
des vues suisses, des imitations d'anciens vélins, des cartes de
visites, etc., etc. Dès lors un grand nombre de dessinateurs de
Paris se sont emparés de ce genre et l'ont pratiqué avec succès;
entre autres MM. Formentie, Ricard, Chico, Jacquet, Dopter,
Rigo, Basset, Kseppelin, mais surtout M. Lemercier, qui y a ap-
porté des perfectionnements notables , en diminuant le nombre
des pierres par un modelé plus parfait, qui permettait d'obte-
nir plusieurs nuances sur une seule pierre.
En Allemagne on ne discontinuait pas de perfectionner les
procédés déjà employés de la lithographie en couleur, et on en
inventait d'autres. Ainsi M. Jacques Liepmann, peintre de Ber-
lin, après un travail de dix ans , avait trouvé au commencement
de 1839 un moyen de reproduire les tableaux à l'huile, avec
une grande perfection. Ce qui est surtout remarquable dans ce
procédé, c'est la fidélité avec laquelle les moindres nuances du
coloris sont reproduites. Le premier travail produit par Liep-
mann est la copie du célèbre portrait de Rembrandt du musée
royal de Berhn. On ne sait rien de positif sur le procédé de
Liepmann. Voici comment on suppose qu'il procéda : H com-
mencerait par copier le tableau qu'il a en vue, par une espèce
de mosaïque; mais, au lieu de se servir pour cela de petits
morceaux d'émail ou de verre, Liepmann ferait usage de petits
prismes en pâte ferme, faits avec des couleurs à l'huile, quel-
que chose comme un crayon gras. Une fois le tableau ainsi
composé en mosaïque, il apphquerait à sa surface une feuille
de papier imprégnée d'huile; une légère pression au moyen
d'un cylindre ferait adhérer au papier une quantité suffisante
de la couleur, pour que l'image s'y reproduise et pour que l'on
puisse y donner le dernier fini en fondant les nuances au blai-
reau. Si c'est ainsi que procède Liepmann, il n'aurait que
l'honneur d'avoir mis à exécution l'idée de Senefelder (voyez
page 247), et d'avoir le premier livré de bonnes épreuves.
On suppose aussi que le procédé de Liepmann a quelque
811
rapport avec celui que le D' F.-A.-W. Netto, de Leipzig avait
inventé en 1841. M. Netto avait alors copié des tableaux de
Flinck au moyen de patrons de feuilles minces de zinc, et repré-
sentant chacune une nuance de couleur. Ces patrons , aux bords
dentelés, sont placés, l'un après l'autre, sur un carton enduit
d'un vernis d'huiles de lin et d'œillet, et retenu par un cadre.
On imprime la couleur à l'aide d'un rouleau élastique, qu'on
passe sur la partie découpée ; on fait de même pour toutes les
nuances, et on fond ensuite les couleurs au moyen d'un pinceau
imbibé d'huile. Les traits fins dans les cheveux ou ailleurs s'im-
priment avec des formes 'en bois ou en métal fusible (Techno-
logiste, 1841).
En 1849, le Journal de la Société des Arts d'Ecosse conte-
nait le procédé suivant , que MM. G. Schenk et Ghemar avaient
inventé pour imiter par la lithographie les peintures à l'huile.
La pierre , chauffée et grenée , est enduite d'une couleur com-
posée d'encre lithographique ou de crayon, d'un peu de cire et
de vernis de copal, laquelle est étendue sur toute la surface au
moyen d'un chiffon de flanelle, en le frottant jusqu'à ce que la
pierre ait pris une teinte brune grisâtre. Sur ce fond on décal-
que son dessin et on dessine alors les parties les plus foncées
avec de l'encre ou du crayon gras; les parties moins foncées
avec du crayon plus dur ; et aux places qu'occupent les lumiè-
res, on enlève le vernis, plus ou moins entièrement, au moyen
du grattoir. Les parties foncées peuvent aussi se faire ou se
renforcer au moyen d'un chiffon de flanelle. Ce genre de tra-
vail supporte un fort mordant et une forte couche de couleur. En
employant comme base les trois couleurs fondamentales, savoir le
bleu, le rouge et le jaune, le peintre Hundertpfund, d'Augsbourg,
a établi de bons principes pour l'exécution de la polychromie
lithographique. M. Schreiner, Hthographe, de Munich, en sui-
vant ce système et en employant jusqu'à 13 pierres, a réussi
à imiter une tête du Christ de Raphaël, qu'on dit remarqua-
ble sous le rapport de la dégradation des tons.
Enfin, on est arrivé à une perfection extraordinaire dans la
chromolithographie, et on imite admirablement les aquarelles .
les sépias et toutes sortes de peintures. Ce sont de véritables
foô-sinUle^ et c'est aussi le nom qu'on leur donne.
312
Pour rendre la ressemblance avec Foriginal encore plus iden-
tique, lorsqu'il s'agit d'imiter des aquarelles, on imprime au
papier le grené du papier torche au moyen d'une planche
saupoudrée de sable; et pour la copie des tableaux à l'huile
l'impression se fait sur toile. Les fac-smUe imitant le dessin
au crayon sur papier présentent à s'y méprendre les touches
hardies, et la teinte grisâtre propre à ce genre. C'est surtout
M. Desjardins, de Paris, dont nous atons déjà parlé, qui excelle
dans ces copies.
Cependant il faut bien dire qu'on ne se tient pas aux ayan-
ti^es qu'ofirent les procédés lithographiques, mais qu'on pro-
fite également de ceux que fournissent la chalcographie et la
xylographie, pour atteindre une imitation parfaite. Grâce à ce
concours, on est arrivé de nos jours, dans les arts graphiques,
à un point de perfection qui ne souffre pas la comparaison
avec ce qui a été fait antérieurement (<). L'Allemagne et l'An*
gleterre rivalisent avec la France, dans le genre de la litho-
graphie en couleur, et il serait difficile d'établir une différence
entre ces pays.
On doit joindre à la chromolithographie l'impression doréOf
qui en fait presque partie, et qui avait été essayée déjà par
Senefelder. Pour ce genre d'impression, on emploie ou l'or métal-
lique en poudre, connue sous le nom de bronze, ou l'or en feuille;
la base de cet or &ux est le cuivre, et la couleur en est va-
riée : elle est blancheV jaune pâJe , jaune d'or, jaune orange,
verte et rouge.
Pour faire des impressions dorées en poudre, on tire les
épreuves avec l'encre ordinaire; pour les Mre avec l'or en
feuille, on imprime avec une encre composée de 2 parties
de vernis moyen , 1 de cire vierge et 1 de térébenthine de Ve-
nise, encre à laquelle on mêle la couleur qui approche le plus
de celle de l'or. Dans les deux cas , on passe aussitôt après le
tirage la poudre ou la feuille d'or, et, après l'avoir laissée sé-
cher, on ôte au moyen d'un petit paquet de coton l'or qui ne
(i) Voir ce qui a été dit sur ce sujet pages ii5 à 183, 473 et 232 à S38.
813
s'est pas attaché. Plus le papier sur lequel on fait ces impres-
sions dorées est lisse, plus elles sont brillantes: tels sont le pa-
pier glacé, le papier à titre de fabrique allemande et le carton
porcelaine.
L'emploi de la chromolithographie et de l'impression dorée
est général et s'étend à une foule d'objets d'industrie, de com-
merce et de fantaisie. Le nombre des ouvrages typographiques
qui en sont décorés est considérable; nous en connaissons déjà
quelques-uns, en voici encore quelques autres très-remarqua-
bles : Souvenirs de Grenade et de l'Alhambra, par Girault
de Prangey; Paris, 1836, fol. —Le Moyen âge et la Renais-
sance. — Spécimen of omamental Art, selected from the best
models of the classicale epochs, by L. Gruner, qui contient 80
feuilles en lithochromie magnifiquement exécutées en partie à
Londres et en partie chez M. Winkelmann et fils, et sous la
direction de M. Storch, à Berlin; London^ 1850, gr. fol. —
Nouveaux modèles pour des broderies faites avec du lacet, par
A. Schrœdter; Francfort-sur-le-Mein, chez Cari Jugel, 1851. —
Les Antiquités du Bosphore Cimérien, conservées au Musée Im-
périal de l'Ermitage , à St-Pétersbourg, pubhées par ordre de
S. M. l'Empereur, et sous la direction de M. de Gilles, cons.
d'Etat; Saint-Pétersbourg, impr. de l'Académie impériale des
sciences, 3 ?ol. in-fol. 1854, 86 planches. Cet ouvrage, entiè-
rement exécuté par des artistes russes, est un chef-d'œuvre
typographique et lithographique, et offi*e une preuve magnifi-
que de la perfection à laquelle sont arrivés ces arts en Russie.
Les dessins exécutés par MM. Rob. Picard et Solneffi sont pour
la plupart gravés au trait sur cuivre par MM. C. Afanassief, D.
Androwyskii et Tcheskii. Le titre et beaucoup de planches,
représentant des vases peints, des objets en bronze, en or, en
céramique et en bois, sont exécutés en chromolithographie,
rehaussés d'or, par MM. Sometschkin et A. Munster, et impri-
mées par M. d'Hardingue. Ces planches sont faites avec une
grande habileté et avec un soin extrême ('). — L'imitation de
Jésus-Christ, nouvelle édition de 1856, publiée par Curmer,
(4) L'onvrage n'a été tiré qu'en un petit nombre d'exemplaires, dont la Bibl. publ.
de Genève en possède on, qu'elle doità l'obligeance de M. de Gilles, qui est Genevois.
14
314
in-é" Jésus, accompagnée des plus beaux spédmens des manu-
scrits du moyen âge, duVIQ^au XYII' siècle, et imprimée en
couleur et en or par Lemercier; ce livre est un chef-d'œuvre
de chromolithographie.
On se sert également de la lithochromie pour colorer les
cartes géographiques, M. Deremesnil, de Fimprimerie impé-
riale de Paris, a publié en 1843' la carte géologique de la France,
coloriée par impression lithographique. Cette carte, qui a 57
centimètres de large sur 52 de haut, comprend 23 couleurs,
outre le tracé en noir. Cette impression polychrome est par-
ûdte. En Allemagne et en Suisse on produit également de très-
belles cartes géographiques et physiques de tout genre, en
couleur.
Sous le nom dimpreMloii mosaïque y M. Jobard (*) dé-
crit un procédé qui n'a point de rapport avec la lithographie,
mais que celle-ci imite maintenant parfedtement On voit depuis
nombre d'années ime foule de jolis dessins en couleur, dit-il ,
établis sur des feuilles couvertes d'un treillis de petits carrés,
destinés à servir de modèles aux dames qui brodent avec de
la laine ou de la soie^ des bouquets, des oiseaux et des sijgets.
Le bas prix auquel ces dessins , que l'on croirait coloriés à la
main, sont hvrés au public, nous a mis sur la voie du méca-
nisme qui sert à les imprimer. Nous allons le décrire : Tout
l'outillage d'un imprimeur mosaïste consiste en une seule forme,
composée d'une agrégation de petits tubes creux d'environ un
milhmètre de base et deux ou trois centimètres de hauteur.
Ces tubes, étirés et cirés à l'extérieur, sont serrés dans une
forme, à l'instar des caractères d'imprimerie, de manière à
rendre ces interstices imperméables à l'air. On emplit de cou-
leurs épaisses les différentes divisions du dessin que l'on veut
représenter; cela lait, on recouvre le dessin de la forme d'une
feuille de parchemin qui ne touche pas les tubes, mais dont les
bords sont hermétiquement fixés autour de la forme.
Dès qu'on soulève le parchemin à l'aide d'un petit onglet
(1) Jobard, rapport 1836. p. 9H.
515
collé au centre de la feuille , il se fait un vide qui appelle la
couleur vers le haut des tubeà et Pempêcîie de tomber pen-
dant qu'on retire la feuille imprimée. Un petit coup frappé sur
le parchemin suffit pour chasser les gouttes contenues dans les
tubes et les faire tomber sur le papier.
Après avoir passé en revue les différents genres de l'art
lithographique, il nous reste à parler d'une apphcation qui
est particulièrement propre à cet art, et qu'aucune des autres
manières d'imprimer dont nous avons parlé jusqu'à présent
ne peut offirir à ce degré. Cette application c'est Paatogra-
phie (du grec autos, soi-même, et graphô, j'écris), ou le pro-
cédé par lequel on multiplie par l'impression une écriture ou
un dessin original, d'abord fait sur papier avec une encre
graisseuse. Ce procédé offre deux grands avantages, celui de
donner un fac-éimile parfaitement exact, et celui d'être d'une
promptitude extraordinaire.
Les principes chimiques de l'autographie sont les mêmes
que ceux de la lithographie en général, mais, au lieu de des-
siner directement sur la pierre, on dessine sur du papier, dont
on applique ensuite la face dessinée sur la pierre; en le pres-
sant fortement, tous les traits qui s'y trouvent y adhèrent, et
laissent pénétrer dans la pierre une partie de leur graisse,
qui s'y ^e à l'état d'un savon calcaire, et produit au tirage
le même effet que si les traces y avaient été faites directe-
ment. L'autographie est un des procédés les plus délicats et les
plus difficiles de la lithographie, et la moindre négh'gence peut
faire manquer la réussite.
Depuis Senefelder on a beaucoup cherché à perfectionner
et à simplifier ce procédé. Presque chaque lithographe a sa
méthode particulière , et cependant toutes ces méthodes ne
diffèrent que dans quelques détails. Nous emprunterons à M.
Ëngelmann les meilleurs moyens d'opérer. Avant tout, il faut
du papier autographique: c'est un papier ordinaire couvert
d'une légère couche de matière gommeuse, qui a pour but
d'en isoler entièrement l'écriture ou le dessin fait avec une
encre grasse, de manière que celle-ci se transporte tout entière
316
sur la pierre. Pour qne les contre-épreaves réussissent bien,
il faut que cette couche ne se ramollisse que légèrement par
lliumidité, qu'elle ne se dissolye pas avant que le transport
sur pierre en soit fait, et que le papier adhère assez à la
pierre pour supporter plusieurs fois le passage dn r&tean,
sans qu'il se dérange. Voici la composition de cet enduit: 4
onces d'amidon, 1 de gomme adragante, 2 de colle forte, 1 de
blanc d'Espagne en poudre très-fine, Vi ^^ gomme gutte pour
colorer, et 4 htres d'eau. Lorsque ces matières sont conre-
nablement dissoutes et mélangées, on passe cette colle dans
nn lin^, et on en étend deux couches bien égales, et aussi
minces que possible sur du papier à lettres, au moyen d'une
éponge fine. M. Cruzel a inventé en 1830 une autre méthode,
savoir trois couches légères de gélatine de pieds de mouton,
un d'empois blanc, et une de gomme-gutte. On met la première
couche avec une éponge trempée dans de la dissolution de
gélatine chaude , bien également sur toute 1a feuille ; on attend
que chaque couche soit sèche pour mettre la suivante. On ap-
plique ensuite de la même manière la couche d'empois, et
enfin la couche de gomme-gutte.
Plus le papier autographique est lisse, plus il est fauoûe d'y
tracer des traits à l'encre; on fera donc bien pour cela de
le passer à la presse lithographique.
Après le papier, il faut l'encre. Toute encre Uthographique
peut à la rigueur servir à cet usage; cependant on doit don-
ner la préférence à celle qui coule le mieux, et qui permet
de faire les traits les plus déliés. A cet effet, M. Ëngelmann
< a imaginé la composition suivante : 16 parties de gomme laque,
10 de cire vierge, 8 de savon, 6 de sang-de-dragon, 5 de suif.
Si on veut dissoudre la totalité de l'encre, on y ajoute 150
à 200 parties d'eau pure bouillante; mais, lorsqu'on ne veut
en dissoudre qu'une partie, on prend 1 partie d'encre sur 8
d'eau pure , qu'on fait bouillir jusqu'à réduction d'un quart
M. Cruzel compose son encre autdgraphique de 8 grammes
de cire vierge, 2 de savon blanc, 2 de gomme laque, 3 cuil-
lerées à bouche de noir de fumée. M. Mantoux a aussi com-
posé une bonne encre: elle comprend 3 parties de gomme
»17
copal, 5 de cire, 5 de suif de mouton épuré, 4 de savon,
5 de gomme laque, 5 de mastic en larmes, */9 de soufre. On
délaie cette encre en en faisant bouillir 1 partie dans 10 d*eau,
jusqu'à ce que la liqueur prenne une couleur jaune pâle. On
peut ajouter un peu de carmin , ou d'encre de Chine , pour
la rendre plus foncée. '
Lorsque l'encre et le papier sont prêts, on peut faire son
décalque sur le papier autographique de la manière ordinaire,
ou dessiner directement au crayon de graphite; pour Pécri-
tnre on peut tirer des lignes pour écrire droit et effacer les
foutes avec de la poudreMe sandaraque, en l'essuyant toutefois le
mieux possible. Ces différentes opérations n'empêchent pas la
réussite. Pendant qu'on écrit ou qu'on dessine sur le papier
autographique , il faut avoir soin de ne pas le toucher avec
des doigts gras; à cet effet on se munira d'un garde-main.
S'il y a une faute à corriger, on effacera en lavant à l'essence
de térébenthine , qui dissout Fencre sans altérer la couche
gonuneuse du papier ; mais il faut ensuite bien laver la place.
Pour fsàre le transport du dessin sur la pierre, on pose
d'abord la copie du côté dessiné sur quelques feuilles de pa-
pier, et on humecte légèrement avec une éponge trempée dans
un mélange d'eau et d'acide muriatique, marquant 1 */a degré
à Paréomètre. Le papier étant ensuite posé sur une pierre
tendre, préalablement poncée et bien essuyée, on le recouvre
d'une douzaine de feuilles de papier de soie , pour rendre la
pression moins vive; on commence par une pression faible,
qu'on augmente successivement, en répétant cette opération
six à huit fois. On mouille ensuite le papier avec la même
eau acidulée, et oii la laisse quelques minutes; on enlève alors
là feuille qui ne doit plus contenir aucune trace de dessin, si
l'opération a bien réussi. Après cela on acidulé la pierre , si
c'est nécessaire, on y passe la gomme, et on procède à l'en-
crage pour tirer des épreuves.
Le procédé qu'a inventé en 1836 M. Bautz, d'Augsbourg,
diffère des précédents, en ce qu'on y emploie du papier non
préparé, c'est-à-dire qui n'a pas été enduit de la couche gom-
meuse. On prend à cet effet du papier à écrire lisse et mince,
A
\
SIS
ou du papier à calquer, et l'on y trace le dessin, ou l'écri-
ture, on le calque avec l'encre autographique, qui est corn-
. posée de 3 parties de gonune laque, 1 de cire, 6 de suif,
5 de mastic, 4 de savon, 1 de noir de fumée. Pour l'usage,
I on dissout cette encre dans l'eau pure. Lorsque ce travail est
terminé, on humecte le papier par derrière avec un mélai\ge
d'une partie d'acide nitrique , et 3 d'eau jusqu'à ce que le
dessin soit visible à l'envers, et que l'encollage du papier soit
détruit ; on lave ensuite pour enlever tout Facide, on applique
la feuille sur la pierre légèrement chauffée , et on passe sous
le râteau avec une forte pression. Aussitôt le papier enlevé,
on laisse sécher la pierre, et on peut terminer son dessin au
crayon. Ce moyen est surtout utile pour l'exécution au crayon
de dessins d'architecture, d'ornements, de machines, et d'au-
tres qui doivent avoir un contour net et fin, car il est très-
difficile de £ure un trait fin à l'encre sur une pierre grenée.
L'autographie a rendu de grands services dans l'industrie,
le commerce et les arts. Plusieurs ouvrages complets ont été
autographiés ; tels sont les suivants : Théorie hthographique par
M. Houbloup, Paris 1818; — Mémoire sur la lithographie de
MM. Chevalier et Langlumé, Paris 1828; — Manuel pratique
des lithographes par Jules Desportes, Paris 1834.— Et qui ne
connaît pas l'Histoire de M. Jabot, les Aveujures de M. Vieux-
bois, de Festus et de tous leurs collègues, si spirituellement
écrites , dessinées et autographiées par M. Rodolphe Tôpffer
de Genève?
Un autre genre de transport, décrit sous le nom de litho-
graphie par enlèvement par M. Jobard ('), consiste à re-
couvrir une pierre grenée d'une couche mince d'encre ramollie
par une plus grande proportion de stéarine que l'encre ordi-
naire; d'appliquer sur cette couche une feuille de papier-co-
quille très-mince, et à remettre cette pierre à un artiste pour y
tracer un dessin à la mine de plomb ; tous les traits qu'il fera
sur le recto de la feuille se reproduiront sur le verso aux dé-
(1) Rapport, 1839. p. 905.
819
penB de l'encre de la pierre. On transportera ce dessin gras sur
une antre pierre que l'on traitera comme un dessin an crayon
]Hagraplii#> M. Jobard (*), Pingénieux et infatigable cher*
chenr, trouva en 1827 une méthode lithographique pour cal*
qner à la plume sur du taffetas ciré; les dessins les plus compli*
qués sont rendus avec non moins de pureté que de facilité. H
a reproduit par ce procédé l'œuvre de Flaxmann, dont chaque
planche ne coûtait pas deux heures de travail Voici en quoi
consiste sa méthode: Ohoissisez un carré de taffetas ciré bien
uni; faites coudre une tresse de fil autour de votre carré; pas-
sez un lacet dans cette tresse pour tendre également ce taffe-
tas au centre d'un cadre formé d'un fil de fer gros comme un
tuyau de plume à jécrire. Placez ce taffetas sur le dessm à co-
pier, et suivez les traits avec une plume hthographique de Per-
ry, et de l'encre lithographique amenée à la consistance d'un
lait épais. Avant de dessiner, vous aurez soin de passer ime
couche d'essence de térébenthine ou d'eau de savon sur votre
taffetas que vous essuierez bien^ avec du papier Joseph ou avec
on linge. Votre calque terminé, renversez le taffetas sur une
pierre polie et donnez un ou deux coups de presse. Le taffetas
adhérera fortement à la pierre , ce qui empêche le dessin de
se doubler; détachez lentement le taffetas, vous n'y trouverez
plus trace de votre dessin qui est resté tout entier sur la pierre.
C'est alors que vous pouvez tracer un cadre, ou faire des re-
touches, avant l'acidulation. Pour empêcher au taffetas de fedre
des plis, quand il est posé sur la pierre, il faut le saupoudrer de
stéatite en poudre, puis y placer une maculature également Sau-
poudrée, et avoir soin de frotter le cuir du tympan avec de la
poudre de savon pour le faire glisser facilement Par ce moyen
le transport se fût à merveille. Le procédé diagraphe s'applî-
qae avantageusement à la reproduction des manuscrits des lan-
gues encore privées de types mobiles; M. Jobard avait le projet
de Êûre de cette manière une contrefaçon du Coran, qui n'eut pas
de suite. M. Ëngelmann, à qui il avait parlé de son intention Se
(h Jobard, rapporl, 1»39, p. 30<î,
820
mit à l'œavre ; mais comme il s'était servi d'an Coran hétéro-
doxe, que lui avait prêté l'amiral Sidney Smith, sa spéculation
échoua et ne fîit plus reprise depuis.
Les lithographes, en considérant les résultats heureux qu'on
obtient de l'autographie , devaient bientôt penser à tirer parti
des avantages qu'offirent les principes chimiques de la lithogra-
phie, pour multiplier leurs épreuves par des reports ou con^
tre^prenvesa Us y ont réussi en tirant sur papier une épreuve
avec une encre grasse, puis la posant du côté de la ÙLce impri-
mée sur la pierre neuve, pour lui communiquer cette encre grasse,
et mettre cette pierre en état de pouvoir attirer l'encre dlm-
pression lorsqu'on y passe le rouleau. La multiplication des plan-
ches par le moyen des contre-épreuves o&e des avantages im-
menses sous le rapport de l'écononde et du temps. En effet, il
suffit de faire sur pierre un seul dessin, de le reporter ensuite
sur une grande pierre, autant de fois que la place le permet
pour pouvoir en tirer d'un seul coup 10, 20, 50, etc. ; et, si
cette pierre vient à s'user, elle est refaite à l'instant par une
nouvelle série de contre-épreuves de la pierre matrice, qu'il suf-
fit de conserver seule. Le papier que l'on emploie à cet usage
est ou un papier non coUé, ou, mieux encore, le papier de
Chine, qu'on couvre du même enduit que le pilier autographi-
que. L'encre d'impression n'est pas bonne pour les reports. On
fera mieux de composer celle-ci de 1 partie de cire, 1 de suii^
1 de savon noir, 12 de vernis moyen, 6 de térébenthine de Ye-
nise, en y mêlant la quantité de noir de fumée convenable. Les
opérations dU|report doivent se fabre avec beaucoup de précau-
tion, et avec«ime grande propreté. On peut obtenir ainsi des con-
tre-épreuves *^nH9eulement du dessin à la plume, mais aussi de
la gravure et des pierres dessinées au crayon.
En employant les mêmes moyens, on peut transporter sur
pierre aussi des épreuves fraîches it^pograpMques, U suffit pour
cela de faire tirer une épreuve bien pure avec l'encre et sur le
papier à contre-épreuve, et de la transporter sur pierre, en la
traitant comme les contre-épreuves lithographiques.
En 1827, MM. Firmia Didot et Motte avaient pris un brevet
pour un procédé destiné à imprimer simultanément des dessins
lithographiques et des caractères typographiques.
821
En 1828, une société s'était formée entre MM. Laget, Hàugk;
Billard, Panckoucke en Mantoux pour le transport sur pierre dé
textes imprimés, dans le but d'employer ce procédé à la publi-
cation d'un journal, mais rien ne se fit M. Gudin, peintre de
marine, associé avec MM. de Bremond et Wachsmuth, en 18S8,
forma le projet de la publication d'un journal quotidien, orné d^
dessins des plus habiles artistes de Paris.
M. Haubloup est un des premiers qui aient exploité la réunion
du texte typographique transporté sur pierre, et du dessin litho-
graphique à la plume à côté. Son Album d'histoire naturelle,
Muséum pittoresque, a été tiré à un très-grand nombre d'exem-
plaires (Exposition de 1839).
Quand M. ChampoUion proposa à M. Jobard de publier sa
Grammaire égyptienne, qu'aucun imprimeur n'osait entreprendre
à cause des signes nombreux qui devaient se trouver intercalés
dans le texte, il lui conseillait de faire composer la partie ty-
pographique avec des blancs réservés à l'endroit des signes et
de transporter sur pierre le texte auquel il ajouterait lui-niême
les signes hiéroglyphiques. M. Motte fiit du même avis et il
imprima fort bien la grammaire de M. Champollion (*).
M. Jobard (*) communique encore le procédé de transport
d'un inconnu: Sur un morceau de papier gélatine translucide
(inventé en 1823 par Quénédey, et fabriqué en partie de colle de
poisson et en partie de colle de Flandre, roulée sur une glace en-
duite à l'avance de fiel de bœuf), tracez avec la pointe sèche les
contours du dessin à calquer, puis encrez-le à la manière de la
taille-douce, l'encre restera dané les tailles et vous pourrez trans-
porter ce dessin d'un coup de presse sur la pierre.
On a aussi employé le procédé des reports pour transport
ter sur pierre des épreuves Urées sur des planches de cidvre
gravées. M. Engelmann est le premier qui ait fait des essais dans
ce genre. M. Legros d'Anisi faisait les premiers reports par le
même procédé que pour imprimer ses assiettes (voyez pag. 262),
et M. Engelmann traitait ces contre-épreuves par les procédés
lithographiques. Il se présenta bientôt une occasion d'utiliser ce
(i) Jobard, rap. 306-318,
(8) Rap. 319.
322
nouyean moyen de multiplication. M. Touquet avaTt âibriqaé en
1821 des tabatières dites à la Charte, qui devinrent à la mode.
Leur débit dépassa les prévisions du fabricant, et bientôt les
planches de cuivre qui servaient à leur décoration furent usées.
Plusieurs semaines étaient nécessaires pour en graver de nou-
velles ; pendant ce temps la mode pouvait en passer, et M. Touquet
manquait une vente assurée. Dans cet embarras il s'adressa à MM.
Engelmann, qui, en un jour, firent transporter sur pierre plu-
sieurs douzaines de contre-épreuves. Le lendemain le tirage
commença , et permit à M. Touquet de satisfaire le public et de
vendre en peu de temps plus de cent mille tabatières. Pour trans-
porter l'épreuve sur une tabatière ou un écran, on humecte le
derrière du papier avec la langue et on l'applique sur le bois
verni ou non, la gravure s'y attache en appuyant seulement avec
la paume de la main; un léger surcroit d'humidité fait détacher
le papier: quelques couches de vernis copal à l'essence ou à l'es-
prit, et le tour est fait. Liège et Spa fabriquent de la sorte des
millions de jolies tabatières de platane qui se répandent sur toute
la terre en concurrence avec les tabatières d'Ecosse et d'Alle-
magne. Les transports sur £^ence et porcelaine se font de la
même manière, mais il faut, au lieu de noir de fumée, un oxyde
métallique susceptible de se vitrifier (Jobard, Rapport, 1839).
Cette branche de la lithographie a pris un grand développe-
ment par son application à l'industrie et aux arts.
On ne s'est pas contenté des résultats avantageux qu'offirent
les reports lithographiques d'épreuves fraîchement tirées ; de tout
temps les lithographes se sont préoccupés de réaliser aussi le
transport sur pierre de vieux livres et de vieilles estampes pour
être réimprimés. On a appelé ces genres liiliO"tjpograpli£ey
et litho-chaloographie.
Senefelder avait en 1809 déjà livré des planches qui repro-
duisaient par le transport sur pierre des épreuves typographi-
ques tant anciennes que fraîches, des gravures sur bois de l'ou-
vrage anglais The religions Emblems , et des tailles-douces an-
ciennes. Tous ces transports avaient très-bien réussi. Pour cela,
Senefelder nous dit qu'il faut faire un mélange de craie fine et
d'amidon , qu^on éclaircit avec de l'eau , et qu'on passe partout
32S
sur la page imprimée. Ensuite on trempe un petit morceau de
toile dans une couleur faite avec du cinabre, du vernis très-
faible et du suif; on en frotte le papier jusqu'à ce que toutes
les lettres aient pris la couleur ; on jette de l'eau propre par-
dessus le tout, et on passe sur le papier une J)alle recouverte
de drap fin et bourrée de crin pour enlever le superflu de la
couleur qui se trouve sur les lettres. H faut continuer à passer
la balle jusqu'à ce que les lettres paraissent rougeâtres; puis on
verse souvent de l'eau propre sur ce papier qu'on met entre
deux maculatures pour lui faire perdre son excès d'humidité.
On suit alors le procédé de transport ordinaire.
On réussit mieux pour le transport avec une ancienne feuille
du XVI* ou du XVII* siècle qu'avec une feuille qui ne date que
de 20 à 30 ans, parce qu'on employait de meilleur vernis et qu'on
imprimait plus noir. Par conséquent, c'est du vernis plus ou
moins bon , qui sert à imprimer les livres, que dépend le suc-
cès de l'opération. En 1834 il avait paru à l'Exposition de Pa-
ris des pages de vieux livres reproduites par la lithographie.
MM. Delarue, Chevalier, Jules Desportes, Kaeppelin, Letronne,
D'Aiguebelle , et d'autres se sont distingués dans les reports
lithographiques anciens et modernes. M. Chatenet à Angoulème,
en 1839 , avait très-bien réussi par le transport des anciennes
impressions; il avait exposé des feuilles d'Elzevir, de Scander-
beg, qui étaient parfaitement venues. M. Jacotier, à Paris,
n'avait que médiocrement réussi dans le transport d'une gra-
vure du XVn* siècle, un Callot et un Albert Durer. Mais ce
sont surtout MM. Paul et Auguste Dupont frères qui ont donné à
cet art une grande extension.
M. Auguste Dupont, en 1839, avait réussi à transporter di-
rectement sur la pierre de vieilles gravures et de vieux impri-
més, et à les reproduire par des tirages inépuisables. Il livra en
1841, en spécimen de l'impression lithographique, un petit vo-
lume in-8'*, de 1636, intitulé « Histoire de l'incomparable admi-
nistration de Romieu, grand ministre d'Estat en Provence, lors-
qu'elle estait en soveraineté. » H fit suivre ce livre de deux
volumes formant ensemble près de 600 pages d'un ouvrage in-
titulé * l'Estat et l'Eglise de Perigord depuis le christianisme,
824
par le R P. Jean Dupay, recollet à.Périgaetix; impruné par
Pierre et Jean Dalvy, 1629. > Ces livres se sont trouTés ainsi ré*
générés, sans que les exemplaires qui avaient servi à la re*
production en aient souffert M. Dupont a aussi reproduit des
écritures originairement tracées avec des encres corrosives on
des encres communes; elles consistent en un plan manuscrit
de 1773, du vieux Périgueux, pris dans un ouvrage qui est à
la bibliothèque de cette ville; en une lettre du roi Jjouis-Phi-
lippe, et en une lettre du cardinal Maury, manuscrit remontant
à 1801.
M. Paul Dupont ('), dans ia état des ouvrages reproduits dans
son imprimerie par la litho-typographie, depuis le 10 juillet
1839 jusqu'au 22 février 1844, porte le nombre des exemplai-
res des feuilles à 43,752.
MM. Dupont ont produit encore un nombre considérable de
fac-similé pour l'Histoire de l'impression et de son application
à la gravure, aux caractères mobiles et à la lithographie, par
M. Léon de Laborde.
M. Paul Dupont avait en 1847 reproduit un volume in-folio
de 199 pages , qui est le fac-similé exact du tome ^TTï de la
collection Berum Gàllica/rum et Fromciscarum Scripiores, pu-
bliée par les Bénédictins et continuée par l'Institut. Ce trei-
zième volume, détruit pendant la révolution, rendait incomplet
un grand nombre d'exemplaires de cette collection aussi rare
que précieuse. M. Dupont a complété ainsi un grand nombre
d'autres ouvrages. Il a aussi composé une encre dont on se sert
pour imprimer, de chaque ouvrage dont on veut conserver
l'empreinte, une ou deux feuilles types, qui peuvent être trans-
portées sur pierre par une simple pression à quelque époque
que ce soit, et fournir de nouveaux tirages qui s'exécutent im-
médiatement.
M. C. Frémont(*) lithographe de Beaumont-sur-Oise , décrit
une méthode de transport de vieilles impressions, qui paraît un
perfectionnement de celle de Senefelder; la voici : Imbibez de
gomme arabique la feuille à réencrer, posez-la sur un marbre^
(1) Bulletin de la société d'encouragement 29 mai, IBM,
(2) Technologiste, vol. II, 184d,
825
yenez dessus de la soude caustique, de 12 à 15 degrés,
laissez cet alcali 15 à 20 minutes en essayant de temps en
temps sur un mot si le corps gras commence à revivre. Aussi-
tôt qu'on verra que la soude a assez agi sur les caractères,
jetez de l'eau sur la feuille pour enlever l'alcali. Versez-y de
l'essence de térébenthine , laquelle se fixera sur les caractères.
Laissez séjourner l'essence pendant un quart d'heure, tenez ce-
pendant la feuille constamment humide.
Préparez une encre composée de Vs partie de cire vierge,
Vi de suif, 1 de vernis &ible, V4 de térébenthine, Vi <le ver-
millon; garnissez de cette encre un petit cylindre ou un tam-
pon couvert de drap fin , et cherchez à encrer doucement les
caractères. Lorsqu'on verra que l'encre rouge est fixée sur les
caractères, on mettra la feuille entre des maculatures, et on ne
la transportera que très-peu humide sur la pierre. Pour le cli-
chage, M. Frémont prescrit le procédé suivant : Prenez de bon
et véritable papier de Chine; épluchez-le soigneusement; passez-
y une couche légère et unie de colle d'amidon mêlée à de la
gomme arabique en égale proportion. Faites tirer sur cette
feoille une bonne épreuve de taUle-douce ou de typographie
avec une encre de conservation, composée de 2 parties de dre
blanche, 1 de gomme laque, 2 de résine épurée (colophane),
1 de suif épuré, 1 d'huile verte, */« de térébenthine de Venise.
Conservez cette feuille en évitant la poussière et les accidents.
Lorsque, après plusieurs années, vous voudriez la reproduire,
chaoffez-la au soleil ou à une douce chaleur factice. Prenez une
pierre qui sera également restée quelques minutes au soleil,
transportez, et vous obtiendrez un bon résultat
Le procédé découvert en 1840 par M. Eosel de Munich,
et d^près lequel on peut obtenir des épreuves lithographiques
de la même manière qu'on obtient celle de la typographie , ne
nous est point connu.
En 1843, MM. Papillon frères, de Verviers (Aisne), inventè-
rent une méthode pour imprimer la musique par le procédé
typo-lithographique.
Sous le nom d'Homœographley M. Edouard Boyer, chi-
326
miste de Nîsmes, a ijoaté en 1844 une nouvelle découverte anx
précédentes, découverte dont nous n'avons pas non plus le se-
cret.
EInfin nous parlerons ici d'une invention intéressante, quoi-
qu'elle rentre mieux dans les applications de la photographie;
nous en ignorons le procédé : c'est la Itt&o^ypograplile
optique, ainsi appelée par son inventeur, M. Robert HUser,
d'Amsberg en Westphalie. Ce procédé a pour but de trans-
porter sur la pierre lithographique, convenablement préparée,
tout dessin, toute écriture^ gravure, peinture, impression typo-
graphique, sans endommager l'original. Le report se ùit en re-
lief, dans une heure ou en quelques minutes, suivant la gran-
deur de l'objet, sur pierre grenée ou polie.
On peut y faire toutes les corrections qu'on veut. L'impres-
sion s'opère comme à la lithographie, et on peut en tirer autant
d'épreuves qu'on désire. En 1846, M. Hûser subit un exa-
men, et il fit en. présence du ministère d'État de Berlin six
épreuves, de nature et d'objets tout différents. H réussit au
point qu'il reçut une prime de deux mille écus, mais sous condi-
tion d'établir un atelier à Berlin. Les affaires politiques de
1848 l'en empêchèrent, et l'Etat ne s'en mêla plus. Dans le
journal des Archives pour l'Allemagne de M. F.-F. Friedmann,
de 1853 (*), on a publié un spécimen du procédé de Hûser,
qui est parfait.
Cependant on n'est polot encore parvenu à reproduire par
le transport lithographique des impressions typographiques ou
des estampes anciennes d'une manière tout à fait irréprocha-
ble, malgré les recherches laborieuses et les procédés ingé-
nieux qu'on a inventés en grand nombre jusqu'à nos jours.
Cette victoire était réservée à un autre art graphique, dont
nous parlerons bientôt.
On voit souvent des images de saints ou des cartes d'adresse
imprimées en or ou en argent sur des feuilles transparentes et
diversement colorées. Ces feuilles, composées de gélatine, ont
été fabriquées particulièrement à Paris; ils le sont maintenant
(1) Vol. II, p, 215-247. Gotha et nouvelle Gazette de Prusse, n» 133, 12^uin 185i.
327
anssi en Allemagne , par MM. Zach et Lipowsky. Pour les
former , il font une planche de verre à glace bien taillée , que
l'on polit avec du rouge à polir , et l'on ifrotte avec de la ma-
gnésie. Sur les lames de verre ainsi préparées , on verse et
étend très-également une couche de gélatine , et lorsqu'elle «
s'est figée, on y imprime délicatement les dessins. La gélatine /
se prépare de la manière suivante : Après avoir trempé 5 li- /
vres de colle ordinaire dans l'eau pendant 24 heures, et avoir ;
changé l'eau plusieurs fois , on presse la colle , et on la cuit '
dans un bain d'eau jusqu'à la consistance de l'huile. On y -
ajoute une demi-once d'acide oxalique , dissout dans l'eau,
pour blanchir la colle, Vie d'esprit-de-vin et */« once de su-
cre candi décoloré , pour maintenir la flexibilité de la géla-
tine. Suivant la coloration qu'on désire lui donner, on intro-
duit dans cette solution un mélange d'indigo et de carmin,
pour obtenir une couleur bleue ; un extrait de safran pour la
jaune ; un mélange de bleu et de jaune pour la verte, ou de
rouge et de bleu pour la violette. La couleur rouge provient
d'une dissolution de carmin dans l'esprit de sel ammoniac (').
Uthophanle* Les images connues sous ce nom, et inven-
tées en 1827 en France , consistent en reproductions de des-
sins divers sur des lames de porcelaine tendre, et qui, regardées
vers le jour ou la lumière , reparaissent en ombre et en lu-
mière, ressemblant parfaitement aux dessins fiûts à l'encre
de Chine. On exécute ces images par un procédé plastique,
et nullement par un dessin, et voici comment : on recouvre une
plaque de verre d'une couche égale de cire d'un quart de
pouce d'épaisseur, sur laquelle on modèle le sujet qu'on veut
reproduire , au moyen d'ébauchoirs de sculpteur ; de manière
que les parties les plus ombrées soient représentées par la
couche de cire la plus épaisse, tandis qu'on diminue par dégra-
dation jusqu'aux parties les plus claires, qui sont alors repré-
sentées par une couche très-mince, ou par le verre seulement ;
la transparence du verre et de la -cire permet de juger de
(1) KuQSt- uocl Gewerbel)!. fttr das Kœoigr. Bayera. 1855, p. ^,
828
l'effet De ce modelage on prend on monle en pl&tre, leqnel
sert à former les épreuves en biscuit (porcelaine tendre). On
a essayé de Êûre ces images en gutta-percha et en couleur
Les lithophanies servent généralement comme écrans on abat-
jours. ,
Les objets connus en Allemagne sous le nom de SteinbUder,
qu'on £&briquait à Munich il y a quelques années (*) , et qui
consistent en une sorte de transport de lithographies ou de
gravures, sur des plaques minces de pierre calcaire, au moyen
d'un procédé chimique, sont peut-être encore une espèce de
lithophanie.
Pour clore ce qui rentre dans les applications de l'impression
chimique, nous devons dire quelques mots sur Vemplai cPautres
substances que la pierre calcaire pour recevoir le dessin. On
avait cherché dès les premiers temps de l'invention de la litho-
graphie à remplacer les pierres de Solenhofen par des matiè-
res moins chères et d'un transport plus fisM^ile. Les essais qu'on
a faits sur d'autres pierres que le calcaire de Solenhofen ont
été infructueux , quoiqu'on ait trouvé dans plusieurs localités
de l'Europe des qualités de calcaire qui permettent sous quel-
ques rapports de remplacer celui de Bavière.
Un dessin au crayon exécuté en 1817 par M. Yerdet, sur
ardoise, avait bien donné des épreuves, mais elles restaient bien
inférieures aux produits* de la lithographie.
Après bien des recherches, Senefelder avait trouvé, en 1818,
la composition d'une pierre factice, qu'il appelait papier-pierre^
laquelle devait remplacer la pierre lithographique naturelle, et
dont il se promettait beaucoup. Mais il n'a jamais publié d'une
manière précise sa méthode de fabrication. D'autres, qui l'ont
suivi dans ses recherches, n'ont pas été plus heureux.
SUnoographiea Senefelder avait observé, à cette même épo-
que, que tous les métaux sont susceptibles de retenir les traces
graisseuses, et de pouvoir être disposés à repousser l'encre d'im-
pression lorsque sur les parties bien dégraissées on applique des
(1) Le ministère d'État de commerce de Munich, sous la date du 90 décembre 4854,
déclara comme industrie libre la fabrication de ces images,
829
acides, de la gomme, de la décoction de noix de galle, etc. H
n'avait fait qne peu d'essais sur du fer et notamment sur du zinc,
et en 1823 il avait exposé à Paris de petites presses, sur lesquel-
les il tirait des épreuves de planches d'étain.
Les observations de Senefelder dont nous venons de parler,
quoique infructueuses au commencement, ont eu cependant pour
suite de fsâre nsdtre une nouvelle branche d'impression chimi-
que, qu'on a nommée zi/nœgraphie.
M. Joseph Trentsensky, inventeur d'une presse lithographi-
que, à Vienne, reçut en 1822 une patente pour avoir remplacé
les pierres lithographiques par des 'planches de zinc. Voici son
procédé: il polit la planche avec de la pierre ponce, et y trace
son dessin avec de l'encre ou du crayon lithographique. Après
24 heures il acidulé avec de l'acide nitrique ou sulfurique très-
étendu, passe à la gomme et encre comme dans la lithographie.
Son encre se compose de 9 parties de cire, 4Vs de savon, 2 de
gomme laque, 1*/» de sandaraque et 1 de noir de fiunée. Le
crayon est formé de 4 parties de cire, 2 de suif, 5 de savon, et
1 de noir de fumée. M. Gamen en Angleterre a procédé par
une méthode semblable. En 1829 M. Breugnot, de Paris, fit des
essais pour imprimer au moyen de planches de zinc de grandes
cartes, qu'il appelait géoramas, et en 1834 il obtint une médaille
et prit un brevet pour cette invention. A cette époque on s'oc-
cupait en Allemagne, surtout à la lithographie royale de Berlin,
de l'impression avec des planches de zinc, sur lesquelles on
transportait par les procédés autographiques des écritures , des
plans topographiques et d'autres dessins. M. Knecht (*), l'associé
de Senefelder à Paris, avait déjà en 1822 composé des planches
de zinc enduites pour la lithographie, mais elles éclataient trop
&cilement à l'action de la presse. En 1840 il est parvenu à
éviter ce défaut. Il a combiné une poudre pierreuse qui, délayée
à l'eau alcaline, devient pâte, et s'adapte tellement bien au zinc,
qu'on peut rouler la planche sans qu'elle éclate ou gerce. Dans
l'espace de quelques heures on applique trois à quatre couches
de cette poudre sur la planche métallique; on polit avec du pa^
(!) Technologiste. vol. 1. 1840, 356,
880
pier verre N* 0, ensuite avec un linge, et on a nn marbre dur et
blanc, propre à remplacer la pierre lithographique. Ayant de
trani^orter le dessin, on polit la planche avec du papier de
soie; l'opération du reste est la même que celle sur pierre.
La préparation chimique est un composé de 15 grammes de
tannin ou de noix de galle pulvérisée, 80 de gomme arabi-
que, 100 d'eau acidulée par l'acide nitrique marquant &*; on
fait infuser 24 heures et on filtre. Après avoir laissé séjour-
ner pendant quelques minutes cette liqueur sur la planche,
on l'enlève à l'eau, et on encre.
M. Enecht s'est préoccupé aussi depuis 1831 d'un procédé
pour tracer, transporter et imprimer sur métal. Voici ce qu'il
publiait en 1840 sur ce sujet: A l'exception du fer et du
bronze, tous les autres métaux ont plus ou moins d'affinités
chimiques pour recevoir ou repousser les corps gras. L'étain
est trop tendre, les caractères s'élargissent; la planche s'altère
facilement. Le zinc serait le plus convenable par la modicité
de son prix et par l'étendue des dimensions sous lesquelles il
est facile de l'obtenir; mais le zinc du commerce est trop
aigre. Il faudrait pouvoir obtenir des &bricants du zinc allié
à du bismuth, du laiton ou de l'étain; alors ce métal pour-
rait offiir de grandes ressources pour l'impression chimique.
Le cuivre jaune (laiton) est solide et donne un tirage pur et
brillant.
Voici la méthode de se servir d'une planche de laiton, qui
du reste est la même pour tous les autres métaux. Lorsque
la planche est bien polie et frottée avec de la craie et une
feuille de papier de soie, on dessine à la plume ou au pin-
ceau, en se servant d'encre composée de 4 parties de cire,
5 de gomme laque, 3 de suif, 2 de mastic, 2 de savon, 1 de
noir de fumée. Va de térébenthine de Venise. Le dessin ache-
vé, on chauffe la planche à un feu tempéré; on trempe en-
. suite un blaireau dans une préparation de 8 parties de gomme
\ arabique, 2 de noix de galle, 1 d'eau-forte, 4 d'acide phos-
1 phorique' et 30 d'eau ; puis on le passe plusieurs fois sur la
I planche. Après quelques instants on enlève l'acide, en jetant
1 de l'eau, et on essuie avec précaution. Lorsque la planche n'est
/ plus que faiblement humide, on peut procéder au tirage.
331
M. KaeppeMn, possesseur du brevet de M. Garenac, à qui
M. Breugnot Payait cédé, a publié en 1843 des Impressions
qu'il appelait zincographes , et qui nyalisent avantageusement
avec la lithographie. C'est surtout pour des objets de grandes
dimensions, tels que cartes géographiques, devants de cheminée,
etc^ que ce procédé' paraît le plus utile. M. Kseppelin a tiré
d'un seul jet, avec une planche de zinc, une carte de 4 pieds
sur six. M. Rouget, de Lisle, substituait en 1843 le zinc à la
pierre, surtout pour les dessins et les impressions à l'usage de
la tapisserie.
Par le procédé appelé la Panélcono^aphiey inventé en
1850 par M. Gillot, à Paris, on reproduit toute gravure lithogra-
phique, autographique, ou typographique; tout dessin au crayon
ou à l'estompe; toute gravure exécutée soit à l'eau-forte, soit
au burin.
Lorsque, sur une plaque de zinc, un report à l'encre lithogra-
phique d'une gravure ou d'un dessin est opéré, on encre avec
an rouleau ce report, puis, au moyen d'un tampon en ouate, on
le saupoudre de colophane réduite en poudre impalpable, la-
quelle adhère aux parties grasses et les sohdiôe. On place en-
suite la plaque au fond d'une caisse remphe d'eau acidulée de 5
jusqu'à 12'*, et, après une demi-heure d'im mouvement de bas-
cule donné à la boite, le relief est obtenu si c'est un dessin au
crayon. Si le dessin offire un travail en tailles plus espacées, on
retire la plaque de temps en temps pour l'encrer fortement à l'en-
cre lithographique, et, après avoir de nouveau enduit de colo-
phane cet encrage, on réitère l'opération dans la boite remplie
d'eau acidulée. Cette opération est répétée jusqu'à ce qu'on ait
obtenu les creux nécessaires. Les grandes parties blanches sont
enlevées à la scie à repercer. On imprime sous la presse typo-
grs^hique.
Dans les derniers mois de l'année 1844, on se préoccupait
d'un nouveau procédé chimique de reproduction et de mul-
tiplication, connu depuis sous le nom d'impresiioii ana»
itattqaea Suivant le professeur Faraday, qui en 1845 avait
882
doimé quelques explications sur ce procédé à Ilnstitation ro7«ie
de Londres, la théorie de l'impression anaâtadqae repose sur
certaines propriétés des matières employées. Ainsi , par
exemple, Feau attire l'eau, l'huile attire l'huile, tandis que l'une
de ces substances repousse l'autre. L'huile humecte les mé-
taux plus f^ilement que Feau; l'eau gommée les humecte
encore mieux, et le meilleur moyen de les mouiller est une
dissolution d'acide phosphorique étendue d'eau. Aux qualités
de ces substances il ÙLUt joindre le principe fondamental du
procédé, c'est-à-dire la facilité avec laquelle le noir d'une
épreuve fraîche peut être transporté sur une surface plane.
Ainsi, une feuille fraîchement imprimée, posée sur une feuille
de papier blanc, et soumise à une forte pression, y déposera
son impression très-nettement
D'après ce qui précède, on s'explique en quoi consiste le
procédé de l'impression anastatique: c'est un transport chi-
mique , reposant sur l'attraction et la répulsion , et semblable
pour le procédé au report lithographique. En conséquence,
le papier imprimé , soit en typographie , soit' en taille-douce,
doit être humecté par l'acide nitrique affaibli, et ensuite for-
tement pressé sur une planche de zinc très-lisse. L'acide ab-
sorbé par le papier attaque le métal, en même temps que
l'encre graisseuse se transporte sur la planche qui l'attire,
et à laquelle elle adhère. La planche ainsi préparée reçoit
alors une couche de dissolution de gomme et d'acide phos-
phorique, qui se combine avec les parties acidulées de la
planche, et les humecte. H en résulte que lorsqu'on y passe
un rouleau chargé d'encre d'impression, celle-ci ne se pose
que sur l'encre transportée sur la planche, tandis qu'eUe est
repoussée aux endroits humectés par l'acide et la gomme.
Cette opération terminée, on peut tirer des épreuves de la
même manière que par les procédés lithographiques. Pour le
transport de vieiUes estampes ou de vieux livres, M. Faraday
remarque qu'il faut les placer quelque temps dans une disso-
lution d'alcali , et après dans l'acide tartrique jusqu'à ce que
le papier ea soit bien pénétré. Les cristaux de tartre qui se
forment repoussent l'huile, et rendent la feuille inprimée
t^te à recevoir un encrage au rouleau, qui ùâk revivre le noir
de l'imiNression sans s'attacher aux parties blanches du papier.
Après eette opération délicate , qu'il faut pratiquer avec tout
le soin possible, on lave bien la feuille pour faire disparaître
complètement le tartrate, et l'on procède comme nous l'avons
indiqué, en commençant par un bain dans l'acide nitrique.
On attribue à M. BaLdermus, de Berlin, l'invention de l'im-
pression anastatique. Au commencement du mois d'octobre
1844, on reproduisit au moyen de ce procédé , dans un ate-
lier de Berlin, quatre pages d'impression, contenant 3 gra-
vures sur bois du journal anglais l'Athenaeum, appartenant au
numéro publié à Londres le 25 septembre. Cette copie était
nu fac-similé tellement parfait qu'on ne pouvait la distinguer de
l'original. Une copie d'une feuille du journal l'Illustration avait
été obtenue en moins d'un quart d'heure. Au fait, s'il s'agit
de la copie d'une feuille fraîchement imprimée , il suffit de 7
à 8 minutes , employées à Fabsorbtion de l'acide étendu , et
du temps nécessaire pour placer une feuille de papier sur
one lame de zinc, et tirer l'épreuve. Le 25 novembre de la
même année, on obtint par le même moyen une copie d'un
manuscrit arabe du xm* siècle, et la reproduction d'une page
d'un livre de 1483. Ces copies n'avaient altéré en rien les ori-
ginaux.
L'imprimeur Joseph Words, à Londres, pratiqua l'impres-
sion anastatique depuis le mois de février 1845 ; mais il ne re-
produisait que des objets de petite dimension.
Depuis 1850, la catégorie des impressions chimiques a été
annexe d'une invention nouvelle , dont on tire un grand avan-
tage, n s'agit de la chlmitypley dont l'origine par£^t appar-
tenir à Fimprimerie impériale de Vienne (Autriche). Ce pro-
cédé consiste à recouvrir une planche de zinc d'une couche
de vernis de graveur , sur lequel on trace son dessin , que
l'on fait mordre ensuite avec de l'eau-forte affaiblie. Après,
on enlève le vernis, en lavant d'abord les creux avec de l'huile
d'olive, ensuite avec de l'eau, et on essuie pour qu'il ne r^ste
plus la moindre trace d'acide. Alors on met sur la planche
334
de zinc de la limaille de métal fusible, et on chauffe aa moyen
d'one lampe à esprit^de-yin, jusqu'à ce que ce métal ait rem-
pli toutes les parties gravées. Lorsque la plaque s'est refroi-
die , on gratte tout le métal fusible qui se trouve sur la snr-
&ee de la planche, en ne laissant que celui qui est dans les
creux. Cela fait, la planche de zinc incrustée de métal fusible est
soumise à l'action d'une faible dissolution d'acide muriatique;
et, puisque l'un de ces métaux est négatif, et l'autre positif,
le zinc seul est attaqué par l'acide , le métal fiisible résiste
à son action corrosive, et reste en relief. On a donc trans-
formé une planche gravée primitivement en creux en une plan-
che en reHef, qui peut servir à l'impression sous la presse typo-
graphique, et remplacer avantageusement les gravures sur bois.
La lithographie était, dans l'ordre chronologique, le premier
des arts graphiques de notre siècle dont les procédés ont
pour base fondamentale une action chimique; nous avons dû
commencer par elle. Nous l'avons fait suivre de plusieurs an-
tres procédés, tels que le transport sur zinc, l'impression anas-
tatique, la chimitypie, procédés opérant principalement sur des
planches métalliques, et plus ou moins semblables aux opé-
rations lithographiques.
Nous allons maintenant voir la chimie jouer un rôle en-
core plus grand dans le domaine des arts, liée intimement
aux arts graphiques, d'abord pour reproduire, puis pour mul-
tiplier, et représentée dans une série d'opératiohs et de pro-
cédés nouveaux des plus remarquables. Dès l'année 1839
commence une nouvelle époque, mémorable pour les sciences
et les arts en général; importante au plus haut degré, en par-
ticulier pour les arts graphiques.
Les conquêtes précieuses faites en grand nombre depuis
cinquante ans dans le domaine des sciences physiques et chi-
kniques, prmcipalement dans le magnétisme, l'électricité, la
photologie, l'optique, la métallurgie et la mécanique, ont sin-
gulièrement augmenté et étendu le champ des connaissances
humaines et enrichi le manuel de l'opérateur. L'application
diverse des sciences^ leur liaison, toujours plus intime avec les
3S5
arts et les inâustries, le développement et le perfectioimement
réciproques qui en découlent provoquèrent une foule d'opé-
rations nouvelles, de procédés merveilleux et tout à fait in-
connus jusqu'alors. Les plus remarquables parmi ceux-là , et
qui entrent aussi directement dans notre cadre , sont la gal-
vanoplastie et la photographie.
Ces deux arts nouveaux ont été découverts presque en même
temps, et chacun d'eux par plusieurs personnes à la fois. A
cette occassion nous pouvons bien dire avec le savant Moi-
gno: «n se passe dans le monde intellectuel des phénomènes
semblables à ceux que l'on remarque dans le monde physi-
que. A certaines époques, une grande idée envahit tout à coup
un certain nombre d'esprits placés ordinairement à de grandes
distances; obscure d'abord et peu avide, cette idée bientôt se
développe et grandit, et on la voit éclore tout à coup sur
plusieurs points à la fois. »
GALVANOPLASTIE.
OAIiVAlilSBIEa Aloïsio Galvani, de Bologne, en suspen*
dant par hasard au balcon de sa fenêtre des grenouilles qu'il
venait de disséquer découvrit, en 1789, l'existence de l'électri-
cité dynamique ou en mouvement, et préluda ainsi à l'une des
plus belles découvertes des temps modernes, celle de la pile
électrique. Sa première pensée fut d'admettre dans les corps
vivants la préexistence d'un fluide particulier, auquel il donna
le nom de fluide gahardque,
Alessandro Volta, de Côme, après avoir, en 1777, inventé Té-
lectrophore et l'électroscope, inventa en 1801 la pile électrique,
qui reçut le nom de pUe voltaiique,
Volta ('), sans partager l'opinion de Galvani, admira beaucoup
sa découverte; mais en l'étudiant il s'aperçut qu'un détail d'ex-
périmentation avait été omis dans les déductions théoriques de
Galvani, et il prétendit que ce détail à lui seul pouvait expli'^
qner la création de l'électricité produite* Ce détail était Tinter-
(1) Les détails suivants sont tirés de l'Exposé des applicaioas de l'électricité, par
H. Th. Dn Moncel, Paris, i853, vol. I*'.
836
?eiitioii de denz métaux di fféren te iiiiîb parle owtact Sathéoii»
prévalut sortoat quand, pour prouver la vérité de son hypo-
thèse, il imagina sa pila
Poor expliquer la production de l'électricité par le ecmtact
de métaux différents, Yolta admettait l'existence d'une certaioe
force Uectromoifice qui devait se développer au moment de
ce contact, et qui agissait comme le frottement en décomposant
les fluides électriques des métaux, de telle manière que Vm
se chargeait d'électricité positive et l'autre d'électricité n^
tive. n observa de plus, et c'est là véritablement la partie essen-
tielle de la découverte, qu'en empilant, couple par couple, dans
le même ordre, un certain nombre de disques métalliques de
différente nature, par exemple, 50 disques de cuivre et 50 dis-
ques de 2inc, et en séparant chaque couple par une rondelle
de drap humide, on accumulait sur les deux disques extrêmes
tous les 'effets électriques de chaque couple en particulier. H
conclut naturellement que, plus cette pile ainsi formée aurait
d'éJémenfe ou de couples , plus grande serait la charge électrique
qu'il obtiendrait, et qu'en réunissant ces deux éléments extrê-
mes, auxquels il donna le nom de pôles, par un condacteor
métallique, on devait obtenir une décharge électrique incessante,
puisque la cause qui développait la force électromotrice était
permanente.
Ce fiit ainsi que, sans s'en douter, dans l'origine et dans le
but de soutenir son hypothèse contre la théorie de Galvani,
Volta dota le monde d'une des plus remarquables découvertes
de la science moderne.
A l'époque de la découverte de la pile de Yolta, la chimie
venait de sortir du domaine de l'alchimie, et commençait à for-
mer une science importante, par suite des magnifiques travaux
de Lavoisier, de Fourcroy et de Davy.
Bientôt (en 1800) l'eau fut décomposée par l'action du con-
rant voltaique, par MM. Carhsle et Nicholson. On reconnut en-
suite l'influence différente exercée par les deux pôles de la pile
par rapport aux acides et aux alcalis; mais ce ne fut que quand
Davy décomposa la potasse, qu'on jugea de la puissance de
cet élément extraordinaire. Dès lors on ne douta plus d'aucone
337
déeoraposîtion chimique , et les découvertes successives du prin-
cipe métallique des bases saliôables, regardées jusque-là comme
des corps simples, justifièrent pleinement cette prévision. Une
seule de ces bases avait échappé à Davy, c'était l'ammoniaque.
Mais en 1808 Seebeck, de Berlin, trouva également son prin-
cipe simple, auquel il donna le nom d'ammonium, quoique ce
principe simple fût lui-même , comme le cyanogène, un principe
composé.
Plus tard, les différentes et nombreuses découvertes faites
par MM. Faraday, Becquerel, de la Rive, Schœnbein, firent des
réactions électro-chimiques une des sciences les plus fertiles en
application , utile surtout pour la galvanoplastie.
Depuis la pile à colonne de Volta, qui fiit le point de départ
de toutes les découvertes dans l'électricité dynamique, on a
ùàt bien des espèces de piles. La pile à auges, la pile de Wol-
iaston, la pile à hélices et la pile sèche de Zamboni , en furent
les premières modifications. Mais les perfectionnements les plus
importants n'y ont été apportés que quand on a pu constater
Tinfluence des réactions chimiques dans la production de l'élec-
tricité.
Dès lors , abandonnant la théorie de Volta, on fit des piles à
deux liquides, et ces piles si énergiques, si constantes dans
leur action, furent Substituées avec infiniment d'avantage à
leurs aînées dans toutes les expériences et les applications qu'on
pouvait en faire. Ces sortes de piles sont assez nombreuses et
ont des propriétés différentes. Ainsi celles de Bunsen produi-
sent beaucoup d'électricité, mais elles sont dispendieuses, tandis
que celles de Daniell, qui sont fort économiques, ont le grand
mérite, quand il ne s'agit que de très-petits effets, d'être d'une
régularité parfaite, et d'agir quelquefois des semaines entières.
Premiers Indices de la galTanoplastle. Lorsque
M. Daniell faisait les premières expériences avec la pile à effets
constants qu'il avait imaginée, il remarqua, en enlevant un frag-
ment de cuivre qui s'était déposé au pôle négatif, que les érail-
lores de l'électrode ou conducteur platine s'étaient fidèlement
empreintes sur le cuivre.
i5
338
Une observation du même genre avait été faite par M. de la
Rive peu de temps après la découverte de cette pile. Après
avoir décrit une forme particulière de la pile de Daniell, à W
quelle il donna la préférence, M. de la Rive ajoute : « La pla-
que de cuivre est également recouverte d'une couche de cui-
vre à l'état métallique, qui y est incessamment déposée par mo-
lécules, et telle est la perfection de la feuille de métal ainsi
tbrmée, que, lorsqu'elle est enlevée, elle offre une copie fidèle
de chaque éraillure de la plaque métallique sur laquelle elle
reparaît. »
En considérant que la galvanoplastie est Fart en vertu du-
quel on dépose sur un moule en creux ou en relief, formant
l'électrode ou le conducteur négatif d'un appareil voltaïque,
un métal dont les parties s'agrègent ensemble et prennent l'em-
preinte de la surface du moule, les faits que nous venons de
citer constituent l'origine de la galvanoplastie. Mais malheu-
reusement ces observations ne semblent pas alors avoir attiré
l'attention qu'elles méritaient; et ce qui parîdtra encore plus
singulier, c'est que ni l'un ni l'autre de ces savants, quoique
leurs titres scientifiques les rendissent éminemment propres à
mettre ces faits en application, n'y songèrent point.
DÉCOUVERTE DE IiA GAIiVANOPIiASTIB. Ce
n'est que dix ans plus tard que le fait qui sert de base à la
galvanoplastie, a été signalé d'une manière bien positive, et
cela par deux savants, placés aux deux extrémités de l'Eu-
rope, M. Thomas Spencer, en Angleterre, et M. le professeur
Jacobi, en Russie, qui découvrirent, chacun de son côté, cet
art nouveau {*).
M. Thomas Spencer, jeune physicien de Liverpool, s'occu-
pait, dans le mois de septembre 1837, à répéter les belles ex-
périences de M. Becquerel sur la formation artificielle de^
(i) Voyez surtout : Exposit. et hisl. des principales découvertes scientifiques mu^
dernes, par M. Louis Figuier, Dr. Paris, 1851 . — Éléments d'Électro-Chimie, par
M. Becquerel, Paris, 1843. — Archives de l'Électricité, par M. de la Rive, Genève et
Paris, i84â, t. II. ~- Manuel de Galvanoplastie de M. Smée; trad. en français, Paris,
184:), etc.
Î539
espèces minérales à l'aide d'tn courant électrique ; il se ser-
vait à cet • effet du petit appareil de M. Becquerel pour pro-
duire un courant électrique faible et continu, et dans lequel le
seul couple voltaïque est formé par un disque de cuivre uni
par un fil métallique à un disque de zinc. L'élément cuivre
plonge dans une dissolution de sulfete de cuivre, l'élément
zinc dans une dissolution de sel marin; les deux dissolutions
placées dans des vases de terre sont séparées l'une de l'autre
par un diaphragme ou une cloison poreuse de plâtre.
Le fil conducteur de cuivre qui réunit les deux métaux est
verni avec de la cire à cacheter; or le hasard voulut qu'en
recouvrant ce fil de cire, M. Spencer en fit tomber sur le
disque de cuivre quelques gouttes qui y restèrent attachées.
De manière que, lorsque l'appareil fut mis en action, le cuivre
réduit , en se déposant sur l'élément négatif, vint s'arrêter sur
les bords des petites gouttes de cire tombées sur la plaque. Le
métal précipité avait d'ailleurs toutes les qualités du cuivre pur
de fusion.
< Je compris aussitôt, dit M. Spencer, qu'A était en mon
« pouvoir de guider à mon gré le dépôt de cuivre et de le cou-
< 1er en quelque sorte dans les hgnes creusées avec une pointe
« sur la plaque de cuivre vernie. »
Une plaque de cuivre fut recouverte à chaud d'une couche
de vernis , composé de cire jaune , de résine et d'ocre rouge ;
avec une pointe métallique M. Spencer traça dans le vernis
des lettres en mettant à nu le cuivre , comme dans la gravure
à l'eau-forte, et il soumit la plaque ainsi préparée à l'action d'un
courant voltaïque. A l'instant où le circuit fut fermé, le cuivre,
provenant de la décomposition de ce dernier , vint remplir les
sillons tracés sur le vernis et forma des caractères en relief.
Dès l'année 1838, des épreuves obtenues avec cette planche à
relief, imprimées sous la presse typographique, furent distribuées
dans le public.
Plus tard, en suivant le cours de ses expériences, M. Spen-
cer fit une autre observation plus importante encore. Ayant
besoin d'une plaque de cuivre pour former un de ces petits
couples voltaïques, et ne trouvant point sous la main de disque
Où
de cui?re, il prit une pièce de monnaie et une rondelle de zinc,
qu'il réunit avec un fil métalliqae. Ce couple fiit disposé comme
à l'ordinaire et le dépôt commença à s'effectuer. Mais ec^sme,
après quelques heures écoulées , l'expérience ne marchait p&s
suivant son désir, il démonta son appareil et se mit à arracher
par morceaux le cuivre réduit qui recouvrait l'élément négati£
n ne fiit pas alors peu surpris de voir tous les accident8 et
tous les détails de la pièce de monnaie reproduits sur ces
fragments de cuivre avec une fidélité extraordinaire. < Je ré-
solus alors, dit M. Spencer, de répéter cette même e^érience
en faisant usage d'une médaille de cuivre dont le relief serait
considérable. J'en formai, comme auparavant, un couple vol-
taf que ; j'y fis déposer une croûte de cuivre d'un millimètre d'é-
paisseur environ, puis je détachai avec soin, mais non sans quel-
que peine , le dépôt formé. J'examinai le résultat à la loupe,
et je vis tous les détails de la médaille reproduits avec une
merveilleuse fidélité sur la contre-épreuve voltaîque. > M. Spen-
cer ne s'est pas borné à mouler en creux des monnaies, des
Biédailles, il s'est servi encore des moules pour obtenir des
contre-épreuves qui fussent des fac-similé de toutes ces piè-
ces. De semblables pièces circulaient, à ce qu'il paraîtf à Liver-
pool dans les premiers mois de 1838.
Pendant que M. Spencer découvrait ainsi en Angleterre la
galvanoplastie, M. le professeur Jaoobi, de Saint-Pétersbourg,
parvenait par une autre voie à des résultats semblables. Ce fiit
4 Dorpat, en février 1837, que M. Jacobi trouva imprimées sur
«ne feuille métallique quelques traces microscopiques de cui-
vre du dessin le plus régulier, et c'est en recherchant le mode
de formation de ces empreintes et en essayant de les repro-
duire , qu'il découvrit le fait capital de la plasticité du cuivre
obten.u par la pile. H soumit à l'action de courants électriques
d'une faible intensité des plaques de cuivre sur lesquelles il avait
fait graver des lettres et des figures, et il réussit bientôt^ par
des dépôts de cuivre occasionnés par la décomposition du sui-
nte de cuivre, à obtenir en relief l'empreinte exacte du dessin
gravé en oreux sur l'original. Une planche de ee genre fut pré-
sentée à l'Académie des Sciences de Saint-Pétersbourg, ]b 5
octobre 1838 (17 oct nouveau style).
d4i
Dané VAihefkBwm {*) û est dit positiTement que M. Jacébi
avait trouvé tm procédé galvanique pour convertir en relief les
lignes les plus délicates gravées sur une planche de cuivre.
Dans une lettre de M. Jacobi adressée à M. Faraday, de Saint-
Pétersbourg, sous la date du 21 juin 1839 (2 juillet), et publiée
aa mois d'octobre de la même année dans le Fhilosophicàl
Magasine, se trouve le passage suivant : < H y a déjà quelque
< temps qu'en poursuivant mes recherches sur Pélectro-magné-
< tisme^ je fus conduit, par un hasard heureux, à une décou-
« verte importante : c'est que l'on pouvait, à l'aide d'un courait
< voltaïque, obtenir des épreuves en relief de planches de cui-
* vre gravées , et qu'une contre-épreuve de ces mêmes épreu-
< T68 en relief pouvait également être obtenue à l'aide dû
< même procédé. Nous possédons donc un moyen de multiplier
< à l'infini les exemplaires d'une planche de cuivre gravée. »
C'est dans cette même année 1839, que M. Jacobi fit la dé-
couverte du système des anodes ou des électrodes solubles.
Lorsque M. Jacobi commença à opérer, l'objet à copier âdsait
loi-même partie de la pile galvanique, il formait l'élément né-
gatif et plongeait dans la dissolution de sulfate de cuivre ; mais
la dissolution s'épuisait peu à peu, et il était nécessaire de l'en-
tretenir au degré de saturation, en lui fournissant de nouveaux
cristaux de sel au fur et à mesure de leur réduction. Or, M. Ja-
cobi trouva que si l'on attache le moule au pôle négatif, et que
l'on dispose au pôle positif une lame du même métal qui est en
dissolution dans le bain, cette lame, qui porte alors le nom d'a-
node ou d'électrode soluble , entre elle-même en dissolution
dans le bain en quantité à peu près égale à celle qui se dépose
sur le moule. L'oxygène, mis en liberté par la décomposition
de l'eau, se porte au pôle positif de la pile ; là il rencontre
le métal et l'oxyde, c'est-à-dire le fait passer à l'état d'un com-
posé susceptible de se dissoudre dans l'acide libre existant dans
1& liqueur , et par cette action continue , à mesure qu'il se isXX
^ pôle négatif un dépôt métallique aux dépens de la dissolu-
tion saline, le cuivre attaché au pôle positif se dissout dans le
liquide à pea près dans la même proportion.
(1)N* 601, p. 334, mai, 1838.
342
La découverte des électrodes solubles a exercé une influence
très-grande sur les progrès de la galvanoplastie. Elle a permis
en effet de séparer le couple voltaïque qui engendre le courant
de l'appareil dans lequel s'effectue l'empreinte. Le procédé de
galvanoplastie est devenu par là beaucoup plus simple, le suc-
cès plus assuré , et le temps dans lequel les résultats peuvent
être obtenus infiniment plus court (Figuier).
C'est aussi M. Jacobi qui a donné le nom de Galvanoplas*
Ile à cet art nouveau.
En 1839 cependant, et jusqu'à la publication de la lettre de
M. Jacobi adressée à M. Faraday, et bien que M. Spencer et
M. Jacobi eussent déjà fEdt circuler dans le public soit des mé-
dailles appelées alors électrotypes ou voltaïtypes, soit des re-
productions de planches gravées, à cette époque , disons-nous,
les moyens d'exécution n'étaient pas encore bien répandus.
Mais aussitôt qu'on eut connaissance de cette découverte , un
grand nombre de personnes cherchèrent à en connaître les pro-
cédés, à les modifier, à les perfectionner, et en faire de nouvel-
les applications.
M. Spencer, ainsi que M. Jacobi, n'opéraient que sur le cuivre.
et il fallait trouver des moyens de réduction pour les autres
métaux. C'est ce que l'on fit. Voici, selon M. Becquerel, les di-
verses combinaisons métalliques qu'on emploie maintenant en
galvanoplastie : ,
Les dissolutions d'or dont on fait usage sont celles de son
oxyde dans la potasse ou la soude , ou simplement leur carbo-
nate; le double cyanure d'or et le potassium, et enfin le chlo-
rure d'or. On prend pour électrode positif, un fil fin de platine
ou d'or. — Les dissolutions du platine sont les mêmes que cel-
les de l'or ; un fil du même métal sert d'électrode. — Outre le
cyanure d! argent^ on fait encore usage du nitrate, du sulfate,
de l'acétate , de l'hydro-sulfate et de la dissolution ammonia-
cale. On emploie pour électrode positif le platine et l'argent:
le moule ou l'électrode négatif peut être d'or, de platine, de
charbon, d'argent, ou d'une substance plastique recouverte d'un
de ces métaux. — Sels de mckel ; le nitrate n'exige qu'un fai-
343
ble courant. — Le sulfate , le chlorure , le nitrate et l'acétate
de cmmt sont les combinaisons employées, maïs surtout le pre-
mier , en raison de son prix peu élevé. M. Smée compose sa
dissolution de 600 gr. de nitrate de cuivre et d'un litre d'eau
mdMe avec 16 gr. d'acide nitrique. L'électrode doit être en
cuivre et de la même dimension que le moule. Quant au moule,
il peut être fait de plombagine, de charbon, d'or, d'argent, de
palladium, de nickel, et même de cuivre.
Les sels de fer ont une grande tendance à être peroxydes ;
dans cet état ils ne peuvent être réduits parle courant voltaï-
que ; il faut donc employer le proto- sulfate de fer (Smée). —
Le sulfate de zinc est celui qu'on emploie ordinairement. Le
ptomô est un métal difficile à manipuler. L'acétate très-étendu,
acidulé avec de l'acide acétique ou une petite quantité d'acide
nitrique, est le sel^ que recommande M. Becquerel. — L^étain
présente autant de difficultés à réduire en lame que le plomb :
on se sert de la dissolution d'étain dans l'eau régale , acidulée
par l'acide acétique ; il suffit d'un seul couple avec un électrode
positif en étain, si l'on expérimente. A ces combinaisons métalli-
ques que nous venons d'énumérer , il faut ajouter 8 espèces
diiférentes de métaux nouveaux qui paraissent former des dé-
pôts galvaniques précieux et qui pourront être très-utiles pour
la fabrication de l'orfèvrerie massive ; ce sont tous des métaux
fins, que nous devons aux travaux persévérants de M. Chau-
dron-Junot; voici leurs noms : le chrome, le tungstène, le mo-
lybdène, le titane , l'urane , le silicium , le magnésium et l'alu-
minium.
SUBSTANCES DONT ON FÔRIME LES MOU-
ISBm Les substances dont on compose les moules sont de
nature très-diverse: il y a des substances conductrices et d'au-
tres qui ne le sont point.
Snbstanoes oondnotricesa Parmi ces premières, en omet-
tant les moules en or, en argent ou en platine, qui ne sont pas
d'un usage ordinaire, vu leur prix trop élevé, nous remarque-
rons le plomb pur. M. Spencer avait déjà pris des empreintes
344
de médailles, de caractères typographiques et des plaintes de
cuivre gravées, sur des lames de plomb soumises à une forte
pression. Mais, comme le plomb pur est difficile à se procu-
rer, on fera bien de se servir du plomb réduit à l'état métal-
lique par le courant galvanique; on obtient de cette manière
un métal très-pur, se prêtant facilement à la pression.
Cependant tous les objets à reproduire par la galvanoplastie
ne supportent pas une pression aussi forte que celle qu'ejôge
un moule pris en plomb, de sorte qu'on substitue de préférence
des alliages de ce métal Ces alliages sont généralement connus
sous le nom de métaux fimbles, parce qu'ils fondent à une
basse température; ils se prêtent plus ou moins facilement au
moulage, suivant leur composition. L'alliage qui sert à la ùàm-
cation des caractères d'imprimerie, et qui se compose de 10
kilogrammes de plomb sur deux d'antimoine , est le moins fu-
sible et assez difficile à manier. — Le pewter ou soudure des
plombiers, composé de 80 parties d'étain et de 20 de plomb;
— l'alliage connu sous le nom de métal de Rose, qui fond à
98* C. ; — le métal fusible de Newton; — la composition de C-J.
Jordan, de 8 parties de bismuth, 5 de plomb et 3 d'étain; — le
métal du D' Bœttger, composé de 8 parties de plomb , 8 de
bismuth et 3 d'étain, qui fond à 86® R. (108» C); — et, enfin,
le métal fusible inventé en 1806 par Darcet, mélangé de 8 par-
ties de bismuth, 5 de plomb et 3 d'étain, ou bien de 8 de bis^
muth, 5 de plomb et 3 de zinc, fondant à 92*" C, sont les al-
liages employés dans le moulage. Tous ces alliages ont plus ou
moins les mêmes qualités et sont soumis aux mêmes manipu-
lations , que M. Darcet nous décrit parfaitement : On fond le
métal dans une cuiller ou poche de fer nunce au-deasns dPnne
lampe, en la maintenant quelque temps en fusion ; puis o& le
verse dans une boîte de carton ou de papier, en quantité suf-
fisante pour former une couche de 2 à 3 lignes, suivant le re-
lief de l'objet à clicher. Si cet objet oflà-e une grande surface,
il faut verser le métal en fusion sur une franche de métal
munie d'un rebord et chauffée légèrement Après avoir ôté, au
moyen d'une baguette de fer rougi , l'oxyde qui s'est formé à la
surface du métal, et lorsque le métal a pris la consistance d'un
845
état i^ftteiiz, Bloum l'ofatiet à elkher, légètemeni efasaffè s^ le
p«ntiett ^r-^ fortement eompriraé dessus, on a» moyen de Is
mam^ en à Paide d'une petite presse en bois à balancier. B
âat, ponr cette opération, une certaine dextérité et quelque
expérience pour bien rencontrer le degré de température et de
pression voulu. De cette manière on peut mouler avec une
grande perfection, en relief ou en creux, des objets de métal,
de bois, de plâtre et même de soufre et de cire à cacheter,
pourvu qu'ils n'aient pas un relief trop élevé.
8iib«UBioe8 nen eondiietrioesa Parmi les substances
non conductrices nous désignerons comme propres à en for-
mer des moules : la cire à eaoheter, ou cire d'Espagne. Le D'
Urey vecommande pour sa composition 4 parties de gomme la*
gne, 1 de térébenthine, et 3 parties de matière colorante.
L'emploi de la eke vierge est très-facile. Après avoir chauffé
légèrement l'objet à mouler, on l'entoure d'un rebord en papier
ou en carton, et on enduit sa surface d'une légère couche d'huile
d'olive f c'est là- dessus qu'on verse ensuite la cire fondue préala-
blement dans un vase de terre. Du même genre sont encore : la
sikurvne^ — une composition de parties égales de cire jaune et
de résine , — ou bien de cire et de blanc de céruse ; — ou enfin
un mélange de 1 \ onces de blanc de baleine, de 1 '/4 once de
cire et d'une quantité égale de graisse de mouton. Toutes ces
compositions sont employées de la même manière et avec autant
de succès que la cire vierge. On se sert également de la gékatme
au moulage. M. de la Motte nous apprend qu'en général la géla-
tine qui, une fois renflée, occupe le plus de volume, est la plus
propre à cet usage. Les gélatines de Bonxwiller, de Guise ou
de Rouen sont, sous ce rapport, les meilleures à employer. La
gélatine est mise pendant douze heures en contact avec la pro-
portion d'eau voulue, proportion qui varie entre 30 et 60 cen«
tîmètres cubes pour 30 grammes de matière, puis soumise au
bain-marié à une chaleur au-dessous de 100 degrés pour en
opérer la dissolution. Après quoi on tgoute en mélasse un
dixième dn poids de la gélatine. On a remplacé avec grand
avantage la mélasse par la gh^eérinej substance oléagineuse qui
13*
346
se nièle intimement à l'eau et qni est susceptible de modifier la
gélatine de manière à lui enlever totalement sa contriMcUon. Dans
ce cas, on scoute à 30 grammes de gélatine renflée par l'eau
froide et chauffée au bain-marie, 5 à 10 centimètres cubes de
glycérine. Ce mélange opéré, on coule la matière sur le modèle
préparé, c'est-à-dire entouré de papier ou de carton et chauffé
légèrement à l'étuve. Pour éviter le ramollissement des moules
en gélatine, qui a lieu par un séjour prolongé dans un bain aqueux,
on trempe le moule pendant quelque temps dans une solution
tannique légèrement alcoolisée.
Le ceumtchouc et la guUa-percha sont aussi employés pour
former des moules, surtout la dernière substance.
H n'y a que quelques années que ces deux matières sont d'un
usage général en Europe. Vers le milieu du siècle dernier,
le caoutchouc a été nommé dans un travail sur cette substance
par La Contamine, mais il n'a été connu réellement que vers
1790. Le 24 février 1839, M. Hayward prit en Amérique le pre-
mier brevet pour la fabrication du caoutchouc. Le second bre-
vet a été pris par M. Haucock, en Angleterre, le 21 novembre
1843; enfin le 8 janvier 1844, M. Goodyear, Américain, demeu-
rant en France, prit un brevet pour la préparation du caout-
chouc, réunissant toutes les conditions. On peut dissoudre le
caoutchouc de différentes manières : dans du sulfure de carbone
ou carbure de soufre; dans de l'huile de naphte distillée, blan-
che; dans du pétrole, ou huile de pierre chaude; dans de l'es-
sence de térébenthine.
Montgoméri acheta en 1822 quelques objets fabriqués par
des Malais en gutta-percha, et les envoya en 1842 seulement
en Angleterre. En 1843, José d'Almérida apporta ime certaine
quantité de cette substance en Angleterre, et c'est dès ce mo-
ment qu'elle fut connue. La France ignorait complètement la
gutta-percha jusqu'en 1845. Depuis ce moment le commerce de
cette matière est devenu considérable; en 1848 Singapore ex-
porta en Europe 1,303,656 kilogrammes de gutta-percha, qui
représentent 2 millions de francs. Pour ramollir la gutta-percha
on la plonge dans un vase contenant de l'eau portée à l'ébuUition :
la matière ne tarde pas à se ramollir; on la malaxe dans tous
347
les sens, et lorsqu'elle est bonne à travaillen le monle et la
plaque de métal étant huilés et chauffés à Tétuve, on applique
la matière plastique, que l'on comprime progressivement, afin de
permettre à l'air de s'échapper, et de forcer la matière à péné-
trer dans toutes les parties du moule ; puis on la laisse refroidir
sous presse. Lorsqu'on opère à sec et à chaud, on chauffe un
plateau à un feu doux, et lorsque le modèle, placé dessus, est
arrivé à la chaleur de 100 degrés, on l'huile ainsi que la plaque
et on place la gutta-percha, en l'entourant d'un cercle métalli-
que comme on doit le faire pour l'opération humide ci-dessus
décrite.
La ϔle de poisson convenablement ramollie fournit aussi des
empreintes d'une grande délicatesse. Pour les objets dont le
relief est fouillé, on se sert de moules élastiques, qui sont com-
posés de 12 parties de colle et de 3 parties de mélasse. M. Henri
Beaumont Leeson fait ses moules élastiques de la manière sui-
vante:
On applique au pinceau sur l'objet à reproduire 4 ou 5 cou-
ches d'une solution de colle ayant à peu près la consistance
de la mélasse, puis on entoure l'objet d'un cercle de métal , ou
d'une bande de carton, et on ajoute assez de colle pour que le
moule ait une certaine consistance lorsqu'il sera sec. On aug-
mentera la solidité du moule , en ajoutant à la colle un solution
de caoutchouc, d'une autre gomme ou d'une substance rési-
neuse. Si l'on veut qu'il ait à peu près la consistance d'un
morceau de peau , il faut ajouter une solution de tanin.
Le soufre fondu dans un vase de terre sur un feu doux , et
versé sur l'objet huilé qu'on veut reproduffe , forme également
im très-beau moule; mais cette matière présente un inconvé-
nient grave ; le métal précipité n'est pas plutôt en contact avec
le soufre, qu'il se combine avec lui pour former un sulfure , et
le dénature tellement qu'il devient méconnaissable. Le seul moyen
d'y remédier consiste à revêtir le soufre d'une légère couche de
vernis, tel que le white-hard ou le mastic. Cependant, et malgré
ce vernis, les empreintes en soufre ne répondent pas à l'attente
deg( opérateurs.
Le fiâtre^ au coïitrabre, et surtout le plâtre dç Paris, est e^-
348
cellenl^ pour former des rnooles. On l'emploie récemment cuit,
ou on le chauffe sur le feu jusqu'à ce que les gaz se soient dé-
gagés. Après l'ayolr mêlé avec de Feau, de manière à lui donner
la consistance d'une crème, on le gâche , et on en verse une pe-
tite quantité sur l'original entouré d'un rebord et huilé, en frot-
tant toutes les parties perpendiculairement ayec un pinceau en
soie de cochon, pour 6ter les bulles d'air. On ajoute ensuite une
autre quantité de plâtre pour donner à l'empreinte une épais-
seur suffisante. Lorsque le plâtre est sec, il acquiert une grande
dureté, mais aussi il a une grande affinité pour l'eau , et en ab-
sorbe passablement Pour obvier à cet inconvénient, on enduit
les moules en plâtre d'une substance grasse , telle que le suif^
la stéarine, le blanc de baleine , la cire vierge , la dre et la co-
lophane , l'huile de lin , le vernis au mastic , le vernis blanc et
plusieurs autres. On applique ces substances, ou chauffées ou
bouillantes , sur les moules également chauffés , et l'on prend
garde de ne pas former épaisseur sur le moule.
La nouvelle matière plastique récemment inventée par M. So-
rel pourra aussi servir avantageusement pour fdrmer des mou-
les. «Elle consiste, dit M. Sorel, en un oxychlomre basique de
zinc. On l'obtient en délayant de l'oxyde de zinc dans du chlo-
rure liquide de la même base, ou dans un autre chlorure iso-
morphe au chlorure de zinc , par exemple , du protocMorure de
fer , de manganèse , de nickel , de cobalt , etc. On peut même
remplacer ces chlorures par de l'acide chlorhydrique simple. Ce
ciment est d'autant plus dur que le chlorure est plus concentré,
et l'oxyde de zinc plus lourd; j'emploie des résidus lavés provenant
de la fabrication du blanc de zinc, ou bien je calcine à la chaiear
rouge du blanc de zinc ordinaire. J'emploie du chlorure de zinc,
marquant 50 à 60 degrés à l'aréomètre de Beaumé; si on dé-
passait cette densité le ciment serait un peu hydrométrique; et
pour que le ciment prenne moins vite , je fais dissoudre dans le
chlorure environ 3 pour cent de borax ou de sel ammoniaque, ou
bien jé^calcine l'oxyde après l'avoir délayé avec de l'eau conte-
nant une petite quantité de borax. Le mastic ou ciment obtenu
par la combinaison des substances ci-dessus, peut être coulé
dans des moules comme du plâtre ; il est aussi dur que do
849
marbre; le froid, rhumidité et même Peaa bouillante sont sans
action sur lui; il résiste à 300 degrés de chaleur sans se désa-
gréger, et les acide» les plus énergiques ne l'attaquent que très-
lentement Et, à toutes ces qualités, il faut ^jouter le bon
marché. »
llëlàlMflailoB déB moidei« Nous avons dit que tout
corps conducteur peut être employé à former un moule propre
à la galvanoplastie , mais , s'il n'est pas conducteur comme les
sabstuices que nous venons d'énumérer, on lui donne cette fa-
culté en recouvrant sa surface d'une couche métallique infini-
ment mince. Les corps conducteurs propres à cet usage sont
les métaux tels que les poudres de bronze ; le cuivre réduit et
porph3rrisé; l'argent; le mélange*de zinc et de cuivre porphy-
risé; l'oxyde de cuivre; le chlorure d'argent; l'azotate d'argent
en dissolution , réduit directement, soit par la lumière, soit par
Fhydfogène ; ou les vapeurs phosphoreuses, le charbon bien re-
cuit , et la plombagine.
Cette dernière substance avait été introduite dès l'origine de
la galvanoplastie, en 1840, par M. Murrey, en Angleterre, en-
suite par M. Boquillon en France, et bientôt aussi par MM. Spen-
cer et Jacobi; l'introduction de cette substance dans les opéra.
tions galvanoplastiques , permit d'effectuer les dépôts métalli-
ques à la surface de presque tous les corps indifféremment , et
exerçait ainsi une influence très-grande sur le développement
et les applications plus étendues de la galvanoi^tie. La plom-
bagine, nonunée aussi graphite ou mine de plomb, composée de
fer et de carbone (de là son nom technique, carbure de fer), est
encore aigourd'hui la substance la plus généralement employée
pour donner la conductibilité aux moules non conducteurs. Elle
offire le triple avantage d'être simple, certaine et économique.
Voici comment on opère généralement la métallisation: Le
moule sera lavé, soit avec de l'alcool, soit à l'éther, pour ôter
les parties grasses de la surfeuse , on versera ensuite de l'ammo-
niaque, qu'on laissera évaporer; après quoi on applique, à
l'aide d'un blaûreau, la plombagine lavée, soit à sec, soit dé-
layée dans l'eau; on laissera sécher et on brossera avec un ai^«
350
tre blaireau doux et sec jasqa'à ce que le moule soit bien brfl-
lant. Quant aux moules dont la composition est formée de corps
gras, on versera simplement dessus de l'ammoniaque, qui dans
ce cas n'agira que pour mouiller la sur&ce du moule et faire
adhérer la poudre métallique.
Pour revêtir les matières animales, végétales et minérales,
d'une couche de métal très-mince , destinée à les rendre con-
ductibles, M. Spencer recommande l'opération suivante : L'objet
à copier doit être frotté avec une petite quantité d'une dissolu*
tion d'un sel d'or, d'argent ou de platine, et dans, cet état on
doit l'exposer à la vapeur du phosphore , obtenue par l'évapo-
ration d'une solution éthérée ou alcoolique de ce dernier ; alors
un dépôt métallique en couche très-mince aura lieu à la sur-
face de l'objet, qui deviendra ainsi bon conducteur.
Pour métalliser les moules à haut relief on se sert de sels
métalliques (des sels de plomb, de mercure, d'argent, d'or ou de
platine). On verse sur toutes les parties du moule de l'ammo-
niaque qu'on laisse évaporer, puis à l'aide d'un pinceau on
l'imprègne d'azotate d'argent qu'on laisse sécher, et on ex-
pose à la chaleur ou à la lumière. La solution d'azotate d'ar-
gent est composée de 10 grammes de sel pour 100 centimètres
cubes d'eau. Si le moule est en cire ou en matières résineuses,
il faut composer la solution de 10 parties d'eau distillée, 8 azotate
d'argent et 4 gomme arabique.
M. le professeur Osann (^ ) a trouvé un moyen nouveau pour mé-
talliser les moules en plâtre : il plonge le moule, à plusieurs re-
prises, dans une dissolution concentrée d'oxyde de cuivre sul-
faté, jusqu'à ce qu'il soit bien pénétré d'acide. Après l'avoir laissé
sécher, on pend le moule au moyen d'un fil dans un verre, an
fond duquel on a déposé quelques morceaux de phosphore sur
lequel on verse de la potasse qui doit le couvrir complètement.
Après l'avoir fermé hermétiquement au moyen d'un bouchon et
de la cire , on introduit dans le vase deux tuyaux de verre à
travers le bouchon; l'un plonge dans un autre vase contenant
de l'eau , et l'autre dans un vase bouché qui contient quelques
(1) Journal fUr praktische Chimie, 1855. n*20.
351
morceaux de zinc , sur lesquels on verse de l'acide sulftirique,
à l'aide d*un entonnoir de verre qui traverse le bouchon de ce
tr(»sième vase. Il se forme ainsi du gaz hydrogène qui se ré-
pand dans le vase contenant le moule. On chauffe ce vase avec
une lampe à esprit- de-vin jusqu'à ce qu'il se forme des bulles
de gaz hydrogène phosphore à la surface du liquide ; le gaz
hydrogène décompose le sulfate de cuivre dont est pénétré lo
moule , et celui-ci devient noir.
Alors on éteint la lampe en laissant refroidir le verre, pour
éviter la formation d'eau sur le moule ; après le refroidissement,
on peut de nouveau réchauffer pour répéter la même opération ;
au bout de trois fois le moule est parfaitement pénétré de
phosphate de cuivre. C'est dans cet état qu'on plonge le moule
dans le bain galvanique et on opère comme d'habitude. Le dé-
pôt se fait plus facilement parce qu'il n'y a pas d'enduit d'huile
ou de graisse sur le moule.
M. Lockey a essayé avec succès, pour les moules, un mélange
de plombagine, de cire et de stéarine , qui ne gâte nullement le
bronze des médailles. Les proportions sont des parties égales
de stéarine et de cire , avec environ */« partie de plombagine.
M. E. Mayo recommande un mélange de cire blanche et de
blanc de plomb très-fin pour le même usage.
AppareilSa Nous n'entreprendrons pas la description des
différentes piles voltaïques employées dans les opérations gal-
vanoplastiques, nous renvoyons à cet effet aux ouvrages spéciaux
qui traitent de ce sujet
De toutes les piles, celles qui résument les qualités requises
en galvanoplastie, à savoir une réduction prompte et abondante
du cuivre dans le moins de temps donné, ainsi que l'économie,
ce sont les piles basées sur le système de Smée, piles marchant
à un seul liquide , produisant de grandes quantités d'électricité
et réduisant beaucoup de cui^Te. CeUe dont l'efiicacité est sipé-
rieure est celle de Walker.
Selon M. Becquerel, en galvanoplastie, on peut à volonté em-
ployer l'appareil simple ou l'appareil composé. « Les effets pro-
« duits dans les deux cas sont à peu près les mêmes ; néanmoins
362
le dernier appareil doit avoir la préférence, à cause de l'em-
ploi de l'électrode du même métal que celui qui eât diflsous,
et que nous appellerons électrode soluble; Tappareil, qulyarie»
suivant que la surface a des saillies ou des dépressions sen-
sibleS; est composé d'une caisse rectangulaire en matière pen
susceptible d'être attaqué par les dissolutions , laquelle est par-
tagée en deux compartiments par une cloison perméable au
liquide, appelée diaphragme. Si celui-ci est en plâtre , il est
facilement attaqué par les dissolutions acides ; néanmoins il
peut durer plusieurs mois ; seulement il ne faut pas lui donn^
trop d'épaisseur, afin de diminuer le moins possible l'inten-
sité du courant. Le diaphragme doit être mince, et d'autant
pins que le plâtre est gâché plus serré.
« Le premier compartiment contient une dissolution faite à
ôroid de sulfate de cuivre ou d'un autre sel, pour qu'il n'y ait
pas de cristaux, et dans laquelle plonge le moule à quelques
centimètres du diaphragme. Dans le deuxième compartiment
se trouve de l'eau légèrement acidulée , en contact avec une
lame de zinc d'une surface à peu près égale à celle du moule.
La lame est placée à un centimètre, un centimètre et demi des
parois ; on étabht ensuite la conductibilité métallique entre les
moules métalUques et le zinc.
«L'eau acidulée peut être remplacée par une solution de
sulfate de soude ou de sel marin, mais l'eau acidulée vaut mieux?
parce qu'on évite l'encroûtement sur la surface du ^nc, lequel
ne tarde pas à s'opposer à l'action du liquide sur le zinc. Pour
que la dissolution de sulfate de cuivre soit au même degré de
saturation, on place au-dessus un panier rempli de cristaux de
sulfate ; un sac de toile remplit le même effet. Pour éviter la
cristallisation, on maintient la température de 40 à TO". Mal-
gré cela, la «aturation est toujours plus grande au fond que
dans le haut, ce qui exige que l'on retourne le moule de temps
en temps: il faut le faire rapidement pour éviter l'oxydation.
Un autre inconvénient est l'épaisseur inégale du dépôt, tou-
jours plus abondant à l'extrémité opposée du point d'attache
qu'à ce point même. Pour y parer, il faut placer plusieurs con-
ducteurs suffisamment longs aux deux extrémités du moule,
353
en ayant soin de relever derrière ceux qui sont fixés au bord
inférieur. Pour obtenir un dépôt régulier, à part la formation
d'un bourrelet sur les bords, on peut se servir de l'appareil
suivant, formé d'une caisse rectangulaire ou cylindrique dans
laquelle on en met une autre de même forme, dont le fond est
un diaphragme maintenu convenablement aux parois de la
caisse ; à 7 ou 8 centimètres du fond se trouve le moule placé
horizontalement sur un support. Le vase, à fond perméable,
est rempli d'eau acidulée dans laquelle plonge une lame de
zinc horizontale, ayant à peu près les mêmes dimensions que
celles du moule. On ferme ensuite le circuit Au moyen de
cette disposition , le cuivre recouvre d'une manière uniforme
le moule. Quand on juge que le dépôt a acquis assez d'épais-
seur, on lave les pièces à grande eau et on les sèche avec du
papier buvard.
« Au heu d'un appareil simple disposé conune nous venons
de le dire , on peut réunir plusieurs appareils simples ensem-
ble , de manière à former une pile , en faisant communiquer
l'électrode négatif de l'un avec le zinc de l'autre, et ainsi de
suite, jusqu'à ce que le circuit soit fermé.
« Si l'on compare le mode d'action des appareils simples à
celui des appareils composés, on est disposé à donner la pré-
férence à ces derniers, en raison de l'avantage que l'on a d'a-
voir toujours une dissolution métaUique au même degré de sa-
turation. Mais d'un autre côté, les appareils simples ont pour
eux une grande simphcité, ce qui permet d'opérer sans l'em-
ploi de couples voltaïques à courant constant >
Après avoir fait connaître les métaux réductibles par la pile,
les moyens de former les moules, leur métalhsation, les appa-
reils et les règles générales de la galvanoplastie , passons aux
apphcations.
APPUCATIONS DE IiA GAIiVAHOPIiASTIB.
Dès que la galvanoplastie eut été lancée dans le domaine pu-
blic, un grand nombre de savants et d'industriels de tous les
pays s'en occupèrent, et tous leurs efforts eurent pour but d'en
354
modifier les opérations, de perfectionner les procédés , afin d'é-
tendre et de varier les applications dont cet art noa^eau est
susceptible.
M. Spencer, dans l'application électro-chimique des métaux et
des oxydes sur d'autres métaux , avait constaté le fait suivant :
D'un côté , on dépose un métal sur un autre , auquel il adhère
assez fortement pour que l'on ne puisse l'en séparer par des
moyens mécaniques autres que la lime ; et de l'autre côté , on
dépose également un métal ^ur un autre ; mais cette fois il ne
doit plus y avoir adhérence entre les deux métaux, car sans cela
on ne pourrait séparer du moule le métal déposé. Ce fait im-
portant divise l'électro-chimie en deux branches : la dorure, l'ar-
genture, etc., et la galvanoplastie proprement dite.
La première catégorie d'opérations a pour but de donner aux
métaux ordinaires une apparence de métaux fins , de garantir
les métaux oxydables de toute altération, de procurer une ap-
parence métallique et une plus grande solidité aux objets for-
més d'une matière fragile, telle que poterie, verrerie, porcelaine,
plâtre; et de revêtir les métaux des couleurs les plus brillantes
pour les embellir.
La seconde catégorie d'opérations sert à reproduire et à mul-
tiplier en relief ou en creux des objets gravés ou moulés, ou de
graver directement des planches propres au tirage.
Ceci établi, examinons successivement tous ces divers genres
d'applications ; nous ne le ferons que sommairement touchant
la première catégorie, pour nous arrêter davantage à la seconde.
Dépôts mëtalliqnes adhérents- Brugnatelli, élève et
collaborateur de Volta. paraît être le premier qui ait observé que
l'on peut dorer au moyen de la pilo. Effectivement on lit dans
le journal de chimie et de physique de Van Mons, de 1803, une
lettre de Brugnatelli, dont voici le passage y relatif: « J'ai der-
« nièrement doré d'une manière parfaite deux grandes médail-
« les d'argent, en les faisant communiquer, à l'aide d'un fil d'a-
« cier avec le pôle négatif d'une pile voltaïque, et en les tenant
« l'une après l'autre plongées dans Fammoniure d'or nouvelle-
* raent fait et bien saturé. »
356
Mais . ces essais n'eurent alors point de suite.
En fouillant dans Phistoire, on prétend même que les Egyp-
tiens avaient eu connaissance de Félectro-métallurgie, et qu'ils
avaient doré et argenté le cuivre , et fait des revêtements mé-
talliques sur des objets de terre et de verre, au moyen de l'élec-
tricité ; c'est ainsi du moins qu'on s'explique les couches minces
d'or et de cuivre que l'on trouve sur des vases et d'autres ob-
jets semblables, Revêtements métalliques parfaitement cohérents
et sans trace de soudure.
M. de la Rive est le premier sans aucun doute qui (au com-
mencement de l'année 1840) ait réalisé l'idée d'appliquer l'or
sur les métaux en faisant usage des appareils simples de M. Bec-
querel {*), M. de la Bive a rendu un immense service aux arts
et aux industries, surtout aux industriels, en substituant à la
méthode dangereuse et nuisible du dorage au mercure , son pro-
cédé de dorage électro-chimique.
Aussitôt que le public eut connaissance du procédé de dorure
dont M. de la Bive venait de doter l'industrie , de toutes parts
on se mit à l'œuvre pour le rendre pratique. M. EUdngton et M.
Ruolz y ont successivement introduit des modifications, et l'ont
étendu au dorage sur le platine, l'argent, le cuivre rouge, le lai-
ton, le bronze. Pour dorer l'acier, le fer etl'étain, il fallait ap-
pHquer préalablement sur la surface une pellicule mince cuivreuse.
M. Sturgeon parvint à dorer des ressorts de montre, des aiguil-
les de boussole et autres objets en acier, sans avoir besoin de
les cuivrer préalablement. M. Bœttger perfectionna aussi la mé-
thode de M. de la Rive. Enfin, dans l'espace de trois ans, l'art
de la dorure électro-chimique avait fait des progrès rapides,
grâces aux travaux de MM. Becquerel, Dumas, Jobard, Barcet,
Spencer, Steinheil, Elsner, Fehling, Graeger, Selmi, Hœule,
Philipp, Hossauer, Desbordeaux, Mourey, Jervreinoff, Walcker
et d'autres.
On est arrivé ainsi à appliquer la dorure électro-chimique aux
ouvrages de cuivre , de laiton, d'argent, de maillechort, d'acier
et de fer. On est parvenu aussi à dorer des feuilles et des fleurs
(il Éléments d'Élcclro-Chimic.
356
de plantes diverses. La dorure tst employée dans lllorloifeile.
la bijouterie et l'orfèvrerie. Le coutelier et Parmurier s'en ser-
vent pour décorer leurs instruments et leurs armes ; le fabricant
de tabatières en papier mâché l'emploie pour ses charnières.
On a trouvé le moyen de dorer des tissus, des blondes et les
denteUes les plus fines , en conservant leur forme et leur sou-
plesse.
Enfin nous avons appliqué la dorure électro-chimique de M.
de la Rive d'une manière spéciale à la gravure à l'eau-forte. Au
Heu du vernis de graveur ordinaire, nous nous sommes servi
d'une couche d'or très-mince déposée sur la planche de cuivre
par la pile voltaïque. Cette couche d'or n'offrait pas plus de ré-
sistance que le vernis pour le travail à la pointe , et elle était
cependant assez forte pour résister au mordant. Le portrait du
statuaire Chaponnière, que nous avons gravé de cette manière,
et qui a été présenté à l'Académie des sciences, le 30 nov. 1840,
par M. de la Rive, a parfaitement réussi ('). Nous avons essayé
aussi de graver des planches de cuivre platinées par M. Melly,
de Oenève, mais sans succès.
L'argenture s'applique sur l'or, le platine, l'étain, le fer, l'a-
cier et particulièrement sur le cuivre dans la fabrication du pla-
qué. Cette dernière application a été faite avec succès par M.
Belfield Lefévre. MM. Drayton et Power, ainsi que M. Dela-
mot'e, pratiquent l'argenture électro-chimique en grand et avec
succès. Le platine, le palladium, le nickel, le cobalt se déposent
sur le cuivre et d'autres métaux. On effectue avec avantage dans
les arts des revêtements de métaux avec l'étain, le plomb et le
zinc. M. Bernard met en usage les procédés que M. de Ruolz
a inventé pour la formation électro-chimique du laiton, en fabri-
quant des objets en fer cuivré, tels que clous, fils, pièces de con-
structiçns et d'ornements. La compagnie de Coaldbrookdale en
Angleterre s'occupe de la production des mêmes objets.
M. de Ruolz obtient par la pile un dépôt de brcmze, au moyen
{i) M. Jobard, de Brnxelles^ réclame, dans l'Éclio du monde savant du 2 décembre
1840, la priorité de celte invention. Nous ferons observer que nous n'avons pas pré-
tendu à l'invention de ce procédé, mais que nous l'avons appliqué le premier, et sans
avoir eu connaissance de l'idée de M. Jobard.^ H. H.
dWe diflSolQtion de cui?re et de zinc dans des proportions eon^
venables pour le former (').
Le cuivre ne s'applique pas seulement sur la tôle, la fonte et
d'autres métaux, mais encore sur des substances non conductri-
ces, en les recouvrant préalablement de plombagine. On cuivre
ainsi des fruits, des légumes, des grains, des feuilles; des vases
en terre, en verre et en porcelaine ; des objets de vannerie. M.
Stiegelmayer , sculpteur bavarois, en 1843 , et M. Homaletsch,
de Vienne, en 1845, ont tous les deux recouvert des statues co-
lossales d'une couche de cuivre, qui rend avec la plus rigoureuse
exactitude les détaQs les plus délicats. M. Stiegelmayer a aussi
employé son procédé pour de petits objets, tels que des fleurs,
des plantes et même des insectes. De ce genre sont encore les
fleurs et les plantes naturelles recouvertes de cuivre argenté ou
doré par la pile qu'un artiste de Paris, M. Gervaisot, avait ex-
po8$ en 1855.
Mais l'emploi le plus étendu des procédés de revêtement de
cuivre au moyen de la pile , est pratiqué dans l'usine électro-
métallurgique de M. Oudry , où l'on s'occupe principalement à
revêtir économiquement de cuivre , le bois, les métaux et toutes
sortes de surfaces, entre autres les grandes pièces de machines.
Pour remplacer les cuves de bois qui servent à contenir les dis-
solutions, et qui ne peuvent dépasser une certaine grandeur sans
se rompre , M. Oudry a pris le parti de creuser dans le sol des
fosses, pour recevoir des moules de toute dimension. M. Oudry
avait présenté à l'Exposition de 1855 un modèle de bâtiment
dont la coque avait été revêtue, à l'extérieur, d'une couche de
cuivre.
M. Becquerel a imaginé une application très-ingénieuse de l'é-
lectro-chimie, en revêtant les divers métaux des couleurs les plus
brillantes. A cet effet on se sert d'une dissolution d'oxyde de
plomb dans laquelle se trouve un vase poreux avec une plaque
de platine et de l'acide nitrique; la plaque de platine est mise
en rapport avec le pôle négatif et l'objet à colorer avec le pôle
positif: lorsque le circuit est fermé, il se forme des dépôts d'o-
(1) Voyez la recette da Dr li^rea, et Mecbanic Magazine.
xyde de plomb extrêmement fins qui produisent les couleurs. LW
et le platine se colore le mieux. Le fer, ]e cuivre ou d'autres mé-
taux qui s'oxydent facilement sont dorés préalablement. Comme
la plupart des couleurs produites sont transparentes, leur coloris
est modifié par la couleur du métal à colorer. Sur For on peut
produire un bleu pur, mais toujours un peu verdâtre, tandis que
sur le platine ou obtient le plus beau bleu. Sur cuivre les cou-
leurs sont toujours rougeâtres, et sur le fer et l'acier toutes les
couleurs sont plus foncées. L'adhérence est telle qu'on peut po-
lir avec du rouge. Ce procédé a trouvé son emploi dans mainte
industrie ; entre autres pour les aiguilles de montre, telles qu'on
les fait dans les ateliers de MM. Lequin et Comp. à Genève.
M. Brockelsby a réussi à imiter de la même manière les cou-
leurs de la nacre de perle.
Dépôt mëtalliqae non adhérent. La gcUvanopîasHe
proprement dite a pour but la reproduction des objets reliefs
ou creux ou de les graver directement. MM. Spencer et Jacobi ont
commencé par reproduire des monnaies et des médailles. De-
puis on a beaucoup perfectionné les procédés , et l'on obtient
maintenant des reproductions parfaites, et de toutes dimensions
et de tous reliefs, de monnaies, de médailles, de camées, de pier-
res gravées, de sceaux, de cachets et de timbres, enfin de tout ce
qui entre dans le domaine de la glyptique.
Si les objets à reproduire sont conductibles , on opère direc-
tement sur les pièces originales qui représentent l'électrode né-
gatif; on obtient ainsi Fimage en creux, que l'on met de nouveau
en expérience pour l'avoir en relief. Si les objets ne sont pas con-
ducteurs, il faut, ou les enduire d'une couche métallique, on en
prendre un moule comme nous l'avons déjà indiqué.
Une des belles applications de la galvanoplastie est celle de
la reproduction des bas-reliefs, de bustes, de statues, de tous les
objets de Fart de la sculpture et du fondeur.
Pour les objets de peu d'étendue on procède comme ci-dessus ;
s'il s'agit d'un objet en ronde bosse de petite dimension, tel
qu'une statuette, un vase, etc., etc. : après avoir préparé avec la
plombagine Fintérieur de toutes les pièces du moule, on les as-
359
semble et les soude avec du plâtre, on établit les communications
avec l'appareil voltaïque et on procède au dépôt métallique.
Quand Foriginal a des dimensions telles qu'il faille employer
des vases d'une grande capacité , on emploie le moyen suivant :'
On joint les différentes pièces du moule ensemble avec de la
cire ou du plâtre rendu imperméable, de manière à former une
capicité propre à recevoir la dissolution. On se sert d'une forte
batterie et d'une dissolution un peu étendue. On en agit ainsi
parce que le volume de la batterie n'est pas proportionné à Té-
tendue de la surface de l'original. Le morceau de cuivre qui forme
l'électrode positif doit avoir la pli^s grande étendue possible, et
être placé très-près du moule en plâtre, afin de diminuer la ré-
sistance du courant au passage. L'épaisseur à donner au cuivre
dépend de la grandeur du sujet.
On peut obtenir une ronde bosse d'une seule pièce; mais,
s'il est en parties séparées, on les soude, non pas comme à
l'ordinaire, mais par les procédés électro-chimiques. Dans le
premier cas , et pour faciliter le dépôt, on se sert de plusieurs
conducteurs; c'est ce mode, employé depuis longtemps, que
M. Lenoir vient de perfectionner récemment, en introduisant
dans le creux du moule un faisceau de fils de platine servant
de conducteur ; ces fils suivent intérieurement la forme du moule
sans y toucher nulle part, et y déposent uniformément le métal
du bain.
C'est de ces différentes manières que la galvaribplastie a pro-
duit des objets de sculpture et de la statuaire très-considérables.
N^ous remarquerons, entre beaucoup d'autres, le buste du roi
de Prusse, qui, ^yec la colonne de son piédestal , a une hauteur
de quatre pieds. Ëa statue colossale du Christ , d'après la sculp-
ture de Thorwaldsen , la tète antique de Junon avec le buste
restauré par le sculpteur Eauch , et les battants de la porte de
l'église de Wittemberg, avec les 96 thèses de Luther; toutes ces
galvanoplasties sortent des ateliers du baron de Hackewitz à Ber-
lin. M. F.-L. Mœring, de la même ville., a fait, en 1851, un
magnifique haut-relief en argent mat, représentant la Charité,
modelé par M. Tieck.M. de Eress, à Offenbach-sur-le-Main, a
exécuté en 185 ^ les statues de Gutenberg, de Fust et de Schoef-
fer, dont chacune avait la haateur de 10 pieds et 6 pouces, et
dont les modèles sont dus à M. von der Launitz, de Franc-
fort-sur-le-Main. M. de Kress a fait encore, par les procédés
galvanoplastiques, la statue en grandeur naturelle du comte
de Leiningen, d'après une sculpture du XTV® siècle ; et un Page
du temps de Rubens, également grandeur de nature ; cette sta-
tue offrait cela de particulier qu'elle était ornée de différentes
couleurs obtenues par la pile : de manière que les chairs avaient
un ton rougeàtre , l'armure la couleur du fer, et la cotte de
maille et les autres ornements étaient dorés; ce page tenait
d'une main un flambeau, duquel devait sortir une flamme de gaz
pour éclairer l'escalier de la villa Brentano à Francfort, à la-
quelle il était destiné.
Pour l'Exposition de Paris de 1855, M. Eress a produit des
galvanoplasties remarquables : entre autres un bas-relief repré-
sentant la Danse des WiîliSj sujet emprunté au tableau de M.
Âug. Gendron. Il était composé de plus de trente figures en
haut-relief. Cette plaque , ainsi que les paysages suisses , moulés
sur des sculptures en bois, présente des effets de lumière tout
à fEdt inconnus jusqu'ici dans les reproductions métalliques.
Ces effets , éminemment pittoresques , sont dus à un bronzage
particulier, qui consiste, croyons-nous , à aviver les parties firap-
pées par la lumière, au moyen d'une gratte-bosse ou avec de
la poudre de ponce. Ainsi les crêtes des glaciers , les côtés
éclairés des chalets et des châteaux, les reflets de la lumière
et de la lune dans les rivières et les lacs, présentent ces ef-
fets. Les ciels offrent un aspect différent; les nuages, un peu
plus brillants que le reste , ressortent sur un fond mat dû à
un travail de grenage à l'aqua-tinta. L'effet de ces nuances est
charmant
MM. Soyer et Igné de Paris avaient produit, il y a quelques an-
nées, le buste d'Hercule jeune , haut d'un pied et demi, et ilsof-
raîent d'exécuter par les procédés galvanoplastiques VElèphaint
de la BasUOe pour le prix de 200,000 fr., au lieu de 600,000
qu'il en coûterait en fonte ordinaire. On voyait encore en 1846
le modèle en plâtre de cet éléphant, qui avait 15 mètres de
haut, il fut remplacé par la colonne de Juillet
361
L^zposition universelle de 18ô5 était riche en ouvrs^es gal-
vapoplastiques : M. Gueyton, de Paris, avait produit en cuivre
ijurgenté le beau bas-relief du Calvaire de Justin , un buste de
rimpératrice en une seule pièce, et plusieurs autres objets très-
estimés. MM. Possey, Feuquière, Lionnel, Lefèvre, Zier, y figu-
raient d'une manière distinguée ; le dernier par une reproduc-
tion de la Colonne Vendôme. M. Beaure montrait une belle
collection de médailles antiques.
MM. Elkington et Mason, de Birmingham, à qui Ton doit les
fontaines de grande dimension obtenues par les procédés gal-
vanoplastiques, qui ornent maintenant le palais de Seydenham,
ont exposé des bustes de grandeur naturelle , des statues en
cuivre galvanique, et des plateaux, des coffrets, etc. argentés
par la pile.
On y voyait encore des bas-reliefs de grande dimension at-
teignant presque la ronde bosse, à sept et huit personnages, des
statuettes de près de 2 pieds de hauteur, d'ime grande perfec-
tion, sortant des ateliers spéciaux de galvanoplastie de Tlm-
primerie de Vienne ; et le service remarquable en plaqué d'ar-
gent exécuté pour l'empereur des Français par M. Christofle, de
Paris. A propos de ces derniers objets , M. L. Figuier fait une
réflexion très-juste , que nous ne pouvons pas manquer de citer
ici; il dit: «Bien des persoi^ies voient avec regret s'introduire
dans les œuvres d'orfèvrerie le plaqué galvanique, pour y rempla-
cer l'argent ni^sif, qui jouissait depuis des siècles de la propriété
exclusive de fournir sa matière précieuse aux inspirations de
l'artiste^ Mais il est facile de reconnaître que la substitution du
plaqué galvanique à l'argent pur ne saurait offîir que des avan-
tages aux progrès et à l'avenir de la sculpture.
€ N'étant plus arrêté par le prix excessif de la matière pre-
mière à employer , l'artiste qui confiera à l'électro-chimie la re-
production de ses modèles, pourra donner libre carrière à son
ima^ation, et il aura ainsi les moyens de créer des chefs-
d'œuvre dont l'idée même n'aur^tpu être conçue il y a peu d'an-
aé,es. Il est à remarquer qu'aucune des grades pièces d'or-
j^é?r^|ie sculptée, exécutée pendant les deux derniers siècles,
et qui put^ fait l'admiration des cours 4^ Louis XIV et de
Louis XV, n'est parrenue jusqa^à nous. Dans les moments diffi-
ciles de nos révolutions , la perfection d^un objet d'art a rare-
ment trouvé grâce devant la nécessité d'en réaliser la valeur
pécuniaire ; nos hôtels de monnaie ont transformé en informes
lingots les plus belles créations des artistes des siècles passés^
Au contraire, de toutes les œuvres sculpturales exécutées en
bronze , et qui datent de la même époque , aucune ne s'est
perdue, grâce à cette heureuse circonstance que la matière pre-
mière en étâjt sans valeur. Pour la conservation des che&-
d'oeuvre artistiques de notre âge , il est donc à désirer que
l'emploi du plaqué galvanique prenne faveur. »
Tous ces objets galvanoplastiques, dont il a été question, peu*
vent être obtenus en différents métaux ; le cuivre est cependant
le plus généralement employé. Les pièces en argent métaUiqne
de toute épaisseur , obtenues en décomposant , par le courant
électrique , un bain de cyahure d'argent , se répandent de plus
en plus, et offrent de nouvelles ressources à l'orfèvrerie.
Parmi les travaux les plus remarquables en ce genre est sur-
tout le bas-relief oflFert par la ville de Berlin au prince de Prusse,
à l'occasion de son mariage. Cette pièce, due à M. WoUgold, de
Berlin, grande de 5 pieds de longeur sur 3 et demi de large,
se compose de plusieurs figures en haut-relief de 5 pouces de
hauteur; elle est d'une exécution parfaite. Outre des coupes,
des cofirets et des gobelets, de MM. Elkington et Mason et de
M. Wallgold, il faut citer encore une très-belle coupe de chasse,
due à M. Gueyton, un vase sculpté pour l'empereur d'Autriche,
et un bouclier en argent oxydé , du général O'Donnell , sortis
des ateliers de M. Schuch de Vienne.
Lorsque les objets galvaniques sont en or ou en argent, la
couleur du métal, même en la conservant mate ou polie, est as-
sez belle en elle-même et se conserve bien. L'étain et le cui-
vre peuvent être dorés, argentés ou platinés; la couleur du
cuivre réduit par la pile, quoique fort belle, ne convient cepen-
dant pas à tous les objets ; on préfère généralement lui donner
la couleur de bronze, qui présente une plus jolie apparence.
Le bronzage s'opère de différentes manières. L'une d'elles
consiste à frotter la médaille avec de la mine de plomb, immé-
S6S
diatement après l'avoir retirée de la dissolution , puis on la met
sur le fea et on la chauffe légèrement; on doit ensuite la brosser
avec un pinceau rude, en la mouillant un peu pour enlever l'excé-
dant de mine. Une très-faible solution dliydrochlorate d'amnîo-
niaque ou de su]£eite de potasse donne au cuivre ime fort belle
couleur de bronze. — On recouvre l'objet à bronzer avec de
l'oxyde de fer, on le place dans une moufle, et dans cet état
on le soumet à l'action de la chaleur. Lorsqu'on le retire du feu,
il suffit de brosser. — Ou encore , humectez la surface avec de
l'esprit-de-vin, et, lorsque l'objet est presque sec, saupoudrez-le
d'un mélange de craie rouge et de plombagine , et enlevez le
surplus avec un blaireau; mieux vaut de broyer 5 parties de
sanguine et 8 de mine de plomb , avec l'esprit-de-vin , d'appli-
quer ce mélange au pinceau, de laisser séjourner pendant 24
heures, et de brosser ensuite.
La byouterie , l'orfèvrerie, la quincaillerie et d'autres indus-
tries de ce genre ont tiré de nombreux avantages des procédés
galvanoplastiques pour la fabrication d'objets en or, en argent,
en cuivre, en maUlechort, en étain, tels que des tabatières, des
étuis, des porte-monnaie, des boites d'allumettes, des porte-cigares,
des vases, des coupes, des cof&ets, et une foule d'autres objets.
M. A. Rouseleur, dans ses Manipulations hydroplastiques (Paris,
1855) , nous âdt connaître quelques applications intéressantes :
< En champ-levant à jour, dit-il, une plaque de cuivre et l'appli-
quant bien à plat sur une seconde feuille métallique pour la
soumettre à un bain d'or ou d'argent, on pourra remplir du dé-
pôt de ces métaux les vides faits dans la plaque et donner Heu
ainsi à une espèce de mosaïque. »
C'est par un moyen analogue que, collant à l'aide d'un vernis
mince des pierres précieuses ou autres objets sur une plaque
métallique , et soumettant le tout à l'action du bain après l'avoir
métallisé, il sera possible d^enchatonner artificiellement les corps
qu'on veut faire concourir à la formation d'un objet d'art.
En creusant au burin une plaque d'ivoire ou de nacre, la
mettant au bain après l'avoir métallisé, la laissant se recouvrir
entièrement et polissant ensuite jusqu'à découvrir les surfeuses
en saillie, on produira des incrustations qui n'auront pas néces-
sité le reperçage.
m
On fut également, au moyen de la pile, des moules en cuivre
pour les fondeurs , et des moules^mère» pour les faïenciers. Le
dentiste a profité de ces procédés pour les empreintes de la mâ-
choire; le chirurgien et l'orthopédiste s'en sont servis pour re-
produire les membres auxquels il fallait adapter des pièces de
pression. Le naturaliste en profite pour reproduire des cristaux
ou d'autres formations. M. Stiegelmayer a reproduit des fleurs,
des plantes et même des insectes avec une grande fidélité. M.
T.-B. Jordan a copié des objets d'histoire naturelle et en par-
ticulier des fossiles.
. Dans la célèbre imprimerie impériale de Vienne , dirigée
avec tant de talent par M. le conseiller Auer, on en a tiré partie
pour obtenir les reproductions en relief du corps humain, des
difiérentes espèces d'animaux et des plantes destinées à l'in-
struction des aveugles. Enfin, il n'y a pas de branche d'art, ou
des sciences, ou de l'industrie, qui ne puisse mettre à profit les
procédés de l'électro-chimie.
GALVAMOPIiABTIE APPUQUBE ▲ Ii' ART DE
IiA GRAVURE» Cependant l'application de la galvanoplastie
qui nous intéresse plus particulièrement, c'est celle qui se lie di-
rectement aux arts graphiques de reproduction, c'est-à-dire qui
servent à multiplier les exemplaires par l'impression, et qui est
connue sous les noms d'électrotypie, de galvanographie et de gra-
vure galvanique.
La dénomination d!élecirotypie nous servira pour désigner la
reproduction d'objets déjà gravés soit en creux soit en relief;
tandis que, sous le nom à^électrograpMe, nous entendrons les
opérations qui ont pour but de produire directement des plan-
ches gravées par l'action du courant électrique.
Bleotrotypioa MM. Spencer et Jaoobi, en découvrant les
principes de la galvanoplastie, avaient obtenu des planches de
cuivre avec des lettres en relief; ces procédés ont donné naîs-
saoçe à des genres différents de reproduction.
M. Sp^cer, en traçant avec une pointe des caractères for
osa planche de cuivre verni, mettait le cuivre à nu e% pennet-
566
tait au courant électrique de déposer le cuivre réduit daus les
lignes creusées. Ce dépôt adhérait à la planche, mais il était
inégal suivant la rapidité de l'action. M. Spencer l'égalisait en-
suite en le frottant avec de la pierre ponce et de l'eau ; il ob-
tenait ainsi une planche-relief propre à l'impression sous la
presse typographique.
Procédant d'une autre manière , il produisait une planche du
même genre, mais solide ei également en relief. M. Spencer pre-
nait une planche de cuivre en creux, ou une planche de bois
gravée en taille d'épargne, ou des caractères d'imprimerie; il
les posait sur une lame de plomb et les soumettait à une forte
pression, pour se procurer des empreintes en rehef ou en creux,
suivant le genre de gravure de l'orignal. En se servant de ces
formes en plomb comme d'électrode négatif, il obtenait des
reproductions identiques des planches originales. M. Jacobi
opérait de la même manière et arrivait au même résultat.
L'identité parfaite des empreintes obtenues par le procédé
galvanoplastique, qui reproduit les lignes les plus délicates, cel-
les-là même qui ne sont visibles qu'au microscope , a fait penser
que ce procédé serait précieux pour la reproduction des plan-
ches gravées en cuivre et en acier, afin de conserver les plan-
ches originales, quelquefois d'un très-grand prix. Si les copies
sont usées, on peut facilement faire une nouvelle empreinte.
Pour faire une copie d'une planche en cuivre gravée, on pro-
cède de différentes manières. Le dessin gravé étant en creux, il
faut commencer par obtenir une copie, ou un moule en relief. Si
cette copie doit être en cuivre, il faut surtout empêcher l'adhé-
rence entre l'original et le dépôt. On peut, comme MM. Jacobi
et Spencer, frotter la surface à chaud avec de la cire ou un au-
tre corps gras et l'essuyer jusqu'à ce qu'il n'en reste qu'une
pellicule très-mince; ou bien, comme M. Bocquillon, recevoir
dessus la fumée blanche d'un corps résineux , après avoir dé-
posé une couche d'or ou d'argent. On risque cependant toujours
que, si mince qu'elle soit, cette couche ne remplisse plus ou
moins les traits fins.
M. Smée conseille de placer la plaque dans un lieu frais pen-
dant vingt-quatre heures, afin d'augmenter la couche d'air à la
366
sor&ce, ce qui suffît pour empêcher Padhérence. Cependant
tous ces procédés laissent beaucoup à désirer. Le procédé ima-
giné par M. Mathiot(*), des États-Unis, paraît préférable ; le
voici : Le peu de solubilité de Tiode dans l'eau, son poids ato-
mique ou équivalent considérable, et ses propriétés inoffensives
engagèrent M. Mathiot à l'essayer. Une planche de cuivre bien
nettoyée ftit exposée à la vapeur d'io'de et électrotypée : le dé-
pôt se sépara facilement du moule. On recommença une cen-
taine de fois cette expérience, toujours avec succès.
Mais, en nettoyant de grandes planches pour recevoir la cou-
che d'iode, on remarqua que, tandis qu'une partie de la plaque
était très-nette, l'autre restait terne et voilée, et qu'alors on ne
pouvait obtenir une action uniforme de l'iode. Cette remarque
conduisit à argenter la plaque avant de l'ioder, ce qui facilita le
nettoyage et rendit apparente l'action de l'iode. Une plaque ar-
gentée fut lavée avec une dissolution alcooUque d'iode et élec-
trotypée ; la planche électrotypique se sépara du moule encore
plus facilement qu'auparavant; l'iodure d'argent réussissait mieux
à prévenir l'adhérence que l'iodure de cuivre.
Mais on s'aperçut bientôt qu'une planche préparée par un
temps couvert ne se séparait pas aussi facilement que quand
le ciel était serein; qu'une plaque iodée et exposée au soleil
se séparait avec une très-grande aisance, tandis que, lorsqu'elle
était iodée par un temps pluvieux et placée dans une chambre
obscure avant de la mettre dans le bain, le dépôt adhérait si
fortement au moule, qu'il fallait, pour le détacher, employer les
anciens moyens, chauffer et frapper les deux planches.
Le procédé d'ioder et d'exposer à la lumière a été jusqu'à
présent employé pour un très-grand nombre de planches soi-
gneusement gravées ; il n'a jamais présenté la moindre difficulté
pour séparer le dépôt du moule, quand il a eu atteint l'épais-
seur désirée. On serait peut-être tenté de croire que l'iode agit
seulement par son interposition entre les deux plaques; mais
la quantité d'iode appliquée sur une plaque doit être regardée
comme insuffisante à produire la séparation par une action pu-
(1) Rapport de M. Mathiot sur les opérations électrotypiques faites par lai dans le
bureau hydrogr. des Etats-Unis— Cosmos, journal, etc. v(^. III, 1853.
867
reme&t mécanique. La quantité de cire étendue sur une plaque
de cuivre suivant la méthode indiquée, et qui ne suffit pas à em-
pêcher Fadhérence,' est dix miUe fois plus considérable que la
quantité d'iode suffisante à la rendre pleinement impossible.
Pour préparer ses plus grandes planches de 10 pieds carrés
de surface, M. Mathiot emploie la dissolution d'un grain d'iode
(Oe',065) dans 20,000 grains d'alcool concentré; si un grain de
cette dissolution suffit pour mouiller un pied carré, il n'y aura
qu'un vingt-millième de grain d'iode sur la plaque; mais, comme
l'iode s'évapore rapidement avec l'alcool, cette quantité se ré-
dùira probablement à un cent-millième de grain.
Si nous admettons que les rayons solaires décomposent l'io-
dure d'argent et laissent l'iodure en vapeur sur la plaque, l'é-
paisseur ne sera qu'un quarante-quatre-millionième de pouce,
quantité tout à fait inappréciable au point de vue mécanique.
Pour prouver combien peu la délicatesse des traits de la plaque
est diminuée par l'emploi de ce moyen chimique de prévenir
l'adhérence, M. Mathiot nous apprend qu'une planche gravée
a été sept fois électrotypée en relief et en creux successivement,
sans que l'examen le plus attentif ait pu faire apercevoir la
moindre différence entre la dernière reproduction et l'original.
Les grandes cartes des côtes d'Amérique ont été reproduites
par ces procédés électrotypiques.
Celui à qui ces opérations ne seraient pas familières fera
mieux de Êdre un moule au moyen des substances que nous
avons indiquées plus haut. Là encore s'of&ent des difficultés
impossibles souvent à éviter. Lorsque la planche gravée a subi
des retouches avec le brunissoir ou le marteau, il se forme des
dessous et des rebarbeè , qui empêchent le moule de se séparer
de l'original ou qui le déchirent. Un autre inconvénient se pré-
sente , c'est le rétrécissement de presque toutes les substances
dont on forme les moules, inconvénient très-sensible pour les
cartes topographiques, et pour tout ce qui demande une grande
précision. Les meilleurs moules en ce sens sont ceux qui sont
faits en gutta-percha de la manière que nous avons indiquée.
M. le duc de Leuchtenberg a inventé un procédé particulier de '
reproduction. Au lieu d'encrer la planche originale qu'il veut J
d66
copier avec l'encre d'hnprimerie ordinaire, il se sert â'tm mé-
lange de résine de Daroare, de ronge de fer et dliaile de téré-
benthine, avec leqnel il fait tirer une épreuve sor du papier très-
mince. Cette épreuve encore fraîche est appliquée sur une plan-
che de cuivre ou d'argent poli, de sorte que le desân touche
la plaque, et a^rès sa dessication, il enlève le papier au moyen
de l'eau, pour ne laisser que le dessin marqué à l'encre sur la
surface du cuivre. En reproduisant cette planche par le procédé
électrotypique, il obtient une planche en creux propre au tirage
sous la presse en taille-douce.
L'établissement galvano-artistique de M. Theyer, de Yieniie >
a livré des reproductions de planches en cuivre gravées en
tous genres : à l'eau-forte, au burin, à l'aqua-tinta, et de toutes
dimensions. La plus grande planche qu'il ait produite en 1845,
avait 38 pouces de haut sur 21 de large, et représentait Job,
d'après Wœchter.
M. Zier, à Paris, a reproduit avec bonheur plusieurs belles
planches de Calamatta. M. Hulot a fait ces derniers temps des
reproductions galvaniques des planches gravées par M. Henri-
quet Dupont, d'après Baphaël, et une image de la lime gravée
pour le Traité d'astronomie de M. Delaunay. Mais aussi en 1841
déjà, M. E. Palmer, en Angleterre, avait reproduit des planches
gravées par Brunet M. Felsing, de Darmstadt, de compagnie
avec M. Bœttger, de Francfort, avait livré la planche de Cru-
djfixion, d'après Crespi (12 Vi pouces de haut sur 9 Vi ^^ lai^^);
et M. Amsler, de Munich, a fait la reproduction de dessins d'a-
près Schwanthaler.
Les procédés électro - chimiques fdurnissent également des
planches de cuivre unies pour les gravures, et qui sonttrès-
estimées et d'un bon usage. A l'Exposition de 1855 on voyait
des planches lisses de la dimension de 5 pieds '/s cle long sur
2 Vs de large, produites par l'Imprimerie impériale de Vienne.
Et on mentionne même des planches unies et sans fautes de
4 klafter (4 toises) de longueur sur un demi de largeur, et
d'une ligne d'épaisseur.
La reproduction électrotypique des planches d'acier gravées
oifre de grandes difficultés : le sulfate de cuivre attaque l'a-
869
der et en altère la gravure; le sulfate ammoniacal, qui n'a
point d'action sur l'acier, serait excellent, mais il est difficile
d'en précipiter le cuivre au moyen de la pile. M. Smée a pro-
posé de mouler les planches d'acier et d'agir ensuite sur le
moule, ou d'employer un anode d'argent ayant presque les
mêmes dimensions que la plaque d'acier. M. Walker préfère
obtenir d'abord une épreuve en argent, et une contre-épreuve
en cuivre. Mais les tentatives qu'on a faites jusqu'à présent n'ont
point donné de résultats satisfaisants.
De la même manière, et au moyen des mêmes opérations par
lesquelles on obtient des p lanches gravées en creux, on repro-
duit aussi celles qui sont gravées en relief ou en taille d'épargne,
qu'elles soient en métal, en bois ou en cliché. Déjà en 1840, M.
Buckland a employé ces procédés à la reproduction de planches
stéréotypes pour l'imprimerie, et c'est à cette même époque que
M. Bocquillon présenta à l'Académie des sciences ses épreuves
de matrices électrotypées en cuivre pour la typographie. A la
suite des événements politiques de 1848, l'émission d'un grand
nombre de billets de cent francs fut jugée indispensable. La
Banque en confia l'exécution à MM. Firmin Didot frères, qui
durent les exécuter en toute hâte. Us appliquèrent avec succès
la galvanoplastie pour reproduire promptement en cuivre cer-
taines parties des anciens billets dont la gravure aurait exigé
plusieurs mois. M. Hulot, habile artiste, à la fois mécanicien et
chimiste, attaché à l'hôtel des monnaies à Paris , parvint à ob-
tenir par l'électrotypie la reproduction des diverses parties des
anciens billets de banque , et à en reconstituer plusieurs exem-
plaires en métal plus dur que le cuivre. C'est sur ces planches
qu'ont été imprimés en 1851, à la Banque de France, les billets
de cent francs.
Ce procédé , déjà mis en pratique en Angleterre , en Alle-
magne et en France, pour la reproduction des matrices des ca-
ractères, a été perfectionné par M. Hulot. A l'Exposition de
1849, cet habile artiste a montré reproduits sur une seule plan-
che , en métal beaucoup plus dur que le cuivre , trois cents fi-
gures offirant la répétition d'une tête gravée originairement en
370
acier; cASoite quA d'an a«al coup de. presse t^pugraf^Uj^ae aa
impome œs trcÂs cente %urea aeryant de lïmheea-poetta,
£n 1S51 on voyait à TËxposkiioiL de Londres, et ea 1855 il
celle de Paris, des tableaux typographiques électnrtypés ea cui^
vre, ayant chacun 4 mètres carrés de surface et repvés^iÉMit
les types orientaux de l'Imprimerk impériale de Yienno. Ces
planches ont une grande durée , et supportent le tirage de plu-
sieurs millions d'exemplaires. M. Cohlentz, à Paris, a suh^itoé an
stéréotypage ordinaire le stéréotypage galvanopla^que.
En 1855, M. Pion, de Paris, a exécuté des caractères cy-
priotes, dont les matrices ont été obtenues par la galyanapla^tie
sur des poinçons en bois, feûts pour la Numismatiqae et les In-
scriptions cypriotes de M. de Luynes.
M. Smée décrit un procédé particulier pour faire des cUdiéa
galTanâques. On recouvre de cire un peu molle et noire toute
la forme de l'imprimerie , on racle le superflu jusqu'au niveau
de l'œil de la lettre avec une règle de bois , puis on infinie
une douzaine de maculatures qui emp(»rtent la cire superfine
des esfMices et de l'oeil des lettres. Quand la maculature se re-
lève blanche , c'est qu'elle ne touche plus à la cire , et que l'o-
pération est achevée. On place alors cette forme dans l's^pa-
reil gabanoplastique, après l'avoir pLombaginée; le cuivre se
dépose et l'on obtient en creux une planche qui servira plus
tard à reproduire une planche de métal d'imprimerie , laquelle
étant clouée sur un cylindre de bois pourra fournir vingt mille
exemplaires par jour par la rotation continue.
L'électrotypie sert également à reproduire et à multiplier en
cuivre les gravures star bois, les vignettes et les ornements di-
vers qui sont employés dans l'imprimerie; on conserve ainsi les
planches originales, qui sont ordinairement d'un prix assez élevé.
Gomme le bois est trop absorbant pour être placé dans le bain,
on se sert avec avantage de moules en gutta-percha, ou, si les
bois le permettent, on les chauffe et on les enduit d'huile , çn
de cire , ou mieux encore de sperma ceti, pour pouvoir les mé-
talliser aprèa
Les clichés galvanoplastiques présentés à l'Exposition de 1855
par M. Michel, de Paris , sont ce qu'il y a de mieux dans ce
371
g0iiF6.; le joumal VlUttstratUm , le Magasin pvttor^que.., lui
ont confié la reproduction de leurs boie, et les tirages remar-
quables qu'on a admiré dans l'exposition de M. Best ont été
opérés sur ces clichés.
M. Michel procède avec une grande habileté et très-Tdte ,
quelle que soit la dimension des bois, quelque difficultés
qu'ils présentent; en 24 heures il a reproduit des planches
d'une dimension égale à celle de deux pages réunies de VU-,
liistration. M. Michel ne s'est point borné seulement au clichage
des vignettes ; le premier il a appliqué son procédé électroty-
pique aux pages de texte. Il fut le premier aussi qui fit uss^ge
du bitume pour le clichage des vignettes; mais reconnaissant
bientôt les inconvénients que présente l'emploi de cette matière
et qu'elle ne pouvait plus servir dès qu'il s'agissait de texte, il
se tourna vers la galvanoplastie et le moulage à la gutta-percha.
Le cliché obtenu est à Viooo P^^^ de la même dimension que
le modèle, — c'est le chiffre du retrait de la gutta-percha.
L'imprimerie impériale de France et M. Boudreaux, avaient
aussi exposés de très-beaux clichés.
M. Henri Cole, Anglais, a donné austéréotypage électrotypique
cme aj^lieation fort heureuse dans la restauration de bois gra-
vés par Albert Durer et faisant partie d'une œuvre de cet ar-
tÊste, La PeMte Pcission. Ces bois avaient été endommagés par
les vers et certaines parties avaient disparu. Les vides ainsi
formés furent soigneusement bouchés au moyen d'un mastic, et
sur les clichés en cuivre obtenus par les procédés ordGnairesi
il devint dès lors facile à un graveur de rétablir les tailles
©Œacées (0-
Pour donner plus de solidité aux clichés métalliques très-
minces, obtenus par l'électrotypie , on se servira avec avantage
des copeaux d'étain, faits au moyen du tour, mélangé d'un peu
de plomb ; après avoir bien décapé la pièce, ces matières fon-
dent très-vite et très-également.
Les procédés électrotypiques ont donné naissance auss» à plu*
sieurs méthodes de reproductions pour remplacer les gravures
(1,( M'ïdiuier^ Notes «ur les principaux pioJuilg exposés de rimprirnerie. Paris.
1855.
372
BUT bois, pour pouvoir les livrer plus vite, avec moins de peine
et à meilleur compte. Dans cette vue on a suivi plus ou moins
les procédés que MM. Spencer et Jacobi avaient employés pour
obtenir des planches-reliefs.
M. Frédéric de Eobell a pris en 1841 un brevet pour le pro-
cédé suivant : On enduit une planche de cuivre argentée d'une
couche épaisse d'un vernis , composé de cire et de résine, ou
simplement de vernis de graveur, en le rendant conducteur an
moyen du graphite. Sur ce vernis on trace ou on grave profon-
dément le sujet , l'ornement ou les lettres que l'on veut repro-
duire , avec une pointe en acier ou en ivoire. On rehausse en-
suite les places du vernis qui n'ont point reçu de dessin avec
un vernis épais à l'huile, à la cire ou à l'asphalte, que l'on ap-
plique sur ces parties à l'aide d'un pinceau, et on saupoudre
avec de la plombagine. On soumet alors à l'action du courant
électrique pour opérer le dépôt, et on obtient ainsi une planche-
relief qui peut servir au lieu de gravure sur bois.
M. Edward Palmer (') à Londres, en 1844, et M. Yolkmar
Ahner à Leipzig, en 1846, ont inventé, chacun de son côté, le
procédé électrotypique connu 8ous le nom de Glyphogra*
phie (du grec glypho, je creuse).
Ce procédé consiste à recouvrir une planche de cuivre d'un
vernis noir de graveur, sur lequel on pose une seconde couche
de vernis de couleur blanche, ayant la consistance de la cire. Le
décalquage du dessin sur cette couche blanche s'opère sans peine ;
les traits faits avec un crayon tendre sur le papier s'y marquent
parfaitement. On creuse ensuite dans ce Vernis les hachures du
dessin au moyen de pointes tranchantes et inclinées vers leur
bout pour obtenir des creusures perpendiculaires et un peu éva-
sées en haut Les parties qui représentent les lumières doivent
être rehaussées en y appliquant du vernis un peu épais. Après
ces opérations, on métallisé avec de la plombagine , et on place
la planche dans l'appareil voltiuque pour être électrotypée. On
{i) Glyphography or engraved drawing forprinting at the type after the manne
of woodcuts, etc , by Ed. Palmer, London, 1844,— Die Buchdruckzeichnung, Leipzig.
1846 ; Glyphograf. Institut,
373
a obtenu de cette manière des planches très-belles, et d'un prix
très-bas.
M. Wàlcker propose, au lieu de deux vernis superposé^, de
noircir la planche de cuivre au moyen du sulfure de potassium,
et de ne vernir là-dessus qu'une seule fois. On peut encore faire
un moule de plâtre d'une planche ainsi gravée, approfondir les
parties des lumières, huiler le plâtre, en tirer une empreinte,
et en prendre une contre-épreuve. MM. Firmin Didot frères,
indiquent encore une autre modification. Lorsque le graveur a
hit mordre à l'eau-forte son dessin sur une planche de zinc,
au lieu d'enlever le vernis dont il avait d'abord couvert cette
planche, c'est sur ce vernis même qu'il étend successivement
avec un rouleau de légères couches d'encre siccative, qui, sans
entrer dans les taiUes , ne se déposent que sur le vends primi-
ti£ Au moyen de ces couches superposées, les creux de la gra-
vure acquièrent une grande profondeur, la planche est alors élec-
trotypée, comme on l'a déjà indiqué.
M. Beslay vient d'inventer un procédé qui a beaucoup de rap-
port avec les précédents (*). Ii'aatotypographley c'est ainsi
que l'inventeur l'a nommé, consiste à enduire une planche de
verre avec le vernis employé ordinairement pour la gravure et
mélangé d'un produit qui le rende un peu conducteur, et à des-
siner à la pointe le sujet que l'on veut reproduire, en prenant
soin à creuser et à enlever le vernis jusqu'à la surface du verre.
Cette plaque est ensuite immergée dans le bain électrotypique,
et le cuivre conduit et déposé dans le tracé donne un dessin en
relief qui réunit toutes les qualités de la planche en usage pour
l'impression typographique. On peut, en outre, augmenter à vo-
lonté, par les procédés galvanoplastiques, les reliefs de cette plan-
che. On obtient donc des planches gravées en relief reprodui-
sant exactement le dessin original.
En 1853 , le docteur Fergusson Branson (•) , de Scheffîeld,
tout en cherchant à découvrir une substance qui puisse se tail-
ler plus facilement que le bois, et qui ait cependant assez de
(i) Lumière, n' 42, i8 octobre 1856.
(2) Journal of the Society of Arts; London, 1843,
S74
ctmflÎBtàntBè peur )»einb«titre d'en prendre tm moule, reaceiilBa
mè màJdèire qm Ivà promettait quelgiuels avantages. C'esfe^ leath
iM^r^^Tobablement le faron anglais dur, fiât de résine^ tetei-
Mâd^ecfop, Un àeêm^ au crayon, se décalque très-bien sut W si^.
Ton lorsquV)n ftiolte le revers de la feuille; on ereaise ensuite
les traits a¥ee très-pen de profondeur an mpyai de .poiatet^m
aeier on en ivoire. Lorsque le tracé est terminé, ott.;âDt un «cntle,
ou avec du plâtre, ou en gutta-percha chàaSéey mèmeimc de
la cire à cacheter, sans endommi^er le savon.- SIToa' repcoduit
le moule en cuivre par la pile gdvaaiqnt^ on obtient làus plan-
che en creux, si Ton reproduit cell&dà on en obtient une eu
relief; de manière qu'on peut s'en servir pour £ûre des épreuves
sous la presse en taille-donce, on sous la presse typog^pMqne.
On peut aussi très-bien graver de cette manière des camées. Ces
gravures peuvent servir pour l'impression sur papier en noir,
sur cuir pour les relieurs, et dans d'autres arts. Onar^roduit
avec succès, au moyen de ce genre de gravure, le Highitmd j^
per de sir E. Landseer ; une gravure à Peau-forte de Rembrandt,
et plusieurs genres de vignettes.
M. Ranftl (% habiJIie peintre de Yienne, peu de temps avant.sa
mort, en 1864, inventa un nouveau procédé ^ur remplacer avan-
tageusement la gravure sur boia. Le prindj^el de ce procédé oon-^
siste à tracer sur une planche métallique préparée à '-Cet effet,
un dessin quelconque avec une plume d'acier, en se servant d'une
encre particulière. Cette planche est ensuite reproduite par les
moyens électrotypiques, et sert àFimpresd^onsous lia presse ty-
pographique. Le premier essai fut une carte géographique, qui
réussit assez bien, et dont la planche a pu supporter, le. tirage
de plus de 1500 exemplaires. Les essais subséquents^ exécutés
dans les ateUers de l'Imprimerie impériale de Vienne, ^veo la
coopération du prpte, M^ P]*6y, n'eurent pas moins de succès.
C'étaient des vignettes de genres divers, une chute d'eau, et
quelques sujets. .
Le procédé inventé en 1846 par M. P.-C. Schœler (*), de C^
(i) Faust, polygrafisch illustriste Zeilschrift. etc. Wicn. !•' Jahrg. 1854. d* 10.
(9) Rapport fait à la Classe des Beaux-Arts de l'Académie des sciences de Bru-
xelles, par M. Buscbmaon. — Tecbnoloi^i^le, journal, etc. M«î, i847,
375
penkagibe, a^qielé par lui la Stylogvifbîe, est destmé à p^ftiMT^t
le résultat contraire des procédés précédents , c'esindi^cy^W!!! . k
produire des planches en creux, imitant pae&iteiaeÉli les» dtessins
h la, plume, et les gravures à l'eau-forte.
La ttylognaphle (du grec stylos, style, poiate à traeer) se
pratique de la manière suivante : Un mélange de ccupaX^ de jstéa-
rme, de laque et de noir de Francfort est versé à Fétat de fit*'
sion daps uit moule à surfaces intérieures parfaitement pdlies,
qui loi donne, lorsque le refroidissement lui a rendu ^ consis-
tance nécessaire, la forme d'une planche 2 graver-,, d'une cer-
taine épaisseur et d'une couleur noire.
Le cèté de cette planche' de oomposftîoiL destiiié à recevoir
les traits du dessin j: ^t ensuite reVMu d'une couche miaoe et
adhérente de poudre d'argent, qui lui donsie Faspéot dfune femlla
de papier bls^c uni. La planche amsi prétpaàrée est xemifie à l'ar-
tiste ; celui-ci, au moyen d^pomtès dé. diverses épaisseurs, traee
son dessm sur la face argentée. Il est.évidfiiït. que chaque trait
entamant cette couche noire et: blanche inet' à. nu les partie&noi^
res correspondaittes de la coffijost»», et produit Atesi un dessin
noir sur un fond blanc, absoluménit semblable ài celui que trace
une phime sur le papier.
Les pointes, ou styles en met£d„ en^loyéesr par l'artiste ont Mt
plus que d'enlevet la pellicide argentée; l#u^. trichant a péik4e
tré. ^ussi dans la composition elle-m/èxïije; ety'aJaissé de petits
siUons.dont la largeur et la{xrofon9euirso«iii proportionnelles, à la
émej^ojBL des pomtejS^^t lila force employée.. La planche grao
vée de *ette mmm^ est; ensuite l^èrement.ipaéta^ée et r^i
couverte d^uii dépôt 40 cuivre d^ns un appareil galvanopl^th
qua>;. ô^ p.btient ainsi une planché en rehef. Une seconde opé^
TàiMfn semblable èiitè sur cettQ ^^euve en relief donne enfin
une plajache de cuivre, dont les traita' creusés sont identiquest h
eeu:i(.que l'artiste a tracés priiaitivesient, et il ne reste pluEf
qu'à imprimer sous la presse en taille-doiiee..
Le plus remarquable des procédés électrotypiques est sans
contredit celui qui a été inventé en. l§40. p% M, Frédéric de
376
Kobell(0, de Munich, et auquel il a donné le nom de fpali
nographle.
Ce procédé se prête merveilleusement à la reproduction de
tous les genres de gravure. L'aqua-tinta, la manière noire, la
gravure à la roulette, le genre crayon, toutes ces gravures sont
imitées avec un égal succès et d'une manière très-simple.
Tandis que, dit M. de Eobell, par le procédé ordinaire de
la gravure, la figure s'exécute en creux dans une plaque de
cuivre, c'est précisément l'inverse qui a lieu par la galvano-
graphie, c'est-à-dire que l'on met la plaque de cuivre et qu'on la
travaille par-dessus l'image , après quoi elle peut servir à don?
ng: des épreuves. A cet effet, il faut dessiner l'image ou la pein-
dre au lavis (d'une seule couleur) sur une plaque de cuivre ar-
gentée. On a reconnu que les couleurs à l'encaustique (préparées
avec une dissolution de cire dans de l'huile de térébenthine ou
dans du baume copahu) présentent pour cet emploi des avanta^
ges particuliers, parce qu'elles sont mates après la dessiccation»
c'est-àrdire qu'elles ont un certain grené, qui est une condition
fondamentale pour la fixité de la couleur et par conséquent
pour la réussite de l'empreinte, dans le cas où la peinture est
faite au pinceau large et non au trait.
I][ y a une autre couleur qui oître aussi une grande soUdité :
elle est composée avec du crayon lithographique (de l'espèce le
plus dur) pulvérisé et délayé dans de l'eau distillée. Cette cou-
leur, qui sèche très-rapidement, est plus facile à manier qu'une
couleur à l'huile. Insoluble dans la dissolution de sulfate de
cuivre, elle ne laisse pas le cuivre s'étendre par-dessous. On
peut, pour commencer, donner à la plaque un très-léger ton de
couleur à l'encaustique, puis on y porte la couleur lithographi-
que avec un pinceau fin et en traits pas trop déliés. La pein-
ture en est très-&cile, et l'on peut obtenir ainsi des portraits
d'une belle exécution ; tels sont ceux que MM. Eottmann jeune,
et P. Wronski ont peints et électrotypés. On peut, au lieu de
noir de fiimée, mélanger avec le crayon lithographique du
rouge de fer, ou du brun de Cassel, ce qui donne encore plus
(1) Galvanograpliie, von Fr. von Kobe&, MttQChen, Gotta, 1849^
377
de giené à la couleur. Après l'opératâoii) on peut i^onter à l'eaa-
forte des détails sur la plaque. On peut aussi se servir de la
craie lithographique sous forme de crayon à dessiner, pourvu
qu'on ait soin de donner auparavant le grene à la plaque, car
on ne peut dessiner avec un crayon de cette espèce sur une
plaque de métal unie. Ce grené s'obtient en fondant sur la pla-
que ce qu'on appelle un grain d'aqua-tinta, après quoi on des-
sine par-dessus avec le crayon. On produit aisément les clairs
en enlevant le grené. Des dessins de ce genre ont beaucoup
de moelleux: On peut donner un semblable grené en faisant usage
de l'eau-forte, comme dans l'aqua-tinta, au heu de la résine; on
prend ensuite par voie galvanique l'empreinte en rehef de la pla-
que , et il suffît de donner à ce rehef une très-faible épaisseur»
ce qui permet de l'obtenir en 24 heures pour de petites plaques.
CTest sur ce rehef ainsi grené, et qui a été ensuite argenté, qu'on
dessine ou qu'on peint Dans les paysages, l'air et les autres
détails pouvant se produire aisément au moyen de deux teintes à
l'aqua-tinta, il y a de l'avantage à les faire par ce procédé et à
graver légèrement les contours, on achève ensuite de peindre
l'image sur le rehef. C'est d'après cette méthode qu'ont été faites»
par M. Bottmann jeune, quatre vues assez grandes de Munich.
Cependant le grené obtenu au moyen de fines roulettes de
Paris est bien supérieur, et a un prix particuher pour certains
objets. On grave d'abord légèrement le contour de l'objet, puis
on laisse de côté le fond à l'eau-forte , et on donne sur toute
l'image un ton léger avec la roulette. Pour faire cette opération
d'une manière bien égale, on fixe la roulette dans un tire-h^e.
On peut aussi employer la roulette pour le fond de la gravure
et donner le ton à l'eau-forte. Les ombres peuvent se faire
également avec des tons plus forts. Ensuite on fait tirer des
épreuves pour examiner le ton, on prend le rehef galvanique
de la plaque et on achève l'image à l'aide du crayon lithogra-
phique ou avec le pinceau, puis on exécute la plaque destinée
à l'impression par-dessus. Il est aisé avec la pointe ou le grat-
tour du graveur d'enlever quelques points trop sombres de la
couleur, ou de faire d'autres corrections à cette ûnage. Des
plaques semblables fournissent des empreintes dont l'effet pré-
sente une agréable réunion de l'aqua-tinta et de la roulette.
878
Quand la plaque galvanographique est achevée, quelle qu'en
8oit d'ailleurs la nature, il y a de l'avantage à y passer la rou-
lette. Si cette opération est faite avec soin, l'image n'en souffire
nullement, elle gagne au contraire en harmonie et en grené.
Tous les détails qui précèdent concernent la manière d'exé-
cuter le dessin, dont on doit prendre ensuite l'empreinte en
creux par les moyens électrotypiques, afin de pouvoir la mul-
tiplier par l'impression dans la presse en taille-douce.
De nombreuses applications, aussi belles qu'heureuses, ont
été faites en divers endroits, aussitôt que cet art nouveau eut
été connu du pubUc.
Outre les produits cités plus haut, nous mentionnerons les
planches de MM. Schœninger, Freymann et Grosjean, de Mu-
nich. Ce sont entre autres : un Ëcce homo , d'après le tableau
original qui fait partie de la collection du chanoine Speth; le
Fumeur, d'après Ochterveld; un Christ sur la croix, d'après
le Tintoret (planche de très-grande dimension) ; le portrait de
la princesse Hildegarde ; une Madonna délia Sedia et la Sainte
Catherine, d'après Raphaël. Cette dernière planche surtout offire
une preuve de ce que pourra produire cet art nouveau. Les
deux genres de gravure, celui aux hachures et le lavis , sont
liés et fondus ensemble d'une manière moelleuse et délicate,
avec une grande richesse de tons et un modèle parfait A Vienne
aussi on a fait des galvanographies dignes d'éloges, particu-
lièrement celles qui sont sorties des ateliers de MM. Theyer
et Waidle ; elles sont presque toutes faites seulement au lavis.
Ce procédé est assurément le côté le plus original de la gal-
vanographie et présente des avantages particuliers pour le
paysage, les animaux, les fleurs, etc. Les planches les plus re-
marquables sont: la Chienne et ses petits, de A. Wengler, d'a-
près l'original de Eanftl; Porte latérale de l'église de Sainte-
Etienne, à Vienne, par Griesser; un paysage, par J. Waltmann;
un dessin d'architecture, par P. Lang; des fleurs, par un ar-
tiste inconnu; et une bonne esquisse de cheval, due à l'archiduc
Etienne.
En Russie, M. le duc de Leuchtenberg a fait des essais de
galvanographie très-bien réussis.
879
Plitô tard, en 1854, M. BanfU et d'autres ont exécuté de
très-belles galvanographies dans les ateliers spéciaux de llmpri*
mené impériale de Vienne.
r
Electrographle. Tous ces procédés, toutes ces opérations
dont nous nous sommes occupé jusqu'ici, s'exécutent au pôle
négatif de la pile. C'est là, comme on l'a vu, que se forment
les dépôts métalliques. Mais, dif M. L. Figuier, il se passe au
pôle positif une autre action chimique dont M. Smée à su tirer
parti. Dans la composition électro-chimique d'un sel , en même
temps que le métal se réduit au pôle négatif de la pile, l'oxygène
et l'acide se rendent au pôle positif, et si l'on dispose à ce pôle
une lame métallique, celle-ci se trouve peu à peu attaquée et
dissoute par l'action réunie de l'oxygène et de l'acide devenus
libres. Ce fait, sur lequel M. Jacobi a fondé l'emploi des anodes, a
servi à M. Smée à obtenir ce curieux résultat, le moyen de
graver directement par le courant galvanique une planche de
cuivre. Voici comment il opérait : La planche métallique, recou-
verte de cire ou de vernis de graveur sur ses deux faces, reçoit
comme à l'ordinaire le dessin exécuté avec une pointe par la
main de l'artiste. Cette planche est alors placée dans une dilsso-
lution de sulfate de cuivre en communication avec le pôle po-
sitif d'une pile; le circuit est complété en mettant en rapport
avec le pôle négatif une plaque de même dimension que la plan-
che à graver. La décomposition ne tarde pas à s'effectuer;
l'oxygène et l'acide sulfdrique se portent sur la planche et dis-
solvent le cuivre dans les points qui ont été marqués.
M. Smée obtenait ainsi une planche gravée en creux, propre
à l'impression sous la presse en taille-douce.
C'est ce procédé que nous appelons rélectro§;raplile9 ou
gravure exécutée par le courant électrique.
M. Spencer s'est également occupé de ce nouveau mode
de gravure , et il fait remonter ses premiers essais à 1840.
D a réussi à graver , non-seulement sur cuivre , mais aussi
sur acier. Il a cherché à faire l'application de ce procédé
à tous les genres de gravure , et en particulier à celle des
880
fâuleaitx pcfwr l'impression des étoffes, ainsi qu'à ceUe des
plaques qui serrent à la décoration dés grès et des fiâences.
Suivant M. Spencer et M. Wilson, la plaque métallique, fixée
à l'un des conducteurs , est immergée dans une dissolution de
sel commun ou dans toute autre dissolution d'un sel akalin; à
l'autre conducteur on ûxe une seconde plaque d'acier (catode)'
' M. Walker désigne encore une autre méthode de gravure
électrographique : On fait tirer une bonne épreuve d'une plan-
che déjà gravée , et on l'applique aussitôt sur une plaque de
cuivre, préalablement trempée dans l'acide nitrique étendu. La
plaque et l'épreuve sont alors soupûses à l'action de la presse,
qui détermine le transport de l'encre de l'épreuve sur la plan-
che de cuivre. On dore légèrement cette planche au moyen de
Ift pile (l'or ne s'attache pas sur les parties revêtues d'encre
grasse, mais seulement sur le cuivre); on lave avec l'essence
de térébenthine, qui dissout l'encre grasse et met à nu le cui-
vre dans tous les points que recouvrait cette encre. Il suffit
ensuite de placer la planche ainsi préparée dans le sulfate de
cuivre, en. guise d'anode, pour obtenir une gravure parfaite.
n est également fiicile de produire un dessin en relief au lieu
d'uû creux; il sufiGura de former le dessin lui-même avec une
substance isolante comme le vernis ou le crayon gras , par
exemple , pour que toutes les portions découvertes et qui en-
tourent le dessin se creusent et laissent ainsi une image en re-
lief. On pourra aussi dessiner d'abord au crayon gras ou an
vernis isolant, dorer fortement les parties non réservées, eide-
ver ensuite le crayon ou le vernis, et faire mordre au bain élec-
trique les parties dans lesquelles le cuivre est à découvert;
on obtiendra ainsi un creux assez net
On emploie d'ordinaire un bain analogue au métal qu'il s'agit
de graver; c'est ainsi que les bains de sulfate de cuivre sont
employés pour la gravure de ce métal, les bains de sulfate de
zinc pour la gravure sur zinc. On peut néanmoins graver sur
cuivre et sur zinc en faisant fonctionner la pile sur des bains
composés seulement d'eau légèrement acidulée par des acides
azotique, chlorydrique, sulfîirique ou acétique (^).
(i) Manipulations hydroplastiques par M. Alfred Rouseleur ; Paris, i8S5.
m
MM. Henriot et Gaiffe, graveurs de Paris, ont trouvé un
nouveau moyen de gravure galvanique appliquée à la gravure
des cylindres qui servent à l'impression des étoffes. Ce moyen
est si simple, et d'une si grande infaillibilité, que l'ouvrier le
moins habile peut réserver des blancs et refouiller les mats sur
soubassement avec une perfection d'autant plus admirable que,
sans jamais rien laisser à désirer, ce nouveau système de gra-
vure est extrêmement économique. M. Edouard Becquerel, au
nom de la Société d'encouragement, a examiné ce procédé et
en a paru satis^eût (*).
M. leD' Gr.-W. Osann, de Wurzbourg (■), en suivant le principe
de M. Smée, sans le connaître, a profité du courant hydro-éleo^
trique p<nir s'en servir comme d'un mordant sur des planches de
cuivre ou d'étain, afiu d'obtenir des dessins en creux ou en re*
lief suivant la manière dont il appliquait son vernis. Il propose
le nom de galvanooaiistiqae pour désigner ce procédé.
M. L. Dumont('), graveur de Paris, a pris un brevet le 8 juillet
1854, pour un procédé qu'il a inventé en 1852, et qu'il appelle
liiicograpiile galvanique* n consiste à reporter sur zinc
les dessins lithographiques faits sur papier, ou ceux des plan*
ches gravées en taille-douce. On peut aussi dessiner directe*
ment sur une planche de zinc grenée avec le crayon lithogra*
pbique ordinaire , ou avec un crayon insoluble inventé par M.
Dumont, et qui résiste à l'action de l'acide. Le dessin fini, on
prépare le zinc avec une dissolution de noix de galle et de
gomme arabique, comme cela se fait d'habitude dans le procédé
lithographique sur zinc; on encre le dessin comme pour tirer
des épreuves ; on saupoudre ' la planche d'un mélange de ré*
sme, de bitunoe de Judée et de poix de Bourgogne, dont on
chasse ensuite Fexcédant de poudre, et on chauffe légèrement
le dessous de la planche afin de faire fondre la poudre qui la
A) Moniteur iDdnslriel. M avril 1856. n* 90&t.
(2) Die Anwendung des hydro-eleetriscben Stromes als Aetzmiltei, von Dr. G. W.
Osann, Wûrzb. 1843.
(3) Lomière. n* 48, 4855. et 3. 1856.
I
j
t
l
couvre, taquelle se môle avec l'encre liâiographique et forme
alors un yemis.
Après cette opération, M. Dnmont expose sa planche à l'ac-
tion de la pile galvanique, et il la fait mordre ; il obtient ainsi
une gravure en relief, propre au tirage sous la presse typogra-
phique. Par ce moyen , il a reproduit des gravures en taille-
douce, des dessins à la plume, des lithographies au crayon et à la
plume, et des lithographies de M. Lemercier; ces reproductions
en relief lui ont valu une médaille de 2* classe à l'Exposition
universelle de Paris en 1855.
Le procédé inventé par M. G. Bevincenzi (*) , et communi-
qué le 16 novembre 1855, à l'Académie des sciences, diffère un
peu de celui de M. L. Dumont; mais, du reste, il produit les
mêmes résultats. Voici , d'après le rapport de M. Becquerel,
en quoi il consiste : On prend ime planche de zinc ordinaire,
dont la surface a été grené préalablement avec du sable ta-
misé, et l'on dessine dessus avec un crayon ou de l'encre litho-
graphique; on la passe ensuite dans une décoction légère de
noix de galle , puis à l'eau de gomme , afin de prédisposer les
portions de zinc qui ne sont pas recouvertes du dessin à ne pas
prendre le vernis dont il sera parlé ci-après. On lave avec de
l'eau, puis on enlève le crayon ou l'encre avec de l'essence de
térébenthine , comme on le fut dans la préparation lithogra-
phique. Ces opérations faites , on humecte la planche et on y
applique avec un rouleau un vernis composé d'asphalte, d'huile
de lin lithargiée et de térébenthine, auquel on ajoute ensuite
de l'essence de lavande. Le vernis s'attache uniquement aux
parties recouvertes de crayon ou d'encre. On laisse sécher pen-
dant 12 à 15 heures; on passe sur la planche une brosse trem-
pée dans une très-faible dissolution d'acide sulfurique pour dé-
caper la sur&ce non recouverte de vernis, et on la plonge
ensuite dans une dissolution de sulfate de cuivre marquant 15
degrés, en même temps qu'une planche de cuivre de même di-
mension est placée parallèlement à 5 millimètres de distance
et mise en communication avec l'autre au moyen d'une bavette
(4) Comptes rendus, n* 27, 1855.
368
de enivre. La partie du zinc non recouverte de vernis est at-
taqnée chimiquement par la dissolution de sulfate de cuivre, et
électro-chimiquement par l'action ou couple voltaïque , tandis
que la dissolution n'a aucune action sur le vernis. On retire de
minute en minute la planche de zinc pour enlever le cuivre
déposé, et au bout de 4 à 8 minutes on aura obtenu une plan-
che gravée , dont le relief est suffisant pour le tirage typogra-
phique d'un très-grand nombre d'épreuves.
M. Devincenzi a reproduit de cette manière, en présence des
membres de l'Académie , le portrait du Pérugin d'après Ra-
phaël , dessiné avec soin par M. Chatfllon sur une planche de
zinc grenée. Toutes les épreuves obtenues par le tirage de M.
Pion ont été la reproduction parfaite du dessin. M. Devincenzi
a Mt tirer de cette planche 800 épreuves ; avec d'autres plan-
ches il a imprimé trois mifle épreuves , les dernières étaient
anssi belles que les premières.
Le D' Pring a publié en 1843 un procédé de gravure élec-
trographiqne tout à fait particulier. Une plaque d'acier poli ou
d'an autre métal est mise en communication avec l'extrémité
positive d'une série de 4 à 5 couples, au moyen d'une bonne
bobine de pile de cuivre revêtue de soie. Un autre fil, protégé
par un tube de verre, ou de tout autre corps isolant, est tenu
dam la main et sert de burin pour tracer le dessin. L'action
d'une machine électro-magnétique peut être utilisée dans ce
cas. On varie l'expérience en faisant communiquer la plaque
avec l'extrémité négative de l'appareil. Des fils de diverses na-
tures peuvent être employés , et on ne se sert d'aucune disso-
lution. On peut dire que c'est là un véritable dessm électro^
graphique, dans lequel le courant électrique fidt le service du
burin.
Nous devons ajouter ici un moyen de corriger les feutes de
gravure, qui aurait pu trouver sa place dans le chapitre traitant
de la gravure en creux, mais qui, par la nature de son procédé,
&it partie plutôt de la galvanoplastie. En gravure, comme en
tout travail feât à la main, les fautes sont inévitables, l'essentiel '
est de pouvoir les corriger: c'est ce qui se fait pour les gravures
de tous genres en faisant disparaître la faute de la place où elle
tS4
se trouve, et à graver de nemvean. A cet effet en a recours dV
bord an repoussage, en se serrant d'un compas d'épaisseur à
pointes recourbées pour marquer derrière le cuivre les pointe
correspondants que Fon doit repousser ensuite au marteau pour
remettre au niveau de la surface les endroits qui ont été ràdés
à l'aide du grattoir. Ce travail fait on refprave de nouveau. Ce
procédé, quoique généralement employé, ofi&^e des inconvénients
auxquels on a cherché à remédier par la galvanoplastie.
C'est à M. Gteorge, graveur au Dépôt de la guerre à Pans, qu'est
dû le perfectionnement de ce procédé ; InL le maréchal YaiUaut
a fedt à l'Académie des sciences (') un rapport détaillé sur ce
sujet; nous en reproduisons l'essentiel: «Aussitôt, dit-il, qu'un
atelier eut été étabU aii Dépôt de la guerre pour reproduire les
planches de la Carte de France à l'aide des procédés galvano-
plastiques, on eut la pensée d'appliquer ces procédés aux cor-
rections. Comme il existe , entre la feuille*m^e et la feuille re-
produite, une feuille intermédiaire , une sorte de coi^e->épreuve
moulée en relief sur la première et sur laquelle se moule en
creux la seconde, il était simple d'enlever, sur cette intermédiaire,
à l'aide d'un grattoir , tout ce qui ne devait pas reparaître dans
la feuille reproduite ; on obtenait ainsi, sur cette dernière, après
l'opération, une surface plane au lieu des parties gravées et rem-
placées. C'était déjà un progrès; mais cette méthode avait aussi
ses inconvénients. D'abord la reproduction totale d'une feuille
était nécessaire pour chaque correction nouvelle, et les planches
pour une même feuille pouvaient se multiplier ainsi indéfiniment
Secondement, la reproduction totale exige un mois au moins de
travail et coûte encore 300 fr. Enfin, l'opérateur n'est jamais
entièrement libre d'inquiétudes, tant seraient graves les consé-
quences d'un accident qui, eu déterminant l'adhérence des sur-
faces entraînerait la perte immédiate d'une planche représentant
20,000 fir. de dépense et douze ans de travail.
< En présence de ces difficultés, M. George eut l'heureuse idée
d'arriver aux corrections sans intermédiaire en déposant du mé-
tal dans les tailles, de se fedre un auxiliaire de l'adhérence si re-
(i) Comptes rendus, t. XLIII, p. 90.
385
doaté dans la reproduction totale, et de rédmre ainsi le cerclé
de l'opération au strict nécessaire en espace, en temps et en
frais. Voici comment il a réglé ses opérations: 1* Les parties
à corriger sont recouvertes d'une légère couche de vernis ordi-
naire qui s'étend de quelques centimètres au delà de leur pour-
tour. 2* Le vernis étant sec, on creuse, à l'échoppe, les parties
à modifier. Ces parties peuvent être plus ou moins grandes; il
importe que, pendant ce travail, l'outil soit toujours parfidtement
propre et qu'il n'entraîne avec lui aucune parceDe de vernis;
car tout êorps étranger, et surtout les substances grasses, nui-
sent à l'adhérence du dépôt. 3"* Sur la planche ainsi préparée
on construit, avec de la cire à njodeler, une sorte de cuvette
entourant, sans le couvrir, l'espace qui a reçu le vernis, assez
grande pour recevoir une certaine quantité de sulfate de cuivre
en dissolution , et un petit élément galvanique. La planche est
posée elle-même horizontalement sur 4 ou 6 supports isolants.
4* L'élément galvanique est contenu dans un cylindre en terre
poreuse de 0*06 diamètre sur 0",10 à 0",12 de haut Ce
cylindre, placé sur une sorte de trépied en bois, haut de 0"*,01,
établi au fond de la cuvette et plongeant ainsi par sa base dans
le sulfate de cuivre , reçoit de l'eau aiguisée d'acide sulfùrique
dans laquelle plonge une lame de zinc un peu plus large et un
peu plus haute que le cylindre ; à la partie supérieure de cette
lame est soudée un conducteur composé de deux fils de cuivre
de 0",002 environ de diamètre , tordus en corde et assez longs
pour aller s'épanouir sur la planche gravée en passant par-des-
sus le cylindre poreux et les bords de la cuvette.
« Pour que l'action ait heu, il faut que l'extrémité du con-
ducteur et la place où elle se pose, soient exactement décapées.
Ilest utile que l'opération marche d'abord très-doucement, 20
à 24 heures suffisent largement pour avoir un dépôt conve-
nable. Quand on le juge assez avancé , on enlève l'élément gal-
vanique , ainsi que la dissolution de cuivre et l'auge elle-même.
Voici ce qui se présente alors: la sur^sice qui avait été dénudée
par l'échoppe est complètement recouverte de métal ; le contour
est marqué par un petit bourrelet en dehors duquel se pro-
e le dépôt avec l'apparence de boorsoufâures irréguhèrea,
17
386
Sur la partie dénudée l'adhérence est complète; le bourrelet
et les boursoufâares intérieures, séparées du cuivre de la plan-
che par le vernis , n'adhèrent pas et ne gâtent même pas les
traits qu'ils recouvrent
< A l'aide d'un grattoir ordinaire de graveur, le métal déposé
est mis de niveau avec le reste de la planche, les bourrelets ont
disparu , et une surface nette et plane remplace les parties de
gravure à corriger. Ainsi les corrections sont limitées à l'espace
défectueux; les faux traits sont remplacés par du métal rap-
porté sans choc, sans altération générale de la planche pt parM-
tement adhérent. Le burin n'a rien à reprendre dans ce qui était
primitivement bon. Le temps et la dépense sont réduits au mi-
nimum, et les corrections de toute espèce sont désormais des
opérations aussi sûres que faciles, dans tous les genres de gra-
vure. >
Une application très-curieuse de l'électro-chimie à la télégra-
phie électrique, a été publiée dans le courant de l'été 1855 par
plusieurs journaux ('). M. d'Arbaud, de Blonzac, Français, an-
nonçait avoir trouvé le moyen de transmettre sur toute une li-
gne télégraphique à l'aide d'un seul fil , et au moyen d'un ap-
pareil fort simple, des écritures autographes, un dessin quel-
conque, plan et figures, un morceau de musique, etc. H {goûtait
que ces documents expédiés se reproduisent eux-mêmes au lieu
d'arrivée, soit sur plaque métallique, soit sur pierre lithogra-
phique, et qu'on peut tirer le nombre voulu d'exemplaires. M.
d'Arbaud, de Blonzac, donne à son invention le nom de l'élec-
trographie.
M. Ferez ^ de Nice, annonçait de son côté avoir découvert à
peu près le même procédé.
Cependant, M. Giovanni Caselti, de Florence, réclame contre
M. Ferez la priorité de l'invention, la sienne remontant, dit-il,
à quatre mois.- Il ajoute que le mécanisme de M. Ferez a besoin
de plusieurs fils électriques, tandis que son télégraphe panto-
graphique n'eu emploie qu'un seul, et pourrait s'adapter sans
aucun changement à toutes les lignes télégraphiques terrestres
^(1) La Lumière, journal photogr. par Ernest Lacan, Paris, 18 août 1855, n* 33. -
L'Ami des Sciences, joorn. par Victor Meunier. Paris, 9 septembre 1855, n* 36.
587
et sous-marines actuellement existantes. Quelques minutes ôuf-
firaîent, avec le procédé de M. Caselli, pour transmettre de
l'un à l'autre bout du monde une page entière de manuscrit
ou d'impression , un dessin quelconque , et même des discours
sténographiés, au moyen de lignes coloriées, sur un papier blanc
ordinaire.
Les essais plus ou moins heureux qui ont été tentés par MM.
Grove, Fizeau, Chevalier, Bouvière, Berres, Poitevin, Baldus
et d'autres , pour appliquer les procédés de l'électro-chimie à
la gravure des images photographiques, trouveront leur place
dans les articles concernant la daguerréotypie et la photogra-
phie.
Pour terminer convenablement la description des principales
applications de la galvanoplastie qui précèdent , nous y en join-
drons encore une très-remarquable, et qui a été imaginée il n'y
a pas quatre ans ; nous voulons parler de l'autographie galva-
noplastique.
AUTOORAPHIE OAIiVAHOPIiASTIQUE. L'in-
vention de cet art nouveau est due à M. le conseiller de régence,
Aloys Auer, directeur de l'Imprimerie impériale de Vienne, et
à M. André Worring, prote, attaché à cet établissement. D'a-
près une déclaration de ce dernier , la première idée en revient
à M. Auer, tandis que c'est lui, André Worring, qui en a le
premier trouvé l'exécution technique. Ces Messieurs se sont
posé le problème difficile que voici: Comment obtiendra-t-on,
dans le moindre temps , à très-peu de frais , une planche mé-
taUique, propre à l'impression, et dont le dessin soit identique,
sous tous les rapports, à l'original , sans aucune coopération, ni
d'un dessinateur, ni d'un graveur?
MM. Auer et Wprring ont résolu le problème en inventant
l'autographie galvanoplastique , ou l'art de reproduire par eux-
mêmes des objets organiques ou inorganiques, et de transfor-
mer ces empreintes ou copies , au moyen de la galvanoplastie,
en planches métalliques destinées à les multiplier par l'impres-
sion en couleur. M. Auer a appelé son invention Impretsion
naiiireUe (Natwrseïbstdnwik); en latin on la désigne sous le nom
de phywioXjpUm
On sait que l'essentiel de toute reproduction, c'est d'un côté;
un procédé facile etbon marché, et de l'autre une copie fidèle
et exacte. Ces deux conditions sont réunies dans l'autographie
galvanoplastique ; et en effet, quelle reproduction, quelle copie
sera plus parfaite que celle qui est faite par l'objet même.
I
AniograpUa méo^altae» L'idée de se senrir des plan-
tes elles-mêmes, à la place de planches gravées, pour en &ire
des copies sur papier , propres à remplacer les dessins et les
gravures, est déjà très-ancienne. Les procédés en sont décrits
et employés dans les ouvrages du XVP siècle; on avait ak»rs
déjà des collections de copies de plantes faites par elles-mêmes,
servant pour l'étude de la botanique. On en fait mention entre
autres dans le livre sur les Arts d'Alexis Pedemontanus au oomr
mencement du XVP siècle. Le Danois Welkenstein enseignait
à &ire des copies de plantes en 1660. Jérôme Cardanus, dans
son Opéra Lugdunide 1663 (10 vol in-foL, vol. m, p. 581 )>
parle du procédé de la manière suivante: <£n enduisant les plan-
tes ûraiches (Vuœ couleur composée de vert de gris et de diar-
bon pulvérisé, et eu les pressant sur une feuille de papier,, on
obtiendra une belle copie de la plante » (Yt vestigium quasi ich-
nograpbiœ remaneat). Dans le Journal des voyages de Manco-
nys (Lyon, 1665, 4"*, voL II, p. 450) il en est fût mention aussi
Jean Daniel Geyer (Thargelus, Apollini sacer siss. 3 de Dicta-
mus. Francof. 1687, p. Yltina) entre dans beaucoup de détails;
il recommande l'encre typographique et la balle de l'imprimeur,
qui furent dès lors généralement adoptées. En Amérique même,
comme nous l'apprend Linnée, il y avait en 1707 un nommé
Hessel qui faisait de ces copies de plantes.
C'était surtout dans le XVIII* siècle que ce genre de repro-
duction devient d'une utilité réelle.
Le typographe Fuuke, secondé par le professeur Kniphofà éta-
blissait à Ërfurt en 1728 une imprimerie spéciale pour la copie
des plantes, et publiait un ouvrage composé de 1200 planches.
Plus tard, en 1758 , l'imprimeur Trampe de Halle, étendait en-
coure davantage cette industrie, et il publiait, sous les auspices
du conseiller Buchner et du botaniste Ludwig,, un ouvr^ de.
'389
Mabiqne en 12 c«iitories, c^st-&-dlire en 12 sérient eotnpofiêc»
fûneseiine de 100 feuiUes grand in-folio (J.-H. Kniphofii Bôta-
dica in orîgînali seu herbariam , etc. elegantissima ectypa est*
hibéntnr, etc. , Halœ , Magdeburg , 1758 — 64). En 1741 fut
publié le Spécimen florae Berolinensis , chez Pimprimeur de la
cour, Henning de Berlin. Et de 1760 à 1764, Trampe publiait
un recueil de plantes coloriées , contenant deux cents plantes
médîcmalesisous le titre : Ectypa vegetabilium — ad natur» si-
militudinem expressa, fol.
L'Anglais Eirnhals et TAllemand Seutter avaient déjà, Pun en
1728 , et l'autre à Augsburg en 1734 , exécuté des ouvrages
ornés de plantes en couleur.
On publiait également des traités et des procédés de cet art.
Dans la Gazette Salutaire de 1763, n*" 2, se trouve une « recette
pour copier toutes sortes de plantes sur papier. >
F.-E. Bruckmann et Kniphof avaient publié des « Send-
scbreiben Eirâuter nach dem Leben abzudrucken. » Les « Ob-
servations sur la physique et lliist. nat > de Bozier (t. U, p. 146,
1771) contient aussi un procédé. En 1788 — 1796 furent pu-
bliées les « Ectypa plant. Ratisbonensium » et « Ectipa plant, se-
iectarum » de Hoppe. Enfin ces publications se succédèrent
en grand nombre et furent continuées jusque dans le XIX*
siècle; par Pritzel et Graumttller en 1809 et Oppe en 1814
(Graminées).
n n'y a pas vingt ans qu'un individu parcourait la Snisse
en enseignant ce procédé dans les pensionnats et les écoles.
Il avait toutes les nuances de couleur à l'huile préparées d'a-
vance ; au moyen d'une baDe il les déposait sur la plante , en
rapport avec les couleurs naturelles de celle-ci, et, après l'avoir
placée sur une feuille de papier, il soumettait le tout à une
pression convenable pour en obtenir une copie enluminée as-
sez propre.
Avtiograplile câdml^ae* A cette méthode mécanique on
substitua dans la suite des procédés chimiques, dont voici l'un.
On eB<iait un bon papier à dessin d'une solution d'acétate de
cuivre étendue 4'^aa , on laisse sécher, on humecte ensuite te
890
papier par-dessous et on le place sur quelques feuilles de pa-
pier buvard; puis on pose dessus une feuille de plante, préa-
lablement enduite de cyanure de potassium jaune mêlé d'eau,
dans les proportions de 1 de cyanure sur 8 d'eau. Le tout produit
une empreinte de couleur jaunâtre ou rousse , teinte propre à
recevoir toutes sortes de colorations.
Le procédé qui a donné un assez bon résultat est celui de
Félix Abate, de Naples. H l'appelle thermographie ou art d'im-
primer par la chaleur. Pour cela il mouille légèrement avec
un acide étendu d'eau ou un alcali la surface des sections de
bois dont il veut faire des feuî-simile , et en prend ensuite l'em-
preinte sur du papier, du calicot, ou du bois blanc. D'abord cette
impression est tout à fait invisible ; mais en l'exposant pendant
quelques instants à une forte chaleur, elle apparait dans un ton
plus ou moins foncé , suivant la force de l'acide ou de l'alcali.
On produit de cette manière toutes les nuances de brun , de-
puis les plus légères jusqu'aux plus foncées. Pour quelques bois
qui ont une couleur particulière, il faut colorer, soit avant,
soit après l'impression , selon la légèreté des ombres du bois.
Cependant la lithographie ayant été inventée , cet art nou-
veau rivalisa avec la gravure en taille-douce et avec la gravure
sur bois de nouveau mise en vogue; toutes tendirent à la dimi-
nution du prix des planches, et eUes ftirent substituées simul-
tanément à l'ancienne méthode de copier les plantes par elles-
mêmes. Celle-ci ne fut plus regardée dès lors que comme un
amusement de la jeunesse.
Autographle yalvanoplastlqaea Enfin un nouveau pro-
cédé fut encore mis en pratique. Plus exact que les précédents,
il reproduisait les moindres détails avec la plus grande fidé-
lité et donnait même le relief: c'était la galvanoplastie. Ce pro-
cédé fut d'abord employé dans la plupart des arts et des in-
dustries, pour la sculpture , la fonte et la gravure, comme nous
l'avons montré plus haut II ofirait toutes les conditions que l'on
pouvait désirer pour obtenir une copie parfaite.
MM. Auer et Worring profitèrent de cette qualité pour met-
tre leur idée en œuvre; voici à quelle occasion.
391
En 1852 on montrait à Vienne des impressions de dentelles,
obtenues à Londres au moyen de la presse lithographique. Ces
échantillons étaient très-bien faits , et plaisaient généralement ;
mais l'exécution en était coûteuse et laissait bien à désirer. M.
Auer, à qui la Chambre de commerce avait demandé de pareil-
les épreuves, pensa de suite qu'il serait plus avantageux de repro-
duire ces dentelles par le procédé galvanoplastique plutôt que par
la lithographie , et de se passer de dessinateur et de graveur.
Après avoir conféré avec plusieurs de ses protes sur le moyen
d'exécuter son dessein, et après plusieurs essais , M. Worring
eut l'heureuse idée de substituer les moules de plomb aux mou-
les en gutta-percha que M. Auer avait d'abord proposés. Dès
lors le procédé était trouvé, la réussite parfaite (*). Voici l'opé-
ration : on enduit l'objet à copier d'un mélange de térében-
thine de Venise et d'esprit-de-vin, pour le fixer et l'étendre sur
une planche de cuivre ou d'acier bien unie et polie ; là-dessus
on place une lame de plomb pur et décapé , et on soumet le
tout à la presse d'imprimeur en taille-douce , d'une force de
pression d'environ 800 à 1000 quintaux , suivant le relief et la
solidité de l'objet. On obtient de cette manière une planche avec
l'empreinte de l'objet en creux , qui pourrait servir déjà à l'im-
pression , si le plomb n'était pas une matière trop tendre pour
supporter le tirage d'un certain nombre d'exemplaires. Pour
se procurer une planche plus solide , on prend en plâtre ou en
une autre substance convenable une contre-épreuve de cette
plaque de plomb, contre-épreuve sur laquelle se trouve natu-
rellement l'objet en relief. Après avoir métallisé cette planche,
on l'expose au courant voltaïque , on fait déposer la couche de
cuivre jusqu'à une certaine épaisseur , comme dans les opéra-
tions électrotypiques ; de cette manière on produit une planche
en creux, qui remplace celle en plomb, et qui peut immédiate-
ment servir au tirage des épreuves sous la presse en taiUe-
(1) Nous devons à l'obligeante communication de M. Auer lui-même quelques-uns
des détails du procédé; les autres sont tirés des publications qu'il a bien voulu nous
envoyer: Die Entdeckung des Naturselbstdrucks, etc. von A. Auer. Wien, 1853.—
Voyez aussi Sitzungsberichte der K. K. Oestr. Académie der Wissenschaften, Bd-
IX, Jahrg. 1852, V' Heft, p. 868 (T.
892
douce. On peut obtenir le même résoltat en faiisant mi moule
primitif en métal fusible , au lieu de plomb. Si l'objet ne sup-
porte pas la pression, ou si le relief en est trop élevé , on aura
recours aux moules faits de stéarine ou de gutta-pereba ; et
comme cette dernière substance a souvent l'inconvénient de
s'attacher à l'objet , on lui substituera avec avantage une com-
position de gomme laque et de goudron, laquelle fournit d'ex-
cellents moules. On peut obtenir encore plus directement une
planche en creux, lorsqu'on métallisé l'objet à copier même , et
qu'on le soumet, avec la planche sur laquelle il est fixé à Fac-
tion galvanoplastique , pour en produire une planche en creuii.
Veut-on se procurer au contraire une planche en relief, pro-
pre à être imprimée sous la presse typographique, alors on ne
fait que deux opérations au lieu de trois, c'est-à-dire qu'on ne
produit qu'une planche en rehef du moule en creux primitif
Pour l'imprimer, on pose la couleur sur l'objet, au moyen du
rouleau à encrer , au lieu de la frotter dans les profondeurs,
comme cela se pratique pour les planches en creux. Faisons ob-
server ici qu'il faut être très-habile pour bien encrer ces plan-
ches en creux , lorsqu'il s'agit de les imprimer en plusieurs
couleurs; il faut savoir imiter, nuancer et fondre parfaitement
les diverses couleurs de l'original.
C'est par ce procédé que MM. Auer et Worring ont repro-
duit , avec une exactitude et une vérité frappantes, des objets
de toute natur, des dentelles, des ouvrages au crochet, des
broderies, des silhouettes découpées en papier, des sections de
différentes espèces de bois, des feuilles d'arbres, des plantes
entières, des fossiles , et même des animaux. Tous ces objets
sont reproduits avec leurs couleurs et leur relief naturel, ou en
noir. Le premier ouvrage avec des planches faites en auto-
graphie galvanoplastique fut pubUé à Vienne en 1853 , et con-
tient les cryptogames de la vallée d'Arpasch en Transylvanie,
par M. le chevalier de Heufler. — M. de Ettinghausen a publié
en 1864 un traité sur les nervures des papilionacées, qui est
également orné de planches exécutées par le même procédé.
En avril 1856 on a pubhé la première partie de la Physiotypia
plantarum austriacarum de M. de Ettinghausen, ouvrage qui
89S
dM fee ooftti^Mêr de 5 vohimés ift-foUo et d\m àtte drî SOOpIwi-
dtei.
Mineralôtjrpie et Bliii^ralograplile. En même temps
que M. Auer faisait la découverte de l'autographie galvanoplas-
tiqae, M. le professeur Leydolt, de Vienne , essayait de re-
produire des minéraux par un procédé analogue. Il a égale-
ment réussi , surtout pour les minéraux contenant du quartz,
grâce à la coopération de l'Imprimerie impériale de Vienne.
M. Leydolt 6dt mordre les pierres à surface plane au moyen
d'un acide, probablement avec l'acide fluorique ou fluate de
chaux , employé ou à état liquide , ou en vapeur , de manière
que les parties corrodées de la pierre forment les creux , tan-
dis que les parties non attaquées restaient en relief. On aurait
donc pu se servir des pierres ainsi préparées, à la place d'une
planche gravée ou d'une tablette de bois gravée , pour en tirer
des épreuves, quand la forme et la force de la pierre auraient
permis cette opération.
Mais il a préféré faire un moule en plomb ou en gutta-
percha, et le transformer en planche métallique par le moyen
de la galvanoplastie. C'est ainsi qu'on reproduit différentes sor-
tes de minéraux^ surtout ceux qui ^ont attaquables aux acides?
tels que les agates , des granits et d'autres. Ce procédé a été
nommé minéralotypie et minéralographie, suivant que les plan-
ches sont en relief ou en creux.
Kous ajouterons encore un procédé très-ingénieux, imaginé
en 1854 par M. Prey, prote dans l'Imprimerie impériale de
Vienne (*); il consiste à transformer les dessins faits sur papier
en planches d'impression. Les principes de ce procédé sont ceux-
ci: On dessine d'abord sur un papier préparé à cet effet, avec
un crayon qui produit les mêmes effets que le crayon ordinaire ;
on transporte ce dessin sur une planche de cuivre , et on traite'
ensuite par la galvanoplastie , pour former la planche qui doit
servir an tirage des épreuves sur papier. On peut imprimer ^
(I) Pant, i^lif r«fi$c|i-4U«stri8t^ j^taelmfl, Wiea, 18N. n* fO.
17*
394
noir ou en plosîeiirs couleurs, et les épreuves imitent par£Mte-
ment les dessins an crayon faits sur papier blanc, ou les des-
sins à deux teintes, ou enfin les dessins légèrement coloriés. Ce
procédé est très-précieux pour les artistes , vu que le dessin
sur le papier préparé est aussi facile et aussi grené que sur
le papier ordinaire , et on a de plus le grand avantage de pou-
voir multiplier à l'infini les dessins originaux, et de faire toutes
les corrections et retouches nécessaires. MM. Breyer, galvano-
graphe, Van der Niill, professeur, le conseiller Sprenger, et
RanfU , peintre, ont fait les premiers essais dans ce genre ; la
réussite était parfaite.
Toutes les opérations électro*chimiques de Fautographie gai-
vanoplastique s'accompUssent au pôle négatif, et par conséquent
font partie de l'électrotypie.
Nous ne devons pas oublier de remarquer que, dès que la
découverte de M. Auer fut connue (*) , on est venu lui contester
la priorité de l'invention, en faisant observer qu'il y a plus de 20 ans
qu'un graveur de Copenhague, Pierre Kyle, qui est mort depuis
avait fait une invention pareille. Voilà sur quoi se base cette^
prétention: Un particulier avait déposé, le 28 mai 1853 , dans
le cabinet royal des estampes de Copenhague, un manuscrit de
Kyle contenant la description de son procédé et 46 planches
d'épreuves. Cet ouvrage avait le titre suivant : < Description,
avec 46 planches, du procédé pour copier des produits de la
nature et de l'art , de formes planes, par Pierre Kyle ; Copen-
hague le 1*' mai 1833. > Ce n'est donc que 20 ans après que
ce manuscrit avait été écrit, qu'on a eu connaissance de ce pro-
cédé. Quant à celui-ci, voici en quoi il consiste, selon la traduc-
tion que M. Auer en a fait publier : < Pierre Kyle , pour faire les
copies, plaçait les objets à repioduire sur une planche de fer
étamé , de l'épaisseur d'une demi-ligne; l'étamage avait pour
but de retenir les objets toujours à la même place pendant l'o-
pération. Sur cette planche et les objets il posait une autre
planche en cuivre bien amolli, et de l'épaisseur d'une demi-
ligne, et il soumettait le tout à la pression de deux rouleaux d'a-
(1) Ëigentbttms-Streit bei neoea Boldeckuogeo, etc . voo A. Auer; Wien. 1853,
396
cier d'an laminoir , pour imprimer l'objet dans la planche de
cniTre : il obtenait ainsi une planche en creux. Une contre-
épreuve de ceUe-ci faite de la même manière, mais sur un mé-
tal plus mou, du zinc, de l'étain ou du plomb, lui procurait une
planche en relief. On a lieu de douter que des feuilles d'arbre»
des plumes , et même des dentelles , ofi&issent assez de résis-
tance pour supporter une pression telle qu'il fallait pour les im-
primer dans du cuivre, si bien amolli qu'il ftlt, sans se défigu-
rer. L'impression de ces objets sur le îex présente encore plus
de difficultés, et Kyle avoue qu'il n'a pas réussi, et qu'il lui
Mait resjoucher à la pointe sèche. Kylp dit avoir reproduit par
son procédé des feuilles d'arbres, des tissus, des écailles de pois-
son et des plumes d'oiseaux, et les avoir imprimés sur du papier
avec de l'encre d'imprimeur. >
Sans même avoir vu ces épreuves sur papier, on peut suppo-
ser qu'elles étaient très-faibles et imparfaites, et il est facile de
juger qu'il n'y a aucun rapport entre le procédé de Kyle et
celui de M. Auer.
• Emploi du magnétisme à la gravure. On n'a pas
employé seulement l'électricité dans l'art de la gravure, mais
aussi le magnétisme.
En 1840, M. W. Jones (*) a imaginé le procédée suivant: On
se procure une planche d'acier qu'on noircit comme à l'ordi-
naire, puis on y trace, au moyen d'une pointe énergiquement ai-
mantée, n:ai3 dont le bout est plutôt en peu arrondi que trop
aigu, le dessin qu'on veut graver. Il faut faire attention de te-
nir la pointe un peu inclinée , d'appuyer fermement sur la
planche et de se placer de telle sorte que cette pointe soit à très-
peu près dans le plan du méridien magnétique.
La planche ainsi gravée et magnétisée étant nettoyée soigneu-
sement et séchée , on répand à sa surface du fer en poudre fine
(la limaille de fer bien fine et pure, qu'on lave plusieurs fois avec
de l'alcool très-rectifiée). Cette poudre , en inclinant la planche,
glisse le long de son plan, excepté dans tous les traits oi!i a passé
(i) U Technoloipste, t, I, 1840, p. fS^,
S96
la pointe et où elle adhère fortement Ayant ainsi obtena des
contonrs sensibles , on imprime au moyen d'one presse lithogra-
phiqae.
Le papier d'impression doit recevoir une préparation pour
que le fer métallique puisse s'y combiner. On produit une belle
impression bleue en imprégnant le papier avec une solution de
prussiate de potasse , et une impression noire en le mouillant
avec une infusion fiedble de noix de galle. Les épreuves ont be-
soin d'être exposées à Pair pendant quelque temps avant d'ac-
quérir tout leur éclat, et le fer doit être dans le plus grand état
de division possible pour que les combinaisons chimiques^uissent
s'opérer promptement Ce genre de gravure est intermédiaire
entre la lithographie et le mezzotinto.
Nous terminerons ici notre notice sur la galvanoplastie. Sans
prétendre avoir épuisé le siyet, nous^croyons en avoir assez
dit pour que l'on puisse se faire une idée de combien d'élé-
ments et de moyens elle dispose , et quel champ vaste et fertile
elle ofire pour des applications %ux arts et aux industries.
Nous devons nous occuper maintenant de la photographie.
De l'électricité passons à la lumière, cette autre force de la na-
ture dont la sagacité de l'esprit humain a su tirer un si beau
profit pour les arts.
Sous ce point de vue la lumière a de l'analogie avec l'élec-
tricité. Le courant voltaïque, l'étincelle électrique façonne ou
grave les formes que l'homme lui prescrit; le rayon lumineux
fait plus encore, il dessine, il peint tout ce que l'homme voit,
et même les choses qu'il n'aperçoit pas à l'œil nu. Quelles mer-
veilles nous offirent déjà ces deux arts à peine nés , et combien
sont encore cachées ?
Nous adopterons la théorie photographique de M. Guillotte,
ingénieur, et nous appellerons héliographie (du grec héUos, so-
leil ) l'art de fixer une image quelconque sur une surfeice im-
pressionable ou réductible.
Nous choisirons encore ce mot pour désigner l'ensemble des
opérations photographiques, en l'honneur de l'inventeur de cet
art, Nicéphore Niepce, qui avait le premier adopté ce nom. En^
397
core une autre cause nous détermine à conserver le nom dlié-
liographie, c'est que réellement toutes les opérations de Nicé-
phore Niepce, et même celles de Daguerre, avaient été faites au
moyen des rayons solaires.
Cet art se subdivise en deux branches, que nous appellerons :
1" daguerréotypie, et 2** photographie, noms consacrés par l'u-
sage.
1"* La daguerréotypie sera spécialement l'art de fixer une image
quelconque sur une plaque de cuivre argentée.
2* La photographie (phôs, photos, lumière) l'art de fixer une
image quelconque sur une substance quelconque , autre que le
cuivre argenté, quelle que soit la manière d'en préparer la sur-
face.
Ces deux arts ont plus d'un rapprochement; mais le plus sail-
lant, c'est qu'ils sont fondés tous les deux sur cette propriété
des sels d'argent d'être réduits plus ou moins facilement par
la lumière.
HÉLIOGRAPHIE
HéliographieB La lithographie venait d'être découverte, et
à peine cette précieuse invention de Senefelder était-elle con-
nue et répandue, qu'elle fixait toute l'attention des artistes et
des industriels. Partout on cherchait dans les carrières, on fouil-
lait le sol pour y découvrir des pierres calcaires propres aux pro-
cédés lithographiques.
Joseph-Nicéphore Niepce, propriétaire à Chalon-sur-Saône,
qui s'occupait dans ses loisirs d'agriculture et de mécanique,
tenta aussi quelques essais lithographiques, et il choisit une qua-
lité de pierres dont on se sert pour couvrir la route de Lyon (*).
Ses expériences n'ayant point réussi, il imagina de substituer
aux i^ierres un métal poli; il essaya de tirer des épreuves sur
une planche d'étain avec des crayons hthographiques, et c'est
dans le cours de ces recherches qu'il conçut l'idée d'obtenir sur
des plaques métalliques la représentation des objets extérieurs
(1) Bultetio de la Société d'encouragement, etc. vol. XVI, 1817, pages 189 et 909^
39S
par la seule action de la lumière: Joseph-Nicéphore Niepce
avait découvert lliéliographie.
C'est à l'année 1813 que remontent ses essais, et il fit ses
premières découvertes en 1814.
Nous ne pouvons mieux faire que d'emprunter à l'excellent
ouvrage sur les découvertes scientifiques de M. Louis Figuier (*)
les détails de ce procédé héliographique.
« Niepce s'appliqua d'abord à reproduire des gravures; il
vernissait une estampe sur le verso pour la rendre transparente,
et il l'appliquait ensuite du côté recto sur une planche d'étain
vernie d'une couche de bitume de Judée. Les parties noires de
la gravure arrêtaient les rayons lumineux; au contraire, les
parties transparentes ou qui ne représentaient aucun trait de
burin les laissaient passer librement. Les rayons lumineux, tra-
versant les parties diaphanes du papier, allaient blanchir la cou-
che de bitume de Judée appliquée sur la lame métallique , et
l'on obtenait ainsi une reproduction fidèle du dessin , dans la-
quelle les clairs et les- ombres conservaient leur situation natu-
relle. En plongeant ensuite la lame métallique dans l'essence de
lavande, les portions du bitume non impressionnées par la lu-
mière étaient dissoutes, et l'image se trouvait ainsi mise à l'abri
de l'action ultérieure de la lumière. »
Le but que Niepce se proposait était la multiplication par la
gravure, et il y réussit assez bien. En attaquant ses planches
par un acide faible, il creusait le métal en respectant les traits
abrités par l'enduit résineux , qui remplaçait le vernis du gra-
veur. Il formait ainsi des planches à l'usage des graveurs. Mais
n'ayant pas assez de connaissances pratiques dans l'art de la
gravure (*), il cherchait le secours d'un artiste qui pût le secon-
(I) Exposit. hist. des principales découverles scieutifiques modernes par Louis Fi-
guier, Dr. es sciences. Paris, 4851, 1. 1, p. 31.
(4) Observons en passant que si Nicéphore Niepce, et c'est aussi son propre aveu,
eût su quelques-unes des manipidations employées dans les arts et l'industrie, il
aurait pu arriver plus facilement peut-être au but de ses recherches. Cela nous sug-
gère la réflexion suivante: Ne serait-il pas convenable d'introduire les étudiants,
même tous les jeunes gens des écoles et des pensionnats, dans les ateliers où l'on
pratique l'art et l'industrie, guidés par un maître intelligent, pour les initier de bonne
heure à tous les genres de main-d'œuvre. On en reUreralt, j'en suis certain, de grands
399
der dans cette entreprise. M. Lemaitre , excellent graveur de
Paris, accepta obligeamment cette tâche, et en 1826 il reçut
par l'entremise de M. de Cbampmartin , beau-frère de Joseph
Niepce, deux petites planches de cuivre que ce dernier avait
vernies et préparées à la gravure à Peau-forte (*). Cet essai ne
réussit point
Après avoir lui-même essayé de graver , Niepce envoya en
janvier 1827 cinq planches d'étain à Paris, pour les soumettre
au jugement de M. Lemaitre ("). Niepce avait choisi Pétain, parce
que ce métal lui paraissait préférable au cuivre , à cause de sa
blancheur ; la plus grande ce ces planches était une copie hélio-
graphique d'une gravure représentant la Vierge, l'Enfant Jésus
et saint Joseph. Les quatres autres plus petites étaient de dou-
bles copies d'un portrait et d'un paysage. Ces planches n'étaient
pas vernies, mais gravées faiblement à l'acide acétique allongé
de vinaigre de bois, surtout celles qui représentaient le paysage.
Ces gravures héliographiques, suivant l'avis de M. Lemaître,
n'avaient pas trop mal réussies (') ; les contours et tous les dé-
tails, même les travaux fins, étaient reproduits avec exactitude,
mais ce qui leur manquait encore , c'était l'effet et la véritable
valeur de chaque teinte : le ciel de l'tin des paysages ofirait une
teinte qui paraissait le résultat de la gravure à l'aqua-tinta;
dans le portrait toutes les tailles étaient bien marquées, surtout
celles des demi-teintes ; les taDles des ombres étaient confon-
dues, et celles des fonds arrondies, au lieu d'être de vive-arête;
cependant les épreuves sur papier, tirées de ces planches avec
avantages. D'abord les jeunes gens n'ignoreront plus aucun de ces travaux; car les
traités ne suffisent pas, il faut examiner et voir pour comparer et juger; ce serait
ensuite un moyen de plus pour développer l'intelligence de la jeunesse; et puis, les
parents auraient plus de facilité dans le choix d'une vocation à donner à leurs en-
fants. Je ne sais pas ce qui se passe sous ce rapport dans les autres pays, mais dans
quelques* parties de la Suisse, notamment à Bâle et à Zurich, on a l'habitude de
condaire de temps en temps les écoliers dans les ateliers pour leur montrer toutes
les manipulations. C'est un exemple à suivre pins généralement. H. H.
(1) Voyez Correspondance entre Joseph-Nicéphore Niepce, à Gh&lons, et M. Le-
maitre. graveur à Paris, dans le journal La Lumière, 1851, n* 1 à 9. — Lettre du
23 janvier 18i7.
(2) Lettre du 2 fév. 1SS7.
(3) Lettres du 7 févr.,des 5 et i7 mars \9gl.
400
beaucoup de soia et sons les yeux de M. Lemaltre, donnèrent
on résultat assez satisfaisant
Niepce attribuait les défectuosités de ces planches à la fragi-
lité du Yemis appliqué en couche trop mince, à la divergence
des rayons lumineux , et à la résistance plus ou moins grande
qu^fls éprouvent dans leur transmission; il supposait que cet
inconvénient n'existerait plus, s'il lui était possible de rem-
placer par l'emploi du mégascope les procédés dont U se servait
pour la copie des gravures ; alors, et dans la supposition de la
réussite la plus favorable, le résultat de l'opération serait tel
qu'on pourrait se passer de l'art de la gravure, et qu'alors l'of-
fice de la main se réduirait à verser l'acide sur la planche , qui
se trouverait attaquée et creusée dans le rapport de dégradcL-
tUm des teintes (*). « S'il en était autrement, dit-il, je devrais
désespérer de fixer l'image des objets représentés dans la cham-
bre noire, qu'on peut regarder comme le beau idéal du laois,
étant tous composés de nuances extrêmement délicates. Cepen-
dant mon procédé est susceptible de les retenir et de les expri-
mer avec une grande fidélité. »
Niepce ne se faisait point iUusion sur la réussite de ces gra-
vures, et il sentait effectivement quelle serait la témérité de
l'entreprise comparée à l'insuffisance de ses moyens , dépourvu
qu'il était des ressources en bons conseils, et surtout de con-
naissances pratiques dans la gravure. Mais, pensa-t-il , s'il fiJ-
lait renoncer à l'avantage de multiplier les épreuves par le
moyen de la gravure, on aurait du moins celui de se procurer
une copie exacte et inaltérable de la nature par ce même
procédé. Niepce se proposait alors de graver des points de vue
éPcLprès nature à Vaide de la chambre noire perfectionnée. Les
expériences de ce genre, faites précédemment et depuis 1824
déjà, lui faisaient augurer un heureux résultat (*). Voici com-
ment il procédait : Sur une planche de plaqué ou cuivre argenté
il appliquait une couche de bitume de Judée ; la planche ainsi
recouverte était placée dans la chambre noire et l'on faisait
tomber à sa surface l'image transmise par la lentille de l'instru-
<1) LeUredul6févr. 1827.
(i) UttTQduSféTr.iSÏ?,
401
ment. Au bout d'un temps assez long la lumière avait agi sur
la surface sensible. En plongeant alors la planche dans un mé-
lange composé de 9 parties de pétrole contre une d'essence
de lavande , les parties de l'enduit bitumineux que la lumière
avait frappées restaient intactes, les autres se dissolvaient ra-
pidement.. On obtenait donc ainsi un dessin dans lequel les
clairs correspondaient aux clairs et les ombres aux ombres; les
dairs étaient formés par l'enduit blanchâtre de bitume, les om-
bres par les parties polies et dénudées du métal; les demi-
teintes, par les portions du vernis sur lesquelles le dissolvant
avait partiellement agL Ces dessins métalliques étaient donc
directes, mais n'avaient qu'une médiocre vigueur.
Niepce essaya de les renforcer en exposant la planche à l'é-
vaporation spontanée de Fiode ou aux vapeurs émanées du
sulAire de potasse, dans la vue de produire un fond noir, sur
lequel les traits se détacheraient avec plus de fermeté ; mais il
ne réussit qu'incomplètement.
Quoique le problème photographique fut résolu dans son
principe, ce procédé avait un inconvénient capital, c'était le
temps considérable qu'il exigeait pour l'impression lumineuse.
Le bitume de Judée est une substance qui ne s'impressionne
qu'avec une lenteur extrême; il ne fallait pas moins de 10
heures d'exposition pour produire un dessin, et le modèle su-
bissait naturellement des changements d'éclairage pendant ce
laps de temps (*). Pendant quelque temps Niepce fut inter-
rompu dans ses travaux par un voyage qu'il fut forcé de faire
en Angleterre, oîi il avait un frère dangereusement malade ; il
y fit bientôt la connaissance d'un membre de la Société royale
de Londres, M. Francis Bauer, à qui il apprit qu'il avait fait
l'importante et intéressante découverte de fixer d'une manière
permanente l'image de tout objet par l'action spontanée de la
lumière, et il lui montra plusieurs spécimens très-intéressants,
tant d'images fixées sur des planches d'étain poli, que des
impressions faites sur le papier d'après ces planches préparées
(1) M. L. Figuier déjà cité ; voyez aussi: Considérations sur la photographie au
point de vue abstrait, présentées à l'Académie des Sciences, le 28 août. 1854, par M.
E. Ghevreul.
402
par son procédé chimique. Niepce désirait que sa découverte
f&t connue de la Société royale de Londres, et il écrivit à cet
effet un mémoire daté du 8 décembre 1827, qu'A remit à quel-
ques-uns des membres les plus influents de cette Société, en y
joignant plusieurs spécimens de ses produits. Mais comme Niepce
ne voulut pas expliquer son secret , le mémoire et tous les spé-
cimens lui furent rendus , après avoir été exposés et examinés
pendant plusieurs semaines, et le siget ne fut plus jamais pré-
senté à la Société (').
Avant de quitter l'Angleterre, Niepce fit hommage à M. Francis
Bauer de plusieiu*s spécimens de son art nouvellement décou-
vert; l'un d'eux fiit sa première expérience heureuse pour fixer
l'image de la nature ; une autre planche préparée avec ce qu'il
appelait le procédé chimique pour agir sur une planche de cuivre,
comme une gravure à l'eau-forte, et pour prendre des impressions
de la même planche (*).
Revenu dans sa patrie, Niepce reprit ses travaux avec une
nouvelle ardeur, mais il renonça à la copie des gravures, et se
borna à celle des points de vue pris avec la chambre obscure
perfectionnée de WoUaston. Les verres périscopiques lui pro-
curaient des résultats bien supérieurs à ceux qu'il avait obtenus
jusqu'alors avec des objectifs ordinaires , et même avec le prisme
ménisque de V. Chevalier. Son unique but désormais devait être
de copier la nature avec la plus grande fidélité, et ce fiit à cela
qu'il s'attacha exclusivement; « car, dit-il, ce n'est que lorsque
j'y serai parvenu (si toutefois il n'y a pas trop de témérité de
ma part dans cette supposition ), que je pourrai m'occuper sé-
rieusement des différents modes d'application dont mon procédé
peut être susceptible (') »
Nous avons déjà dit comment Niepce procédait pour arriver
à ce résultat et nous avons signalé les inconvénients.
Niepce ne l'ignorait point; mais il attribuait à l'action trop
(1) Lettre adressée le 27 fév. 1839 au rédacteur de la Giazette de littérature de
Londres, par M. Francis Bauer. F. R. S. membre de la Société royale de Londres.
— Lumière. 1851 , n*i.
(2) Lettre de M. Bauer, déjà citée.
(8) Correspondance entre Niepce et Lcmaitre, lettre du 20 août ldi8.
408
prolongée de la hunière l'une des défectuosités les plus cho-
quantes de ses planches : « Malheureusement, écrivait-il en 1828
à M. Lemaitre, il ne m'est pas possible de l'éviter avec un ap-
pareil dans lequel les devants sont si peu éclairés, qu'il faut
un temps considérable pour qu'ils puissent s'empreindre, même
légèrement; de là ces disparates et cette confusion produites
par le changement de direction, tantôt oblique et tantôt opposée,
des rayons solaires. Pour parvenir à un succès décisif, il est
indispensable que l'effet ait lieu le plus promptement possible ;
or, il faudrait pour cela une chambre noire aussi parfaite que
celle de M. Daguerre Je me suis donc empressé de répondre
à ses offres obligeantes de service, en lui proposant de coopé-
rer avec moi au perfectionnement de mes procédés héliogra-
phiques et de s'associer aux avantages qui résulteraient d'une
complète réussite ('). »
Louis-Mandé Daguerre (*), dont il est question dans cette let-
tre de Niepce, était un peintre habile à Paris , qui avait surtout
fondé sa réputation par l'invention du Diorama, et que ses
études si spéciales sur le jeu et les combinaisons de la lumière
avaient également amené à entreprendre de fixer les images
de la chambre obscure. Toutefois, malgré des recherches per-
sévérantes, il est certain qu'il n'avait encore rien trouvé lors-
qu'il apprit par hasard que M. Niepce avait résolu ce difficile
problème.
En 1826 déjà Daguerre s'était adressé à Niepce pour lui
annoncer que depuis fort longtemps il s'occupait du même
objet que lui; il demandait à ce dernier s'il avait été plus heu-
reux que lui dans ses résultats, et s'il croyait la chose possi-
ble ('). Une année après , Daguerre écrivait de nouveau, avan-
çant qu'il avait déjà obtenu des résultats très-étonnants , cepen-
dant ît doutait de la possibilité d'être entièrement satisfit des
ombres par ce procédé de gravure de Niepce, ce qui Itd faisait
tenter des recherches dans une autre application , tenant plutôt
à la perfection qi^à la multiplicité (*).
(i) Lettre du 35 octobre 1829.
(2) Louis-Jacques-Mandé Daguerre, oé à Gormeil-en-Parisis. le 18 aovembre 1187.
mourut à Brie le iO avril 1851.
(3) Lettre du 2 févr. 1827.
(4)Utiredii9févr.l8a7..
404
Un peu plus tard, en avrfl 1827, "Niepoe reçdt de l^gwa»
«m petit dessin élégamment encadré, fait i la sépia et tenniné
à l'aide de son procédé. Ce dessin, qui représentait on intérieur,
produisait beaucoup d'effet, mais il était difficile de déterminer
ce qui était uniquement le résultat de l'application du procédé,
puisque le pinceau y était intervenu. Ce genre de dessin fut ap-
pelé par Daguerre , qui en était l'auteur , deasinrfumée , et se
vendait chez Alphonse Giroux à Paris (*).
Niepce, pensant qu'une prévenance en vaut une antre, et vou-
lant répondre au désir que Daguerre avait témoigné (*) , lui
envoya une planche d'étain représentant la Sainte Fnmiâe, lé-
gèrement gravée d'après les procédés héliographiques, en l'invi-
tant en même temps (s'il n'y a pas indiscrétion de sa part) à lui
£ure conni^tre le résultat de ses expériences à l'aide de la
chambre noire perfectionnée, et eu lui offirant la réciprocité C).
Daguerre n'envoyait rien; sa critique paraissait impartiale,
mais sévère, ce qui décida Niepce à renoncer à la gravure, et
à se livrer à une autre applicati<m qui n'exige&t pas l'emploi
des acides, c'est-à-dire à la copie héliographique seule (^).
Lorsqu'en 1827 Niepce , venant d'Angleterre , passa à Paris,
il y vit Daguerre, mais aucun produit de ses recherches. Celui-
ci lui témoigna alors, et même encore après son retour, le dé-
sir réitéré de connaître le résultat de ses nouvelles recherches
hcliographiques. Niepce lui adressa donc en octobre 1829 encore
un essai, mais sur argent plaqué, d'un point de vne d'après na-
ture, pris dans la chambre noire (<^).
Ces divers rapports et communications, et surtout de la part de
Daguerre l'assurance, quoique sans effet, d'avoir découvert de
son côté un procédé pour la fixation des images de la chambre
noire, procédé tout différent de cdui de Niepce, et gui avait même
sur hd un degré de supériorité, séduisirent Niepce et eurent pour
suite une association provoquée par Daguerre et désirée par
(i) LeUredu3avriHS27.
(2) Lettre du 4 juin 1897.
(3) Uttre du 4 juin 1827.
(4) Uttre du 34 juillet lân.
(5) Lettre du 4 octobre 1829.
405
N^iei»» âaa» PinléFèt de sa déconverte. Ce traité fat conclu entre
etUB à Chinons, le 14 décembre 1829, et Niepee communiqua ea^
sffite à son associé tous les faits relatifs à ses procédés héliogra»
phiques.
]>agu«rre, en perfectionnant le procédé, remplaça le bitume de
Judée par la résine que Ton obtient en distillant l'essence de la^
?ande, matière qui jouit dune certaine sensibilité lumineuse.
Avant de laver la plaque dans une huile essentielle, il l'exposait à
l'action de la vapeur fourme par cette essence à la température
ordinaire. Cette modification du procédé Niepee ne diminua que
faiblement la durée de l'exposition dans la chambre noire ; 7 à 8
heures étaient encore nécessaires pour obtenir une vue.
Le hasard amena les inventeurs à substituer aux substances ré-
smeuees l'iode, qui' donne aux plaques d'argent une sensibiMté ex-
quise. Ce fut le premier pas vers l'entière solution d'un problème
qmaivait déjà coûté vingt ans de recherches assidues.
Mais il n'était pas réservé à l'inventeur de voir s'aceomplb: le
tnoQ^he définitif de son inveation. Ni^ce, alors âgé de 68 ans,
mourut pauvre et ignoré à Chàlons, le 5 jaQlet 1833 (>)•
Cmq ans après la mort de Niepee, Daguerre avait combkié et
formulé la méthode admirable qui immortalisera son< nom.
.^insi donc Joseph-Nicéphore Niepee est l'inventeur de l'hé-
liographie sur-des planches métalliques, et Louis-Mandé Daguerre
a;perféctioiuBé les pi^océdés de Niepee, et imaginé dans son en^
semble la méthode générale actuellement en usage.
Avant de parler de la daguerréotypie, on nous* permettra de
menlioimer 1«8 reohercliet faites antériettremeikt et
postérieuremeni à cette découTerte^ et de dire quel-
ques mots sur l'instrument principsd employé dans cet art , la
obambre o¥8oure>
On prétend qu'on connaissait déjà dans le XM* siècle, du temps
de Roger Bacon, la chambre obscure, et qu'en 1540, Erasme
ReiiÀoId de Saalfeld s'en était servi pour observer une éctipse de
(1) Il était né le 7 mars 4765. Voyez M. Figuier, déjà cité, et la Biographie de Ni-
céphore Niepee par M. Francis Wey : Lumière, 18^1, p. 86.
406
Bolefl. Trois savants italiens, un bénédictin du nom de Oapniitîo,Léa>
nard de Vinci, le doyen des peintres de la renaissance, et on phy-
sicien napolitain, Jean-Baptiste Porta, avaient également reconnu,
chacun de son côté, qu'en perçant un petit trou dans le volet de
la fenêtre d'une chambre bien close , tous les objets extérieurs
dont les rayons peuvent atteindre le trou vont se peindre sur le
mur de la chambre qui lui fait face, avec des dimensions réduites
ou agrandies, selon les distances, avec des formes et des situations
relatives, exactes, mais renversées , enfin avec les couleurs na-
turelles. Porta découvrit bientôt que le trou n'a nullement be-
soin d'être petit, qu'il peut avoir une largeur quelconque, pourvu
qu'on lui adapte une lentille.
Les images produites par l'intermédiaire du trou ont peu d'in>
tensité ; les autres brillent d'un éclat proportionnel à l'étendue
superficielle de la lentille qui les engendre.
Les premières ne sont jamais exempts de confusion ; les ima-
ges des lentilles, au contraire, quand on les reçoit exactement
au foyer, ont des contours d'une grande netteté. Cette netteté est
devenue vraiment étonnante depuk qu'aux lentilles simples, com-
posées d'une seule espèce de verre et possédant dès lors autant
de foyers distincts qu'il y a de couleurs différentes dans la lu-
mière blanche, on a pu substituer des lentilles achromatiques qui
réunissent tous les rayons possibles en un seul foyer, depuis
surtout que l'on a adopté la forme périscopique , inventée par
Wollaston.
Porta fit construire des chambres noires portatives. Chacune
d'elles était composée d'un tuyau plus ou moins long, armé d'une
lentille; l'écran blanchâtre, en papier ou en carton, sur lequel
les images allaient se peindre , occupait le foyer. Le physicien
napoUtain destinait ses petits appareils aux personnes qui ne
savent pas dessiner. Pour obtenir des vues par&itement exactes,
il proposait de suivre avec la pointe d'un crayon les contours de
l'image focale.
€ Il n'est personne, dit M. Ârago ('), qui, après avoir remarqué
la netteté de contours, la vérité de formes et de couleurs, la dé-
(1) Rapport de M. Arago fait à rAGadémie des sciences, le 3 juillet i839.
407
gradation exacte de teintes qu'offi-ent les images engendrées par
cet instrument, n'ait vivement regretté qu'elles ne se conservas-
sent pas d'elles-mêmes, et n'ait appelé de ses vœux la découverte
d'un moyen efficace de les fixer sur l'écran focal. »
Nous ne pouvons que succinctement mentionner les travaux qui
furent faits pour la réalisation de ce problème, en citant seule-
ment les recherches qui ont un rapport direct à' la photographie.
Les alchimistes réussirent jadis à unir l'argent à l'acide extrait
du sel marin: le produit de la combinaison était un sel blanc,
qu'ils appelèrent lune ou argent corné, et qui n'était que du chlo-
rure d'argent. Ce sel jouit de la propriété remarquable de noircir
à la lumière d'autant plus vite que les rayons qui les frappent
sont plus vifs.
Cette propriété du chlorure d'argent, découverte en 1565,
cette action bien constatée de la lumière laissant sur un fond
préparé une coloration véritable, sont les premiers éléments de
la photographie (*).
On doit à Scheele, vers le milieu du XYIII* siècle, la décou-
verte et l'analyse des rayons chimiques. En 1802, Eitter en Al-
lemagne et WoUaston en Angleterre, reprirent chacun de son
côté l'étude du spectre solaire à l'aide du chlorure d'argent.
C'est à Wedgewood, comme nous le verrons plus loin, qu'ap-
partient la pensée de la photographie. Nous avons montré que
les premiers succès dignes de fixer l'attention furent obtenus
par Nicéphore Niepce, et que Daguerre a résolu de la manière
la plus parfaite le problème merveilleux de la fixation des ima-
ges formées au foyer des lentilles.
Les travaux de M. Moser, de Kœnigsberg, sur le procédé de
la vision, sur les effets de la lumière sur tous les corps, et ses
célèbres images ont fait faire un pas de géant à la science et
ouvert un nouveau et vaste champ aux recherches scientifiques.
Quelques conclusions du célèbre professeur montreront l'im-
portance de ces études.
« Toute surface touchée par un corps quelconque acquiert la
&calté de reproduire l'image de ce corps par la condensation
ii) Répertoire d'optique moderoe. par Tabbé Moigno, Paris, 1850, t. II, p. 003-694,
J
408
d'une vapeur quelconque, arec adhésion on combinaison chi-
mique.
€ La lumière agit sur toutes les substances, et Ton peut met-
tre son action en évidence à l'aide d'une vapeur quelconque qui
adhère à la substance ou exerce sur elle une action chimique.
La découverte de Daguerre est un cas très*particnlier de cette
proposition générale.
« Le contact, l'action des vapeurs et la lumière produisent,
quoique à différents degrés suivant les circonstances, les mê-
mes effets sur toutes les substances, en modifiant leur affinité
pour les vapeurs, ou en leur donnant la fitculté de les conden-
ser. Aux trois grandes causes de formation d'images que nous
avions d'abord énumérées: le contact. Faction des vapeurs, Pîn-
flnsnce de la lumière, il faut en joindre une quatrième plmi nni-
versellement agissante, le rayonnement propre de tous les corps
de la nature.
« Deux corps quelconques mis en présence et suffisamment
rapprochés impriment l'un sur l'autre leur image, etc., etc. »
Aux travaux de M. Moser se lient ceux de MM. Waidle et
Fîzeau ; — les reproductions en creux, telles que cachets, plan-
ches gravées sur cuivre, cuivre plaqué et laiton , au moyen de
la chaleur, ou images thermographiques de M. Knorr à Easan,
et d€ M. Hunt en Angleterre, 1842; — les images hydrographi-
ques obtenues par le souffle de l'haleine, par M. Bertot; — les
images produites par MM. Morer, Manon, Kursten; — les ima-
ges atmo-électriques et électrographiques de M. Pierre Riess,
de Berlin, en 1845; — et enfin les recherches remarquables
sur la théorie de la formation des images daguerricnnes par M.
Dumas , par MM. Choiselet, Ratel, Fyfe, Arago, Gandin, Oau-
det et d'autres.
DAGUERRÉOTPYIE
Le public eut connaissance pour la première fus de la dé-
coofvtsrte de Niepce et de Daguerre par le rapport officiel qu'en
fit M. Arago dans la séance de l'Académie des sciences du 7
janvier 1839. — Le 19 août 1839 il put communiquer les pro-
cédés de Daguerre.
m
. ProoédéUf etc. Les images daguerriennes se forment à la
sm*£Eu;e d'une lame de plaqué ou cuivre recouvert d'argent («).
On expose pendant quelques minutes une lame de plaqué aux
vapeurs spontanément dégagées par Tiode à la température or-
dinaire ; elle se recouvre d'une légère couche d'iodure d'argent,
et le mince voile , ainsi formé , présente une surface éminem-
ment sensible à l'impression des rayons lumineux. La plaque io-
dée est placée alors au foyer de la chambre noire , et l'on fait
arriver à sa surÊice l'image formée par la lentille de l'instru-
ment. La lumière a la propriété de décomposer l'iodure d'ar-
gent; par conséquent, les parties vivement éclairées de Timage
décomposent , en ces points , l'iodure d'argent ; les parties ob-
scures restent, au contraire, sans action; enfin les espaces cor-
respondant aux demi-teintes se rapprochent davantage des om-
bres ou des clairs. Quand on la retire de la chambre obscure,
la plaque ne représente encore aucune empreinte visible ; elle
conserve uniformément sa teinte jaune d'or. Pour faire apparaî-
tre l'image , une autre opération est nécessaire : la plaque doit
être exposée à la vapeur du mercure. On la pose donc dans une
petite boite, et Ton chauffe légèrement du mercure liquide qui
se trouve dans un réservoir à la partie inférieure de la boite ;
les vapeurs du mercure se dégagent bientôt et viennent se con-
denser sur le métal ; mais le mercure ne se dépose pas uni-
formément sur toute la surface métallique , et c'est précisément
cette condensation inégale qui donne naissance au dessin photo-
graphique. En effet, les gouttelettes de mercure viennent se con-
denser uniquement sur les parties que la lumière a frappées^
c'est-à-dire, sur les portions de l'iodure d'argent que les rayons
lumineux ont chimiquement décomposées; les parties restées
dans l'ombre ne se recouvrent pas de mercure. Le même effet se
produit pour les demi-teintes. Il résulte de là que les parties
éclairées sont accusées sur la plaque par un vernis brillant de
mefrcure , et les ombres par la surface même de l'argent non
impressionnée. Pour les personnes, ajoute M. Figuier, qui as-
(i) Pi^er déjà cité; L'Echo do monde savant, 9 Janvier 1839. p. 402, 16 janvier,
p. 404, 13 févr. p. 412. etc.
18
410
sistent pour la première fois à cette corieuse partie des opéra-
tions photographiques, c'est là un spectacle étrange et véritable-
ment merveilleux. Sur cette plaque, qui ne présente aucun trait,
aucun dessin, aucun aspect \isible , on voit tout à coup se dé-
gager une image d'une perfection sans pareille, comme si quel-
que divin artiste la traçait de son invisible pinceau.
Cependant tout n'est pas fini; la plaque est encore imprégnée
d'iodure d'argent, et si on l'abandonnait à elle-même en cet
état, l'iodure continuant à noircir sous l'influence de la lumière
ambiante, tout le dessin serait détruit. Il faut donc débarrasser
la plaque de cet iodure. On y parvient en la plongeant dans une
dissolution d'un sel ( l'hyposulfite de soude ) qui a la propriété
de dissoudre l'iodure d'argent Après ce lavage, l'épreuve peut
être exposée sans aucim risque à l'action de la lumière la plus
intense. On voit en définitive que dans les épreuves daguerrien-
nes l'image est formée par un mince voile de mercure déposé
sur une surface d'argent Les reflets brillants du mercure repré-
sentant les clairs, les ombres sont produites par le bruni de l'ar-
gent; Topposition, la réflexion inégale de la teinte de ces deux
métaux suffisent pour produire les eflets du dessin.
Suivant M. Chevreul (% l'image daguerrienne correspond aux
dessins des étoffes de soie composées de Varmure saUn et de
VcMrmt^e ixiffeias. Lorsque l'œil n'est pas placé de manière à voir
le satin en clair, l'image du taffetas lui apparaît en clair sur un
fond foncé ; c'est l'inverse, s'il reçoit la lumière réfléchie spécu-
lairement sur le satin.
Donc les opérations pour les plaques daguerriennes se résu-
ment en 7 points:
1* Décaper et polir la plaque.
2** loder cette plaque bien également
3** La soumettre à l'action des substances accélératrices, pour
augmenter la sensibilité de la couche d'iodure d'argent — Sub-
stances accélératrices diverses: Iode simple, 8 à 10 minutes;
chlorure d'iode inventé par Claudet, 10 à 50 secondes; eau bro-
mée de M. Fizeau, liqueur invariable inventée par Thierry, 2 à 20
(1) Considérations sur la photographie , etc. présentées à rAcadémie, le 98 août
18&4, par M. E. GheTrenl.
411
secondes; bromure d'iode à effets constants, de M. de Valli-
coart, la liqneur hongroise, la liqneur allemande on de Reiser^
bromnre d'iode de Gandin, 5 à 20 secondes ; les eanx bromées
de Mittleton, de Brébisson, de Foucanlt et le chlorure de souf-
fre des frères Nattier sont les plus puissantes substances.
4* Exposer la plaque à Faction de la lumière , la mise au
point ; — l'objet doit toujours être parallèle au plan du modèle.
5"* Faire paraître l'image en exposant la plaque aux vapeurs
de mercure.
6* Laver la plaque impressionnée avec de l'eau saturée de sel
marin ou mieux avec une dissolution faible d'hyposulfite de
soude.
?• Fixer l'image au moyen de chlorure d^r, pour faire dis-
paraître le miroitage.
Tel est l'ensemble des opérations dans le procédé imaginé par
Daguerre. Daguerre a eu le mérite d'avoir substitué (de 1835
à 1837) l'iodure d'argent au bitume de Judée. Cependant Niepce
lui avait déjà indiqué l'action de l'iode sur l'argent, et l'em-
ploi qu'il en faisait pour renforcer les ombres des iiÉages pro-
duites sur le bitume. L'emploi de l'iodure d'argent, beaucoup
plus sensible que ne l'est lé bitume de Judée, rendait l'impres-
sion de l'image de 60 à 80 fois plus rapide que dans le procédé -
de Niepce.
En recevanf des Chambres une récompense nationale, Da-
gnerre s'était engagé à rendre publiques toutes ses nouvelles con-
quêtes. D avait déclaré qu'il serait impossible de représenter la
nature vivante; mais la publicité donnée à son procédé le met-
tait entre les mains de tous, et le public le rendit simple, facile
et tellement prompt qu'on l'appliqua presque exclusivement
an portrait En perfectionnant les procédés, on chercha d'abord
à diminuer la durée de l'exposition de la plaque métallique dans la
chambre obscure , et ce fut surtout M. Ch. Chevalier qui arriva
à la réduire à 2 ou 3 minutes, par l'emploi d'un double objec-
tif achromatique , pour doubler la puissance de l'instrument.
Cependant ce perfectionnement ne fut complété que lorsque
M. A. Claudet, artiste français à Londres, en 1841, eut découvert
des substances accélératrices qui, appliquées sur une plaque io-
élu
dée, communiquent à l'iode la propriété de s'impressionner en
très-pen de temps. On a pu ainsi obtenir des épreuves irrépro-
chables dans une demi-seconde et même dans un quart de se-
conde. M. Claudet a fait le premier l'application successive de
l'iode et du chlorure d'iode sur les plaques daguerriennes (*).
Après la découverte des substances accélératrices, le perfec-
tionnement le plus important qu'ait reçu la daguerréotypie con-
siste dans la fixation des épreuves et dans l'absence du miroi-
tement métallique que présentaient les images daguerriennes. M.
Fizeau présenta à l'Académie des sciences^ en 1840, des procé-
dés qui faisaient disparaître tous ces inconvénients à la fois, et
qui consistent à recouvrir l'épreuve daguerrienne d'une légère
couche d'or, obtenue par une dissolution de chlorure d'or mê-
lée à de l'hyposuMte de soude légèrement chauffée. Ce dorage
bannit presque entièrement le miroitage et communique à ré-
preuve une grande solidité, c'est-à-dire une résistance complète
au frottement et à toutes les actions extérieures.
OraTor» des dayaeiréotjpes^ L'idée de multiplier les
images daguerriennes, soit par la gravure , soit par tout autre
moyen, a toujours préoccupé un grand nombre de personnes.
Le but que s'était proposé Kicéphore Niepce , en faisant ses
recherches héliographiques , fut principalement la gravure ; il
désirait créer une branche nouvelle dans les arts graphiques, ser-
vant à multiplier par l'impression; il cherchait à livrer des plan-
ches métalliques sur lesquelles la lumière seule produirait le
dessin, qu'il suffirait ensuite d'attaquer par un acide, pour le
creuser et rendre les planches propres au tirage d'épreuves sur
papier. U avait réussi aussi bien qu'il était possible avec un pro-
cédé photographique encore imparfait, et avec des connaissances
insuffisantes dans la gravure. Plus tard il abandonna la gravure,
et ne s'appliqua, ainsi que Daguerre et la plupart de leurs suc-
cesseurs, qu'au perfectionnement des procédés héliographiques.
M. le docteur Donné (') est le premier qui ait de nouveau (en
1840) essayé de transformer les plaques daguerriennes en plan-
Ci) Lumière, 1854, n* 27.
(2) Académie des sciences ; séances du 16 septembre iS3Q, et du 6 avril i840.
418
ches à pHSàgè des graveur». H reconnat que Feau-forte étendoè
de 4 parties d'eau attaque les parties noires de Fimage daguer-
rienne sans àhérer les parties blanches, ou, en d'autres ter-
mes^ dissout l'argent de la plaque sans toucher au mercure.
Lorsqu'on laisse réagir Feau-forte quelques minutes, et qu'on
juge la morsure suffisante, on lave la plaque à grande eau, et
l'on enlève la marge de vernis de graveur dont on l'a entourée.
La planche daguerrienne ainsi gravée en creux peut être im-
médiatement encrée, et servir àFimpression sous la presse en
taille-douce. Mais l'argent pur est un métal trop mou pour
suffire à un grand tirage; après quarante épreuves la planche
est épuisée. La gravure était d'ailleurs fort imparfaite.
Déjà en novembre 1840 , le docteur Erasner avait tenté de
reproduire les épreuves daguerriennes au moyen de la galvano-
plastie.
M. le docteur Berres, à Vienne (Autriche) (*), avait également
découvert un procédé qui devait rendre les plaques daguerrien-
nes susceptibles de remplacer dans tous les cas les gravures sur
cuivre ou acier, et de fournir des copies aussi nombreuses que
les planches gravées ordinaires. La méthode du docteur Berres
peut se diviser en deux procédés : celui de fixer le dessin , et
celui de changer ce dessin une fois fixé d'une manière perma-
nente en une gravure sur la plaque, et il se base sur les consi-
dérations suivantes: 1** Avec les plaques de cuivre dont on se
sert à présent dans le daguerréotype , qu peut fixer l'image
d'une manière permanente, mais il est impossible de s'en servir
pour en imprimer des copies ou d'en faire des gravures. 2* Pour
la gravure de l'épreuve duguerrienne , il est nécessaire que l'i-
mage ait une certaine intensité sur la plaque d'argent pur.
3" La gravure de l'épreuve daguerrienne se produit sans l'in-
fluence de Facide nitrique, et pour fixer d'une manière perma-
nente cette épreuve , il faut un pouvoir galvanique; car , pour
changer une de ces épreuves en une gravure métàttique aussi
profonde que dans les procédés ordinaires, les moyens chimi-
(1) Voyez l'annonce du docteur Berres dans la Gazette de Vienne du 18 avril
1840. et L'Écho du moBde savant, iO juin 4840.
414
ques ordinaires employés dans Part dn graveur sont
sants.
M. W.-B. Orove de Londres, en 1841 ('), est parvenu à grayer
les images daguerriennes au moyen d'un simple courant élec-
trique. «Ce procédé, au moyen duquel la nature seul accomplit tout
le travail; » consiste à faire que l'image daguerrienne soit l'anode
d'une combinaison voltalque dans une solution qui, par elle-même,
n'attaquera pas l'argent ou le mercure , mais dont l'anion , lors-
qu'elle aura été électrolysée, attaquera ces métaux inégalement
Ainsi M. Grove s'est servi de la planche daguerrienne comme
anode attachée au pôle positif de la pile , et plongée dans un
acide faible , l'acide hydrochlorique étendu d'eau , qui attaque
le mercure et respecte l'argent Lorsque la plaque ainsi traitée
a été enlevée de l'adde, on la rince à l'eau distillée ; et si l'ar-
gent est bien homogène , le dessin original aura pris une belle
couleur de terre de Sienne, produite par des molécules de Foxy-
chlorure qui s'est formé. On place alors l'épreuve sur un plat
contenant une solution très-faible d'ammoniaque , et on frotte
doucement la surface avec du coton .bien doux , jusqu'à ce que
le dépôt soit dissous. Aussitôt que cela est effectué, on enlève
la plaque, on la plonge dans de l'eau distillée, et on la sèche
avec soin. L'opération est alors terminée , et l'on a obtenu une
gravure parfaite du dessin original Quand on imprime avec cette
plaque , on obtient une épreuve positive, c'est-à-dire dont les
lumières et les ombres sont disposées comme dans la nature.
Sons ce rapport, cette épreuve est plus correcte que l'image
daguerrienne, car elle n'est pas renversée. Les caractères d'impri-
merie sont dans leur position normale, ainsi que la droite et la
gauche de la figure, lorsqu'on opère sur un portrait Toutefois,
la gravure des épreuves daguerriennes offire une difficulté insur-
montable. Si les plaques sont gravées assez profondément pour
donner une bonne épreuve, quelques-unes des lignes les plus
délicates de l'original se confondront nécessairement , et la
beauté principale de ces admirables dessins sera détruite. Mais
si, au contraire, on n'a continué l'opération que pendant le temps
(1) Proceedings of the electrical Society ; vol. I, p. 94 i 17 août 184i.
416
nécessaire «pour produire la gravure exacte de l'épreuve, ce
qu'on peut faire du reste avec la plus grande perfection, le
nettoyage que rimprimeur lui fait subir suffit pour en détruire
la beauté, et Ton n'obtient qu'une épreuve très-imparfaite , les
molécules de l'encre d'imprimeur étant plus grossières que la
profondeur du trait gravé.
L'avantage le plus important de ce procédé , c'est d'offrir le
moyen de multiplier indéfiniment les images daguerriennes par
la galvanoplastie. Une image daguerrienne ordinaire, quand on
la soumet au procédé galvanoplastique , laisse une bien faible
impression , et , en la traitant ainsi , elle est entièrement dé-
truite. L'impression ne peut donc pas être continuée longtemps
sur cette plaque, tandis qu'une plaque gravée, comme il vient
d^être dit, à l'anode voltaïque, admet le tirage d'un grand nom-
bre d'épreuves. C'est un nouvel art , dit M. Grove , dans lequel,
au lieu d'une plaque dessinée par un artiste , et gravée au burin
par un graveur habile, on a une plaque dessinée par la lumière,
et gravée par l'électricité.
M. A. Fizeau (1" mars 1841) avait mis sous les yeux de
l'Académie des sciences (*) des épreuves sur papier obtenues
par l'application des procédés de l'impression en taille-douce
à une plaque daguerrienne, gravée par des agents chimiques,
sans le concours d'aucun travail d'artiste. Dès le mois de juillet
1842 il avait montré à plusieurs personnes, et déposé dans quel-
ques collections des épreuves résultant de ses premiers essais.
Le problème consiste à traiter les images daguerriennes par
un agent qui creuse les parties noires sans altérer les parties
blanches du dessin; en d'autres termes ^ qui attaque l'argent
en présence du mercure , sans altérer ce dernier. Voici com-
ment il procède : Lorsqu'on soumet une image daguerrienne
dont la surface est bien pure à l'action d'un mélange d'acide
nitrique, d'acide nitreux et d'acide chlorhydrique (ces deux der-
niers pouvant être remplacés par du nitrate de potasse et du
sel marin), surtout à chaud, alors les parties blanches ne sont
pas altérées , tandis que les parties noires sont attaquées avec
(1) Séance du 13 févr. 1843.
416
fbrQiation de chlorure d'argent adhérent, dont la couche inso-
luble arrête bientôt l'action de Facide. Une dissolution d'ammo-
niaque, employée alors , entraine cette couche de chlorure d'ar-
gent et permet de soumettre de nouveau la planche à l'action
du même acide, et augmenter la profondeur des parties noires.
En opérant ainsi en plusieurs fois, on parvient à transformer
la planche daguerrienne en une planche gravée d'une grande
perfection, mais généralement de peu de profondeur; de sorte
que les épreuves imprimées sur papier n'ont pas la vigueur con-
venable. A cette première opération il est donc nécessaire d'en
^jouter une seconde qui permet de creuser plus profondément
encore les parties noires de l'image. Cette seconde opération
consiste à dorer les parties saUlantes, ou les blancs de la plan-
che gravée, et à laisser l'argent à nu dans les creux, ce qui per-
met d'en augmenter la profondeur par l'action d'un simple dis-
solvant de l'argent Pour obtenir ce résultat , la planche gravée
peu profonde est graissée avec une huile siccative, de l'huile
de lin, puis essuyée à la manière des imprimeurs en taille-douce ;
de cette manière , l'huile reste dans les creux seulement , et y
forme un vernis qui ne tarde pas à sécher.
Dorant alors la planche par les procédés électro-chimiques,
on voit l'or se déposer sur toute la surface de la planche, excepté
dans les parties creuse3 protégées par le vernis d'huile de lin.
Après ce dorage , l'huile est enlevée avec de la potasse causti-
que. Il résulte de là que la planche gravée a toutes ses parties
saillantes protégées par une couche d'or, que ses parties creuses
au contraire présentent l'argent à nu. Il est dès lors facÏQe^ en
traitant la planche par l'acide nitrique, d'attaquer ces parties
creuses seulement, et d'en augmenter à volonté la profondeur.
Avant ce traitement par l'acide nitrique , la planche dorée est
couverte par ce que les graveurs appellent un grain de résine,
ce qui produit, dans le métal attaqué, ces nombreuses inéga-
lités que l'on appelle grain de la gravure.
H résulte de ces deux opérations principales que la planche
daguerrienne est transformée en une planche gravée, tout à fait
semblable aux planches gravées à l'aqua-tinta, et dès lors pT)u-
vant comme elles fournir par l'impression un nombre considéra-
417
ble d'épreuves Cependant, l'aient étant on métal pea dur, le
nombre des épreuves serait encore assez limité , si un màyea
très-simple ne permeUait pas de soustraire la planche photo-
graphique à l'usure déterminée par le travail de l'impression.
En effet, pour atteindre ce but, il suffit, avant de livrer la plan-
che It l'imprimeur, d'en cuivrer la surface par les procédée
électro-chimiques. De cette manière, il est évident que la cou-
che de cuivre supporte seule l'usure de l'impression. Lorsque
cette couche est itérée d'une manière notable, il est facile, &
t'aide d'un acide fiiible , de la dissoudre en totalité sans altérer
l'aident sur lequel elle repose; dès lors la planche peut être
cuivrée de nouveau, et se trouver ainsi dans te même état que
■i elle n'avait paa supporté le travail de l'impression. M. Fizeau
-a obtenn de cette manière des gravures ofirant beaucoup de qua-
lités.
Le procédé de M. Fizean, breveté, est la propriété de M. Le-
rebours. M. Hurlimann ('), graveur distingué , l'a mis en œuvre
avec une habileté étonnante, il a réglé les opérations avec beau-
coup de bonheur, et par de légères modifications il a rendu
le succès plus certain.
En 1852, U. Beuvière avait remarqué que si , au lieu de la-
ver la plaque daguerrienne avec fhTposutfate de soude , on la
place dans un luiin de sulfate de enivre, en la faisant commu-
niquer avec le pûle d'une pile voltai'qne, les parties modifiées
par la lumière, c'est-à-dire les noirs se recouvraient d'une cou-
che de cuivre métallique, tandis que les parties non modifiées
restaient absolument intactes ; ce qui revient à dire que l'iodure
et le bromure d'argent , une fois altérés par la lumière, devien-
nent conducteurs de l'électricité , tandis qu'auparavant ils ne
l'étaient nollement On a donc ainsi une plaque sur tar-
ies noirs sont dessinés par une coucbe mince de cuivre, .
que les blancs conservent leur couleur d'argent Pour ^
cette plaque ainsi préparée , M. Beuvière emploie le pr
de M. Poitevin (voyez plus haut), c'est-à-dire qu'après'
oxydé le cuivre et amalgamé la plaque , il la soumet à I'
(1) R«pertoire d'a|<Ui)iie nsderK par M. rabbé HMgBg. PatU. im. vol. Il
418
d'an adde , qui dissout l'oxyde de cuivre sans attaquer l'amal-
game d'argent
M. Charles Chevalier a fait, en 1841 (*) , une curieuse appli-
cation de la galvanoplastie pour multiplier ses épreuves daguer-
riennes. Si , mettant à profit les procédés de la galvanoplastie,
l'on soumet à l'action d'un faible courant électrique une dissolu-
tion de sulfate de cuivre où est plongée une image daguerrienne,
le cuivre provenant de la décomposition du sel se dépose peu
à peu sur toute la plaque, et , se moulant sur les faibles inéga-
lités de la surface, il donne naissance au bout d'un certain temps
(24 heures environ), à une planche de cuivre sur laquelle le des-
sin photographique se trouve reproduit avec un parfaite exacti-
tude. La fidélité de cette reproduction est telle , qu'on croirait, au
premier abord, que l'on a sous les yeux une épreuve photo-
gênée obtenue sur une plaque de cuivre ; peut-être même l'ef-
fet est-il plus harmonieux ; d'ailleurs l'épreuve est redressée.
Ce qu'il y a de remarquable , si l'opération est conduite avec
soin , c'est que la plaque daguerrienne originale qui a servi de
type à ce moulage, n'est point altérée et peut servir à de nou-
velles expériences. L'appareil galvanique dont s'est servi M.
Charles Chevalier pour la copie des plaques daguerriennes avait
été construit par M. Tito Puliti, de Florence, d'après quelques
indications de M. Jacobi de St-Pétersbourg ; et MM. Richoux
et de Kramer avaient secondé M. Chevalier dans ces expé-
riences.
M. le docteur Heller, de Vienne ("), était parvenu , en 1842,
à transformer les plaques daguerriennes en, gravures par une
méthode nouvelle de son invention. En traitant les images da-
guerriennes par les procédés ordinaires de la galvanoplastie,
mais dans un appareil particulier, il obtient une planche de
cuivre parfaitement unie et polie, mais qui of£te ceci de remar-
quable , c'est qu'elle ne porte aucune trace visible de l'image
photogénique, et qui a également disparu sur la plaque ar-
gentée ; l'image s'étant complètement alliée à la plaque de cui-
(1) L'Artiste, 7 février 1841.— Traité de la Galvanoplastie, par M. Smée: Manuel
Roret. Paris, 1843, p. 310.
Ci) Handbttchdcr Galvanoplastik von Dr. Ghr. H. Scbmidt, Leipz. 1847, p. 905.
419
vre. Pour dégager, et faire apparaître l'image sur la plaque de
cuivre, M. Heller emploie Fiocfe; il obtient ainsi une image
parfaite, qui est transformée alors, au bout de quelques minutes,
en une planche gravée, propre au tirage d'épreuves.
On a également essayé *de transporter les images daguer-
riennes sur pierre lithographique , pour les multiplier par Fim-
pression.
M. Boscawen-Ibbetson, de Londres (*), avait publié en 1840
des échantillons très-satisfaisant» d'une nouvelle application du
daguerréotype : ce sont des coquilles, des objets d'histoire natu-
relle grossis au microscope, des portraits tracés sur les planches
daguerréotypes par les procédés de Fauteur et avec les appa-
reils de Finstitut polytechnique de Londres , et dont les dessins
ont été transportés sur pierre, ce qui a permis d'en tirer des
épreuves fort nettes. Les détails du procédé ne nous sont point
connus.
£n 1842, un lithographe de Rome, M. Rondom('), venait
aussi d'appliquer à la pierre lithographique le procédé photogra-
phique de Da^uerre. Au moyen d'une préparation particulière
qu'il avait découverte , il est parvenu non-seulement à fixer sur
la pierre les images photographiques, mais encore à pouvoir en
tirer des épreuves par les moyens ordinaires de son art Les
premiers essais ont été faits sur une étoile (la nébuleuse d'O-
rion) reçue dans le champ d'un télescope et transportée sur la
pierre. Quelques-unes des, épreuves ont été envoyées à Paris,
à M. Arago, qui les a trouvées fort satisfaisantes.
Ce que le docteur J.-W. Draper, de New- York, apelle lïtho-
noiypes ('), ce sont des copies ou empreintes faites pour multi-
plier les images daguerriennes suivait la méthode inventée par
lui en 1842. Sir David Brewster a été le premier à faire voir
que les couleurs de la nacre de perle pouvaient être imprimées
et reproduites sur des surfaces ou matières molles. M. Draper
présume , en conséquence , que tous les procédés propres à re-
(1) L'Écho du monde savant, 23 septembre 1340.
(2) L'Echo du monde savant, 28 avril i842.
(3) Répertoire d'optique, etc. vol. III, p. »45.— L'Echo, etc. n» 24, 2"« semestre,
1843.
400
produire le chatoiement de ht nacre de perle, reproduiront
également les images daguerriennes , ce qui ouvre de noaTellefl
voies aux arts photographiques.
Pour mettre ce procédé à exécution, l'opérateur doit mani-
puler comme suit: L'image daguerfienne qu'on se propose de
copier est d'abord recouverte d'une légère couche d'or par le
moyen ordinaire , en ayant soin toutefois que cette couche ne
soit ni trop épaisse ni trop mince ; si elle était trop épaisse , la
copie qui en résulterait serait détériorée, et il y aurait plus de
difficulté à efifectuér la séparation de la couche gélatineuse; si
elle était trop mince, la plaque elle-même éprouverait quelque
dommage, en ce que l'image y serait enlevée. On prépare ensuite
une solution claire d'ichthyocolle (colle de poisson), qui doit avoir
une consistance telle, qu'une goutte versée sur une plaque mé-
tallique froide s'y prendra promptement en masse. Le succès du
procédé dépend en grande partie de la bonne préparation de cette
solution. Il y a dans le commerce une substance qu'on appelle
ichthyocolle des tonneliers, qui parait être la meilleure pour cet
objet. La plaque est posée horizontalement, avec la surface im-
primée en haut, sur un support convenable , dans le courant d'air
chaud qui s'élève d'un poêle ; on verse dessus la solution d'ich-
thyocolle jusqu'à ce qu'il y en ait une couche d'environ 4 milli-
mètres ; on laisse alors sécher avec lenteur, de manière -que la
dessiccation ne soit complète qu'en 2 ou 3 heures. Quand on a
parfaitement réussi, et lorsque la dessiccation est complète , la
couche d'ichthyocolle, alors transformée par le durcissement en
un tithonotype, se détache, et en l'examinant, soit par la lumière
réfléchie, soit par la lumière transmise, on trouve qu'elle porte
une copie détsdllée de l'original.
Application de la Dagaerréotyple» Dès que l'inven-
tion de Nicéphore Niepce eut été perfectionnée et rendue prati-
cable par Daguerre, et que cet art merveilleux fut connu par le
public, on en chercha diverses applications.
Déjà Niepce, au commencement de ses expériences, avait
appliqué à la copie des gravures ses procédés encore impar-
faits; et plus tard, lorsqu'il fut arrivé à mieux fBùre, il copia
■V
421
-des vues. A mesore que les procédés se perfecthmnaient, le
cercle des applications s'agrandissait , et le désir d'obtenir des
portraits, depuis longtemps nourri, se manifestait toigours plus
vivement. Mais Daguerre fut le premier à proclamer combien il
était douteux qu'on pût jamais arriver à faire des portraits au
moyen de la photographie. Néanmoins on fit des essais. Les
premiers ne furent pas heureux (^) : on opérait avec l'appa-
reil normal de Daguerre , et l'on comprend qu'en faisant agir
à de courtes distances un objectif destiné à reproduire les ob-
jets lointains , on se privait d'une grande intensité de lumière.
De là l'obligation d'exposer le modèle à la radiation du soleU
pendant 15 à 20 minutes , et dans un état d'immobilité com-
plète. Et comme cette immobilité, surtout celle des yeux, était
an-dessus des forces humaines, il fallut se résoudre à faire poser
les yeux fermés. Ce fut alors que , sous le nom de portraits
photographiques, on vit une foule de BéUsaires orner la devan-
tures des opticiens.
Enfin, après un grand nombre d'améliorations dans les opéra-
tions , et de perfectionnements dans l'appareil, dus à MM. Lere-
bonrs, Bnron, Arago, Becquerel, Charles Chevalier, Claudet,
Foucault, Bisson, Gandin, Soleil, Andrieux, Choiselat, J.-J.
Prechtel, de Vienne, et d'autres, on est arrivé à faire des portraits
en quelques secondes , et même en une fraction de seconde.
Dès lors on vit paraître des daguerréotypes parfaits , de véritar
blés chef-d'œuvre d'exactitude et de délicatesse , rehaussés par
le fini des détails.
Aussitôt que les procédés de Daguerre furent connus en
Amérique, et au moment même où on supposait en Europe que
ces procédés n'étaient appelés qu'à un succès limité, le D' Dra^
per à New-York obtenait les premiers portraits au daguerréo-
type. Depuis cette époque (*), ce sont surtout les frères Meade,
MM. Brady, Evans, Harrison, Lawrence, W.-A. Pratt et John-
A. Whipple , qui se sont distingués en Amérique dans le por-
trait sur plaque. En Angleterre^ on remarque entre autres:
MM. Warren Thompson, Claudet, Beand, Griffîths et Le Beau,
(1) Traité de Daguerréotypie. etc. par M. E. de Valicourt. 1843,
(9) L'Exposition oniversçUe de Londres en IS^^
422
KOburn , W. Paine et James Tyrie, pour le portrait et des scè-
nes. En France ce sont surtout MM. Blanquart-Evrard, de LiHe^
Sabatier-Blot, Andrieux, Plumier, A. Gouin, Saogrin, Amédée
Thierry, et Martens, graveur. Ce dernier est en outre l'inyentenr
de Vappareil panoramique, qui permet de promener une image
d'une grande étendue sous le foyer de l'objectif, de manière à
obtenir sur chaque point d'une longue surface une même action
de lumière combinée avec une égale précision.
M. Peuvion, de Lille, avait aussi inventé un daguerréotype pa-
noramique rectiligne pour reproduire , au moyen d'un objectif
ordinaire, des vues très-allongées , ayant quelque analogie avec
les tableaux du panorama. L'instrument de M. Peuvion peut
être regardé comme un perfectionnement du précédent
Un artiste français, M. Thiesson, avait fut en 1844 une in-
génieuse application de la photographie sur plaque, et qui mon-
tre tout ce que l'anthropologie peut attendre des procédés da-
guerriens. Cet artiste avait apporté en France des portraits da-
guerriens de Botocudes, ou naturels de l'Amérique du Sud, et des
types africains recueillis dans un voyage postérieur.
De 1849 à 1851, MM. Bisson frères, de Paris, avaient fait la
collection des portraits des 900 membres de l'Assemblée natio-
nale , reproduits par 40 lithographies ; et en 1850, M. Brady,
de New- York, publiait les portraits des Américains célèbres,
lithographies d'après ses daguerréotypes.
MM. Donné et Foucault ont réalisé une autre application de la
photographie à l'histoire naturelle. Us ont daguerréotype l'image
amplifiée des objets microscopiques, et rendu ainsi permanentes
les images éphémères formées par la lentille de l'instrument.
L'image des globules du sang, par exemple, présentée au mi-
croscope solaire , est reçue sur une plaque iodurée et y laisse
son empreinte, qu'il ne reste plus qu'à rendre ûxe par les moyens
ordinaires. Les épreuves, que l'on obtient ainsi, ont servi de
modèles aux dessins de l'atlas microscopique de M. Donné.
MM. Bisson père et fils avaient, en 1844, produit des plaques
d'histoire naturelle ; et M. P. Specchi, à Rome, avait obtenu une
image de l'éclipsé solaire du 8 juillet 1851 , sur plaque daguer-
rienne, au moyen d'une lunette astronomique.
433
Les vuea , lea mouonieiits et les objets dÎTen qu'offrent les
arts, ont ^^ement occupé lea photographes. M. le baron Gros,
chargé en 1850 d'nne mission en Grèce, joignit à son bagage unie
chambre noire, des plaques argentées et des ingrédiens néces-
saires, et rapporta une riche collection d'épreuves des monn-
ments remarquables de ce pays. M. Tiffereau rapportait du Mexi-
que des Tues d'un trÈs^and intérêt M. Chevalier, opticien, re-
produisait une. suite de vues et de monuments d'Italie; M. J,
Thierry, de Lyon , faisait de beans paysages, et MM. Macaire
et E. Bacot ont reproduit sur plaques de merveilleuses vues de
l'Océan, des vaisseaux en marche, par un procédé presque in-
stantané. M. Lerebours avait publié eu 1840 les < excursions do-
gnerriennes, > collection des vues et des monuments les plus re-
marquables du globe. Ce sont des gravures sur acier, exécutées
d'après des calques pris sur les plaques daguemennes.
MM. Fontaine et Porter, W. et F. Lai^nheim, J.-G. Mayall
etJ.-H.Whitcharst, en Amérique, M. Willtwu Albert, à Franc-
fbrt-sur-Mein, et d'autres, avaient eup osé en 1851, à Londres, de
très-belles épreuves daguerriennes de vues et d'ohjets d'art.
Un Américain, M. A. Whipple, avait inventé en 1851 ce qu'il
nomme la doffuerréotypie an a-ayon. Les épreuves produites par
ce procédé, qui est de la plus grande simplicité, ont l'apparence
de très-beaux dessins au crayon.
Pour juger de l'importance et de l'extension qu'avait pris cet
art déjà en 1850, nous remarquerons qu'il y avait à cette époque
I à 6 publications, soit journaux, s'occupant spécialement de la
daguerréotypie , et paraissant régulièrement tant en France et
en Angleterre qu'en Amérique.
Dans Paris seul, en 1847, la daguerréotypie occupait ai
lement plus de 300 ouvriers; il se vendait, année comm
2,000 appareils, et on employait plus de 500,000 plaqnes.
A New- York, en 1850, 71 ateliers étaient uniquement et
crés & la photographie; on y comptait 127 opérateurs, plu
femmes et 46 enfants. Le produit de ce travail était ëvali
356,616 fr. par an pour les opérateurs; à 15,444 &. poui
II femmes et à 12,916 fr. pour les eniants , sans compu
matériel et les ingrédiens,
424
Jfi8qae*là on avait tout essayé en photographie sur plaque,
et on avait lieu d'être satisfait ; il restait cependant encore à
obtenir de bonnes gravures et la couleur. La gravure fiit pres-
que abandonnée, mais la reproduction de la couleur préoccu-
pait un grand nombre de personnes.
On apprenait donc avec joie par le Photographie Art Jour-
naJ, publié à New-York en janvier 1851, qu'une' découverte re-
marquable venait d'être faite par M. Hill, savoir la chromotypie
daguerrienne, au moyen de laquelle il reproduisait les couleurs
du modèle. Cette découverte fit un grand bruit pendant quel-
que temps, mais on reconnut bientôt qu'elle n'avait rien de
réel, que ce n'était qu'une aUrape-pefmy,
M. Boettger, de Francfort, a imaginé un procédé pour colo-
rier les épreuves daguerriennes avec des couleurs qui surpas-
sent en vivacité et en transparence tout ce qu'on pourrait ima-
giner. Son procédé n'est point connu.
Plus estimable, et véritablement réelle, était au contraire la
découverte de M. Niepce de Saint-Victor, pour la reproduction
des couleurs. Ce savant persévérant travaillait depuis 1850 a
résoudre ce problème difficile. Contrarié et interrompu dans
ses travaux à plusieurs reprises, il remit enfin le 4 mars 1851
à l'Institut un mémoire très-détaillé sur ce sujet, par l'entre-
mise de M. Chevreul. Désormais la découverte était conquise,
mais la fixation des couleurs restait encore impar£ûte. M. Niepce
de Saint-Victor était arrivé à ce résultat par des théories logi-
ques et par des combinaisons raisonnées.
Cependant M. Edmond Becquerel (*) avait déjà préalablement,
en 1848, fixé sur une plaque d'argent les rayons colorés du
spectre solaire.
Images stëréosoopiqaedB Une des plus curieuses appli-
cations de la daguerréotypie a été faite par la vision binocu-
laire au moyen du stéréoscope ('), instrument dont le nom, formé
de deux mots grecs , signifie la vision en reîirf,
{i) LumicreJ851,n*M7el18.
(2) Études et lectures d'observations et leurs applications pratiques, par M. J. Ba-
l)inet, de l'Institut ; Paris, 18$^
^5
Avant 1838, M. Wheatstone avait donné à cet instrument le
nom qu'il porte et en avait publié \me première esquisse. Il
était alors encore bien imparfait. Sir David Brewster l'a per-
fectionné; il apporta à Paris, au printemps de 1850, un très-
beau stéréoscope exécuté par Loudon, opticien, à Dundee, et
un portrait binoculaire fait par lui-même. M. Dubosq-Soleil ,
opticien à Paris , exposa à son tour à Londres, en 1851, un sté-
réoscope à lentilles de sir David Brewster, avec une belle série
de daguerréotypes binoculaires (il reçut la grande médaille).
Depuis cette époque le stéréoscope a eu une grande vogue,
et on en a étendu l'emploi aux monuments et aux vues.
Transport sur papier des images daguerriennes.
On comprend facilement que les plaques daguerriennes, par leur
pesanteur, leur volume et la délicatesse du dessin, qui est siget
à se détériorer par le frottement, ne peuvent pas être conser-
vées dans un portefeuille. Aussi, dès les premiers temps de
cette invention, on avait cherché à obvier à ces inconvénients ,
soit en les gravant, soit en les reproduisant de différentes au-.
très manières. La gravure a été abandonnée fautel' de réussite
Alors on a proposé plusieurs modes de report Un de ces pro-
cédés consiste à presser un morceau de papier noir ou brun,
couvert d'une couche de quelque liquide glutineux, sur la pla-
que daguerrienne; le mercure qui forme les clairs s'attache au
papier, et l'on a alors l'image correcte mais renversée de l'objet.
La méthode de transport sur papier des images daguerriennes
imaginée par M. G. Edwards est à peu près semblable à la pré-
cédente, n enduit le papier noir d'une ou de plusieurs couches
de colle de poisson ou de belle gélatine dissoute dans de l'eau
chaude; il la presse ensuite sur la plaque. Cette opération doit
avoir lieu lorsque la plaque est, polie à l'huile, ce qui facilite la
séparation. Les épreuves obtenues de cette même manière, mais
sur papier blanc, sont plus vives que sur papier noir, mais elles
sont négatives; d'autre part les molécules mercurieUes, qui for-
ment les clairs dans les images daguerriennes ordinaires, pré-
sentent au contraire sur ce papier une teinte noire sale.
426
PHOTOGRAPHIE.
Aux inconvénients désignés plus haut , cm peut joindre en-
core les nombreuses difficultés de l'emploi des appareils de la
daguerréotypje, qui sont lourds et volumineux, d'un transport
difficile, inconvénient surtout sensible en voyage ou l'on a be-
soin d'un nombre considérable de plaques argentées; et puis,
après tout cela, les épreuves que l'on rapportait étaient uniques.
La daguerréotypie ne répondait donc pas complètement aux
besoins et on avait depuis longtemps formé le vœu de pouvoir
substituer le papier aux plaques métalliques.
OBIOINE. PERFEOnOMNEMElfTS. PHOGE-
DESa Déjà au commencement de notre siècle, lorsque rien ne
présageait les merveilles des images daguerriennes, plusieurs
physiciens anglais s'étaient préoccupés de cette question. Le
célèbre Humphry DUvy rend compte, en 1802, des essais que
Wedgewood avait faits pour obtenir des reproductions de gra-
vure sur papier. Ce rapport, contenant les premiers principes
de la photographie sur papier, mérite d'être transcrit ici :
Description du procédé de M. Wedgeioood pour copier des
peintures sur verre et pour faire des siUioueUes par VctcUon de la
lumière sur le nitrate d^ argent; publié, en 1802, par l'illustre
Humphry Davy : « Le papier blanc et la peau blanche , humec-
tés d'une solution de nitrate d'argent, ne changent pas de teinte
quand on les conserve dans l'obscurité ; mais, exposés à la lu-
mière du jour, il passent promptement au gris, puis au brun,
puis enfin presque au noir.
« Ces changements sont d'autant plus prompts que la lumière
est plus intense. Dans les rayons directs du soleil , deux ou trois
minutes suffisent à produire l'effet complet; à l'ombre il faut
plusieurs heures ; et la lumière, transmise par des verres diver-
sement colorés , agit avec des degrés d'intensité divers. Ainsi les
rayons rouges ont peu d'effet , les jaunes et les verts sont plus
efficaces; mais les bleus et les violets ont l'action la plus éner-
gique.
427
« Ces faits conduisent à un procédé hdle pour copier les con-
tours et les ombres des peintures sur verre et se procurer des
profils par Faction de la lumière. Lorsqu'on place une surface
blanche, couverte d'une solution de nitrate d'argent; derrière
une peinture sur verre, et qu'on expose le tout aux rayons du
soleil , les rayons transmis produisent des teintes très-marquées
de brun ou de noir, qui diffèrent sensiblement d'intensité, selon
qu'elles correspondent aux parties du tableau plus ou moins
ombrées, et là où la lumière est transmise presque en sa to-
talité , le nitrate prend sa teinte la plus foncée. Lorsqu'on fait
tomber sur la surface imprégnée de nitrate l'ombre d'une figure,
la partie qu'elle cache demeure blanche , et le reste passe très-
promptement au brun foncé. Cette teinte, une fois produite, est
très-permanente, et on ne peut la détruire ni à l'eau, ni au
savon.
« Après qu'on a ainsi obtenu un profil, il faut le tenir dans
l'obscurité; on peut l'exposer sans inconvénient pendant quelques
minutes à la lumière du jour, et la lumière des lampes ne pro-
duit aucune altération sensible sur les teintes. On .a vainement
tenté d'empêcher la partie non colorée du profil d'être influen-
cée par l'action de la lumière. Une couche mince de vernis n'a
pas détruit la susceptibilité de cette matière saline à recevoir
une teinte par cette action, et les lavages répétés n'empêchent
pas qu'il n'en reste assez dans une peau ou dans un papier im-^
prégné, pour que ceux-ci se noircissent en recevant les rayons
solaires.
« Ce procédé a d'autres applications: on peut s'en servir pour
faire des dessins de tous les objets qui ont un tissu en partie
opaque et en partie transparent. Ainsi les fibres ligneuses des
feuilles et les ailes des insectes peuvent être assez exactement
représentées par ce procédé. Il suffit, pour cela, de faire passer
au travers la lumière solaire directe , et de recevoir l'ombre sur
une peau préparée. On ne réussit que médiocrement par ce pro-
cédé à copier des estampes ordinaires ; la lumière , qui traverse
la partie légèrement ombrée n'agit que lentement, et celle que
peuvent transmettre les parties ombrées est trop fiiible pour pro-
duire des teintes distinctement terminées. On a essayé aussi, sans
438
•mccès, de copier des paysages avec la lumiëre de la chambre
noire ; elle est trop faible pour produire un effet sensible sur le
nitrate d'argent pendant la durée ordinaire de ces expériences.
C'était cependant l'espérance de réussir dans tel essaie en par-
ticulier, qui avait mis M. Wedgewood sur la voie de ces recher-
ches. Mais on peut, à l'aide du microscope solaire, copier sans
difficulté sur du papier préparé les images des objets. Seule-
ment, pour bien réussir, il faut que ce papier soit placé à peu
de distance de la lentille ; la solution se prépare en mêlant une
partie de nitrate d'argent avec six d'eau.
« £n comparant les effets produits par la lumière sur le ni-
trate et le muriate, ou chlorure d'argent, il a paru évident que
le muriate était le plus susceptible, et que l'un et l'autre étaient
plus sensibles à l'action de la lumière lorsqu'ils étaient humides,
que lorsqu'ils étaient secs. C'est là un fait connu depuis long-
temps.
< La permanence des teintes ainsi produites sur le papier on
la peau fait présumer qu'une partie de l'oxyde métallique aban-
donne son acide pour s'unir à la substance végétale ou animale,
et forme avec elle un composé insoluble. Et en supposant que
cela arrive, il n'est pas improbable qu'on ne trouve des substan-
ces qui pourront détruire ce composé par des affinités, ou sim-
ples, ou composées. Il ne manque qu'un moyen d'empêcher qne
les parties claires du dessin ne soient colorées par la lumière
du jour , pour que ce procédé devienne aussi utile que l'exécu-
tion en est prompte et facile (*). »
De manière que le principe de ces physiciens, quoique théo-
riquement vrai, se trouvait eu défaut dans la pratique, à cause
de certaines difficultés dont les deux principales sont: 1^ que le
papier ne peut être rendu suffisamment sensible pour recevoir
une impression quelconque de la faible lumière d'une chambre
obscure ; 2^ que les peintures qui sont formées par les rayons
solaires ne peuvent être conservées, parce qu'elles retiennent
(1) Description d'un procédé pour copier des peintures s«r verre et pour faire des
silhouettes par l'action de la lumière sur nitrate d'argent. — Journal de l'Institution
royale de Londres, 1" vol p. nO, 1802. — Répert. d'opt. II* partie. ^848. p.e95.-
Lumière. n* 33, 1K51.
4â»
leur propriété (Têtre incessamment impressionnées par la lu-
mière.
C'est à M. Fox Talbot, amateur anglais, qu'est dû le premier pas
décisif. Ne connaissant point les travaux de Davy et de Wed-
gewood, M. Talbot parvint cependant à surmonter tous les ob-
stacles. Grâce à sa persévérance et à un travail de plusieurs
années, il résolut la double difficulté de fixer sur le papier les
images de la chambre obscure, et de les préserver de toute al-
tération ultérieure.
Voici l'opération en général: si l'on place au foyer d'une
chambre noire une feuille de papier imprégnée d'une dissolution
d'un sel d'argent, l'image formée par l'objectif s'imprimera sur
le papier parce que les parties obscures, restant sans action, lais-
seront au papier sa couleur blanche. On obtiendra ainsi une sorte
de silhouette, dans laquelle les parties éclairées du modèle se-
ront représentées sur l'épreuve par une teinte noire et les om-
bres par des blancs. C'est ce que l'on nomme une image inverse
ou négative, selon l'expression consacrée. Maintenant , si l'on
place cette image sur une feuille de papier imprégnée d'autre
sel d'argent et qu'on expose le tout à l'action directe du soleil
l'épreuve inverse laissera passer la lumière à travers les parties
transparentes du dessin et lui fermera passage dans les portions
opaques. Le rayon solaire allant aussi agir sur le papier sensi-
ble placé au contact de l'épreuve négative, donnera naissance à
une image sur laquelle les clairs et les ombres seront placés
dès lors dans leur situation naturelle.- On aura donc formé ainsi
une image directe ou positive.
Tel est le principe général de la photographie sur papier;
le procédé pratique se compose, d'après cela, de deux opéra-
tions distinctes: la première ayant pour effet de préparer l'i-
mage inverse ; la seconde de former l'épreuve redressée (*).
L'image a été appelée improprement négative) la qualifica-
tion éPmverse est plus correcte , pourvu qu'on sous-entende le
mot ombré; car autrement le direct étant le corrélatif d'inverse,
(1) Le Technologiste. ou archives des progrès de l'industrie française et étrangère,
Paitt,18S0^8iÛ.
430
OD pourrait croire que ces expressions se rapporteraient à la
position de l'image relativement à son modèle.
n existe une autre expression dont M. Chevreul, à qui nous
empruntons ces détails, relève le sens, c'est celle ^e fixer Vimage,
employée souvent pour dire qu'on la fait apparaître sur la sur-
face qui a vu la lumière : l'expression véritable est la dégager.
En effet, les procédés photographiques consistent essentiellement
à étendre une couche mince sur une surface plane, métallique
ou de papier, la matière sensible, puis à l'exposer à la lumière
réfléchie ou transmise par le modèle ; enfin à enlever, sitôt après
la production de l'image et dans l'obscurité , la portion de ma-
tière sensible qui n'a point été frappée par la lumière. La ma-
nifestation de l'image n'est donc qu'un dégagement; si l'on n'en-
levait pas cette portion de matière sensible , l'exposition ulté-
rieure à la lumière lui ferait éprouver le même changement qu'à
la portion représentant l'image; dès lors celle-ci se confondrait
avec la première. Le moi fixer n'est apphcable qu'à un procédé
qui rend l'image plus stable. Sous ce rapport on peut dire que
la dextrine fixe les clairs de l'image daguerrienne que l'on con-
sidère comme de l'argent amalgamé (').
M. Fox Talbot a fait des dessins photogéniques sur papier dès
1634; il n'avait pas encore réussi alors à les conserver; c'est
en 1835 qu'il est parvenu à fixer ces dessins d'une manière per-
manente sur du papier photogénique, et c'est alors qu'il a fait,
au moyen de son procédé, un grand nombre de vues d'une mai-
son de campagne (*). En janvier 1839, M. Talbot communiqua
sa découverte à la Société royale de Londres par un mémoire
intitulé : Some account of the art of photogenic Drawing , qui
contenait l'ensemble de ces méthodes.
En 1841 il compléta ces descriptions dans une lettre adressée
à l'Académie des sciences de Paris. Il avait fait alors des copies
photographiques sur papier d'un psaume hébreux, d'une gazette
persane, et d'une vieille charte latine de 1279, dont on admirait
la fidélité.
(1) GonsidéraUons sur la photogr. au point de vue abstrait, etc.» par M. E. Che-
vreul.
(S) Secrets modernes, etc.. M. Pelouse, vol.lll, 1840.— L'Écho, etc., n* MO, 18S9.
4SI
M. Talbot a donné lui-même le nom de calotype à sa décou-
verte, mais en Angleterre et en Amérique on avait choisi la dé-
nomination de talbotype ; cependant le mot photographie a été
adopté généralement, pour désigner la reproduction des images
sur le papier par le moyen de la lumière (').
Ce ne ftit cependant qu^en 1847 que la découverte de M. Talbot se
répandit dans le public; la difficulté des procédés et la protection
d'une patente empêchèrent qu'elle ne le devint plus tôt. Au
commencement de cette année un amateur de Lille , M. Blan-
quard-Evrard,* photographe distingué, publia la description des
procédés de la photographie sur papier (*). Ces procédés étaient
les mêmes que ceux de M. Talbot, mais simplifiés. Dès lors cet
art merveilleux fut vulgarisé partout.
Remarquons cependant que cette méthode de reproduh^e une
image au moyen de la lumière sur du papier avait été tentée
de diverses manières par un grand nombre d'autres personnes:
au commencement de notre siècle, Charles, célèbre physicien,
se servait, dans ses cours, d'un papier enduit pour engendrer des
silhouettes à l'aide de l'action lumineuse. Il mourut emportant
son secret, et sans qu'aucun document authentique atteste sa
découverte (*). Tels sont encore les essais photographiques de MM.
Steinheil et Eobell de Mimich, et de M. Gustave Froment en
1839 ; les mezzo-teintes du Révérend J.-B. Reade , et les dessins
photogéniques de M. Lasseigne de la même année ; les essais
de MM. A. Breyer à Berlin; A. Raifé, Ponton en France; A.
Petzhold, le D' C, Enzmann, et le D' Schsefhœult de Dresde,
en 1840; les amphitypes de M. Herschel en 1842; les chromo-
cyanotypes et les énergiatypes de M. Robert Hunt en 1844 (*);
(1) Séance de la Société hellographique de Paris, dtt 4 avril 185i .— Lumière, 20
avril 1851.
(2) Le Constitutionnel, journal, du 29 janvier 1847.— Répert. d'opt. 1850. IV par-
tie, page 1715.
(3) Répert. d'opt. II. p. 694.
(4) Voyez sur ces essais: L'Écho, etc. n* 44, 1839; — 14 mars 1840; n* 423. 1839;
-22 Janvier et 15 aoât. 1840; — n" 38 et 43, 2-« semestre 1844;— n* 46. 1^ semes-
tre.— 2 octobre 1839. -Lumière. 16 et 26 juUlct 1853;— 15 juiUet 1854.- Acadé-
mie des sciences. 2 mars 1840.— Le Technologiste . etc. 1839— 40.— Atbeneom,
fjuiolSU.
é2
nons devons i^outer nn genre de photographies particulier con-
nu sons le nom de gravure à jour ou gravure diaphane, prati-
qué par MM. Soleil, Berri, Montvoisin, en 1839; par MM. Saint-
Evre père, Beuvîère en 1847 ; par MM. Salière, Grandguillau-
me en 1853 , et par M. Ernest Bastien en 1855. Toutes ces
méthodes héHoti/piques, opérées sur des lames de verre enduites
d'un vernis noir ou blanc , ne reproduisaient, au moyen d'une
pointe, que des dessins imitant le travail à la plume ou à l'eau-
forte. MM. Harville et Pont sont parvenus, en novembre 1855, à
reproduire tous les autres genres de dessin, soit à l'estompe, au
lavis ou à la roulette , en déposant sur la lame de verre une
couche très-mince de collodion , contenant une petite quantité
d'iodure d'ammonium, et en la plongeant ensuite dans un bain
d'eau contenant un dixième d'acétate de plomb. Après avoir
terminé le dessin, sur cette couche, on plonge la plaque dans
un bain de bichromate de potasse ; on laisse sécher et on la
couvre d'un vernis mat et transparent, analogue au vernis em-
ployé par les photographes pour garantir les iihages négatives-
Dans Tune et l'autre de ces méthodes de gravure diaphane, on
tire de ces planches des épreuves du dessin sur du papier po-
sitif (*).
M. Bayard avait déjà obtenu la première image en sens direct
sur papier, au moyen du chlorure d'argent et de l'iodure de po-
tassium, en février et mars 1839, et sans l'influence de la dé-
couverte de Daguerre et de celle de M. Talbot, qui ne furent
révélées que plus tard. Les épreuves directes de M. Bayard,
qui figurèrent successivement à l'Exposition du mois d'août 1839,
au profit des victimes du tremblement de terre de la Martini-
que, et à celle de 1849, furent généralement admirées pour les
contours et détails purs et les effets vigoureux. Par conséquent
M. Bayard peut être regardé, avec Niepce, Daguerre et Talbot,
comme un des révélateurs de la photographie (*).
(1) Académie des sciences. i9 octobre 1855. — Lumière, 8 dér. i855.
(2i Pour preuve: Académie des beaux-arts, séance du 'i nov. 18.H9.— Constitution-
nel, 3 août 1839. — Moniteur. 22 juillet, 43 noT. 1839. et 3 fêvr 1840.— Rapport de
M. Léoo de Laborde sur l'exposit. de 1840. — Lumière, n* 35. « sept. 1854; et r inté-
ressant article sur l'Exposit. par M. L. Fifl^ier, dans la Presse du z3 juin 4855.
m
M. Mathieu avait publié en 1847 son procédé de Tautopho-
tographie, ou Part de reproduire les dessins, les lithographies,
les gravures, sans qu'on ait besoin d'en faire passer l'image à
travers l'objectif de la chambre noire , et par la simple applica-
tion du dessin à reproduire sur un papier rendu sensible à l'ac-
tion de la lumière.
Dès que le problème difficile d'obtenir sur papier des images
de la chambre noire par l'action de la lumière était résolu, et
que la photographie était devenue familière aux savants et aux
amateurs, elle prit les développements les plus larges, et on y
apportait des perfectionnements notables.
En cirant ou en gélatinant le papier, M. Le Gray et M. Bal-
dus donnèrent plus de finesse, plus de transparence à l'épreuve
inverse (dite négative).
En 1847, M. Niepce de Saint- Victor, neveu de Joseph-Nicé-
phore Niepce, l'inventeur de l'héliographie, réalisa au profit de la
photographie sur papier un progrès inespéré, auquel elle est
redevable de ses produits les plus achevés, les plus parfaits, en
imaginant l'enduit albumineux et créant la photographie sur
Terre. M. Niepce de Saint-Victor présenta le 25 octobre 1847 à
TAcadémie des sciences un mémoire pour remplacer le papier
par une légère couche d'empois ou d'albumine (blanc d'œuf),
étendue sur une lame de verre, qui, imbibée ensuite avec le sel
d'argent, servirait à obtenir une image inverse, sans les pores
et autres défauts du papier (^).
De nouveaux perfectionnements furent ajoutés par M. Niepce
de Saint- Victor, en juin 1848 et en août 1850, pour augmenter
le précédent, et dès lors toutes les épreuves produites par ce
procédé eurent une finesse extraordinaire. Mais quoique M.Hum-
bert de Molard, le 12 août 1850, et M. Talbot, le 16 juin
1851 (•), aient tous les deux indiqué encore d'autres moyens
pour rendre la couche d'albumine plus sensible, on cherchait
néanmoins une nouvelle préparation plus prompte, plus immé-
diate et plus facile pour remplacer la pâte du papier.
(1) Recherches photographiques par M. Niepce de Saint -Victor. Paris, 1855, p.
S3à40.
(2) Lettre deM. Talbot à l'Académie des sciences de Paris; \Q juin 1851.
19
484
C'est en janvier 1850 que M. Le Gray indiqua l'emploi da
collodion et da proto-sulfate de fer comme agents révélateurs
sur papier ('). — Au commencement de 1851, MM. Bingham et
Cundel, en Angleterre, eurent l'idée d'appliquer le collodion sur
verre, mais avec peu de succès. Dans le courant de 1851, M. Ar-
cher, Anglais, fit un collodion dont un de ses compatriotes, M.
Fry, s'est servi avec une réussite parfaite. Son procédé surpas-
sait tous les procédés connus jusque-là en promptitude et en
finesse, et permettait même de reproduire le feuille des arbres,
ce qui ne se faisait qu'imparfaitement avec les préparations an-
térieurement connues. Un autre avantage du procédé au collo-
dion est de pouvoir fournir à volonté une image inverse, et
une directe sur verre; pour celle-ci, la pose est très-courte, et
peut, par des mains habiles, être détachée de la glace, puis éten-
due et collée sur un fond noir, étoffe, toile cirée ou papier, sans
présenter le miroitement des plaques daguerriennes (*).
Décrivons dans sa généralité le procédé au collodion, cette
substance étant jusqu'à ce jour tout ce qu'on a trouvé de mieux
pour la photographie (') : Pour composer le collodion, on prend
du coton-poudre , soit éther oxyline, préparé avec du coton non
filé, de l'acide sulfurique pur et du salpêtre rafi&né. Ce coton-
poudre est dissous dans de l'éther sulfurique et de l'alcool; on
y ajoute un sel ou une dissolution de sel , tels que l'iodure de
potassium ou l'iodure d'ammonium, ou tout autre sel pouvant se
combiner avec l'argent et être rendu impressionnable aux rayons
lumineux. Ce collodion est ensuite déposé sur la lame de verre ;
l'éther et l'alcool s'évaporant^ il ne reste bientôt sur celle-ci
qu'une couche mince de coton, d'une égalité par&ite, dépassant
en finesse tous les papiers possibles, et contenant dans sa pâte
un sel que l'on transforme en iodure d'argent ou bromure d'ar-
gent, suivant sa nature, par un bain dans une dissolution d'azo-
tate d'argent
(1) Lumière, n- 21. 1854.
(2) Notice relative à l'emploi du collodion préparé par M. Archer, etc. dans Tbe
Patent journal. Lond. 1851.— Nouveau traité de phologr. par M. Le Gray.— Manuel
prat. de pbot. sur collodion. par M. Archer, 1852. etc.
(3) La photographie et ses divers procédés, par H. Populus. publiée dans le Bulle-
tin de la Société des Arts de Genève, n* 54, Genève 1854.
436
On procède alors à Texposition de la plaque de verre aux
rayons lumineux produits dans la chambre noire par un objectif
à verres simples ou combinés, reflétant un objet quelconque. Au
sortir de la chambre obscure, l'image est invisible ; on l'a fait
apparaître par l'acide gaUique ou l'acide pyrogallique, ou du
sulfate de fer igouté d'un acide, ou par l'un des autres réactife.
Enfin on fixe l'image par une solution ayant la propriété de
précipiter l'iodure d'argent formé : tels sont l'hyposulfite de
soude, la cyanure de potassium dissous dans beaucoup d'eau.
D'autres substances ont été étudiées et employées; différentes
modifications ont été apportées , des perfectionnements plus ou
moins essentiels ont été introduits en photographie, et il ne se
passe pas de semaine qu'on n'en publie de nouvelles; enfin la
photographie marche de progrès en progrès , et avec une telle
rapidité que nous renonçons à la suivre. Remarquons néanmoins
que, comme pour la daguerréotypie, les principes fondamentaux
de leurs inventeurs, Niepce et Talbot, sont toujours les mêmes.
M. A. Belloc a publié, en 1855, un traité de photographie
sous le titre : Les quatre branches de la pJiotographie, qui em-
brasse la Daffuerréotypie , la Talbotypie^ià Niepçotypie et YAr-
chéotypie, noms par lesquels il désigne les divers procédés
inventés par MM. Daguerre, Talbot, Niepce de Saint- Victor
et Archer, savoir la photographie sur plaque métallique, celle
sur papier, celle sur verre, et celle sur coUodion. Il est seule-
ment à regretter que Nicéphore Niepce ait été sacrifié dans
cette classification, qui du reste est très-ingénieuse.
APPUCATION8 DE LA PHOTOORAPHIB. Dé-
sormais ces procédés ont ouvert un champ immense aux applica-
tions photographiques. Cet art nouveau est devenu un auxiliaire
puissant pour les arts, les sciences, l'industrie, au moyen de
ses applications nombreuses et variées. Notons les plus remar-
quables :
Photographie tur divertes sabstanoes- M. Niepce
de Saint-Victor avait, déjà en 1847, émis l'idée que la photo-
graphie pourrait être appliquée avec avantage sur la pierre litho-
m
graphique, sur ^erre opale, sur porcelaine, sur cuivre et sur
bois, à l'usage des peintres et des graveurs. MM. Gimbert et
Schnidre, en 1855, ont pris sur émail des épreuves photogra-
phiques, qu'ils ont fait cuire, et ils en ont obtenu un fort beau
résultat.
M. Samson, professeur es sciences, a inventé en septembre
1854 un procédé pour faire des vitraux photographiques repré-
sentant des tableaux, des statues, des vues et toutes sortes de
compositions, en couleur de bistre, ou coloriés de divers émaux.
Avant lui, M. Langenheim, de Philadelphie, avait déjà en 1851
exposé à Londres des vitraux héliographiques coloriés par des
vernis spéciaux.
M. Ernest Conduché, en utilisant les épreuves photographiques
produites sur pierre, a inventé le 5 février 1855 un nouveau pro-
cédé qu'il nomme Typochromie photographique et qu'il applique
sur porcelaine, émail et sur tous les objets céramiques. Voici com-
ment on opère : On tire les épreuves sur papier au moyen d'une
encre contenant en suspension, ou à Vétat de savon, la matière qui,
par son exposition plus ou moins prolongée au feu, donnera une
couleur toute différente de celle qu'elle présente dans l'encre.
Si, par le moyen de repères habilement combinés, on peut in-
troduire sur l'épreuve plusieurs encres correspondant à ces
parties qui exigent des tons différents, au lieu d'obtenir une
image d'une seule couleur, on obtiendra une image polychrome.
L'épreuve sur papier étant obtenue, on conçoit ce qui reste à
faire : on lui donne, au moyen d'une couche de gélatine, la
propriété d'adhérer à l'objet de porcelaine, et, les matières
organiques (gélatine et papier) étant détruites par la cuison, il
restera sur la plaque des composés métalliques qui formeront
l'image.
Ainsi deux opérations sont nécessaires dans ce procédé : l'une
constitue le tirage d'une épreuve qui porte avec elle la matière
colorante se développant au feu; la seconde est une applica-
tion du type sur le subjectile. C'est dans cet état que l'objet peut
être mis au feu. M. Murson, de Lacrymosa, a également décou-
vert un procédé de photographie appliqué à la peinture sur
verre. Le 11 juin 1855 il l'a communiqué à l'Académie.
Pourtransfonner les images phologr^hjques en peintures ihdé-
lébiles, coloriées et fixées,M. Lafon,<le Camarsac, choisit pour
Bubjecdles les métaux et les maliÈrea céramiques; il emploie les
composés ïitrifiables pour y tracer l'image. L'épreuve exposée
au feu, les matières organiques disparaissent et l'im^e, formée
de substances indestructibles, demeure axée par la vitrification.
L'image présente l'aspect d'une peinture sur porcelaine. M. Le-
gro6, dans son Encyclopédie de la pbolographie de 1856,
donne les procédés pour obtenir des portraits ou autre sujets
sur des boules concaves de cristal (presse- papier). Enfin on ap-
plique les images photographiques sur des bracelets , sur des
broches et sur des boites de montres, et encore sur toile, à
l'usage des peintres.
La photographie a été appliquée en 1853 atec succès à la
gravure sur bois par le révérend Saint-Tincent Becchey, avec
une épreuve d'une belle gravure exécutée par M. Robert Lai^-
thon, Crow-Street, Manchester (Amérique), et avec un bois sur
lequel on avait réussi k imprimer un dessin photographique ré-
duit de la célèbre carte de la lune, dessinée par M. James Na-
smyth de Patricoff, sur une échelle de quatre pieds de diamè-
tre. Le dessin phothographique a été produit sur la surface nue
du bois, simplement coUodîonnée, sans support ou fond noir ou
blanc (').
Photographie artlatiqnei Nous pouvons dire, avec
M. Ernest Lacan (*), que la photographie a passé les mers, fran-
chi les montagnes, traversé les contmenta, en considérant le
grand nombre de vues et de monuments que cet art a repro-
duits dans tous les pays. Il y a des photc^aphes à Bom?
Madagascar, à Yalparaiso, partout.
L'Eg7pt«, la Nubie, laPaleatine ont été explorées par M. M
— Ali janrna], «Dût 16S4 — Cmmos.— llMÏerctics photogr. de II. Niepce
Vitt«r, p. Î8, elc.
d) VoïeiMnialéressanlarIidt:MDiilleurdu 49 Janvier 1S» U ses El
pliatDgrapbiques, Paris, 1856 . «U.
486
Da Camp et M. Thênard.— M. Salzmann {*) a fut des. photo-
graphies à Jérusalem, représentant des frises portant an carac-
tère tout particulier ; à côté des triglyphes et des gouttes égyp-
tiennes dont ridée a fructifié dans le style dorique, nous Toyons
des palmettes assyriennes mêlées à des emblèmes d'origine
Israélite, tels que le cédrat, la palme, le raisin de Palestine. Le
monument nommé le tombeau d'Absalon nous montre des demi-
colonnes assyriennes , mais seulement une à une, sans être réu-
nies, tandis que la corde qui entoure l'édifice en haut est phé-
nicienne. La Judée a emprunté de l'Assyrie des rosaces pour en
orner des frises égyptiennes. Nous mentionnerons encore un
système d'écaillés qui forme la décoration du soubassement du
temple salomonien, et rappelle la manière dont quelques mai-
sons sont décorées à Ninive. Des images de temples et de pa-
godes hindous sont sorties de l'imprimerie photographique de
M. Blanquard-Evrard de Lille. Une collection de vues de Con-
stantinople , ainsi que des costumes et des types des différentes
classes de la population byzantine, a été publiée par M. Bo-
bertson. Plus de 800 vues de la Grimée et de Sébastopol ont
été apportées au British Muséum par un photographe anglais.
— M. de Szathmari a produit plus de 200 épreuves photogra-
phiques, prises en Valachie, représentant les portraits des gé-
néraux turcs, russes, français, anglais, ainsi que divers cos-
tumes et des paysages.
Kiew, Saint-Pétersbourg, Moscou et d'autres villes et sites
de la Russie ont été explorés par M. Roger Fenton, amateur
anglais; — la Sardaigne par M. Edouard Delessert; — l'Ita-
lie par MM. Bresolin, Piot, Gustave Le Gray, Flacheron; —
Naples, Pompeï et la Sicile, par M. Grillet, vues stéréoscopi-
ques; — les merveilles de l'Espagne par M. le vicomte Vi-
gier. Tension, M. le vicomte Dax; — les Pyrénées (sur col-
lodion sec) par M. MaxweU Lyte, par M. Vigier; — l'Espagne,
sous le rapport des paysages et des costumes , par M. Clif-
ford; — la Suisse et les Alpes par M. Martens; -— les bords
romantiques du Rhin par MM. le vicomte de Dax, MarviUe,
(1) Rap. de M. Oppert, membre de l'expédition scientifique envoyée par le gouver-
nement français en Babylonie; lu k l'Académie des Beaux-Arts, août 4855.
!
489
Ferrier; — en France, le Berry par M. le comte Aguado; —
l'Auvergne et la Bourgogne par M. Baldus; — les cathédrales
de Strasbourg, de Rheims^ de Beauvais, de Chartres, de Poitiers,
par MM. Lesecq^ Marville, Le Gray; — Téglise du cloître de Saint-
Trophyme à Arles , le palais des papes à Avignon , la tour Ma-
gne, la Maison carrée , les Arènes de Nîmes , par MM. Baldus
et Nègre; — le château de Blois par MM. Bisson, Fortier et
Ferrier; — les ruines, monuments et vues en Algérie par M.
Moulin ; — les Vosges par M. Lesecq, etc.
L'intérieur du palais de cristal a été reproduit par M. Dela-
mothe. Anglais ; — des détails de la cathédrale de Cologne, par
M. Michiels, Allemand ; — des monuments de Milan, par M. le
D' Formosa ; — des vues de Venise , par les frères Alinari de
Florence.
Des vues panoramiques de grande dimension ont été produi-
tes par M. Tension : celle de Tolède, de la grandeur d'un mè-
tre sur 27 centimètres ; — Paris , pris du pont des Saint-Pères,
par M. Marville ; — la vue du Pont-Neuf, par MM. Bisson frè-
res; — celle du Mont-Blanc, par M. Martens; — celle de la ba-
taille de l'Aima, par M. Burford.
Des paysages de tous genres, des études d'après nature ont
été livrés par MM. le comte Aguado, de Courmont, Baldus, A.
Giroux, le marquis de Bérenger, Fenton; et les Anglais, MM.
H. Withe, Matwell, C. Hurton et Thompson.
De charmants bouquets de fleurs, artistement composés, ont
été photographiés par M. Ad. Braun, dessinateur à Domach,
près de Mulhouse.
Pour la reproduction des chefs-d'œuvre de la sculpture, M.
Baldus et M. Marville ont pubhé une série d'épreuves de pre-
mier ordre, les plus belles œuvres sculpturales du Louvre et de
Versailles. Par une disposition savante des lumières, M. Bayard
est arrivé à reproduire un effet si puissant , que l'œil s'y laisse
tromper, et qu'en examinant une de ces copies de la Vénus à
la coquille, de Jean Goujon, et de la Vénus de Milo, ou des
bas-reliefs de Clodion, on croit avoir sous la main le marbre ou
le plâtre lui-même. M. Alph. Bilardeaux a adopté le même genre :
il a reproduit la crucifixion, bas-relief d'Emile Chatrousse, et la
440
résniTection; mais son chef-d'œuvre est le Calyaire, d'après un
bas-relief de Justin.
M. Philippe Margaritis, d'Athènes, a également reproduit dans
le même genre les frises du Parthénon, et M. Lesecq une col-
lection de bas-reliefs byzantins appartenant à M. Depauli, gra-
veur en médailles.
La reproduction sur papier de gravures rares et précieuses
avait été tentée de diverses manières et dès le commencement
de la photographie : M. Lasseigne, en 1839, avait obtenu la co-
pie de gravures sur papier, par la lumière, au moyen du nitrate
d'argent.
M. Niepce de Saint-Victor signala en 1846 (*) l'attrait singu-
lier des vapeurs de l'iode pour la couleur noire, et une pro-
priété de cette substance qui la dispose à se fixer de préfé-
rence sur les corps en saillie. Cette double observation permit
à M. Niepce de Saint- Victor de copier avec une précision re-
marquable les gravures les plus fines, sans sacrifier l'original. H
a reproduit des caractères du recto ou du verso, à volonté, d'une
feuille imprimée des deux cotés ; l'image d'un tableau en expo-
sant celui-ci à la vapeur d'iode, et même des gravures coloriés
non gommées. M. Niepce de Saint- Victor a ainsi reproduit avec
l'iode des figures non-seulement sur le fer, le plomb, l'étain, le
laiton, l'argent, le verre, mais aussi sur du papier préparé de
diverses manières. M. Niepce a trouvé à d'autres substances la
même propriété qu'à l'iode de se porter sur les noirs et sur
les reliefs d'une gravure et de toute espèce de dessins. D a re-
produit avec du phosphore et du soufre, avec de Facide azo-
tique et l'hypochlorite de chaux.
M. Bayard avait déjà fait avec M. Kenard, son élève, des
reproductions photographiques de gravures anciennes, telles que
les sept sacrements de Pesme, d'après le Poussin, les planches cé-
lèbres de Wille, d'après l'école flamande, etc. Ces épreuves
eurent un immense succès.
M. Fortier et M. Millet ont fait des essais dans le même
genre ; l'un a reproduit la Cène de Léonard de Vinci, et l'autre
les WiUis, d'après Lehmann.
(1) L'iode UA découvert accidentellement par de Courtois en 1811 ou 1812.
441
M.'B6i)janiJn Delessert eut le premier l'heureuse pensée de âure
servir la photographie à répandre auprès du public et des artis-
tes les gravures des anciens maîtres. Celles de Marc-Antoine
Raimondi sont, en ce genre, les plus estimées et les plus coû-
teuses. M. Delessert, après en avoir rassemblé la collection, en
a exécuté par la photographie des reproductions identiques, de
telle sorte que l'on peut aujourd'hui, pour un prix minime, pos-
séder l'œuvre tout entière du graveur bolonais.
Cette idée remarquable a donné naissance à d'autres publi-
cations du même genre. Des éditeurs intelligents ont livré au
public l'œuvre de Eembrandt et celle à^ Albert Durer, photo-
graphiées avec talent par MM. Bisson frères. MM. Baldus et
Charles Nègre ont, de leur côté , reproduit une grande partie
des planches de Lepaubre , enfin M. le comte Aguado a exé-
cuté le même travail pour quelques gravures de Téniers.
Foc-^mtZe photogrophique éPanciens mamtscrits. M. Ph. Dela-
motte a reproduit un manuscrit de la Société royale de l'Ir-
lande ; il a été question aussi de faire un catalogue des manu-
scrits de la Bibliothèque impériale de Paris, en faisant photogra-
phier leurs premières pages.
On sait avec quelles peines infinies , même en s'aidant des
instruments de M. Levitsky , on arrive à réduire à la main les
grandes triangulations topograt>hiques pour le travail du gra-
veur; M. Pissarewsky à Saint-Pétersbourg a pris pour spécia-
lité la réduction photographique des cartes topographiques, et il
a parÊdtement réussi
Dans les premiers essais qui furent tentés pour reproduire
les tableaux , les tons de l'original perdaient leur valeur , le
modelé disparaissait: on n'obtenait que des copies plates et con-
fuses. Heureusement les photographes modifièrent leurs procé-
dés: ils ralentirent les opérations, afin que les parties sombres,
auxquelles la lumière diffuse ne donne pas une transparence
relative , comme dans la nature, eussent le temps d'être fouillées
par l'objectifetdese dessiner complètement sur le cliché, avant
que les parties éclairées , qui se reproduisent tout d'abord, fus-
sent hrâUes : ce qui était la grande difficulté de ce genre de
travail; enfin ils firent si bien, qu'aujourd'hui la reproduction
19*
442
âe la peinture est nn des plus beaux attribats de la photx^s^-
phie.
MM. Bayard et Baldus sont les deux artistes qui excellent
le plas dans ce genre. Les copies de plusieurs tableaux de Guet
et d'autres peintres, par le premier, et celles de la Mort de saint
François d'Assise, de Léon Benonville , du Buveur de bière de
Meissonier, de quelques-unes des belles toiles de Brascassat,
et d'un délicieux paysage de M. de Mercey, par 4e second, sont
des œuvres qui peuvent rivaUser avec les meilleures gravures.
Dans les publications de M. Blanquard-Ëvrard, de Lille, au
milieu des spécimens de tous genres, on trouve aussi des co-
pies de peintures appartenant pour la plupart à l'école fla-
mande , et qui ont très-bien réussies. Tout récemment M. Le-
secq vient de livrer au public une série d'épreuves dans les-
quelles il a reproduit avec une grande habileté les tableaux les
plus estimés de nos peintres modernes. On s'occupe actuelle-
ment à photographier les fresques du Campo-Santo de Pise,
pour les graver ensuite.
MM. Gouin (élève de Girodet), Moulin et Braquehais ont re-
produit des photographies d'académies présentant toutes les
attitudes , tous les caractères , toutes les variétés de la nature,
pour l'étude des artistes. £n Allemagne , M. Lœcherer excelle
dans ce genre. H y a aujourd'hui des modèles spéciaux , hom-
mes et femmes, pour la photographie.
Photographie BCieiitifiqiie> La fidélité et l'exactitude
sont les premières conditions pour la copie des objets d'histoire
naturelle, mais les moyens employés ordinairement, le burin et
la pierre lithographique, ne donnaient généralement que des ré-
sultats incomplets ; la photographie , au contraire , offire des
moyens parfaits de reproduction ; aussi s'est-on hâté de l'appli-
quer aux besoins de la science.
L'observatoire de Greenwich est pourvu depuis 1847 d'in-
struments qui enregistrent eux-mêmes leurs indications des
phénomènes météorologiques au moyen de la photographie. Le
physicien anglais, M. Thomas Woods, a appliqué la photogra-
phie aux observations astronomiques ^ l'éclipsé du 28 juillet
443
1851 a été relevée héliographiquement par MM. Vaillant çt
Thompson, avec un objectif sténallatique de M. Pbrro.
M. Bertsch a fait les images photographiques de la lune, prises
à différentes phases de Téclipse du 13 octobre 1856 , avec la
grande lunette de l'Institut technomatique.
M. le D' Fr.-Guil. Unger, de Gœttingen, vient d'entreprendre la
publication d'un ouvrage dans lequel il doit rassembler les ima-
ges photographiques des principales révolutions physiques du
globe, et celles des animaux qui ont vécu aux différentes épo-
ques de sa formation.
M. Descloiseaux , avec le secours de M. Duboscq, a produit
des épreuves de cristaux de quartz , obtenues au moyen d'un
appareil de polarisation éclairé par la lumière électrique.
£n 1855 on montra à la Société royale de Londres une col-
lection de fougères de la Grande-Bretagne , obtenue de gran-
deur naturelle par M. Glaisher^ et des copies des images photo-
graphiques des cristaux de neige.
M. Penney a fait en 1856 une reproduction photographique
du fond de la mer dans la baie de Weymouth , à une profon-
deur de 10 mètres; il a obtenu une vue parfaite des roches et
des herbes qui sont au fond de la baie.
MM. Arnaud et Bertsch, inventeurs d'un collodion rapide,
ont obtenu depuis longtemps des épreuves photographiques mi-
croscopiques d'insectes et de plantes, dont les grossissements
sont dans les proportions de 160, 200 et 300 fois leur volume,
et au delà au microscope solaire. En Angleterre , MM. Kings-
ley , Delves et Higley se sont hvrés avec un égal succès à des
essais du même genre. Dans la célèbre Imprimerie impériale
de Vienne, en Autriche , on a obtenu des photographies remar-
quables d'objets d'histoire naturelle grossis jusqu'à 3 mille fois,
au moyen du microscope solaire.
Les productions distinguées de M. Louis Rousseau, prépa-
rateur au Jardin des Plantes de Paris , sont depuis longtemps
appréciées ; avec l'aide de deux praticiens habiles, il a repro-
duit llconographie zoologique , pubhcation d'une valeur incal-
culable pour la science. M. Rousseau est parvenu à surmonter
les difficultés que présentait la reproduction des objets d'his-
444
toire natorelle ; an lien de conserver la sitaation horizontale
à la lentille dans la chambre obscure, il a placé la lentille ver-
ticalement, c'est-à-dire qu'il a disposé la chambre noire CM-des-
8U8 de V objet à reproduire , en plaçant cet objet lui-même hori-
zontalement à la manière ordinaire , sur une table ou sur un
support C'est grâce à cette chambre obscure renversée , et à
l'emploi des lentilles simples , que M. Rousseau a pu prendre
l'impression photographique des pièces anatomiques et autres
dans les conditions qu'exige leur reproduction ; il a pu obtenir
ainsi des résultats d'une haute importance pour les applications
futures de la photographie aux études scientifiques.
Le docteur Draper en Amérique, de son côté, a publié une
méthode pour obtenir des reproductions microscopiques. Les
épreuves photographiques d'une grande beauté doivent servir
à l'illustration d'un ouvrage sur la physiologie humaine , qu'il
publie en ce moment.
L'anthropologie est une des branches des sciences naturelles
qui devrait le plus jouir des avantages qu'offire la photographie.
L'artiste qui voyage dans les différents pays du monde en peut
rapporter les spécimens des types des races humaines vivantes,
et former ainsi des collections ethnologiques d'un grand inté-
rêt. Les galeries du Muséum de Paris possèdent déjà un cer-
tain nombre de ces épreuves. Quant aux races éteintes, M. Rous-
seau a également pris soin de reproduire lui-même les crânes
qui sont entre les mains des etiinographes. M. Hennemann, à
Londres, a fait une collection d'épreuves prises sur nature d'un
certain nombre de sauvages de la race cafre, et M. Claudet des
indigènes des îles Walpole. Les différentes espèces d'animaux
ont aussi eu leurs types reproduits : M. le comte Montizon a
photographié les animaux vivants du jardin zoologique de Lon-
dres, et MM. Disderi et Baldus les figures d'animaux qui se
trouvaient à l'exposition agronomique au Champ-de-Mars. M.
Adrien Tournachon reproduit avec talent les plus beaux types
de bestiaux.
Photographie Jadlolalre et mëdioale. La photogra-
phie a eu aussi son application aux actes de la justice pour le
445
signalement des condamnés , et ponr imprimer les portraits des
porteurs de passeports. Cette idée est de MM. Richemont, Yer-
neoil et Moreau-Christophe.
Le médecin trouvera un auxiliaire puissant pour ses recher-
ches dans les reproductions photographiques des maladies. C'est
ainsi que le docteur Diamond, attaché à l'asile de Surrey County
près de Londres, a fait faire les reproductions des traits de
femmes atteintes de folie représentant divers genres d'aliénation
mentale. La photographie est depuis quelque temps déjà em*
ployé dans des instituts orthopédiques de Vienne et de Ber-
lin. Enfin il n'y a pas une branche des arts, des sciences et 'de
l'industre, et jusqu'aux marchés et aux fêtes, que la photogra-
phie n'ait exploitée pour les reproduire.
Les grandes scènes populaires , les fêtes publiques ont été
photographiées par MM. le baron Gros, Plumier, Bertsch, Le
Gray, Millet et de Disderi*
Les scènes du baptême du prince impérial ont été repro-
duites par M. Plumier. Le parvis de Notre-Dame pendant ces
cérémonies est dû à M. MarviUe, ainsi qu'à MM. Pierson et
Mayer frères.
MM. Bisson frères ont présenté à l'Académie des sciences,
en août 1855 , une collection de vues photographiées des plus
intéressantes, représentant d'une manière parfaite les traces
qu'ont laissées les ravages du tremblement de terre du 25 au
30 juillet de cette année , à Saint-Nicolas , à Yiége et à Stalden
dans le haut Valais.
M. Bàldus nous a donné l'image des inondations du Rhône, et
M. Ferrier celle de la Loire , de 1856. M. Taubenot a exécuté
un album de pluff de 25 épreuves qui représentent le Prytanée
impérial militaire de La Flèche, ses bâtiments, ses jardins et
son personnel.
Photographie Indnstiiellea MM, Bisson frères ont eu
l'idée d'appliquer la photographie aux affiches annonçant la
mise en vente de terrains pour la construction , et à la repro-
duction de modèles de pendules, de machines et d'objets d'art
MM. le comte Aguado et Edouard Delessert ont eu l'ingénieuse
4É
446
idée de remplacer les noms et les adresses que portaiait jnsqa'à
présent les cartes de visites , par de délicieux petits portraits,
et ont trouvé de suite une foule de corollaires à cette idée.
Premières pablicatlons pliotograpliiqiies> N'ou-
blions pas de mentionner ici que, dans l'exposition des épreu-
ves photographiques ouverte à Londres au mois de janvier 1853,
on remarquait une curieuse collection d'épreuves d'après des
fougères, des herbes, des fleurs , exposée par le capitaine Ibbet-
son , et intitulée : Lie premier livre imprimé par le soleil , en
1840. Ce titre était justifié par ce fait, que la préface ainsi que
la page frontispice elle-même étaient imprimées réellement par
la lumière.
Le premier ouvrage photographique publié en France est
Paris photographié , vues et monuments , par Renard ; il est
sorti de l'imprimerie photographiq^^e fondée à Paris en 1851
par M. de Fonteney, et dirigée par M. de Lachevardière. Cet
ouvrage a paru chez MM. Goubil et Vipert en janvier 1853.
Mais le premier exemple de la photographie appliquée aux
ouvrages imprimés a été donné en France par M. Louis-Au-
guste Martin, sténographe de l'Assemblée ; ce sont ses Prome-
nades poétiques et dagviernennes. Cet ouvrage, publié en 1850,
composé de poésies descriptives sur Chantilly , Bellevue et au-
tres, est accompagné de vues daguerréotypées et reportées sur
papier photograpMque.
Le premier volume du Club des photographes de Londres
a été publié en mars 1856; il se compose des photographies
faites par 50 artistes , auquel M. Wittingham , de Chieswich , a
joint 50 pages de texte de la plus grande beauté typographique.
Ce volume fait voir les progrès merveilleux qu'a faits la photo-
graphie en Angleterre.
Dlmemloiie des photographlesa Sous le rapport de
la grandeur des épreuves photographiques on a également fait
des progrès. En 1851 on en faisait déjà qui étaient de la dimeo-
sion de 35 centimètres de longueur sur 25 de hauteur. Mainte-
nant on a dépassé cette mesure , et il en existe de bien plus
grandes , tant en portraits (ju'eu monuments.
447
MM. Heilmann et John Steewart ont soumis, le 25 juillet
1853 , à l'Académie des sciences des empreintes photographi-
ques directes par un procédé qui permet de les obtenir de tou-
tes dimensions; un portrait d'homme était reproduit trois fois
plus petit, et trois fois plus grand.
MM. Lerebours et Salleron avaient obtenu en août 1853
des épreuves dont la grandeur était limitée seulement par la
dimension du papier. MM. Victor Laisné, Leblanc, Gerothwohl,
Tamier, Adrien Toumaehon (Nadar jeune) , ainsi que les An-
glais, MM. Thomas Sharp et MayeQ, obtenaient des portraits
de grandeur naturelle par des procédés photographiques.
Cependant, en 1844 déjà, M. Ch. Chevalier avait construit un
objectif destiné à la reproduction des détails d'un monument ;
cet appareil , qui n'était qu'une modification de celui qu'il em-
ployait habituellement , permettait de reproduire certaines par-
ties sculptées d'un édifice sous de plus grandes proportions;
en allongeant les foyers , on obtenait des images de grandeur
naturelle et même plus grandes que l'original.
Mais le succès réel n'a été obtenu que tout récemment. M. Bis-
deri a fait en 12 à 15 secondes des portraits de '/s de grandeur
de nature sur des glaces collodionnées de 80 centimètres sur
60, au moyen d'un objectif à verres combinés de 10 pouces de
diamètre , nouveUement construit par MM. Lebruns et Maês,
avec un diaphragme intérieur de 10 centimètres, et à 3 mè-
tres de distance. Il a fait les portraits de l'Empereur, du comte
Agoado, de M. Dantan et de M. Edouard Delessert, et il y avait
peu de déformation, beaucoup de lumière et une grande finesse.
MM. Thompson et Bingham ont également fait des portraits de
grandeur naturelle sur des glaces de 80 centimètres avec un
objectif de 12 pouces ; ils ont reproduit des groupes de 4, 6 et
8 personnes ^emi-nature , qui ne laissent rien à désirer.
MM Bisson frères ont produit des photographies de dimen-
sions considérables. Ce sont l'Apollon du Belvédère , de gran-
deur natureUe, d'après un plâtre ; la porte principale du Palais
de l'Exposition, la place de la Concorde, et une vue générale
du Pont-Neuf et de l'île Notre-Dame en deux morceaux (ces
derniers ont chacun 75 centimètres de longeur) ; la vue du Fa-
I
i
448
^on de Horloge, cour da Loayre, a on mètre 2
de hauteur, sur 77 centimètres de largeur.
Les Yaes de Tarsenal de Vienne (Aatriche), fûtes dans 11m-
primerie impériale, ont 3' de hantenr sur une largeur plus con-
sidérable encore; elles ont été obtenues sur verre collodionné
et offirent cela de remarquable, qu'on ait pu parvenir à séparer
complètement du verre la couche de collodion qui y était éten-
due. On a obtenu ainsi des surfaces de collodion de 4 pieds
carrés de toute perfection.
Dernièrement, à Manchester en Angleterre (*), on a exposé
des photographies microscopiques dont l'une d'elles, de la gros-
seur d'une tête d'épingle , a été examinée à l'aide d'un micros-
cope qui grossissait cent fois. On trouva qu'elle représentait
un groupe de sept portraits de la fiunille de l'artiste. On a
exposé aussi une autre photographie microscopique de dimen-
sion encore plus exiguë, représentant une inscription murale éri-
gée à la mémoire de William Sturgeon, auteur de différentes
découvertes électriques, par ses amis de Manchester, dans l'é-
glise de Kirkby Lowedales. Cette petite inscription ne couvrait
que la dix-neuf-centième partie d'un pouce carré superficiel et
contenait 680 lettres , dont chacune était distinctement visible
au microscope.
Bëllooluroiiilea Pour la photographie sur papier, comme
pour la daguerréotypie, on a souvent annoncé d'avoir obtenu des
épreuves colorées; c'est ainsi qu'on lisait en 1858 qu'un artiste
suédois, Garlemann, avait fait une nouvelle découverte, qu'il a
nommé photo-chromographie, par laquelle il pouvait obtenir
3 à 400 copies par jour, les divers objets étant reproduits avec
leurs couleurs naturelles.—- M. Tardieu avait déjà pris en 1852
un brevet pour un système d'images photographiques colorées,
dit Tardéochromes. Cependant ces épreuves photographiques
n'étaient pas colorées par la lumière, mais simplement coloriées
à l'aide du pinceau. On n'est point encore parvenu à fixer
d'une manière permanente les couleurs obtenues par la lumière^
ni sur plaques métalliques, ni sur papier,
(4) Lumière, n- 4, 1856,
449
Le procédé de M. Tastud de Beanregard, inventé en 1855,
au moyen duquel il obtient sur papier des épreuves photogra-
phiques reproduisant les couleurs naturelles des objets, ne ré-
pond nullement à son titre (*). H obtient des teintes dépendan-
tes de la nature des substances qu'il emploie, et non de la cou-
leur des objets représentés ; il n'y a aucune concordance entre
les couleurs de l'épreuve et celles des objets : la preuve, c'est
qu'un négatif d'après une gravure non coloriée donne par ce
procédé des épreuves positives coloriées. Pour obtenir le colo-
ris, M. Minatto applique les couleurs sous l'image d'une photo-
graphie sur verre. M. Armengaud emploie un système de colo-
ration pratiqué en Allemagne dès l'année 1824, et qui a été
appliqué aux gravures et lithographies sous le nom d'o2éocaZéo-
graphÂe et de lithochromie. Son procédé consiste à donner a cha-
que partie de l'image la couleur qui lui est propre , en la po-
sant vigoureusement sur l'envers de l'épreuve photographique,
qui a été tirée sur du papier très-mince et transparent , ou sur
des substances susceptibles de le devenir. On peut peindre à
l'huile ou au lavis , mais il faut vernir avec un vernis incolore»
qui se compose de 7 parties d'essence de térébenthine , 1 de
mastic pur, 3 de térébenthine de Venise , et 10 de verre en
poudre.
M. Niepce de Saint- Victor (•), qui a fait de l'héliochromie
une étude spéciale , et les recherches les plus savantes et les
plus consciencieuses , en est aussi le juge le plus compétent
n fait l'observation suivante sur ce sujet: c Chose remarqua-
ble, pour obtenir les effets de coloration il Êiut absolument
opérer sur de l'argent métallique, préparé comme je l'ai dit;
car l'azotate, le chlorure, le cyanure et le sulfate d'argent,
étendus sur papier ou enduits d'amidon, ne donnent que du noir
et du blanc. Peut-être, en employant la poudre d'argent, obtien-
drait-on quelque résultat en enduisant une feuille de papier de
ce mélange: c'est une expérience que je me propose de faire.
J'ai déjà essayé le papier argenté, et cela m'a donné d'assez
bons résultats, mais inférieurs à ceux de la plaque métallique. >
(1) C'est là r opinion exprimée dans la Lumière, n* 33. 18 août 1855,
^ Recherches photogr. etc. p. 43. 48.
400
Nous ne poayons passer sons silence une invention qm^
si elle se réalisait, pourrait être d'one grande utilité : c'est Pim-
pression photo-chromatique , imaginée par M. Robert Smith de
Blackford. Voici en quoi elle consiste : un tissu végétal ou
animal est plongé d'abord dans une solution chimique, puis
séché dans l'obscurité, et le voilà devenu sensible à la lu-
mière. Le tissu ainsi préparé passe sous une feuille de verre
sur laquelle, au moyen de combinaisons de pièces opaques ou
transparentes, des morceaux de papier, par exemple, on a
figuré le dessin qu'on veut produire. On expose donc à la lu-
mière, en présence du modèle à reproduire , et toute la portion
de tissu que le carreau recouvre demeure sous ce carreau le
temps nécessaire pour subir l'action chimique de la lumière,
temps qui varie de 2 à 20 minutes, et le tissu reste en contact
avec la face inférieure du verre, au moyen de ressorts. Quand
le tissu a subi l'action actinique des rayons du soleil, on le trans-
porte dans une solution qui doit développer les couleurs et les
rendre permanentes, et on le lave dans une cuve d'eau. Le sel
qui imprègne les portions sur lesquelles la lumière n'a pas réagi
étant enlevé par les lavages, ces portions restent blanches, ou
sont décomposées par un sel de plomb' pour former un chro-
mate jaune de ce métal. M. Fritz Vogel, à Venise, a appliqué
depuis 1847 la photographie, pour l'impression des étoffes de
soie et de coton, en épreuves positives.
Il a reproduit entre autres le portrait du célèbre Wœhler sur
tissu de coton blanc, diverses feuilles d'ornements sur ruban de
soie blanche, etc.
GKAVURB HEUOORAPHIQUBa Après avoir retracé
sommairement l'origine , le développement et les diverses ap-
plications de la photographie sur papier, nous arrivons à une
branche de cet art qui rentre plus directement dans notre su-
jet comme art multiplicateur: c'est la gravure photographique.
Les procédés photographiques permettent bien de multiplier à
l'infini les copies directes obtenues au moyen d'épreuves inver-
ses ; mais l'opération est longue, et les épreuves sont plus coû-
teuses que si on les avait obtenues par l'impression d'une plan-
451
che gravée. Mais l'inconvément le plus grave, c'est que l'on est
pénétré de cette idée que les épreuves photographiques n'ont
que peu de durée, et que les plus solides, les mieux lavées, ne
dureront pas cinquante ans.
Si donc on pouvait arriver à transporter et à graver sur des
planches métalliques les images obtenues par la lumière, le
problème serait résolu, et celles-ci se conserveraient toujours.
C'est, en effet, ce qu'on a cherché à obtenir et on y a réussi
C'est encore à M. Niepce de Saint-Victor, à qui la photographie
doit tant de perfectionnements, qu'est dû ce résultat.
En nous occupant de la daguerréotypie, nous avons parlé des
tentatives qui ont été faites par plusieurs personnes pour gra-
ver les plaques daguerriennes, et que, vu le peu de succès, on a
abandonnées. Nous avons aussi parlé des images reproduites
au moyen de l'iode , découverte intéressante de M. Niepce de
Saint-Victor.
Procédé Poitevlii. Nous citerons ici le procédé pour gra-
ver ces images inventé en 1848 par M. Poitevin. Le calque de
l'objet à reproduire sur la planche d'argent , ou sur la plaque
de cuivre argentée et polie, se fait d'après le procédé de M-
Niepce, qui est le suivant: La gravure est plongée dans une
dissolution d'iode et placée ensuite sur une autre feuille en-
duite d'une couche d'amidon. Lorsqu'on serre ces feuilles l'une
sur l'autre, l'iode se dégage des noirs et se dépose sur l'amidon ;
et lorsqu'on presse cette feuille sur une planche de cuivre, l'iode
se détache de l'amidon et se fixe sur le cuivre, qui reçoit toute la
gravure. Si on la presse sur une planche d'argent, l'iode se
combine avec la plaque métallique et forme un iode d'argent
M. Poitevin plonge alors la plaque elle-même dans une solution
saturée de sulfate de cuivre , où , la mettant en communication
avec une pile voltî^que , le cuivre de cette dissolution vient se
déposer sur les parties de la plaque non recouvertes d'iodure,
c'est-à-dire répondant aux blancs de la gravure. On plonge en-
suite la planche dans un bain d'hyposulfite de soude, qui dissout
l'iodure et met à nu la surface argentée sous-jacente. L'on chauffe
pour oxyder la partie de la plaque recouverte de cuivre, puis
452
•
l'on passe une couche de mercure, en chauffant légèrement Ce
mercure ne touche pas à l'oxyde de cuivre, mais s'amalgame
avec Pargent, de sorte qu'à ce moment les noirs de la gravure
se trouvent représentés par l'amalgame d'argent et de mercure,
et les blancs par l'oxyde de cuivre. On recouvre la plaque de
deux ou de trois feuilles d'or battu, et l'on fait évaporer le mer-
cure en chauffant; l'or adhère à l'argent que vient de quitter
le mercure , puis on plonge dans une dissolution de nitrate d'ar-
gent, qui dissout l'oxyde de cuivre. La plaque d'argent se trouve
alors presque ramenée à son état primitif: les noirs de la gra-
vure étant seulement indiqués par une couche d'or, et les
blancs par la surface argentée de la plaque mise à nu.
n suffit alors de traiter par de l'acide nitrique affaiblie: les
surfaces argentées, attaquées par l'acide, se creusent aussi pro-
fondément que possible ; celles qui sont protégées par l'or de-
meurent intactes , c'est-à-dire en saillie. Les planches ainsi pré-
parées sont propres à tirer des épreuves. à la manière des gra-
vures sur bois.
M. Niepce de Saint- Victor a repris les travaux de son oncle,
Nicéphore Niepce, inventeur de l'héliographie, a fait de nouvelles
recherches, et le 25 mai 1853 il a présenté à l'Académie des
sciences un mémoire sur un nouveau procédé de gravure photo-
graphique. M. Fox Talbot, de son côté, avait présenté aussi un
mémoire sur le même sujet un mois auparavant, savoir le 2 mai
1853. Cependant M. Arago a fait valoir dans cette même séance
l'antériorité de la découverte de M. Niepce de Saint- Victor,
ce dernier ayant depuis longtemps confié son secret à M. Che-
vreul, membre de l'Académie.
Nous allons décrire successivement les deux procédés :
Le procédé Talbot consiste à enduire une plaque d'acier
d'une couche impressionnable, composée d'un mélange de géla-
tine et de bichromate de potasse , après l'avoir préalablement
plongée dans du vmaigre acidulé d'un peu d'acide sulj^irique
et chauffée légèrement. Si l'objet à reproduire est plat, on le
met sur la plaque ainsi préparée, et on l'expose au grand jour
pendant 1 ou 2 minutes. Dans le cas où l'objet ne serait pas de
m
nature à être placé directement sur la plaque, il faudrait en pren-
dre d'abord une image inverse par les moyens photographiques
ordinaires, pour tirer de là une image directe sur papier ou
verre, puis on mettrait cette dernière sur la plaque d'acier pour
l'impression au soleil. La plaque impressionnée se plonge alors
dans une cuvette d'eau froide pendant 2 ou 3 minutes; on voit
aussitôt que l'eau blanchit l'image, parce qu'elle a dissous le
sel de chrome et aussi une partie de la gélatine ; il faut alors la
retirer de l'eau et la mettre pendant quelques instants dans
l'alcoolf On laisse sécher spontanément à une chaleur modérée;
l'image photographique est dès lors terminée. En versant sur
la plaque un liquide corrosif, il doit d'abord pénétrer par là
même où il éprouve le moins de résistance, c'est-à-dire aux en-
droits où l'épaisseur de la couche de gélatine a été réduite par
l'action dissolvante de l'eau; c'est le bichlorure de platine, mêlé
d'une quantité d'eau égale au quart de son volume, qui remplit
ces fonction». Au bout de 1 à 2 minutes on voit l'image blanche
photographique se noicir, signe évident que le mordant a com-
mencé à attaquer l'acier. Après 1 ou 2 minutes encore on fait
couler la solution et" on sèche la plaque avec du papier brouil-
lard, puis on lave avec de l'eau contenant beaucoup de sel ma-
rin, et on frotte fortement la plaque avec une éponge humide,
pour .détacher la couche de gélatine qui la couvrait. Alors on
peut voir la gravure que l'on a obtenue.
M. Talbot nous apprend qu'on peut modifier de diverses ma-
nières ce procédé. En voici un autre : On prend une plaque
d'acier portant une couche de gélatine sensible à la lumière ,
on la couvre d'abord d'un voile noir de crêpe ou de gaze, puis
on l'expose au grand soleil ; on la trouve après l'exposition em-
preinte d'un grand nombre de lignes produites par le crêpe.
Alors on substitue à la gaze un objet quelconque , par exemple
une feuille opaque d'une plante, et on l'expose de nouveau au
soleil pendant quelques minutes ; on parvient facilement à une
gravure qui représente une feuille couverte des lignes intérieu-
res. Ces lignes se terminent au bord de la feuille et manquent ab-
solument sur tout le reste de la plaque. Ce procédé n'a cepen-
dant produit rien encore qui mérite d'être mentionné.
454
Prooédé NIepce de Salnt-Vloior ('). M. Niepce de
Saint-Victor, conjointement avec M. Lemaître, graveur, a ap-
porté des modifications au procédé de gravure inventé par son
oncle, Nicéphore Niepce, et en a fait une nouvelle application.
L'ader sur lequel on doit opérer ayant été dégraissé avec du
blanc de craie, on verse sur la surface polie de l'eau mélangée
d'un peu d'acide chlorhydrique, dans les proportions de 1 par-
tie d'acide pour 20 parties d'eau. Par ce moyen le vernis adhère
parfaitement au métal. La plaque doit être immédiatement bien
lavée avec de l'eau et puis séchée. On étend ensuite, à l'aide
d'un rouleau recouvert de peau, sur la surfeice polie, du bitume
de Judée dissous dans de Vessence de lavande; on soumet le ver-
nis ainsi appliqué à une chaleur modérée, et quand il est séché
on préserve la plaque de l'action de la lumière et de l'humidité.
Sur une plaque ainsi préparée, M. Niepce applique le recto
d'une épreuve photographique directe (ou positive) sur verre
albuminé, ou sur papier ciré, et il l'expose à la lumière pendant
un temps plus ou moins long, suivant la iiature de l'épreuve à
reproduire, et suivant l'intensité de la lumière. Dans tous les
cas l'opération n'est jamais très-longue , car on peut £ûre une
épreuve en un quart d'heure au soleil , et en une heure à la
lumière diffuse. Il faut même éviter de prolonger l'exposition,
car dans ce cas l'image devient visible avant l'opération du dis-
solvant, et c'est un signe certain que l'épreuve est manquée,
parce que le dissolvant ne produira plus d'effet
On emploie pour dissolvant trois parties d'huile de naphte
rectifiée et une partie de benzine (préparée par Colas): cette
proportion a en général donné de bons résultats. Pour arrêter
promptement l'action et enlever le dissolvant, on jette de l'eau
sur la plaque en forme de nappe, et on enlève ainsi tout le
dissolvant; on sèche ensuite les gouttes d'eau qui sont restées
sur la plaque, et les opérations héliographiques sont terminées.
Pour graver ces plaques, M. Lemaître se servait du mordant
(1) Voyez Recherches photograph. 1855, et Traité pratique de ^vore héHogn-
phique sur acier et sur verre, par M. Niepce de Saiot-Victor. Paris, 1856.
tàb
suirant : acide nitrique à BQ% en volume, 1 partie ; eau distil-
lée, 8 parties; alcool à 36", 2 parties.
L'action de l'acide nitrique étendu d'eau et alcoolisé dans ces
proportions a lieu aussitôt que le mordant a été versé sur la
plaque d'acier, préparée comme il vient d'être dit; tandis que
les mêmes quantités d'acide nitrique et d'eau sans alcool ont
l'inconvénient de n'agir qu'après deux minutes au moins de
contact On laisse le mordant fort peu de temps sur la plaque ,
on l'en retire, puis on lave et sèche bien le vernis et la gravure
afin de pouvoir continuer et creuser le métal plus profondé-
ment sans altérer la couche héliographique. Pour cela on se
sert de résine réduite en poudre très-fine, placée dans le fond
d'une boîte préparée à cet effet On l'agite à l'aide d'un souf-
flet, de manière à former une sorte de nuage de poussière
qu'on laisse retomber sur la plaque, ainsi que cela se pratique
pour la gravure à l'aqua-tinta. La plaque est alors chauffée ; la
résine forme un réseau sur la totalité de la gravure ; elle con-
solide le vernis, qui peut alors résister plus longtemps à l'action
du mordant (acide nitrique étendu d'eau, sans addition d'alcool).
Elle forme dans les noirs un grain fin 4ui retient l'encre d'im-
pression et permet d'obtenir de bonnes et nombreuses épreuves,
après que le vernis et la résine ont été enlevés à l'aide de corps
gras chauffés et des essences. Il résulte de toutes ces opéra-
tions que, sans le secours du dessin, on peut reproduire et
graver sur acier toutes les épreuves photographiques, sur verre
et sur papier, sans avoir besoin de la chambre obscure.
Ces premiers essais n'ayant pas complètement répondu à
l'attente, M. Niepce de Saint-Victor cherchait dans des essais
subséquents à perfectionner le vernis et le mordant Le 30 oc-
tobre 1853 il communiquait à l'Académie un nouveau vernis
qui avait la fluidité de l'albumine, qui s'étendait aussi facile-
ment que le coUodion et séchait aussi vite, ce qui permettait
d'opérer dix minutes après avoir couvert la plaque d'acier. Il
était composé de benzine, 100 grammes, de bitume de Judée
pur, 5 gr. et de cire jaune pure, 1 gr. M. Niepce rendait
ce vernis plus sensible en versant sur la plaque de l'éther
suUurique anhydre, contenant quelques gouttes d'essence de
4fid
lavande rectifiée. De cette manière on pouvait opérer en dix
minutes , un quart d^heure au plus, dans la chambre obscure,
et quelques minutes suffisaient quand on opérait par contact
aux rayons solaires. Le dissolvant fut également modifié et se
composait de 5 parties d'huile de naphte et 1 partie de ben-
zine.
De nouvelles recherches, surtout sur les huiles volatiles, ame-
nèrent de meilleurs résultats encore, qui furent publiés le 2 oc-
tobre 1854; le nouveau vernis se composait de benzine, 90 gram-
mes, d'essence de zeste de citron pure, 10 grammes, et de bitume
de Judée pur, 2 grammes. L'essence qui donne le vernis
le plus onctueux est celle d'aspic pure non distillée ; mais celle
que M. Niepce préfère à toutes les essences est celle de zeste
de citron pure (obtenue par pression), parce qu'elle donne les
plus beaux résultats héliographiques. Le vernis qu'elle forme
est très-homogène, plus siccatif que celui que l'on prépare avec
l'essence d'aspic; seulement il est plus sec, et c'est ce qui fait
qu'il donne des traits plus purs.
Cependant ce nouveau vernis a un inconvénient, c'est celui
de ne pas ofirir assez de résistance à l'action de l'eau-forte;
mais au moyen d'une fumigation, que M. Niepce a imaginée,
on peut consolider la couche de vernis la plus mince. On pro-
cède à cette fumigation après que la plaque a subi l'action de
la lumière et celle du dissolvant. Voici la manière d'opérer la
fumigation. On a une boîte semblable à celle qui sert à passer
la plaque daguerrienne au mercure, fermant hermétiquement,
de la dimension des plus grandes plaques d'acier sur lesquelles
on doit opérer, parce qu'au moyen de deux petites barres mo-
biles appuyées sur des lattes placées dans l'intérieur, on éloi-
gne ou l'on rapproche les barres, selon la dimension de la pla-
que. Dans le fond de la boite, qui doit se trouver à une cer-
taine hauteur du sol, on place une capsule de porcelaine dans
l'ouverture ronde d'une feuille de zinc; ou chauffe la capsule,
qui contient de l'essence d'aspic pur non distillée ou rectifiée,
avec une lampe à alcool, de manière à porter la température
de 70 à 80 degrés au plus , afin d'éviter de volatiliser une trop
grande quantité d'huile essentielle, car alors le vernis se dissou-
Irait «t ne présenterait pas, comme cela doit être, ane couche
brillante et de couleur bronze, semblable au premier aspect de
la plaque vernie, avant Texposition à la lumière. M. Niepce re-
commande dans cette fumigation de ne chauffer l'essence que
jusqu'à ce qu'il y ait un léger dégagement de vapeur , de pro-
longer Fexposition de deux ou trois minutes, de chauffer de
nouveau, et de recommencer une seconde fumigation si cela est
nécessaire ; de laisser ensuite bien sécher la plaque, en l'expo-
sant un instant à l'air avant de faire mordre à l'eau-forte.
M. Niepce de Saint- Victor a composé un vernis complète-
ment imperméable à l'acide , sans le secours des fumigations;
Û suffit pour cela de mettre dans le vernis un gramme de caout-
chouc, dissous préalablement dans l'essence de térébenthine,
en forme de pâte onctueuse; mais alors il ne peut supporter
la chaleur à laquelle on est obligé de soumettre la plaque mé-
tallique pour appliquer le grain d'aqua-tinta nécessaire pour la
reproduction des épreuves photographiques. M. Niepce de Saint-
Yictôr avait obtenu de belles gravures du portrait de l'empe-
reur Napoléon III, et de la vue du Louvre ; les opérations hé-
fiographiques avaient été faites par M*"* Pauline Riffaut, et les
retouches en gravure par M. Riffaut.
M. Niepce de Saint- Victor s'est aussi occupé de recherches
ayant pour but de remplacer Yeaihforte dans la gravure hélio-
graphique. Voici ce qu'il communiquait le 12 mars 1835 à l'Aca-
démie : « Les fumigations que j'ai indiquées sont certainement
d^tm grand secours, mais elles sont d'un emploi difficile : elles
donnent souvent trop ou pas assez de résistance au vernis ; de
sorte qu'il était nécessaire de chercher un autre mordant que
Peau-forte, qui pût agir sur le métal sans attaquer le vernis.
Dans le grand nombre d'expériences que j'ai faites à ce sujet,
je n'ai rien trouvé de mieux que l'eau iodée ou saturée d'iode,
à une température de 10 à 15 degrés au plus, de manière
qu'elle ait une couleur d'un jaune d'or, et n'allant pas jusqu'au
rouge orangé. On commence la morsure en couvrant la plaque
d'eau iodée ; puis, après dix minutes, un quart d'heure, on re-
nouvelle Peau iodée, parce que la première essence ne doit plus
<5(mtenif d'iode : ime partie a dû se combiner à l'acier en for-
30
458
mant un iodure de fer, et l'autre s'est volatilisée, de sorte qu'il
est important de changer deux ou trois fois l'eau iodée, c'est^
à-dire jusqu'à ce que l'on juge la plaque suffisamment mordue.
La morsure se fait lentement, et, de plus, elle ne serait jamais
assez profonde , si on ne terminait pas par l'emploi de l'eau-
forte qui, dans ce cas, doit être très-faiblement acidulée d'acide
azotique : elle agit alors suffisamment pour creuser le métal
plus profondément que l'iode, et sans attaquer le vernis. L'ap-
plication de ce procédé a donné d'excellents résultats à M. Rif-
faut, graveur. Les Recherches photographiques et le Traité de
gravure de M. Niepce de Saint- Victor sont ornés d'un magni-
fique portrait de l'auteur de ces Uvres, gravé héliographique-
ment d'après une photographie de M. Plumier , et terminé par
M. Riffaut. C'est au moyen de ces procédés, élaborés par
M. Niepce de Saint- Victor, que MM. Rousseau et DéTëria^
Bisson et Mante obtiennent maintenant leurs planches d'im-
pression en acier pour leur publication de l'iconographie zoo-
logique ; mais ces procédés de gravure présentaient un inconvé-
nient regrettable, c'était de ne pouvoir se passer de l'intervention
du burin, ou des retouches du graveur pour les terminer ; aussi
M. Eiffaut était un auxiliaire dont on n'avait pu se passer, du
moins pour les premières. Cependant M. Riffaut a exécuté
des planches d'acier parfaites gravées héliographiquement, et
sans aucune retouche ; telles sont les planches qui représentent
les deux lézards , le polype , les scarabées, des coquillages, des
crabes, des tortues et un tapir. U a publié dernièrement le por-
trait de M™" Arsène Houssaye et celui de M. Niepce de Saint-
Victor, qui ont parfaitement réussi. Il a gravé aussi au moyen
de l'eau iodée de M. Niepce les Yaks du Jardin zoologique, et,
en 1855, il a publié un cahier composé de six planches in-folio,
représentant plusieurs genres de gravures et de dessins, toutes
remarquablement bien faites.
M. Charles Nègre s'est également distingué dans la gra-
vure par l'action de la lumière ; les belles planches du midi de
la France, des monuments de Paris, et de quelques tableaux de
genre, sont remarquables de réussite. M. Benjamin Deles»
469
sert a commencé à remplacer les photographies sur papier par
des gravures héliographiques, pour ses précieuses reproductions
d'anciennes gravures. Uannondation d'Albert Durer est une
copie identique , une vraie réimpression de l'épreuve primitive.
Procédé FIgiiiera M. Louis Figuier, de son côté, propose
un procédé de gravure qui n'a pas encore été essayé. Voici ce
qu'il dit à ce sujet : < En examinant les clichés de verre et
les épreuves positives de verre de MM. Rousseau et Dévéria, il
nous vint à l'idée que la galvanoplastie, qui reproduit avec une
si étonnante fidélité tout ce que l'art humain forme de plus dé-
licat, pourrait intervenir avec profit pour reproduire ces clichés,
et permettrait ainsi d'éviter l'emploi de l'eau-forte dont l'ac-
tion sur le métal, souvent inégale par suite d'une certaine per-
méabilité de l'enduit résineux , occasionne sur la planche des
défauts que le burin du graveur est plus tard forcé de rectifier.
Nous pensions qu'en attaquant l'épreuve photographique sur
verre par l'acide fluorhydrique, de manière à obtenir sur verre
une gravure en creux, et plaçant ensuite le cliché dans un
bain galvanoplastique de cuivre , on pourrait obtenir une plan-
che de ce métal propre au tirage typographique (*). »
Procédé Baldusa M. Baldus, qui s'est également occupé
avec succès de gravure photographique, vient d'imaginer un
nouveau procédé qui a l'avantage remarquable de pouvoir se
passer de retouches. Voici, suivant M. Louis Figuier, en quoi il
consiste: Sur une lame de cuivre on étend une couche sensible de
bitume de Judée, et l'on superpose une épreuve photographique
sur papier de l'objet à graver; cette épreuve est positive, et
doit par conséquent se traduire en négatif sur le métal par
Faction de la lumière. Au bout d'un quart d'heure environ d'expo-
sition au soleil, l'image est reproduite sur l'enduit résineux, mais
elle n'y est point visible , et on la fait apparaître en lavant la
plaque avec un dissolvant , qui enlève les parties non impres-
sionnées par la lumière , et laisse voir une image négative re-
(1) Revue de Paris, 15 avril 1854. d
460
jHrésentée ptf les traits résineux da bitame. Cependant le ém-
wut est formé d'un voile si délicat et si nùaee, qu'A ne tarderait
pas à disparaître en partie par le séjour de la plaqne a« aein
du liquide. Pour lui donner une solidité et une rés»tanoe opn*
venables, on Tabandonne pendant deux jours à Faction de la lu-
mière diffuse. Le dessin consolidé de cette manière par son expo-
sition au jour, on plonge la lame de métal dans un baingalmno*
plastique de sul&te de cuivre, et voici maintenant les véritables
merveilles du procédé. Attachez la plaque au pôle négattf
de la pile , déposez sur les parties du métal non défendues
par l'enduit résineux une couche de cuivre en relief; placez-la
au pôle positif, puis creusez le métal aux mêmes points, et
formez ainsi une gravure en creux: si bien que l'on peut à
volonté , et selon le pôle de la pile auquel on s'adresse , obte-
nir une gravure en creux ou à l'eau-forte pour le tirage sous k
presse en taille-douce , ou une gravure en relief analogue à la
gravure sur bois , pour le tirage à l'encre typographique. L'é-
preuve photographique dont on fiait usage pour la transporter
sur le métal n'a besoin d'aucune préparation particulière, lors-
qu'il s'agit de reproduire une gravure ordinaire déjà exécutée
sur papier, et c'est le cas que nous avons admis plus haut Mais
tel n'est pas le cas général ; et, quand il s'agit de graver des
objets d'histoire naturelle, des monuments ou des vues, l'épreuve
photographique , dont on fait usage , doit être obtenue par un
moyen qui diffère un peu du procédé ordinaire.
Ce qui constitue la difficulté essentielle pour la gravure dei
épreuves photographiques, c'est la reproduction de ce que l'on
n(«ime dans la gravure îe grain, c'est-à-dire les éclaircies rava-
gées par le burin dans les ombres du dessin. L'épreuve photogra-
phique ne présente rien de semblable : les ombres sont accusées
par un empâtement uniforme. Dans les images de MM. Rousseau,
Dévéria et Riffaut , on le produisait après coup à l'aide du bu-
rin ou de la roulette sur la plaque de métal gravée. M. Baldus
forme ce grain sur l'épreuve négative, grâce à l'additioft aux
substances chimiques impressionnables d'un composé qui, en cris-
tallisant dans la masse du papier, y forme de petits grains cris-
tallins et transparents. Les détails du procédé ne sont point
encore connus.
461
4 liM éptewim cnf pi^yier obtenaet avee «M nowrslles ]plftii-
ékM d'origine photogn^luque, sont tellement parfutes q«e Vùm
peut regarder comme définitivement résolu le grand problème
de la gravure par l'agent lumineux. »
Procédés divenb M. Zie^er , dans un excellent article
sor la photographie à l'Exposition universelle de 1855 ('), nom
apprend que M. Eousseau s'occupe ai^ourd'hui d'un nonveau
procédé de gravure , importé de Chartres. La planche est de
laiton ; exposée d'abord aux vapeurs de l'iode , ensuite à la lu>
mière sous un positif, l'image s'y produit par les modifioations
foe subit l'iode sous l'inâuence des rayons lumineux.
t A cette opération succède une application de mercure par
frottement an moyen d'un tampon. Le mercure ne s'attaehant
qu'aux endroits altérés par la lumière, on fait mordre avec un
aeide qui attaque le laiton sans altérer le mercure. Aucun mé>
tel, aucun mélange de métaux ne peut remplacer le laiton. D^à
des résultats très-remarquables ont été obtenus, les essais con-
tinuent ainsi que les progrès. »
« Depuis quelque temps M. Niepce de Saint- Victor s'occupe
de recherches pour obtenir la production directe de Vimage sur
atiêf et dé la gravure comme opération subaéqumte. Déjà le
2ê juin 1855 il a obtenu une réussite complète en gravant
sans retouche une vue de Tabside du temple protestant qui se
TOit des fenêtres du Louvre. Ce petit essais est aussi fin, aùsei
fliedelé et aussi délicat que des essais sur plaque de Daguerre.
L'épresve est faite sur acier, dans la chambre noire, au moyeft
d'uft vernis de bitume et de bepxinç; partout où la lumière
agit, le vernis sèche et devient impénétrable à l'acide ; au con-
traire) à la place des ombres il est comme pulvérulent et sé-
reux. L'acide agit et grave d'autant plus profondément, que la
lumière a été moins active.
4 Le vernis que M. Niepoe de Saint-Victor recommandait le
2 octobre 185i (voyez page 456) , est excellent pour l'applica*»
tien qu'il a faite de la gravure héliographique sur verre.
(1) Dans le Journal U Patrie du 4 juillet 185$,
452
€.Oii Opère, dans ce cas, comme sur la plaque métaDique,
pais on soumet la feuille de verre à l'action de la vapeur de
l'acide fluorhydrique pour graver en mat, ou bien on couvre la
plaque de verre de cet acide hydraté pour graver en creux. On
obtient ainsi de très-jolis dessins photographiques gravés sur
▼erre , et si l'on opère sur un verre rouge dont la couleur ne
soit appliquée que d'un seul côté, on a un dessin blanc sur
on fond rouge. On pourrait obtenir des dessins blancs sur toute
espèce de verre de couleur. »
Hélioplaatie* M. Poitevin, en 1855, a fait une nouvelle
application de l'action de la lumière sur les mélanges des sels
à acide chromique et des matières organiques gommenses, pour
produire immédiatement des gravures en relief ou en creux.
Le procédé que M. Poitevin nomme hélioplastie repose sur la
propriété qu'a la gélatine sèche et imprégnée d'un chromate ou
bichromate et soumise à l'action de la lumière , de perdre la
propriété de se gonfler dans l'eau, et que, soustraite à cette ac»
tion, elle y prend un volume environ six fois plus grand.
Partant de ce principe, M. Poitevin applique une couche plus
ou moins épaisse d'une dissolution uniforme de gélatine sur une
planche de verre par exemple ; il la laisse sécher et la plonge
ensuite dans une dissolution de bichromate de potasse ou de
tout autre , pourvu que la base n'ait }>as d'action sur la géla-
tine elle-même; il laisse sécher de nouveau et alors il impres-
sionne, soit à travers un dessin positif, soit même au foyer de
la chambre noire. Après l'impression, qui doit varier selon l'in-
tensité de la lumière, il plonge dans l'eau la couche de géla-
tine. Voici ce qui se passe : toutes les parties qui n'ont pas re-
çu la lumière forment des reliefs , tandis que celles qui ont été
impressionnées forment des creux. Il restait alors à transformer
en planche métallique la surface de gélatine gravée arrivée à
cet état; il suffit à l'auteur de la mouler en plâtre, et au moyen
de ce moule il obtient, par les procédés connus, des planches
métalliques, ou bien il la moule immédiatement par la galvano-
plastie, après l'avoir préalablement métallisée.
Par ce procédé, les dessins négatif au trait fournissent des
468
plantehes métaHiques en reHef pouvant servir à l'impression ty-
pographique , tandis que les dessins positifs donnent des plan-
ches en creux qui peuvent être imprimées comme celles en taille-
douce. Il faut donc que les dessins qu'on peut reproduire par
le procédé hélioplastique de M. Poitevin, soient faits par des
hachures ou un pointillé apparent , si l'on veut obtenir des plan-
ches propres au tirage. £n opérant sur une couche de gélatine
d'une certaine épaisseur et en l'impressionnant à travers un des-
sin non formé par des traits, tels que les portraits photographi-
ques, par exemple, on obtient, après le gonflement des parties
non modifiées par la lumière, une surface modelée dans le genre
des reliefs sur médaille (*).
M. Becquerel ajoute à ces détails: M. Poitevin n'est cependant
pas le premier qui ait utilisé l'action réductrice de la lumière
sur les sels formés par l'acide chromique avec les diverses ba-
ses, et principalement sur le bichromate de potasse en pré-
sence des matières organiques. M. Mungo Ponton s'en est servi
pour le tirage des positifs sur papier, et M. Ed. Becquerel pour
les études sur l'action chimique de la lumière et pour la repro-
duction des images du spectre solaire. M. Testud, de Beauregard,
l'a employé pour obtenir des images diversement coloriées , et
M. Talbot pour la gravure chimique, ainsi que d'autres savants
anglais pour diverses applications. L'acide chromique réduit par
la lumière forme, dans ces différentes circonstances, le corps
colorant qui doit produire le dessin , ou bien pour la gravure
il transforme la matière organique en vernis impénétrable à l'a-
gent chimique qui doit creuser l'acier dans les parties non im-
pressionnées.
Photogalvanog^ApUO" M. Paul Pretsch, de Vienne (Au-
triche), a inventé un procédé au moyen duquel il obtient , soit
sur verre , soit sur tout autre plaque , couverte de substances
glutineuses, mélangées de matières d'un usage photographique,
un dessin en relief ou en creux qui peut être copié par le
procédé électrotypique de manière à produire des planches pro-
(1) Lumière. 1856, d* S.
464
pTts à l'impression. L* base de son procédé 6it Fftetioii da 11
lumière sur une couche de gin mélangée avec du bkkioiiiti
de potasse, du nitrate d'argent et de Fiodure de potassiwtt.
Après l'exposition de la plaque, on la la?e dans de l'eau qui
contient une solution de borax ou de carbonate de soude ; l'irnag»
sort alors en relief. Quand elle est suffisamment développée,
on lave la plaque à l'esprit-de-vin , puis elle est recouverte de
vernis copal qu'on enlève ensuite avec de l'essence de térébea-
thine, et enfin on immerge la plaque dans une faible soittticn
de taniu. Elle est alors toute prête k être copiée par le pré-
cédé 'électrotypique. On produit le dessin en creux «i cbaniJHit
légèrement après le lavage à l'esprit-dè-vin.
Irfi méthode de graver de M. MecoPliereoA f imi^
ginée en 1855, ne parait être qu'une modification du procédé
primitif de Niepce. La voici: La plaque métallique » acier oo
cuivre , est enduite de bitume de Judée dissous dans de l'étbef
sulfurique ; l'éther s'évapore rapidement et laisse sur la plaacbe
une légère couche de bitume étendue très-uniformément On
applique sur cet enduit sensible un positif sur verre ou sur pa-
pier, et on obtient une impression par l'exposition à la lumière ;
on plonge la plaque dans un bain d'éther pour dissoudre le bi-
tume non modifié par la lumière; il reste sur la plaque un beau
dessin négatif. La planche est alors plongée dans un bain gai-
vanoplastique et dorée ; l'or adhère aux parties purement mé-
talliques sans attaquer le bitume. On dissout alors le bitume au
moyen d'alcool ens'aidant d'une douce chaleur. Les lignes cU
l'image négative sont maintenant représentées par du métal pu|r,
et le reste de la plaque est protégé par de l'or. On termine en
attaquant la plaque par les procédés connus de la gravure à
l'eau-forte pour graver en creux les traits de l'image négatâve,
lesquels dans les épreuves donneront les noires en rétablissant
la vérité du dessin («).
Procédé Salmoii et Gamier* En profitant des pro*
priétés de l'iode de se porter sur les noires et les reliefs, dé-
(1) Cosmos, t. vu. p. 435.
465
iigaées par M. Niépce de Saint-Victor (voyes page 440) , BtîH*
saut les avantages qu'offire la galvanoplastie , MM. Saknon et
Garnier de Chartres ont imaginé plusieurs méthodes de gra"
vmre photographique. Elles diffèrent de celles de M. Niepce,
parce que tontes les opérations peuvent être exécutées à Pombre,
c'est-à-dire par tons les temps et dans toutes les saisons.
L'on des procédés, dit le décalque direct sur cuivre de toute
espèce dedessin, de gravure et de lithographie, quelles que soient
leur ancienneté et la transformation de ce décalque en une
gravure sur métal, s'opère de la manière suivante : On prend le
destin que l'on désire reproduire (supposons un dessin au crayon
noir ordinaire) et on Pexpose pendant quelques secondes à l'ac-
tion des vapeurs d'iode , dans la botte destinée à cet usage ;
puis retirant ce dessin , on l'appUque sur la surface polie de la
plaque de cuivre jaune : l'iode qui s'était porté sur les parties
noires , sur les traits du dessin , se décompose sur cette plaque
de enivre, et si l'on vient ensuite à passer sur le métal une lé-
gère couche de mercure, le dessin apparaît sur le cuivre; le
mercure s'est porté sur tous les endroits touchés par l'iode et
a req>ecté , au contraire , ceux que cette dernière substance
a laissée intacts; de telle façon que Ton a déjà le dessin re-
produit tout entier sur la plaque de laiton, mais en blanc. Pour
isoler ce dessin du reste de la plaque , il suffît de passer par-
dessous , sans plus de précaution , un rouleau de lithographie
chargé d'encre grasse, laquelle à son tour ne prenant que sur
les endroits exempts de mercure , dans les intervalles des traits
du dessin, l'isole complètement et le fait ressortir davantage.
Pour renforcer la couche de corps gras et lui permettre de ré-
sister aux opérations qui vont suivre^ on saupoudre entièrement
la plaque de résine pulvérisée. Maintenant que le dessin se trouve
sur le cuivre, que chacun des traits en est parfaitement isolé , et
tout disposé à être transformé en gravure , il faut débarrasser la
plaque du mercure formant les traits du dessin; l'huile grasse
£ût ici l'effet du vernis isolant des graveurs. On dissout donc
le mercure au moyen d'une solution de nitrate d'argent , addi-
tionnée d'acide nitrique, et le métal (laiton) se trouve à nu et
m^me légèrement creusé. Ici le trs^vail qui doit suivre change
«0*
466
soivant Pnsage auquel on destine la planche et le genre de gra-
vure que Ton veut obtenir.
Si l'on désire graver en taille-douce, il suffit d'ajouter de Fa-
cide et de faire mordre par les procédés ordinaires de ce genre
de gravure. Désire-t-on, au contraire, obtenir une gravure pou-
vant être tirée à la presse lithographique , on plonge pendant
quelques minutes la plaque de cuivre dans un bain galvanique
chargé de chlorhydrate de fer, et l'on fait déposer une légère
couche de fer métallique là où se trouvait précédemment le
mercure, c'est-à-dire sur les traits du dessin. On retrire la pla-
que de cuivre du bain, et au moyen de l'essence de térébenthine
on dissout l'encre grasse. On passe alors de nouveau la plaque
tout entière à la vapeur d'iode , et on la frotte avec de l'ouate
chargée de globules de mercure ; il en résulte que , comme la
première fois, la plaque prend une teinte blan<^he, due à l'amal-
game du mercure ; mais comme ce dernier métal ne s'amalgame
pas avec le fer , il suffit de frotter légèrement la plaque pour le
chasser des endroits où se trouve ce fer , c'est-à-dire du dessin
lui-même. Ainsi on a un dessin dont les traits sont recouverts
d'une légère couche de fer ; tandis que tout le reste de la pla-
que de laiton est revêtu d'une couche de mercure. Si mainte-
nant l'on vient à passer un rouleau chargé d'encre grasse sur
la plaque métallique, les traits seuls du dessin prendront l'encre,
tandis que les endroits recouverts de mercure la refuseront.
On peut alors tirer autant d'épreuves que l'on veut, en ayant
soin de refrotter la plaque au mercure au bout d'un certain nom-
bre d'épreuves tirées.
Supposons maintenant qu'au lieu d'une planche destinée à être
imprimée sous la presse lithographique , on veuille en obtenir
une pour la typographie, voici comment on devra procéder : Pre-
nant la plaque au moment où elle va être plongée dans le bain
galvanique, on se contenterait de substituer une préparation
d'or au sel de fer et d'en laisser déposer une légère couche sur
le trait (on prend l'or , parce qu'il résiste mieux à l'action des
acides) ; on encre la plaque et l'on fait mordre tout autour du
dessin; l'or préservant les traits, il n'y a que le cuivre environ-
nant d'attaqué , de telle façon que le dessin lui-même se trouve
en relief
467
L'autre procédé dé MM. Salmon et Gamier, la gravure des
photographies, ne diffère du premier que par le point de dé-
part : une fois l'image axée sur la plaque de cuivre , le reste
s'exécute comme un dessin ordinaire.
Si Ton expose pendant un certain temps à la lumière dif-
fuse une plaque de laiton polie, soumise préalablement à Faction
des vapeurs d'iode, et que l'on vienne ensuite à la frotter avec
de la ouate chargée de globules de mercure, on observe le phé-
nomène suivant : la plaque ne se mercurise pas, le mercure re-
fuse de se fixer partout où l'iode a été influencé. Si, au lieu
d'agir comme il vient d'être dit, on a pris soin de recouvrir une
partie de la plaque avec un corps opaque quelconque , et que
l'on essaie de mercuriser cette plaque comme la précédente,
on remarque que le mercure prend parfaitement sur les en-
droits où l'iode a été soustrait à l'action de la lumière , tandis
qu'il refuse toujours de se fixer dans les autres parties de la
plaque. Cette découverte, due à MM. Salmon et Garnier, suffît
parfaitement pour faire comprendre la possibiHté de reproduire
sur une plaque de laiton les images photographiques.
Prenez donc un chché positif sur verre, ou bien une épreuve
photographique sur papier, rendue transparente; appliquez ce
cliché sur une plaque métallique iodée, laissez-la à l'ombre
pendant un temps qui varie entre dix minutes et deux heiu'es ;
enlevez ce cliché et mercurisez la plaque, vous verrez alors s'at-
tacher le mercure sur toutes les parties non influencées, c'est-
à-dire celles qui correspondent au noir du chché, aux traits réels
du dessin, et laisser le reste de la plaque intact; si maintenant
vous venez à passer par-dessus un rouleau d'encre grasse , les
parties restées intactes prendront l'encre, et le dessin chargé
ressortira en blanc sur le fond noir. 11 ne vous restera plus qu'à
continuer l'opération comme nous l'avons dit plus haut, et vous
aurez résolu le problème de la gravure des photographies (*)
M. GueytonC) a trouvé un nioyen d'obtenir d'une épreuve
(i) Cosmos, t. VI. 30 mars 1855. p. 345.
(3) Compte rendu de l'Acad. des sciences, n* 15, U avril 1856.
468
plMrtogrHiilûqae sur verre oa sur métal , une gn^nfre ^ Peia-
forte susceptible de donner des épreuves en tsille-dsoc^
Danuuiqiiliiiire héliograplilqiiea M. Charles Nègis^ »
pris, sous la date du 13 aoClt 1856, un brevet pour un système
nouveau de gravure héliographique dont il s'occupe d^uis {du*
sieurs années. Il adressa à l'Académie, dans la séance du 3 no-
vembre 1856, deux planches gravées au moyen de son procédé
et des épreuves en taille-douce, ainsi qu'une planche en cuivre
pour le tirage typographique des damcuquinwea héliograjphir
quea sur cuivre. M. Duâresne avait pris un brevet pour le n^^e
objet , et M. Niepce de Saint-Victor ajoute à tous ces moy#9s
de gravure hélio^aphique ceux de la gravure sur marbre et
sur pierre lithographique comme ornement (*}.
UTHO-raOTOOEAPHIE* Enfin on a cherché «nasi à
multiplier les images photographiques en les transportant sur
pierre hthographique , afin de pouvoir les imprimer comme les
lithographies ordinaires.
En 1839 déjà, à peine la daguerréotypie était-elle inventée,
que M. J.-B.-A.-M. bobard, de Bruxelles, pensait que l'appli-
cation de la daguerréotypie à la Mthographie ne saurait tarder
d'apparaître. Voici comment il la concevait : Une pierre cou^
verte d'iode, de bromure d'iode, de brome ou de la composition
nouvelle moins sensible , que Daguerre nous fera bientôt con-
naître, ayant reçu l'impression de la lumière, serait à l'instant
recouverte d'un enduit de gomme noircie qu'on laisserait sé-
cher à l'obscurité. U est évident que la gomme soulèverait aussi
bien le mercure que la poussière d'iode décomposée , pour al-
ler donner sa préparation à la pierre, tandis que l'iode non dé-
composée la préserverait des atteintes de la gomme. Qu'ani-
verait-il quand, après avoir dépouillé la pierre de toute sa
gomme en la laissant dissoudre dans l'eau, on passerait le rou-
leau sur cette pierre ? Evidemment le noir ne s'attacherait qu'aux
parties entièrement préservées et n'adhérerait point à celles que
{i) Voyez Compte rendu, t. XLIU, r 1B.- Lymière, n* 40 et 47, 1S56,
46r)
la goinnift amtût touchées. On pourrait donc couvrir la picm
d^encrc grmsse et loi donner une préparation suffisante pour
supporter un long tirage. Si la pierre ne soufirait pas ce pro*
eédé y n'avons-nons pas la plaque de einc et Pétincelle électri>
que? Celui qui réussira aura fait autant pour les arts que Da-
gaerre lui-même, et aura droit à la même récompense (*).
£n inventant, en 1852^ la Ltih(hphotographde, MM. Ibemer»
oi«r9 Iioreboiirsy Barreawil et Dayaniie ont réalisé le voeu
de M. Jobard, et ont créé une nouvelle branche des arts graphiques
qui sera d'une application féconde. Ces Messieurs ont déposé
à l'Académie des sciences de Paris, le 28 juin 18ô2, la descrip-
tion d6 leur invention. Leur procédé consiste à préparer un né-
gatif sur papier et à produire un positif sur pierre lithographie
que. Le positif est obtenu par un enduit gras ou résineux,
soluble dans un dissolvant par l'action de la lumière ; la pierre
Hthographique imprégnée de cet enduit est recouverte du né-
gatif et d'une feuille de verre, et polarisée; puis elle est mise à
RU, au moyen d'un dissolvant. Ces Messieurs utilisent pour en-
duit les propriétés du bitume de Judée indiqué par Nicéphore
Niepce, et comme dissolvant Téther sulâirique.
Les parties mises à nu par le dissolvant sont encrées; on en-
lève le bitume qui reste sur les parties où l'encre grasse n'a pas
agi, on acidulé la pierre et on traite le reste par les procédés
ordinaires de la lithographie.
Le premier cahier de titho-photogrs^hie a été présenté à l'Aca-
démie des sciences le 9 janvier 1854; il contenait six planches
in-folio, de monuments de Neuville, de Strasbourg, de Chartres,
de Beauvats, de Saint-Loup, de Baud, etc., toutes d'une par£ute
réussite.
D'autres procédés Uihographiques oait été expérimentés, par
lesquels on est arrivé au même résultat
En 1854, M. Hermaa HaUeu a réussi à fixer sur la
pierre hthographique les images produites dana la chambre
obscure, et même les images des objets animés. Les procédés
varient avec les objets à reproduire. Yoici comment il opère
(1) Rapport sur l'expositiou d'industrie française dç 1839,
470
pour fixer les images des objets architectoniques : On choisit
une pierre lithographique qu'on a soin de ne pas prendre trop
lourde , et on la serre dans le cadre de l'exposition , puis on
Tuse à la meule, afin de lui donner le grain exigé pour le des-
sin au crayon ; ensuite on l'imprègne avec une dissolution fai-
ble et neutre d'oxalate de sesquioxyde de fer, et on a soin de
faire pénétrer le liquide aussi avant que possible. Ainsi prépa-
rée, la pierre se conserve longtemps, pourvu qu'elle se trouve
à l'abri de la lumière. La pierre qui doit être exposé» dans la
chambre noire, doit être, non pas mouillée, mais humide; la
durée de l'exposition varie.
Au sortir de la chambre obscure, la pierre porte déjà l'i-
mage en train; en versant dessus une dissolution de carbonate
d'ammoniaque, l'image se fixe et devient plus nette ; un lavage à
l'eau permet d'éloigner les sels solubles qui imprègnent la pierre
Pour reproduire l'image au moyen de la pierre, ou commence
à faire ronger la pierre avec un acide ^ puis on passe l'image à
l'encre d'imprimerie et on procède comme d'habitude. Le ron-
geant à préférer est l'acide oxalique très-étendu. (Cosmos,)
M. Poitevin a pris , dans le mois d'août 1655 , un brevet
pour un procédé nouveau de lithographie, qu'il a communiqué
le 7 janvier 1856 à l'Académie des sciences. M. Poitevin, aban-
dénnant le bitume de Judée, utilise l'action réductrice de la
lumière sur les sels formés par l'acide chromique avec les diver-
ses bases, et principalement sur le bichrom'ate de potasse en
présence de matières organiques (voyez p. 462).
Ainsi son procédé consiste à appliquer une ou plusieurs cou-
ches d'un mélange à volumes égaux d'une dissolution concen-
trée d'albumine ou de riz, succédassées , fibrine, gomme arabi-
que, gélatine, etc., et d'une dissolution concenti*ée d'un chromate
ou bichromate à base alcafine, terreuse ou métallique indiffé-
remment, excepté toutefois ceux dont la base précipiterait la
matière organique de la première dissolution; la dissolution
concentrée de bichromate de potasse est celle qu'il emploie de
préférence.
Après la dessiccation, on place sur la couche sensible une
épreuve négative ou on expose à la chambre noire. Quand la
-171
lumière a terminé son action, on lave, on enlève par consé-
quent tout le bichromate qui n'a pas été altéré, et il reste sur
la pierre une couche de gélatine portant, plus ou moins pro-
fondément , une image formée par du sesquioxyde de chrome.
Si alors on passe un tampon ou un rouleau imprégné d'encre
grasse sur la pierre , tous les points qui auront subi l'action
de la lumière, et dans lesquels se trouve l'oxyde de chrome, re-
tiennent l'encre grasse, tandis que la gélatine humide la refuse.
Le tirage des épreuves sur papier peut alors se faire par les
mêmes procédés employés dans la lithographie (Lumière, 1856,
n" 2 et 14).
M. Emile Rousseau emploie les mêmes procédés pour la li-
tho-photographie que M. Poitevin; il les a communiqué le 21 dé-
cembre 1855 à la Société française de photographie à Paris.
M. Ernest Conduché^ qui a étudié sérieusement ces pro-
cédés , en signale les inconvénients dans le Journal photogra-
phique {La Lumière, 5 août 1856, n* 14). Le résultat de ses re-
cherches l'ayant conduit à la découverte de plusieurs procédés
de transports des images photographiques sur pierre lithogra-
phique d'un grand intérêt, nous en donnerons un résumé.
M. E. Con duché a reconnu que le tirage des pierres traitées
par les procédés Poitevin et Rousseau est extrêmement restrein-
te. En limitant le chiffre des épreuves à soixante, il croit que
c'est tout ce qu'on pourra obtenir sans empâtement des de-
mi-teintes et l'invasion des blancs par l'encre grasse. Ainsi il
doute de la possibihté pratique de tout procédé dans lequel une
couche de matière étrangère (gélatiue, albumine, gomme, etc.)
se trouve entre la pierre et l'oxyde de chrome ou tout autre
oxyde métalhque qui retient l'encre lithographique. En effet, les
principes sur lesquels sont basés les procédés de la lithographie
servent de preuves aux observations de M. E. Conduché. On
sait, dit-il, que toutes les fois qu'un corps gras est mis en con-
tact avec une pierre lithographique, ce corps laisse son em-
preinte sur la pierre ; si on fait mordre la pierre par un acide,
le corps gras n'étant pas attaqué, il restera sur la surface de la
pierre une couche grasse qui prendra l'encre lithographique
toutes le? fois qu'elle lui sera présentée, tandis qu'elle sera re-^
472
ftuée dans tous let points oà Padde a mordu, bL tous ces polAt»
cooseryent un degré d'humidité eon^enablo. D ae pitfse, dans
ce ca% une réaction chimique qui a pour résultat de laisser k la
surface de la pierre une couche grasse formant l'image et com*
posée tPun véritable aa/oon à bote de chaux. On sait, en outre,
qu'il est possible de reproduire toute espèce de gravure, an-
cienne et récente, par la lithograj^e, en mettant l'encre grasse
qui produit l'image dans des conditions spéciales, et, en parti-
culier, en la transformant en un véritable savon. Une presâon
plus ou moins énergique et prolongée entre la pierre et l'image
de nature savonneuse, formée sur le papier, laissera sur la pierre
une empreinte glasse qui sera traitée par les procédés ordinaires
de la lithographiç.
Considérant qu'on forme avec toutes les bases métalliques
des savons insolubles, soit directement, soit par double décom-
position, M. Conduché applique directement ces principes k la
photographie, et il prouve qu'une épreuve photographique étant
produite sur papier par un procédé quelconque, la couche mé-
tallique qui forme l'image peut être transformée en savon et,
par suite, transportée sur pierre.
Ce n'est pas par un procédé unique, mais par une série de
procédés que M. Conduché opère, et il les résume de la manière
suivante : 1** transformation de la couche formant l'image en un
savon métallique insoluble ; 2* contact de ce savon avec la pierre;
S** double décomposition produite sur la pierre laissant à sa
surface un savon dur à base de chaux, qui est traité comme
tout dessin sur pierre lithographique, quant à la morsure et au
tirage.
Ceux qui sont familiarisés avee les études photographiques
savent qu'il est un grand nombre de composés métalliques sen-
sibles à la lumière; or chacun de ces composés métalliques
possède pour la matière grasse ou les acides gras une affinité
plus ou moins marquée. Ainsi on s'çxplique ce qui se passe en-
tre le savon métallique qui forme l'image et la pierre sur la-
quelle on rapplique par pression et par contact Au lieu d'avoir
sur la pierre un savon à base métallique, nous aurons un savon
à base de chaux, produit par doublç décon^osition. Or, comme
47a
l6t «avons à base de ebafis: «ont beimeoiip pins durs qne l«f^M<^«
vons à baie iitéte]li<)ue, tous d'une nature plus ou moins XQ^lte,
on eemprendra facilement que l'image formée ainsi directemant
sur la pierre résistera sans peine à un tirage considérable.
M. Mac Phersoiif de Borne, dont nous avons déjà parlé
(voyes p. 464), a employé aussi son procédé à la lithographie ,
voici comment : On dissout du bitume et l'on étend la solution
siur une pierre lithographique ordinaire ; on applique sur cette
couche sensible un négatif sur verre ou sur papier ciré, (m
l'expose aux rayons directs du soleil pendant un temps plus oii
moins long , suivant l'intensité de la lumière , et l'on obtient 8«r
bitume une image positive. On plonge ensuite la pierre dai^s m
bain d'éther qui dissout instantanément le bitume sur les points
qui n'ont pas été frappés par la lumière , et laisse une image
formée par le bitume que la lumière a modifiée. La pierre,
lavée avec soin, peut être mise immédiatement entre les maiiM
d'an lithographe^ qui, en la traitant à la manière ordinaire par
la gomme et Tacide , en tire des épreuves comm« de coutume
(Cosmos, 1855, vol. VII, p. 436).
Voilà la photographie dans son ensemble , dans ses détails et
dans ses applications si diverses ; depuis son apparition, il n'y a
que dix-sept ans, la voilà répandue partout, grandissant et prçH
gressant sans cesse. Cet art occupe maintenant un très-grand
nombre de personnes; il y a des ateliers et des imprimeries phP"
tograpbiques considérables, et des écoles pour former de jeunes
photographes. L'Institut photographique du L' Schnauss à Jén^
fondé en 1855, le premier de ce genre, est distiné à l'enseigne-
ment théorétique et pratique de la photographie. Les publicfk
tions» les traités et les journaux spéciaux augmentent de jpuf
en jour.
Maintenant, et en considérant les belles productions photo-
graphiques de Bisson, de Baldus, de Billardeau, et de tant d'au-
tres, nous nous demandons, comme on l'a fait déjà mainte fois,
quelle influence aura la photographie ■ sur les autres arts du
dessin. Les ferM*-eUe disparaître? Faudra-t>-il, comme qjx V9k
prétendu, que bientôt les peintres, les dessinateurs, les lithogra-
phes , les graveurs changent de profession et se fassent photo*
474
•^phes poor pouroir subsister? — Notre conviction, à nims,
est que la photographie ne remplacera jamais complètement ces
arts, pas plus que la lithographie n'a entièrement supplanté la chal-
cographie. La photographie est un procédé de plus, un moyen nou-
veau et des plus précieux pour la reproduction et la multipli-
cation, une nouvelle richesse ajoutée à celles qui existent déjà
dans le domaine des arts graphiques.
Mais la plus parfaite gravure photographique de MM. Niepce
de Saint-Victor , Baldus, Rousseau, etc., n'atteindra jamais les
belles planches dues au burin ou à la pointe des ËdeMnck, des
Wille, des Rembrandt, des Desnoyers. La litho-photographie la
mieux réussie de MM. Lemercier restera toujours à une grande
distance des hthographies si suaves et si moelleuses de nos
dessinateurs modernes. Un portrait fait par un artiste de talent,
ne fût-ce qu'au crayon, sera toujours plus beau, plus attrayant
qu'une photographie.
Cependant il est vrai de dire que les arts du dessin n'ont qu'à
gagner au concours de la photographie: en faisant mieux res-
sortir la véritable valeur des ombres et des demi-teintes, et en
découvrant une grande quantité de détails fins, la photographie
est devenue précieuse aux artistes pour l'étude. De plus, cet
art merveilleux, pratiqué par un artiste habile, tiendra lieu, dans
certains cas, du dessin, de la gravure et de la lithographie ; pour
les détails d'architecture et d'autres choses de cette nature, il
est même supérieur à tous les autres genres de reproduction.
Ainsi par la photographie l'art s'est relevé.
On a discuté souvent la question de la place à assigner aux
oeuvres photographiques dans les expositions d'art et d'industrie,
et l'on s'est demandé si la photographie est une science, un art
ou une industrie. Nous croyons qu'elle n'est ni l'un ni l'autre,
mais qu'elle tient de chacun d'eux, et qu'elle peut parfaitement
prendre rang parmi les arts graphiques dont nous venons de
parler dans notre livre. En les désignant sous le nom ^arts in-
dustriels^ ou ai arts graphiques de mviti'plicaiion , ces arts for-
meraient un groupe particulier, intermédiaire et lien entre les
sciences, les beaux-arts et l'industrie , auxquels ils touchent par
bien des points.
476
Nous voici arrivé au bout de la tâche que nous nous étions
imposée , et dont la limite était tout naturellement l'Exposition
universelle de Paris de Tannée 1855 , date marquante dans les
feistes de l'industrie et des arts.
Connaissant à présent tous les arts graphiques de multipli-
cation, nous pouvons mieux mesurer toute la distance qui nous
sépare pour jamais, il faut l'espérer, des premiers essais de gra-
vure, et apprécier, à cet égard au moins, la grande supériorité
de notre époque ; nous pouvons aussi nous faire une idée plus
juste et plus haute des travaux immenses de ces hommes ingé-
nieux, actifs, pleins d'ardeur pour la science, qui nous ont fourni
cette quantité innombrable de moyens que nous possédons ac-
tuellement pour reproduire et propager la pensée.
Mais quoique nous soyons au terme de nos investigations
dans le domaine des arts graphiques qui ont pour but spécial
la propagation par l'impression, et que la récolte soit belle, soit
pour l'abondance, soit pour la richesse des procédés, nous som-
mes convaincu que l'art n'a pas dit son dernier mot. La nature
est inépuisable, et elle offre à ces travailleurs intelligents, à ces
chercheurs infatigables, à ces opérateurs laborieux, dans les
sciences, les arts et l'industrie, un avenir non moins magnifique,
dont nous ne pouvons avoir que le pressentiment.
ITK
TABLE DES MATIÈRES
Pafw
DÉDICACE, contMwn^ «» Béffiup^ 4# Ja ç^Ua^ àm «rt» gra-
ffeiqiM^ i Qeu^Yê t
Introduction : des arts graphiques de reprodaction qj^i ser-
vent à moliiplier Toriginal a«r im» sorlace pUqiç M( XW^yen
de l'uBpr««siou en couleur I
t. État de ees arts ehez rhomme pyrllpaltllt Rochw*
sculptés: en Australie, "^ chez le« Boscbjesmaos» jçn i/rÂ-
qctf • **w an Amérique méridionale et du Nord ^
Impression particulière eoaployée Qhe;E JUss ftomw 4i^ ilet
Taîti . . 6
Empr^ù^$ d'une main rouge en ikmérUin» .7
II. État 4« 4t(f$« ants pIm»* le» |^eiifple# d« l'JMiltqpitét
|P Inscriptions sur pierre , sur bois oi^ sur m#tal , dont il
est fait mention dans la Bible ; — qui existent à Persé-
poli3, à Babylont, à Ninive, en Egypte, en Asie Mineure;
•»^ boustrophédones et grecques; — dans les tombeaux
étrusques ; -i- les Runes de la Scandinavie 8
}o parques 9t Légendes imprimées en creux et reliefs :
briques assyriennes et égyptiennes; — briques, tuiles et
vases romains
Çaehets et scarabées; — contre-inarque frappée sur les
monnaies grecques anciennes 10
Xesser» «iguatoriœ des Romains 10
3* Impression en couleur: lames de métal percées à jour,
tojpc^raoïmeji de9 Grec^, laminsp interrasileç 4es Ho-
mains. — Agésilas, roi de Sparte. — Conclusion . . f 1
478
Pages
m. État de ces arts an moyen Age . 12
Copie de manuscrits ; lettres grieea ; signe de la croix im-
primée. ... .... ..... 13
Monogrammes : emploi des bypogrammes dans les temps
modernes i4
Impression chez les Arabes d'Espagne .... .15
Toile imprimée du Xi V^ siècle . . ..... 16
Conclasion ; caractère de Tantiquitc et du moyen âge . . 17
IV* État de ees arts dans les temps modernes . . 18
^.PRÉLIMINAIRES DE LA GRAVURE ET D£ l'imprimerie ... 19
10|IATÉRIAU.Y POUR ÉCRIRE ET POUK DESSINER 20
a) Papier: Papyrus ; — Papier de coton, et de chiffon 20
Papier mécanique et sans fin ; — moyens pour utiliser
le papier vitaux et perdu par rimpression .... 21
Recherches de nouvelles substances pour fabriquer du
papier 22
Fabriques de papier au moyen âge .24
Quantité de papier fabriqué et employé maintenaint . 25
Papier en Chine 27
b) Plumes à écrire^ calamus ou plumes de roseau ; — plu-
mes a écrire faites de plumes d'oiseau ; •— plumes
métalliques, mécaniques et autres 27
c) Encre à écrire: rouge, verte, pourpre, d'or et d'argent
(codex argenteus d'UIphilas); — chrysographes; —
encre noir, atramentum librarium des Romains, —
encre de Théophile du XI 1« siècle ; — découverte de
l'acide gallique par Scheele . • ... 28
d) Crayons: pointes de plomb et style de fer pour tirer des
lignes. — Véritable crayon de graphite ; Gessner, 1 565 29
Blacklead, Potloot, Molybdène , graphite, fabrication,
provenance; — crayon Conté. — Palette de Rubens 31
Premiers crayons venus d'Italie; — Fusin, craie rouge, etc 32
Moyens pour fixer les dessins au crayon, etc. ... 32
e) Machines et instruments employés pour faciliter l'écri-
ture et le dessin, etc. (voyez aussi 238) .... 33
2. EMPLOI DK LA GRAVURE AU COMMËNCEHKNT DES TEMPS MODERNES:
Médailles, camées, sceaux et cachets (v. 189) . 35
a) Orfèvrerie^ au repoussé, opus interrasiles, opus punctile 36
479
b) Plaques métalliques gravées et posées sar les tombeaux ;
tombeaux de Jean et de Blanche de France
c) Inscriptions sur les cloches . . ...
res
Pagw
37
38
)
40
41
43
45
46
48
54
55
60
63
69
77
78
3. PREMIÈRES ÉPREUVES DE GRAVURES; — peintres de let
(briefe) . .
4. CARTES A JOUER ... . . ■ • .
5. TAILLEURS DE MOULES, OU graveurs sar bois (v. 141 et s
B. IMPRIMERIE . .
Impressions xylographiques: Images de saints
Livres xylographiques
Conclusion . ....
C. TYP(»GRAPHIE, on impression en lettres mobiles
1 . Invention
Premier développement, caractères mobiles
Premiers produits . .
2. Propagation de la typographie dans le XF« siècle
Sur le nombre de typographes dans ce siècle
État de la librairie et de la censure dans ce siècle
Considérations générales sur cet art : avant et après son
invention ; vaiears des livres ; nombre des éditions, etc. 78
Coup d'œil sur Timprimerie à Genève dans le XV^ siècle .. 80
3. Propagation de la typographie dans le X VI^ siècle . . 82
À, Propagation de la typographie depuis le XVl^ siècle;
c'est-à-dire dans le XVlIe, le X.VIII» et le XIX» siècle . 87
État actuel de la typographie et de la librairie . . 91
Considérations sur Texcellence de cet art par divers auteurs 92
5. Presses et machines d'imprimerie 93
6. Caractères d'imprimerie 93
Calligraphes et traités de calligraphie 94
Historique des caractères, l^e époque, primitive, gothique,
XVe siècle 97
2« époque, XV le siècle, perfectionnement 98
3e époque, XVI 1^ siècle, stationnaire . ... 99
4e époque, XVIIle et XIX» siècle, renaissance, développem. 100
7. Polytypage : Recherches pour rendre fixes le& formes com-
posées de lettres mobiles . . • ...... 107
MuUer à Leyde; William Ged d'Edimbourg ; Hoffmann à
Schelestadt; CarezdeToul; FirminDidot, Stéréotypie . 109
Héran à Paris, Stanhope à Londres, etc 110
4do
Logogri|^lii«delèlnif6iictWàHer, «M 111
Poly-anatjrpe de Henri Didot 111
DÎTerses compositions du niétil ^nr leMres . . .111
Pre«se-t jpogène, moule ànoyâiit; mnchixs à eompos c r, te. 113
Clichage ; éthymologie 113
Ues divers genres de la typographie :
8. Impréiêion polychrome : par jaxtaposiikii, XV« aièele (▼.
170 à 172, 187 et iSâ à 235) . 115
Impression dite à la eongrève . .*..... 116
Le gaufrage, le guilloché, le procédé dît à Mibaaaagt • .117
Impression polychrome par superposition . . .118
William Savage; bazter; Kuight; Silbermanli; Haaa^et
fils à Prague (lil) 119
Impression irisée (Irisdrnck) lil
Impression du texte en plusieurs couleurs . 121
0. impression en or, en argent ou en bronae^ proeédés . . 1 22
Produits de ia typographie polychrome 1 23
10 /fnpreintfPKltf la miMtfiM (▼. 256) 126
11. 7sfpom^lrte; cartes géographiques (▼. 255) 1i8
Impressions obtenues au moyen de filets typogra(phi<|ue8 . 132
12« EHypographie^ im impression a l'usage des aveugles. Va«
lentin Haûy 132
MM. Uas d'Agnen, Ch. Sarfoier, Oufaud et Victor BaUu . 133
Orfranklin, Pingeroo, Bérard 134
M. Julien Leroy, nitographe et cmcographe; M. Ferd. Saial-
Léger; M. Fovcauld 135
Cartes géographiques de M. Laas d'Agoen 136
Ectypographie en Allemagne 136
•• en** Angleterre et en Amériqua . . . . 1 37
M. Minel à Lausanne, et M. Auer à Vienne 139
J». GRAVURE EN RELIEF. Xylographie, ou gravure awr bon.
1. histoire:
a) Première époque, de 1360 à 1500 (v. 40, 43 et 46 à 55) 141
Marques d'imprimeurs; gravurea dans les livres, leur
Hofloeace 143
Dessin et style des gravures de oette époqne . . .143
GasEvares à fonda noirs ou cribléa 144
topieiduboUatdnmétal 144
Graveurs et gravures 144
M
»
461
Pagres
b) Seconde époqfie, de 1500 à 1600. Style, manière, consi-
dération générale j45
Allemagne ; ouvrages exécutés par ordre de l'empereur
Slaximilien 1er ^^g
Représentations allégoriques; danse macabre, etc. . .149
Alphabets de lettres ornées ^49
Livres divers ornés de xylographies, vues, plans, etc. ISO
Livres compilés de planches d'autres livres . . . . iSi
Graveurs et leurs travaux . I5f
dans les Pays-Bas 153
en Italie et en France 154
Laxylographie en Angleterre entre 1400 et 1700 . .155
» en Espagne dans le XVie siècle . . .155
c) Troisième époque^ de 1600 à 1700; état de la xylogra-
phie languissant 1 56
ô)Qualrième époque^ le XV Ilï® siècle ; décadence . . .157
e) Cinquième époque, depuis 1775 jusqu'à l'Exposition
universelle de Paris, en 1855; époque de renaissance lo8
Th. Bewick, Anglais, le restaurateur de la xylographie,
dans le XVIli« siècle 159
Renaissance de cet art en France , due aux efforts de
la Société d'encouragement 161
Origine des éditions illustrées 164
Graveurs en France et eu Angleterre 185
Renaissance de cet art en France, due à Fr.-Guil. Gubitz 165
Graveurs allemands et leurs œuvres 165
Les plus remarquables éditions illustrées de tous les pays 166
Considérations sur la typographie illustrée, par M. Léon
de Laborde 167
2. PROCÉDÉS ET GENRES DE LA XYLOGRAPHIE :
Procédé ancien et moderne (v. 1 90) 1 67
Tirage particulier pour la xylographie 169
Imitation de l'aqua -tinta sur bois 169
Divers genres employés par MM. Haase . . . . . . . 169
Procédé camaïeu, ou clair-obscur ; son origine . , . . 1 70
Les principaux. maîtres dans ce genre 173
Vignettes en couleurs 172
Imitations de gravures coloriées, sur bois (v, 115 à 123,
187et23ià23o3 172
21
4SÎ>
Fac-similé typographiques i73
3. PROCÉDÉS POUR IMITRR OU PODR REMPLACER hk ftRAVITRR SUR
B0IS(V. 190) 173
Procédé de M. Hoffmann t74
Pantoglyphie de M. Carez 174
GraTure en relief sur métal 1 74
- sur zinc et sur enivre 175
Procédé de M. Jobard 17»
Chrysoglyphiede MM. Firmin Didot 176
Essais polytypiques de M. Jobard 177
Chalcotypie de M. Heiras 177
Vignettes en gatta -percha et en bitnine 1 78
Moyen chimique pour réduire les graynres 1 78
4. PAPIERS PEINTS ET TISSUS PEINTS ; historique (▼. 257) . .179
Procédés de gravure, sur planches de bois 181
Avec picots en métal implantés 182
Planches chapeaudées, ou à tontisse 18i
Picots soudés sur des planches de métal 183
Machine à imprimer dit la Perrotine 183
Procédé de gravure en relief et cliché de M. Hoffmann . 183
Procédé du clichage par cachets 184
Gravure des matrices au moyen de picots brûleurs . . 185
Matrices obtenues par compression 185
Matrices en bois, gravés au moyen du gax 185
Alliage fusible pour clicher (v. 187) 185
Rouleaux en bois gravées en relief 187
Clichés en métal cloués sur les cylindres . . . .187
Impression en relief polychrome de M. Silbermann (v.
115 à 123; 170 à 17i; 932 à 235) 187
Procédés d'impression des tapis et étofies à poils, de
M. Burch ; gravures des blocs .188
S. GRAVURE EN CREUX 189
1. MÉTALLOGRAPHiE. Manière criblée 190
2. NiELLURES ; auteurs et livres sur cet art 191
Procédé et composition du nielle 192
Graveurs-nielleurs et leurs travaux .193
Première épreuve sur papier ; empreintes en aoufr^ . 196
Prétentions de l'Allemagne à rinventioD de rîmpresflkm
dts estampes r . . ♦ . 197
483
Pâgef
3. histowe: l" Epoque de la chalcographie, XV* siècle;
l'Italie, l'Allemagne, la Hollande 198
Sœe Epoque, XVIe siècle ; les mêmes pays et la France . 20Î
S»* Epoque, XVI|e siècle 20S
4'n«Epoque, XVI 11 siècle .207
5»« Epoque, XIX siècle, jusqu'à l'Exposition de 1B55 . 208
4. LES DIVERS GENRES DE GRAVURE EN CREUX : La chalcographie: 210
1er Genre: Gravure au burin; ses différentes manières . 211
2'n« Genre : Gravure à Teau-forte; origine, procédé ; gra-
veurs 213
3me Genre: Mezzo tiuto , ou manière noire; procédé . 219
Historique, graveurs 220
4iue Genre : Aqua-tiuta, ou gravure au lavis ; procédé . 221
Procédé Keller 224
Historique 225
5">« Genre de gravures qui procèdent par un pointillé :
1. Opus mallei 226
2. Gravure au pointillé 228
3. Gravure imitant le crayon; historique (v. 290) 229
Procédé : manière sablée ; la roulette 230
6>u« Genre : Gravure en couleur; historique, procédés . 232
Fac-similé, graveurs, leurs travaux . ... 235
5. HACHiNES A graver: pantographe, diagraphe; machinée
graver ; tour à guillocher, son histoire (v. 33) . 238
7ino Genre de gravure ; procédé Collas .... 240
6. SIDÉROGRAPHIE, OU gravure sur acier; invention . . . 242
Procédés et emplois 244
7. ziNCOGRAPHiE, gravure sur zinc 246
8. BYALOGRAPBIE, OU gravure sur verre; antiquité, procédé,
mécanique , 247 ; procédé chimique 248
9. EMPLOIS DIVERS DE LA GRAVURE EN CREUX : reproductions de
chefs-d'œuvre artistiques ; — composition d'artistes ;
décoration d'appartements : — ouvrages ornés de gra-
vures ; — livres entièrement gravés sur cuivre . . . 253
Géographie, topographie , etc. (v. i28et313) .... 255
Musique (v. 126), gravurç des lettres 256
Modèles de broderies, etc. (v. 314) 257
Papiers peints, tissus imprimés; historique 257
Planches gravées; gravées au moyeu de poinçons relief. 257
484
Page»
— Introduction de rouleaux; gravées de la même manière 258
— Gravées au moyen d'une molette relief 259
— Gravées au moyen du tour à gntUocher 260
— Gravées à l'eau -forte; divers procédés ..... 260
-» Procédé d'impression sur tissus imitant la broderie,
couleur, or et argent 262
— Transport des gravures sur porcelaine, verrerie, etc . 262
— Transport sur papier 264
F. DESSIN ET GRAVURE SUR PIERRE; la lithographie:
i. INVENTION ET HiSTOHIQDE 265
2» PROPAGATION DE LA LITHOGRAPHIE cu Allemagne . . . 272
en Angleterre , Amérique, Chine et France ... . 277
en Belgique 280
3. PROCÉDÉS ET GENRES DIVERS: Théorie 281
1er Genre. Gravure sur pierre: !<> au burin 283
2o à l'eau-forte 285
2"** Genre. Dessin à la plume et au pinceau; préparation
de la pierre ; plumes ; encre 286
Dessin à la plume et gravure; pinceau .... 288
3»* Genre. Imitation des gravures sur bois ; procédé de
MM. Duplat, Girardet, Tissier, etc 289
ime Genre. Dessin au crayon ; préparation de la pierre . 290
Crayon ; moyens pour effacer 291
Dessinateurs et leurs travaux 293
5"« Genre. Dessins estompés 294
6»« Genre. Lavis lithographique ; procédés divers : Engel-
mann, Gaillot, Jobard, Hanké 295
Aqua-tinta par transport, M. Jobard 299
7ne Genre. La manière noire, et lithographie au frottis et
au grattoir 300
8ne Genre. Fonds pointillés 302
9me Genre. Fonds noirs avec dessin en blanc .... 303
10"** Genre. Camaïeu; dessins rehaussés 304
Dessins au deux crayons 307
llB« Genre. Chromolithographie; procédés; produits . 307
12ne Genre. Impression dorée 312
Emploi de la chromolithographie; cartes géogra-
phiques (v. 128, 255) 313
Impression mosaïque (▼. 257) 314
485
Pages
idiB* Genre. Autographie; procédé Engelmann , Cruzel,
Baatz , etc 315
Livres aatograpbiques . • 318
Lithographie par enlèvement 318
Diagraphie 319
14me Genre. Reports et contre-épreuves au moyen d'épreu-
ves fraîches, lithographiques et typographiques . . 320
et d'épreuves tirées de planches de cuivre . . . .321
]5ine Genre. Litho-typographie et litho- chalcographie; Se-
nefelder 322
MM. Dupont . 323
M. Frémont 324
Homéographie 325
4. GENRES MIXTES : Litho-typographie optique 326
Lithophanie et Steinbilder 327
Essai sur ardoise; papier- pierre 328
G. ZINCOGRAPHIE , ou impression chimique sur zinc.
Senefelder; Trentsensky; Garnen; Breugnot; Kuecht . . 329
Panéiconographie ; Gillot 331
Impression anastatique 331
Chimitypie 333
U. GALVANOPLASTIE.
1 . GALVANISME : découverte ; électricité dynamique ; Pile vol-
taique 335
Electrocbimie . . . • 336
Différentes piles électriques 337
Premiers indices de la galvanoplastie 337
M. Daniell, M. de la Rive 338
2. DÉCOUVKRTE DE LA GALVANOPLASTIE. MM. SpcnCCr . . . 338
M. Jacobi, prof. — Electrodes solubles 340
Combinaisons métalliques employées en galvanoplastie . 342
3. SUBSTANCES DONT ON FORME LES MOULES.
a) Substances conductrices 343
Métal fusible ; cliché 344
b) Substances non conductrices ; cire à cacheter ; cire
vierge ; stéarine ; gélatine 345
Caoutchouc; gutta- percha 346
Colle de poisson ; soufre ; plâtre 347
Matière plastii^ue de M. Sorçl 348
21*
486
Pages
c) JHéiallisation de» moules 349
d) Appareils; MM. Smée, Walker, Becqaerel . . . .351
i. ▲FPLICATION DE LA GALVANOPLASTIE 353
a} Dépôts métalliques adhérents 354
1. Dorage; applications à la gravure 355
Argent; bronze; enivre; etc 356
2 Revêtements métalliques 357
3 Colorations des métaux 357
b) Dépôts métalliques mm adhérents 358
Application à la glyptique ; à la sculpture 359
Bronzage d'objets en cuivre 362
Application à la bijouterie; quincaillerie, etc 363
Aux sciences ; pour Téducation des aveugles .... 364
5* GALVANOPLASTIE APPLIQUÉE A l'aRT DE LA GRAVURE I
tk) Elecirotypie 364
Reproduction de planches gravées en relief et en creux 365
Moyen d'empêcher l'adhérence 367
Procédé du duc de Leuchtenberg 368
Reproduction de planches lisses 368
Reproduction de planches d'acier gravées 368
Caractères d'imprimerie; stéréotypage 369
Vignettes ; gravures sur bois 371
Jdoyens pour remplacer la gravure en relief ou en
creux : Procédé Kobell 37 1
Glyphograpbie ; Palmer, Volmar, Walker et Finmn Didot 372
L'autotypographie : Beslay 373
Gravure sur savon ; Fergusson ........ 373
Procédé Ranftl 374
Stylographie ; Schœler 375
Galvanographie ; Kobell, etc 3~6
b) Eleclrographie 379
Galvanocaustique ; Osann 381
Zincographie galvanique ; Dumont 381
Procédé Devincenzi 382
Gravure électrique ; Priug 383
Moyen de corriger les fautes de gravure ..... 383
Application de Télectro- chimie à la télégraphie . . 386
c) Autographie galvanoplastiquct ou impression naturelle: 387
1. Autographie mécanique; histoire; procédés , . . 388
•167
Pages
2. Autographie chimiqae ; procédés 389
3. Âatographie galvanoplastique ; invention , procédé ;
MM. A. Auer et Worring 390
4. Minéralotypie et minéralographie ^ le docteur Leydolt 393
5. Procédé autographique de M. Prey 393
6. Procédé de Pierre Kyle 394
d) Emploi du magnétisme à la gravure* M. W. Joues . 395
Conclusion ; théorie de la photographie 396
/. HÉLIOGRAPHIE.
A. HÉLIOGRAPHIE 397
i . Origine ; Nicéphore Niepce 397
2. Premier procédé 398
3. Essais de gravure ; — réflexion de l'auteur .... 398
4. Points de vue pris dans la chambre noire 400
3. Mémoire sur la découverte 401
6. Rapports avec Daguerre ; traité conclus entre Niepce
et Daguerre 403
7. Perfectionnement du procédé 405
Recherches faites antérieurement et postérieurement :
Chambre obscure 405
Chlorure d'argent; images et travaux de M.Moser,etc. 407
B. DAGDERBÉOTYPiE ; publication de la découverte . . . 408
1. Procédés, etc. Substances accélératrices, etc. . . . 409
2. Gravure héliographique: Procédés de MM. Donné, Ber-
res, Grove 412
Procédé de M. Fizeau . 415
Procédés de MM. Beuvière, Chevalier, Heller, etc. . .417
Sur pierre lithographique ......... 419
Tithonotypes ; docteur Draper 419
3. Application de la daguerréotypie 420
Portraits 421
Appareil panoramique 422
Anthropologie 422
Objets microscopiques et astronomiques 422
Vues et monuments 423
Daguerréotypie au crayon 423
Statistique de la daguerréotypie 423
Héliochromie 424
Images stéréoscopiques ,.,,.., ^ ., . 494
488
Pages
Transport mr papier des imagei daguerriennes ... - 42$
C. raoTOGEAPHiE lor papier 436
Description da procédé de Wedgewood 436
Essais subséquents et réussite ; H. Fox Talbot .... 429
Rectification de quelques termes employés dans la photo-
graphie 429
Mêmes tentatives faites par d'autres personnes pour obte-
nir des images sur papier par l'action de la lumière . 431
Epreuves directes par M. Bayard 432
L'autophotographie; M. Mathieu 433
Perfectionnements : papier ciré et gélatine. Photographie
sur verre; enduit albumineux. ... . 433
Moyens accélérateun; coUodion et procédé au collodion 434
AppliecUions de la photographie :
1. Photographie sur divenes substances 435
Verre, porcelaine, émail, toile, etc 436
Sur bois pour graveun 437
2. Photographie artistique : vues et monuments .... 437
Vues panoramiques 439
Paysages^ fleurs 439
Reproductions de sculptures 439
Reproductions de gravures; propriété de lavapeur de l'iode 440
Fac-simile photographiques 441
Photographie topographique 441
Reproduction de tableaux 441
Modèles d'hommes et de femmes pour peintres .... 442
3. Photographie scientifiques: météorologie; astronomie;
géologie ; microtypie ; zoologie ; anthropologie .... 442
4. Photographie judiciaire et médicale 444
Scènes populaires ; sinistres, etc 443
5. Photographie industrielle 445
6. Premières publications photographiques 446
7. Dimensions variées des photographies; grandeur natu-
relle ; grandeur microscopique 446
8. Béltochromie : diven procédés 448
Gravure héliographique 450
Procédé Poitevin 451
. Talbot 452
R Niepce de Saint- Victor . . , 454
489
Pages
MM. Rousseau, Nègre, Delessert 458
Procédé Figuier 459
>. Baldus .459
Procédés divers 461
Hélioplastie; Poitevin 462
Photogalvauographie ; Pretsch 463
Procédé Mac Pherson 464
Procédés Salmon et Garnier 464
M. Gueyton 467
Damasquinure héliographique 468
MM. Nègre, Dufresne, Niepce de Saint-Victor .... 468
Litho-photographie : procédé proposé par M. Jobard . . . 468
Inventée par MM. Leniercier, Lerebours, Barreswil, Davanne 469
• Procédé de M. H. Ualleux 469
» Poitevin 470
» Conduché , . 471
Mac Pherson 473
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